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32 Figure 1. IRM du genou : masse parapatellaire interne hétérogène avec des zones hypodenses en T1 (A) et en T2 (B) évoquant une SVNH localisée. A B Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 03 - Juillet - août - septembre 2014 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation CAS CLINIQUE Une synovite villonodulaire localisée du genou Localized pigmented villonodular synovitis of the knee T. Cherrad*, H. Zejjari*, J. Louaste*, E. El Kasmaoui*, K. Rachid* * Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, hôpital militaire Moulay-Ismail, Meknès, Maroc. © La Lettre du Rhumatologue, n o  402-403, mai-juin 2014. Observation n o 1 Monsieur M., âgé de 42 ans, sans antécédents patho- logiques particuliers, se plaint depuis 3 mois de gonalgies droites avec des épisodes de blocage non améliorés par les antalgiques et l’apparition progres- sive d’une tuméfaction. L’examen clinique permet de constater l’existence d’une tuméfaction parapatellaire interne du genou droit associée à des signes ménis- caux mais sans épanchement articulaire. La radio- graphie standard du genou est normale, mais l’IRM révèle un nodule parapatellaire interne hétérogène comportant de nombreuses zones hypodenses en T1 et T2 correspondant à des dépôts d’hémosidérine (figure 1). L’exploration arthroscopique révèle une masse brunâtre (avec des taches hémorragiques) mesurant 3 cm sur 1,5 cm (figures 2 et 3) sans autre anomalie synoviale. L’exérèse est effectuée en empor- tant la base d’implantation. Le diagnostic de SVNH est confirmé par l’examen anatomopathologique. L’évo- lution est marquée par la disparition de la sympto- matologie clinique et l’absence de récidive avec un recul de 2 ans. Observation n o 2 Madame X, âgée de 45 ans, sans antécédents parti- culiers, se plaint depuis 2 mois de gonalgies gauches non calmées par les anti-inflammatoires non stéroï- diens, avec des sensations de dérangement méca- nique intra-articulaire et un épisode de “dérobement” qui a nécessité l’utilisation de cannes. L’examen cli- nique trouve uniquement une douleur à la pression de la partie antéro-interne de l’interligne articulaire. La radiographie standard et l’IRM du genou ne montrent rien de significatif. Devant la persistance de la symp- tomatologie, une arthroscopie est réalisée. Elle met La synovite villonodulaire hémopigmentée (SVNH) est une pathologie rare caractérisée par une prolifération bénigne de la synoviale, très agressive “localement”. Elle peut toucher les articulations, les gaines tendineuses ou les bourses. La localisation au genou est la plus fréquente. Cette affection se manifeste sous 2 formes : l’une diffuse, l’autre localisée, cette dernière constituant une entité plus rare. Nous rapportons 2 observations de SVNH localisées du genou illustrant cette affection.

Une synovite villonodulaire localisée du genou - edimark.fr · Jaffe HL, Lichtenstein L, Sutro CJ. Pigmented villonodular synovitis, bursitis and tenosynovitis. Arch Pathol 1941;31:731-65

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Figure 1. IRM du genou : masse parapatellaire interne hétérogène avec des zones hypodenses en T1 (A) et en T2  (B) évoquant une SVNH localisée.

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Une synovite villonodulaire localisée du genou

Localized pigmented villonodular synovitis of the kneeT. Cherrad*, H. Zejjari*, J. Louaste*, E. El Kasmaoui*, K. Rachid*

* Service de chirurgie

orthopédique et traumatologique,

hôpital militaire Moulay-Ismail,

Meknès, Maroc.

© La Lettre du Rhumatologue,

no 402-403, mai-juin 2014.

Observation no 1Monsieur M., âgé de 42 ans, sans antécédents patho-logiques particuliers, se plaint depuis 3 mois de gonalgies droites avec des épisodes de blocage non améliorés par les antalgiques et l’apparition progres-sive d’une tuméfaction. L’examen clinique permet de constater l’existence d’une tuméfaction parapatellaire interne du genou droit associée à des signes ménis-caux mais sans épanchement articulaire. La radio-graphie standard du genou est normale, mais l’IRM révèle un nodule par apatellaire interne hétérogène comportant de nombreuses zones hypodenses en T1 et T2 correspondant à des dépôts d’hémo sidérine (fi gure 1). L’explo ration arthroscopique révèle une masse brunâtre (avec des taches hémorragiques) mesurant 3 cm sur 1,5 cm (fi gures 2 et 3) sans autre anomalie synoviale. L’exérèse est effectuée en empor-tant la base d’implantation. Le diagnostic de SVNH est

confi rmé par l’examen anatomopathologique. L’évo-lution est marquée par la disparition de la sympto-matologie clinique et l’absence de récidive avec un recul de 2 ans.

Observation no 2Madame X, âgée de 45 ans, sans antécédents parti-culiers, se plaint depuis 2 mois de gonalgies gauches non calmées par les anti-infl ammatoires non stéroï-diens, avec des sensations de dérangement méca-nique intra-articulaire et un épisode de “dérobement” qui a nécessité l’utilisation de cannes. L’examen cli-nique trouve uniquement une douleur à la pression de la partie antéro-interne de l’interligne articulaire. La radiographie standard et l’IRM du genou ne montrent rien de signifi catif. Devant la persistance de la symp-tomatologie, une arthroscopie est réalisée. Elle met

La synovite villonodulaire hémopigmentée (SVNH) est une pathologie rare caractérisée par une prolifération bénigne de la synoviale, très agressive “localement”. Elle peut toucher les articulations, les gaines tendineuses ou les bourses. La localisation au genou est la plus fréquente. Cette affection se manifeste sous 2 formes : l’une diffuse, l’autre localisée, cette dernière constituant une entité plus rare. Nous rapportons 2 observations de SVNH localisées du genou illustrant cette affection.

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Figure 2. Vue arthroscopique du nodule para-patellaire interne.

Figure 4. Vue arthroscopique du nodule intra- articulaire évoquant une SVNH.

Figure 3. Aspect macroscopique du nodule para-patellaire interne évoquant une SVNH.

Condyle fémoral

Nodule

Rotule

Condyle fémoral

Nodule de SVNH

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en évidence une petite masse multilobée brunâtre implantée sur la synoviale en avant de la partie anté-rieure du ménisque interne (fi gure 4). Cette masse peut se coincer entre le condyle fémoral et le ménisque interne et expliquer les épisodes de “dérobement” et de “blocage”. L’ablation de la masse est effectuée en emportant sa base d’implantation. L’examen histo-logique de la pièce opératoire permet le diagnostic de SVNH. L’évolution est marquée par la disparition complète des signes cliniques et l’absence de récidive avec 1 an de recul.

DiscussionLa SVNH est une pathologie rare dont l’incidence annuelle est de 1,8 par million d’habitants (1). Elle touche surtout l’adulte âgé de 30 à 50 ans, avec un sex-ratio de 1 (2).L’étiopathogénie de la SVNH reste inconnue, mais différentes hypothèses sont possibles : un “trouble” local du métabolisme lipidique, une hyperplasie syno-viale infl ammatoire, des traumatismes répétés et des hémorragies (3). L’hypothèse d’une prolifération tumo-rale locale a été évoquée car des aberrations cytogé-nétiques ont été détectées (4).Jaffe et al., en 1941, ont décrit la SVNH. Depuis, 2 formes articulaires ont été décrites : une forme loca-lisée (nodulaire) et une forme diffuse s’étendant à toute la synoviale (5). Ces 2 formes ont les mêmes carac-téristiques histopatho logiques, mais elles diffèrent sur le plan clinique et pronostique (2, 6, 7). La forme localisée est surtout dominée par la symptomato-logie de “blocage”, ce qui évoque une lésion ménis-cale, un corps étranger, une plicae ou un syndrome rotulien (8). La forme diffuse est plus souvent révélée par des douleurs et un épanchement fréquemment hémorragique.

La radiographie standard est normale dans la majo-rité des cas, mais la SVNH localisée peut révéler des lésions osseuses kystiques ou une érosion isolée de la corticale (9).L’IRM est l’examen clé pour le diagnostic. Elle met en évidence un nodule de taille variable, hétérogène, avec des hyposignaux en T1 et T2 correspondant aux dépôts d’hémosidérine (10). Certaines séquences (injection de gadolinium, échographie de gradient) plus spécifi ques de la SVNH sont recommandées (11). Dans certains cas, comme chez notre patiente, l’IRM peut être consi-dérée comme normale, d’où l’intérêt de l’exploration arthroscopique la plus complète possible, justifi ée par les épisodes de “blocage”.

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Le diagnostic est histologique, car il révèle un tissu synovial papillaire hypervascularisé ainsi qu’un infi ltrat infl ammatoire chronique composé d’histio cytes spumeux, de cellules mono nucléées, de cellules géantes, avec de nombreux dépôts d’hémo-sidérine (5).Dans la forme diffuse, la radiothérapie externe (qui est abandonnée) [12] ou une synoviorthèse isotopique (13) sont proposées, mais l’on préfère le traitement chirur-gical (une synovectomie totale) qui peut être complétée par une synoviorthèse aux corticoïdes fl uorés ou iso-topique.Le traitement de la SVNH localisée consiste plus simplement en une ablation du nodule avec sa base d’implan tation synoviale, si possible par arthro-scopie (2). Les récidives sont rares et souvent dues à une exérèse incomplète de la base d’implantation du

nodule (14). Cette récidive est beaucoup plus fréquente dans la SVNH diffuse, en raison de la diffi culté de réa-liser une synovectomie complète. Aucun protocole de surveillance n’est bien établi à l’heure actuelle. Il est proposé d’effectuer un contrôle IRM annuel durant les 4 premières années ou en cas de doute clinique.

ConclusionLa SVNH localisée est une pathologie rare touchant préférentiellement le genou. Elle se manifeste par des gonalgies avec des “blocages” mécaniques. L’IRM est utile pour le diagnostic, mais la confi rmation est histologique. Le traitement est arthroscopique dans de nombreux cas et repose sur l’exérèse du nodule, qui permet d’obtenir un excellent résultat.

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