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Proceedings of VEXTAL'99 - Venezia, San Servolo, V.I.U. - 22-24 November 1999 225 Vers un système de traduction juridique français/arabe Haytham ALSHARAF Centre Lucien Tesnière – Université de Besançon. France Section de français - Université de Koweït Introduction Personne ne peut ignorer l’essor de la traduction juridique de nos jours. Les états fédéraux multilingues ou ceux de la communauté européenne voisine des pays du Proche et Moyen-Orient s’investissent de plus en plus dans ce domaine. Les études de terminologie juridique se multiplient pour répondre aux besoins de traduction ainsi que de recherche et extraction d’information. Personne ne doute de l’importance de la traduction juridique. Des facteurs historiques et juridiques justifient l’importance du droit français pour le monde arabe. Soulignons tout d’abord qu’il existe dans le monde du droit plusieurs écoles juridiques : anglo-saxonne, latine, islamique et germanique. La plupart des pays arabes prennent pour référence l’école latine dont la France se veut le représentant. La majorité absolue des constitutions arabes, et notamment celles de l’Egypte et du Liban, ont été élaborées essentiellement à partir du droit français. De fait, la compréhension de textes juridiques français implique la maîtrise de la langue source. Ajoutons, de plus, que la plupart des théories modernes dans les différents domaines du droit se référent au droit français ou plus généralement à l’école latine. La France a beaucoup contribué à l’élaboration des règles du droit administratif ou du droit civil qui ont un grand impact dans l’organisation de toute société moderne. Le français est l’une des langues officielle de l’O.N.U. Le traitement des langages juridiques français et arabe est aussi vital dans le domaine des contrats internationaux. Finalement, on peut dire que ces éléments prouvent la nécessité d’un traitement automatique des langages juridiques et de tout système de traduction qui facilitera la communication entre les deux communautés. C’est pour répondre à ce besoin que l’on a entrepris des recherches dans cette langue de spécialité. Langue commune et langue de spécialité. Il nous semble nécessaire de définir ce qu’on entend par langue de spécialité avant toute analyse afin d’éviter toute ambiguïté. En effet, on constate que celle- ci pour un certain nombre de ceux qui s’y intéressent ne signifie rien d’autre que l’emploi de certaines unités lexicales spécialisées. Or, ceci ne nous semble pas convainquant au moins dans le domaine juridique. Il peut l’être dans des domaines qui ne sont pas suffisamment intégrés à la langue commune tel que le langage de la chimie ou de la physique nucléaire. En réalité, au fur et à mesure que la langue de spécialité pénètre dans la vie quotidienne, elle a tendance à perdre sa technicité en se rapprochant de la langue commune. Force est de constater qu’il existe plusieurs niveaux de langage juridique plus ou moins accessibles aux locuteurs standards : les deux tiers du vocabulaire juridique ont une double appartenance «juridique et commune ». Dès lors, il serait difficile d’admettre la définition de Harris selon laquelle «tout sous-ensemble de phrases (langue de spécialité) d’une langue ne met en jeu qu’une portion limitée du

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Proceedings of VEXTAL'99 - Venezia, San Servolo, V.I.U. - 22-24 November 1999

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Vers un système de traduction juridique français/arabeHaytham ALSHARAF

Centre Lucien Tesnière – Université de Besançon. FranceSection de français - Université de Koweït

Introduction

Personne ne peut ignorer l’essor dela traduction juridique de nos jours. Lesétats fédéraux multilingues ou ceux de lacommunauté européenne voisine des paysdu Proche et Moyen-Orient s’investissentde plus en plus dans ce domaine. Lesétudes de terminologie juridique semultiplient pour répondre aux besoins detraduction ainsi que de recherche etextraction d’information. Personne nedoute de l’importance de la traductionjuridique. Des facteurs historiques etjuridiques justifient l’importance du droitfrançais pour le monde arabe.

Soulignons tout d’abord qu’ilexiste dans le monde du droit plusieursécoles juridiques : anglo-saxonne, latine,islamique et germanique. La plupart despays arabes prennent pour référencel’école latine dont la France se veut lereprésentant. La majorité absolue desconstitutions arabes, et notamment cellesde l’Egypte et du Liban, ont été élaboréesessentiellement à partir du droit français.De fait, la compréhension de textesjuridiques français implique la maîtrise dela langue source.

Ajoutons, de plus, que la plupartdes théories modernes dans les différentsdomaines du droit se référent au droitfrançais ou plus généralement à l’écolelatine. La France a beaucoup contribué àl’élaboration des règles du droitadministratif ou du droit civil qui ont ungrand impact dans l’organisation de toutesociété moderne. Le français est l’une deslangues officielle de l’O.N.U. Letraitement des langages juridiques françaiset arabe est aussi vital dans le domaine descontrats internationaux.

Finalement, on peut dire que ceséléments prouvent la nécessité d’untraitement automatique des langagesjuridiques et de tout système de traductionqui facilitera la communication entre lesdeux communautés. C’est pour répondre àce besoin que l’on a entrepris desrecherches dans cette langue de spécialité.

Langue commune et langue despécialité.

Il nous semble nécessaire de définirce qu’on entend par langue de spécialitéavant toute analyse afin d’éviter touteambiguïté. En effet, on constate que celle-ci pour un certain nombre de ceux qui s’yintéressent ne signifie rien d’autre quel’emploi de certaines unités lexicalesspécialisées. Or, ceci ne nous semble pasconvainquant au moins dans le domainejuridique. Il peut l’être dans des domainesqui ne sont pas suffisamment intégrés à lalangue commune tel que le langage de lachimie ou de la physique nucléaire. Enréalité, au fur et à mesure que la langue despécialité pénètre dans la vie quotidienne,elle a tendance à perdre sa technicité en serapprochant de la langue commune. Forceest de constater qu’il existe plusieursniveaux de langage juridique plus oumoins accessibles aux locuteurs standards :les deux tiers du vocabulaire juridique ontune double appartenance «juridique etcommune ».

Dès lors, il serait difficiled’admettre la définition de Harris selonlaquelle «tout sous-ensemble de phrases(langue de spécialité) d’une langue ne meten jeu qu’une portion limitée du

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vocabulaire »1. D’ailleurs, la part desunités lexicales exclusivement juridique estassez limitée. De plus, le phénomène del’interdisciplinarité, si important de nosjours, rend difficile de cerner la portionlimitée de vocabulaire de chaque domaineintervenant dans la totalité de la languenaturelle. Il faut remarquer aussi que lechoix des structures syntaxiques, desformes morphologiques et énonciativescontribuent à donner au langage juridiquetoute son originalité par rapport à la languecommune. Ces composantes ne sont pasdes éléments décoratifs ou accessoires,elles font partie du fonctionnement internedu langage juridique.

Donc, une langue de spécialité telleque la langue juridique ne se limite pas àun lexique spécialisé. Elle est beaucoupplus complexe que l’on ne croit car lesfrontières de celle-ci avec la languecommune ne sont pas nettes et claires.

Lexique et concepts.

Les termes juridiques sontl’ensemble des mots qui contiennent aumoins un sens lié à un concept appartenantau système juridique. On peut remarquerqu’il existe deux vocabulaires juridiques :les termes exclusivement juridiques et lestermes à double appartenance. Lespremiers n’ont d’emploi que dans lelangage du droit. C’est un ensemble définide mots réservés aux juristes comme :séquestre, saisine, inquisitorial, etc. Ilsdésignent avec précision leurs référents dufait qu’ils sont monosémiques. Latechnicité de la forme linguistique et lajuridicité du référent empêchent que cestermes engendrent une dérivationlexicologique. Les seconds appartiennentaussi au langage courant mais souvent ilsacquièrent un sens différent dans lelangage du droit. Dans cet ensemble, on 1 HARRIS, Z.S, 1990, «la genèse de l’analyse detransformation et de la métalangue », langage n°99,Paris, Larousse, P.17.

constate qu’il y a des termes qui ont unsens juridique principal et un sens dérivédans le langage courant comme droit,justice, loi, etc. D’autres termes ont leursens principal dans le langage courant etun sens dérivé dans le droit comme doute,hypothèse, indice, principe, nature, intérêt,etc. Certains de ces termes ont acquis unsens plus spécifique dans le langagejuridique.

Par ailleurs, l’étude de lasémantique juridique est pertinente car ellenous a montré deux sortes de polysémie :externe et interne. La polysémie externeconcerne les mots à double appartenance.La polysémie interne désigne lamultiplication du sens d’un mot suivant lesous-domaine juridique comme contrat,cause, action, libre, etc. L’étudemorphologique du langage juridique estégalement importante afin de mettre enévidence les particularités de sonfonctionnement interne. En effet, on s’estintéressé à l’étude des particularitéslinguistiques des termes juridiques et lesrapports qu’ils entretiennent entre eux quece soit au niveau de la dérivation, del’étymologie ou de la composition. Deplus, on s’est intéressé à l’étude del’énonciation juridique et plusparticulièrement aux marqueurs énonciatifsqu’ils soient pronoms personnels,adverbes de négation ou particulesdémonstratives. Leur étude est pertinentepour la richesse de toute base de donnéesdestinée aux systèmes de traduction.L’ensemble des résultats de ces recherchesest disponible au centre Tesnière.

Terminologie et terminographiefrançais/arabe.

On s’est intéressé à l’analyse desdictionnaires juridiques bilingues car ilsdemeurent une source importanted’information, entre autres, pour toutsystème de traduction. Or, on a constatéque ces dictionnaires contenaient denombreuses erreurs. Certains problèmes

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sont fréquents dans tous les systèmesbilingues tels que les problèmesd’équivalence, de définition des unitéscomposées, des termes généraux etspécialisés. D’autres, plus graves, sontconstatés dans la conception même desdictionnaires. On pense que ces problèmesméritent d’être soulevés car le dictionnaire,en tant qu’outil pédagogique, s’éloigneconsidérablement de son objectif et trahitla confiance de ses usagers. Après avoircomparé deux dictionnaires juridiquesfrançais et deux dictionnaires juridiquesfrançais/arabe, on a relevé des :• Problèmes de contresens par rapport

aux dictionnaires français. Ainsi,magistrat consulaire est traduit dansles dictionnaires bilingues parmagistrat du consulat alors qu’ilsignifie juge au tribunal de commerce.

• Problèmes de contradiction detraduction entre les dictionnairesfrançais/arabe. Ainsi, exception dilatoireest, dans un dictionnaire, l’acte qui tend àdifférer une réponse alors que l’autredictionnaire on donne le sens inverse : actequi ne tend pas à différer une réponse.• Problèmes de formes incorrectes enfrançais. Ainsi, assurance décès est écritdans les dictionnaires bilingues assurancedu décès.• Problèmes de traduction imprécisevoire fausse. Ainsi, le terme contentieuxadministratifs est traduit en arabe parlitiges administratifs alors qu’il signifielitiges dont la connaissance appartient auxjuridictions administratives.

Outre ces questions, on remarquedes problèmes d’adaptation de ces donnéesau traitement automatique. Ainsi, on noteque la polysémie d’un terme n’est passpécifiée dans les dictionnaires juridiquesfrançais/arabe : on ne mentionne qu’unseul sens pour chaque terme. De plus, onne note ni la catégorie grammaticale ni legenre de l’entrée. Le fait d’étiqueter lesunités lexicales nous sera utile surtout lorsde l’élaboration de notre analyseur

syntaxique pour notre système detraduction. De même, on n’a pas saisi laraison pour laquelle certaines unités n’ontpas été stockées selon leur lemme.

La prise en compte de l’ensemblede ces remarques est vital et nécessairepour toute application informatique. Ceci aété pris en considération lors del’élaboration de notre Base de DonnéesBilingue Juridique « B.D.B.J ».

Problèmes informatiques rencontréslors de la réalisation de B.D.B.J.

Il faut prendre en considérationcertains problèmes informatiques dans lecas de notre application informatiquefrançais/arabe.• Il n’existe pas de traitement de texte

français/arabe facilitant la constitutionde la base de données.

Pourtant, il en existe en anglais/arabe. Dece fait, on était obligé de travailler enparallèle sur deux systèmesd’exploitations. Ceci ne simplifie pas letravail de correction et de vérificationd’une base de données déjà importante.• On a remarqué que le travail sur les

traitements de texte tel que Word®causait parfois la disparition de certainsmots ou codes ! Et il faut donccontrôler à chaque utilisation la base dedonnées. La lecture de 4500 unitéscomposées et de leurs codes prendquelques heures : une vérificationminutieuse prend plus de temps encore.

• Il est à signaler que le Word®anglais/arabe n’est pas du tout fiable :il change souvent de langue sans qu’onle lui demande. Le correcteurorthographique laisse passer bien desfautes. Soulignons en outre unproblème curieux, c’est le fait que laversion Word® anglais/arabe et laversion française ne donnent pas lemême ordre alphabétique pour lesunités composées.

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Conclusion

Pour conclure, on peut dire que l’ona un long chemin à parcourir avant laréalisation de systèmes de traductionjuridique français/arabe. Il nous faudraitune étude approfondie des caractéristiquestextuelles qu’elles soient au niveau de lasyntaxe, de la stylistique du langage

juridique. De plus, il faudrait développerun modèle et des analyses fines et proprespour la traduction juridique français/arabe.Il faudrait également constituer des outilsinformatiques appropriés, comme unsystème de base de données spécifié.Même si pour l’instant, on se sert desoutils du commerce.

Annexe

Qu’est-ce que B.D.B.J

réutilisable pourd'autres applications

réutilisable par desnon-programmeurspour le mise à jour

interface conviviale

Base de données" 4500 unités composées "

vérifie s'il n'y a pasde mots invaraibles

traite les exceptionsde mise au pluriel

décompose les unités composéesen mots simples

fait automatiquement lamise au pluriel selon un

code predéfini

Générateur automatiquede mise au pluriel

B . D . B . J