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N° 272 - Mai 2012

Les désenchantésdu thon

rougeTOUTES LES SORTIESDE MAI

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La Gazette n° 272 - Du 3 au 30 mai 2012

10 enquête

âtes, sel, lessive et pièces détachées. Le Jean-Marie Christian VI achève de constituer sesstocks, avant un mois intensif de pêche au thondans les eaux méditerranéennes, au large deMalte ou des Baléares. Du 15 mai au 15 juin,comme cinq autres thoniers-senneurs sétois.Cette année, entre Marseille et Port-Vendres,seuls neuf navires sur vingt-sept pourront partirchasser le thon rouge. Après l’ivresse des pêchesmiraculeuses dans les années 2000, après lecoup de massue des quotas réduits comme peaude chagrin (voir colonne), les pêcheurs de thonsemblent se réveiller avec la gueule de bois.Les patrons, obligés de laisser l’essentiel deleur flottille à quai, mais aussi les matelots. Ceuxqu’on a peu entendus. Ceux qui ont décroché,de gré ou surtout de force, comme ceux qui res-tent. Échaudés par une opinion publique mé-prisante, frileux de se faire black-lister par despatrons “sans scrupule”, au sein d’une profes-sion aussi tchatcheuse que taiseuse, ils sontrares à accepter de parler encore aux journa-listes, nombreux à se rétracter au dernier mo-ment. Amers, nostalgiques et volontaires, cinqmatelots partagent leur colère et leur passion.Amarré au quai de la République à Sète, l’équipagede l’armement Avallone s’active. Le mécanicien

dégrippe moteurs, hélices, grues, inactifs pendantonze mois. Jean-Jacques, le cuisinier, prépare saliste de courses, Bruce parfait sa réputation de“Monsieur Propre” en nettoyant le pont et les ca-nots, Vincentvérifiele volumineux filet. À 19 ans,Baptiste, le fils du patron, en bac pro au lycée dela mer, donne un coup de main pendant ses va-cances. Sur la passerelle, Matthieu, le second, po-tasse ses dossiers réglementaires - ses “livres dechevet” -, reçoit les divers contrôles d’hygiène etsécurité. Et se met déjà la pression pour la saison.

Un mois sous pressionLes matelots n’auront à nouveau droit qu’à unseul mois pour engranger leur quota, donc leursalaire, de l’année. Résultat : chaque jourcompte. Or les bancs de thon ne se pointent àla surface que par beau temps… qu’il faut sou-vent attendre: “L’année dernière à Malte, on aperdu 21 jours!”Payés à la part (1), les marins, tous “pères de fa-mille”, se donnent alors “à 200 %”, quitte à pren-dre des risques par météo “moyenne”, quandle bateau balance. “Le stress de ne rien ramenerà la maison” est le plus fort. Et quand le thonreste introuvable, l’ambiance à bord n’est pasau beau fixe : “Chacun reste un peu dans soncoin, on a la boule au ventre.”

Les stigmates de la pêcheDu côté de l’emploi, lendemains pénibles aussi:sur les 220 marins au thon en 2007, plus 100en Libye, seuls 80 travaillent encore. Suite auxrestrictions de quotas de pêche, les autres ontété “escampés à terre”. Parfois d’un simple coupde fil au bout de 15 ans de navigation, commeVincent, qui oscille désormais entre gardiennagede nuit et bateaux-promenades à La Grande-Motte. Pour retrouver du travail, sur les chalutiersen difficulté, compliqué. Grâce à la formationcontinue, certains marins accèdent au diplômede Capitaine 200 et se reconvertissent vers les“petits métiers” de pêche. D’autres se tournentvers les parcs à huîtres, le bâtiment. Ils doiventparfois partir sur les plates-formes pétrolièresen Afrique, ou pêcher en Atlantique. Pour eux,“le thon, c’est fini”. Quitte à ressentir un “pincementau cœur” en voyant sortir les thoniers.L’heure du bilan ouvre les plaies sociales. En2010, les manifestations menées par les marinsont certes permis des régularisations, et l’appa-rition plus régulière de bulletins de paie… Maisdes procès sont encore en cours: des matelotsn’ont toujours pas été payés, et ont été déclarésen pointillés. Malgré ses 25 ans de navigation,Ali se retrouve avec une retraite de 207! par

Le 15 mai, six navires sétois repartent capturer le thon rouge, pour un mois.Au-delà des controverses sur la surpêche, des marins acceptent de raconter“leur” saison sur les thoniers-senneurs. Aventures et amertumes, tons sur thon.

PLes désenchantés

du thon rouge

Sur le thonier Jean-Marie Christian VI, amarré à Sète, les marins préparent la saison de pêche au thon rouge en Méditerranée. Encadrés par des quotas ultra-réduits et des contrôles serrés,ils n’auront qu’un seul mois pour réaliser l’essentiel de leur salaire de l’année, sous pression. Un réveil en “gueule de bois” après la débauche des années 2000 qui a fait chuter la populationde thon rouge. Mais le passage obligé pour entrevoir leur avenir.

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INFO

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La Gazette n° 272 - Du 3 au 30 mai 2012

réalisé par Raquel Hadida /photos Raquel Hadida, Greenpeace /

11! THON

!LA PÊCHEAU THON ROUGE•!Les thoniers-senneurs80 % du thon rouge est pêchéen Méditerranée par desthoniers-senneurs de 30 à 45 mde long et 6 m de haut (2 à3M!), avec 12 à 15 marins à bord.La flottille française comprend27 navires répartis entre Sète(plus de la moitié), Marseille,Port-Vendres, Agde. Dont 9 quipourront pêcher cette année.•!Le thonCarnivore, le thon rouge peutatteindre 800 kg (comme unevache). Il est pêché quand il seregroupe en été pour sereproduire. Avec 0,1 % d’œufsqui survivent, la population dethon se révèle sensible. Et, parses migrations parfoisinexpliquées, difficile à évaluerpar les scientifiques.•!La gestion-L’Iccat (ou Cicta), la Commissioninternationale pour laconservation des thonidés del’Atlantique, réunit 48 pays.-En novembre, elle négocie unplan de gestion pour l’étésuivant, selon les indications desscientifiques et en présence desONG écologistes.-Décisions depuis cinq ans:réduire la capacité de pêche etla durée de campagne de 8 à1 mois par an, augmenter lepoids minimum du thon de 6 à30 kg, resserrer les contrôles.-Quota de pêche total abaisséde 32000 t en 2003 à 12900 tpour 2012. Il se répartit entrepays qui les partagent sur leursflottilles.•!L’histoire- Depuis 7000 ans av. J.-C.,à Chypre, la pêche au thon afondé les citésméditerranéennes.- XVIe s.-XXe s.: pêche à lamadrague, sorte de poignard.- De 1950 à 2005: pêche à lathonaille, sorte de filet dériveur,désormais interdit.- Années 80-90: le thons’effondre en mer du Nord et enAtlantique, les “pieds-noirs”développent la senne enMéditerranée. Le Japon s’yintéresse, fait grimper les prix,les navires se développent.- 1995 : premières cagesd’engraissement en Croatie,puis au sud de l’Espagne.- 1997 à 2007: surpêche: deuxfois plus de thons capturés quela mer n’en “produit”. Lapopulation décline de 60 %.- 2007 : l’Iccat adopte un plan desauvetage sur 15 ans.Interdiction de survol des bancsde thons en avion.- 2010 : quota de pêche quasidivisé par deux.

mois. La moitié droite de son corps est démoliepar les thons de 40 kg soulevés à la main: “Ilfallait aller vite, c’était mal vu de demander del’aide.” Un de ses doigts demeure insensible, àcause d’une entaille profonde sans arrêt de tra-vail. Et par manque de preuves, il n’a pu avoirdroit au regroupement familial: il a vécu loinde sa femme, un de ses fils s’est fait expulser.“On a l’habitude de la souffrance.”À 56 ans, Jean-Claude cumule deux ans officiels d’embarque-ment sur 13 ans effectifs, et se bat aussi pourfaire valoir sa retraite et accéder aux empruntsbancaires. Contrats signés à blanc, manque detransparence sur les comptes, travail au noir,menaces de mort… Les anciens marins dénon-cent des pratiques “comme au temps des esclaves!Et avec la complicité de l’État (2)”. Avocate demarins sétois, Natacha Yehezkiely analyse: “C’estun milieu où le code du travail n’est pas une don-née de base. Tant que la pêche était bonne, les ma-rins y trouvaient leur compte et les Affaires mari-times couvraient les patrons. Mais, désormais,les questions remontent à la surface.”

Un avenir plus artisanalLes jeunes marins, eux, se posent d’autres ques-tions essentielles: “Pourra-t-on encore pêcher lethon?” Lorsque les armadas sont réduites à laportion congrue, que d’imposants thoniers quasineufs se font “déchirer” sur la zone de carénage,que les pêcheurs sont à cran sur les quotas, legasoil et les charges, les jeunes ne sont pas en-couragés: “Je suis malheureux pour eux: il y auraitpu avoir une prise de conscience avant, commechez les pêcheurs de coquilles Saint-Jacques àPaimpol, qui ont décidé de ne pêcher que troisheures par semaine, pour continuer”, se désolePhilippe Fassanaro, prof au lycée de la mer.Mais cet ancien marin-thonier reste confiant:“Je pense qu’on peut trouver un équilibre, avecune taille de navire et un matériel adaptés. Parexemple en pêchant des petits thons près de Sète,avec des palangres (hameçons sur une ligne,NDLR), sur un bateau qui marche à l’électrique,voile et air comprimé.” L’armement Avallone ad’ailleurs entamé sa reconversion: après unmois en senneur, son équipage continue à pê-cher, de juillet à décembre, sardines, dauradeset thon, sur quatre catamarans auto-construitsen 2009. Frais du jour, en cours de labellisation“durable”, le thon rouge est destiné au marchéeuropéen. Ainsi, la pêche reprend des propor-tions “artisanales”. De quoi faire positiverMatthieu Fages, le second à bord du Jean-MarieChristian VI : “Ces catamarans sont une chancepour nous: le reste de l’année, les autres marinsdoivent travailler en intérim ou en CDD. Et le quota,c’est une bonne chose pour notre avenir: il fautencore plus de contrôles pour qu’on continue àavoir du travail. Oui, entre 2000 et 2007, ça a étéla bérézina, tout le monde est responsable. Mais,dans le golfe du Lion, les stocks de thons se re-constituent.” Le marin de 33 ans en estconvaincu: “À la palangre comme à la senne,l’avenir du thon est certain.” !

(1) La part est la rémunération du matelot.L’armement et l’équipage se partagent le chiffred’affaires moins les charges. Pour un équipage de12 personnes, chacun reçoit donc 1/24e du gainréalisé. Si rien n’est pêché, le “Smic maritime” as-sure toutefois une rémunération de 88!par jour.(2) En cette période de “réserve préélectorale”,l’actuelle Direction départementale des territoireset de la mer n’a pu répondre. Pour la SaThoAn,qui regroupe l’essentiel des patrons de thoniers,“tout est faux”, mais elle ne souhaite pas en direplus.

“Une pêche magnifique”…

À gauche, Philippe Fassanaro repenseavec nostalgie à sa pêche au thon desannées 70-80.Photo du milieu : moins de quotas depêche, moins de marins : Jean-Claude etVincent P. ont été “escampés à terre”. Enprocès, déclarés en pointillés, ils peinentà obtenir paies et retraites.À droite : une matte (banc de poisson)de thons rouges.

“Tu passes des heures à scruter la mer.Tu vois des dauphins, des tortues,des baleines: des cadeaux. Tu dînes

au coucher du soleil. Tu travailles avec la na-ture, le vent, le courant. Tu sais comment l’eaubrille, comment les oiseaux plongeurs s’abat-tent sur les bancs d’anchois qui attirent lesmattes de thon à la surface. Avec l’expérience.Quand on voit sauter le thon aux jumelles, lepatron crie “listo?”- “prêts?” en espagnol. Là,on largue le skiff (canot à l’arrière du navire,NDLR) et on encercle le banc.” Une fois quele thonier a largué son filet (la senne), longde 2 km, il le resserre par le bas au moyend’anneaux, et capture ainsi les thons dansune “chaussette” de 80 m de profondeur.“C’est une véritable chasse, où le poisson peutgagner. Il peut changer de route. Le tempsqu’on ferme le filet, il peut s’échapper, et sauterà côté du navire d’un air de provoc’… quitte àse rendre le lendemain.”La prise? De 10 t à 200 t d’un coup, selon.“Contrairement à ce qu’on pense à Bruxellesou à Paris, ce n’est pas une science exacte.”Les plongeurs de l’équipage l’estimentd’abord à l’œil : “Dans l’eau claire, le thon ales yeux fixés sur vous, il ne vous lâche pas,on en a des frissons”, raconte Vincent. “Pourne pas le stresser (les thons doivent nagerpour respirer, NDLR), on maintient le filetbien ouvert avec les Zodiac. Parfois pendanttrois jours, le temps que les cages (65 m dediamètre) arrivent en remorqueur.” Lors dutransfert du filet à la cage, deux équipes deplongeurs évaluent les thons: une pour l’ar-mateur, l’autre pour le mareyeur. “Avec unecaméra et une ficelle à nœuds ou un compteur.” Ensuite, mareyeur et patron visionnent lavidéo. Et négocient, sans convier les marins.Les thons seront ensuite engraissés pendant5 à 8 mois dans une des 60 fermes d’élevagede thons, à Malte, en Sardaigne, aux Baléares,en Turquie ou dans le sud de l’Espagne. Unefois obtenue une chair de qualité satisfaisantle goût japonais (70 % du marché), ils serontcongelés, expédiés, et vendus au marché de

Tsukiji à Tokyo, de 5! à 8! le kilo, pour lessushis ou… en cadeau de mariage.

…“pourrie par l’appât du gain”Les marins gagnent ainsi 10000!à 20000!par saison - trois mois, dont un mois en mer -,avec une pêche de 100 t. Pour atteindre ceseuil de rentabilité, les armements regrou-pent désormais les quotas de plusieurs na-vires. Alors que, dans les années 2000, unseul senneur pêchait 600 t de thons, en ar-mada de 5 à 6 bateaux. Chaque matelot pou-vait alors gagner 30000 ! à 200000 !. Leloto. L’or rouge. Des milliards qui flottent.“Il y avait tellement de pognon que je n’arrivaispas à le gaspiller”, avoue Jean-Claude.Philippe, prof au lycée de la mer et ancienmarin, en reste effaré: “À 20 ans, mes élèvesgagnaient 90000 ! ou 120000 !, et sansavoir fait 15 ans d’études! Ça tourne la tête.Certains les ont placés dans des terrains, desmaisons. D’autres ont flambé avec des BMWdécapotables, des 4x4, des bateaux…”Matthieu tempère: “En dépensant dans lesrestos et les petits magasins sétois, on partici-pait à l’économie locale. Et pêcher du thon, cen’est pas si simple: on est loin de notre foyer,on prend des risques, il faut s’entendre. Appâtéspar le soi-disant argent facile, certains ont es-sayé et ont arrêté en pleine saison. Trop fati-gués.”Mais l’appât du gain a aussi poussé les arme-ments à prélever goulûment. Y compris desthons femelles pleines. Les marins le recon-naissent: “On est rentrés dans les frayères, lamer tremblait de tous les côtés. Nous aussi.C’est comme rentrer dans un poulailler pourtout écraser. On a fait des massacres. Les pa-trons se sont gavés, ils ont joué les riches. Onn’a réalisé que la ressource partait que lorsqueGreenpeace a mis son nez dedans. MerciGreenpeace!”, tonne Jean-Claude.Aujourd’hui,pêche et salaires reprennent des allures dé-centes. Morale de l’histoire selon Philippe:“Les marins ont été pénalisés (voir p. degauche). Et hyper-technologique, hyper-contrô-lée, la pêche en est devenue absurde.” !

L’“esprit d’aventure”, le “défi au quotidien”, “la beautéde la mer”… “Le thon, c’est une pêche magnifique !”s’enthousiasment les marins sétois. Un brinnostalgiques, la passion amère, Matthieu, Ali,Philippe, Vincent et Jean-Claude tentent de trouverles mots. Par bribes.

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Les thoniers sétois partentpêcher à Malte ou aux Baléares.

Les thons sont transférés dansles fermes d’engraissement,

développées au large de toutesles côtes méditerranéennes…

sauf en France.

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Le Rosine-Arthur était devenu le Jarjaruma.Safa, Grnada, Regata : sur une dizaine devieux thoniers sétois, depuis 10 ans, les

écritures arabes avaient fleuri. Et faisaient partiedu paysage des quais. Car les navires rachetéspar la Libye étaient bien dirigés par des équi-pages sétois - une centaine de personnes. Maispour la deuxième année, les marins n’iront pasen Libye. En révolution en 2011, le pays avaitinterdit la pêche dans ses eaux. Cette année, enjanvier, le Conseil national de transition a faitrapatrier l’essentiel de sa flotte à Tripoli, viaMalte, et a transmis son plan de pêche tardive-ment. La Libye a-t-elle l’intention de renégocierles contrats? Personne ne semble s’en soucier.Car le pays reste trop dangereux, tant que la dé-mocratie n’y est pas établie. Pour Matthieu, se-cond sur l’armement Avallone, “hors de questiond’y retourner! Pour me faire tirer dessus?”

Post-KadhafiD’autant plus que la situation est délicate. Lesmarins sétois étaient payés par des sociétés pri-vées libyennes… appartenant à des proches deMouammar Kadhafi, le dictateur. Comme RasAl Hilal marine services, créée par son fils Seif-al-Islam et gérée par un certain Moustafa Zarti,interpellé dans sa fuite lors la révolution li-byenne.En 2002, c’est l’armement Scanapiecco qui, lepremier, part pêcher dans le golfe de Syrte etdécouvre “la poule aux œufs d’or”. Mais, en2004, la Libye décide unilatéralement que seulsles pavillons libyens pourront pêcher dans seseaux territoriales. S’ensuivent alors des accordsde pêche avec les armateurs sétois. “Avant quel’Europe n’interdise la pêche en meute, les vieuxthoniers libyens rabattaient le thon vers les ba-teaux français ultramodernes et les tonnagesétaient répartis. Ainsi, les thoniers-senneurs sétoisprofitaient à la fois des quotas français et des

quotas libyens, avec la bénédiction du clanKadhafi”, dénonce l’ONG Robin des Bois.N’empêche, les Sétois ne se sentent pas si bien-venus à Tripoli : “On croyait qu’on nous accla-mait, mais c’étaient les douaniers qui voulaientrécupérer des cigarettes, du whisky et des to-mates”, “On nous oblige à dératiser, alors que leport est plein de rats”. À Tripoli, “pas une femmedans les rues! Et la plus grosse épicerie fait 10m2”.Adieu l’ambiance fiesta des Baléares. Adieu lesfilles de la Côte d’Azur des années 70-80, quiprenaient le thonier pour un yacht. Pour lesmarins, la Libye se résume à “des chameaux,des pneus et des carcasses de voiture”, ou “du pé-trole, des fringues pas chères et des thons”.

Les mailles du contrôleAlors que les ONG pointent une surveillancetrop lâche en Libye, Matthieu assure: “Le thona droit au même contrôle, puisqu’il entre en Europevia les fermes d’engraissement (voir p. précé-dente).” Le thonier est suivi par balise satellite,et un contrôleur étranger indépendant passetoute la saison à bord avec l’équipage: “Au départ,on a un sentiment bizarre, comme avec un gardiende prison. Mais au moins, ils voient qu’on est desgens honnêtes, pas des voleurs.”Ce n’est pas l’avis d’anciens marins, qui décrivent,entre autres, des pompages de mazout illégaux,des survols d’avions de repérage après leur in-terdiction. Et soupçonnent des sous-déclarationsde captures de thon rouge (voir note 2, page 11).Du passé? Pour Philippe Fassanaro, prof au lycéede la mer, “il y a eu des magouilles, mais, désormais,les patrons ne peuvent plus tricher”. Les quotas“drastiques” ont-ils étanché la soif d’or rouge àtout prix? Selon les calculs de l’ONG PewEnvironnement Group, l’écart se creuse entreles ventes de thon rouge et les captures officielles(+140 % en 2010). Laissant encore une place audoute. !

Après la révolution en Libye, les marinssétois ne se pressent pas pour y retournerpêcher le thon rouge. Mais les ONGécologistes restent vigilantes.

La Libye, c’est fini?

Pour trouver etencercler les bancsde thons, lesthoniers-senneurss’y mettent souventà plusieurs. Dans le filet, lesmarins-plongeurs,comme Vincent, àdroite, comptent ettransfèrent ensuiteles thons en pleinemer, vers une“piscine”d’engraissement.Au milieu, le bateaulybien Safa 4.Vendus à descompagnies prochesde Kadhafi, unedizaine de vieuxthoniers sétoisbattent pavillonlibyen.

enquête

Pour le meilleur et pour le pireC

30 jours de mer ensemble aujourd’hui, deux fois quatre moishier. Sur les thoniers, les équipages vivent l’émulation de “la

saison”, et s’épaulent pour tenir. Même s’ils admettent travaillerdans de bonnes conditions. Deux par cabine, douches, toilettes,télé, cuisinier et machine à laver : sur les navires, qui ont doublé detaille en 30 ans, le confort s’est nettement amélioré. À bord,macaronades et tours de garde se partagent entre Sétois,Marocains, Libyens, Sénégalais. “Chacun se respecte : chrétien oumusulman, on est tous croyants.” “Le mélange des cultures, onconnaît, certains font leur prière cinq fois par jour dans le bateau”,raconte Vincent. Et d’autres recherchent les églises à La Valette(Malte) : “On prie pour qu’il y ait beau temps.”

SolidaritéAli aurait aussi bien prié pour qu’il n’y ait pas d’accidents. Tropnombreux, surtout avant 1990, “quand il n’y avait pas deprotection”. “Un Marocain s’est pris le pied dans un câble, s’estassommé et s’est fait entraîner au fond de la mer. D’autres se sontpris une poulie sur le dos, une barre dans la tête. Morts sur le coup.”Catapultés vers l’avant, des matelots se cassent les vertèbres.Certains ont plus de chance : Ali a sauvé un Algérien à deux doigtsde se faire entraîner par la corde du filet.“En mer, la solidarité est incomparable, assure Matthieu. On a déjàporté assistance à des clandestins en perdition dans la tempête, prèsde Lampedusa. Qui peut rester stoïque face à un enfant de 8 ans,dont le père est en larmes parce qu’on l’a sauvé ?” Mais parfois, c’esttrop tard. “On croise souvent des corps de clandestins noyés quiflottent, gonflés. Par respect, on dévie notre route pour éviter depasser dessus… Dur.”

GreenpeaceMais pour Matthieu, le plus violent reste l’intervention deGreenpeace, en juin 2010 au large de Malte, sur le Jean-MarieChristian VI. Celle qui a défrayé la chronique, en laissant unmilitant blessé. “Enfin il fait beau, enfin on pêche. Greenpeace noussuit, mais on a l’habitude. On avait tout en règle, j’étais en train defaire mes déclarations. Sans discussion, sept Zodiac* viennent jeterdes sacs de pierre sur le bord du filet et commencent à le couper pourlibérer les thons. Ils rentrent dedans alors qu’il y a nos plongeursdessous. Une véritable attaque ! On appelle au secours sur le canal 16(fréquence radio de détresse, NDLR), mais le bateau de guerre àproximité ne vient pas. Il a bien fallu qu’on se défende, qu’onprotège notre filet : c’est parti en bataille navale. Deux heures plustard, les images passaient sur BFM TV : nos femmes étaient en pleurs,on n’avait pas pu les avertir. Greenpeace dit qu’il faisait une actionpacifique, mais ça a été 25 minutes d’une violence rare. Mon piresouvenir.”* Zodiac : canot pneumatique motorisé

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