5
Correspondances en Onco-urologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2011 23 dossier thématique Rein : traitements adjuvants Traitements adjuvants   dans le cancer du rein Adjuvant therapy in renal cell carcinoma E. Barrascout*, S. Oudard** * Service d’oncologie médicale, hôpital Foch, Suresnes. ** Service d’oncologie médicale, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris. L e cancer du rein est une maladie rare qui repré- sente 2 à 3 % de l’ensemble des cancers et dont l’incidence était de 7 500 nouveaux cas par an en France en 2005 (1). La néphrectomie permet un traitement curatif de la maladie localisée, mais 30 % des patients vont récidiver par la suite et développer des métastases, le taux de survie étant alors inférieur à 10 %. Avec la détermination du risque préopératoire précis, des patients à haut risque peuvent être identifiés et éventuellement bénéficier d’un traitement adjuvant pour une prise en charge optimale. L’avènement des thérapies ciblées antiangiogéniques, telles que les inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) [sunitinib, sora- fénib, pazopanib, axitinib] et les inhibiteurs de la voie mTOR (mammalian target of rapamycin), temsirolimus et évérolimus, offre une alternative thérapeutique dans cette population de patients. Nous abordons ici les connaissances actuelles concernant les traitements adjuvants dans le carcinome du rein à cellules claires (RCC). Radiothérapie Beaucoup d’efforts ont été fournis pour le développe- ment d’une stratégie efficace et pragmatique dans le traitement adjuvant du RCC. L’utilisation de la radio- thérapie a été étudiée dans ce contexte et a été jugée équivalente à la simple observation en termes de taux de rechute et de survie (2, 3). En outre, cette modalité a Points forts highlights » Aucun bénéfice de l’ajout d’un traitement local, comme la radiothérapie, n’a été démontré après une néphrectomie pour un cancer du rein. » Actuellement, ni l’hormonothérapie ni l’immunothérapie n’ont apporté de bénéfice en situation adjuvante pour un cancer du rein. » L’espoir du bénéfice d’un traitement adjuvant dans le cancer du rein repose sur les nouvelles thérapies ciblées ; les résultats des études de phase III sont en cours de publication. » Les facteurs histologiques et cliniques sont indispensables à la détermination du pronostic d’une tumeur rénale avant de décider un traitement adjuvant. » Les thérapies ciblées ont montré un impact positif sur les maladies cancéreuses avancées ; cependant, des résultats négatifs en situation adjuvante ont été repérés dans des études précliniques, ce qui doit inciter à la prudence jusqu’à l’obtention des résultats de nouvelles études. Mots-clés : Cancer du rein – Traitement adjuvant – Antiangiogéniques  – Histologie – Pronostic. No benefit was demonstrated by adding a local treatment such as radiotherapy after nephrectomy for renal cell carcinoma. Currently, no hormone therapy or immunotherapy has demonstrated a benefit in the adjuvant setting for kidney cancer. The benefit from adjuvant therapy in kidney cancer is expected with the new targeted therapies; the results of phase III studies are ongoing. Histological and clinical factors are essential for determining the prognosis of a renal tumor before deciding adjuvant therapy. Targeted therapies have shown a positive impact on advanced cancers, yet the opposite in the adjuvant setting has been suggested in preclinical studies. This should encourage us to be cautious until the results of new studies. Keywords: Renal cell carcinoma – Adjuvant treatment – Antiangiogenics – Histology - Prognosis.

Traitements adjuvants dans le cancer du rein · traitements adjuvants Traitements adjuvants dans le cancer du rein Adjuvant therapy in renal cell carcinoma E. Barrascout*, S. Oudard**

  • Upload
    others

  • View
    13

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Traitements adjuvants dans le cancer du rein · traitements adjuvants Traitements adjuvants dans le cancer du rein Adjuvant therapy in renal cell carcinoma E. Barrascout*, S. Oudard**

Correspondances en Onco-urologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2011 23

d o s s i e r t h é m a t i q u e

Rein : traitements adjuvants

Traitements adjuvants  dans le cancer du reinAdjuvant therapy in renal cell carcinomaE. Barrascout*, S. Oudard**

* Service d’oncologie médicale, hôpital Foch, Suresnes.** Service d’oncologie médicale, hôpital européen Georges­Pompidou, Paris.

L e cancer du rein est une maladie rare qui repré-sente 2 à 3 % de l’ensemble des cancers et dont l’incidence était de 7 500 nouveaux cas par an

en France en 2005 (1). La néphrectomie permet un traitement curatif de la maladie localisée, mais 30 % des patients vont récidiver par la suite et développer des métastases, le taux de survie étant alors inférieur à 10 %. Avec la détermination du risque préopératoire précis, des patients à haut risque peuvent être identifiés et éventuellement bénéficier d’un traitement adjuvant pour une prise en charge optimale. L’avènement des thérapies ciblées antiangiogéniques, telles que les inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) [sunitinib, sora-fénib, pazopanib, axitinib] et les inhibiteurs de la voie mTOR (mammalian target of rapamycin), temsirolimus

et évérolimus, offre une alternative thérapeutique dans cette population de patients. Nous abordons ici les connaissances actuelles concernant les traitements adjuvants dans le carcinome du rein à cellules claires (RCC).

Radiothérapie

Beaucoup d’efforts ont été fournis pour le développe-ment d’une stratégie efficace et pragmatique dans le traitement adjuvant du RCC. L’utilisation de la radio-thérapie a été étudiée dans ce contexte et a été jugée équivalente à la simple observation en termes de taux de rechute et de survie (2, 3). En outre, cette modalité a

Po

int

s f

or

ts

hig

hl

igh

ts

» Aucun bénéfice de l’ajout d’un traitement local, comme la radiothérapie, n’a été démontré après une néphrectomie pour un cancer du rein.

» Actuellement, ni l’hormonothérapie ni l’immunothérapie n’ont apporté de bénéfice en situation adjuvante pour un cancer du rein.

» L’espoir du bénéfice d’un traitement adjuvant dans le cancer du rein repose sur les nouvelles thérapies ciblées ; les résultats des études de phase III sont en cours de publication.

» Les facteurs histologiques et cliniques sont indispensables à la détermination du pronostic d’une tumeur rénale avant de décider un traitement adjuvant.

» Les thérapies ciblées ont montré un impact positif sur les maladies cancéreuses avancées ; cependant, des résultats négatifs en situation adjuvante ont été repérés dans des études précliniques, ce qui doit inciter à la prudence jusqu’à l’obtention des résultats de nouvelles études.

Mots-clés : Cancer du rein – Traitement adjuvant – Antiangiogéniques – Histologie – Pronostic.

No benefit was demonstrated by adding a local treatment such as radiotherapy after nephrectomy for renal cell carcinoma.

Currently, no hormone therapy or immunotherapy has demonstrated a benefit in the adjuvant setting for kidney cancer.

The benefit from adjuvant therapy in kidney cancer is expected with the new targeted therapies; the results of phase III studies are ongoing.

Histological and clinical factors are essential for determining the prognosis of a renal tumor before deciding adjuvant therapy.

Targeted therapies have shown a positive impact on advanced cancers, yet the opposite in the adjuvant setting has been suggested in preclinical studies. This should encourage us to be cautious until the results of new studies.

Keywords: Renal cell carcinoma – Adjuvant treatment – Antiangiogenics – Histology - Prognosis.

Page 2: Traitements adjuvants dans le cancer du rein · traitements adjuvants Traitements adjuvants dans le cancer du rein Adjuvant therapy in renal cell carcinoma E. Barrascout*, S. Oudard**

Correspondances en Onco-urologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 201124

d o s s i e r t h é m a t i q u e

Rein : traitements adjuvants

induit une morbidité et une mortalité importantes, avec un taux de complications de 44 % (2). Actuellement, la radiothérapie dans le traitement adjuvant a été aban-donnée et n’est plus utilisée que dans le cadre des soins palliatifs, notamment pour les métastases osseuses symptomatiques. Une sensibilisation à la radiothérapie par les ITK ou les inhibiteurs de mTOR reste à explorer.

Hormonothérapie

L’utilisation d’une thérapie hormonale a également été explorée pour le traitement adjuvant du RCC à haut risque. Dans une étude prospective randomisée réalisée chez 136 patients, l’acétate de médroxyprogestérone n’a montré aucun avantage en ce qui concerne le taux de rechute de la maladie et a été associé à une toxicité significative (4).

Immunothérapie

L’immunothérapie a été un autre domaine de recherche active en tant que stratégie adjuvante dans le RCC. Un avantage en survie a été rapporté avec l’interféron α (IFNα) et l’interleukine 2 (IL-2) dans le cadre du RCC métastatique (également en association avec le béva-cizumab). Cependant, ces modulateurs immunitaires n’ont pas, actuellement, un rôle bien défini dans le cadre du traitement adjuvant.Dans différents essais randomisés, l’utilisation en adju-vant de l’IFNα et de sa version recombinante, l’IFNα-2b, n’a pas montré de bénéfice en survie globale ou en survie sans rechute (5, 6). Un essai de phase III éva-luant l’IFNα-2a à hautes doses sous la forme de bolus en traitement adjuvant a été clôturé précocement, car une analyse intermédiaire a montré que la survie sans maladie était inchangée (7). Une autre étude portant sur l’IL-2 à faibles doses en sous-cutané a également été inefficace en ce qui concerne la survie sans maladie (8).Une autre méthode d’immunomodulation et son appli-cation en adjuvant dans le RCC ont été explorées sous la forme de vaccins antitumoraux. E. Galligioni et al. ont étudié l’utilisation de cellules tumorales autologues irradiées et associées au bacille de Calmette-Guérin (BCG) [9]. Les résultats n’ont trouvé aucune améliora-tion statistiquement significative de la survie globale ou de la survie sans maladie (10). En revanche, une étude allemande de phase III, multicentrique, rando-misée et contrôlée qui évaluait un vaccin à base de cellules tumorales autologues a montré un avantage

en survie globale statistiquement significatif (11). Dans cette étude, 379 patients présentant un RCC opéré de stade pT2-3b pN0-3 M0 ont été inclus dans l’analyse. Après 5 ans de suivi, les hazard-ratios pour la progres-sion tumorale ont été de 1,58 (IC95 : 1,05-2,37) et de 1,59 (IC95 : 1,07-2,36) respectivement, en faveur du groupe vaccin (p = 0,02). La survie sans progression était de 77,4 % pour le groupe vacciné et de 67,8 % pour le groupe témoin. En examinant les sous-groupes, la différence n’était pas significative pour les T2, mais elle le devenait pour les T3, avec des taux de survie sans progression à 5 ans de 67,5 % chez les sujets vaccinés versus 49,7 % chez les sujets témoins (p = 0,039). Cette étude a été largement critiquée, car 174 patients ont été perdus de vue après la randomisation.Une autre stratégie de vaccin a mis l’accent sur l’utili-sation de protéines de choc thermique. Le complexe protéinique HSPPC-96 (vitespen) a été développé à partir de tumeurs autologues dans les RCC. Après des résultats encourageants dans un essai de phase II, une étude multicentrique et randomisée de phase III a été réalisée chez 728 patients. Les auteurs ont comparé le HSPPC-96 en adjuvant chez des patients ayant subi une néphrectomie à une population témoin. Après un suivi médian de 1,9 an, 136 patients (37,7 %) ont présenté une rechute dans le groupe sous traitement, versus 146 patients (39,8 %) dans le groupe témoin (HR : 0,923 ; IC95 : 0,729-1,169 [p = 0,5]). En conclusion, aucune différence en termes de survie sans récidive n’a été retrouvée (12).Des anticorps monoclonaux font également l’objet d’une évaluation dans le traitement adjuvant du RCC. Récemment, un anticorps à type d’immunoglobu-line G1, le cG250 (WX-G250), a été utilisé comme ligand de l’anhydrase carbonique IX, un antigène tumoral spécifique du RCC. Un essai de phase III portant sur l’utilisation du cG250 comparativement au placebo après néphrectomie (l’étude ARISER) est actuellement en cours d’évaluation ; les résultats sont attendus pour 2013 (13).

Thérapies ciblées

Une nouvelle voie thérapeutique dans le traitement adjuvant du RCC a mis l’accent sur l’utilisation des agents antiangiogéniques de type ITK ou inhibiteurs de la voie mTOR. Bien qu’aucune étude n’ait encore justifié l’utilisation de ces agents dans le cadre du traite-ment adjuvant, le sorafénib, le sunitinib, le pazopanib, le temsirolimus et l’évérolimus sont actuellement des stan-dards de traitement du RCC métastatique en première

Page 3: Traitements adjuvants dans le cancer du rein · traitements adjuvants Traitements adjuvants dans le cancer du rein Adjuvant therapy in renal cell carcinoma E. Barrascout*, S. Oudard**

Correspondances en Onco-urologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2011 25

Traitements adjuvants dans le cancer du rein

ou en deuxième ligne. Ces traitements sont actifs grâce à un mécanisme qui implique le gène suppresseur de tumeur VHL dans la pathogenèse du RCC. L’inactivation de VHL dans la maladie est responsable d’une sur expres-sion du VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor), du PDGF (Platelet-Derived Growth Factor) et du facteur induit par l’hypoxie (HIF). Le sunitinib, le sorafénib et le pazopanib réduisent la prolifération tumorale et l’angio-genèse en inhibant le domaine intracellulaire à type de tyrosine kinase de multiples récepteurs (VEGFR-1, 2 et 3 ; PDGFR et FLT3) [1]. Le temsirolimus et l’évérolimus sont des agents ciblant mTOR, voie de signalisation majeure dans la physiologie cellulaire et la pathologie cancéreuse (14).Compte tenu de l’effet favorable de ces agents dans le traitement du RCC métastatique, plusieurs essais sont en cours pour évaluer leur utilisation comme traitements adjuvants des RCC résécables à haut risque (tableau I). L’étude ASSURE est un essai multi-centrique, randomisé en double aveugle qui évalue 1 332 patients ayant subi une néphrectomie pour un RCC de stade pT1b de grade 3 ou 4, pT2-pT4, ou de n’importe quel stade T avec envahissement ganglion-naire. Les patients sont stratifiés comme étant à haut risque ou à très haut risque en fonction du statut TNM et du grade de Fuhrman, puis randomisés en 3 groupes (sorafénib, sunitinib ou placebo) traités pendant 1 an. Les critères d’évaluation sont principalement la survie sans progression et la survie globale. L’étude porte également sur l’exploration de biomarqueurs, de mutations génétiques, de méthylations de l’ADN et de polymorphismes génétiques comme facteurs prédictifs de survie et de réponse aux traitements. L’étude a débuté en mai 2006, et les résultats sont prévus pour avril 2016.L’étude SORCE est actuellement en cours. Il s’agit d’une étude multicentrique, randomisée, en double aveugle qui évalue 1 656 patients avec un RCC opéré à haut risque ou à risque intermédiaire. Les patients sont randomisés pour recevoir soit le sorafénib pendant 1 an, soit le sorafénib pendant 3 ans, soit un placebo. Le critère de jugement primaire est la survie sans maladie. Les critères secondaires sont la survie sans métastases, la survie globale, le rapport coût/bénéfice et la toxicité. L’étude a débuté en juin 2007, et les inclusions sont toujours en cours.Une troisième étude (S-TRAC) évalue l’utilisation du sunitinib en adjuvant. Il s’agit d’une étude multi-centrique, randomisée en double aveugle, qui compare un traitement par sunitinib pendant 1 an à un placebo chez 290 patients à risque élevé de récidive (fondé sur des critères UISS) après néphrectomie. Le critère prin-

cipal de l’étude est la survie sans maladie, et les critères secondaires sont la survie globale et la tolérance du traitement. L’étude a débuté en juillet 2007, elle est close pour les inclusions depuis février 2011.Le rôle du pazopanib en tant que traitement adjuvant après néphrectomie est également évalué dans un essai randomisé de phase III (essai PROTECT). Dans cette étude, environ 1 500 patients de stade T2 (grade 3 ou 4), T3, T4 ou TxN1 présentant un RCC sont rando-misés entre un traitement par pazopanib et un placebo. Le pazopanib à la dose de 800  mg/ j est administré pendant 1 an. Le critère principal est la SSP.L’évérolimus est également étudié dans le cadre d’un traitement adjuvant par rapport à un placebo dans un essai coordonné par le Southwest Oncology Group (essai EVEREST).

Notion d’évaluation du risque pour décider un traitement adjuvant dans le RCC

L’apparition de nouveaux traitements dans le RCC et surtout leur développement futur en situation adju-vante rendent nécessaire la détermination de meilleurs facteurs pronostiques, en particulier histologiques. Les coûts importants et la toxicité potentielle de ces médicaments vont inciter les urologues et les onco-logues à définir la thérapie ciblée la plus adaptée pour un patient et une tumeur donnés (15).Actuellement, le stade tumoral continue d’être le facteur pronostique le plus important pour les patients avec un carcinome rénal. Cette notion a été validée dans une étude portant sur 2 746 patients suivis pendant une moyenne de 9 ans : les taux de survie à 5 ans par stade ont été de 97 % (pT1a), 87 % (pT1b), 71 % (pT2), 53 % (pT3a), 44 % (pT3b), 37 % (pT3c) et 20 % (pT4), si l’on se fonde sur le système de classification de l’American Joint Committee de 2002 (16).

Tableau I. Essais thérapeutiques de phase III en cours pour le traitement du RCC en adjuvant.

Essai n Population et méthode Objectif primaire

Début de l’essai

ASSURE 1 332 Placebo versus sunitinib versus sorafénib pendant 1 an

SSP 2006

SORCE 1 656 Placebo versus sorafénib pendant 1 an versus sorafénib pendant 3 ans

SSP 2007

S-TRAC 290 Placebo versus sunitinib pendant 1 an SSP 2007

PROTECT 1 500 Placebo versus pazopanib pendant 1 an SSP 2010

EVEREST 1 218 Placebo versus évérolimus pendant 1 an SSP 2010

SSP : survie sans progression.

Page 4: Traitements adjuvants dans le cancer du rein · traitements adjuvants Traitements adjuvants dans le cancer du rein Adjuvant therapy in renal cell carcinoma E. Barrascout*, S. Oudard**

Correspondances en Onco-urologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 201126

d o s s i e r t h é m a t i q u e

Rein : traitements adjuvants

En plus du stade tumoral, d’autres paramètres comme l’âge, le performance status, le nombre de sites méta-statiques, les sites des métastases, la composante histologique sarcomatoïde ou papillaire de type 2, le grade de Fuhrman, l’envahissement tumoral microvas-culaire, le nombre de neutrophiles, les taux sériques de lactate déshydrogénase, le niveau de la protéine C réactive, de l’hormone stimulante de la thyroïde, l’adipo-nectine plasmatique, les protéines oncofœtales IMP3, le VEGF, l’anhydrase carbonique IX, les polyamines intra-tumorales, l’érythropoïétine, le B7-H1 et le Ki-67 ont montré leur intérêt dans la stratification pronostique selon diverses études. Des essais complémentaires sont nécessaires avec des populations de patients plus importantes et des suivis plus longs afin de déli-miter le rôle de ces variables dans l’histoire naturelle du RCC, de définir les limites et d’établir une validation des résultats (17).

Récemment, la mise au point de systèmes de stratifica-tion intégrés a attribué une valeur à diverses caracté-ristiques cliniques et histologiques. Ces combi naisons permettent de déterminer les différents risques au sein

d’une population définie de patients. Les 2 systèmes les plus étudiés de stratification intégrée pour le RCC sont le score SSIGN (incluant le stade de la Mayo Clinic, la taille, le grade et la nécrose) et le score UISS (système de classification intégrée de l’université de Californie-Los Angeles) [18, 19]. Le score SSIGN (tableau II) a été conçu suite à l’analyse des cas de 1 801 patients atteints d’un RCC unilatéral. L’analyse a révélé que le système de classification TNM 1997, la taille tumorale supérieure à 5 cm, le grade nucléaire et la nécrose histologique sont des facteurs prédictifs de la mortalité spécifique du cancer (18). Les patients avec des scores SSIGN de 0-2, 3-4, 5-6 et 7-9 ont des taux de survie spécifique à 5 ans de 100 %, 91 %, 64 % et 47 % respectivement (20).Le score UISS (tableau III) combine le stade TNM de 1997, le grade de Fuhrman et le performance status de l’Eastern Cooperative Oncology Group (ECOG). Ce score a été identifié par A.  Zisman et al., à partir de l’analyse des cas de 661 patients, comme signi-ficativement prédictif de la survie spécifique (19). Initialement, cette méthode a identifié 5 catégories statistiquement significatives, tant pour les patients métastatiques que non métastatiques. Les survies à 5 ans dans les caté gories I, II, III, IV et V étaient de 94 %, 67 %, 39 %, 23 % et 0 % respectivement. Ces 5 catégories ont été ultérieurement intégrées dans chaque groupe, métastatique ou non métastatique, en faible risque, risque intermédiaire et haut risque. La survie à 5 ans des patients non métastatiques à faible, moyen et haut risque est de 91 %, 80 % et 54 % respectivement.Finalement, 2 articles publiés en 2009 viennent apporter de nouveaux axes de réflexion concernant les stratégies d’utilisation des traitements antiangio-géniques en situation adjuvante. Il semble que, dans certains modèles précliniques et avec certains trai-tements (dont les ITK), une action antiangiogénique avant une greffe tumorale chez l’animal puisse aug-menter le risque d’évolution métastatique. Malgré un impact positif de ces traitements sur des maladies cancéreuses avancées, un impact opposé en situation adjuvante a été suggéré. Une explication à ce phé-nomène pourrait être l’effet de certains traitements antiangiogéniques sur l’hypoxie tissulaire. En utilisant des agents antiangiogéniques de façon précoce, les cellules micrométastatiques à l’origine d’une évolution métastatique pourraient survivre et se multiplier en milieu hypoxique. Reste à savoir si cette caractéristique est essentielle et si l’impact ou non des traitements antiangiogéniques en situation adjuvante sera expliqué par cette théorie (21, 22).

Tableau II. Classification de risque du RCC selon le système SSIGN (the Mayo Clinic Stage, SIze, Grade, Necrosis score).

Stade T pT1apT1bpT2

pT3apT3bpT3cpT4

0234444

Statut ganglionnaire pNxpN0pN1pN2

0022

Volume tumoral (cm) < 10≥ 10

01

Grade de Fuhrman 1234

0013

Nécrose tumorale NonOui

01

0-2 : bas risque ; 3-5 : risque intermédiaire ; > 5 : haut risque.

Tableau III. Stratification pronostique du RCC selon l’UISS (UCLA-Integrated Staging System).

Stade T 1 2 3 4

Grade de Fuhrman 1-2 3-4 1 > 1

ECOG PS 0 ≥ 1 0 ≥ 1 0 ≥ 1 0 ≥ 1

Groupe de risque Bas Intermédiaire Haut

Page 5: Traitements adjuvants dans le cancer du rein · traitements adjuvants Traitements adjuvants dans le cancer du rein Adjuvant therapy in renal cell carcinoma E. Barrascout*, S. Oudard**

Correspondances en Onco-urologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2011 27

Traitements adjuvants dans le cancer du rein

Conclusion

En résumé, le rôle, l’efficacité et la toxicité des différentes thérapies utilisées en traitement adjuvant dans le RCC à risque intermédiaire et à haut risque restent à définir. L’utilisation de l’IFNα et de l’IL-2 n’a pas amélioré la survie sans maladie dans un contexte de traitement adjuvant. De même, un certain nombre de vaccins n’ont pas pu démontrer une amélioration de la survie.

Le rôle des thérapies ciblées telles que le sorafénib ou le sunitinib est actuellement en cours d’investigation dans des études de phase III. L’utilisation des facteurs histologiques reste indispensable à l’évaluation pro-nostique d’une tumeur rénale, que ce soit avant ou après la thérapie ciblée ou pour décider d’une thérapie antiangiogénique, et il semble nécessaire d’adapter rapidement ces facteurs pour proposer des thérapeu-tiques personnalisées. ■

1. Barrascout E, Medioni J, Scotte F et al. Angiogenesis inhi-bition: review of the activity of sorafenib, sunitinib and beva-cizumab. Bull Cancer 2010;97:29-43.

2. Kjaer M, Iversen P, Hvidt V et al. A randomized trial of posto-perative radiotherapy versus observation in stage II and III renal adenocarcinoma. A study by the Copenhagen Renal Cancer Study Group. Scand J Urol Nephrol 1987;21:285-9.

3. Aref I, Bociek RG, Salhani D. Is post-operative radiation for renal cell carcinoma justified? Radiother Oncol 1997;43:155-7.

4. Pizzocaro G, Piva L, Di Fronzo G et al. Adjuvant medroxypro-gesterone acetate to radical nephrectomy in renal cancer: 5-year results of a prospective randomized study. J Urol 1987;138:1379-81.

5. Messing EM, Manola J, Wilding G et al. Phase III study of interferon alfa-NL as adjuvant treatment for resectable renal cell carcinoma: an Eastern Cooperative Oncology Group/Intergroup trial. J Clin Oncol 2003;21:1214-22.

6. Pizzocaro G, Piva L, Colavita M et al. Interferon adjuvant to radical nephrectomy in Robson stages II and III renal cell carcinoma: a multicentric randomized study. J Clin Oncol 2001;19:425-31.

7. Clark JI, Atkins MB, Urba WJ et al. Adjuvant high-dose bolus interleukin-2 for patients with high-risk renal cell carcinoma: a Cytokine Working Group randomized trial. J Clin Oncol 2003; 21:3133-40.

8. Majhail NS, Wood L, Elson P et al. Adjuvant subcutaneous interleukin-2 in patients with resected renal cell carcinoma: a pilot study. Clin Genitourin Cancer 2006;5:50-6.

9. Galligioni E, Quaia M, Merlo A et al. Adjuvant immuno-therapy treatment of renal carcinoma patients with auto-logous tumor cells and bacillus Calmette-Guérin: five-year results of a prospective randomized study. Cancer 1996; 77(12):2560-6.

10. Atzpodien J, Royston P, Wandert T, Reitz M ; DGCIN - German Cooperative Renal Carcinoma Chemo-Immunotherapy Trials Group. Metastatic renal carcinoma comprehensive prognostic system. Br J Cancer 2003;88:348-53.

11. Jocham D, Richter A, Hoffmann L et al. Adjuvant auto-logous renal tumour cell vaccine and risk of tumour pro-gression in patients with renal-cell carcinoma after radical nephrectomy: phase III, randomised controlled trial. Lancet 2004;363:594-9.

12. Wood C, Srivastava P, Bukowski R et al., on behalf of the C-100-12 RCC Study Group. An adjuvant autologous thera-peutic vaccine (HSPPC-96; vitespen) versus observation alone for patients at high risk of recurrence after nephrectomy for renal cell carcinoma: a multicentre, open-label, randomised phase III trial. Lancet 2008; 372:145-54.

13. Shuch B, Li Z, Belldegrun AS. Carbonic anhydrase IX and renal cell carcinoma: prognosis, response to syste-mic therapy, and future vaccine strategies. BJU Int 2008; 101(Suppl. 4):25-30.

14. Ravaud A, Bernhard JC, Gross-Goupil M et al. mTOR inhi-bitors: temsirolimus and everolimus in the treatment of renal cell carcinoma. Bull Cancer 2010;97:45-51.

15. Costa L, Drabkin H. Renal cell carcinoma: new develop-ments in molecular biology and potential for targeted thera-pies. Oncologist 2007;12(12):1404-15.

16. Frank I, Blute ML, Leibovich BC et al. Independent validation of the 2002 American Joint Committee on Cancer primary tumor classification for renal cell carcinoma using a large, single institution cohort. J Urol 2005;173:1889-92.

17. Kapoor A, Gharajeh A, Sheikh A et al. Adjuvant and neo-adjuvant small-molecule targeted therapy in high-risk renal cell carcinoma. Curr Oncol 2009;16(Suppl.1):S60-6.

18. Frank I, Blute ML, Cheville JC et al. An outcome prediction model for patients with clear cell renal cell carcinoma treated with radical nephrectomy based on tumor stage, size, grade and necrosis: the SSIGN score. J Urol 2002;168:2395-400.

19. Zisman A, Pantuck AJ, Dorey F et al. Improved prognos-tication of renal cell carcinoma using an integrated staging system. J Clin Oncol 2001;19:1649-57.

20. Downs TM, Schultzel M, Shi H et al. Renal cell carcinoma: risk assessment and prognostic factors for newly diagnosed patients. Crit Rev Oncol Hematol 2009;70(1):59-70.

21. Pàez-Ribes M, Allen E, Hudock J et al. Antiangiogenic the-rapy elicits malignant progression of tumors to increased local invasion and distant metastasis. Cancer Cell 2009;15(3):220-31.

22. Ebos JM, Lee CR, Kerbel RS. Tumor and host-mediated pathways of resistance and disease progression in res-ponse to antiangiogenic therapy. Clin Cancer Res 2009; 15(16):5020-5.

R é f é r e n c e s

edimarksanté

edimarksantéV o t r e i n f o m é d i c a l e

edimarkU n a u t re re g a rd s u r v o t re s p é c i a l i t é

edimark

edimark

Un autre regard sur votre spécialité

Retrouvez en vidéo les actualités de votre spécialité sur www.edimark.tvVous pourrez à tout instant télécharger nos reportages en podcast et poster vos commentaires et vos questions à nos experts. Ils vous répondront personnellement.