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PRISE EN CHARGE POLICIÈRE ET JUDICIAIRE DES VIOLENCES DOMESTIQUES: MÉTHODOLOGIE DUNE PREMIÈRE RECHERCHE EXPLORATOIRE ET PRINCIPAUX RÉSULTATS POLICING AND SENTENCING DOMESTIC VIOLENCE: METHODOLOGY OF AN EXPLORATORY STUDY AND MAIN FINDINGS Véronique Jaquier Résumé Cet article discute la mise en place d’une méthodologie de recherche relevant de la résolution de problèmes et visant à étudier la prise en charge policière et judiciaire des violences domestiques. Loin d’impliquer nécessairement un dispositif complexe, il s’agit de montrer que l’on peut relativement simplement fournir un cadre adéquat permettant l’articulation des données existantes et leur analyse intégrée. Un cadre qui permet également de tenir compte des spécificités – policières et légales – de la prise en charge de la violence domestique en Suisse, un aspect essentiel dès lors que la majorité des recherches réalisées dans ce domaine se sont intéressées aux contextes américain et anglo-saxon. Illustrant la théorie par la pratique, ce texte présente le protocole et les principaux résultats d’une recherche exploratoire réalisée dans le canton de Vaud. Après le compte-rendu des principales caractéristiques des affaires de violences domestiques enregistrées par la police, une attention particulière est portée à la question de la récidive et à l’influence des décisions judiciaires sur ce plan. Notre présentation se termine par une discussion concernant les modalités de surveillance de la violence domestique et la nécessité de continuer – et d’étendre – l’évaluation des mesures policières et judiciaires, reprenant notamment des concepts comme partenariat et observatoire. Abstract This article discusses the implementation of a methodology pertaining to problem-solving and aiming at studying the policing and sentencing of domestic violence. Far from necessarily implying complex measures, we would like to show that one can relatively simply provide an adequate framework allowing the articulation of existing data and their integrated analysis. A framework that also makes it possible to take into account the police and legal specificities of domestic violence in Switzerland, an essential aspect since most research carried out in this field focused on American and Anglo-Saxon contexts. Illustrating theory by practice, this paper presents the development and main findings of an exploratory research carried out in the canton of Vaud. After discussing the main characteristics of domestic violence cases known to the police, a detailed attention is paid to the issue of repeat offending and the influence of court decisions in this matter. Our presentation ends with a discussion on the methods of monitoring domestic violence and the need for continuing - and for extending - the evaluation of police and legal responses, in particular going back to concepts such as observatory and partnership. Doctorante et chargée de recherche à l’Institut de criminologie et de droit pénal, Ecole des sciences criminelles, Université de Lausanne (Suisse). L’auteure tient à remercier chaleureusement le Prof. Olivier RIBAUX pour ses précieux conseils. Des remerciements vont également au Prof. Marcelo F. AEBI qui a supervisé la recherche sur les violences domestiques ainsi qu’aux collaborateurs des différents services qui ont participé à la récolte des données. 1

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PRISE EN CHARGE POLICIÈRE ET JUDICIAIRE DES VIOLENCES DOMESTIQUES: MÉTHODOLOGIE D’UNE PREMIÈRE RECHERCHE EXPLORATOIRE ET PRINCIPAUX RÉSULTATS

POLICING AND SENTENCING DOMESTIC VIOLENCE: METHODOLOGY OF AN EXPLORATORY STUDY AND MAIN FINDINGS

Véronique Jaquier

RésuméCet article discute la mise en place d’une méthodologie de recherche relevant de la résolution de problèmes et visant à étudier la prise en charge policière et judiciaire des violences domestiques. Loin d’impliquer nécessairement un dispositif complexe, il s’agit de montrer que l’on peut relativement simplement fournir un cadre adéquat permettant l’articulation des données existantes et leur analyse intégrée. Un cadre qui permet également de tenir compte des spécificités – policières et légales – de la prise en charge de la violence domestique en Suisse, un aspect essentiel dès lors que la majorité des recherches réalisées dans ce domaine se sont intéressées aux contextes américain et anglo-saxon. Illustrant la théorie par la pratique, ce texte présente le protocole et les principaux résultats d’une recherche exploratoire réalisée dans le canton de Vaud. Après le compte-rendu des principales caractéristiques des affaires de violences domestiques enregistrées par la police, une attention particulière est portée à la question de la récidive et à l’influence des décisions judiciaires sur ce plan. Notre présentation se termine par une discussion concernant les modalités de surveillance de la violence domestique et la nécessité de continuer – et d’étendre – l’évaluation des mesures policières et judiciaires, reprenant notamment des concepts comme partenariat et observatoire.

AbstractThis article discusses the implementation of a methodology pertaining to problem-solving and aiming at studying the policing and sentencing of domestic violence. Far from necessarily implying complex measures, we would like to show that one can relatively simply provide an adequate framework allowing the articulation of existing data and their integrated analysis. A framework that also makes it possible to take into account the police and legal specificities of domestic violence in Switzerland, an essential aspect since most research carried out in this field focused on American and Anglo-Saxon contexts. Illustrating theory by practice, this paper presents the development and main findings of an exploratory research carried out in the canton of Vaud. After discussing the main characteristics of domestic violence cases known to the police, a detailed attention is paid to the issue of repeat offending and the influence of court decisions in this matter. Our presentation ends with a discussion on the methods of monitoring domestic violence and the need for continuing - and for extending - the evaluation of police and legal responses, in particular going back to concepts such as observatory and partnership.

INTRODUCTION

Les violences domestiques préoccupent les chercheurs depuis de nombreuses décennies. Au-delà de la compréhension même du phénomène, la question de sa prise en charge par la société a suscité un grand intérêt, tant de la part du monde scientifique que de la part des acteurs du terrain. Cela s’explique d’un côté parce que les violences domestiques constituent une part importante – et en augmentation selon certains auteurs (Keilitz, 2002) – des affaires traitées par la police et la justice, mais également parce que de certaines études ont mis en évidence un lien entre les formes létales et non létales de violences domestiques (Cusson, Marleau, 2007; Dobash, Dobash, Cavanagh, Medina-Ariza, 2007).

Cet article présente la méthodologie et les principaux résultats d’une recherche sur la prise en charge policière et judiciaire des violences domestiques réalisée dans le canton de Vaud. Face au Doctorante et chargée de recherche à l’Institut de criminologie et de droit pénal, Ecole des sciences

criminelles, Université de Lausanne (Suisse). L’auteure tient à remercier chaleureusement le Prof. Olivier RIBAUX pour ses précieux conseils. Des remerciements vont également au Prof. Marcelo F. AEBI qui a supervisé la recherche sur les violences domestiques ainsi qu’aux collaborateurs des différents services qui ont participé à la récolte des données.

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changement légal (voir ci-après) qui la mettait en devoir de dénoncer la plupart des incidents de violences domestiques au juge d’instruction et à la charge de travail que cela pouvait occasionner, la Police cantonale vaudoise a souhaité investiguer plus en détail les affaires auxquelles elle était quotidiennement confrontée. Sans conteste, ce nouveau cadre légal allait venir modifier la nature du travail policier et ses impératifs opérationnels. C’est de ce questionnement qu’est née la collaboration avec l’Institut de criminologie et de droit pénal qui a accepté d’analyser les données fournies par les services policiers. Parallèlement à cette démarche, il nous a semblé essentiel d’obtenir également des informations concernant les décisions judiciaires rendues dans les affaires de violences domestiques, puisque ces dernières constituent en quelque sorte le prolongement du travail policier. Notre démarche a rencontré un intérêt certain de la part des autorités judiciaires vaudoises, dès lors qu'elles ne disposaient pas de données empiriques sur leur travail dans ce domaine.

La demande de la police et le contexte de notre recherche relèvent ainsi de la résolution de problèmes. Ce principe, appliqué à la criminalité, est un processus analytique qui vise à identifier, en collaboration, certaines situations particulières, illégales ou non, afin de proposer des solutions spécifiquement adaptées au problème et à son contexte. Apparu aux Etats-Unis dans les années 1970 sous la plume de Goldstein (1979, 1990), ce modèle prône un meilleur équilibre entre les dimensions réactives et proactives du travail de la police. Cette notion, tout comme celles d’analyse et de partenariat, apparaît souvent en référence avec le modèle de la police communautaire, modèle devenu de plus en plus courant en regard des conceptions plus traditionnelles du travail policier.

L’approche de résolution de problèmes a souvent fait office de cadre d’analyse de la violence domestique et cela dès les premiers temps (Goldstein, 1979). Plus récemment, nous pouvons par exemple citer les travaux traitant de l’image de la police dans ce type d’intervention et la manière dont celle-ci peut être améliorée ou les textes étudiant différents types de partenariats pouvant exister entre les acteurs du terrain (Barash, Lutz, 2002; Healey, Smith, O'sullivan, 1998; Keilitz, 2002; Reuland, Schaefer Morabito, Preston, Cheney, 2006; Roberts, 2002). Considérée avant tout comme une méthode de travail, la résolution de problèmes se décompose en un nombre donné d’étapes – nombre qui varie selon les auteurs –, mais dont un des traits communs est sans conteste la présence de phases initiales d’analyse de la situation et de récolte de données. Dans cette optique, la perception et la compréhension d’un problème sont fondées non seulement sur les informations qui vont être activement récoltées, mais également sur toutes les expériences passées des acteurs et les connaissances, explicites ou implicites, qu’ils ont construites. Le recueil d’informations ne vise donc pas simplement à satisfaire une forme de curiosité (Leman-Langlois, 2007), mais doit d’être orienté en fonction d’un ou plusieurs objectifs définis de manière coordonnée par les différents intervenants.

Le travail que nous présentons ici prend place dans ce cadre, de la prise de conscience d’une problématique commune à la récolte et à l’analyse d’informations intégrées. Mis en perspective avec les données d’autres recherches, nos résultats laissent apparaître certaines spécificités de la situation helvétique, plaidant ainsi pour une approche contextualisée. Après une présentation du contexte de notre problématique, de la méthodologie adoptée et la mise en exergue de certains résultats, nous concluons sur la question de l’applicabilité de certains concepts – tels que les

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notions de partenariat et d’observatoire – à la problématique de la prise en charge des violences domestiques.

LA PRISE EN CHARGE DES VIOLENCES DOMESTIQUES

Dans les paragraphes suivants, nous souhaitons brièvement poser le contexte de notre recherche qui s’insère à la fois dans la lignée des recherches sur les réponses officielles à la violence domestique et dans la spécificité du contexte législatif suisse et vaudois.

De la non-intervention à la poursuite d’office

Juges et policiers sont conjointement impliqués dans la prise en charge et la lutte contre les violences domestiques, cependant, au cours des dernières décennies, leur travail a beaucoup évolué. Dans les années 1970, les policiers avaient généralement pour consigne de calmer la situation, d’écouter le point de vue des protagonistes et de rediriger la victime vers des services spécialisés. Le maintien de l’ordre et l’application de la loi apparaissaient comme secondaires dans ce domaine (Cusson, 2000). Un schéma identique caractérisait, en Suisse, les premières actions menées dans le cadre de la lutte contre la violence domestique. Ces dernières mettaient essentiellement en avant l’importance de la mise sur pied de la prise en charge des victimes visant à fournir accompagnement, conseils, voire si nécessaire hébergement. A ce moment-là, l’idée de sanctionner – voire d’incapaciter – l’agresseur n’était pas à l’ordre du jour. D’autres auteurs (Hirschel, Hutchison, Dean, Mills, 1992; Robinson, 2000) parlent même de la «non-intervention» comme une des règles implicites guidant les actes policiers dans le domaine de la violence domestique. Dans un certain sens, cette attitude constituait un miroir de l’attitude ambivalente de la société qui peinait à considérer la violence domestique comme ne relevant pas uniquement de la sphère privée.

Peu à peu, l’efficacité des approches de type non interventionniste s’est cependant vue de plus en plus discutée. Ce fonctionnement a été remis en question dans les années 1980, par la volonté de passer d’un modèle «thérapeutique» à un modèle de réponse plus formel – plus punitif – basé sur les principes de la prévention spéciale et de l’incapacitation. Avec le temps, on a commencé à considérer que les mesures existantes n’étaient pas suffisantes et qu’il fallait obtenir «l’engagement non seulement de l’Etat social, qui soutient des centres de consultation et des maisons de femmes, mais aussi de l’Etat en tant qu’il détient le monopole de la lutte contre la violence» (Schwander, 2006, p. 9). Toutefois, même si un changement de paradigme avait été adopté, rien ne permettait de prévoir quelle serait la réponse policière et/ou judiciaire la plus adéquate. Alors même qu’il leur était demandé d’être plus punitifs, policiers et juges ne disposaient pas d’informations leur permettant d’anticiper les éventuels effets bénéfiques – ou négatifs – que pourraient avoir de telles politiques, qu’il soit question de protection des victimes ou de prévention de la récidive (Maxwell, 2005; Maxwell, Garner, Fagan, 2001; Roberts, 2002, chapitres 6 et 7; Schwander, 2006).

C’est dans ce contexte que prirent place les premières recherches sur les réponses officielles à la violence domestique, l’expérience la plus connue dans ce domaine étant certainement l’expérimentation systématique du Minneapolis Domestic Violence Experiment (Sherman, Berk, 1984). Cette étude visait à déterminer laquelle des réponses suivantes – arrestation du suspect, expulsion du domicile ou entretien de conseil – contribuaient à limiter la récidive. Dès lors que les

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premiers résultats obtenus à Minneapolis concluaient que l’arrestation de l’auteur constituait une excellente solution, on a observé une prolifération des politiques de ce type dans la plupart des Etats américains puis s’étendant progressivement à d’autres régions du monde. Cependant, après ces résultats initiaux, les réplications ont produit des conclusions moins convaincantes (Belknap, Potter, 2005; Gillis et al., 2006; Henning, Feder, 2005; Maxwell et al., 2001; Mears, 2003; Mears, Carlson, Holden, Harris, 2001; Pence, Shepard, 1999; Sherman, Schmidt, Rogan, 1992; Ventura, Davis, 2005). L’arrestation d’office comme solution idéale de prévention de la récidive a alors perdu quelque peu de sa force et les résultats des recherches réalisées dans ce domaine peinent à faire l’unanimité. La question est aujourd’hui de savoir dans quelle mesure certaines réactions – policières, judiciaires, sociales ou parfois des réactions combinées de ces différentes institutions – sont plus susceptibles que d’autres de diminuer la récidive.

De nombreux types de prise en charge inspirés de ces premiers travaux sont aujourd’hui proposés de par le monde, des politiques d’arrestation obligatoire du suspect à celles prônant l’instauration d’une surveillance ou la poursuite d’office comme c’est le cas depuis peu en Suisse. Dans un certain sens, il existe autant d’arguments pour la poursuite d’office des violences domestiques que d’arguments contre; tout dépend de quel point de vue l’on se place. Derrière l’idée d’une poursuite d’office se cache inévitablement la volonté de protéger la victime de nouvelles agressions. La justice prend en quelque sorte à son compte la responsabilité de la poursuite pénale. La dimension symbolique d’une telle politique est également importante: ce message vise à démontrer que la violence dans la sphère domestique n’est pas différente d’autres formes de violence, qu’elle constitue une violation du droit au même titre que ces dernières et ne peut dès lors être tolérée. Par ce message, la société contemporaine cherche à se distancer d’un passé pas si lointain où elle cherchait avant tout à ne pas se mêler de ces affaires dites privées. A l’opposé, certaines critiques tendent à voir cette prise de pouvoir de la justice comme dépossédant la victime de son autonomie (Belknap, Potter, 2005; Peterson, Dixon, 2005). Certains auteurs considèrent également que l’intervention du contrôle social formel aurait pour effet d’augmenter le risque de nouvelles violences et, par conséquent, de mettre la victime en danger. Pour ces opposants, la fonction préventive de la poursuite d’office n’ayant pas été démontrée de manière concluante, elle ne se justifie pas. De plus, selon eux, les aspects concrets de la poursuite d’office ne sont pas à négliger: si toutes les affaires de violences domestiques sont dénoncées au juge d’instruction, il va sans dire que cela se traduira par une surcharge de travail pour ce dernier1.

Au final, il existe cependant tant de différence entre les programmes, les politiques et les critères d’évaluation, qu’il est difficile de comparer entre elles différentes études et de généraliser leurs conclusions (Gauthier, Laberge, 2000; Mears, 2003; Mears et al., 2001). C’est l’une des raisons qui, selon nous, montre la nécessité d’étudier empiriquement le contexte suisse, et plus particulièrement vaudois, de la prise en charge des violences domestiques. Notre recherche s’inscrit dans ce cadre, même si elle ne constitue pas une expérimentation randomisée destinée à asseoir l’efficacité d’un type de réaction au détriment d’une autre. Il s’agit ici de dresser un premier bilan de la situation, dès lors que nous ne disposions pas, jusqu’à présent, de données empiriques. Mais, avant de détailler notre méthodologie, nous résumons très brièvement les principales caractéristiques légales de la prise en charge des violences domestiques pour le lecteur peu familier du contexte helvétique.

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Le contexte légal suisse et vaudois

L’ensemble de la recherche présentée ici est à considérer dans le contexte légal suisse et vaudois suivant l’entrée en vigueur, le 1er avril 2004, de la Loi fédérale sur la poursuite des infractions entre conjoints ou partenaires2 modifiant le Code pénal [CP3]. Cette loi introduit principalement «la poursuite d’office en cas de lésions corporelles simples, de voies de fait réitérées et de menaces commises entre partenaires mariés ou formant une communauté de vie»4 et supprime l’exception à la poursuite d’office de la contrainte sexuelle et du viol commis dans le cadre du mariage. Le législateur a, par ailleurs, pris soin de définir ce qui, à son sens, constitue un couple, à savoir en premier lieu, les couples mariés, mais également les partenaires hétérosexuels ou homosexuels non mariés mais faisant ménage commun. Les modifications du 1er avril 2004 étendent la protection aux couples divorcés, jusqu’à un an après le prononcé du divorce. Dans le cas de partenaires non mariés, la protection s’étend également jusqu’à une année après la fin du ménage commun. Cette extension est justifiée dans la mesure où de nombreuses études démontrent que le risque de subir des violences est particulièrement accru lors de la séparation et dans le temps qui la suit (par exemple Brownridge, 2006; Gillioz, De Puy, Ducret, 1997; Hotton, 2001; Johnson, Ollus, Nevala, 2008; Killias, Simonin, De Puy, 2005; Kurz, 1996; Walker, Logan, Jordan, Campbell, 2004).

La poursuite d’office de certains délits dans le cadre du couple soulève toutefois une crainte qui n’a pas été négligée lors de l’élaboration du texte légal. Bien que reconnaissant que les auteurs de violences domestiques doivent être punis pour leurs actes, dans certains cas, le législateur a considéré qu'une procédure pénale pouvait s’avérer nuisible à la situation de la personne que l’on cherche précisément à protéger. Or, dans les cantons connaissant le principe de la légalité des poursuites5, l’action publique serait déclenchée dès que les autorités de poursuites auraient connaissance d’un cas possible de violences domestiques. C’est pourquoi le législateur a souhaité introduire l’article 55a CP permettant, en cas de lésions corporelles simples, de voies de fait réitérées, de menaces ou de contrainte au sein du couple, de suspendre provisoirement la procédure à la demande de la victime ou avec l’accord de cette dernière. Cette possibilité est exclue pour le viol et la contrainte sexuelle, car il s’agit de délits graves pour lesquels l’intérêt public de la poursuite pénale prime sur l’intérêt privé de la victime. S’agissant d’une formule potestative, il appartient toutefois au juge de déterminer, au cas par cas, si l’intérêt public à la poursuite pénale l’emporte ou non sur l’intérêt privé de la victime à ce que la procédure soit suspendue. Le juge doit donc s’assurer que la victime qui demande, ou accepte, la suspension de procédure le fait de son plein gré et en connaissance de cause. Cette suspension permet en quelque sorte d’imposer à l’auteur un «délai d’épreuve», puisque la victime dispose de six mois pour la révoquer, contraignant alors les autorités de poursuites à reprendre la procédure jusqu’à son terme. Passés ces six mois sans reprise de la procédure, il est mis fin à cette dernière par une ordonnance de non-lieu définitive6.

MÉTHODOLOGIE

Début 2004, anticipant les changements légaux décrits ci-dessus, la Police cantonale vaudoise a adapté ses règles d’enregistrement statistique des affaires traitées et introduit une nouvelle catégorie dans la codification des cas de violences domestiques. Ainsi, ces derniers sont-ils identifiés – et identifiables – comme tels et non plus uniquement en fonction de l'infraction pénale

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qu’ils constituent. Ce changement technique offre la possibilité – fort intéressante tant pour la police elle-même que pour la recherche suisse dans le domaine des violences domestiques – de dresser un portrait des situations de violences domestiques auxquelles les autorités sont aujourd'hui confrontées. En effet, si nous disposions de données générales concernant la violences envers les femmes en Suisse (Gillioz et al., 1997; Killias et al., 2005), rien ne nous permettait de dire si les situations qui parvenaient à la connaissance de la police étaient identiques ou différentes, ni dans quelle mesure.

La recherche que nous présentons compte deux volets: un premier volet consacré à l’analyse des données de la police et un deuxième volet consacré à l’analyse des données relevant de la justice vaudoise. Les périodes de référence de ces deux recherches sont sensiblement différentes comme nous l'expliquons ci-après.

La demande initiale de la police portait sur la période avril 2004-2005; une fois les résultats analysés et au vu de l'intérêt posé par la problématique, la police a renouvelé plusieurs fois sa demande, accompagnée d'une participation financière, ce qui a étendu la période d'analyse jusqu'à fin 20077. Ainsi, entre avril 2004 et décembre 2007, la police a-t-elle enregistré 3145 affaires classifiées comme des violences domestiques. Différentes informations sont récoltées ayant trait tant aux caractéristiques des incidents qu’à celles des victimes (N=2472) que des auteurs (N=2454). Certains de ces auteurs (n=461) apparaissant à de multiples reprises dans les données de police, nous avons examiné plus attentivement leur profil afin de voir si certaines de leurs caractéristiques les distinguaient des auteurs identifiés à une seule reprise.

Les démarches entreprises dès le départ du projet auprès de l'ordre judiciaire n'ont pas eu le même devenir, l’obtention des données judiciaires s'étant avérée plus complexe. Etant donné qu’il n’existe pas d’interface commune entre les données policières et judiciaires, les affaires ont dû être recherchées individuellement dans le registre de la justice vaudoise. Bien qu’initiée en même temps que le volet police, cette deuxième phase de la recherche a duré plus longtemps et n'a pu porter que sur les données policières initiales, à savoir les 1457 incidents enregistrés entre avril 2004 et décembre 2005; l’analyse des années suivantes n’a pu être entreprise pour le moment. Enfin, l’étude des décisions pénales ne se prêtant pas facilement à une approche quantitative standardisée (voir ci-après), nous n’avons pu obtenir le type de décision rendue que pour 1048 affaires; ces données sont présentées dans la deuxième partie de nos résultats.

Enfin, nous nous sommes également intéressés aux affaires ayant fait l’objet d’une suspension de procédure, afin de voir quelle proportion de cas cela représentait et d’étudier les conséquences de cette suspension sur une éventuelle récidive de l’auteur. Cette information figurant uniquement dans les dossiers «papier» et non sous forme informatisée, nous n’avons pu examiner l’ensemble des affaires et avons aléatoirement sélectionné un sous-échantillon d’auteurs simples et de récidivistes. Au final, nous avons été en mesure d’analyser 350 dossiers correspondant à nos critères et se trouvant aussi bien dans les archives des offices d’instruction pénale que dans celles des différents tribunaux d’arrondissement du canton.

Limites

Nous tenons à rappeler que les données présentées ne constituent pas une analyse du phénomène de la violence domestique en général, mais discutent les incidents de ce type enregistrés dans la statistique vaudoise de police et les décisions judiciaires rendues pour ces

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affaires. Comme toute analyse de la criminalité dénoncée à la police et portée à la connaissance de l’ordre judiciaire, il ne s’agit là que d’une fraction du phénomène. La recherche a montré que les violences domestiques sont généralement peu dénoncées à la police (Gillioz et al., 1997; Killias et al., 2005; Renauer, Henning, 2006). En effet, nombreuses sont les raisons qui peuvent amener une victime de violences domestiques à ne pas dénoncer sa situation (peur des représailles, refus d'intrusion dans la sphère privée, désir de protéger l'agresseur, etc.; voir par exemple: Felson, Messner, Hoskin, 1999; Felson, Messner, Hoskin, Deane, 2002; Gartner, Macmillan, 1995). Une étude des violences domestiques et de la récidive enregistrée fondée, comme la nôtre, uniquement sur des données de police et de justice présente de facto certaines limitations.

Par ailleurs, les données policières d’intervention sont peu adaptées à l’étude des caractéristiques des auteurs et des victimes, puisque ce n’est pas là leur fonction première. Le risque qu’il y ait des imprécisions ou des données manquantes existe et les mêmes remarques s’appliquent aux données judiciaires. Il n’est pas aisé de standardiser les informations contenues dans les dossiers pénaux ainsi que les décisions rendues par les autorités. Il arrive également souvent que ces décisions prennent en compte des éléments qui dépassent l’affaire concernée au départ, comme la prise en compte d’antécédents ou la jonction de différentes affaires. Dès lors, certains cas ont dû être écartés. Enfin, l’absence d’interface commune a quelque peu compliqué notre travail et nous n’avons pas toujours été en mesure d’identifier, dans les données de justice, les auteurs dénoncés par la police et les faits incriminés. Les raisons de cette absence sont à rechercher à la fois du côté du principe de séparation des pouvoirs, mais également en lien avec certaines questions liées à la protection des données. Cependant, expérience faite, nous avons également beaucoup appris de ces difficultés et nous pensons que ces obstacles pourraient être limités, dès lors qu'il existe une volonté politique de prendre en main cette question.

RÉSULTATS

Nous présentons ci-après quelques-uns des principaux résultats mis en évidence par notre recherche. Par ce biais, nous souhaitons montrer que l’emploi d’une méthodologie simple, principalement fondée sur des ressources déjà existantes, permet rapidement d’obtenir des résultats pertinents pour l'analyse contextualisée des violences domestiques dénoncées. Non seulement parce qu’il s’agit de données habituellement peu – voire pas – exploitées, mais également parce qu’elles permettent d’appréhender les prises en charge policière et judiciaire dans leur continuité.

Nous commençons par quelques informations concernant les affaires de violences domestiques portées à la connaissance de la police, leur nature et les caractéristiques des protagonistes impliqués, puis nous nous intéressons aux aspects judiciaires, plus spécifiquement sur la question de la récidive enregistrée et de son rapport avec certaines dimensions légales.

Incidents

Nous avons analysé les 3145 incidents classés comme des violences domestiques et enregistrés par la police entre avril 2004 et décembre 2007. En moyenne, nous comptons 73.4 incidents par mois durant la première année, 69 pour les années suivantes. Chaque acte de violence est qualifié par la police; de manière attendue, ces cas relèvent principalement du domaine de la violence physique. Dans la plupart des cas (76.9%), l’incident a été qualifié de voies de fait, tandis que dans

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7.4% des incidents, la gravité de l’acte était supérieure (lésions corporelles simples). Les lésions corporelles graves représentent 0.3% des affaires, tandis que nous observons 10.4% de menaces et 3.1% d’actes qualifiés d’injures. Tout juste 1% des incidents constituent des infractions à l’intégrité sexuelle.

Auteurs et victimes

Les auteurs sont majoritairement des hommes (89.9%), tandis qu’ils ne sont que faiblement représentés parmi les victimes (11.2%). En moyenne 60% des auteurs et des victimes sont mariés, tandis que les couples séparés ou divorcés représentent un peu plus de 15% de chacun des groupes. Enfin, auteurs et victimes appartiennent à la même tranche d’âge, mais les victimes sont sensiblement plus jeunes (35.7 ans en moyenne contre 38.1 ans pour les auteurs).

En ce qui concerne la nationalité des auteurs et des victimes connus de la police, nous comptons 60.7% de ressortissants étrangers. Les nationalités les plus représentées sont celles qui sont le plus représentées dans la population résidente, à savoir les ressortissants de l’Union Européenne, principalement des ressortissants portugais et italiens. Les autres protagonistes sont surtout des ressortissants originaires des républiques de l’ex-Yougoslavie et des ressortissants africains. Dans l’ensemble, les deux partenaires sont de nationalité suisse dans 21.1% des cas, tandis que les couples dont les deux partenaires sont des ressortissants étrangers comptent pour 43.2% des incidents. Les couples «binationaux» suisse-étranger représentent 33.1% des cas. Nous pouvons donc affirmer que les affaires de violences domestiques portées à la connaissance de la police cantonale vaudoise concernent majoritairement des ménages dont au moins l'un des membres est nationalité étrangère; ce type de ménage représentant environ 20% des ménages suisses selon le dernier recensement fédéral (2000). Des résultats similaires ont été observés à Zurich (Steiner, 2004).

La question de la nationalité des auteurs et victimes de violences domestiques connus de la police constitue le premier élément sur lequel nous souhaitons nous arrêter. La nationalité est un indicateur socialement et politiquement fortement connoté. Dans le contexte actuel, toute référence à la nationalité d’un auteur d’infraction a généralement pour fonction l’explication de son comportement par le simple fait qu’il n’est pas de nationalité suisse. Or, au vu de la signification de cet indicateur dans les données de police, son apport théorique est limité. En effet, les données relatives à la nationalité des auteurs et victimes de violences domestiques ne nous fournissent aucune information sur les modalités de séjour de ces résidents, le nombre d’années passées en Suisse ou la qualité de leur intégration. Toute explication culturelle de la violence domestique basée sur de telles données a donc peu de sens. Par contre, cet aspect est très intéressant en regard des résultats des autres statistiques de la violence domestique, qu’il s’agisse de celles des sondages ou de celles des services sociaux ou médicaux en général. En effet, nos données de police se distinguent non seulement du sondage suisse sur la violence envers les femmes (Killias et al., 2005) qui ne constate pas une victimisation domestique accrue des ressortissantes étrangères, mais également de certaines recherches qui concluent que les femmes migrantes hésitent davantage à contacter la police en cas de violences domestiques (Condon, 2005; Jaspard et al., 2002, chapitre 7). De ce point de vue, ces données policières posent un exercice d’interprétation assez intéressant.

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Nous pensons que ce n’est pas la culture en elle-même qui explique la violence, mais souvent plusieurs caractéristiques de la situation des migrants dans leur société d’accueil. Si nous ignorons encore beaucoup de choses sur la manière dont certains facteurs culturels et ethniques interagissent avec la violence domestique, il apparaît cependant que les femmes appartenant à certaines minorités sont peu enclines à consulter les services d’aide (Gillis et al., 2006; Grossman, Lundy, 2007; Miller, Krull, 1997; Raj, Silverman, 2002). De plus, lorsque les victimes ne parlent pas la langue du pays d’accueil, elles n’ont souvent pas connaissance de leurs droits et des soutiens existants (Grossman, Lundy, 2007; Raj, Silverman, 2002). Nos données sont cohérentes avec l’idée d’une certaine précarité – sociale, financière et personnelle – des victimes étrangères identifiées par la police. Cette précarité pourrait expliquer un recours plus fréquent aux autorités policières ainsi que certaines différences entre nationalités. Cette précarité peut encore être accentuée pour les victimes dont l’autorisation de séjour dépend de leur statut d’époux ou d’épouse, sans parler de la situation des victimes dont le séjour dans le pays est illégal. A contrario, les victimes de violences domestiques socialement intégrées seraient à même d’avoir accès à d’autres formes de soutien, formel et/ou informel, voire plus susceptibles d’agir elles-mêmes, tandis que les victimes qui possèdent moins de liens avec la société conventionnelle – voire qui sont moins en conformité avec cette dernière – seraient plus susceptibles de faire appel à des agents du contrôle social formel, comme la police, pour résoudre un conflit.

Les valeurs traditionnelles concernant le mariage, mais également les rôles sexués que sont amenés à y tenir les femmes, de même que certaines croyances religieuses déterminent les attitudes des victimes de violences domestiques. Ainsi, pour certaines communautés, le maintien de l’unité familiale a-t-il une grande importance à la fois socialement et culturellement, que les partenaires soient ou non heureux en ménage. Certaines victimes demeurent dans une relation abusive, car cela s’avère préférable au fait d’amener la honte sur elles et leur famille en disant ce qui se passe voire en demandant le divorce (Grossman, Lundy, 2007). Nous pouvons également faire l’hypothèse que, dans certaines communautés, les victimes croient pouvoir – devoir – régler la situation au sein de leur famille ou de leur groupe et que, pour cette raison, elles ne font pas appel à la police. De la même manière que toutes les victimes n’ont pas la même latitude pour parler, il est possible que cela s’avère d’autant plus difficile – et peut-être dangereux – au sein de certaines communautés étrangères; cela expliquerait en partie pourquoi certaines nationalités sont surreprésentées dans nos données de police. Des facteurs tels que le statut d’immigrant, la durée de séjour dans le pays d’accueil, le statut socioéconomique ainsi que le statut marital sont des

1 Pour tenter de résoudre ce problème de surcharge, mais également dans l’idée de « spécialiser » la prise en charge judiciaire des violences domestiques, certains pays ont introduit des tribunaux consacrés uniquement aux affaires de violences domestiques. Cela existe notamment aux Etats-Unis (Domestic Violence Court - par exemple HELLIng, 2003), en Angleterre ou encore en Espagne.

2 Recueil officiel du droit fédéral suisse [RO] 2004 1403 1407 (http://www.admin.ch/ch/f/as/index.html); Feuille fédérale [FF] 2003 1750 1779 (http://www.admin.ch/ch/f/ff/index.html).

3 Recueil systématique du droit fédéral suisse [RS] 311.0 (http://www.admin.ch/ch/f/rs/rs.html).4 FF 2003 1751.5 Principe imposant aux autorités de poursuite pénale l’obligation de traiter pénalement toute affaire

portée à leur connaissance. Ce principe s’oppose à celui de l’opportunité des poursuites permettant aux autorités de renoncer à poursuivre certaines affaires, notamment les bagatelles.

6 L’ordonnance de non-lieu définitive constitue un jugement d’acquittement et permet donc l’application du principe ne bis in idem.

7 Entre temps, la recherche a une nouvelle fois été prolongée; les données 2008 sont en cours d'analyse.

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facteurs à prendre en considération, mais aucun d’entre eux n’est suffisant en soi pour expliquer le comportement de recherche d’aide (Abu-Ras, 2007)8.

Finalement, nous concevons également, pour une partie des migrants, non seulement un rapport différentiel à la problématique de la violence domestique, mais également un rapport différentiel à la police et à son intervention dans la famille; une différence culturelle dans le rapport à la police et aux informations qui relèvent de la sphère privée. Le contact avec les autorités policières est en partie lié à l’image de la police dans le pays d’origine – Peut-on ou non obtenir de l’aide en s’adressant à la police ? –, mais également fonction du niveau d’intégration dans le pays d’accueil (Grossman, Lundy, 2007). D’où l’importance – et la pertinence – d’étudier ces aspects dans leur contexte afin de permettre la mise en place de réponses adaptées aux caractéristiques de la population à laquelle elles s’adressent.

Décisions judiciaires

Il apparaît clairement que, dès lors que la dénonciation de toute affaire de violence domestique devient obligatoire, une partie du pouvoir discrétionnaire initialement entre les mains de la police est transférée dans celles des autorités de poursuites (sur ce sujet, voir par exemple Edwards, 1989; Gauthier, Laberge, 2000; Robinson, 2000). Les arguments originellement invoqués pour soutenir l’idée que la police n’avait pas à se mêler des affaires de violences domestiques se retrouvent quelque peu à l’identique dans les arguments avancés par les autorités judiciaires pour expliquer une certaine réluctance à poursuivre pénalement des affaires de ce type. A cela s’ajoute également l’idée que, trop souvent, la victime ne souhaite pas qu’il y ait des poursuites, que fréquemment elle retire sa plainte ou revient sur ses dires durant l’audition ou encore que, dans le fond, des poursuites pénales ne feraient qu’aggraver la situation.

Même s’il existe de nombreuses recherches sur le sujet, il paraît difficile de se faire une idée du pourcentage d’abandon de poursuites auquel on devrait «s’attendre» dans les affaires de violences domestiques. Nous ne disposons effectivement pas de données suisses et les données étrangères varient fortement d’une recherche à l’autre, au vu de la diversité de leur méthodologie. Dans une recherche d’Hirschel et Hutchinson (2001), 64.4% des affaires n’ont pas été pénalement poursuivies – même proportion chez Ventura et Davis (2005, 67.6%) – tandis que le pourcentage tombe à 20.6% dans la recherche d’Henning et Feder (2005) réalisée dans une ville connaissant un procureur affecté uniquement aux affaires de violences domestiques. Concrètement, les réalités structurelles du système de justice pénale rendent difficile la poursuite des affaires de violences domestiques. Il s’agit notamment de la lenteur – parfois relative – du système lui-même, mais aussi de la confrontation victime-agresseur et de la difficulté à établir les faits (Pence, Mcdonnell, 1999; Peterson, Dixon, 2005). La littérature montre que l’abandon des poursuites est davantage déterminé par des facteurs légaux, tels que les antécédents, la gravité de l’acte, ou la nature des accusations que par les caractéristiques sociodémographiques de l’auteur et de la victime. Cela à l’exception des facteurs relatifs à la nature de la relation auteur-victime, les situations impliquant des couples séparés ou divorcés tendant à être plus fréquemment instruites. Assez logiquement, les affaires concernant des violences dites mineures – c’est-à-dire la forme de violence la plus courante dans le domaine de la violence domestique – présentent de plus grandes

8 Sur ce sujet, voir également: Damba et Anglada (2005), Eggenberger et Haeberli (2005), Minder (2005), Reetz (2005) ou Vasconcelos (2005).

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probabilités d’être classées par les autorités (Henning, Feder, 2005; Hirschel, Hutchison, 2001; Houry, Reddy, Parramore, 2006; Martin, 1994; Ventura, Davis, 2005).

Que montrent nos données ? Nous avons analysé les décisions rendues dans le cadre des affaires de violences domestiques enregistrées par la police jusqu’à fin décembre 2005 (N=1457). Le tableau ci-après détaille les différentes décisions rendues pour les cas où cette information était disponible (N=1048).

Tableau — Décision judiciaire rendue, par incident (2004-2005) (N=1048)

Décision judiciaire n % intervalle de confiance 95%Abandon des poursuites pénalesrefus de suivre 78 7.44 5.85 – 9.03non-lieu 765 73.00 70.31 – 75.68Poursuites pénalesordonnance de condamnation 101 9.64 7.85 – 11.42renvoi au tribunal 104 9.92 8.11 – 11.73

Nous voyons que, dans la majorité des cas, les poursuites pénales ont été abandonnées, soit par une décision de non-lieu (73.0%) soit par un refus de suivre (7.4%); seuls 19.6% des dénonciations ont été pénalement poursuivies.

Afin de prendre en considération la gravité objective de l’incident, nous avons distingué les différents actes accomplis selon qu’ils appartenaient à la catégorie légale des crimes, des délits ou des contraventions. S'il apparaît que les crimes tendent à être, plus fréquemment que les contraventions, pénalement poursuivis, la différence observée n'est pas significative9.

En ce qui concerne les caractéristiques de l’auteur, si le sexe n’influence pas la décision judiciaire, l’état civil a une influence significative. Les poursuites pénales sont plus fréquentes lorsque l’auteur est séparé ou divorcé (27.9% des cas, contre 14.8%). L’âge de l’auteur est également un facteur pertinent puisque nous observons que les poursuites pénales sont plus souvent appliquées envers des auteurs âgés de plus de 45 ans que pour les autres. Par contre la nationalité de l’auteur ne joue aucun rôle significatif dans la décision judiciaire.

Suspension de la procédure pénale

Parmi les dossiers que nous avons consultés (N=350), 37.4% ont fait l’objet d’une suspension de procédure pénale; la suspension a également été prononcée peu avant ou durant l’audience au tribunal dans 2.9% des cas. A la lecture des dossiers, il apparaît que la suspension n’aurait été explicitement refusée par la victime que dans 2.3% des cas.

Nous n’observons pas de lien significatif entre la gravité objective des faits et la suspension, par contre il apparaît que cette dernière est plus fréquemment prononcée lorsque les partenaires sont mariés (41.8% contre 27.6%). Les auteurs âgés de plus de 40 ans bénéficient également plus souvent d'une suspension de procédure.

9 L’ensemble des analyses de ce travail visant à tester le lien existant entre deux variables ont été effectuées en utilisant le test statistique du Chi-carré et en suivant les règles classiques de la statistique; un seuil de alpha =. 05 a été adopté pour la significativité des relations.

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La majorité des affaires suspendues ont été classées sans reprise de procédure. Le juge n'a été averti d'une récidive que dans 13.5% des cas, mais nous ne pouvons cependant exclure que des actes de violences aient eu lieu en-dehors de toute connaissance d’une autorité officielle.

Retrait de plainte

L'analyse des dossiers, initialement destinée à l'étude de la suspension de procédure, nous a également permis de récolter des informations sur la question des retraits de plainte, argument souvent utilisé pour soutenir l’introduction de la poursuite d’office des affaires de violences domestiques en Suisse et dans d’autres pays.

Parmi les dossiers étudiés (N=350), nous observons que 47.8% des plaintes pénales sont retirées sans condition, tandis que 17.8% sont retirées dans le cadre d’une procédure de suspension. Initialement, les affaires de violences domestiques sont majoritairement instruites d’office (77.7% des cas). Dans plus de la moitié de ces situations, la poursuite d’office s’accompagne d’une plainte pénale de la victime, tandis que les affaires instruites uniquement sur plainte pénale représentent 22.3% des cas étudiés. Nous observons cependant que les juges d’instruction procèdent parfois (19.1% des cas) à une révision du type d’instruction. Au final, ce ne sont plus que 59.4% des cas qui sont poursuivis d’office, tandis que les affaires poursuivies uniquement sur plainte représentent alors 40.6% des cas, soit presque le double du pourcentage initial.

Concrètement, ce changement est principalement occasionné par une requalification des voies de faits qualifiées (i.e. répétées) en voie de faits simples ce qui entraîne pour le juge une impossibilité à poursuivre d’office. Dans la Loi fédérale sur la poursuite des infractions entre conjoints ou partenaires, les voies de fait constituent en effet un cas particulier puisque c’est leur chronicité qui détermine le type de poursuites. La qualification initiale des faits est effectuée au niveau de la police qui décide notamment si les événements pour lesquels elle a été appelée répondent aux conditions de la poursuite d’office. Or, les policiers vont disposer d’une plus grande souplesse pour former leur décision que celle dont dispose le magistrat. Ce dernier doit prouver le caractère répétitif des voies de faits s’il veut pouvoir justifier une poursuite d’office. Il doit donc disposer de preuves et, dans ce domaine, la seule parole de la victime n’est pas toujours reconnue comme suffisante. Dans ce type de situation, nous constatons que, lorsque les conditions de la poursuite d’office ne sont plus remplies, mettant ainsi la victime au demeurant de décider des suites de l’affaire, le choix de porter plainte intervient dans moins de la moitié des cas (42.2%). Ce résultat inattendu est un argument – a priori inattendu – qui soutient la pertinence d’une analyse contextualisée de la prise en charge des violences domestiques, puisqu’il met en évidence un aspect problématique de la réponse officielle, aspect qui mériterait une plus grande attention.

Discuter de la décision rendue nous conduit immanquablement à aborder la question de son influence, pour ne pas dire de son «efficacité», ce que nous nous proposons de faire dans le titre suivant en commençant par une brève description de ces incidents répétés et des protagonistes concernés.

Récidive enregistrée par la police

Nous avons porté une attention particulière aux auteurs apparaissant à de multiples reprises dans les données de police, ainsi qu’à la nature de la prise en charge judiciaire les concernant. Le pourcentage d’auteurs identifiés à plus d’une reprise augmente très légèrement à mesure que l’on

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allonge la période d’observation, 15.3% si l’on considère les données jusqu’à fin 2005, 18.8% si l’on étend l’analyse à fin 2007. Ainsi certains auteurs apparaissent-ils jusqu’à cinq reprises en l’espace d’une année.

Parmi les 2454 auteurs identifiés, 14.3% récidivent dans les douze mois suivant le premier acte de violence domestique connu, 16.1% dans les 18 mois et 17.4% dans les 24 mois. Sur l’ensemble des données 2004-2007, l’intervalle de temps moyen avant récidive est de 8.7 mois; le risque de récidive est fortement marqué pour le mois suivant l'intervention de la police comme cela a souvent été mis en évidence (Lloyd, Farrell, Pease, 1994).

L’étude des caractéristiques des récidivistes limitée à la période 2004-2005 ne donne pas de résultats significatifs, cependant dès lors que l’on allonge la période d’observation, nous voyons se dessiner quelques tendances. Dans l’ensemble, les auteurs récidivistes se distinguent peu des auteurs simples sur la base de leurs caractéristiques propres, à l’exception du fait qu’ils sont sensiblement plus jeunes (16.8% des moins de 40 ans contre 10.9%, Phi:. 084); un résultat qui se retrouve dans d’autres recherches (Maxwell et al., 2001; Ventura, Davis, 2005). Les hommes sont plus fréquemment identifiés pour des violences domestiques répétées dans les données policières; cela n’est pas surprenant étant donné le fait que, depuis 2004, chaque année en moyenne 90% des auteurs sont des hommes. Même si une relation significative apparaît dès lors que l’on considère une plus grande période de temps – et par conséquent un plus grand nombre d’individus – elle demeure très faible (Phi: .068).

La nationalité de l’auteur ne joue aucun rôle dans la probabilité d’une récidive, tandis que le fait que la victime soit de nationalité étrangère constitue un léger facteur de risque (12.1% contre 16.2%, Phi: .057; voir plus haut la discussion sur la question de la nationalité). Les violences répétées tendent également à être plus fréquentes lorsque les protagonistes sont séparés ou divorcés, même si la relation mise en évidence reste faible et disparaît à mesure que l’on allonge la période d’observation. Ce résultat coïncide avec l’image de la séparation et de la période qui la suit immédiatement comme un temps particulièrement à risque pour la survenue de violences domestiques. Enfin, et toujours selon la littérature, les auteurs sans emploi seraient également plus susceptibles de récidiver (Felson, Ackerman, Gallagher, 2005; Maxwell et al., 2001). Ce résultat n’a cependant pas été mis en évidence dans l’analyse des données de police dès lors que ces dernières se référent à la profession de la personne, que cette dernière soit ou non en emploi. Au final, il semble bien que les auteurs récidivistes ne se distinguent que peu des auteurs simples sur la base de leurs caractéristiques personnelles; un résultat qui peut s'expliquer du fait de la nature intrinsèquement répétitive des violences domestiques.

Pour terminer, du point de vue de la nature des actes eux-mêmes, nous n’observons aucun lien significatif ce qui s’explique notamment par la surreprésentation des violences physiques et des contraventions. Nous notons cependant que la probabilité que la police soit à nouveau appelée à intervenir est plus élevée lorsque, selon l’avis des policiers, les deux conjoints semblaient simultanément recourir à la violence (31.7% contre 18.5%).

Décision judiciaire et récidive   enregistrée: quelles relations   ?

Reprenant les données judiciaires concernant les décisions rendues dans les situations de violences domestiques, nous avons voulu voir s’il existait un lien entre cette décision et la récidive

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enregistrée par la police, rejoignant ainsi une préoccupation majeure de la recherche dans ce domaine.

Distinguant, pour les affaires survenues entre avril 2004 et décembre 2005, entre abandon des poursuites (n=756) et poursuites pénales (n=173) lors de la première dénonciation au juge, nous avons comparé les parcours des auteurs simples (n=796) et des auteurs identifiés ayant récidivé dans les douze mois suivant leur premier acte de violences domestiques (n=170).

Nous observons ainsi un lien significatif modéré (Phi: .119) entre la décision judiciaire et la probabilité de récidive: lorsqu’il y a eu abandon des poursuites pénales à la première dénonciation, nous constatons que 11.1% des auteurs récidivent, tandis que cette proportion est de 21.4% pour les cas où il y a eu des poursuites pénales. La poursuite d’office ne tiendrait-elle pas ses promesses ? Au vu des caractéristiques de notre étude, il ne faut vraisemblablement pas voir ici une influence négative de la sanction pénale sur la récidive enregistrée, mais plutôt une indication du fait que les sanctions pénales sont principalement appliquées aux cas graves et aux auteurs pour lesquels aucune autre réponse n’est envisagée ni envisageable. Par ailleurs, cela met également en évidence le fait que la sanction pénale ne permet visiblement pas à elle seule de mettre fin à la violence. Un constat souvent relevé et qui met en avant la nécessité d’une prise en charge globale de la violence domestique, prise en charge qui exige la collaboration des différents partenaires concernés. Au vu des résultats obtenus, nous ne pouvons que conclure à la nécessité de conduire davantage de recherches sur ces aspects.

La recherche nous a en effet montré que la sanction pénale peut limiter la récidive de deux façons: soit en rendant matériellement impossible la commission d’une nouvelle infraction, soit en dissuadant le condamné de récidiver. Par ailleurs, nous savons également que les suspects qui sont pénalement poursuivis et sanctionnés présentent généralement, dans l’absolu, un plus grand risque de récidive: plus le nombre d’antécédents criminels est élevé, plus le risque de récidive est élevé (Maxwell et al., 2001; Thistlethwaite, Wooldredge, Gibbs, 1998; Ventura, Davis, 2005). Ce risque peut être limité avec la mise en place de mesures ou d’interventions adéquates, cependant, une minorité de suspects continuent de commettre des actes de violences envers leur partenaire, quelle que soit l’intervention mise en place (Maxwell, 2005; Maxwell et al., 2001). Ainsi, même l’arrestation ne peut-elle que diminuer la proportion d’auteurs qui récidivent, mais en aucun cas empêcher tous les auteurs de récidiver.

Dans une optique plus qualitative, certains travaux ont cherché à mettre en évidence les relations existant entre la sévérité d’une sanction et la récidive de violence domestique. Ainsi, cette probabilité est-elle plus grande parmi les individus ayant bénéficié d’une sanction qualitativement moins sévère. Les auteurs observent cependant que ce n’est pas la durée de la peine en elle-même qui semble jouer un rôle préventif, mais davantage le type de sanction imposé (Thistlethwaite et al., 1998; Wooldredge, Thistlethwaite, 2002). Certains types de sanction semblent même annuler l’effet préventif général de la condamnation. Par exemple, si la sanction prend la forme d’une amende ou d’une peine suspendue, les résultats traduisent une augmentation de la récidive (Ventura, Davis, 2005). Par ailleurs, l’effet préventif d’une sanction interagirait également avec les caractéristiques personnelles et le vécu de l’auteur sanctionné (Pence, Mcdonnell, 1999; Thistlethwaite et al., 1998; Wooldredge, Thistlethwaite, 2002).

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Au-delà de la nature même de la sanction, il est un aspect intéressant à relever pour notre propre problématique. Les analyses longitudinales effectuées dans ce domaine par Felson et ses collègues (2005) montrent en effet que l’intervention de la police suffit à diminuer la récidive. Le fait de dénoncer l’incident diminue la probabilité d’une récidive, que la police procède ou non à une arrestation, quels que soient les antécédents de l’auteur et quelle que soit la personne qui contacte la police. Les auteurs émettent plusieurs hypothèses concernant ce résultat, ils avancent l’idée que la requalification d’un acte privé en une violation de la loi pourrait suffire à amener l’auteur à reconsidérer son comportement ou alors que la menace d’une arrestation pourrait être à l’origine de la fonction dissuasive de la présence policière. Ou encore que le stigmate occasionné par l’intervention des autorités contribuerait à ce résultat. Si nous ne comprenons pas nécessairement les mécanismes en jeu, il apparaît pour les auteurs indispensable de rappeler aux gens que le fait d’appeler la police diminue le risque de récidive, ceci notamment afin de contrebalancer les raisons invoquées par les victimes pour ne pas dénoncer, comme le fait de considérer cela comme un problème privé, la honte ou la peur de représailles (Felson et al., 2005).

Nous souhaitons aller plus loin puisque nous pensons que de tels résultats devraient également être présentés aux policiers amenés à intervenir dans ce cadre, afin de leur montrer que leur action dans de telles situations a une fonction, un sens, ce dont ils se prennent parfois à douter. Dans la recherche empirique, plusieurs travaux se sont intéressés aux attitudes des policiers face à la violence domestique et à l’existence d’éventuels stéréotypes (Coulter, Kuehnle, Byers, Alfonso, 1999; Edwards, 1989; Finn, Sims Blackwell, Stalans, Studdard, Dugan, 2004; Gillis et al., 2006; Henning, Feder, 2005; Landau, 2000; Robinson, 2000; Toon, Hart, Welch, Coronado, Hunting, 2005). Dans ce contexte, il convient de se mettre, durant quelques instants, à la place des intervenants. Les appels concernant des situations de violences domestiques ne sont pas des interventions de tout repos. Au contraire, ces dernières sont généralement réputées pour être relativement dangereuses, car effectuées dans un contexte tendu et surtout parce qu’elles impliquent de pénétrer dans le «royaume domestique» (Friday, Lord, Exum, Hartman, 2006; Sampson, 2007; Toon et al., 2005). Cette double casquette du policier – autorité d’application de la loi et conseiller – entraîne une confusion de rôles qui ne va pas toujours sans générer une certaine tension. Les policiers sont généralement mal à l’aise s’ils doivent faire office d’assistants sociaux; ils ne se sentent pas formés pour cela (Toon et al., 2005). Ils sont sceptiques quant à la capacité des politiques mises en place à réduire la violence domestique, ils sont frustrés face à des abandons de poursuites fréquents et parfois en désaccord avec des victimes dont ils ne comprennent pas complètement la situation (Campeau, 1992, cité par Cousineau, Gravel, Lavergne, Wemmers, 2003; Robinson, 2000). Or, toute démarche, quel que soit son «coût», est d’autant plus dure à accepter si l’on pense qu’elle ne sert à rien. Autant d’arguments qui recommandent une évaluation plus détaillée de ce type d’intervention, incluant notamment une dimension qualitative.

DISCUSSION

Nous avons déjà mis en évidence quelques aspects de nos données qui nous paraissaient importants, nous souhaitons reprendre ici certains de ces éléments en distinguant deux niveaux de discussion: premièrement une perspective portant sur les résultats de notre recherche et leur

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rapport aux conclusions d'autres travaux, et ensuite une discussion sur notre démarche et sa méthodologie.

Concernant tout d'abord la nature de la prise en charge policière et judiciaire de la violence domestique: nous relevons le fait qu’il n’existe pas de solution miracle et que les effets de l’expulsion du domicile des auteurs de violences domestiques, récemment introduite en Suisse, n’aura vraisemblablement «rien d’une panacée» (Cusson, Marleau, 2007, p. 477), principalement au vu des modalités de sa mise en œuvre. Nous voyons que nos résultats ne sont pas toujours identiques à ce qui a été mis en évidence par la recherche. Certes, les caractéristiques de notre étude et de notre échantillon peuvent, en partie, être à l’origine de ces divergences, mais nous pensons également que certains éléments propres au contexte vaudois devraient être considérés, dès lors que notre système légal diffère des systèmes américain ou anglo-saxon qui sont souvent à l'origine des changements mis en place. Par conséquent, comme nous l'avons affirmé à plusieurs reprises, une approche contextualisée est indispensable.

La violence domestique englobe des situations aussi nombreuses que différentes; aussi est-il logique qu’une intervention spécifique n’ait pas les mêmes effets selon les situations. Comme le soutiennent de nombreux auteurs, il y a fort à parier que des situations diverses appellent des réponses quantitativement, et surtout qualitativement, différentes (Garner, 2005; Henning, Feder, 2004; Hovell, Seid, Liles, 2006; Pence, Mcdonnell, 1999; Pence, Shepard, 1999; Sampson, 2007; Uchida, Putnam, Mastrofski, Solomon, Dawson, 2000). La notion de poursuite d’office ne devrait pas être une simple dichotomie: poursuites pénales versus abandon des poursuites. Si nous suivons la logique des auteurs qui voient dans les interventions orientées vers les besoins de l’individu une alternative intéressante, nous savons que la police et le système judiciaire ne peuvent à eux seuls intervenir dans ce sens. Cusson et Marleau (2007) reprennent la notion de «intervention graduelle» sur la base des travaux d’Hanmer et al. (Hanmer, Griffiths, 2000; Hanmer, Griffiths, Jerwood, 1999). Basée sur les principes de la surveillance, ce type d’intervention consiste à établir des actions spécifiques en fonction de la fréquence des incidents de violence domestique. Ainsi, idéalement faudrait-il disposer d’un continuum de réponses couvrant différents stades d’intervention; avant l’incident: afin de prévenir la survenue de la violence, durant l’incident: pour arrêter la violence immédiate et après l’incident; pour diminuer ou prévenir la revictimisation (Sampson, 2007). Ce qui atteste de facto de la nécessité d'une réponse multiple.

Partenariat, observatoire et surveillance

Au vu de ce qui précède, il apparaît plus que jamais que la prise en charge de la violence domestique est une question interdisciplinaire, tout comme le phénomène lui-même se caractérise par sa multidimensionnalité.

Nous avons, à plusieurs reprises, mis en avant la nécessité de considérer les pratiques de l’ensemble des acteurs impliqués dans la prise en charge de la violence domestique. Ce qui nous amène naturellement à discuter l'idée de partenariat, dans notre contexte associée à la résolution de problèmes. Si le partenariat est devenu une notion incontournable dans de nombreux domaines, dans l’univers policier et sécuritaire elle n’en demeure pas moins une petite «révolution culturelle» (Sansfaçon, 1998, p. 6). Le partenariat n’implique pas uniquement le partage des connaissances individuelles, mais également le partage des responsabilités qui a pour but de développer des solutions réalistes et acceptables pour chacune des parties. Le partenariat

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intervient à différents niveaux, des responsables chargés de mettre en place des stratégies intégrées aux acteurs de terrain à qui revient la mise en application des solutions proposées et le recueil d’informations sur la réalité du phénomène. Ainsi, doit-on considérer le partenariat non pas comme l’objectif, mais comme le moyen de cerner et de résoudre des problématiques complexes.

Partant de la notion de partenariat, nous souhaitons parler du concept d’observatoire de la violence. A l’heure actuelle, nous voyons de plus en plus fréquemment des références à la notion d’observatoire de la violence envers les femmes ou de la violence domestique. Face à un phénomène complexe et à la multiplicité des facteurs en jeu, il apparaît indispensable d’intégrer et d’analyser des données de différentes sources. Si le partenariat est une condition nécessaire, il ne peut, à notre sens, servir de cadre puisqu’il n’a pas intrinsèquement de fonction contraignante. Si la première étape est sans conteste de réunir les différents participants autour d’une table et de leur offrir la possibilité de parler de leurs pratiques comme de leurs préoccupations, cette étape initiale ne permet pas de questionner les pratiques existantes ni de développer un plan d’action commun (Sansfaçon, 2001). C’est précisément à ce stade qu’un observatoire prend son sens parce qu’il est à même d’exiger des partenaires certains comportements tels que le partage d’information ou la récolte de certaines données. Il ne s’agit pas seulement de surveiller l'évolution du phénomène, mais également d’évaluer simultanément les réponses apportées et leurs conséquences. L’observatoire favorise ainsi la rencontre entre compétences d'ordres théorique et pratique, le décloisonnement des systèmes et le débat critique puisqu’il confronte le discours aux expériences acquises sur le terrain. L’observatoire peut également être vu comme un outil de surveillance: en étudiant les tendances et les facteurs de risques, on peut identifier des dimensions particulières d’un phénomène et développer des réponses spécifiquement adaptées. En ce sens, l’observatoire se caractérise par une approche proactive et non pas réactive et rejoint les caractéristiques des approches de type communautaire que nous évoquions en introduction (Campbell, 2000; Sansfaçon, 2001).

Une dimension clé de la notion d’observatoire est son indépendance. Dès lors que ce dernier est amené à traiter des données sensibles, il est indispensable de mettre en place un certain nombre de garde-fous. Non seulement le partage d’informations constitue une dimension critique de la notion de partenariat, mais la notion de surveillance est souvent négativement connotée en référence à l’intrusion dans la sphère privée qu’elle engendre. Pourtant ce n’est pas le système de surveillance en lui-même qui compromet la confidentialité (Campbell, 2000). Il suffit bien souvent simplement de donner un cadre d’analyse à des outils déjà existants, de mettre en place un système de récolte de données en partant des pratiques existantes des acteurs. Il ne faut pas oublier que la fonction première de la police et de la justice n’est pas de récolter des données, ce qui implique de développer quelques règles pouvant facilement être intégrées aux impératifs du quotidien (Littel, Malefyt, Walker, Buel, Tucker, 1998). En effet, il convient toujours de garder à l’esprit que, si les acteurs ne peuvent pas – parfois ne veulent pas – intégrer certains changements, ils trouveront des solutions pragmatiques pour répondre à de nouvelles contraintes.

Une fois le système en place, il devient possible de suivre l’évolution du phénomène en temps réel ou presque, mais également de faire évoluer ce même système en fonction des changements observés et des besoins évalués. De notre expérience, nous pouvons dégager différentes recommandations portant sur la nature des indicateurs recueillis par la police et leur apport d'un point de vue préventif et opérationnel. Nous notons, par exemple, que la nationalité, de par sa

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signification dans les données de police, possède un pouvoir explicatif très limité, puisqu’elle ne nous renseigne ni sur le statut de séjour, ni sur le nombre d’années passées en Suisse, ni sur le degré d’intégration. Cette information revêt cependant un intérêt du point de vue de l’intervention de la police. En effet, dès lors que la plupart des personnes auxquelles cette dernière est confrontée lors de ses interventions pour violences domestiques sont de nationalité étrangère, il serait selon nous important d'intégrer une dimension culturelle à la formation des officiers dans ce domaine. Dans le même sens, il serait plus judicieux de recueillir des informations sur les modalités de vie, commune ou non, des protagonistes plutôt qu'uniquement sur leur état civil, tout comme des données sur le statut socioprofessionnel des auteurs et des victimes seraient plus intéressantes que la simple mention de leur profession.

Suite à de récentes modifications légales au niveau fédéral (éloignement de l’auteur et expulsion du domicile), les mesures applicables à la violence domestique seront plus nombreuses; ce changement législatif ne devrait pas s’accomplir sans un suivi du nombre et de la nature des mesures prononcées et, si possible, de leurs conséquences sur une éventuelle récidive des auteurs. A l'heure actuelle, la question se pose effectivement de savoir si les réponses officielles sont «efficaces». La première étape dans une approche de résolution de problèmes étant sans conteste conditionnée par la récolte de données pertinentes et valides sur les incidents, les acteurs et les réponses apportées, nous avons donc recommandé que ces mesures soient également documentées et viennent compléter l'analyse des affaires de violences domestiques enregistrées par la police. A partir de là, la difficulté principale résidera dans le fait de définir ce qui est entendu par «efficace» et quels vont être les critères opérationnels permettant de mettre en lumière cette qualité, ou l’absence de cette qualité en cas d’échec de la mesure (Belknap, Potter, 2005; Hovell et al., 2006; Murray, Graybeal, 2007; Sampson, 2007; Sullivan, Alexy, 2001). Idéalement toute modification législative devrait donc initier la mise sur pied d’un processus d’évaluation, car, après tout, aucune recherche n’a jamais pu mesurer ce qui se passe concrètement lorsque la police intervient dans une situation de violence domestique (Garner, 2005) et nos attentes ne sont pas toujours conformes à la réalité. Cette approche évaluative nécessite donc la mise en place de systèmes de récoltes de données, intégrés aux pratiques quotidiennes d’acteurs dont la fonction première n’est pas de récolter des données.

Les différents constats découlant de notre étude exploratoire ont abouti à la réalisation d'un projet de recherche ayant pour but une récolte des données de violences domestiques auprès des différentes institutions concernées par cette problématique dans le canton. En effet, de par sa structure, le réseau d'aide aux victimes de violences domestiques comprend de multiples points d'accès; toutes les victimes ne vont pas nécessairement se rendre à la police, même si elles devraient tôt ou tard être soit dirigées vers cette dernière soit lui être signalées. D'où l'importance de mettre en commun les données émanant de ces différents services si l'on souhaite obtenir une estimation plus valide du phénomène de la violence dans le canton. Si notre recherche a mis en évidence une certaine volonté de collaborer – cela même si certains aspects pratiques de cette collaboration nécessitent des améliorations – nous verrons si cette volonté s'étend à d'autres partenaires potentiels et obtient le soutien des autorités compétentes. Au-delà de la connaissance du phénomène lui-même, disposer de données sur l’évolution de la violence domestique dans le canton de Vaud nous permettrait alors non seulement d’en étudier les caractéristiques, mais également de mettre en évidence – et en valeur – le travail réalisé par les différents intervenants.

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