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1 LES ALGUES Un peu d’histoire… Les végétaux sont les seuls êtres vivants capables de produire de la matière organique, à l’origine de toute forme de vie. Grâce à la chlorophylle qu’ils contiennent et en utilisant la lumière du soleil, ils transforment l’eau, les sels minéraux et le dioxy- de de carbone en matière vivante, puis libèrent de l’oxygène. C’est la photosynthèse ! Les premiers êtres vivants à réaliser ce miracle font leur apparition il y a 3,5 milliards d’années, ce sont des bactéries. Puis, il y a 3 milliards d’années environ, apparaissent des êtres aquatiques, les cyanobactéries, appelées aussi algues bleues (ce ne sont pas des algues, mais des organismes unicel- lulaires ne possédant pas de noyau). Mais non, ce ne sont pas des hydrocarbures, mais vos lointains ancêtres, les algues bleues ! Les algues dans le règne végétal Les algues sont des cryptogames, c’est-à-dire des végétaux dont l’appareil reproducteur est caché (comme les mousses, fougères, lichens…). Ce sont des plantes sans feuilles, tiges ou ra- cines ; elles sont simplement constituées d’un thalle. Elles peuvent être unicellulaires (algues microscopiques) ou pluricellulaires (algues supérieures) et l’eau leur est indispensable pour la reproduction. Toutes possèdent de la chlorophylle permettant la photosynthèse, l’accès à la lumière leur est donc indispensable. On peut rencontrer les algues partout, dans l’eau (douce et salée) et sur terre, mais à deux conditions : qu’il y ait de la lumière (pour la photosynthèse) et de l’eau (pour la reproduction). Celles-ci se mettent à produire énormément d’oxygène permettant ainsi la vie aérienne sur terre et formant une couche d’ozone dans l’atmosphère. Les algues unicellulaires prennent en- suite le relais, puis l’ensemble du règne végétal et animal s’installe progressivement. Les crampons s’attachent solidement au substrat, comme ici une laminaire sur un rocher. Comparaison de la morphologie d’une algue et d’une plante à fleur

Un peu d’histoire… - Eau et Rivières de Bretagneeducatif.eau-et-rivieres.asso.fr/pdf/algues.pdf1 LES ALGUES Un peu d’histoire… Les végétaux sont les seuls êtres vivants

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LES ALGUES

Un peu d’histoire…Les végétaux sont les seuls êtres vivants capables de produire de la matière organique, à l’origine de toute forme de vie. Grâce à la chlorophylle qu’ils contiennent et en utilisant la lumière du soleil, ils transforment l’eau, les sels minéraux et le dioxy-de de carbone en matière vivante, puis libèrent de l’oxygène. C’est la photosynthèse !Les premiers êtres vivants à réaliser ce miracle font leur apparition il y a 3,5 milliards d’années, ce sont des bactéries. Puis, il y a 3 milliards d’années environ, apparaissent des êtres aquatiques, les cyanobactéries, appelées aussi algues bleues (ce ne sont pas des algues, mais des organismes unicel-lulaires ne possédant pas de noyau).

Mais non, ce ne sont pas des hydrocarbures, mais vos lointains ancêtres, les algues bleues !

Les algues dans le règne végétalLes algues sont des cryptogames, c’est-à-dire des végétaux dont l’appareil reproducteur est caché (comme les mousses, fougères, lichens…). Ce sont des plantes sans feuilles, tiges ou ra-cines ; elles sont simplement constituées d’un thalle. Elles peuvent être unicellulaires (algues microscopiques) ou pluricellulaires (algues supérieures) et l’eau leur est indispensable pour la reproduction. Toutes possèdent de la chlorophylle permettant la photosynthèse, l’accès à la lumière leur est donc indispensable. On peut rencontrer les algues partout, dans l’eau (douce et salée) et sur terre, mais à deux conditions : qu’il y ait de la lumière (pour la photosynthèse) et de l’eau (pour la reproduction).

Celles-ci se mettent à produire énormément d’oxygène permettant ainsi la vie aérienne sur terre et formant une couche d’ozone dans l’atmosphère. Les algues unicellulaires prennent en-suite le relais, puis l’ensemble du règne végétal et animal s’installe progressivement.

Les crampons s’attachent solidement au substrat, comme ici une laminaire

sur un rocher.

Comparaison de la morphologie d’une algue et d’une plante à fleur

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La reproduction des alguesLa reproduction asexuée (sans organes sexuels) : Les algues peuvent se reproduire par multi-plication végétative, c’est-à-dire par fragmentation. Par exemple, une petite partie du thalle d’une algue se détache et, emportée par les courants, donne plus tard un nouvel individu. Dans ce cas, cet individu est génétiquement identique à celui d’origine. C’est le mode de reproduction le plus courant chez les algues. Elles peuvent aussi libérer des spores qui germent et donne naissance à un nouvel individu.

La reproduction sexuée : Plus aléatoire et moins utilisée. L’individu naît cette fois de la fusion de 2 cellules reproductrices mâle et femelle appelées gamètes. Les individus obtenus sont cette fois génétiquement différents.

Les algues sur le littoralSur nos côtes, les différentes espèces d’algues se repartissent de bas en haut de l’estran (zone découverte et recouverte par les marées) suivant leurs exigences. Plusieurs critères influen-cent cette répartition : - Le substrat : Certaines se fixent sur du sable, d’autres sur des rochers, des coquillages…- La salinité : En pleine mer, dans une flaque ou près d’une embouchure, l’eau est plus ou moins salée. Et les algues le supportent différemment selon les espèces.- L’émersion : Toutes les algues ne supportent pas de la même façon le temps passé hors de l’eau, lors des marées basses.- La profondeur : Plus l’algue se développe en profondeur, moins la lumière est accessible.

La répartition se fait aussi en fonction de la compétition entre certaines algues. Enfin, les cô-tes sont plus ou moins protégées des courants et des vagues. Ainsi, certaines algues préfèrent plutôt le mode abrité au mode battu, et vice-versa.

L’estran, la zonation des marées et les principales ceintures d’algues

L’estran, de la côte jusqu’au niveau « 0 » des cartes.

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Suivant les espèces, les algues se présentent sous la forme de pieds isolés, de touffes, voire de tapis. Elles peuvent être filamenteuses, vésiculeuses, en forme de ruban, creuses, encroûtantes ou encore calcifiées ! A chaque marée, des algues arrachées s’échouent sur la plage et forment, avec d’autres détritus, ce que l’on appelle la laisse de mer. Celle-ci joue un rôle écologique capital sur le haut de l’estran. Elle nourrit les plantes terrestres qui fixent les sédi-ments et elle abrite de petits organismes vivants qui entrent dans le régime alimentaire de nombreux animaux, notamment les oiseaux. Malheureusement, sous la pression du tourisme, certaines communes littorales enlèvent systématiquement ces laisses de mer, qui n’ont absolument rien à voir avec les marées vertes (voir plus loin).

Laissez vivre les laisses de mer !

Les algues en eau douceCes végétaux sont également présents en eau douce, qu’elle soit stagnante ou courante. La plupart sont des micro-algues, et ces dernières sont plus denses dans les eaux stagnantes parce qu’il n’y a pas de mouvement d’eau. Ces algues peuvent être planctoniques (libres dans l’eau) ou benthiques (qui vi-vent sur le fond). Elles sont unicellulaires (elles sont dans ce cas mobiles) ou forment une colonie (elles sont filamenteuses et immobiles).Au cours de l’année, les populations de micro-algues varient de manière cyclique dans le milieu en fonction de la tempéra-ture, de la luminosité, des besoins propres à chaque espèce, et de leur durée de vie variant de 15 jours à 3 mois.Dès que la rivière ou l’étang sont enrichis en éléments mi-néraux (nitrates, phosphates), les micro-algues se dévelop-pent. Elles posent alors quelques problèmes :

• En formant un voile, elles gênent le passage de la lumière, ce qui provoque une incidence sur les autres êtres vivants.

• Certaines peuvent produire des toxines conduisant à

Une mare enrichie en nutriments et où les algues envahissent la

surface de l’eau

la mortalité des poissons et à l’interdiction de la baignade.

•Elles perturbent la production d’eau potable. Cependant, il ne faut pas oublier que c’est l’activité humaine qui est res-ponsable de ces problèmes. Dans des conditions normales, ces algues jouent un rôle essentiel en se plaçant à la base de toutes chaînes alimentaires. Elles sont indispensables à l’équilibre biologique du milieu.

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Une famille haute en couleur !Pour faire simple (car c’est très complexe !), on répartit les algues en 4 groupes :

- Les algues bleues ou cyanobactéries Comme on l’a vu, ce ne sont pas des algues, mais des bactéries (elles ne possèdent pas de noyau vérita-ble). Cependant, comme on les appelle couramment « algues bleues », et qu’elles font parler de plus en plus d’elles, on en tiendra compte… Au fait, leur nom vient d’un pigment bleu qu’elles possèdent.Lorsque les conditions leur sont favorables (eau ri-che en minéraux, surtout le phosphore !), elles se développent massivement. On parle dans ce cas de « bloom » ! Malgré leur taille microscopique, elles forment alors de véritables colonies qui colorent l’eau. Suivant l’espèce, la couleur peut être verte ou rouge.Certaines algues bleues produisent des toxines qui peuvent provoquer plusieurs types de maux au niveau de la peau, des voies respiratoires et digestives. Il faut donc éviter tout contact avec cette eau. Les sports nautiques, la baignade, la pêche… sont alors à proscrire.

- Les algues vertes (ou chlorophytes) Elles contiennent des chlorophylles a et b puis d’autres pigments. Elles sont présentes dans les eaux douces et les eaux salées. Si certaines atteignent le mètre, d’autres sont microscopi-ques.

Un bloom d’algues bleues dans un étang !

Les entéromorphes fréquentent les endroits où l’eau salée et l’eau douce se rencontrent : flaques du haut de l’estran, estuaire, écoule-

ment d’eau douce…

L’ulve ou laitue de mer se développe sur les substrats rocheux et se laisse ensuite ber-cée par les courants vers les zones calmes

des baies abritées.

Les codiums ont la consistance d’une éponge. Ils vivent dans la

zone infralittorale.

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- Les algues brunes (ou chromophytes) Elles contiennent des chlorophylles a et c, puis beaucoup d’autres pigments. La plupart sont marines et elles atteignent parfois des tailles impressionnantes (plusieurs mètres).

La pelvétie est l’algue située la plus haute sur l’es-tran. Elle est bien adaptée à l’émersion et peut ain-

si rester hors de l’eau pendant plusieurs jours !

Le fucus spiralé s’installe dans les zones à salinité variable, donc plutôt assez haut sur l’estran.

Le fucus vésiculeux se situe sur la zone de mi-ma-rée. Il forme des tapis très denses sur les rochers

des côtes exposées aux vagues.

L’ascophylle noueux se développe dans la même zone que le fucus vésiculeux, mais dans des conditions plus abritées. Le nombre de flotteurs le long d’un axe du thalle permet de

connaître l’âge du pied !

Au niveau des basses mers de mortes eaux, le fucus dentelé forme une ceinture qui indique le

début de la zone infralittorale.

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La sargasse du Japon, espèce envahissante im-portée d’Asie, s’observe dans les flaques au bas

de l’estran.

La bifurcaire se rencontre au début de l’étage infra-littoral ou avant, dans certaines flaques.

L’hymanthale ou spaghetti de mer se développe au début de la zone découverte uniquement lors des grandes marées basses. Elle peut atteindre 3 mètres !

Les laminaires ne se découvrent que lors des grandes marées basses. En revanche, on trouve facilement sur l’estran et la plage des stipes et

frondes arrachés. - Les algues rouges (ou rhodophytes) Elles ne contiennent que de la chlorophylle a et d’autres pigments. Elles sont principalement marines et pour la plupart pluricellulaires.

La carragheen (en gaëlique, « rocher aux che-veux rouges ») s’installe au début de l’étage

infralittoral.

Le lithophyllum incrusté ne supporte pas l’émersion, mais il subsiste dans les flaques

où il est très fréquent.

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La coralline forme des ceintures au bord des cuvettes du bas de l’estran rocheux

L’osmundea pennatifida se développe à par-tir de la zone de mi-marée. Goûtez-la, elle a

une douce saveur poivrée !

Les mille usages des alguesLes algues sont consommées depuis au moins le XVII è siècle, et surtout dans certains pays d’Asie comme le Japon. Chez nous, elles étaient surtout consommées lors des périodes de fa-mine. Mais avec l’arrivée de l’industrialisation, certaines algues (carragheen et laminaires) sont aujourd’hui très exploitées pour en extraire des substances qu’elles seules renferment. Ces substances possèdent un pouvoir gélifiant, épaississant ou stabilisateur. Elles sont énormément utilisées par l’industrie agroalimentaire et elles rentrent dans la composition des glaces, confi-tures, yaourts, bonbons, gâteaux, nourritures pour bébés et animaux… Mais leurs multiples propriétés les voient utilisées aussi dans bien d’autres domaines et pour d’autres objectifs : couches des bébés, appareils dentaires, vernis, colles, dentifrices… Et chaque année, de nou-velles découvertes apparaissent pour de nouveaux usages !

D’autres algues sont aussi utilisées en médecine, cosmétique, thalassothérapie et bien sûr en agriculture. Les goémons (en fait les fucus et l’ascophylle) sont depuis toujours utilisés comme engrais sur les côtes bretonnes. Le maërl, une algue rouge calcifiée, était également utilisé pour l’amendement des sols (pour réduire l’acidité des terres agricoles). Pour protéger la ressource en forte régression, sa récolte est aujourd’hui interdite.Autrefois, on récoltait le fucus vésiculeux dont on extrayait la soude ; celle-ci était utilisée pour la fabrication du verre. On peut encore observer ces fours à goémons sur certains en-droits des côtes du Finistère.

L’hymanthale est aussi appelée spa-ghetti de mer, et se prépare d’ailleurs de la même manière. Elle est riche en

vitamines et sels minéraux.

E 407 : si vous voyez cette inscription sur un produit cosmétique ou alimentaire, c’est qu’une algue (comme cette carra-gheen) entre dans sa composition pour

apporter ses propriétés épaississantes.

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Les marées vertesComment parler des algues sans évoquer le pro-blème récurrent qui touche le littoral breton : les marées vertes.Depuis les années 70, des tonnes d’algues vertes s’échouent chaque année sur nos plages. Ce sont les baies semi-ouvertes, pourvues d’un ou plusieurs cours d’eau, qui sont le plus sujettes à la prolifération incontrôlable de ces algues. Par exemple, les baies bretonnes de Lannion, Saint-Brieuc, Douarnenez, Concarneau ...

Marée verte en baie de Saint -Brieuc

L’algue en question est l’ulve ou laitue de mer. C’est une algue au pouvoir de croissance très important, pour peu que soient réunies les condi-tions nécessaires à son épanouissement : enso-leillement, profusion de nutriments et déplace-ment minimum de la masse d’eau dans laquelle elle se développe en suspension. Elle prolifère donc essentiellement entre avril et août, sur-tout sur les plages et les fonds de baies. Une fois échouée, l’ulve se dégrade si elle n’est pas reprise par le flot suivant. De plus, durant sa fermentation, elle dégage de l’hydrogène sul-furé qui se concentre sous la croûte blanche qui se forme lorsqu’elle sèche.

Sous la croûte blanche des algues séchées, se forment des gaz dangereux.

Pour se développer, la marée verte, doit donc réunir plusieurs conditions : des températures à partir de 18 °, de la lumière, des courants favorables et des polluants qui arrivent en quantité par nos fleuves et rivières. Au printemps, les beaux jours arrivent, les températures augmen-tent et c’est aussi le moment de l’épandage des engrais sur les terres agricoles. L’azote de ces engrais (lisiers et engrais chimiques) est lessivé par les pluies, emporté dans les ruisseaux et les rivières pour finir sa course sur le littoral. Il fournit là une nourriture conséquente pour l’ulve qui commence alors à se développer, et à se multiplier parfois de manière très impres-sionnante. Et pendant plusieurs mois… La surfertilisation des sols est donc responsable de cet apport d’azote sur nos côtes.

Epandage de lisier

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Les conséquences de ces marées vertes sont multiples :

- La quantité d’algues vertes ramassée annuellement et les coûts engendrés en région Bretagne sont en constante évolution d’une année sur l’autre. En 2006 (année où la marée verte a été faible), 57 communes ont ramassé 42 500 mètres cubes d’algues ; en 2004, environ 70 000 mètres cubes d’algues vertes étaient ramassés par 72 communes, contre 57 000 mètres cu-bes d’algues vertes en 2002 sur 65 communes. Depuis 2006, chaque année voit apparaitre de nouveaux records d’échouage d’ulves. Le ramassage systématique imposé par le gouvernement depuis l’accident de Saint-Michel en Grève promet de nouveaux records. Le coût du ramassage des tonnes d’ulves échouées a dépassé les 800 000€ en 2009 pour un peu plus de 60 000m3 au total pour les 8 communes les plus touchées : Hillion, Binic, Saint-Michel-en-Grève, Plestin-les-Grèves en Côtes d’Armor et Plomodiern, Plounévez-Porzay, La Forët-Fouesnant et Concarneau en Finistère (données : Chambre régionale des comptes de Bretagne). Cela sans compter le plan de lutte contre les marées vertes qui devrait induire dans les prochaines années une augmen-tation des dépenses avec ses exigences de ramassage systématique des ulves.

Le ramassage des algues vertes

- Les nuisances sont tout d’abord d’ordre visuel et olfactif. Les touristes fuient les plages touchées par la marée verte. Le tourisme (principal secteur économique breton en souf-fre énormément). La putréfaction des tonnes d’ulves dégage de l’hydrogène sulfureux, non seulement nauséabond mais aussi néfaste pour les espèces vivantes du milieu.

- La décomposition des algues sur place peut libérer des émissions d’ammoniac et d’hydro-gène sulfuré qui peuvent être mortelles en quelques minutes ! De plus, une telle quantité d’algues en décomposition favorise la prolifération bactérienne.

- La pêche au filet est rendue impossible là où « les champs d’ulves » se sont étendus jusqu’à 10 à 15 mètres de fond.Aujourd’hui, la seule solution pour combattre sérieusement le phénomène des marées vertes est l’action préventive. C’est donc à la source que doit être supprimée la pollution. Il s’agit donc de réduire les taux de nitrate dans nos rivières.