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Thème 3 – Puissances et tensions dans le monde de la fin de la Première Guerre mondiale à nos jours. Question 1 : Les chemins de la puissance. Introduction générale : Les États-Unis et la Chine bien que fort différents l’un de l’autre (et d’abord par leur histoire, l’une millénaire, l’autre assez récente), forment aujourd’hui les deux pôles du système mondial. Il s’agit donc de s’interroger sur les origines, l’évolution, les étapes, et les manifestations de la puissance des États-Unis et de la Chine, pour tenter de cerner la notion de puissance au début du XXIe siècle. Il faut remonter pour cela aux lendemains du premier conflit mondial qui marque, dans les deux cas, l’amorce d’une évolution qui mène à la situation actuelle. Toutefois apparaissent des différences non seulement de rythme, mais également de forme et de nature dans l’affirmation de la puissance mondiale des deux pays. Cependant il faut relever le considérable bouleversement que représente l’émergence de la Chine dans l’organisation du monde issu du vingtième siècle, en particulier depuis les années 1980, mais sans entraîner un irrémédiable « déclin » des États-Unis selon une vision par trop caricaturale du monde actuel. ● Comment la notion de puissance est-elle modelée et transformée au XXe siècle par les États-Unis ? ● Peut-on dire que la Chine, à l’issue d’un parcours totalement différent, incarne désormais cette notion de puissance ? Chapitre 1 - Les États-Unis et le monde depuis les « 14 points » du Président Wilson (1918). Introduction : Se considérant investis d’une mission, tout du moins d’une destinée qui consiste à défendre et diffuser l’idéal démocratique, les Américains depuis le début du XXe siècle étendent leur influence dans le monde. La géopolitique américaine est tournée vers l’exercice d’un leadership, mais sans cesse hésitante entre isolationnisme et interventionnisme jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Par la suite, Les États-Unis assument leur superpuissance et l’affirment pendant la Guerre froide en utilisant toute la force de leur industrie, de leurs finances, leur diplomatie influente et présente dans le monde entier, mais surtout en se basant sur la capacité de projection de leurs armées, partout où leurs intérêts sont en jeu à plus ou moins long terme. Le Nouvel ordre mondial qu’ils souhaitent imposer après 1991, soutenu par la diffusion de la culture et du mode de vie libéral et attractif, fait d’eux une hyperpuissance : médias, historiens, cinéma, réseaux de communications divers se font le relais de cette puissance extraordinaire. Pourtant depuis le début des années 2000, les États-Unis paraissent fragilisés et l’ordre remis en cause, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, sans jamais amener la superpuissance vers son déclin. Problématique : Comment les États-Unis s’affirment-ils au XXe siècle et comment évolue leur puissance ? Quel est leur rôle dans le monde aujourd’hui ? I – D’une guerre mondiale à l’autre : les fondements de la puissance américaine. A/ Le poids de la Grande Guerre et le wilsonisme (1918-1920). En 1914 les États-Unis deviennent la 1 ère économie du monde et défendent la politique de la Porte ouverte : ils exigent le droit pour tout pays de commercer librement avec les colonies, quelle que soit leur métropole (GB et France visés). En revanche, ils se tiennent à l’écart de toute intervention américaine en Europe de même qu’ils refusent toute ingérence européenne sur l’ensemble du continent américain : c’est l’objet de la vieille doctrine Monroe, énoncée en 1823 par le président James Monroe. Il s’agit là d’une politique isolationniste en théorie, car dans la réalité, les États- Unis, sous couvert de protection des républiques latino-américaines mènent une politique interventionniste voire hégémonique. Ainsi en 1904, cela est confirmé par le « corollaire Roosevelt » (du nom du président Théodore Roosevelt) qui affirme dans un discours devant le Congrès que les États-Unis doivent au besoin exercer un pouvoir de police internationale.

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Thème 3 – Puissances et tensions dans le monde de la fin de la Première Guerre mondiale à nos jours.

Question 1 : Les chemins de la puissance.

Introduction générale :

Les États-Unis et la Chine bien que fort différents l’un de l’autre (et d’abord par leur histoire, l’une

millénaire, l’autre assez récente), forment aujourd’hui les deux pôles du système mondial. Il s’agit donc de

s’interroger sur les origines, l’évolution, les étapes, et les manifestations de la puissance des États-Unis et de

la Chine, pour tenter de cerner la notion de puissance au début du XXIe siècle. Il faut remonter pour cela aux

lendemains du premier conflit mondial qui marque, dans les deux cas, l’amorce d’une évolution qui mène à

la situation actuelle. Toutefois apparaissent des différences non seulement de rythme, mais également de

forme et de nature dans l’affirmation de la puissance mondiale des deux pays. Cependant il faut relever le

considérable bouleversement que représente l’émergence de la Chine dans l’organisation du monde issu du

vingtième siècle, en particulier depuis les années 1980, mais sans entraîner un irrémédiable « déclin » des

États-Unis selon une vision par trop caricaturale du monde actuel.

● Comment la notion de puissance est-elle modelée et transformée au XXe siècle par les États-Unis ?

● Peut-on dire que la Chine, à l’issue d’un parcours totalement différent, incarne désormais cette notion de

puissance ?

Chapitre 1 - Les États-Unis et le monde depuis les « 14 points » du Président Wilson (1918).

Introduction :

Se considérant investis d’une mission, tout du moins d’une destinée qui consiste à défendre et diffuser

l’idéal démocratique, les Américains depuis le début du XXe siècle étendent leur influence dans le monde.

La géopolitique américaine est tournée vers l’exercice d’un leadership, mais sans cesse hésitante entre

isolationnisme et interventionnisme jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Par la suite, Les États-Unis

assument leur superpuissance et l’affirment pendant la Guerre froide en utilisant toute la force de leur

industrie, de leurs finances, leur diplomatie influente et présente dans le monde entier, mais surtout en se

basant sur la capacité de projection de leurs armées, partout où leurs intérêts sont en jeu à plus ou moins

long terme. Le Nouvel ordre mondial qu’ils souhaitent imposer après 1991, soutenu par la diffusion de la

culture et du mode de vie libéral et attractif, fait d’eux une hyperpuissance : médias, historiens, cinéma,

réseaux de communications divers se font le relais de cette puissance extraordinaire. Pourtant depuis le

début des années 2000, les États-Unis paraissent fragilisés et l’ordre remis en cause, aussi bien à l’intérieur

qu’à l’extérieur du pays, sans jamais amener la superpuissance vers son déclin.

Problématique : Comment les États-Unis s’affirment-ils au XXe siècle et comment évolue leur puissance ?

Quel est leur rôle dans le monde aujourd’hui ?

I – D’une guerre mondiale à l’autre : les fondements de la puissance américaine.

A/ Le poids de la Grande Guerre et le wilsonisme (1918-1920).

En 1914 les États-Unis deviennent la 1ère

économie du monde et défendent la politique de la Porte ouverte : ils

exigent le droit pour tout pays de commercer librement avec les colonies, quelle que soit leur métropole (GB et France

visés). En revanche, ils se tiennent à l’écart de toute intervention américaine en Europe de même qu’ils refusent toute

ingérence européenne sur l’ensemble du continent américain : c’est l’objet de la vieille doctrine Monroe, énoncée en

1823 par le président James Monroe. Il s’agit là d’une politique isolationniste en théorie, car dans la réalité, les États-

Unis, sous couvert de protection des républiques latino-américaines mènent une politique interventionniste voire

hégémonique. Ainsi en 1904, cela est confirmé par le « corollaire Roosevelt » (du nom du président Théodore

Roosevelt) qui affirme dans un discours devant le Congrès que les États-Unis doivent au besoin exercer un pouvoir de

police internationale.

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Donc les États-Unis sont isolationnistes vis-à-vis de l’Europe, mais pas du reste du monde ! Cette politique reste

ancrée cependant dans l’opinion publique, d’autant que le président américain élu en 1912 (Wilson) est un pacifiste : il

est réélu en 1916 sur un slogan isolationniste. D’ailleurs lorsqu’ un sous-marin allemand torpille en 1915 un paquebot,

le Lusitania, en tuant plusieurs passagers américains, la population est émue mais les États-Unis n’entrent pas en

guerre.

Ce n’est que parce que les allemands menacent ouvertement les États-Unis, avec la volonté de couler leurs navires de

commerce et de soulever le Mexique contre eux, qu’ils se décident à entrer en guerre en avril 1917 comme simples

« associés » et non comme alliés : en effet, Wilson tient avant tout à rétablir la paix et à assurer la sécurité collective.

Ils envoient plus de 2 millions de soldats, la population est mobilisée par le biais de la conscription (service

obligatoire) et par une intense propagande car l’armée américaine seule est trop peu nombreuse. Ils pèsent largement

sur la victoire contre l’Allemagne, et sur le règlement de la guerre, notamment parce que l’État fédéral mobilise

largement l’économie.

En 1918, le président Wilson développe un projet idéaliste de nouvel ordre mondial affirmant des valeurs qu’il

souhaite universelles : les 14 points du président démocrate Wilson, texte qui sera inclus au traité de Versailles. En

effet, en janvier 1919, il est le premier président à se rendre en Europe, pour diriger la conférence des vainqueurs : le

traité est signé en juin 1919 et l’Allemagne doit le suivre sans conditions (Diktat) alors que Wilson voulait au

contraire empêcher tout abus de la situation.

Il parvient pourtant à faire inclure à ce règlement de conflit quelques éléments majeurs : le droit des peuples à disposer

d’eux-mêmes, la solidarité entre États et la nécessité d’une sécurité collective (maintien de la paix par l’arbitrage et le

droit et non plus par les alliances militaires) : le point 14 de son programme est essentiel car il propose directement la

création d’une SDN destinée à régler les litiges entre États : il obtient en 1919 le prix Nobel de la paix.

► Le premier vingtième siècle est celui de la tentation d’une puissance sans engagement. Le rôle déterminant des

États-Unis dans la victoire des Alliés ainsi que le poids économique et financier qu’ils ont acquis depuis la fin du

XIXe siècle placent le président Wilson en mesure d’imposer largement ses idées lors du règlement du conflit : dans le

programme qu’il publie en janvier 1918, il vise à instaurer une nouvelle diplomatie mondiale, dans le cadre d’un

système que l’on peut présenter comme une transposition à l’échelle internationale des caractères fondamentaux

de la démocratie libérale.

B/ Une puissance isolationniste en crise : hésitations de l’entre-deux guerres (1920-1941)

Or, en 1920, le Sénat américain en majorité républicain refuse de ratifier le traité de Versailles et donc refuse la

participation à une SDN : les États-Unis resteront en dehors, ce qui est un échec personnel de Wilson, mais surtout un

coup dur pour la SDN qui démarre avec un lourd handicap. En effet, les républicains préfèrent le retour à

l’isolationnisme et craignent que la souveraineté des États-Unis ne soit limitée par la future SDN.

Enfin, en 1920 c’est un républicain, Harding, qui est élu, et qui réalise un « retour à la normale », c’est-à-dire

isolationnisme et restriction des flux migratoires (lois de 1921 et 1924). C’est aussi le début de la Prohibition,

coup porté aux minorités irlandaises catholiques, et c’est donc un retour au nativisme, réactionnaire, qui veut défendre

les « valeurs américaines » (Wasp). Les présidents suivants, républicains, Coolidge et Hoover, mènent la même

politique soutenue par une population amère face à l’ampleur des pertes américaines de la 1ère

GM, c’est une politique

nationaliste de repli, illustrée par le slogan « America first » (quotas d’immigration, mesures protectionnistes).

Pourtant le pays est économiquement très puissant et les investissements privés et publics à l’étranger se multiplient

pour représenter le tiers des IDE mondiaux (de 10 à 22 milliards de dollars entre 1919 et 1930) : ils deviennent

clairement les créanciers du monde et ils possèdent dès 1919 45% du stock d’or mondial.

C’est l’ère de la « diplomatie du dollar », les États-Unis veulent réintégrer rapidement l’Allemagne au commerce

mondial (concurrent potentiel pour déstabiliser France et RU). De même ils veulent ouvrir l’intérieur de la Chine au

commerce et poursuivent leur politique de la Porte ouverte en exigeant l’ouverture économique du pays au dollar alors

que depuis 1895 les européens s’étaient littéralement partagé le littoral chinois (Break up of China).

Les États-Unis dominent déjà l’économie mondiale et ne peuvent donc rester à l’écart : leurs compagnies pétrolières

prospectent au Moyen Orient et s’y installent dès 1921 en Iran et 1930 en Arabie (Standard Oil, Texaco, etc.).

En 1918, le dollar devient la seule monnaie convertible en or et concurrence sévèrement la livre sterling, d’autant que

la France et le RU se sont largement endettés auprès des EU pendant la Grande guerre : ils ont là un moyen de

pression fort sur les européens et peuvent donc demander un allègement des réparations de guerre que doit

l’Allemagne (plans Dawes en 1924 et Young en 1929). C’est ainsi qu’ils parviennent à apaiser les tensions en

Europe : ils prêtent des dollars à l’Allemagne qui peut ainsi rembourser une partie des réparations de guerre à la

France, qui peut à son tour rembourser les dettes contractées à l’égard des États-Unis.

Politiquement les États-Unis ne sont pas inactifs au niveau international puisqu’ils obtiennent notamment la signature

du pacte Briand-Kellogg en 1928 : le secrétaire d’État américain signe à Paris avec le ministre français des Affaires

étrangères ce pacte qui rend la guerre « hors-la-loi ». 57 pays signent ce pacte et Frank Kellogg reçoit pour cela le prix

Nobel de la Paix en 1929.

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Par ailleurs ils interviennent à de nombreuses reprises en Amérique latine : ils contrôlent le Canal de Panama depuis

1903 et lancent des opérations militaires entre 1912 et 1934 au Nicaragua, Honduras, Haïti, Cuba par exemple. Le

président Franklin Roosevelt, arrivé au pouvoir en janvier 1933, propose une politique de « bon voisinage » pour

l’ensemble du continent américain (aucune agression tolérée).

Mais la spéculation boursière à outrance qui provoque le grand krach de Wall Street en octobre 1929 détruit en partie

l’édifice mis en place dans les années 1920 : les investissements américains, les capitaux des banques et des

entreprises, sont rapatriés aux États-Unis et cela plonge aussitôt tous les pays européens dans la crise : ils ne peuvent

plus rembourser leurs dettes et leurs emprunts : le système économique mondial basé sur le rôle prépondérant des

États-Unis s’effondre lorsque le leader fait défaut.

Le pays stoppe ses importations des autres pays du monde et se replie sur lui-même : l’opinion publique américaine a

peur d’une nouvelle guerre en Europe car la situation est tendue : économies ruinées, partis nationalistes et fascistes

qui arrivent au pouvoir (Italie en 1925 et Allemagne en 1933). Face à cela, le Congrès fait voter des lois de neutralité

entre 1935 et 1937 : les États-Unis refuseront de vendre des armes à des pays en guerre, de faire des prêts et crédits et

d’exporter quoi que ce soir vers ces pays.

Pourtant le président au pouvoir depuis 1933 est un démocrate, mais Franklin Roosevelt suit l’opinion isolationniste et

mène une grande politique de restructuration économique : le New Deal (Nouvelle donne) dès 1933 qui se base sur un

fort protectionnisme douanier et une politique de grands travaux (l’État finance des travaux pour créer de l’emploi).

La convertibilité-or du dollar est aussi suspendue de manière unilatérale. Roosevelt va finalement parvenir à atténuer

cette politique du tout isolationnisme en permettant dès 1939 la vente d’armes à la France et à l’Angleterre à la

condition que ces pays achètent comptant et viennent chercher les armes : loi Cash and Carry de novembre 1939.

Pendant cette période des années 30, l’image des États-Unis est ternie en Europe, mais leur modèle culturel fonctionne

pourtant très bien : que ce soit l’industrie cinématographique naissante (Charlie Chaplin, Buster Keaton), la littérature

avec ses prix Nobel, la musique (jazz, blues, ragtime), etc.

Réélu pour un 3e mandat en 1940 et soutenu par les isolationnistes, Roosevelt comprend que les États-Unis ne

pourront rester longtemps à l’écart du conflit qui débute en Europe et que leur devoir est de soutenir les démocraties

face aux totalitarismes, qu’il s’agisse du fascisme et du nazisme responsables des hostilités, mais aussi du

communisme dont le modèle économique et politique est à l’opposé de celui des États-Unis. Il s’inquiète aussi de

l’expansion japonaise en Chine et dans le Pacifique, ce qui menacerait les intérêts économiques et stratégiques

américains dans la région. D’autant qu’après la défaite de la France en juin 1940, l’opinion publique américaine

jusqu’alors pacifiste, se retourne. Il parvient à convaincre le Congrès de voter une loi de conscription et annonce en

décembre 1940 que les États-Unis doivent devenir « l’arsenal des démocraties ». Après la loi du Cash and Carry, il

va plus loin en faisant voter la loi du prêt-bail (lend lease) en mars 1941 : le président peut prêter des armes à tout

pays dont la défense présente un intérêt majeur à la sécurité des États-Unis : les armes doivent être rendues ou payées

après la guerre, et c’est la France et le RU qui sont concernés ici.

En effet, Roosevelt va signer avec le 1er ministre anglais Winston Churchill en août 1941 la Charte de l’Atlantique :

une coopération économique mondiale est nécessaire pour assurer la paix et écraser la tyrannie des régimes

totalitaires. Les grandes idées de Wilson sont ici reprises, ils appellent à un nouvel ordre international basé sur le droit

des peuples : il s’agit là de la première pierre de ce qui deviendra Bretton Woods en 1944 et l’ONU en 1945.

C/ L’interventionnisme de la Seconde GM : un tournant décisif (1941-45)

Face à l’expansion japonaise dans le Pacifique, les États-Unis ont pris des sanctions économiques depuis 1939 : les

tensions entre les deux pays sont fortes, mais c’est le 7 décembre 1941 avec l’attaque japonaise surprise de la base

militaire de Pearl Harbor (île du Pacifique) qu’il y a un tournant décisif dans la politique américaine.

Dès le lendemain, 8 décembre 1941, les États-Unis entrent en guerre contre le Japon, et donc contre l’Allemagne et

l’Italie alliés du Japon (forces de l’Axe) : la Grande Alliance est donc créée (EU, URSS, RU).

À partir de là, les États-Unis vont fournir un effort de guerre considérable pour assommer l’Axe militairement :

l’Allemagne avait alors la première armée du monde, la plus équipée. Roosevelt fait voter par le Congrès des crédits

de guerre exceptionnels et lance le Victory Program en janvier 1942, toute l’économie est mobilisée avec des

rythmes de production très élevés : l’industrie américaine fabrique à la chaîne des navires de transport de troupes en

un temps record : les « Liberty ships » et les « Victory ships » qui permettent aux États-Unis d’apporter une aide

matérielle déterminante dans le conflit.

Par ailleurs, 12 millions de G.I. (soldats américains - « Government Issue » : « fourniture du gouvernement ») sont

mobilisés et vont débarquer en Algérie en novembre 1942, puis en Sicile en 1943, en Normandie le 6 juin 1944 et en

Provence le 15 août 1944.

Mais les États-Unis se battent sur deux fronts : en Europe contre l’Allemagne et l’Italie, et dans le Pacifique contre le

Japon qui a pris position dans les Philippines, en Malaisie et menace l’Australie. Les G.I. reprennent île après île et

subissent la lutte à mort des kamikazes japonais : ce sont finalement les bombes atomiques lancées sur Hiroshima le 6

août 1945 et Nagasaki le 9 août qui amènent le Japon à la capitulation sans conditions qui est signée en mer le 2

septembre 1945 par les généraux américains Nimitz et Macarthur.

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Si Roosevelt est mort en avril 1945 au début de son 4e mandat, il est remplacé par son vice-président Harry S.

Truman qui va réussir à imposer le pays comme superpuissance sans égale : en effet, sur le plan militaire (seule

nation atomique), économique (2/3 du stock d’or mondial et territoire intact), diplomatique (siège de l’ONU à NY et

FMI à Washington) ils dominent sans contestation. Ils vont désormais jouer un rôle international à la hauteur de leur

statut.

► Au lendemain du conflit se produit un tournant majeur dans leur politique au XXe siècle : les États-Unis

assument leur puissance, désormais globale, et s’engagent pour la première fois dans le monde en temps de paix en

la mettant au service d’ambitions qui ne sont plus seulement économiques. Dominant un monde en ruines, auréolés de

leur image de défenseurs de la liberté et pénétrés du sentiment qu’ils représentent le meilleur modèle de

développement économique et social, ils impulsent ainsi un nouvel ordre mondial fondé sur un système d’arbitrage

entre les États (organisé autour de l’ONU).

II – L’affirmation de la superpuissance après 1945.

A/ Une superpuissance à la conquête du monde (militaire, politique et éco et techno)

Fin de la Grande Alliance et début des rivalités : à Yalta en février 1945 puis à Potsdam en août 1945 se concrétise la

division de l’Allemagne en 4 zones, ainsi que Berlin. Les 4D : démilitarisation, division, décartellisation,

dénazification.

Churchill décrit alors à Fulton en 1946 ce qui paraît toujours plus évident pour certains : la mise en place d’un Rideau

de fer entre 2 mondes. L’Europe est le cœur de cette séparation, et en particulier l’Allemagne et Berlin.

Dès la avant fin de la guerre s’est en effet dessiné un monde divisé en 2 blocs que tout sépare, politique, économie,

modes de vie, idéologie. C’est à travers deux conférences que cette situation prend forme et que les États-Unis

s’affirment en leader :

À Bretton Woods en juillet 1944 autour de Harry Dexter White et John Maynard Keynes : FMI et Banque Mondiale

qui siègent à Washington, suprématie du dollar (étalon dollar : Gold exchange standard) : les États-Unis dirigent le

monde occidental économiquement. Le modèle économique soviétique est en opposition nette : collectivisation et

planification, pas de propriété privée des moyens de production. Les États-Unis veulent imposer leur modèle

économique au plus grand nombre par le biais d’institutions destinées à financer la reconstruction des pays ruinés : le

FMI est constitué principalement de fonds américains et seuls les États-Unis y ont le droit de veto !

De février à juin 1945 a lieu la conférence de San Francisco, l’URSS y participe cette fois car il s’agit de la

domination politique du monde à travers la volonté de créer un successeur à la SDN : la sécurité collective passe par la

nécessaire association de toutes les puissances. Les idéaux occidentaux défendus par Wilson, Briand, Kellogg trouvent

ici leur meilleure expression : le 26 juin 1945 est signée la Charte des Nations Unies qui crée l’ONU dont le siège est

cette fois à New York, preuve du basculement de la puissance mondiale de l’Europe aux États-Unis.

Les vainqueurs s’attribuent cependant une place de choix au Conseil de Sécurité avec le droit de veto (États-Unis,

URSS, France, RU et Chine).

Si deux mondes sont clairement séparés, et même si l’on peut remonter à 1917 et la révolution bolchévique pour

trouver l’origine de cette opposition, c’est en fait en 1947 qu’elle s’instaure dans un contexte de crispation

généralisée : les deux mondes ne veulent pas de conflit armé, mais il s’agit pourtant bien d’un état de guerre entre les

États-Unis et leurs alliés, et l’URSS et leurs alliés.

Le président Harry Truman prononce en mars 1947 un discours qui assume entièrement la situation et qui relève le

défi de ce que l’on nomme désormais Guerre Froide (cold War) : le Plan Marshall mis en place car l’économie est

considérée comme l’arme principale depuis Bretton Woods. Il faut aider les pays ruinés et pauvres pour éviter que les

populations frustrées ne se rallient en désespoir de cause au communisme. Ce plan est proposé à tous les pays, URSS

compris, mais seuls 16 pays l’acceptent en Europe. La Tchécoslovaquie qui l’avait accepté se voit après le Coup de

Prague en 1948 obligée d’y renoncer sous la pression des chars de l’Armée rouge, le pays devenant l’une des

démocraties populaires satellites de l’URSS.

En revanche les pays d’Europe de l’Ouest acceptent, y compris les zones occidentales de l’Allemagne, et mettent en

place une organisation de gestion de cette aide financière et matérielle : l’OECE qui est considérée comme l’une des

pierres fondatrices de la construction européenne. Il s’agit de redistribuer équitablement l’aide américaine et de

rembourser les prêts accordés (2,5 milliards de dollars pour la France et le RU par exemple) : les États-Unis ont su

soumettre économiquement l’Europe de l’Ouest en situation de dépendance. Les grandes puissances coloniales sont

désormais des puissances secondaires.

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Les États-Unis renforcent leur sécurité face au communisme à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières : si en

1947 est créé le NSC (Conseil National de Sécurité, réuni autour du Président lui-même), puis la CIA (services secrets

extérieurs), ils vont trouver à s’affirmer d’emblée à travers la chasse aux sorcières organisée par le sénateur Joseph

McCarthy entre 1950 et 1954 : il s’agit de traquer d’éventuels agents du communisme sur le territoire américain.

Dans le monde, les États-Unis développent une véritable « pactomanie », car pendant la Guerre froide, ils ne peuvent

se passer de leurs alliés (à l’inverse des années 1990-2000 !).

EN effet, le but est de contourner l’ONU qui se trouve paralysée par les vetos des membres permanents et notamment

des deux Grands qui en usent très régulièrement pour se contrer. Les États-Unis développent alors un multilatéralisme

nécessaire :

- OEA, 1946 : tous les États du continent américain sauf Cuba exclu en 1962.

- OTAN, 1949 : la plus puissante organisation militaire aujourd’hui toujours et héritage le plus visible de la GF.

- OTASE, 1954-1977 : Pakistan, Thaïlande, Philippines, Australie, NZ.

- Pacte de Bagdad, 1955-1979 : Turquie, Irak, Iran, Pakistan, RU.

- ANZUS, 1951 : Australie et NZ.

- Traités bilatéraux avec l’Arabie Saoudite en 1945, le Japon en 1951, la Corée du Sud en 1953, Taïwan en

1954, Israël en 1962 ; alliances qui sont toujours essentielles aujourd’hui pour les États-Unis.

Le philosophe français Raymond Aron parle à ce sujet d’une véritable « République impériale » qui étend son

influence directement ou indirectement sur une grande partie de la planète.

Seuls possesseurs de la Bombe nucléaire jusqu’en 1949, les États-Unis vont mener une politique anti-communiste,

mais elle va s’amplifier dès lors que l’URSS, puis la Chine obtiennent la bombe : les dangers sont plus grands et

l’équilibre de la terreur se met en place :

Ainsi, Truman lance la politique de Containment (endiguement) dès 1947, poursuivi par Eisenhower par une politique

plus dure encore dite de Roll Back (reflux) : la mise en place du bloc occidental autour de ces politiques est un

système aux dimensions militaire, politique, idéologique, économique et même culturel. La hiérarchie des puissances

est bien établie et la suprématie américaine globalement acceptée à travers les premières épreuves :

- En mai 1948 lors de la 1ère

crise de Berlin : après la formation de la Trizone, Staline ferme les routes d’accès à

Berlin ouest. Les occidentaux établissent un pont aérien qui contourne le blocus. Celui-ci prend fin en juin

1949 et laisse place à la création de deux nouveaux États sur les ruines de l’Allemagne divisée : RFA et RDA.

- De 1950 à 1953 avec la Guerre de Corée, conflit typique de la guerre froide, indirect entre les deux

superpuissances : il s’agit d’endiguer le communisme dans la région : 3 ans de guerre, 1 million de morts et

retour à la frontière initiale (38 //) : le général en chef McArthur avait voulu utiliser la bombe A, au risque

d’un conflit nucléaire mondial.

- En 1956, la crise de Suez lorsque le président égyptien Nasser nationalise le canal appartenant aux Angais et

Français, puis en interdit la circulation aux navires israéliens : les trois pays attaquent l’Egypte, mais l’URSS

gronde. Les États-Unis obligent alors leurs alliés à se retirer sans contre-partie et ceux-ci obtempèrent.

- En 1961 lorsque Khrouchtchev depuis Moscou (et Ulbricht en RDA) décide de faire construire un mur à

Berlin dans la nuit du 12 août pour empêcher toute nouvelle évasion de l’Est vers l’Ouest (des milliers de gens

fuyaient le monde communiste en passant par Berlin). Kennedy viendra en 1963 sur le mur (Checkpoint

Charlie) prononcer un célèbre discours de condamnation totale du système communiste (« Ich bin ein

Berliner »).

Ces quatre crises sont emblématiques des rapports de force qui s’installent entre les deux super Grands, en montrent

les modalités et les enjeux, mais surtout montrent le rapport hiérarchique entre les grands et leurs alliés obéissants et

relégués en puissances secondaires (France et RU notamment).

Quant à la place des pays dits du « Tiers monde », elle est évidente aussi : les pays nouvellement décolonisés qui

souhaitent alors rester neutres et « non alignés » sur les blocs (Conférences de Bandung en 1955, puis de Belgrade en

1961) : guidés par les leaders de l’Inde (Nehru), de l’Egypte (Nasser), Algérie (Boumedienne), Indonésie (Soekarno),

Yougoslavie (Tito) ou encore Chine (Zhou Enlai). Ces pays peuvent dans la réalité difficilement résister à des prises

de parti en faveur de l’un ou l’autre des supergrands, des rapprochements sont réguliers. D’ailleurs le Mouvement des

non-alignés a malgré tout vécu et existe encore aujourd’hui, quoiqu’avec des objectifs bien limités.

B/ Un modèle triomphant (culture, société).

On voit donc bien que politiquement et militairement les États-Unis sont présents partout et s’imposent partout

jusqu’aux années 1960, sans contestations assez fortes pour les inquiéter véritablement. D’ailleurs, si l’URSS a la

bombe, la Chine – pays communiste mais concurrent de Moscou- l’a aussi et s’allie aussi bien avec Moscou qu’avec

Washington ; les alliés forts des États-Unis l’ont aussi : le RU l’obtient grâce aux États-Unis alors que la France

l’obtient en 1960 par ses propres moyens : de Gaulle veut affirmer son indépendance vis-à-vis du grand allié.

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Cependant, c’est au niveau culturel et social que la puissance des États-Unis s’affirme au monde dans les années 1950

et 60 : c’est l’époque du triomphe du modèle américain, de la diffusion à grande échelle de l’American Way of life et

de l’American Dream.

Le modèle économique s’internationalise avec l’extension du libre-échange, alors que les pays occidentaux

connaissent ensemble une période de « faste », que l’économiste français Jean Fourastié avait nommé les Trente

Glorieuses ou la révolution silencieuse (livre paru en 1975). C’est la grande époque du taylorisme/fordisme

triomphant qui atteint son apogée. La consommation des ménages croît rapidement car il faut s’équiper en biens de

consommation : voiture, télévision, téléphone, réfrigérateur et l’ensemble de l’électroménager : aux États-Unis

l’entreprise General Electrics produit massivement et devient avec son équivalent dans l’automobile (General Motors)

l’une des plus puissantes FTN au monde, seules les entreprises pétrolières (occidentales aussi) les dépassent. Entre

1950 et 1960, GM a un chiffre d’affaires qui correspond au PIB de la France !

La richesse globale des États-Unis quadruple sur la période, et le commerce extérieur et largement bénéficiaire et

connaît une forte croissance.

Jusqu’à la présidence de Kennedy inclue (1960-63) le modèle semble incontestable et les américains sont confiants.

Hormis le domaine spatial dans lequel l’URSS se démarque par deux coups d’éclat (1957 : Spoutnik et 1961 :

Gagarine), l’influence des États-Unis dans le monde ne cesse de grandir et le pays attire savants et intellectuels,

étudiants du monde entier.

Les années 1950 marquent le début d’une société d’abondance qui véhicule une image d’idéal : le rêve

américain (American dream). C’est une société majoritairement urbaine, la voiture, l’électroménager

deviennent des biens de consommation courante, et se développe l’idée que ce mode de vie est supérieur, il

est mis en scène comme l’idéal : l’American way of life. Ce mode de vie est ouvert à tous, les migrants y ont

toute possibilité, et le pays peut accueillir chacun, sans distinction : c’est l’image du melting pot.

Ce mythe de la réussite est largement relayé à travers le pays, puis à travers le monde par la publicité, les

films, et par certaines vedettes issues de milieux modestes (Marilyn Monroe, Harry Truman fils de fermiers

et fermier lui-même).

Le niveau de vie augmente largement entre 1945 et 1960, il est multiplié par 2. La classe moyenne s’est

beaucoup développée et constitue les 2/3 de la pop. totale : elles sont le pilier de la croissance. Ce sont les

professions libérales et les cols blancs du tertiaire qui connaissent les plus fortes augmentations.

Au niveau social, les congés payés se généralisent, la semaine de travail passe à 40h. Parallèlement, les

ménages même modestes sont de mieux en mieux équipés et l’éducation se développe, surtout dans le

supérieur. Enfin, la forte natalité d’après-guerre entraîne une augmentation de la population qui amène à une

urbanisation accélérée et au développement des banlieues (suburbs) pavillonnaires.

En novembre 1960, l’élection du démocrate John Fitzgerald Kennedy est symbole partout dans le monde de

la réussite américaine, de la jeunesse (il a 43 ans). Le couple présidentiel incarne à lui seul le rêve américain.

L’Europe ou le Japon souhaitent rejoindre ce modèle qui est vu comme celui du confort, de l’abondance,

voire du gaspillage, celui du bien-être. Le cinéma est la vitrine de ce modèle et des produits comme le Coca-

Cola le symbole de la mondialisation : les communistes le critiquant comme une « Coca-colonisation »

(L’Humanité, 1949).

Les migrants affluent, attirés par le rêve de réussite où les self-made-men ont la part belle.

Cependant, la culture américaine n’est pas uniquement celle de la standardisation : le pays devient un

véritable centre culturel et New York détrône les capitales européennes comme centre culturel mondial : le

musée Guggenheim ouvre en 1958, le Met accueille la Joconde en 1963 : la ville diffuse les nouvelles

tendances de l’art. Les écrivains William Faulkner, Ernest Hemingway et John Steinbeck reçoivent le prix

Nobel en 1949, 1954 et 1962. Au niveau social, Kennedy (démocrate) lance justement une grande politique à destination des plus démunis, que ce

soit aux États-Unis mêmes ou dans toute l’Amérique latine (politique de la « Nouvelle frontière »). La société

américaine type est représentée à travers le monde par la puissante industrie cinématographique issue des studios

d’Hollywood : cette industrie a pour charge de condamner les valeurs « antiaméricaines ». En France cette

« américanisation » fait peur, à tel point que les partis de gauche font voter des quotas de films américains (accords

Blum-Byrnes de 1946 : 120 par an maximum) : pour les communistes ces films sont une « préparation idéologique à

laquelle les américains soumettent les peuples qu’ils se proposent d’asservir » (Maurice Thorez, secrétaire général du

PCF, 1947).

Enfin, au niveau diplomatique, pour s’implanter avec plus de poids dans le Tiers monde, Kennedy lance des Peace

Corps : volontaires civils venant aider les populations en difficulté. Par ailleurs, Nixon parviendra à se rapprocher de

la Chine en 1971 par l’entremise de son Secrétaire d’État Henry Kissinger qui mène une Realpolitik (politique

adaptative fondée sur l’évolution des rapports de force). Tandis qu’à Cuba, Castro n’apparaît comme un danger que

lorsqu’il se rapproche ouvertement de Moscou en 1961 : Kennedy tente un débarquement d’exilés cubains

anticastristes en avril 1961 mais c’est un échec et les liens sont définitivement rompus en 1962 avec la crise des

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missiles de Cuba. Mais Kennedy en tire un immense profit, ainsi que les États-Unis lorsque Khrouchtchev retire les

missiles et baisse les armes le premier. L’image de marque du pays et de son président est donc à son comble au

milieu des années 1960.

Cependant une série d’événements vont venir remettre en question cette puissance, à l’intérieur du pays comme hors

de ses frontières : de 1963 à 1981 les États-Unis voient leur puissance s’éroder, et leur modèle connaître une « crise de

confiance ».

C/ Une puissance qui s’érode (années 1963-81).

À plusieurs niveaux et dans plusieurs domaines, la puissance américaine connaît un véritable revers dans le monde

dans les années 1960 et 70 : de nombreuses crises politiques, économiques, diplomatiques et militaires entrainent une

crise de confiance dans le modèle et dans son idéologie, aussi bien chez les alliés des États-Unis que parmi la

population américaine elle-même.

● Les crises internes :

D’abord, le président démocrate J.F. Kennedy est assassiné en novembre 1963 à Dallas au cours d’un déplacement

officiel, cela remet en cause le système politique du pays qui est victime de ses propres mécanismes pervers : le choc

de l’événement est mondial. Le symbole d’une Amérique jeune (Kennedy avait 46 ans), et victorieuse disparaît dans le

tragique de la situation. Lyndon Johnson prête serment dans la journée et devient le nouveau président : il tentera de

poursuivre la politique sociale de Kennedy, notamment contre la ségrégation. Mais c’est lui qui engage le pays dans la

guerre du Vietnam en 193 : par l’envoi d’armes et de conseillers militaires dans un premier temps, puis par l’envoi de

l’armée dès 1965.

Mais les medias américains révèlent vite l’ampleur et la nature de cette guerre à partir de 1965 : désormais le

consensus de l’opinion publique en matière de politique étrangère est remis en question, les fondements idéologiques

de la lutte mis en œuvre au Vietnam sont mis à mal : l’incompréhension est nette, car intervenir massivement et avec

grande violence à 12000 km de leurs frontières et dans un pays où ils n’ont pas d’intérêts vitaux est mal perçu.

Au Vietnam, c’est tout l’idéal wilsonien qui s’effondre : l’idéal de défense des droits et libertés disparaît devant les

méthodes utilisées par l’armée américaine contre les populations civiles : le massacre de My Laï en 1968 sous les

ordres d’un sergent gracié par Nixon peu après en est un exemple fameux. L’année 1968 est en effet un tournant dans

l’opinion publique américaine qui n’accepte plus une guerre si longue et dont l’utilité est remise en question : les

étudiants eux-mêmes manifestent à plusieurs reprises et brûlent leurs papiers militaires en signe de refus de la

conscription, le mouvement hippie se développe sur ce thème antimilitariste. Les États-Unis auront envoyé pas loin de

8 millions d’hommes au Vietnam sur la totalité de la période, et leur bilan sera de 60000 morts. Les victimes

vietnamiennes s’estiment à plusieurs millions, alors que le conflit a débordé au Cambodge voisin.

Cette guerre du Vietnam a été vécue comme un véritable traumatisme au sein de la population américaine, et les

conséquences en termes d’image pour le pays ont été catastrophiques : le pays des droits et libertés fondamentales, le

défenseur du monde libre passe alors pour une nation criminelle.

D’autant que dans le pays, les droits de l’homme sont bafoués largement par le système de ségrégation qui persiste, et

la misère qui représente 25 % de la population. Près du quart de la population américaine en 1960 est considérée

comme pauvre (soit environ 40 millions de personnes). Ce sont principalement les personnes âgées, les petits fermiers

blancs du Sud, les ouvriers agricoles mexicains, les Noirs des ghettos, les immigrés Portoricains. Les secteurs

industriels touchés par le chômage entretiennent cette pauvreté, car les indemnités sont très faibles.

Le président Lyndon Johnson tentera de répondre à cette crise par une politique sociale d’envergure : l’aide médicale

gratuite pour les plus pauvres et les plus de 65 ans (Medicare).

• La communauté noire des E.-U. cumule quant à elle les handicaps : pauvreté et ségrégation raciale. Le pays se révèle

ainsi l’un des plus inégalitaires au monde. En effet, la discrimination raciale se maintien partout, dans les lieux publics

et écoles réservés aux blancs, les listes électorales leur sont difficilement accessible : les noirs sont tenus à l’écart de la

promotion scolaire et du pouvoir par la société WASP.

Pourtant en 1954, la Cour Suprême, instance judiciaire majeure, déclare illégale la ségrégation et la doctrine qui

domine alors « égaux mais séparés ». Cette déclaration n’est pas suivie d’effets notoires. C’est alors que le combat

pour l’égalité des droits est lancé dès 1955 par le pasteur Martin Luther King : il fait l’apologie de la non-violence et

utilise le boycott et organise des marches pour la liberté (250000 personnes à Washington en août 1963). Mais de

nombreux États poursuivent une politique de discrimination, ou alors laissent faire : 5 États pratiquent la ségrégation

totale en 1960. JFK impose la nomination de noirs à des postes importants et prépare un projet de loi interdisant toute

ségrégation, mais c’est son successeur Lyndon Johnson qui la fera voter en 1964 : loi sur l’égalité civile (« Civil rights

act »), puis sur l’égalité politique en 1965 (les noirs peuvent s’inscrire sur les listes). C’est l’État fédéral qui impose

cela et qui contrôle leur application dans les États récalcitrants (Alabama notamment, Michigan, Indiana, Mississippi).

Le mouvement noir se radicalise avec la multiplication d’émeutes dans les ghettos entre 1965 et 1968 : des

mouvements violents comme les Black Panthers se forment et certains revendiquent un pouvoir noir (Black Power)

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fondé sur un racisme anti blanc. Des leaders plus radicaux prennent le dessus, tels Malcolm X qui s’éloignera après

1964 des positions anti blancs mais continue de prôner la réaction violente : il est assassiné en février 1965 par des

membres de Nation of Islam (organisation radicale défendant un islam américain, bien éloigné cependant de l’islam

sunnite).

En 1968, ML King est assassiné à son tour à Memphis, mais la prise de conscience de la population américaine est

plus nette et les réformes commencent à porter quelques fruits.

● Dans la lignée du mouvement noir, les autres minorités s’éveillent à la contestation : les immigrés mexicains

(« Chicanos ») exploités comme ouvriers agricoles, entament des grèves ; les Amérindiens revendiquent leurs droits à

la terre et leur identité.

D’un autre côté, la jeunesse américaine commence à se révolter pour plusieurs raisons. D’abord par solidarité avec la

lutte des noirs, mais surtout du fait de la guerre au Vietnam.

Le modèle de l’American way of Life est vivement remis en question : les étudiants manifestent en 1963 aux côtés des

noirs à Washington, puis ce sont les étudiants de Berkeley qui manifestent pour diffuser un contre-modèle fondé sur

l’humanisme et le pacifisme. La société de consommation, matérialiste, est critiquée.

En 1967, des étudiants défilent devant le Pentagone en brûlant leurs papiers militaires. La contestation se fait à tous les

niveaux, allant jusqu’au rejet de cette société basée sur le profit : c’est le développement de mouvements hippies, avec

le slogan « Peace and Love », quelques chanteurs aux textes contestataires deviennent les porte-parole du

mouvement : Bob Dylan et Joan Baez par ex.

Enfin, la volonté de changement s’exprime aussi par des mouvements féministes qui revendique une véritable égalité

homme-femme : Women’s Lib créé en 1968.

Si les premiers pas de Neil Armstrong sur la lune le 21 juillet 1969 incarnent le rêve américain, les États-Unis

exposent au reste du monde de grandes faiblesses : assassinat de J.F. Kennedy en novembre 1963 à Dallas, de ML

King et de X, puis de Robert Kennedy en juin 1968 à Los Angeles. Les crises internes des années 1960 et 1970 ont

toutes des conséquences majeures sur la politique extérieure du pays.

● Les crises externes.

1. Dans les années 1960 :

Dans les années 1960, l’Europe représente toujours un allié essentiel, mais les contestations y sont vives. C’est surtout

le fait du Général de Gaulle, président de 1958 à 1968 qui représente l’exemple le plus marquant de non alignement. Il

souhaite rééquilibrer les rapports de force et refuse le leadership américain : il veut lui substituer un partnership

d’égal à égal. Affirmant avec force son anticommunisme, De Gaulle ne s’en oppose pas moins à la politique de

Kennedy qui souhaite une domination américaine en matière de force nucléaire.

Ainsi il s’oppose à l’idée d’États-Unis d’Europe souhaitée par Kennedy, qui serait le pendant des États-Unis

d’Amérique, et son allié inconditionnel. De Gaulle refuse d’amoindrir la souveraineté nationale française, et il

s’oppose ainsi à l’entrée du RU dans la CEE, qu’il considère comme le « cheval de Troie » des E.-U.

Durant les années 1960, de Gaulle affirme à plusieurs reprises son opposition aux E.-U. :

- Il reconnaît officiellement et se rapproche de la RD. de Chine en 1964.

- Il commande le retrait des troupes françaises intégrées à l’OTAN en 1966.

- Il demande le retrait des troupes américaines basées en France en 1966.

- Il critique la politique américaine au Vietnam dans son discours de Phnom Penh en 1966.

- Il se rapproche de Moscou.

- Il se déclare pour l’indépendance du Québec en 1967 dans son discours de 1967.

- IL rejette la suprématie du dollar, dénonce le système de Bretton Woods, veut un retour à l’étalon-or.

2. Dans les années 1970 :

Les contestations externes des années 1970 s’appuient sur les échecs américains et sur les crises internes qui sont de

deux sortes : économiques et politiques.

Au niveau économique, c’est le déficit de la balance des paiements en 1971 pour la première fois : Les déficits

s’accumulent et les dépenses augmentent, notamment pour la Guerre du Vietnam : le président Richard Nixon

annonce donc en août 1971 la fin du système de Bretton Woods : l’affaiblissement du dollar et le ralentissement de la

croissance l’amènent à supprimer la convertibilité du dollar en or, puis à dévaluer : désordre monétaire international.

Les années 1970 sont celles des deux chocs pétroliers d’octobre 1973 et de 1979-81 qui entrainent l’explosion des prix

du pétrole et qui accentue la baisse de compétitivité, ainsi que la baisse de la production industrielle déjà présente à la

fin des années 1960. Le chômage explose à son tour pour atteindre près de 10% de la pop. active au début des années

1980.

Au niveau politique, c’est le scandale majeur du Watergate qui fragilise les institutions. En 1972, le président Nixon

est réélu pour un second mandat. Mais rapidement la police arrête des hommes installant des écoutes téléphoniques

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dans l’immeuble du Watergate, siège du parti démocrate. Le Washington Post révèle que Nixon est directement

impliqué dans l’affaire, et la justice permet de constater qu’il enregistrait depuis 1970 toutes les conversations depuis

son bureau : il doit céder les bandes magnétiques. Le scandale éclate, et est associé à des malversations financières. Le

vice-président démissionne, puis Nixon démissionne à son tour le 9 août 1974.

Ce scandale politique déstabilise la force politique des États-Unis et a des conséquences durables sur les relations

internationales, d’autant que les E.-U. sont associés à plusieurs troubles politiques dans le monde.

→ En Amérique Latine, Kennedy lance son « Alliance pour le progrès » destinée à lutter contre le communisme et

contre son représentant local : Castro à Cuba. Mais les crédits promis ne sont pas donnés et l’exploitation économique

américaine sur le continent se poursuit : de nombreuses guérillas révolutionnaires apparaissent. En Bolivie, elle est

soutenue par Guevara qui y est assassiné en 1967. C’est au Chili cependant que les E.-U. interviennent en appuyant

une dictature : en septembre 1970 un président socialiste est élu démocratiquement : Salvador Allende, qui, bien que

non communiste est soutenu par le parti communiste chilien. Les compagnies américaines y sont hostiles et les E.-U.

organisent un coup d’État militaire avec la CIA : le 11 sept. 1973 est mis en place un régime dictatorial dirigé par

Augusto Pinochet, Allende se suicide.

→ En Europe, la fin du SMI en 1971 provoque une rupture nette entre pays à monnaie forte, et ceux à monnaie faible.

Cela est renforcé par l’entrée dans la CEE en 1973 du RU, Irlande et Danemark. Le système monétaire européen est

désorganisé.

→ La Grèce se retire de l’OTAN en 1974 considérant que les E.-U. sont trop favorables à la Turquie dans le conflit

qui oppose les deux pays sur l’île de Chypre depuis 1967. Les E.-U. perdent ainsi un allié dans leur dispositif de

défense en Méditerranée.

→ En Iran, le régime pro américain du Shah Mohammed Reza Pahlavi est balayé par la révolution islamique dirigée

depuis la France par l’Ayatollah Ali Khomeiny. Le nouveau régime est ouvertement anti américain : le 4 novembre

1979, des étudiants prennent l’ambassade des E.-U. à Téhéran et retiennent en otage 52 personnes. Des négociations

sont entamées, mais le président Carter ne pourra rien faire, et l’opération militaire qu’il mène est un fiasco. Ce n’est

qu’avec l’élection de Reagan en 1981 que les iraniens acceptent de libérer les otages. Cet épisode marque à la fin des

années 1970 le déclin des E.-U. face à l’opinion internationale.

Transition : de l’américanisation à l’antiaméricanisme. L’américanisation est le transfert des valeurs américaines à travers un processus de sélection et d’adaptation aux

conditions locales : ce phénomène enclenché à la fin du XIXe siècle s’épanouit dans les années 1920 et connaît un

paroxysme pendant les Trente Glorieuses, mais il connaît de réguliers moments forts depuis. La construction de la

puissance américaine s’appuie sur cette américanisation : langue anglo-américaine parlée partout, FTN présentes

partout dans le monde, industrie culturelle exportatrice, réseaux de communication dominants, technologie

performante, grande faculté d’adaptation et assimilation des influences étrangères, grande facilité à adapter les

produits aux marchés étrangers, etc.

L’américanisation concerne donc autant la diffusion des produits que des manières de penser, de représenter le monde,

les pratiques diplomatiques, les méthodes de travail, de gestion, de management. La mondialisation a été un terrain

très efficace à l’américanisation. Cependant la puissance américaine dépend autant des pays qu’elle domine : les États-

Unis sont à la fois émetteurs et récepteurs, ils sont contraints par le multilatéralisme des échanges.

Mais le phénomène de l’antiaméricanisme se développe et devient récurent jusqu’à aujourd’hui : dans les années 1930

en Europe, certains critiquent une société matérialiste, où règne l’uniformisation et la crise économique qui vient de

New York les conforte dans cette critique d’un modèle qui s’essouffle.

Pendant la Guerre froide, une nouvelle vague d’antiaméricanisme, notamment en France : de Gaulle critique la

hiérarchie établie et s’ajoute à cela les critiques traditionnelles des communistes européens : cette forme

d’antiaméricanisme devient vite populaire.

Enfin, après la Guerre froide, au moment où les États-Unis passent pour l’ « hyperpuissance », les ressentiments au

sein du tiers monde se font plus forts, notamment dans le monde arabo-musulman. Mais les critiques contre les États-

Unis sont renforcées par les critiques toujours plus vives contre la mondialisation et ses déséquilibres.

III – De la superpuissance à l’hyperpuissance contestée.

A/ « America is Back » (1981-91)

Ronald Reagan fonde sa campagne présidentielle sur le slogan « America is Back », défendant une politique

conservatrice, et souhaitant tout mettre en œuvre pour que les E.-U. réaffirment leur puissance écrasante.

Une politique axée principalement sur le règlement des problèmes économiques et sur la supériorité militaire, au

détriment du social.

Le modèle semble renaître et sortir de la crise au début des années 1980 :

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Au niveau économique, il adopte les thèses néolibérales et rejette toute méthode keynésienne d’intervention de l’État.

C’est la fin de l’État-Providence (Welfare state) qui guidait les politiques de Roosevelt, Kennedy ou Johnson. Il faut

réduire les dépenses sociales, et relancer l’offre plutôt que la demande.

En effet, l’économie repart et le chômage finit par diminuer à partir de 1984, mais les emplois proposés sont bien plus

précaires et mal payés parfois. Ce modèle américain est adopté par d’autres pays en même temps : l’Angleterre de

Margaret Thatcher s’y lance également, sous l’autorité de la « dame de fer ».

Le succès du modèle semble fonctionner, de nouveaux immigrants s’installent aux E.-U. (Chinois, vietnamiens,

latinos surtout).

Au niveau international, Reagan s’affirme comme un anti-communiste virulent, là où Carter passait pour trop effacé :

l’URSS devient l’ « empire du mal » et il faut donc le combattre avec toutes les armes possibles. Reagan relance la

course aux armements et à l’espace pour faire plier le bloc de l’Est. Réélu en 1984, Reagan poursuit sa politique

frontale, jusqu’à l’arrivée en URSS de Gorbatchev avec lequel une détente nouvelle semble possible : les dernières

années de son mandat sont placées sous le signe de l’ouverture, relative.

B/ L’ère de l’ « hyperpuissance » (1991-2001)

George Bush senior succède à Reagan en 1988 et dirige les E.-U. vers une nouvelle hégémonie, d’autant que sous son

mandat, le Mur de Berlin s’effondre en 1989 et l’URSS disparaît en 1991.

Le modèle américain semble alors plus puissant que jamais, il a su écraser le modèle communiste qui est ruiné. Les E.-

U., comme en 1945, se retrouvent en situation de suprématie économique, militaire, technologique et culturelle :

l’impression était donc celle d’un monde devenu unipolaire.

C’est la 1ère

puissance éco : 1ers producteurs industriels, 1ère

puissance agricole, 1ère

puiss. commerciale. Leurs FMN

sont présentes partout dans le monde, et le dollar domine toujours les échanges et reste la monnaie d’échange de

référence.

C’est la 1ère

puissance technologique : le R&D est à la pointe et est liée aux universités et aux entreprises. Les

Universités américaines se classent parmi les meilleures du monde (Harvard, MIT, Yale, etc.)

C’est le moteur culturel, l’anglais est la première langue parlée dans les échanges, et le pays continue plus que jamais

à diffuser ses valeurs et son mode de vie par le cinéma, la télé, la musique.

Ils font aussi figure en 1991 de « seul gendarme du monde », du fait de leur suprématie militaire, de leurs bases

implantées sur tous les continents.

Les E.-U. peuvent intervenir partout pour défendre leurs intérêts, en témoigne leur rôle dans le Guerre du Golfe en

1991 : ils veulent intervenir contre l’Irak de Saddam Hussein et entrainent avec eux les membres de l’ONU. Ils

veulent dicter leur vision à l’Onu, et lorsque le secrétaire général Boutros Boutros-Ghali devient trop indépendant, ils

s’opposent à sa réélection en 1996.

Le président Bill Clinton, élu en 1992 et réélu en 1996, souhaite que les E.-U. jouent un rôle décisif dans tous les

conflits mondiaux et il entend dicter la vison américaine aux autres puissances.

Ainsi son conflit avec Boutros-Ghali éclate en 1996 et il fait élire Kofi Annan à l’Onu ; les E.-U. dominent le G7 : en

1997, Clinton présente le modèle libéral américain comme étant le modèle à suivre pour sortir de la crise.

1. La place centrale des États-Unis.

Si Bush père, au lendemain de « Tempête du désert » avait annoncé le NOM, l’Amérique de Bill Clinton dans les

années 1990 est plutôt celle de la recherche de ce NOM.

Clinton s’attache donc en premier lieu à relancer le système américain, pour diffuser par la suite le modèle, dont la

santé économique et sociale est ralentie : c’est sur ce programme de relance qu’il est élu en 1992. Il dénonce les

années de présidence républicaine (Reagan et Bush père) et promet la « renaissance de l’Amérique », à l’intérieur

d’abord, puis à l’extérieur. Il mène une politique de rigueur économique rapidement contestée mais qui donne des

résultats satisfaisants pour les américains qui le réélisent en 1996. Le chômage a baissé et l’endettement de l’État et le

déficit public se sont résorbés. Même si des affaires personnelles sont venues entacher son action politique (affaire

Lewinsky), il a pu adapter son pays à la mondialisation, et par l’expansion économique, en faire le leader.

Sur le plan international, l’ère Clinton est celle du renforcement du leadership américain : puissance dominante, elle se

doit d’être présente partout où sont bafoués le respect du droit international et des règles prises par l’ONU. Or il

s’avère que les États-Unis continuent de mener une Realpolitik (initiée par Kissinger sous Nixon). Et si l’on ne peut

parler de volonté « impérialiste » de manière générale, ce qui serait abusif, on peut relever cependant que les thèmes

de « défenseurs du monde libre » puis de remparts à l’ « Empire du mal » (que développera G.W. Bush en 2001) sont

utiles à couvrir des entreprises visant principalement à la sauvegarde des intérêts américains dans le monde.

Ainsi l’on pense à la deuxième guerre du Golfe (1990-91), dans un pays (Koweït) et une région (Golfe arabo-persique)

qui possèdent les plus grandes réserves de pétrole. D’où l’empressement américain à y intervenir ? N’ont-ils pas, peu

de temps après et en Europe cette fois, pris plus de temps avant de se décider à intervenir ? En effet, la Bosnie en

guerre et soumise à la Serbie dès 1991 n’a vu arriver l’Otan qu’en 1995. L’enjeu n’était guère moins que la défense

des droits de l’Homme dont les E.-U. se font pourtant les défenseurs.

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Cependant, les puissances européennes et le Japon sont exactement dans la même situation : présents sans hésitation

dans le Golfe, les européens importateurs de pétrole se sont largement opposés avant d’intervenir efficacement en ex-

Yougoslavie pourtant proche : et ils n’y sont parvenus qu’à moitié.

2. Le triomphe du modèle démocratique et libéral.

Les années 1990 sont celles du triomphe du modèle libéral dans le monde, il y a une rupture idéologique majeure en

même temps qu’un bouleversement des équilibres politiques.

L’effondrement soviétique et l’accélération de la mondialisation consacrent le modèle des démocraties libérales dont

les États-Unis sont le champion depuis 1947 : le prestige de ce pays atteint alors son apogée.

La cause communiste paraît épuisée partout dans le monde, les deux seuls bastions du communisme qui subsistent

dans les années 1990-2000 sont Cuba et la Corée du Nord, dont les leaders s’appuient sur la violence d’État et le culte

de la personnalité.

Enfin, on constate un progrès général de la démocratie et des droits de l’homme sur l’ensemble de la planète durant la

décennie 90. En Afrique, en Amérique latine et en Aise, la plupart des États adoptent le multipartisme, et les élections

permettent le renouvellement des classes dirigeantes :

- En Namibie et en Afrique du Sud, c’est la fin de l’Apartheid : en AS, le 19 juin 1990 est établie l’égalité civique

entre Noirs et Blancs. L’opposant Nelson Mandela, emprisonné pendant 27 ans, est libéré en février 1990, puis

organise avec le président blanc Frederik de Klerk la fin de l’Apartheid : les deux reçoivent le prix Nobel de la

Paix en 1993. Nelson Mandela est le premier président africain de l’Afrique du Sud, élu en 1994. Il reste au

pouvoir jusqu’en 1999 avec deux 1er ministres : un blanc (de Klerk), et un noir (Mbeki) : ils souhaitent mettre en

place une « société arc-en-ciel » et travaillent à la réconciliation nationale.

- En Amérique du Sud, les dictatures de droite, parfois mises en place par les États-Unis (Pinochet au Chili), sont

démantelées.

- En Asie, la pratique démocratique se généralise, avec pour exemples le Japon (depuis 1945) et la Corée du Sud

(depuis 1987) : Taïwan, l’Indonésie et les Philippines adoptent le multipartisme dans les années 1990.

Seuls les pays du Moyen-Orient restent majoritairement des régimes autoritaires, sous apparence de démocratie pour

certains.

- L’Arabie Saoudite est un royaume dirigé par la famille des al-Saoud depuis 1937.

- La Syrie est dirigée par les al-Assad depuis 1970 (Hafez de 1970 à 2000 ; et Bachar, son fils, depuis).

- La Tunisie depuis 1987 est dirigée par le président Zin al-Abidin Ben Ali jusqu’à son départ forcé en janvier

2011. Officiellement démocratique et multipartite, le régime était pourtant autoritaire.

- L’Égypte, dirigée de 1981 à 2011 par Hosni Moubarak après l’assassinat d’Anouar al-Sadate. Les opposants et

les partis d’opposition y sont régulièrement défaits (prison, exil forcé, élections truquées).

- L’Irak, dirigé par Saddam Hussein de 1979 à 2003, qui impose une dictature sans partage, avec pour base le parti

Baas, unique parti du régime.

- L’Iran, régime théocratique dirigé par un « Guide de la Révolution », ou « Guide suprême » : Khomeiny de 1979

à 1989, puis son successeur Ali Khamenei de 1989 à aujourd’hui.

3. Libéralisme choisi ou imposé ?

Le tableau qu’avait dressé l’historien américain Francis Fukuyama en 1992, analysant la victoire du camp occidental

comme l’avènement de l’ « État homogène universel », libéral et démocratique s’étendant à l’ensemble de la planète,

est donc d’emblée erroné : les années 1990 sont aussi celles de la réussite d’États autoritaires forts dont la réussite

économique est pourtant reconnue et admirée : Singapour, Chine, Russie de Vladimir Poutine dans les années 2000.

Par ailleurs, le libéralisme n’a pas marqué la fin de l’ère des idéologies, et s’est avérée moins universelle qu’elle

prétendait être.

Le libéralisme est dicté par un certain nombre d’institutions financières mondiales, dominées par les États-Unis, et

basées à Washington : la Banque Mondiale, le FMI en sont les deux éléments centraux, et sont soutenus par le

Département du Trésor américain. L’OMC créée en 1995 et regroupant 153 pays, définit les règles du commerce

mondial, et est aussi capable de condamner les membres qui ne respectent pas les principes libéraux admis.

Ainsi, plusieurs États d’Afrique et d’Amérique du Sud voient leur économie entièrement contrôlée par ces

organisations qui, dans un contexte de mondialisation de l’économie et des échanges, impose aux économies en faillite

ou jugées comme telles, des mesures contraignantes, standardisées : la théorie en vigueur n’est plus celle de

l’interventionnisme de l’État (Keynes), mais celle de l’investissement privé, du développement de la consommation

par une fiscalité encourageante. Mais la discipline budgétaire doit être stricte, et les dépenses sociales des États sont

réduites à très peu, voire simplement annulées. La doctrine en vigueur dans les années 1990 et 2000 et celle de la

déréglementation, privatisation, abolition des barrières douanières.

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Souhaitant répondre au problème d’États dans lesquels les administrations étaient souvent pléthoriques et corrompues,

les solutions américaines ont été appliquées sans nuance et ont aussi aggravé les inégalités sociales, en éliminant

notamment les petites classes moyennes.

Par ailleurs, les privatisations massives ont simplement entraîné la perte, pour certains États, de leurs fleurons

industriels qui sont passés sous contrôle étranger, européen et américain surtout.

Dans les années 1990, la politique ultralibérale imposée par les États-Unis se déploie dans le monde entier, et les

opposants ont du mal à trouver leurs marques et à réagir. En 1997, Bill Clinton déclare ainsi la réussite du modèle

libéral américain qui doit être appliqué à travers le monde.

L’opposition à ce modèle marqué par les réunions du G7, devenu G8 en 1998, se développe à la fin des années 1990 :

elle fait la promotion d’une autre idée des relations économiques et politiques et s’illustre dans des manifestations

massives, à Seattle en 1999 par exemple, ou en organisant des Forums Sociaux Mondiaux, comme à Porto Alegre

(Brésil) en 2001 et 2003.

C/ Un leader contesté dans un monde multipolaire. (2001-2013)

Sous les deux mandats de George Bush junior, (2000-2008), le modèle est largement contesté, à la fois à l’extérieur et

à l’intérieur. Ni Clinton ni Bush ne parviennent à redresser réellement le pays et à lui donner une place de puissance

incontestée. Si le ministre français des affaires étrangères Hubert Védrine parlait en 1999 d’hyperpuissance

américaine, il s’agissait également de souligner l’aspect très inégalitaire de cette puissance.

La société américaine reste une des plus inégalitaires au monde, c’est pourquoi la politique de Barack Obama depuis

2008 s’est fondée sur quelques aspects sociaux (amélioration de la sécu notamment), mais la pauvreté subsiste, le

racisme n’a pas disparu. La crise économique mondiale majeure qui débute fin 2007 du fait des graves erreurs du

marché américain amène de nombreux pays à contester plus durement encore le modèle capitaliste libéral imposé.

Sur le plan extérieur, les E.-U. n’ont jamais été aussi contestés même par leurs alliés les plus proches, en témoigne les

événements du 11 septembre 2001 et leurs conséquences : les E.-U. décident contre l’avis de l’ONU (veto Français),

d’entrer en guerre en Irak en 2003, et leurs soutiens en Afghanistan s’effritent peu à peu du fait d’un conflit qui

s’éternise : leur volonté d’imposer leur modèle démocratique hors des frontières, au détriment des cultures et

civilisations locales se révèle aujourd’hui toujours un échec. L’après-guerre froide laisse ainsi plutôt l’idée d’un

monde qui devient peu à peu multipolaire.

1. Le 11 septembre 2001 et la réponse américaine.

Al-Qaïda au centre d’un réseau mondial.

Le 11 septembre 2001, une série d’attentats-suicide sont commis dans le Nord Est des États-Unis : quatre avions de

ligne sont détournés et trois sont projetés sur des immeubles symboliques : les tours jumelles du World Trade Center à

New York et sur le Pentagone à Washington, le siège du département de la Défense. Les tours de New York

s’effondrent en direct devant plusieurs centaines de millions de téléspectateurs à travers le monde, provoquent plus de

3000 morts. Le choc psychologique a donc été considérable à l’échelle planétaire. Le soir des attentats,

l’administration américaine désigne le suspect principal : Oussama Ben Laden, chef du réseau terroriste international

Al-Qaïda (« la base »). Ce réseau n’est pas nouveau puisqu’il opère depuis plus d’une décennie contre les intérêts

américains à travers le monde : la plupart de ses membres sont d’anciens talibans armés dans les années 1980 par les

États-Unis en Afghanistan durant la guerre contre l’URSS. Fondé en 1987, plusieurs attentats sont attribués au réseau

sunnite fondamentaliste :

- En 1992, contre des troupes américaines au Yémen.

- En 1993 dans un 1er attentat contre le World Trade Center.

- En 1998 contre les ambassades américaines de Nairobi (Kenya) et Dar el-Salam (Tanzanie).

- En 2000, contre un navire de guerre américain, l’USS Cole.

Plusieurs autres tentatives d’attentat lui sont attribuées, le réseau est actif et connu des services américains depuis

longtemps avant le 11 septembre.

En novembre 2001, Ben Laden revendique officiellement l’attentat du 11/09 et lance un appel à la guerre contre les

États-Unis et leurs alliés, accusés de soutenir Israël et de mener une politique de colonisation au Moyen Orient.

Al-Qaïda est une organisation aux contours incertains qui revendique par la suite des attentats dans d’autres pays

occidentaux : Madrid en 2004, Londres en 2005. Ainsi que des attentats contre des intérêts occidentaux dans des pays

musulmans : Bali en Indonésie en 2002, Casablanca en 2003 et 2007, Djakarta en 2004, Alger en 2007). De plus en

plus de groupes radicaux clandestins se revendiquent de la mouvance d’Al-Qaïda sans qu’il soit possible d’en vérifier

les liens.

Tous ces réseaux, qu’ils soient concertés ou non, revendiquent de nombreuses prises d’otage d’occidentaux à travers

le monde, mais certains groupes semblent plus intéressés par les gains financiers que cela peut rapporter que par un

véritable acte idéologique. Les réseaux associés à Al-Qaïda se développent rapidement en Afrique, et un groupe

semble aujourd’hui en être sa principale branche, AQMI : Al-Qaïda au Maghreb Islamique, issu d’une organisation

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armée islamiste algérienne qui adopte ce nouveau nom en 2007. Les prises d’otages contre rançon d’AQMI se

multiplient depuis, et plusieurs otages ont été tués.

Les réponses des États-Unis et de leurs alliés.

Le gouvernement américain institue rapidement une législation sécuritaire et George W. Bush dénonce un nouvel

« Axe du Mal », à la suite de Reagan désignant en 1981 l’URSS comme « Empire du Mal ». Il lance son pays dans

une guerre contre le terrorisme.

Les actes votés par Washington pour lutter contre le terrorisme sont vus par la suite comme des restrictions

importantes aux libertés individuelles et le modèle américain en est d’autant plus remis en question alors qu’il se

posait en défenseur des droits de l’Homme :

- Le Homeland Security Act, l’USA Patriotic Act et le Military commissions Act réorganisent les organismes de

défense et de sécurité, accusés de n’avoir pas su prévenir les attentats alors que d’autres services secrets en

avaient averti les États-Unis. Les pouvoirs de ces organismes sont considérablement étendus au détriment des

droits civils américains. L’entrée sur le territoire américain est depuis soumise à un contrôle beaucoup plus strict.

La sécurité aéroportuaire s’en est d’ailleurs trouvée modifiée dans tous les pays du monde.

- L’Axe du mal désigne depuis 2002 les pays soupçonnés de vouloir se procurer des armes de destruction massive

et de soutenir le terrorisme international : Irak, Iran, Afghanistan, Corée du Nord, Soudan, Libye, Syrie

notamment. Le manichéisme de cette politique américaine a été désapprouvé par de nombreuses puissances

démocratiques alliées des États-Unis.

George Bush lance son pays dans une véritable croisade contre l’Axe du mal, donnant à cette lutte antiterroriste une

tonalité messianique. A la même époque est formulée la théorie du « choc des civilisations » par un universitaire

américain, Samuel Huntington : pour lui, l’après-guerre froide se manifeste par des oppositions non plus idéologiques

mais culturelles, et plus généralement « civilisationnelles », concept flou dans lequel le religieux tient une place

centrale. Cette vision caricaturale a été très critiquée par la suite, accusée d’engendrer elle-même ce qu’elle annonce,

c’est-à-dire une lutte entre Occident et civilisation islamique.

La première phase de cette guerre est l’invasion de l’Afghanistan dès le 7 octobre 2001, État dirigé depuis 1997 par les

fondamentalistes que sont les talibans : le pays est accusé de fournir refuge à Ben Laden. Kaboul, la capitale, est prise

en novembre et depuis, l’ONU a mandaté les États-Unis et leurs alliés (dont France, RU, Pakistan, Canada,

Allemagne, etc.) pour introduire un pouvoir stabilisé. La coalition s’appuie pour cela sur l’Alliance du Nord, anti-

Talibans, mais les divisions internes du pays et la persistance des groupes talibans continuent en 2013 de rendre le

pays insécurisé.

Par ailleurs, la Maison Blanche accuse Saddam Hussein d’entretenir des liens avec Al-Qaïda et de détenir des armes

de destruction massive. Ces arguments ne convainquent pas les Grandes puissances qui refusent cette fois de

s’engager dans un conflit jugé inutile et dangereux : la France oppose son veto au Conseil de Sécurité des Nations

Unies. Ce n’est que des années plus tard, alors que prend fin le second mandat de George Bush, que le Sénat

américain révèle officiellement que les accusations n’étaient pas fondées.

Les États-Unis ont tout de même décidé d’envahir l’Irak, aidés par le RU, dès le 19 mars 2003 : la victoire est rapide

et l’ONU accepte alors d’aider à réorganiser le pays.

Saddam Hussein est arrêté et condamné à mort par des irakiens, il est exécuté le 30 décembre 2006. Les États-Unis ont

alors voulu établir des institutions démocratiques dans le pays, de même en Afghanistan, mais de nombreuses critiques

se sont élevées considérant qu’il s’agissait d’imposer des valeurs strictement occidentales à des peuples et dans des

régions où les traditions sont autres, et au mépris de ces mêmes traditions. Les critiques sont d’autant plus vives que le

pétrole irakien passe directement sous contrôle des armées américaine et britannique.

Les prisonniers d’Afghanistan et d’Irak ont pour certains été enfermés dans des prisons spéciales, en Irak à Abu

Ghraib, et à Cuba dans la prison de Guantanamo : les tortures qu’ils y ont subies ont été rapidement révélées au public,

discréditant d’autant plus les États-Unis dans leur défense de la démocratie et des droits de l’Homme.

Ces deux guerres ont été imposées par la vision des « faucons » (Colin Powell, Donald Rumsfeld, etc.), groupe de

conseillers néo conservateurs entourant le président Bush, œuvrant à un leadership global des États-Unis sur le reste

du monde. Menant une Realpolitik, ils négligent les principes et les institutions internationales.

L’opinion américaine s’est rapidement divisée, d’autant que les motifs de ces guerres ont été sérieusement remis en

doute : les armes de destruction massive n’ont jamais été trouvées, mais de nombreuses firmes américaines attendaient

d’importants bénéfices de l’occupation en Irak. Par ailleurs de nombreux américains ont critiqué le coût immense de

ces deux guerres estimé à plusieurs milliards de dollars.

Les résultats politiques sont aussi très critiqués : l’Irak est divisé, les institutions contestées, le terrorisme est toujours

actif dans le pays, et les attentats sont fréquents jusqu’à aujourd’hui. En Afghanistan, les talibans ont repris contrôle

d’une large partie du pays, et étendent à présent leur présence au Pakistan voisin.

Enfin, le discours radical porté par les États-Unis a provoqué de plus en plus de réactions de rejet, dans l’ensemble du

monde musulman, et chez les alliés traditionnels des américains.

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La confirmation par le Sénat américain des mensonges de l’administration Bush, et la victoire du camp démocrate aux

présidentielles de 2008 portant Barak Obama au pouvoir, signent l’opprobre que l’administration républicaine s’était

attirée. Même si Obama retire les troupes américaines engagées en Irak en 2011, la situation politiques instable en Irak

comme en Afghanistan remet en cause le bien-fondé de ces guerres et la politique américaine qui perpétue les

critiques à son endroit.

2. La crise du modèle économique en 2008 : une crise mondiale.

La crise économique partie des États-Unis avant de s’étendre au monde entier entre 2008 et 2010, après la faillite des

grandes banques américaines achève de mettre en cause le géant et son hyperpuissance.

La situation financière des États-Unis est celle d’un pays dont l’endettement est toujours plus impressionnant auprès

des autres puissances industrielles. Les intérêts américains dans le monde sont tels que les crédits affluent, à la fois

pour financer la dette publique de l’État et pour les particuliers ; ceux-ci sont pris dans un système consumériste dont

le crédit est la porte de sortie. En effet, pour maintenir son niveau de vie face au creusement des inégalités et à la

concurrence asiatique et européenne, la classe moyenne américaine a recours à l’emprunt qui permet de soutenir la

croissance du pays, et la production.

Or, le système s’est développé au début des années 1980 sur la déréglementation la plus étendue du marché financier,

voulue par Reagan (thèses libérales et néolibérales). L’État et les institutions financières chargées de réguler ne

contrôlent presque plus rien des bourses, des banques et des assurances. C’est dans ce contexte que les traders,

intermédiaires entre capitaux entreprises, se sont développés et ont connu un âge d’or : les golden boys des années

1980 ont contribué à diffuser l’image de la réussite du modèle économique américain.

Au début des années 2000, les ménages américains sont de plus en plus endettés et recourent toujours plus au crédit :

pour faire face à la demande toujours plus forte, et sans le contrôle de l’État, les banques vont librement inventer des

solutions complexes et dangereuses pour financer les crédits qu’elles accordent aux particuliers (crise des subprimes :

crédits immobiliers). Et en 2006, les prix de l’immobilier se tassent ce qui met en danger les banques qui ont trop prêté

d’argent. En 2007, les banques américaines et occidentales qui ont joué le même jeu sont en grande difficulté et

lorsqu’en septembre 2008, la deuxième plus grande banque américaine fait faillite, c’est tout le système qui s’effondre

et qui est remis en cause. L’État américain a, pour l’exemple, considéré qu’il ne fallait pas sauver la banque Lehman

Brothers, qui disparaît alors. Le mécanisme de la crise entraîne la faillite de nombreuses entreprises et banques dans le

monde, mais les États doivent se rendre à l’évidence et envisagent alors, pour sauver le système de la banqueroute,

renflouer les banques sur fonds publics.

Cela rappelle le mécanisme de la crise de 1929, qui voit d’abord la ruine des institutions financières avant de mettre en

difficulté les entreprises qui ne peuvent plus emprunter : l’investissement se tarit donc, la croissance ralentit fortement,

donc l’activité et la production ralentissent. La conséquence directe en est le gel, voire la baisse des salaires, et donc

une baisse de la consommation, et une hausse du chômage.

L’économie entre alors en phase de récession, qui débouche sur une crise selon l’ampleur et la durée du phénomène.

Mais en 2008, les États et les institutions financières internationales connaissent les mécanismes d’une crise et

choisissent de réagir en injectant des sommes considérables dans l’économie pour soutenir les banques et empêcher

leur faillite. Aux États-Unis, c’est le plan Paulson qui est adopté et prévoit 700 milliards de dollars aux États-Unis.

En Europe le plan adopté évalue l’aide à 1700 milliards d’Euros.

La reprise n’est entamée que depuis le milieu de 2009, mais le système financier est bien loin d’être assaini, et les

règles d’encadrement promises par les États ne sont pas encore en place : les banques continuent de spéculer librement

et les traders en tirent toujours des revenus énormes. Dans le même temps, les puissances publiques qui ont financé

l’aide, sont dans des situations d’endettement sans précédent. En Europe, plusieurs pays sont dans un état financier

critique : la Grèce fait faillite en 2010, l’Irlande suit de peu, l’Espagne a des finances jugées catastrophiques.

C’est donc la confiance que le monde accordait au système américain sensé être vertueux par l’autorégulation des

marchés qui est compromise. L’hyperpuissance trouve ici une nouvelle limite, et sort affaiblie par la crise.

Conclusion :

L’effondrement du communisme a donc permis la domination américaine pendant dix ans, au sein d’un monde

unipolaire. Mais le contexte internationale a largement évolué depuis et de nombreux pouvoirs se sont développés :

financiers, culturels, étatiques, criminels, etc. certains de ces pouvoirs sont mal connus et mal maîtrisés et restent

toujours un défi majeur à relever pour les puissances mondiales. À côté des États-Unis reviennent sur le devant de la

scène des puissances historiques dont l’influence s’étend rapidement à l’Europe et l’Asie, et amènent à un jeu

diplomatique entièrement modifié. Par ailleurs, les États ne sont plus les seules autorités, puisqu’il faut compter

désormais sur les organisations internationales, les associations d’échanges, les ONG, le pouvoir des médias reste

déterminant et se détache de la domination des États. Ainsi se crée dans le onde une sphère supranationale influente.

L’affaiblissement de l’administration américaine dans les années 2000 apparaît à la fois comme un juste rééquilibrage

des forces mais les États-Unis restent encore, avec d’autres comme l’Europe, les meilleurs garants d’institutions

internationales solides, seules capables d’établir un dialogue organisé à l’échelle mondiale.