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1
INTRODUCTION
Le développement d’une candidose invasive est une complication
hospitalière particulièrement redoutée en raison de sa mortalité élevée,
comparable à celle du choc septique (40 %–60 %). La candidémie survient chez
0,05 % des patients hospitalisés, mais touche près de 1 % de ceux séjournant en
réanimation.
Bien qu’une proportion élevée de patients hospitalisés soient colonisés par
des levures du genre Candida, seule une minorité développe une candidose
sévère. Celle-ci est toutefois difficile à diagnostiquer : les signes évocateurs
d’une dissémination ne surviennent habituellement que tardivement. Un
traitement empirique précoce ou préemptif pourrait améliorer le pronostic, mais
pour des raisons tant épidémiologiques qu’économiques, un tel traitement ne
peut être appliqué à tous les patients à risque de développer une candidose
sévère.
Chez les patients présentant des facteurs de risque, une surveillance
systématique permet de déceler le développement d’une colonisation et d’en
quantifier le degré, de manière à ne débuter un traitement préemptif que lorsque
l’index de colonisation dépasse un seuil critique prédictif d’infection
disséminée. Ces éléments physiopathologiques et la mise à disposition des
dérivés triazolés moins toxiques que l’amphotéricine B ont permis l’application
de traitements prophylactiques.
2
Pour les patients de réanimation, une stricte limitation aux groupes
soigneusement identifiés comme étant à risque élevé et chez lesquels l’efficacité
de la prophylaxie a pu être démontrée doit contribuer à limiter cet impact
épidémiologique défavorable [27].
Le diagnostic biologique se heurte à de nombreuses difficultés vu le
manque de sensibilité et/ou de spécificité des techniques utilisées, d’où le retard
du diagnostic aggravant le pronostic de la maladie. Pour cela, de grands efforts
sont effectués pour la mise au point d’une méthode de diagnostic rapide et
spécifique [5].
C’est la raison pour laquelle nous avons entrepris une étude prospective dans
les services de réanimation médicale et chirurgicale de l’Hôpital Militaire
d’Instruction Mohammed V de Rabat.
Notre travail s’articule ainsi autour de deux parties. La première partie est
une revue de la littérature sur les aspects épidémiologiques et diagnostiques.
Dans la deuxième partie nous exposerons et discuterons les résultats de notre
étude prospective.
3
CHAPITRE I : Epidémiologie des candidoses systémiques
L’épidémiologie des candidoses systémiques a connu au cours du dernier
quart de siècle de profondes mutations.
Ceci est en grande partie dû à d’importantes modifications des pratiques
médicales : recours de plus en plus fréquent à des antibiotiques à spectre large, à
des techniques diagnostiques ou thérapeutiques de plus en plus invasives, à des
chimiothérapies cytotoxiques, aux greffes d’organe, et aux traitements
immunosuppresseurs. Ces modifications des pratiques médicales et ces progrès
thérapeutiques, ainsi que le vieillissement de la population et l’amélioration des
résultats de la réanimation, ont d’une part amélioré la survie de cette population
et d’autre part augmenté le nombre de sujets à risque (en particulier dans les
unités de soins intensifs) [37].
I-1. Données épidémiologique
Les infections fongiques ont représenté 17 % des infections nosocomiales
acquises en réanimation détectées au cours de l’étude européenne de prévalence
des infections nosocomiales (EPIC), qui portait sur 10 038 patients issus de
1417 unités de réanimation européennes [107]. Les données de 115 hôpitaux
américains du programme NNIS (National Nosocomial Infections Surveillance)
disponibles pour la période 1992 à 1997 indiquent que près de 12% des
infections nosocomiales sont d’origine fongique, occupant le quatrième rang, et
précédées par les entérocoques, Staphylococcus aureus et les staphylocoques à
coagulase négative [89].
4
L’incidence globale des candidémies est de huit épisodes pour 100 000
habitants [47]. Elle est influencée par l’âge, variant entre quatre épisodes pour
100 000 pour les sujets âgés de 20 à 44 ans, dix pour 100 000 de 45 à 64 ans, 26
pour 100 000 au-delà de 65 ans et 75 pour 100 000 pour les nouveau-nés. Elle
augmente considérablement en présence d’une infection à VIH (71/100 000) ou
d’un cancer (72/100 000).
Les candidoses systémiques se situent au quatrième rang des infections
nosocomiales avec un pourcentage de 10 à 15 % [25,119]. Elles se rencontrent
dans les unités de soins intensifs de réanimation chirurgicale digestive et
cardiovasculaire, de brûlés et de réanimation médicale, dans les unités de greffes
d’organes, dans les services d’oncohématologie et dans les services de
néonatologie [80,119].
L’étude prospective réalisée par la Confédération européenne de Mycologie
Médicale de Septembre 1997 à Décembre 1999 dans 7 pays de l’union
européenne a montré que 40,2% des candidémies surviennent chez les patients
hospitalisés en réanimation [40].
La mortalité globale des candidoses invasives est supérieure à 50% dans la
plupart des séries et ces taux sont stables depuis plusieurs décennies [6, 87, 115].
La mortalité attribuable à cette infection, définie comme la proportion de décès
directement dus à l’épisode infectieux, est de 25 à 40% [72, 73, 115].
5
I-2. Infections à Candida : particularités cliniques en
réanimation
Les levures du genre Candida font partie de la flore commensale humaine.
L’état de colonisation par Candida est souvent difficile à distinguer de celui
d’infection d’organe, ou même de candidose systémique. Le spectre clinique des
infections à levures du genre Candida est très large ; en effet, pratiquement tous
les organes peuvent être le site de croissance de ces levures et le siège d’une
infection clinique, symptomatique ou non. Parmi les infections sévères, on
distingue habituellement les infections hématogènes des infections non
hématogènes, elles-mêmes séparées en infections superficielles ou profondes
(tableau I).
En cas d’infection sévère, le patient peut présenter un syndrome clinique de
choc septique avec hypotension et insuffisance(s) organique(s) dont la
présentation clinique et métabolique n’est pas différente de conditions similaires
en cas de bactériémies à Gram négatif ou à Gram positif. Cependant, il n’est pas
rare qu’un patient ayant une candidémie prolongée demeure asymptomatique
[25,77].
6
Tableau I : Types d’infections à levures du genre Candida [25,77].
Infections hématogènes
Infections non hématogènes
- Candidémie infections superficielles :
- endophtalmie - candidose cutanée
- endocardite - candidose oro-pharyngée
- arthrite - vulvo-vaginite
- ostéomyélite
- spondylodiscite/méningite infection profonde :
- pyélonéphrite - candidose œsophagienne
- candidose pulmonaire - cystite à Candida
- candidose hépatosplénique - candidose péritonéale
- candidose pulmonaire
7
Les signes cliniques de candidémie ou de candidose systémique sont
identiques à ceux qui caractérisent les épisodes de bactériémie ou de sepsis
clinique, et ne sont donc absolument pas spécifiques [8]. En réanimation,
certaines candidoses présentent des particularités cliniques :
Endophtalmie :
La présence de larges exsudats blancs d’aspect cotonneux à l’examen du
fond d’œil est un signe évocateur d’une candidose systémique, dont elle peut
être la seule manifestation. L’examen du fond d’œil doit être systématiquement
effectué. Le développement d’une véritable endophtalmie pathognomonique
n’est toutefois rencontré que chez 8 à 25 % des patients inclus dans les séries où
une telle atteinte a été systématiquement recherchée [21].
Pneumopathie à Candida :
La colonisation des voies aériennes supérieures par Candida (trachée et
bronches jusqu’au niveau segmentaire) est fréquente chez les patients sous
ventilation mécanique [86]. Cependant, l’invasion des voies respiratoires
inférieures est une complication qui est mise en doute par de nombreux experts
[24]. Une dissémination hématogène peut néanmoins être responsable d’une
pneumopathie à Candida qui se présente alors sous la forme d’abcès multiples
[30,86].
Candidose intra-abdominale :
Le développement d’une candidose intra-abdominale après une intervention
chirurgicale est une complication sérieuse, dont la mortalité se situe entre 22 et
77 % [11, 96,102].
Bien que certains auteurs considèrent que tout Candida isolé de
prélèvements abdominaux est pathogène, il ne s’agit que d’un contaminant dans
8
la grande majorité des cas [88,96]. Dans une série rapportée par Calandra et al.,
c’est la présence initiale d’une forte quantité de levures, ou leur augmentation
progressive au cours de cultures séquentielles, qui a permis de prédire
l’évolution vers une candidose [11].
Candiduries :
L’incidence de candiduries chez les patients sondés est élevée, mais leur
signification en terme de prédiction de développement d’une candidose sévère
reste controversée [43]. Dans un groupe de patients en réanimation chez lesquels
une candidurie était mise en évidence, Neumann et al. ont observé une mortalité
globale de 50 % comparée à 19 % seulement pour le reste du collectif [65].
Il n’y a cependant dans cette étude aucun élément permettant d’attribuer
directement cet excès de mortalité à la candidurie.
Dans une étude récente portant sur 861 épisodes de candidurie, la mortalité
globale des patients candiduriques est de 20 %, alors qu’une candidémie ne
s’était développée que chez sept d’entre eux (1,4 %) et que deux seulement en
sont directement décédés (0,4 %) [108]. Dans ce collectif, 90 % des patients
présentaient des co-morbidités, suggérant que celles-ci soient responsables de
l’essentiel de la mortalité. La candidurie a disparu chez 288 patients (33 %),
sans traitement antifongique dans 117 cas (41 %), alors que le retrait de la sonde
était suffisant dans 41 cas (14%) [101].
9
I-3. Emergence de souches de Candida non-Albicans
C. albicans est l’espèce la plus fréquemment incriminée (60 %), suivi de
C. glabrata (20 %) dont l’incidence a augmenté ces dernières années sous la
pression des antifongiques azolés, puis de C. tropicalis (10 %) et de
C. parapsilosis (5 %) [25,41]. Il faut aussi citer : C. krusei dont l’émergence est
attribuée à sa résistance primaire au fluconazole [5].
D’une façon générale, Candida albicans est l’espèce isolée dans 60 à 80 %
des cas. Mais dans les dix dernières années, il est apparu une émergence de
souches de Candida non albicans [23, 27,70]. Dans certains services, Candida
non albicans peut représenter jusqu’à 70 % des souches isolées. L’émergence
des souches de Candida non albicans varie en fonction du type de population
étudiée, mais également en fonction de facteurs géographiques [6].
Dans certaines structures européennes les souches de Candida non albicans
sont en nette augmentation, voire majoritaires [27,109]. Il faut également noter
l’existence d’une augmentation de l’incidence des candidoses polymicrobiennes
associant plusieurs types de Candida [37].
Une nouvelle espèce de Candida ayant des caractéristiques phénotypiques
similaires à celles de C. albicans a été identifiée en 1995 et a été nommée
C. dubliniensis [5]. La majorité des isolats de C. dubliniensis a été découverte au
niveau de la cavité buccale des sujets infectés par le virus VIH. Cependant, cette
espèce a été isolée récemment au niveau d’autres sites incluant le poumon, le
vagin, le sang… aussi bien chez des sujets infectés par le virus VIH que des
sujets non infectés par ce virus [32].
10
CHAPITRE II : Pathogénie, virulence et facteurs de risque
II-1. Pathogénie des infections à Candida
Au plan physiopathologique, les levures du genre Candida appartiennent à
la flore commensale du tractus digestif et de la sphère oro-pharyngée. Les
modifications de l’écologie de la microflore résidente, comme celles induites par
l’administration d’antibiotiques, favorisent la croissance des Candida qui
colonisent alors les surfaces muqueuses. Lorsque l’intégrité de ces dernières est
compromise, une infection localement invasive se développe et une
dissémination hématogène secondaire peut alors survenir à l’occasion d’une
baisse transitoire de l’immunité [82].
Plusieurs études dans lesquelles l’origine des souches était déterminée par
analyse du DNA fongique confirment qu’une grande partie des candidoses
systémiques se développe à partir de souches endogènes dont le patient est
porteur à l’admission [85].
Bien que ce mécanisme soit probablement à l’origine de la majorité des
épisodes de candidose invasive, il faut insister sur le fait que la transmission
nosocomiale, qui peut se faire par manuportage est également connue et
fréquente [27].
Le modèle le mieux établi est celui de la candidose déterminée par
C. albicans. Il comprend une séquence de quatre étapes [25,27]. (figure 1).
11
Figure 1 : Pathogénie des infections à Candida [25,27].
12
II-1-1 Colonisation
C. albicans est le pathogène le plus fréquemment hébergé par l’Homme et
il colonise les muqueuses digestives et vaginales. Sa transmission s’opère par
contact direct (transmission mère enfants lors de la naissance, mains, salive,
rapports sexuels) [16].Contrairement aux différentes espèces de bactéries qui ont
généralement un site de prédilection, on trouve C. albicans dans tous les
segments du tube digestif, depuis la bouche jusqu’à l’anus. Cette levure adhère
ainsi à de très nombreux types cellulaires différents, s’adapte à des pH très
variés de multiples sécrétions (lysozymes, IgA sécrétoires, salive, mucus), et
entre en compétition avec d’innombrables espèces bactériennes [25].
Dès les années 1970 on a pu montrer une augmentation de la colonisation
chez les patients hospitalisés, ce qui a été confirmé à de nombreuses reprises tant
en ce qui concerne le nombre de sites colonisés (bouche, anus, trachée, urine…)
qu’en ce qui concerne le nombre de levures par site.
II-1-2. Invasion tissulaire
Elle est rapide, intra- ou extracellulaire, et s’opère vraisemblablement au
niveau de l’intestin. Elle serait mécaniquement favorisée par les mucites liées à
la chimiothérapie, par les chocs endotoxiniques, etc. Elle requiert de la part de
C. albicans l’aptitude à digérer les tissus, la présence d’adhésines pour les
cellules des sous muqueuses et les matrices intercellulaires, et l’aptitude à
résister aux effecteurs de l’immunité naturelle ou acquise, cellulaire ou humorale
[25].
13
II-1-3. Dissémination hématogène
L’accès aux vaisseaux permet à C. albicans de disséminer,
vraisemblablement sous forme de levure. Pour des raisons obscures, il est très
difficile, à ce stade, de mettre en évidence C. albicans dans les hémocultures, ce
qui contribue aux difficultés de diagnostic. Des études ont montré que chez des
patients décédés de candidoses prouvées par analyse anatomopathologique de
prélèvements nécropsiques, les hémocultures pratiquées quotidiennement
n’avaient été positives que chez 40% d’entre eux [80].Chez ces derniers, les
méthodes de typage moléculaire ont permis d’établir l’identité entre la souche
colonisant le tube digestif et la souche isolée de ces hémocultures, ce qui fournit
la preuve de l’origine endogène de l’infection.
II-1-4. Phase chronique
Il existe de très nombreux organes cibles dans lesquels C. albicans se
réinstalle à la suite de la phase septicémique. Les plus fréquents chez les patients
neutropéniques sont la rate et le foie. Cette candidose destructive dite
« candidose chronique disséminée », est observée en sortie d’aplasie [80].
Chez les patients de réanimation et de chirurgie, un des organes cibles les
plus fréquents est le rein où la végétation est intense, des pyélonéphrites peuvent
révéler une candidémie passée inaperçue avec les hémocultures [16].
Des manifestations ostéoarticulaires se développent également à plus bas
bruit et peuvent se révéler alors que le patient a quitté l’hôpital. Les
choriorétinites conduisant fréquemment à une cécité sont également
pathognomoniques de candidoses systémiques. Elles résultent du développement
14
de C. albicans sur la rétine (figure 2), objectivé par un fond d’œil. C’est sur cet
examen que reposait il y’a seulement une dizaine d’années le diagnostic de
certitude d’une candidose systémique [16].
Figure 2 : Fond d’œil en cas d’endophtalmie à levures du
genre Candida [77].
15
II-2. Virulence et dimorphisme de Candida albicans
Les facteurs de virulence de C. albicans sont multiples, comprenant les
adhésines servant à la reconnaissance de l’hôte, la sécrétion de phospholipases et
d’aspartyl protéases et une variation de la morphologie (dimorphisme) [12].
II-2-1. L’adhérence à l’hôte
L’adhérence à des substrats de l’hôte est essentielle à toute colonisation par
un pathogène. Dans le cas de C. albicans, cette étape essentielle est accomplie
par une combinaison de mécanismes d’adhésion spécifiques (impliquant une
réaction ligand-récepteur) et non spécifiques (charges électrostatiques, forces de
Van der Waals). Ces mécanismes permettent tant l’adhésion à des tissus que
l’adhésion à des surfaces inertes (cathéters, sonde…) [17]. Des adhésions ont
été notées avec des molécules de surface de cellules bactériennes ou épithéliales
et des protéines de la matrice extracellulaire [14].
Les adhésines de C. albicans sont des protéines qui se retrouvent à la
surface des cellules. L’expression des différentes adhésines à la surface de la
paroi cellulaire varie selon le milieu dans lequel se trouve le pathogène.
L’adhérence bactérienne par les adhésines a été bien étudiée, mais les adhésines
fongiques sont beaucoup moins connues [14].Quelques adhésines ont été
étudiées, mais les fonctions des différents domaines de ces protéines restent à
étudier.
Les recherches sur les adhésines ont pour but de trouver une façon de les
inactiver, ce qui compromettrait la pathogénicité de C. albicans [17].
16
II-2-2. La sécrétion de phospholipases et d’aspartyl protéase
L’activité protéolytique de C. albicans jouerait un rôle important dans la
virulence de cet organisme, même si le rôle de ce mécanisme dans l’infection
humaine est encore mal connu [44].
Les études in vitro, chez l’animal et chez l’humain auraient toutefois
démontré de sept façons, selon Naglik et al. [64], que l’activité protéolytique
serait impliquée dans la virulence de C. albicans: corrélation entre la production
d’aspartyl protéinases sécrétées (Sap), dégradation de protéines humaines par les
Sap, association de la production de Sap et des autres facteurs de virulence de
C. albicans, production de Sap et réponse immune de l’hôte face aux Sap lors de
l’infection humaine et animale par C. albicans, expression des gènes de Sap
pendant l’infection, la modulation de la virulence de C. albicans par des
inhibiteurs des Sap et l’utilisation de mutants de C. albicans délétants pour les
Sap et vérification de leur virulence. Les rôles attribués aux Sap dans l’infection
par C. albicans pourraient aller de la simple digestion permettant l’absorption de
substances nutritives, jusqu’à la digestion des cellules de l’hôte ou des
immunoglobulines de l’hôte afin de résister au système immunitaire [54,64].
III-2-3. Le dimorphisme
Parmi les facteurs de virulences proposés pour C. albicans, c’est
probablement le dimorphisme qui est le plus intriguant. Le dimorphisme est la
capacité du champignon à changer de morphologie selon son état physiologique
ou son environnement. Deux formes principales peuvent être observées, soit la
forme levure ou mycélienne (Figure 3).
17
Traditionnellement, la forme mycélienne est considérée comme pathogène,
celle-ci étant observée dans les tissus infectés. De plus, il a été démontré que de
nombreux mutants incapables de croître sous forme mycélienne sont non
virulents lorsqu’ils sont testés sur des modèles animaux [93].
Le dimorphisme faciliterait la pénétration en profondeur de C. albicans
dans les tissus [67]. Cette association entre la virulence et le dimorphisme est
d’ailleurs retrouvée chez plusieurs champignons pathogènes (100). Toutefois, le
lien liant la morphogenèse à la virulence demeure quelque peu controversé, une
baisse de virulence étant parfois notée sans changement remarqué dans la
capacité au dimorphisme [105].
Une nouvelle voie de recherche s’ouvre d’ailleurs pour évaluer le rôle de
l’hôte dans le dimorphisme. Par exemple, la phagocytose du C. albicans par
une cellule de l’immunité pourrait provoquer sa morphogenèse en hyphe [66].
Les mécanismes qui permettraient aux hyphes de devenir pathogènes sont
multiples. Par exemple, les hyphes interfèreraient avec la différenciation des
monocytes en les empêchant de devenir des cellules dendritiques, ce qui serait
un mécanisme pour déjouer les défenses de l’hôte [54].
Plusieurs conditions peuvent induire le changement de forme de
C.albicans, comme, par exemple, la présence de sérum, d’AMPc, de N-acétyl
glucosamine ou de proline dans le milieu. Une augmentation du pH du milieu
(de pH4.5 à pH7.0) peut aussi amener une transition de la forme levure vers la
forme mycélienne [66]. Les réactions au pH de C. albicans seraient importantes
dans sa virulence, cet organisme étant capable de proliférer et de causer des
pathologies dans des milieux de pH différents, comme le vagin et le tractus
digestif.
18
La voie métabolique RIM101/pacC régulerait les réactions au pH, le
dimorphisme et la virulence de C. albicans [54]. La régulation du dimorphisme
se ferait aussi par des voies métaboliques communes au croisement et au
changement phénotypique. Trois de ces voies métaboliques connues pour
réguler le dimorphisme seraient une protéine kinase activée par la mitose (MAP)
par le biais de la protéine Cph1, la voie dépendante de l’AMP cyclique par la
protéine Rfg1 et une répression médiée par Tup1 par les protéines Rfg1 et Nrg1.
La régulation du dimorphisme est très complexe et l’ensemble des gènes
régulant cette fonction métabolique n’est pas connu. Cependant, certains gènes
ont pu être identifiés, comme par exemple Sap1, Sap3 et Sap4 (présentées à la
section précédente) qui, lorsque leur transcription est bloquée, une diminution
de la capacité de C. albicans à former des hyphes est notée. Cela entraîne une
diminution de la virulence [51].
19
Figure 3 : Les morphologies impliquées dans le dimorphisme cellulaire de
C. albicans.
(A) la forme levure et (B) la forme mycélienne [54].
A :
B :
20
II-3. Facteurs de risque
Les facteurs de risque généraux qui prédisposent au développement d’une
infection nosocomiale le sont également pour l’acquisition d’une candidose
sévère (facteurs mineurs), mais certains d’entre eux apparaissent plus
spécifiques (facteurs majeurs) [25,107] (tableau II).
II-3-1. Conditions sous-jacentes
De nombreux facteurs ont été associés à une augmentation du risque
d’infection nosocomiale en général, ainsi que du risque infectieux à Candida
plus particulièrement [36, 76,106]. L’incidence d’infections à levures du genre
Candida étant élevée en réanimation, on comprend que les facteurs généraux
tels que les âges extrêmes (vieillard, prématuré), une maladie sous-jacente
débilitante, la présence de comorbidités nombreuses, la convalescence d’une
opération chirurgicale majeure, la présence de dysfonction(s) organique(s) ou
d’un score de sévérité de la maladie témoignant de perturbations physiologiques
importantes, soient considérés et déterminés dans la plupart des études comme
des facteurs de risque de l’infection à levure du genre Candida.
Un séjour prolongé en réanimation a été associé de manière spécifique à un
risque augmenté d’infection à levures du genre Candida dans plusieurs séries
[74, 75,114]. Les facteurs de risque plus spécifiquement associés aux infections
à Candida ont été identifiés chez des patients ayant acquis des candidémies
nosocomiales [29,77].
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[
26
].
22
En particulier, l’exposition de patients de réanimation à l’administration
d’une nutrition parentérale semble être associée à une augmentation du risque
infectieux par Candida ; cependant, celui-ci n’a jamais été démontré comme
indépendant dans le contexte d’analyses multivariées comparant les facteurs de
risque. En revanche, l’hémodialyse ou l’ultrafiltration rénale à des fins de
support de fonction, les brûlures étendues ou l’exposition à de multiples
antibiotiques, en particulier à large spectre, ainsi qu’à des manœuvres invasives
et des accès vasculaires multiples, l’ont été [77].
II-3-2. Antibiothérapie à large spectre
Une exposition préalable ou concomitante à une antibiothérapie à large
spectre constitue un facteur de risque indéniable d’infection à Candida, et en
particulier de candidémie. Plus le spectre est élargi et la durée d’antibiothérapie
est prolongée, plus le risque d’infection fongique est important (33,74). Le
nombre d’antibiotiques différents utilisés était le facteur de risque prédictif le
plus important pour le développement d’une candidémie dans l’étude de Wey et
al [77].
Dans l’étude de Fraser et al [33], 94% des patients développant une
candidémie avaient été exposés au préalable à des antibiotiques et 62 % avaient
reçu plus de quatre agents différents avant de développer la candidémie. Tout
antibiotique à large spectre, par son effet de destruction de la flore intestinale
autorisant la croissance de levures du genre Candida, peut être associé à une
augmentation du risque d’infection sévère secondaire. L’effet est d’autant plus
important que des antibiotiques efficaces contre les germes anaérobies sont
utilisés [68]. De même, l’impact de certaines céphalosporines est plus marquant
que celui d’autres antibiotiques [94,95].
23
II-3-3. Réanimation
Les patients admis en réanimation sont à risque élevé d’infections à levures
du genre Candida, compte tenu du fait qu’ils cumulent souvent plusieurs
facteurs de risque. Les anomalies de la fonction immunitaire compliquant les
perturbations physiologiques contribuent à accroître le risque infectieux. La
transplantation d’organe associant l’intervention chirurgicale majeure et des
traitements immunosuppresseurs évitant le rejet, placent le patient à un niveau
de risque infectieux élevé, en particulier en cas d’exposition prolongée à des
antibiotiques à large spectre, d’accès intravasculaires et de drainages multiples,
de fuites des anastomoses digestives, biliaires ou pancréatiques et de
colonisation précoce par Candida [36,106].
Le recours à de multiples accès vasculaires, souvent nécessaire au support
des fonctions vitales, constitue un facteur de risque prédominant chez le patient
colonisé par des levures du genre Candida ; entre 60 et 80 % des épisodes de
candidémie sont secondaires à des infections d’accès vasculaires [36,75].
II-3-4. Colonisation fongique
La colonisation par des levures du genre Candida, est un facteur de risque
majeur, aussi bien chez les patients ayant subi une intervention chirurgicale
abdominale qu’au cours d’un épisode de neutropénie [10, 91,114].
La colonisation secondaire d’autres sites à partir de la cavité abdominale
précède souvent le développement d’une candidémie [83,102].
24
Calandra et collaborateurs ont montré que la colonisation du péritoine par
une quantité croissante de levures du genre Candida après chirurgie avec
ouverture du tractus digestif ou en présence d’une pancréatite était fréquemment
associée à la survenue d’une candidose sévère [11].
Chez des patients admis en réanimation chirurgicale, il a été montré que le
degré de colonisation et un score APACHE II supérieur à 20, étaient des facteurs
indépendamment prédictifs du développement d’une infection sévère [74].
Dans la même étude, l’index de colonisation (défini comme le rapport du
nombre de sites colonisés par Candida divisé par le nombre total de sites testés)
était significativement plus élevé chez les patients qui allaient développer une
candidose hématogène (en moyenne 0,70), comparé aux patients qui
demeuraient colonisés sans développer d’infection (en moyenne 0,47).
La sensibilité de cet index, qui est utilisé par de nombreux réanimateurs,
était de 100% et sa valeur positive prédictive de 66%. Le concept d’une
colonisation préalable nécessaire au développement ultérieur d’une infection
invasive repose sur ces éléments (figure 4) [24,99].
Les accès intravasculaires, souvent indispensables à la surveillance
hémodynamique et au maintien des fonctions vitales en réanimation,
représentent un facteur de risque majeur; entre 60 et 80% des épisodes de
candidémie sont secondaires à la colonisation de l’un d’entre eux [1, 113,114].
25
Figure 4 : Index de colonisation par des levures du genre Candida.
D’après Pitet [25].
Comparaison des index de colonisation par levures du genre Candida chez deux groupes
de patients séjournant en réanimation chirurgicale et ayant (cercles pleins), ou non (cercles
vides), développés une infection sévère à Candida (Pittet et collaborateur).
26
CHAPITRE III : Stratégie diagnostique des candidoses
systémiques
III-1. Définition et classification des infections à Candida
Les auteurs utilisent fréquemment et de manière indifférente les termes
de candidose systémique, profonde, viscérale, invasive, ou disséminée [37].
De ce fait il serait opportun d’utiliser une terminologie précise est
standardisée :
Candidose systémique : candidose qui atteint au moins un parenchyme
profond. Le plus souvent, elle est accompagnée d'au moins un épisode de
fongémie au cours de son évolution, ce qui a pour corollaire la tendance à la
dissémination hématogène (cette expression ne doit pas être utilisée pour
désigner une infection muqueuse même profonde et invasive) [25,77].
Nous pouvons cependant distinguer :
Candidémie : définit une condition au cours de laquelle une levure du genre
Candida a été identifiée par une hémoculture au moins [77].
Candidose profonde : atteinte d’un seul organe profond (par exemple une
infection urinaire haute ou péritonite) [37].
Candidose disséminée : se réfère à une condition dans laquelle une levure
du genre Candida a été identifiée par des moyens directs (cultures) ou indirects
dans plusieurs tissus non contigus et impliquant une dissémination hématogène
[77].
27
Candidose chronique disséminée : « candidose hépatosplénique », est
décrite chez des patients victimes d’une neutropénie sévère et prolongée, révélée
le plus souvent au sortir d’un épisode de neutropénie, mais n’a jamais été décrite
chez des patients en l’absence de neutropénie [77].
L’association des Professeurs de Pathologies Infectieuses et tropicales
(APPIT ; 2000) classe les candidoses systémiques en quatre groupes [62] :
Les candidémie : ≥ à une hémoculture positive pour Candida.
Les formes monoviscérales : un seul site positif (candidose osseuse,
méningites, péritonites).
Les candidoses disséminées aigues : infection prouvée par biopsie de
deux organes non contigus ou atteinte oculaire + un organe
biopsié ou formes métastatiques cutanées diffuses chez un malade
leucémique granulopénique.
Les candidoses disséminées chroniques : candidose
hépatospléniques.
Avant d’établir une démarche diagnostique des candidoses systémiques,
nous allons définir les moyens de leur diagnostic et de leur suivi.
28
III-2. Moyens de diagnostic et de suivi des candidoses
Systémiques
Il y a une multitude d’examens et de kits commercialisés pour
l’identification de ces levures, cependant, nous nous limiterons dans notre travail
à la démarche diagnostique adoptée au laboratoire de Parasitologie Mycologie
de l’hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V de Rabat, démarche qui suit
par ailleurs les recommandations des différentes conférences de consensus dans
le diagnostic et la prise en charge des infections fongiques invasives.
III-2-1. Diagnostic mycologique
III-2-1-1. Prélèvement
Le prélèvement est une étape cruciale dans le diagnostic des candidoses
systémiques, car de sa qualité dépend la fiabilité des résultats. Il doit être réalisé
avant tout traitement antifongique et en quantité suffisante.
III-2-1-2. Examen direct
Il se fait directement entre lame et lamelle et observé au microscope
optique.
L’espèce Candida apparaît sous forme de petites levures à paroi mince,
arrondies ou ovales, bourgeonnantes, de 1 à 10 µm, non capsulées (différence
avec le Cryptocoque), accompagnées ou non de pseudofilaments ou filaments
mycéliens. La détection de pseudofilaments à l’examen direct est un signe de
pathogénicité (figures 5 et 6).
29
Figure 5 . Examen direct : aspect de blastospores, grossissement x 40
[Photo du service de Parasitologie Mycologie, Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V, Rabat]
Figure 6. Examen direct : aspect de blastospores et filaments mycéliens, grossissement x 40
[Photo du service de Parasitologie Mycologie, Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V, Rabat]
30
III-2-1-3. Culture
Elle est indispensable puisqu’elle permet :
● l’augmentation de la sensibilité de l’examen direct ;
● l’identification de la levure en cause ;
● la numération des levures nécessaire à l’interprétation des résultats ;
● la réalisation de l’antifongigramme.
L’ensemencement se fait habituellement sur milieu Sabouraud
chloramphénicol–actidione, en plus du milieu Sabouraud– chloramphénicol.
L’incubation se fait à 37 °C. La lecture se fait au bout de 24 à 48 heures
[15,79]. L’examen macroscopique des cultures montrera des colonies blanches
et humides (figure 7). Leur examen microscopique mettra en évidence des
levures bourgeonnantes.
Figure 7. Aspect des colonies de C. albicans sur milieu Sabouraud [Photo du service de
Parasitologie Mycologie, Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V, Rabat]
31
L’hémoculture qui est un examen clé dans le diagnostic des candidoses
systémiques reste de sensibilité faible (40 à 60 %) malgré le développement des
systèmes récents pour améliorer la sensibilité des hémocultures (système
Isolator [lyse–centrifugation], automates). Ceci implique qu’une hémoculture
négative n’élimine pas le diagnostic d’une candidose systémique. Cependant,
une seule hémoculture positive confirme le diagnostic [57, 60,119].
Par ailleurs, la supériorité des automates d’hémoculture sur les systèmes
manuels n’est plus à démontrer. On distingue les automates Bactec system
(Becton-Dickinson) et BacT/Alert system (BioMérieux).
De nombreuses études ont évalué ces automates en utilisant différents
milieux : BacT/Alert FanAerobic, Plus Aerobic/F, Mycosis IC/F [53,58].
Les résultats montrent une supériorité des milieux BacT/Alert sur les
milieux Plus Aerobic/F.
Mycosis IC/F qui est un milieu spécifique pour les champignons est plus
efficace que les deux milieux précédents. En effet, Il est plus sensible et plus
précoce pour le diagnostic des candidoses systémiques, particulièrement quand
il s’agit des espèces C. albicans et C. glabrata qui représentent 70 % des
espèces incriminées et quand il y a présence concomitante des levures et des
bactéries. Cette association est commune représentant 18 à 21 % des fongémies
[5].
32
III-2-1-4. Culture sur milieu sélectif
Les milieux chromogéniques fournissent des résultats plus précis et plus
rapides. Ils permettent le diagnostic sélectif des colonies de Candida albicans,
Candida tropicalis, Candida krusei et Candida glabrata directement sans avoir
recours à des galeries d’identification, ces espèces étant les plus incriminées
dans les candidoses systémiques. Ils permettent également la mise en évidence
des associations d’espèces ce qui est impossible avec le milieu de Sabouraud.
Ces milieux chromogéniques contiennent des nutriments permettant la
croissance des levures, des antibiotiques afin d’inhiber la pousse des bactéries et
des substrats chromogéniques permettant la mise en évidence d’enzymes
spécifiques à certaines levures. La différenciation est basée sur l’apparition de
coloration spécifique de chaque espèce après hydrolyse de l’enzyme
correspondante. Ces milieux permettent ainsi l’identification présomptive de
C.albicans, C.tropicalis, C.glabrata et C.krusei.
Différents kits sont commercialisés notamment le Candi Select4®, le
Chromagar Candida® et l’Albicans ID®. Le kit utilisé au laboratoire de
Parasitologie de l’Hôpital Militaire Mohammed V est le Candi Select4®.
Après ensemencement des milieux de cultures, les boites de pétri sont
incubées à 35°C pendant 48 heures [15, 79].
33
III-2-1-5. Identification
L’identification sur le milieu Candi Select4® est aisée, c’est un test qui
permet de faire le diagnostic de C.albicans dont les colonies apparaissent roses à
violettes. Pour les autres espèces, l’identification est présomptive. Le
C.tropicalis apparaît sous forme de colonies de couleur turquoise très intense, à
contours réguliers et à morphologie lisse. Les colonies de C.glabrata sont
turquoises brillantes, plates, à contours réguliers et à morphologie lisse. Les
colonies de C.krusei sont turquoises, d’aspect sec, à contour réguliers et à
morphologie rugueuse. Les autres espèces de Candida sont de couleurs
blanchâtres et à morphologie lisse, elles nécessitent une identification par
galeries biochimiques.
L’identification dans certains cas repose également sur les caractères
physiologiques et immunologiques.
34
Figure 8. Milieu Candi Select4® : [Photo du service de Parasitologie Mycologie, Hôpital
Militaire d’Instruction Mohammed V, Rabat]
- Colonies violettes : C.albicans, ne pas faire de galerie d’identification.
- Colonies turquoises intenses, bombées, contour régulier : C.tropicalis, ne pas
faire de galerie d’identification.
- Colonies turquoises, plates, contour régulier : C.glabrata, ne pas faire de
galerie d’identification, confirmer par le RTT Glabrata. (figure 9)
- Colonies turquoises, aspect sec, contour irrégulier : C.krusei, ne pas faire de
galerie d’identification, confirmer par le krusei-color (figure 10)
- Autres couleurs : Candida sp, faire une galerie d’identification. (figure 11)
35
RTT glabrata® [5]
L’hydrolyse du tréhalose en glucose par C.glabrata est un caractère
biochimique qui est exploité dans ce test. La révélation de cette production de
glucose permet alors l’identification de la levure. Un test positif est caractérisé
par une coloration marron orange, un test négatif est caractérisé par l’absence de
coloration. Seul C.glabrata donne un résultat tréhalase positif et maltase négatif.
Figure 9 : RTT Glabrata® ; principe du test: [Photo du service de ParasitologieMycologie,
Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V, Rabat]
+ -
Ininterprétable Non C.glabrata
Non C.glabrata C.glabrata
36
Krusei color Fumouze® [38,97].
Ce test repose sur l’agglutination de particules de latex rouge, sensibilisées
par un anticorps monoclonal permettant de détecter spécifiquement un antigène
de surface de Candida krusei. Les agglutinats sont rouges.
Une réaction positive est visible à l’œil nu sous forme d’agglutinats rouges.
Une réaction négative est reconnue par une absence d’agglutination, la
suspension reste homogène.
Figure 10. Kit Krusei-Color® : [Photo du service de Parasitologie Mycologie, Hôpital
Militaire d’Instruction Mohammed V, Rabat]
37
Galerie API 20C AUX® [13,116].
Cette galerie permet d’identifier les levures couramment rencontrées grâce
à des tests d’assimilation standardisés et miniaturisés. Cette galerie offre la
possibilité d’effectuer 19 tests d’assimilation. Les levures à identifier sont mises
dans un milieu synthétique semi-solide à incuber pendant 24à 48h. La croissance
se traduit par un trouble. L’identification se fait grâce à des tables analytiques
selon le profil numérique de chaque levure.
Figure 11. API 20C AUX® : [Photo du service de Parasitologie Mycologie, Hôpital
Militaire d’Instruction Mohammed V, Rabat]
38
III-2-1-6. Interprétation
Seuls les prélèvements tissulaires ou de sites normalement stériles
permettent d’affirmer l’infection fongique et son caractère invasif
(hémocultures, liquide céphalorachidien, liquide pleural, etc.…)
Pour les autres sites, l’interprétation est plus complexe, notamment pour les
voies aériennes :
Pas de valeur diagnostique de l’isolement et la numération de
Candida sp. sur tous les types de prélèvements respiratoires,
protégés ou non, dirigés ou non.
Seul l’examen histologique permet le diagnostic.
L’isolement de Candida sp à partir d’un prélèvement respiratoire peut être
le témoin :
D’une vraie pneumonie au cours d’une candidémie.
D’une simple colonisation trachéo-bronchique.
La figure 12 nous présente l’arbre décisionnel d’une candidose à partir de
prélèvements pulmonaires positifs à candida sp [30,88].
39
Figure 12 : Arbre décisionnel d’une candidose à partir de prélèvements
pulmonaires positifs à candida sp [30,88]
40
III-2-2. Diagnostic immunologique
Durant les dix dernières années de nombreuses techniques de diagnostic
immunologique ont été développées. Celles-ci consistent à mettre en évidence
la présence soit des anticorps anti Candida ou des antigènes mannanes
circulants. La détection par ELISA du mannane est le test le plus utilisé dans
cette catégorie. Sa combinaison à la recherche d'anticorps anti-mannane rend sa
sensibilité meilleure et augmente son intérêt dans la prise en charge précoce de
candidoses invasives [5, 50, 90].
III-2-2-1. Détection d’anticorps
La recherche d’anticorps spécifiques se heurte à une difficulté
d’interprétation. En effet, la distinction entre colonisation et invasion est difficile
vu la fréquence d’une sérologie positive chez des porteurs asymptomatiques
même à des taux élevés.
Par ailleurs, la sérologie est souvent faiblement négative chez les patients
neutropéniques. Cela donne toute la valeur à l’étude de la cinétique des
anticorps. En effet, une séroconversion ou une ascension significative, entre
deux ou plusieurs prélèvements du taux d’anticorps quelque soit la méthode
utilisée, ont une valeur diagnostique beaucoup plus importante qu’un titre isolé
[5].
Plusieurs méthodes sérologiques ont été décrites pour le diagnostic des
candidoses systémiques. Chacune d’entre elles réalise un compromis plus ou
moins réussi entre sensibilité, spécificité, rapidité et coût.
41
III-2-2-2. Détection d’antigènes circulants
III-2-2-2-1. La recherche des mannanes
Les tests permettant de détecter l’antigène mannane pariétal qui est un
composant majeur de la paroi cellulaire sont :
● Pastorex Candida : Il est fondé sur le principe d’agglutination des
particules de latex sensibilisées par un anticorps monoclonal antimannane
pariétal de C. albicans. Il nécessite un traitement préalable du sérum à 100 °C
pour dissocier les immuns complexes évitant ainsi les faux négatifs. Il est
d’excellente spécificité variant de 95 à 100 %. Cependant, sa sensibilité est
faible (20 %). Cela est dû au caractère transitoire de l’antigènemie [61,116] ;
● Platelia Candida : C’est un test Elisa qui utilise un anticorps monoclonal
EB-CA1 qui reconnaît le mannane. Son seuil de détection est de 0,25 ng/ml. Sa
sensibilité est de 40 % et sa spécificité est de 98 % [92,98].
III-2-2-2-2. La recherche d’énolase
L’énolase est un antigène cytoplasmique de Candida sp de 48 kDa. Il est
détecté par la méthode western blot qui met en évidence la bande 48 kDa. Sa
sensibilité varie de 71,8 à 75 % et sa spécificité est comprise entre 96 et 100 %.
Cependant, son coût est très élevé [20,90].
42
III-3. Démarche diagnostique d’une levure du genre Candida
au laboratoire de Parasitologie Mycologie de l’Hôpital
Militaire Mohammed V
j0 : Prélèvement (buccal, urine, rectal, auriculaire, nasal, PDP, …)
1. Examen direct : si examen direct (ED) positif → résultat au clinicien.
2. Mise en culture sur milieu sélectif: Candi Select4®.
3. Numération sur cellule de Malassez si ED positif pour les urines.
J1 : Lecture rapide des milieux sélectifs
J2 : Lecture des milieux sélectifs
1. Si C.albicans → résultat.
2. Si C.glabrata, confirmer par le RTT Glabrata® → résultat.
3. Si C.krusei, confirmer par krusei-color® → résultat.
4. Si C.tropicalis → résultat
5. Si présence d'autres levures (colonies blanches), faire galerie API 20 C
AUX® → résultat.
6. Si absence de levures → résultat.
7. Réalisation d’un antifongigramme E-test® sur les souches isolées.
J4 à J6 : Lecture des galeries d'identification et des antifongigrammes →
résultat.
43
I. INTRODUCTION
Les candidoses systémiques sont des affections provoquées par des
levures appartenant au genre Candida. La colonisation à Candida est fréquente
en réanimation mais les infections sont rares. L’origine est endogène à partir du
tube digestif, la transmission croisée étant exceptionnelle. De nombreux
éléments liés à l’hôte et au Candida lui-même influencent la colonisation.
Un certain nombre de facteurs de risque de colonisation et d’infection en
réanimation ont été décrits, mais aucun d’entre eux n’est suffisamment puissant
pris isolément pour prédire la survenue d’une infection.
Tout patient de réanimation ayant un séjour prolongé a au moins un facteur
de risque de candidose systémique.
II. Objectifs, type et lieu de l’étude
Il s’agit des résultats d’une étude prospective, descriptive et analytique,
étalée sur 24 mois, menée au service de Parasitologie Mycologie et aux services
de Réanimation (Chirurgicale, et Médicale) de l’Hôpital Militaire d’Instruction
Mohamed V
Les objectifs sont :
Evaluer la fréquence des candidoses systémiques en Réanimation.
Evaluer la répartition des espèces de levure rencontrées.
Analyser les facteurs de risque de survenue des candidoses
systémiques.
Evaluer l’intérêt de l’index de colonisation dans la survenue d’une
candidose disséminée.
44
III. PATIENT ET METHODES
III-1. Population étudiée
Etude prospective incluant tous les patients hospitalisés en réanimation
(médicale et chirurgicale) avec au moins un facteur de risque de colonisation
fongique.
Dans le but d’avoir tous les renseignements nécessaires pour notre étude et
pour chaque patient, nous avons préparé un questionnaire qui est rempli au cours
de l’hospitalisation (fiche de renseignements)
III-2. Etude mycologique
III-2-1. Prélèvement mycologique
Les prélèvents sont réalisés 2 fois par semaine (le premier étant réalisé à
l’admission). Il s’agit de prélèvement buccal, rectal ou selle, d’urines, nasal et
auriculaire mais également d’autres sites en fonction de l’état clinique du
patient (sonde gastrique, PDP, vaginal…..). Les hémocultures sont envoyées en
Bactériologie et en cas de pousse, les souches sont envoyées en mycologie pour
identification.
Chaque prélèvement a fait l’objet d’un examen direct et une mise en
culture
45
III-2-2. Examen direct
Pour les écouvillons, un examen au microscope a été effectué pour chaque
prélèvement en présence d’une goutte du sérum physiologique.
Cet examen a permis de mettre en évidence la présence ou l’absence de
levures bourgeonnantes, accompagnées ou non de filaments mycéliens. Des
colorations au Giemsa sont également réalisées
III-2-3. Culture et identification
Chaque échantillon a été ensemencé sur milieu chromogène Candiselect 4®
et incubé à 37°C pendant 48 heures. Il a permis :
La détection spécifique de 4 espèces de Candida
(C .tropicalis, C.albicans, C. krusei, C. glabrata) en donnant des
colonies de couleurs différentes.
La mise en évidence des autres levures : colonies blanches dont
l’identification a été réalisée avec les galeries Api 20c Aux®, la
lecture a été faite au bout de 48 heurs d’incubation à 29°c.
En ce qui concerne les hémocultures, elles sont incubées dans des
automates type Bactec 9240
III-2-4. Calcul de l’index de colonisation
L’index de colonisation est calculé comme présenté par Pittet : rapport
entre le nombre de sites positifs et le nombre total de sites prélevés [41,74].
46
III-3. Analyse statistique
L’analyse statistique des résultats a utilisé le logiciel SPSS 10, nous avons
utilisé le test de Student pour les variables quantitatives et le test lu Khi 2 pour
les variables qualitatives, le risque d’erreur α est fixé à 5%.
IV. RESULTATS
Durant la période d’études, 84 patient sont inclus, 142 séries de
prélèvement réalisées (urine, rectal, buccal, nasal, auriculaire), soit 685
prélèvements et 84 hémocultures.
Sexe : Notre population d’étude (84 patients) est constituée de
65 hommes (77,4%) et 19 femmes (22,6%) soit un sexe ratio H/F = 3,4
Tableau III : Répartition de la population d’étude selon le sexe
Nombre Pourcentage
HOMMES
FEMMES
65
19
77,4%
22,6%
47
Age : l’âge moyen des patients est de 53,9 ans, la médiane est de 56 ans.
L’âge minimum : 14 ans
L’âge maximum : 85 ans
Figure 13 : Répartition des patients par tranche d’âge.
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
0-20 ans 21-40 ans 41-50 ans 51-60 ans 61-70 ans 71-80 ans >80 ans
48
Facteurs de risque : Sur les 84 patients :
- 78 ont une sonde urinaire (92,9%)
- 72 sont sous antibiothérapie à large spectre (85,7%)
- 54 ont un cathéter veineux central (64,3%).
- 40 ont un cathéter artériel (47,6%).
- 37 ont un drains (44%).
- 30 ont une sonde d’intubation (35,7%).
- 28 ont subis une chirurgie récente (33,3%).
- 28 sont diabétiques (33,3%).
- 18 sont sous corticothérapie (21,4%).
- 9 ont une trachéotomie (10,7%).
- 7 sont dialysés (8,3%).
- 5 ont un cancer ou une hémopathie (6%).
- 3 sont sous immunosuppresseurs (3,6%).
49
Figure 14 : fréquence des facteurs de risque en réanimation durant la période
d’étude .
92,9%
85,7%
64,3%
47,6% 44,0%
35,7% 33,3% 33,3%
21,4%
10,7% 8,3%
6,0% 3,6%
50
Pour la corrélation entre les facteurs de risque est les candidoses
systémiques prouvées, nous avons utilisé le TEST du Khi-2, les facteurs avec
une signification exacte (soit p < 0,05) sont :
L’antibiothérapie à large spectre.
La trachéotomie.
Les immunosuppresseurs.
La corticothérapie à long cours.
Cancers ou hémopathies.
51
Fréquence des différentes espèces Candida dans les cultures
positives.
Dans un total de 685 prélèvements réalisés, 199 cultures positives sont
retrouvées :
- Les cultures sont monomorphes (isolement d’une seule espèce au
sein d’une culture) dans 72,3% des cas (144/199).
- Elles sont polymorphes (isolement de plusieurs espèces au sein d’une
même culture) dans 27,6% des cas (55/199).
Figure 15 : Fréquences des cultures polymorphes dans l'ensemble des
cultures positives
cultures monomorphes
72,4%
cultures polymorphes
27,6%
Fréquences des cultures polymorphes dans l'ensemble des cultures positives
52
Les cultures monomorphes :
Candida albicans est l’espèce prédominante puisqu’isolée avec une
fréquence de 35,4% (51/144). Les autres espèces sont retrouvées dans l’ordre
suivant :
- Candida tropicalis : 23,6% (34/144)
- Candida glabrata : 16% (23/144)
- Candida krusei : 7,6% (11/144)
- Candida famata : 4,2% (6/144)
- Candida parapsilosis : 2,1% (3/144)
- Candida guilliermondi : 0,7% (2/144)
- Candida sp : 9,7% (14/144)
53
Figure 16 : Fréquence des différentes espèces Candida dans les cultures
monomorphes
35,6%
23,8%
16,1%
7,7%
4,2%
2,1% 0,7% 9,8%
Fréquence des différentes espèces Candida dans les cultures monomorphes
Candida albicans Candida tropicalis Candida glabrata
Candida krusei Candida famata Candida parapsilosis
Candida guilliermondi Candida sp
C. albicans
C. tropicalis
C. glabrata
54
Les cultures polymorphes :
Si l’on considère les cultures polymorphes :
- 91% des cas : association de deux espèces (50/55).
- 9% des cas : association de trois espèces (5/55).
Candida albicans est représenté avec une fréquence de 80% sur les cultures
polymorphes.
Les associations les plus fréquentes dans les cultures polymorphes sont :
- C. albicans + C. tropicalis : 38,2% (21/55)
- C. albicans + C. glabrata : 21,8% (12/55)
- C. glabrata + C. tropicalis : 11% (6/55)
Les autres associations sont données dans le tableau IV
Tableau IV : fréquence et pourcentage des associations de Candida
Association Fréquence Pourcentage
C. albicans + C. tropicalis 21/55 38,2%
C. albicans + C. glabrata 12/55 21,8%
C. glabrata + C. tropicalis 6/55 11%
C. albicans + C. krusei 5/55 9%
C. glabrata + C. krusei 3/55 5,5%
C. albicans + Candida sp 1/55 1,8%
C. tropicalis + C. parapsilosis 1/55 1,8%
C. tropicalis + Candida sp 1/55 1,8%
C. albicans + C. glabrata + C. tropicalis 5/55 9%
55
Figure 17 : Fréquence des différentes associations de Candida dans les
cultures polymorphes.
21,8%
38,2%
9,0%
1,8%
11,0%
5,5%
1,8% 1,8% 9,0%
Fréquence des différentes associations de Candida dans les cultures polymorphes
C.albicans,C. glabrata C.albicans,C. tropicalis
C.albicans,C. krusei C.albicans,Candida sp
C. glabrata,C. tropicalis C. glabrata,C. krusei
C. tropicalis,C. parapsilosis C. tropicalis,Candida sp
C.albicans,C. glabrata,C. tropicalis
C. albicans + C. glabrata
C. albicans + C. tropicalis
56
Dans l’ensemble des cultures positives (monomorphes et polymorphes)
C. albicans est l‘espèce la plus fréquente 25,6% (51/199), avec l’émergence de
C. tropicalis 17% (34/199) et C. glabrata 11,5% (23/199).
Le tableau X et la figure X indiquent pour chaque espèce de Candida, le
nombre de cas et la fréquence dans l’ensemble des cultures positives :
Tableau V : Fréquence des différentes espèces de Candida
Espèce Nombre de cas Pourcentage
Candida albicans 51 25,6%
Candida tropicalis 34 17%
Candida glabrata 23 11,5%
Candida krusei 11 5,5%
Candida famata 6 3%
Candida parapsilosis 3 1,5%
Candida guilliermondi 2 1%
Candida sp 14 7%
Association
C. albicans + C. tropicalis
C. albicans + C. glabrata
C. albicans + C. krusei
C. albicans + Candida sp
C. glabrata + C. tropicalis
C. glabrata + C. krusei
C. tropicalis + C. parapsilosis
C. tropicalis + Candida sp
C. albicans + C. glabrata + C. tropicalis
55
21
12
5
1
6
3
1
1
5
27,6%
Total 199 100%
57
Figure 18 : Fréquence des différentes espèces Candida dans l'ensemble
des sites prélevés.
25,7%
11,5%
17,1% 5,5%
3,0%
1,5%
1,0%
7,0%
27,7%
Fréquence des différentes espèces Candida dans l'ensemble des sites prélevés
C. albicans C. glabrata C. tropicalis
C. krusei C. famata C. parapsilosis
C. guilliermondi Candida sp Associations
58
Sites corporels prélevés :
Les sites corporels prélevés sont : la bouche, le nez, l’anus, les urines, et
l’oreille.
Le tableau et la figure indiquent pour chaque site, le nombre de
prélèvements positifs.
Tableau VI : Nombre et pourcentage de positifs selon le site prélevé
Prélèvements positifs Pourcentage d’échantillons positifs
Urines 61 46%
Bouche 58 42%
Nez 43 31%
Anus 30 22%
Oreille 7 5%
Figure 19: Pourcentage d’échantillons positifs en fonction du site corporel
Urines Bouche Nez Anus Oreille
46% 42%
31%
22%
5%
59
Fréquence des différentes espèces dans les différents sites
Au niveau des urines
Tableau VII: fréquence des différentes espèces de Candida au niveau des
urines
Espèces Nombre de cas Pourcentage
Candida albicans 9 14,7%
Candida tropicalis 12 19,7%
Candida glabrata 7 11,5%
Candida krusei 5 8,2%
Candida guilliermondi 1 1,6%
Candida sp 7 11,5%
Association
C. albicans + C. tropicalis
C. albicans + C. glabrata
C. albicans + C. krusei
C. albicans + Candida sp
C. glabrata + C. tropicalis
C. glabrata + C. krusei
C. tropicalis + Candida sp
C. albicans + C. glabrata + C. tropicalis
20
7
3
1
1
2
1
1
4
32,8%
Total 61 100%
60
Figure 20: fréquence des différentes espèces Candida au niveau des urines
14,7%
11,5%
19,7%
8,2%
1,6%
11,5%
32,8%
Fréquence des différentes espèces Candida au niveau des urines
C. albicans C. glabrata C. tropicalis C. krusei
C. guilliermondi Candida sp Associations
C. albicans
C. tropicalis
C. glabrata
61
Au niveau de la muqueuse buccale
Tableau VIII: Fréquence des différentes espèces Candida au niveau de
la muqueuse buccale
Espèces Nombre de cas Pourcentage
Candida albicans 15 25,8%
Candida glabrata 11 19%
Candida tropicalis 7 12%
Candida krusei 5 8,6%
Candida famata 2 3,5%
Candida sp 2 3,5%
Associations
C. albicans + C. tropicalis
C. albicans + C. glabrata
C. albicans + C. krusei
C. glabrata + C. tropicalis
C. glabrata + C. krusei
C. tropicalis + C. parapsilosis
16
6
4
2
2
1
1
27,6%
Total 58 100%
62
Figure 21: fréquence des différentes espèces Candida au niveau de la
muqueuse buccale
25,8%
19,0%
12,0%
8,6%
3,5%
3,5%
27,6%
Fréquence des différentes espèces Candida au niveau de la muqueuse buccale
C. albicans C. glabrata C. tropicalis C. krusei
C. famata Candida sp Associations
C. glabrata
C. albicans
C. tropicalis
63
Au niveau de la muqueuse nasale
Tableau IX: Fréquence des différentes espèces Candida au niveau de la
muqueuse nasale
Espèces Nombre de cas Pourcentage
C. albicans 15 34,8%
C. glabrata 2 4,6%
C. tropicalis 7 16,3%
C. krusei 1 2,3%
C. famata 2 4,6%
Candida sp 3 7%
Associations
C. albicans + C. tropicalis
C. albicans + C. glabrata
C. albicans + C. krusei
C. glabrata + C. tropicalis
C. glabrata + C. krusei
13
4
4
2
2
1
30%
Total 43 100%
64
Figure 22 : fréquence des différentes espèces Candida au niveau de la
muqueuse nasale
34,9%
4,6%
16,4%
2,3%
4,6%
7,0%
30,1%
Fréquence des différentes espèces de Candida au niveau de la muqueuse nasale
C. albicans C. glabrata C. tropicalis C. krusei
C. famata Candida sp Associations
65
Au niveau de la muqueuse rectale
Tableau X: Fréquence des différentes espèces de Candida au niveau de la
muqueuse rectale
Espèces Nombre de cas Pourcentage
C. albicans 9 30%
C. glabrata 3 10%
C. tropicalis 8 26,6%
C. famata 2 6,7%
C. guilliermondi 1 3,3%
Candida sp 2 6,7%
Association
C. albicans + C. tropicalis
C. albicans + C. glabrata
C. albicans + C. glabrata + C. tropicalis
5
3
1
1
16,6%
Total 30 100%
66
Figure 23 : fréquence des différentes espèces Candida au niveau de la
muqueuse rectale
30,0%
10,0%
26,6%
6,7%
3,3%
6,7%
16,6%
Fréquence des différentes espèces Candida au niveau de la muqueuse rectale
C. albicans C. glabrata C. tropicalisC. famata C. guilliermondi Candida spAssociations
67
Au niveau de l’oreille
Tableau XI: Fréquence des différentes espèces de Candida au niveau
de l’oreille
Espèces Nombre de cas Pourcentage
C. albicans 3 42,9%
C. parapsilosis 3 42,9%
Associations
C. albicans + C. tropicalis
1
1
14,2%
Total 7 100%
68
Figure 24 : fréquence des différentes espèces Candida au niveau de la
l’oreille
C. albicans 42,9%
C. parapsilosis 42,9%
Associations 14,2%
Fréquence des différentes espèces Candida au niveau de l'oreille
69
Index de colonisation
Au total, 84 index de colonisation (IC) ont pu être déterminés. En fonction
de la valeur seuil de positivité (IC ≥ 0,5), les patients se répartissent en trois
groupes :
Groupe 1 : 27 patients ne sont pas colonisés (IC= 0), soit 32%
Groupe2 : Patients colonisés
Groupe 2a : 23 patients (27%) sont faiblement ou
modérément colonisés (IC < 0,5).
Groupe 2b : 34 patients (41%) sont fortement colonisés
(IC ≥ 0,5)
Figure 25 : Répartition des patients en fonction de leur index de colonisation
Patients noncolonisés
Patients faiblementcolonisés
Patients fortementcolonisés
32% 27%
41%
70
Niveau de preuve selon les critères de l’EORTC
En se basant sur la définition des infections fongiques profondes
proposées par l’EORTC, nous avons pu classer les patients en 4 catégories:
8 patients ont une candidose prouvée (8,5%)
41 patients ont une candidose probable (48,8%)
31 Patients ont une candidose possible (36,7%)
4 Patients n’ont pas de candidose (4,7%)
Figure 26 : Répartition des patients en fonction du niveau de preuve
Patients àcandidoseprouvée
Patients àcandidoseprobable
Patients àcandidosepossible
Patients sanscandidoses
8,5%
48,8%
36,7%
4,7%
71
Attitude thérapeutique :
La notion du traitement antifongique avant ou après le diagnostic da la
candidose a pu être renseignée pour tous les patients.
Avant le diagnostic :
11 ont eu un traitement antifongique avant le diagnostic :
1 patient a reçu de l’Amphotéricine B, 8 patients du Fluconazole,
et 2 patients du Voriconazole.
Par contre, 73 n’ont eu aucun traitement antifongique avant le
diagnostic.
Après le diagnostic :
25 patients ont bénéficié d’un traitement antifongique après le
diagnostic :
5 sous l’Amphotéricine B, 15 sous Fluconazole, et 5 sous
Voriconazole
59 n’ont pas eu de traitement antifongique après le diagnostic
(1 patient avait une candidose systémique prouvée, décédé avant
la positivité de l’hémoculture)
Devenir des patients à J 30 :
Concernant l’évolution des patients, 20 sont décédés au cours de l’étude
soit (23,8%). Dont six avaient une candidose systémique documentée soit 30%
des décès.
72
V. DISCUSSION :
De nombreux patients sont colonisés par Candida sp, pendant leur séjour à
l’hôpital, mais peu font des fongémies, sauf en réanimation où l’incidence peut
atteindre 10% [25]. C. albicans est l’espèce majoritairement responsable de
candidémies, mais d’autres espèces émergent, essentiellement Candida
glabrata, Candida parapsilosis et Candida tropicalis [45]. La proportion
relative de ces différentes espèces varie en fonction du terrain, des centres, de
l’époque, des pays et de la pression antifongique. Les taux de mortalité diffèrent
également selon les espèces et le terrain sous-jacent, mais la mortalité globale
est de l’ordre de 40% [45,70].
Les patients inclus dans notre étude représentent une population assez
hétérogène avec une grande dispersion d’âge. Le sexe masculin est prédominant
puisqu’il représente 77,4% des effectifs.
Les facteurs de risque classiquement associés aux candidoses systémiques
sont retrouvés notamment une antibiothérapie à large spectre et port de matériel
étranger : cathéter veineux central, sonde urinaire, cathéter artériel et drains,
d’autres facteurs de risque sont également retrouvés à des taux considérables :
La trachéotomie, les immunosuppresseurs, la corticothérapie à long cours, les
cancers et le diabète.
73
Dans notre étude, au niveau statistique, les facteurs de risque associés à la
survenue d’une candidose systémique (p < 0,05) sont :
L’antibiothérapie à large spectre
La trachéotomie.
Les immunosuppresseurs.
La corticothérapie au long cours.
Cancers ou hémopathies
Le taux de mortalité parmi les patients à candidose systémique prouvée est
de 75% (6/8), ce chiffre est nettement supérieur aux données de la littérature
[45] et montrent tout l’enjeu de trouver des arguments diagnostics fiables
permettant l’instauration rapide d’un traitement antifongique.
Résultats mycologiques
Nous avons constaté, au cours de l’étude, l’importance de la colonisation
des patients de la réanimation par le genre Candida (68% des patients sont
colonisés). La colonisation porte essentiellement sur les sites buccaux, nasaux et
urinaires.
Nous avons mis en évidence 7 espèces différentes de Candida (Candida
albicans, Candida tropicalis, Candida glabrata, Candida krusei, Candida
famata, Candida parapsilosis, Candida guilliermondi). La littérature [70] fait
état de la prédominance dans les services de réanimation de Candida albicans
mais avec un recul au cours de ces dernières années en faveur de Candida non
albicans.
Dans notre travail, Candida albicans est prédominant par rapport aux
autres espèces, avec un pourcentage de 35% dans les cultures monomorphes et
de 80% dans les cultures polymorphes. Par ailleurs nous avons noté l’émergence
74
de nouvelles espèces comme le Candida tropicalis avec respectivement 23,6%
et 61,8%, Candida glabrata avec respectivement 16% et 47,2%, ainsi que
d’autres espèces (Candida krusei, Candida famata, Candida parapsilosis,
Candida guilliermondi) qui présentent cependant des fréquences nettement
moindres.
Nous avons trouvé également des associations d’espèces surtout au niveau
buccal, nasal, et urinaire, les plus fréquentes sont :
C. albicans + C. tropicalis 38,2%
C. albicans + C. glabrata 21,8%
C. glabrata + C. tropicalis 11%
L’association de 3 espèces (C. albicans + C. glabrata + C. tropicalis) est
présente avec une fréquence de 9%
La présence de ces associations montre tout l’intérêt de l’utilisation des
milieux chromogéniques comme le Candiselect 4® utilisés dans notre étude et
qui permettent de déceler les associations grâce aux couleurs différentes pour
chaque espèce, ce qui n’est pas le cas du milieu Sabouraud utilisé
habituellement où toutes les espèces ont le même aspect macroscopique.
An niveau des hémocultures, 4 espèces de Candida ont été retrouvées :
C. albicans avec 3 cas sur 7 hémocultures positives à Candida, C. tropicalis
avec 2 cas sur 7, C. glabrata et C. famata avec un seul cas pour chaque espèce.
7 cas de candidose ont été confirmés par hémoculture, alors qu’un cas a pu
être confirmé par la présence de C. albicans au niveau du LCR.
75
Intérêt du calcul de l’index de colonisation
Nous avons vu que plusieurs équipes font appel au calcul de l’index de
colonisation [31]. Ce calcul a été mis en place dans notre étude. Cependant, un
certain nombre de points sont à discuter. Le nombre de sites prélevés, l’origine
précise des échantillons et la fréquence des prélèvements.
La fréquence des prélèvements (2 fois par semaine) apparaît insuffisante.
Pittet [74] recommande, pour le calcul de l’index de colonisation et son suivi,
plusieurs jours de prélèvements par semaine, cependant, cette recommandation
semble irréaliste compte tenu de la charge de travail.
Dans notre travail, nous avons observé que 68% des patients étaient
modérément ou fortement colonisés par Candida dans le groupe d’étude.
Sur l’ensemble des 8 patients ayant développé une candidose prouvée,
100% étaient effectivement colonisés par la levure responsable (IC ≥ 0,5).
En effet, la colonisation à Candida est une première étape essentielle dans
la pathogénie de la candidose systémique, il est donc indispensable d’instaurer le
dépistage et la surveillance d’une colonisation chez des patients présentant par
ailleurs d’autre facteur de risque.
La figure 20 illustre le degré de colonisation maximal mesuré dans notre
groupe de patients de réanimation suivis prospectivement et ayant développé ou
non une infection sévère à Candida durant notre étude.
76
Figure 27 : Comparaison des index de colonisation par levures du genre Candida chez deux
groupes de patients ayant (symboles rouges) ou non (symboles bleus) développé une infection
sévère à Candida.
On remarque que les 8 patients ayant développé une candidose avaient un
IC ≥ 0,5.
Par contre d’autres patients avaient un IC ≥ 0,5 mais n’ont pas développé
de candidose prouvée.
On peut conclure que l’index de colonisation a l’avantage de fournir une
donnée quantifiée de la situation du patient par rapport à la colonisation. Il
résume en une seule information la proportion des sites colonisés et l’intensité
de la colonisation. Il permet un suivi plus aisé et fait parti des critères entrant en
jeu pour la décision thérapeutique. Toutefois, il ne peut constituer à lui seul une
indication de traitement.
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45
Index de colonisation
jours en réanimation
77
Niveau de preuve de la candidose
Une définition des infections fongiques profondes a été proposée par
l’EORTC (European Organisation for Research and Treatment of Cancer) [74]
incluant des critères clinico-biologiques, elle définit :
Les infections fongiques invasives prouvées : examen histo-cytologique
avec présence de levures dans une biopsie ou dans un prélèvement obtenu par
ponction/aspiration à l’aiguille à l’exception des prélèvements muqueux ou si
une culture positive est obtenue à partir d’un site normalement stérile, et
anomalies cliniques ou radiologiques évoquent une infection (excepté les urines
et les muqueuses).
Les infections fongiques invasives probables : s’il y’a un facteur lié à
l’hôte, un critère microbiologique et un critère clinique majeur (ou 2 mineurs).
Les infections fongiques possibles : s’il y’a un facteur lié a l’hôte et un
facteur microbiologique ou un critère clinique majeur (ou 2 mineurs).
78
Tableau XII : Critères de définition des infections fongiques de l’EORTC [74]
Critère liés à l’hôte
Neutropénie (>10 jours et <500/mm3)
Fièvre >96h, persistante sous traitement ATB à large spectre appropriée
chez un patient à risque élevé
température>38°C ou <36°C et 1 élément suivent :
neutropénie prolongée (>10 j) dans les 60 j précédents.
Utilisation actuelle ou dans les 30 j précédents d’immunosuppresseurs
Mycose invasive prouvée ou probable dans une période de neutropénie
antérieure.
SIDA symptomatique.
GVH (≥ grade 2) ou GVH chronique extensive.
Corticoïde (> 3 semaines) dans les 60 j précédents
Critères microbiologiques
Cultures positives à Candida sp : 2 uro-cultures positives en l’absence de
sonde urinaire
Examen direct positif à candida sp : présence de Candida sp à l’examen
direct des urines en l’absence de sonde urinaire
Critères cliniques
Doivent être en rapport avec le site du prélèvement positif et l’épisode en cours
Lésion nodulaire sans autre explication
Choriorétinite ou endophtalmie
Candidose hépatosplénique
79
Les données de la littérature [7] font état du faible nombre de candidoses
systémiques prouvées y compris dans les unités à risque telles que les services
de réanimation. Des résultats d’autopsie suggèrent que le nombre de candidoses
systémiques est sans doute sous-estimé.
Dans notre cas, 8 candidoses systémiques ont été diagnostiquées de manière
certaine (7 par hémocultures positives et une par présence de Candida dans le
LCR) soit un taux de 9,5%. Ce taux est conforme à celui trouvé dans les séries
concernant les services de réanimation 10% [25].
80
Corrélation Index de Colonisation-Niveau de preuve
Les 8 patients qui ont développé une candidose prouvée avaient un IC ≥ 0,5
21 patients sur les 41 qui on une candidose probable ont un IC ≥ 0,5
La figure nous donne la moyenne des index de colonisation pour chaque
niveau de preuve.
Candidose prouvée (IC-1) candidose probable (IC-2) candidose possible (IC-3)
Figure 28 : la moyenne de l’Index de colonisation par niveau de preuve
Box plots
0,000
1,000
0,200
0,313 0,500
0,800
0,650
0,663
0,100
0,800
0,500
0,405
0,000
1,000
0,000
0,142
IC - total IC - 1 IC - 2 IC - 3
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
1,2
81
Dans notre travail l’IC est bien corrélé, statistiquement, au niveau de
preuve (p<0,05).
L’importance du degré de colonisation dans le risque de développer une
infection secondaire est reconnue dans plusieurs études [25,27].
Dans notre étude, l’index de colonisation était significativement plus élevé
chez les patients ayant développé une candidose prouvé (en moyenne 0,66), et
les patients ayant une candidose probable(en moyenne 0,40) comparé à
l’ensemble des patients inclus dans l’étude (en moyenne 0,31)
La sensibilité de cet index, qui est utilisé par de nombreux réanimateurs,
était de 100% d’après plusieurs études [25,55].
82
Conclusion générale
Malgré les progrès réalisés dans la compréhension de la physiopathologie
des infections à Candida, et le développement de nouvelles méthodes, le
diagnostic se fait généralement d’une façon tardive aggravant le pronostic de la
maladie qui est déjà sombre. L’hémoculture reste l’examen de référence, malgré
sa faible sensibilité et son résultat le plus souvent tardif.
La survenue d’une infection sévère à levure du genre Candida est une
complication hospitalière redoutable. Une bonne connaissance de leur
pathogénie doit permettre au clinicien de détecter précocement les facteurs de
risque qui prédisposent à leur développement. À cet égard, le degré de
colonisation représente un élément crucial dont la valeur prédictive est établie.