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Thème 2 - Classes, stratification, et mobilité sociales Chapitre 1 : Comment analyser la structure sociale ? Notions indispensables Acquis de 1 è re Notions de terminale Salaire Revenu Profit Revenus de transfert Groupe social Inégalités économiques Inégalités sociales Classes sociales Groupes de statut Catégories socioprofessionnelles Indications complé mentaires : On mettra en évidence le caractère multiforme des inégalités économiques et sociales ainsi que leur aspect parfois cumulatif (I). On procédera à des comparaisons aux niveaux européen et international en utilisant les principaux indicateurs et outils statistiques appropriés ( TD). On présentera les théories des classes et de la stratification sociale dans la tradition sociologique (Marx, Weber) ains i que leurs prolongements contemporains et on s'interrogera sur leur pertinence pour rendre compte de la dynamique de la structuration sociale. On mettra en évidence la multiplicité des critères de différenciation socia le dans les sociétés post-industrielles (statut professionnel, âge, sexe, style de vie) ( II). Rappe ls pre miè re : Sala ire : rémunération du travail salarié Revenu : ce qu’un agent économique peut consommer sans s’appauvrir, c’est -à-dire sans entamer la valeur de son patrimoine Profit : rémunération du capital. Profit = CA - consommations intermédiaires - Salaires - Impôts sur la production Revenus de transfert : revenus qui ne sont pas issus d’une participation à l’activité productive Etat-providence : forme d'Etat mise en place au 20e siècle, il se traduit par le développement de la protection sociale et par l'intervention active de l'Etat dans la sphère économique et sociale. Prélèvements obligatoires : Ensemble des contributions obligatoires (impôts, taxes, cotisations sociales) perçus par les administrations publiques (APU : Etat, collectivités locales, administration de sécurité sociale) auprès des agents économiques. I) Des inégalités multiformes et cumulatives A) Les inégalités économiques 1- Les inégalités économiques de revenu 2- Les inégalités économiques de patrimoine B) Les inégalités sociales C) Le caractère cumulatif des inégalités II) Classe sociales et stratification sociale A) Les analyses théoriques traditionnelles de la structure sociale 1 L’analyse de Karl MARX en termes de classes sociales 2 L’analyse de Max WEBER en termes de strates sociales 3 - Bourdieu, un prolongement contemporain entre Marx et Weber B) Une représentation de la structure sociale : les catégories socioprofessionnelles 1- La nomenclature des PCS, un outil statistique pour analyser la structure sociale 2- Limites des PCS C) La structure sociale en France aujourd'hui : l’actualité de l’analyse des classes sociales 1 Les classes sociales ont-elles disparu ? a) La dynamique sociale brouille les frontières de classes L’analyse marxiste en termes de classes sociales ne permet pas de penser la classe moyenne L’effritement de la classe ouvrière La montée de l’individualisme b) L’analyse en termes de classes sociales t oujours pertinente : vers un retour des classes sociales ? 2. Des critères de différenciation sociale multiples dans les sociétés post-industrielles a) Age et génération b) L’influence du genre c) L’influence de l’origine ethnique

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Page 1: Thème 2 - Classes, stratification, et mobilité sociales ... · Thème 2 - Classes, stratification, et mobilité sociales Chapitre 1 : Comment analyser la structure sociale ? Notions

Thème 2 - Classes, stratification, et mobilité sociales

Chapitre 1 : Comment analyser la structure sociale ?

Notions indispensables

Acquis de 1ère Notions de terminale

Salaire

Revenu Profit

Revenus de transfert Groupe social

Inégalités économiques

Inégalités sociales Classes sociales

Groupes de statut Catégories socioprofessionnelles

Indications complémentaires : On mettra en évidence le caractère multiforme des inégalités économiques et sociales ainsi que leur aspect parfois cumulatif (I). On procédera à des comparaisons aux niveaux européen et international en utilisant les principaux indicateurs et outils statistiques appropriés (TD). On présentera les théories des classes et de la stratification sociale dans la tradition sociologique (Marx, Weber) ains i que leurs prolongements contemporains et on s'interrogera sur leur pertinence pour rendre compte de la dynamique de la structuration sociale. On mettra en évidence la multiplicité des critères de différenciation socia le dans les sociétés post-industrielles (statut professionnel, âge, sexe, style de vie) (II).

Rappels première : Salaire : rémunération du travail salarié

Revenu : ce qu’un agent économique peut consommer sans s’appauvrir, c’est -à-dire sans entamer la valeur de son patrimoine

Profit : rémunérat ion du capital.

Profit = CA - consommations intermédiaires - Salaires - Impôts sur la production

Revenus de transfert : revenus qui ne sont pas issus d’une participation à l’activ ité productive

Etat-providence : forme d'Etat mise en place au 20e siècle, il se traduit par le développement de la protection sociale et par

l'intervention active de l'Etat dans la sphère économique et sociale.

Prélèvements obligatoires : Ensemble des contributions obligatoires (impôts, taxes, cotisations sociales) perçus par les

administrations publiques (APU : Etat, co llect ivités locales, administration de sécurité sociale) auprès des agents économiques.

I) Des inégalités multiformes et cumulatives A) Les inégalités économiques

1- Les inégalités économiques de revenu 2- Les inégalités économiques de patrimoine

B) Les inégalités sociales

C) Le caractère cumulatif des inégalités

II) Classe sociales et stratification sociale A) Les analyses théoriques traditionnelles de la structure sociale

1 – L’analyse de Karl MARX en termes de classes sociales 2 – L’analyse de Max WEBER en termes de strates sociales 3 - Bourdieu, un prolongement contemporain entre Marx et Weber

B) Une représentation de la structure sociale : les catégories socioprofessionnelles 1- La nomenclature des PCS, un outil statistique pour analyser la structure sociale 2- Limites des PCS

C) La structure sociale en France aujourd'hui : l’actualité de l’analyse des classes sociales 1 – Les classes sociales ont-elles disparu ? a) La dynamique sociale brouille les frontières de classes L’analyse marxiste en termes de classes sociales ne permet pas de penser la classe moyenne L’effritement de la classe ouvrière La montée de l’individualisme b) L’analyse en termes de classes sociales toujours pertinente : vers un retour des classes sociales ? 2. Des critères de différenciation sociale multiples dans les sociétés post-industrielles a) Age et génération b) L’influence du genre c) L’influence de l’origine ethnique

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I) Des inégalités multiformes et cumulatives

Sensibilisation : Toute différence est-elle une inégalité ?

Toutes les différences ne constituent pas des inégalités Distinguer « inégalités de droit » / « inégalité de fait »

Distinguer « différences » / « d’inégalités » => une différence devient une inégalité SI il y a une hiérarchie (des avantages et des désavantages)

Distinguer « inégalité sociale » (désavantage partagé par +sieurs pers) / « inégalité

individuelle » Inégalités = différences entre individus ou groupes sociaux qui se traduisent en termes d'avantages et de

désavantages et qui fondent une hiérarchie entre ces individus ou groupes. Les inégalités sont donc historiquement et socialement construites et il existe une dynamique des inégalités : les inégalités d’hier ne sont pas toujours celles d’aujourd’hui qui ne seront pas nécessairement celles de demain .

Illustration : Les hommes de petites tailles

A) Les inégalités économiques

Inégalités économiques : un partage et un accès inégal aux ressources économiques. Il existe deux types

d’inégalités économiques : les inégalités de revenus (de salaire en particulier) et les inégalités de patrimoine. Elles se mesurent avec des critères monétaires.

1 – Les inégalités économiques de revenu Document sur les inégalités salariales

Savoir lire des données en DECILES Savoir lire le rapport interdécile

Bien distinguer le salaire médian du salaire moyen et savoir expliquer pourquoi ils peuvent être différents : si salaire médian < salaire moyen => ça signifie qu’il y a de très hauts revenus qui tirent la moyenne vers le haut.

Inégalités existent au sein d’un même décile

Exemple du dernier décile : les 10% les + riches de France => parmi eux plusieurs niveaux de revenus et divers styles de vie (ex : professeur d’université ou PDG de LVMG)

Importance des revenus du patrimoine au sein du dernier décile, qui creusent encore + les

inégalités

Bilan : Les inégalités salariales sont plus fortes chez les femmes que chez les hommes, chez les non qualifiés (ouvriers et employés) que chez les qualifiés (cadres et professions intermédiaires). Les hommes ont de meilleurs salaires que les femmes (même à qualification équivalente) – cf le plafond de verre dont sont victime les femmes (le plafond de verre empêche les femmes d'accéder aux postes les mieux rémunérés, donc les femmes ont moins souvent des salaires très élevés) et les inégalités de salaires sont également plus importantes chez les femmes que chez les hommes. L’éventail des salaires est le plus souvent mesuré par le rapport entre : - D9 : montant au-dessus duquel sont rémunérés les 10 % des salariés les mieux payés et - D1 : montant en-dessous duquel sont rémunérés les 10 % des salariés les moins payés.

Ce raport inter-déciles D9/D1, est un indicateur de dispersion.

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Mais le salaire n'est qu'un élément du revenu des ménages.

Rappel de 1ère

Le salaire (revenu du travail) fait partie des revenus primaires. Revenus primaires = revenu du travail + revenu du capital + revenu mixte Revenus d e transfert

Revenu disponible brut = revenus primaires + revenus de transfert – PO PO = prélèvements obligatoires = impôts + cotisations sociales

RDB ajusté = RDB + transfert sociaux en nature

Ecart de revenus dans les pays de l’OCDE

Le revenu minimum des 10% les plus riches est 3,6 fois plus élevé que le revenu maximum des 10% les plus pauvres, en France, d’après l’OCDE en 2011. De manière générale, les inégalités entre les 10% les plus riches et les 10% les plus pauvres se sont creusées, sauf en France !

Bilan De manière générale dans l’OCDE : des pays où les inégalités sont relativement fortes : pays anglo-saxons (EU, GB) des pays où les inégalités sont relativement faibles : pays scandinaves (Danemark) des pays comme la France ou l’Allemagne sont plutôt dans des positions intermédiaires.

2 – Les inégalités économiques de patrimoine

Revenu : ce qui peut être consommé par un agent économique au cours d'une période sans diminuer la valeur

de son patrimoine. Le revenu est un flux. Patrimoine : état des avoirs (actifs financiers et non financiers) et des dettes détenus par un agent économique

à un moment donné. Le patrimoine est un stock. (avoirs : ce qui est détenu en positif / dette en négatif, d'où patrimoine = avoirs – dettes) Ainsi, le revenu est un flux qui vient alimenter le stock de patrimoine détenu par un individu ou un ménage.

Comment le patrimoine est- il distribué ?

En fonction de l’âge : plus on est âgé, plus le niveau de patrimoine est important. En effet, 50% des ménages de moins de 30 ans disposent d’un patrimoine inférieur à 7200 euros et 50% des ménages de 60 à 69 ans disposent d’un patrimoine inférieur à 211 500 euros.

En fonction de la CSP : les ouvriers et employés ont un faible patrimoine par rapport aux indépendants (cf. propriétaires de leurs entreprises) et cadres et PI.

Plus les revenus sont élevés, plus le patrimoine est important. Comparaison France / EU

En 2010, en France, les 10% des ménages les plus riches détiennent 48% du patrimoine alors qu’aux Etats-Unis, les 10% des ménages les plus riches détiennent 62% du patrimoine.

Aux Etats-Unis, les inégalités de patrimoine sont encore plus fortes que les inégalités de revenus : c’est aussi le cas en France. En effet, d’après Alternatives Economiques n° 316 - septembre 2012, en France, en 2010, les 10 % des

ménages les mieux lotis disposent d’un revenu annuel au moins 4,63 fois supérieur à ceux des 10 % les moins bien lotis ; les 10 % des ménages les mieux lotis disposent d’un patrimoine au moins 42,71 fois supérieur à

ceux des 10 % les moins bien lotis. Les inégalités de patrimoine sont bcp plus importantes que les inégalités de revenu

Parce que le patrimoine se cumule et s’hérite.

A voir avec la courbe de GINI en TD !

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B) Les inégalités sociales

Inégalités sociales : inégalités liées à une distribution inégale de l’accès aux biens et services

(logement, loisirs, santé,…).

Elles sont très nombreuses. Quelques exemples ….

Inégalités en équipement multimédia Les inégalités d’équipement en multimédia peuvent

s’expliquer par des différences de revenus et de culture. Différences de taux d’équipement entre les cadres et les

ouvriers pour le téléviseur couleur et le micro-ordinateur.

Inégalités sociales face à la santé Espérance de vie selon PCS et selon le genre Des inégalités sociales plus fortes chez les hommes que chez

les femmes, chez les ouvriers que chez les cadres. Depuis 25 ans, les inégalités sociales face à la mort se

maintiennent Inégalités de participation politique

Les classes populaires s’abstiennent plus, sont moins représentées en politique.

Inégalité vis-à-vis des vacances Les catégories favorisées partent beaucoup plus en vacances

que les catégories populaires. 80% des individus d’un milieu aisé en 2000 contre 1/3 des milieux modestes.

S’expliquent par des inégalités économiques. Aussi par les contraintes de certaines professions (ex : agriculteurs).

Quand départ en vacances des différences d’hébergement : camping vs hotels de luxe ; vacances en France contre

vacances à l’étranger,… + Plus souvent pour les milieux favorisés (sur des week-ends par exemple).

Pratiques culturelles Explications : ressources éco + habitus Inégalités éco mais aussi des inégalités en termes de capital

culturel, d’habitus (liens avec le diplôme par exemple). Ne dépendent pas que des PCS mais d’autres critères comme

l’âge ou le genre par exemple. Réussite scolaire

Explications : ressources éco + habitus Aide au devoir, chambre individuelle, cours particuliers, etc.

Bilan On peut encore citer beaucoup d’autres exemples d’inégalités sociales : inégalités face au logement (vivre dans une maison ou un appartement), inégalités face au froid, inégalités dans la pratique associative, inégalités face au chômage. Ces inégalités sociales s’expliquent par des inégalités économiques, matérielles. Ex : des ressources différentes expliquent les inégalités de logement. Mais elles s’expliquent aussi par des dotations différentes en termes d’habitus, de capital culturel. Ex : à revenu égal les employés ont davantage de pratiques culturelles que les ouvriers. + en fonction de l’âge + en fonction du sexe

Compléter ci-dessous avec vos données

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C) Le caractère cumulatif des inégalités

Les inégalités sont mult idimensionnelles (de revenu, de patrimoine, de pratiques culturelles, de réussite scolaire,… + selon

différents critères : PCS, âge, genre,…) mais elles sont aussi cumulat ives. Ce sont les individus qui ont les revenus les plus faibles

qui ont aussi le patrimoine le moins important, qui partent moins en vacances, réussissent moins bien à l’école,…

Les différentes inégalités tendent à se cumuler : ce sont les même qui sont au chômage, n'ont pas

accès à la culture, ont une espérance de vie faible... Par quels mécanismes explique-t-on cela ?

Le cumul des inégalités

On dit que les inégalités sont cumulatives pour dire qu'elles ont tendance à se renforcer mutuellement.

Par exemple, le diplôme conditionne le revenu par la position sociale qu'il procure, qui elle même

facilite l'accès au diplôme. => Accumulation de handicaps.

Dans les Zones Urbaines Sensibles => socialisation

dans univers familiaux et sociaux marqués par la précarité

des emplois + faiblesse des revenus et des diplômes +

chômage => difficultés scolaires.

Remarque : Difficultés renforcées par l’existence de

pratiques discriminatoires envers des jeunes d'origine

étrangère (en France, pas de statistiques ethniques).

A l'inverse, la richesse appelle la richesse, car une

personne riche est amenée à cumuler le pouvoir politique

et le prestige social, ces différentes dimensions se

renforcent mutuellement.

Retour sur Weber : la richesse s’accompagne souvent d’une accumulation de pouvoir politique et de prestige social (3 dimensions de la stratification sociale). Ces différentes dimensions se renforcent mutuellement.

Un exemple plus précis : la pauvreté

Cumul les inégalités, accumulation de handicaps, les inégalités se renforcent mutuellement. Défaut d’avoir Défaut de pouvoir

Défaut de savoir

Exemple de mécanisme cumulatif

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Les immigrés face aux inégalités

Un immigré = un individu résidant sur le territoire français qui est né à l’étranger avec une nationalité étrangère ou française par acquisition. Un immigré est un étranger Un étranger = une personne qui n’a pas la nationalité (né en France ou hors de France donc immigré). Un étranger n’est pas forcément un immigré, car il peut n’être que de passage sur le territoire, en vacances, touristes, ou diplomate.

Les personnes immigrées occupent plus d’emplois précaires que les autres, elles sont surreprésentées chez les ouvriers, ce qui expliquent un niveau de vie plus faible, un taux de chômage plus élevé, et un taux de pauvreté

plus fort. Ces facteurs (liés à l’origine sociale) peuvent expliquer des inégalités scolaires plus fortes chez les enfants d’immigrés.

Remarque : Si l’on tient compte de l’origine sociale, les enfants d’immigrés réussissent mieux que les autres à

l’école !

Rmq : non seulement les inégalités ont tendance à se cumuler pour un individu, mais elles ont aussi tendance à se reproduire d’une génération à l’autre.

Les inégalités forment un système

Origine sociale …………………. Capital ……………………..important ……………………. , Héritage Sociabilité Logement …………………… …………………… Capital ………………….. importante important important …………………….. Réussite …………………….. scolaire

Bilan

L’espace des inégalités sociales est multidimensionnel. Les inégalités concernent tout à la fois l’accès aux

ressources proprement économiques (revenu, patrimoine…), aux ressources sociales ou politiques (conditions d’existence, éducation, santé, accès au pouvoir…) et symboliques (titres scolaires, pratiques langagières…).

Elles prennent donc des formes multiples et se renouvellent constamment selon les mutations structurelles de la société (sociales, économiques, technologiques, idéologiques…).

Les inégalités spécifiquement économiques traduisent un partage inégalitaire des richesses et correspondent à toutes les différences de revenus et de patrimoine entre individus ou entre groupes sociaux. Elles ont, au sein

des économies marchandes, une place particulière car elles constituent souvent une matrice – sans être la seule – sur laquelle se développe une multiplicité d’inégalités sociales.

Par exemple, les inégalités de revenu et de patrimoine donnent naissance à des inégalités d’accès au logement, d’accès à la santé, etc. Les inégalités sont donc interactives. Plus encore, elles sont liées entre elles par des

processus cumulatifs qui alimentent la polarisation de la structure sociale : les avantages des uns s’additionnent pendant que les désavantages des autres se renforcent mutuellement. Une autre caractéristique des inégalités économiques et sociales est qu’elles ont tendance, comme le démontrent les études sur la

mobilité sociale, à se reproduire d’une génération à l’autre.

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II) Classes et stratification sociale

Objectifs : (Etre capable de…) - définir stratification sociale, classes sociales, groupes de statut, inégalité - définir et distinguer classe en soi / classe pour soi - différencier et expliquer les similitudes entre les analyses de Marx et Weber - d’expliquer les principes de construction des PCS - de montrer les intérêts et limites des PCS pour traiter des classes sociales - Expliquer les théories de la moyennisation de H. Mendras - Expliquer les théories montrant le retour des classes sociales (F. Dubet, L. Chauvel) - Montrer la multiplicité des critères de différentiation sociale et leur rôle dans le brouillage des frontières. - Savoir montrer en quoi l’analyse de P. Bourdieu peut apparaître comme une synthèse des approches des K.Marx et M.Weber - Savoir exposer les termes du débat sur la pertinence du concept de classe sociale auj ?

Sensibilisation : les castes en Inde Cf. les intouchables

A) Les analyses théoriques traditionnelles de la structure sociale Deux analyses fondatrices de la structure sociale en sociologie : celles de Marx en termes de classes sociales et celles de Weber en termes de strates sociales.

Sur le plan historique, les classes sociales font leur apparition à la fin du XVIIIème siècle, alors que la France

met fin à une société d’ordres. Sur le plan théorique, le concept de classes sociales et la question de leur devenir a fait l’objet de nombreux travaux en sociologie depuis le XIXème siècle.

Mais qu’est-ce qu’une classe sociale ? Le débat va opposer les tenants de la thèse selon laquelle les classes sociales existent réellement et sont en

conflit (conception réaliste des classes sociales), et ceux qui pensent que les classes sociales sont un outil de classement et lui préfèreront le concept de strates (conception nominaliste).

1 – L’analyse de Karl MARX en termes de classes sociales

Karl Marx

Penseur et économiste allemand (1818-1883) dont la philosophie est fondée sur la lutte des classes (exploitants et exploités) comme moteur de l’histoire. Selon lui, le

système capitaliste oppose deux classes principales : la bourgeoisie (les capitalistes) et le prolétariat (les ouvriers), qui est exploité par la première. Le prolétariat doit donc s’organiser afin de s’emparer du pouvoir et d’abolir les classes.

Un seul critère pour définir l’appartenance à une classe sociale = la place occupée dans le processus de production (1 critère économique)

2 principales classes sociales :

- ceux qui détiennent les moyens de production, cad le capital, que Marx appelle les capitalistes (bourgeois, patrons)

- ceux qui ne détiennent que leur force de travail, que Marx nomme prolétaires (ouvriers). Processus de polarisation (processus qui conduit à l'élimination progressive de toutes les classes et fractions de

classes autres que le prolétariat et la bourgeoisie.)

Lutte des classes (conflit entre les classes sociales antagoniques (synonyme de ‘’antagoniste’’) pour faire

valoir leurs intérêts.) Selon Marx : « L'histoire de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire des luttes de classes » ).

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Pour Marx, c'est dans la lutte des classes que les classes prennent conscience de leurs intérêts communs et

donc de leur existence : la lutte entre les classes sociales fait naître la conscience de classe (cad le sentiment partagé d'appartenir à telle ou telle classe), qui a son tour favorise la lutte des classes.

Lutte des classes CAR : domination des bourgeois sur les prolétaires. Les propriétaires des moyens de production exploitent les prolétaires car leur salaire n’est pas à la hauteur de la valeur de ce qu’ils produisent

(les capitalistes extorquent une plus-value car la rémunération des ouvriers correspond à ce qui est nécessaire pour renouveler leur force de travail, mais les ouvriers produisent pour une valeur supérieure).

Développement des industries => concentration géographique des ouvriers => prise de conscience de leur situation commune => renforce la conscience de classe.

Classes en soi (conditions objectives) / classes pour soi (conscience de classe)

Classe sociale = classe en soi + classe pour soi

Classes sociales (MARX) : Groupe social caractérisé par une position spécifique dans le système de

production (classe en soi) et par une conscience collective (classe pour soi).

Classe ouvrière = classe sociale

La paysannerie = pas une classe pour soi, un « sac de patates » Conception réaliste des classes sociales : les classes existent dans la réalité.

Bilan

Pour K. Marx, toutes les sociétés sont caractérisées par une lutte des classes. Le conflit est central dans

l’analyse marxiste de la structure sociale. Il entend par classe sociale : des groupes d’individus ayant : Une position spécifique dans le système économique avec propriété ou absence de propriété des moyens

de production (classe en soi) Une conscience de classe (classe pour soi)

Participant aux antagonismes sociaux (lutte des classes).

Transition : Traditionnellement, on oppose cette conception à celle de Max Weber.

2 – L’analyse de Max WEBER en termes de strates sociales

Max Weber (1864-1920) : Sociologue Allemand

Ses principaux travaux ont porté sur les origines du capitalisme, les relations entre l’économie et la société, l’histoire des religions et les méthodes en sciences humaines. Il est associé à l’individualisme méthodologique. Max Weber cherchait à comprendre le sens que les individus donnent à leurs comportements et à l’action sociale ne analysant des formes sociales « pures » (ou idéaux-types), comme les formes de domination ou de rationalité, par exemple.

La stratification sociale est multidimensionnelle chez Weber. L’ordre économique n’est que l’une des trois dimensions de la stratification sociale (organisation de la société en différentes strates hiérarchiques)

Strates : groupes homogènes au regard de certains critères : revenus, prestige,… 2 critères de différenciation des classes

- La possession de capital = « classes de possession » (propriétaires / non propriétaires)

- Le type de services offert par les travailleurs = « classes de production » (entrepreneurs / ouvriers) Pas forcément de conscience de classe => Conception nominaliste (les classes sont des collections

d’individus, des outils de classement) 3 niveaux chez Weber Classes sociales (critère de classement = le niveau de richesses économiques)

Groupe de statut (critère de classement = le niveau de prestige) -> distinction symbolique Les partis (critère de classement = niveau de pouvoir)

Groupe de statut : groupe social partageant un même niveau de prestige social, indépendamment de ses ressources économiques.

Exemple de groupe de statut : le Bottin Mondain

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Pour Weber, la classe n'est qu'une des dimensions de la place dans la structure sociale : l’ordre économique

dans lequel s’inscrit la notion de classe ne constitue que l’une des trois dimensions de la stratification sociale, même si dans les sociétés modernes elle tend à devenir plus importante.

Pour Weber, les trois dimensions sont connectées : les membres de l’élite économique sont souvent au

sommet de l’échelle politique et statutaire. Mais les personnes en haut de la hiérarchie économique ne sont

pas forcément les mêmes que celles en haut de la hiérarchie sociale ou politique. (ex : mère thérésa) Alors que pour Marx, le pouvoir politique appartient à ceux qui dominent dans la sphère économique.

Bilan : La stratification sociale n’est pas univoque : les individus ne se classent pas seulement en fonction de leur rapport au travail. Les dimensions de la vie sociale sont multiples aujourd’hui comme hier. L’avantage de la typologie de Weber est de montrer qu’il peut exister plusieurs ordres de classement à un même moment dans une société, des classements qui ne se recoupent pas forcement. Ainsi l’analyse de la structure de la société par Weber repose sur 3 ordres : - L’ordre économique (les classes) - L’ordre social (les groupes de statut) - L’ordre politique (les partis politiques).

Schéma Bilan WEBER

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Bilan

Points communs et les différences entre les analyses de Marx et de Weber.

MARX WEBER

Points communs Ils font tous les deux un classement hiérarchisé du social

Ils emploient tous les deux le terme de « classe » sociale

Le terme de classe sociale est définie selon des critères économiques

Différences Définition de la classe repose sur la

seule place dans les rapports de production

Plusieurs critères économiques (revenus, patrimoine,...

pas seulement liés à la place dans le processus de production)

Un seul critère de classement Analyse pluridimensionnelle (classe + groupe de statut + partis)

Conception réaliste (les classes

existent avant même que le sociologue ne les observe)

Conception nominaliste (les classes sociales sont des

collections d’individus, des outils de classement, c’est le sociologue qui rend effectif l’existence de la classe en regroupant des individus selon leur situation éco.

Les classes n'existent donc pas objectivement mais sont des constructions du sociologue, les

individus qui les composent n’ont pas de conscience de classe. Classe = qu’un outil de classement pour le sociologue

Approche conflictuelle : lutte de

classe inévitable

Approche fondée sur l’idée de domination, mais celle-

ci ne conduit pas nécessairement au conflit

Conscience de classe = « classe pour soi »

Pas de conscience de classe

SYNTHESE Complétez le texte ci-dessous à l’aide de vos acquis de cours. La notion de classe chez K. Marx s’inscrit dans une vision de la division de la société fondée sur les rapports de production, c'est-à-dire les modalités selon lesquelles les hommes entrent en relation pour produire, échanger et répartir les richesses. Dans cette analyse, c’est la position dans le processus de production qui définit l’appartenance à la classe sociale : dans le cadre du mode de production capitaliste, il existe un antagonisme entre les possesseurs des moyens de production (la bourgeoisie) et le prolétariat, qui ne dispose que de sa « force de travail ». Selon l’auteur de cette thèse, le capitalisme aboutit à structure sociale simplifiée, articulée autour de ces deux opposés inégaux, c’est la thèse de la polarisation. Dans cette analyse, si la dimension économique est centrale, des éléments extra-économiques permettent de définir une classe sociale : la classe en soi est constituée par un rapprochement objectif des positions économiques ; tandis que la classe pour soi nécessite le développement de liens sociaux et d’une capacité de mobilisation, d’une conscience de classe (critère subjectif d’appartenance à une classe). Ces liens se prolongent dans la lutte pour la défense des intérêts communs à la classe. Le conflit est donc central dans cette conception réaliste des classes sociales : il a une origine économique, mais il est aussi la matrice des classes. Il les sépare de façon irréductible, favorise leur fermeture et les confronte pour créer la dynamique de la société. L’analyse de Weber se démarque de la précédente sur plusieurs points. D’abord l’ordre économique dans lequel s’inscrit la notion de classe ne constitue que l’une des trois dimensions de la stratification sociale. Dans cet ordre, les individus sont rassemblés selon le type de possessions dont ils disposent, avec une distinction entre les « classes de possession », qui tirent des revenus d’un patrimoine (rentiers, entrepreneurs) et les « classes de production », c’est-à-dire ceux qui mettent en oeuvre les moyens de production (en haut les marchands, en bas les ouvriers). L’un des apports essentiels de ce sociologue est l’analyse des groupes de statut : cette notion permet de montrer que la société est structurée par d’autres éléments que le rapport au travail, ici le prestige ou honneur social. Il est lié au style de vie, à la naissance, à l’instruction, donc à une distinction symbolique, et il est revendiqué par les autres strates. L’ordre politique constitue la troisième dimension de la structure sociale, les partis qui s’y forment permettent l’action collective politique qui assoit la domination des groupes de statuts. Ces trois ordres sont donc profondément liés, bien que distincts. La structure sociale développée par Weber est donc, à la différence de celle de Marx, multidimensionnelle et moins centrée sur l’ordre économique.

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3 - Bourdieu, un prolongement contemporain entre Marx et Weber

Une tentative de dépassement de l’opposition Marx/Weber : l’apport de Pierre Bourdieu

Bourdieu est un des plus importants sociologues français contemporains.

Pierre Bourdieu (1930-2002) : Sociologue français Avec Jean-Claude Passeron, Les héritiers : les étudiants et la culture, Les Éditions de

Minuit, coll. « Grands documents » 1964. La distinction : critique sociale du jugement, Les Éditions de Minuit, 1979

Capital (chez BOURDIEU) = un ensemble de ressources utilisables et mobilisables par un individu du

fait de sa position dans l'espace social.

BOURDIEU parle de capital global (somme des différents types de capital), mais il distingue 4

formes de capitaux :

- Le capital économique : ensemble des ressources (revenus et patrimoine) d'un ménage qui lui

permet de défendre ou d'améliorer sa position sociale

- Le capital culturel est composé par l'ensemble des ressources culturelles (diplômes, biens culturels,

rapports à la culture et à l'école) = ensemble des qualifications intellectuelles, soit produites par le système scolaire, soit transmises par la famille.

- Le capital social désigne l'ensemble des facilités sociales qu'un ménage ou un individu peut

mobiliser, cad son réseau de relations/connaissances (cas extrême : le piston). = ens des relations

« socialement utiles » qui peuvent être mobilisées par les individus ou les groupes dans le cadre de leur

trajectoire professionnelle et sociale

- Le capital symbolique = ens des rituels (comme l’étiquette ou le protocole) liés à l’honneur et à la

reconnaissance. -> Il est le crédit et l’autorité que confèrent à un agent la reconnaissance et la possession des trois autres formes de capital.

Professeur du supérieur / chef d’entreprise

Bien que disposant d'un capital global équivalent, ils ne seront pas comparables.

Professeurs d’université Chefs d’entreprise

Capital culturel élevé Capital économique élevé

3 classes sociales chez BOURDIEU

Classe dominante : (la plus hétérogène) Composée de cadres administratifs, de prof (+ doté de K culturel que de k économique) = « fraction dominée » MAIS aussi des professions libérales et d’industriels (+ doté en K éco) = « fraction dominante »

Petite bourgeoisie : Classes moyennes traditionnelles (= « petite bourgeoisie d’exécution » ; cadres moyens des entreprises, certaines couches d’employés) et classes moyennes salariées (= « petite bourgeoisie nouvelle » ; PI de l’appareil d’Etat, de la santé, du système éducatif et de la culture) Situées en position de dominée

Aspirent aux pratiques légitimes (ie : pratiques des catégories sup qui détiennent, notamment par l’école, la capacité de faire reconnaître comme la norme légitime leurs propres pratiques. Mais elles les connaissent

mal.) La « bonne volonté culturelle » Catégorie populaire : ouvriers + personnels de service + une partie des employés. Faible K éco + situation

de dominé dans l’ordre culturel de la sphère politique.

« Le choix du nécessaire "

Schéma de l’espace social de Bourdieu Seuls les 2 premiers apparaissent dans ce document : capital économique + capital culturel Sur l’axe des abscisses on observe le degré (important / faible) de détention de capital économique et culturel

Sur l’axe des ordonnées le degré de détention de capital global. Les catégories socioprofessionnelles y sont placées selon leur dotation dans ces différents capitaux.

On peut voir à partir de ce schéma que certains individus ont un capital global plutôt élevé et cumulent capital économique et culturel, alors que d'autres ont des revenus élevés mais un capital culturel assez faible (petits patrons).

Page 12: Thème 2 - Classes, stratification, et mobilité sociales ... · Thème 2 - Classes, stratification, et mobilité sociales Chapitre 1 : Comment analyser la structure sociale ? Notions

Une lutte, qui porte sur la maitrise du K culturel (Classes dominantes contrôle le K culturel à travers l’école)

BOURDIEU = synthèse entre MARX et WEBER Elément s’inspirant de MARX Elément s’inspirant de WEBER

Utilisation du terme « classes »

Il existe des classes clairement délimitées et dont les intérêts s’opposent (on ne peut se contenter d’une hiérarchie)

ALa classe « réelle » se rapproche de la définition de Marx (les classes sont des groupes réels, pas des

constructions intellectuelles) Possibilité de mobilisation de la classe (les classes virtuelles peuvent se transformer en classes réelles)

Les classes se fondent sur plusieurs dimensions

(économique et culturelle et sociale et symbolique) et non sur la seule place dans le rapport de production = multidimensionnelle

Bourdieu reprend l’idée de classes potentielles et non de classes réelles, qui peuvent le devenir

par la mobilisation (Bourdieu parle de « classe probable » ou de classes « en pointillé », ou de classe « virtuelle »)

Conclusion du A

Modèle d’analyse de

la structure sociale

Dimension(s)

mobilisée(s)

Critères de définition de la

classe sociale

Classes en luttes ?

MARX 1 : la classe sociale Economique : place dans le

processus de production, conscience d’y appartenir et en

lutte

C’est dans la lutte que se définit la classe

WEBER 3 : La classe + le groupe de statut + le parti politique

Economique : chances d’accéder aux biens

La lutte n’est pas un critère pertinent

BOURDIEU 1 : la classe Croisement du capital éco + capital culturel (approche multidimensionnelle de la classe)

S’il existe des critères permettant d’envisager des classes virtuelles, celles-ci deviennent réelles en se mobilisant (surtout la classe dominante)

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B) Une représentation de la structure sociale : les catégories socioprofessionnelles Du point de vue institutionnel, la structure sociale en France est représentée à travers un outil :

les PCS. Un outil administratif, institutionnel. Produit par l’Insee. 1. La nomenclature des PCS, un outil statistique pour analyser la structure sociale

Historique de la nomenclature

PCS remplace les CSP depuis 1982, suite aux travaux d’Alain Desrosières et Laurent Thévenot. CSP = créée en 1954, par l’INSEE Passage CSP à PCS car nécessité de regrouper certaines professions, tenir compte des nouveaux métiers, etc.

+ une actualisation des PCS en 2003. Les catégories socio professionnelles sont des regroupements d’individus, ayant le même statut professionnel et donc présentant une certaine homogénéité sociale.

Professions et catégories socioprofessionnelles : classification de la population en un nombre restreint de catégories présentant chacune une certaine homogénéité sociale.

Objectif des PCS Faciliter la production de statistiques sur la population française.

La nomenclature des PCS est l’outil utilisé dans toutes les enquêtes statistiques en France.

6 PCS d’actifs (Agriculteurs exploitants + Employés + Ouvriers + Professions intermédiaires +

Artisans, commerçants, et chefs d'entreprise + Cadres et prof intellectuelles supérieurs) et 2 d’inactifs

(retraités + jeunes)

Les actifs (critères de classement des ACTIFS)

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Intérêts des PCS

mettre en évidence des inégalités économiques (en termes de revenus, de patrimoine,…) et socioculturelles (pratiques culturelles par exemple)

mettre en évidence l’évolution de la structure de la société

Evolution des PCS dans la société française depuis 1936 + de cadres et prof intel sup Moins d’agriculteurs

+ de prof intermédiaires + d’employés et moins d’ouvriers : en 1995 employés > ouvriers

Témoignent de l’affaiblissement des secteurs primaires et secondaires (désindustrialisation) au profit

du tertiaire (tertiarisation). Déversement sectoriel, A. Sauvy

Les PCS peuvent être entendues comme des classes sociales au sens de Marx Et comme des classes au sens de Weber.

« Marx » « Weber » Les PCS forment des groupes relativement homogènes en termes de patrimoine et de revenu. Ainsi on peut parler de CLASSE EN SOI. Les individus occupent des places relativement identiques dans le processus de production. Ainsi, Les employés et les ouvriers ont des niveaux de vie médians relativement proches. On peut parler de prolétariat. Les cadres ont quant à eux un niveau de vie médian 2 fois plus important que les ouvriers non qualifiés.

On constate qu’à chaque PCS correspond une pratique culturelle particulière. Ainsi, la part des cadres à être allée au moins une fois au musée ou a une expo est 2 fois plus importante que celle des agriculteurs, des artisans, des employés et des ouvriers. IL Y A DONC BIEN UN STYLE DE VIE SELON LA PCS GROUPE DE STATUT.

Cette nomenclature est dite multidimensionnelle : elle est le résultat de plusieurs critères, et l’activité professionnelle ne constitue qu’un point de départ pour étudier la population et caractériser des différences de situations et de comportements.

Une vision plutôt marxiste puisque la profession qui est au centre.

Par contre ne se contente pas d’une vision binaire des places dans le processus de production

+ un objectif de décrire une homogénéité des comportements sociaux mais nullement l’idée d’une conscience de classe ou d’une mobilisation collective.

Le terme de catégories a été préféré à celui de classes.

Mais dans l’idée de décrire des styles de vie on est plus proche de la vision de Weber de la structure sociale.

2. Limites des PCS

Peu d’homogénéité au sein d’une même PCS (surtout chez les « employés », idem pour les « cadres ») Cette hétérogénéité limite l’efficacité de cet outil. Deuxième critique : à l' inverse, il existe des professions qui peuvent avoir le sentiment de constituer un groupe social

mais qui appartiennent à des PCS différentes. Ainsi, les infirmières, lorsqu’elles manifestent, le font davantage pour défendre leur profession que les différents statuts qui y sont associés.

D’autres limites : ne prend pas en compte des critères comme l’âge, le genre, l’origine ethnique,… ni les conditions de travail (emplois stables ou précaires, employés qualifiés ou non,…).

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Vers une nomenclature européenne ?

Un projet de construction d’une nomenclature européenne. Projet ESeC (European Socio-economic Classification) = projet européen de classification socio-économique. Recherche d’harmonisation au niveau européen

POINTS COMMUNS AVEC LES PCS DIFFERENCES AVEC LES PCS

-Mêmes objectifs de décrire la structure

sociale d’une société en mettant l’accent sur la

profession

-Importance du statut : distinction entre

salariés et indépendants.

-Prise en compte du domaine d’activité

(primaire, secondaire, tertiaire).

Utilisation du terme de classes

Prise en compte du le niveau de revenu mais aussi de la relation d’emploi

(subordonné, autonomie du fait de compétences,…). Ce critère de la relation d’emplo i

est central ; impliquerait par exemple que les cadres et les chefs d’entreprise soient

classés dans la même catégorie.

Employés et ouvriers sont distingués selon leur qualification ; ils peuvent donc être

regroupés dans une même catégorie (ex : employés qualifiés et ouvriers qualifiés).

Un groupe est attribué aux inactifs et chômeurs en fonction de leur profession

antérieure.

Prend en compte la stabilité ou non de l’emploi et la possibilité d’ascension

professionnelle.

Résultat du projet ESeC: création de la nomenclature européenne ESeG (European Socio-economic Groups) en 2016.

Conclu Tout comme les classes, les PCS constituent un outil d’analyse conçu en 1954 et qui a été contraint d’évoluer (1982 – 2003) avec les mutations de la société contemporaine. S’il permet d’effectuer des comparaisons dans le temps long, cet outil qui place la profession au centre de la définition de la position sociale est aujourd’hui contesté du fait de la mise en lumière d’autres formes de clivages comme le genre, l’âge ou les formes d’emploi. Dans leurs récents travaux, des chercheurs essaient d’analyser la structure sociale et les inégalités à travers d’autres registres comme le lieu de résidence, la couleur de peau, la santé, les conditions de travail et le type de contrat.

Synthèse La classification des PCS est créée par l’INSEE en 1954 (modifiée en 1982). C’est une classification multidimensionnelle et partiellement hiérarchisée, qui est fondée sur : la profession individuelle, le statut juridico-économique (différence salarié / indépendant), la qualification des salariés, la position hiérarchique, la taille de l’entreprise, le secteur d’activité (de l’entreprise et non de l’individu) et l’opposition public / privé. Certains critères sont hiérarchiques (avoir plus ou moins de qualification), d’autres ne le sont pas (travailler dans le public ou le privé). On distingue 8 groupes : les agriculteurs exploitants ; les artisans, commerçants et chefs d’entreprise ; les cadres et professions intellectuelles supérieures (CPIS) ; les professions intermédiaires (PI) ; les employés ; les ouvriers ; les retraités ; les autres personnes sans activité professionnelle. Malgré des évolutions pour tenir compte des changements de la structure professionnelle, cette classification est cependant critiquée car les transformations du marché du travail ont fabriqué des clivages au sein des groupes sociaux. Les employés qualifiés et les employés non qualifiés ne sont pas touchés de la même manière par la précarité de l’emploi : la classification des PCS ne rend pas compte de ces oppositions entre individus stables et personnes vulnérables. Le projet ESeC (European Socio-economic Classification) se situe dans le cadre d’une recherche d’harmonisation au niveau européen de manière à faciliter les comparaisons entre pays. S’inspirant des travaux de Goldthorpe, cette grille de lecture utilise le concept de « classe » qui rassemble des professions dont les titulaires partagent des situations de marché (liées à la source et au niveau du revenu, au degré de stabilité de l’emploi et aux possibilités d’ascension professionnelle) et des situations de travail largement similaires. Si la centralité accordée à la relation de travail constitue une avancée permettant de répondre en partie aux critiques sur les PCS, la précarité de l’emploi est encore prise en compte de manière très imparfaite dans le projet ESeC. Aujourd’hui, les évolutions de la grille française sont largement dépendantes des avancées du projet européen.

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C) La structure sociale en France aujourd’hui : l ’actualité de l’analyse des classes sociales

Le débat initié par Marx et Weber continue de nos jours. Il prend une forme différente : il s'agit de

savoir si le concept de « classe sociale » est toujours pertinent pour analyser la structure sociale. Peut-

on encore parler de classes sociales ?

1. Les classes sociales ont-elles disparu ?

Un débat existe en sociologie pour savoir s’il est pertinent ou non d’analyser la structure soc iale

aujourd’hui en termes de classes sociales.

Pour certains sociologues cette analyse n’est plus pertinente (Mendras) pour d’autres elle le reste

(Chauvel).

a) La dynamique sociale brouille les frontières de classes

L’analyse marxiste en termes de classes sociales ne permet pas de penser la classe moyenne

Classe moyenne (pour Mendras) = « une véritable classe, un

macro-groupe dont les membres partagent une conscience

commune, des valeurs et des objectifs, des mœurs et des modes

d’action »

- aux EU dans les années 1920 et 1930

- en France, dév en 1960s (après les 2 GM)

Moyennisation de la société française car se créent une classe

moyenne avec des pratiques et des valeurs propres.

Homogénéisation des modes de vie

- Progression du pv d’achat durant les 30G accès

généralisé à une consommation de masse. Celle-ci a

rendu accessible aux catégories populaires des biens

et services autrefois réservés aux classes dominantes, les modes de vie bourgeois et ouvrier ont eu tendance

à se rapprocher, certains sociologues ont parlé

d'embourgeoisement de la classe ouvrière.

- Homogénéisation des pratiques et modes de vie :

diffusion d’une culture de masse, accès généralisé à l’école

+ une identification à la classe moyenne : de plus en plus de français s’identifient à la classe

moyenne. 2/3 de la population considère faire partie de la classe moyenne, 80% des CPIS et la moitié

des ouvriers.

+ Tertiarisation de l’économie et désindustrialisation : perte de poids de la classe ouvrière

Schéma :

Moyennisation Polarisation

L'existence de classes moyennes remet en cause la polarisation analysée par Marx.

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l’effritement de la classe ouvrière

Bilan

Evolution du travail ouvrier : - Nouveau groupes d’ouvriers : ouvriers qualifié => Division de la classe ouvrière - Recul des grandes densités ouvrières

- Baisse de la taille des entreprises L’ouvrier devient un citoyen comme les autres :

- Hausse du niveau de vie (x3 entre 56 et 80) - Consommation de rattrapage - Accès à l’habitat

- Scolarisation des enfants - Couple : ouverture vers d’autres classes (employés ou PI) : fin de l’homogamie

Evolution du vote ouvrier => Effondrement du parti communiste - Avant : à gauche (PC) - Auj : forte poussée du vote d’extrême droite.

=> La classe ouvrière s’élargit, il est auj plus pertinent de parler de classes populaires

La classe ouvrière, centrale dans l’analyse de la société en termes de classes sociales, a tendance à

s’effriter :

diminution du nombre d’ouvriers : classe en soi

perte de la conscience de classe (cf sentiment d’appartenance à la classe moyenne) : classe pour soi et des styles de vie proches.

taux de syndicalisation très faible (8%), affaiblissement du PC : lutte des classes

La montée de l’individualisme

Individualisme = Théorie qui considère l’individu et ses droits comme supérieurs à ceux de la

société. Avec l’individualisme autonomisation des choix des individus, indépendamment d’une éventuelle appartenance à un groupe social baisse de la conscience de classe + effondrement des grandes

institutions d’encadrement de la pop moindre régulation des classes populaires par des collectifs porteurs de normes sociales affaiblissement de la classe populaire (devient une classe sans conscience => perte de

repère, s’identifient à la classe moyenne => déstabilisation)

Synthèse : La moyennisation est assez indiscutable au cours des Trente Glorieuses :

Montée de l’individualisme baisse de la conscience de classe

Elévation du niveau de vie des classes populaires, et notamment des ouvriers. Cf compromis

fordiste (5$ day)

Processus d'homogénéisation de la société française, cad développement d'une consommation de

masse (permise par le compromis fordiste) qui tend à rapprocher les modes de consommation

ouvriers de ceux du reste de la population. Pour symboliser cette évolution, on a parlé

d'embourgeoisement des ouvriers Cela conduit à l'effacement de la conscience de classe ouvrière : les ouvriers ressentent de moins

en moins l'appartenance à la classe ouvrière

Cela se manifeste notamment par le déclin des organisations ouvrières : déclin du PCF, crise du

syndicalisme.

Transition : Les sociologues sont d'accord pour constater un brouillage des classes sociales, dans la mesure où il est plus difficile de repérer des groupes bien distincts et homogènes. Mais il est nécessaire de nuancer l'analyse de la moyennisation et de ne pas proclamer la fin des classes sociales. Il existe toujours des rapports collectifs de domination, des inégalités entre groupes sociaux : même si les frontières entre les groupes sont moins nettes, les groupes existent toujours. Certains auteurs considèrent même qu'on assiste à un retour des classes sociales.

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b) L’analyse en termes de classes sociales toujours pertinente : vers un retour des classes

sociales ? Si depuis les années 1970-80 l’idée de la fin des classes sociales a été dominante , des analyses insistent sur le retour des classes sociales depuis les années 1990 (L. Chauvel). On constate une certaine polarisation de la société qui laisse penser que l’analyse en termes de classes sociales est toujours pertinente (renforcement des inégalités économiques, reproduction scolaire, pratiques culturelles, espérance de vie,…. qui se rapportent aux milieux sociaux.) A. Lipietz : d’une société en forme de montgolfière à une société en forme de sablier.

Louis CHAUVEL ne remet pas en cause l'effacement des classes sociales durant les Trente Glorieuses, lié à l'homogénéisation des modes de vie : la hausse généralisée du pouvoir d'achat a permis un rattrapage,

notamment par la diffusion à l'ensemble de la population de la consommation de masse (télévision, lave- linge..). Mais Louis CHAUVEL argumente en faveur de la persistance des classes sociales

Fin des Trente Glorieuses s'est accompagnée d'un renforcement des inégalités (montée du chômage).

Cela contribue à recréer des conditions objectives différenciées permettant de parler d'un retour des classes sociales.

Maintien, voire augmentation de certaines inégalités (notamment scolaires) La classe ouvrière n’a pas disparu mais a été intégrée à une vaste classe populaire (ouvriers +

employés) constituant plus de la moitié de la population française.

Certains parlent de « nouveau prolétariat » (Mal payé, conditions de travail très difficiles, statut très instable, solidarité est très compliquée à mettre en place puisque chacun travaille dans « son coin »,

avec des horaires élastiques) Mais pas de conscience de classe chez CHAUVEL, ni lutte de classe Chauvel renforce l'analyse en termes de polarisation : ses travaux montrent que les classes moyennes sont en

crise actuellement. Il parle de “grand retournement” (après l'avènement des classes moyennes, leur crise, fragilisation), d'où se rapprochent des catégories populaires conformément aux prévisions de Marx.

La définition de la classe utilisée par Chauvel est donc incontestablement moins exigeante que celle

de Marx.

La haute bourgeoisie, étudiée en particulier par Pinçon et Pinçon-Charlot semble constituer une classe à part

entière dans les sociétés actuelles. La bourgeoisie correspond sous certains aspects à la définition que donne Marx des classes sociales :

-Classe en soi : conscience de classe, des conditions de vie et de lieux communs

-Classe pour soi : une position dominante dans les rapports de production -Lutte des classes : cherche à assurer leur reproduction (néo-rallyes, cooptation), une volonté

d’affirmer un entre soi = défense de ses intérêts, se positionnent en opposition à ceux qui n’appartiennent pas à leur groupe.

=> Ils partagent une condition économique similaire, ont conscience d’appartenir à leur classe et sont en

opposition avec les autres. L’ouvrage de Michel Pinçon et Monique Pinçon- Charlot, Les Ghettos du gotha (2007).

La grande bourgeoisie (Neuilly, des châteaux dans la Manche et dans l’Oise, des lieux de villégiature comme St Trompez, Deauville, le Cap Ferret, etc., même si ces lieux privilégiés ne sont pas toujours les mêmes au cours du temps) met en place des stratégies pour se reproduire (endogamie) et se protéger des intrus.

Importance des réseaux + Cooptation + Militantisme + Forte consanguinité, faible renouvellement.

Acceptation de leur légitimité par les dominés

L’apport de Bourdieu par rapport à celui de Marx est d’avoir montré que, pour qu’il y ait exploitation sans révolution, les dominés doivent accepter la légitimité des dominants. (grâce à la culture, courtoisie, politesse)

PCS limitée pour montrer l’existence de cette classe sociale Ex : tous les individus à très hauts revenus n’appartiennent pas à la haute bourgeoisie. Ex : footballers pro…

Bilan

Contrairement aux sociologues de la « moyennisation » : maintien d’une stratification sociale avec une hiérarchie.

Certes les inégalités se sont réduites, mais il y a toujours des classes : Prolétariat a évolué : ouvriers + EMPLOYES et classe d’individus précaires La bourgeoisie : Stratégie de reproduction et d’entre-soi

Louis Chauvel : le retour des classes sociales (car retour des inégalités)

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2. Des critères de différenciation sociale multiples dans les sociétés post-industrielles

Si les classes sociales pouvaient être des outils pertinents pour rendre compte de la structure sociale des sociétés industrielles, la complexification des sociétés post-industrielles rend cet outil théorique sujet à débat. En effet, les styles de vie et les inégalités sont aujourd’hui multiples et ne sont pas nécessairement liées au

travail

D’autres critères d’appartenance et de différenciation que celui lié au travail vont avoir une influence sur les pratiques sociales et culturelles : âge, sexe, lieu d’habitation, structure familiale, origine ethnique… L’observation de la structure sociale ne peut donc reposer uniquement sur des critères professionnels (niveau

de revenus, niveau de qualification,…). Ces différents critères doivent se compléter.

a) Age et génération

L'âge désigne la durée écoulée entre la naissance d'un individu et une date donnée La génération désigne un groupe de personnes étant nées à la même époque (année ou décennie) et ayant connu les mêmes évènements historiques (d'où "génération 68") On change d’âge mais jamais de génération

Dans le domaine des pratiques culturelles : celles-ci peuvent être influencées par l’âge : équipement en NTIC,

musique écoutée, langage, des pratiques comme le tatouage, le langage,… L’âge peut sur certaines pratiques être un critère plus déterminant que le milieu social.

Les jeunes sont ceux qui ont le plus de pratiques culturelles - 30% des jeunes ayant entre 25 et 34 ans ont un téléphone portable multimédia contre seulement

1,7% des 75 ans et plus

- Les jeunes vont plus au musée, lisent plus, vont plus au théâtre, plus au cinéma, etc.

Effet d’âge (lecture, théâtre, musées) Effet de génération (ex : tel port) Prenons l’exemple de la durée d’écoute de la télévision. Elle dépend d’un effet de génération : en moyenne, les

nouvelles générations la regardent davantage. Mais aussi d’un effet d’âge : en moyenne, les adultes la regardent moins que les personnes âgées.

On retrouve ces différences générationnelles sur le marché du travail : les jeunes et les plus âgés sont plus souvent touchés par le chômage, la précarité, …On oppose de plus en plus la génération des baby-boomers dont

la vie active s’est déroulée pendant les TG aux générations actuelles plus soumises à la précarité, au chômage, à la crainte du déclassement,…

Pendant les Trente Glorieuses = système de l'escabeau Les individus de la génération du baby boom (celle qui est née après la Seconde guerre mondiale) étaient quasiment assurés de gagner, au même âge, davantage que leurs parents (d'où métaphore de l'escabeau) :

pendant les Trente Glorieuses, il y avait donc un progrès de génération en génération en terme de niveau de vie. Aujourd’hui = une lutte des âges

Les baby-boomers ont cumulé les avantages tandis que les jeunes générations connaissent des conditions de vie moins favorables. Non seulement les jeunes gagnent moins que la génération de leur père, mais ils sont confrontés au chômage et à la précarité, ils ont plus de chance d'avoir un emploi ne correspondant pas à leur

formation, ils ne sont pas sûrs de profiter de l'Etat-providence...

Bilan

Chauvel parle de lutte des âges pour désigner le fait que la nouvelle génération est en concurrence avec la précédente pour occuper les postes valorisés (emplois de direction mais aussi responsabilités politiques).

Remarque : Cette expression fait référence à la lutte des classes, mais attention aux généralisations abusives du type “la lutte des classes est morte, maintenant c'est la lutte des âges”. On a vu que Chauvel lui-même montre

que la notion de classe sociale n'était pas obsolète.

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b) L’influence du genre

Le fait d’être une femme augmente l’importance des discriminations donc les ouvriers sont victimes. - Salaires inférieurs + Statuts plus souvent précaires + Moindre possibilité de promotions que les

hommes Discrimination : consiste à favoriser ou défavoriser quelqu'un, en raison de certaines de ses caractéristiques ou de certains de ses choix personnels.

Travail confié aux femmes proche du travail domestique Le monde du travail reproduit les inégalités de la sphère privée

Hommes et femmes n’ont ni le même statut ni les mêmes intérêts au sein des classes populaires Le sexe est aussi un critère de différenciation social

Là aussi on retrouve des pratiques culturelles, politiques genrées (sports féminins, vote aux extrêmes plus

masculins,…). 99,4% des assistants maternels sont des femmes par exemple

Les femmes sont très minoritaires dans certaines professions, mais très fortement surreprésentées dans d'autres, notamment les emplois d’assistantes maternelles, de secrétaires ou de caissières de supermarché. Or, il s'agit d'emplois mal rémunérés et peu prestigieux.

On parle de "plafond de verre " (invisible), car les femmes ne parviennent que très rarement à se hisser dans les sphères dirigeantes. Alors que les femmes sont aujourd'hui en moyenne plus diplômées que les hommes,

les places les plus valorisées (chefs d'entreprise, responsables politiques... ) restent en grande majorité occupées par des hommes.

c) L’influence de l’origine ethnique

Document : Les clivages ethniques

Des pratiques et des modes de vies qui peuvent varier selon l’origine ethnique

Ségrégation spatiale, chômage plus élevée,…

Conclu du 2.

Les styles de vie (la manière dont l’individu pratique sa consommation, sa manière d’être) ne sont donc pas uniquement liée à l’appartenance à une classe sociale. D’autres facteurs sociaux peuvent déterminer des

styles de vie. C’est le cas de l’âge, du genre, de l’origine sociale. Les différents styles de vie liées à ces différents critères tendent donc à brouiller les frontières des classes.

Une multiplicité des critères de la différenciation sociale.

Conclusion

La prise en compte de multiples critères (ethnie, genre, âge…) contribue au brouillage des frontières entre les classes sociales. Elle remet en cause l’homogénéité des classes sociales.

Faut- il pour autant abandonner une lecture en termes de classe sociale ? Les classes sociales sont une grille de lecture (un modèle) de la stratificaition parmi d’autres. Si elles peuvent permettre l’analyse de certains phénomènes sociaux (ex : rapports de domination) elles

n’épuisent pas toutes les dimensions de la vie sociale.

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LAHIRE : l’homme pluriel

B. Lahire : socialisation par pluralité d’instances de socialisation L’individu est pluriel (ex : le cadre qui regarde secret story)

Synthèse II :

Si les classes sociales pouvaient être des outils pertinents pour rendre compte de la structure sociale des sociétés

industrielles, la complexification des sociétés post- industrielles rend cet outil théorique obsolète selon certains auteurs. En effet, les inégalités sont aujourd’hui diffractées (on ne peut les agréger autour du travail) et multiples : de revenu ou de patrimoine, mais aussi liées au statut professionnel, à l’âge, au sexe, au style de de

vie… Ainsi, les choix des individus ne peuvent plus être expliqués simplement par l’appartenance à un groupe social déterminé, l’autonomisation des cho ix, dans les pratiques culturelles ou le style de vie, étant devenu une

valeur centrale de nos sociétés. De plus, il est souvent difficile de trouver une cohérence des comportements par rapport à une éventuelle appartenance de classe (comme chez Bourdieu) dans toutes les sphères de la vie sociale. Si les vérifications empiriques sont encore rares aujourd’hui, l’affaiblissement du vote ouvrier pour les

partis de gauche peut être une illustration de cet affaiblissement du pouvoir de structuration de l’appartenance de classe.

La montée des classes moyennes constitue un élément important de la structure sociale contemporaine. Si les définitions que l’on en donne sont diverses (selon l’échelle que l’on privilégie : revenu, statut socio-professionnel…), la réalité de celle-ci ne peut être saisie en adoptant une définition marxienne des classes

sociales. Pour d’autres auteurs, les classes demeurent un outil encore pertinent pour rendre compte empiriquement de la

structure sociale. S’il est difficile de démontrer la persistance d’une conscience de classe chez les ouvriers, le choix d’une définition moins exigeante que celle de Marx permet d’affirmer la présence de classes à travers l’accent mis sur une condition similaire dans le système productif et les interactions entre membres du groupe

(homogamie par exemple). Ainsi, ouvriers et employés formeraient une vaste « classe populaire » représentant plus de la moitié de la population.

Enfin, certains travaux montrent que la définition marxienne des classes sociales perme t de saisir une partie de la réalité sociale. Ainsi, les catégories les plus favorisées, en présentant des situations économiques comparables et en mettant en oeuvre des stratégies de reproduction et préservation de l’entre-soi traduisant une

conscience de classe et une opposition au reste de la société, peuvent être définie comme appartenant à la classe de la « grande bourgeoisie ».

Conclusion : il existe donc de nombreux critères de différenciation sociale. Certains ne sont pas liés à la notion de classe sociale, ne sont pas superposables sur la dimension économique (il y a des jeunes bourgeois et populaires, idem pour les femmes), d'autres au contraire sont liés aux classes sociales (la ségrégation spatiale se fait entre quartiers riches et pauvres). Transition : une autre dimension de la structure sociale est la capacité des individus à changer de groupe social de générations en générations. Nous allons maintenant étudier la mobilité sociale.