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UNIVERSITE DE NICE SOPHIA-ANTIPOLIS Faculté de Droit, des Sciences Politiques, Economiques et de Gestion CEMAFI Centre d’Etudes en Macroéconomie et Finance Internationale THÈSE Pour obtenir le grade de Docteur en Sciences Economiques Gouvernance et croissance économique Présentée et soutenue publiquement par Ouidade CHATTI Le 11 mars 2010 devant le jury : Directeurs : M. BERTHOMIEU Claude, Professeur à l’Université de Nice M. CHTOUROU Nouri, Professeur à l’Université de Sfax, Tunisie Rapporteurs : M. ARCAND Jean Louis, Professeur à l’Institut des Hautes Etudes Internationales et du Développement, Genève M. FEKI Rochdi, Professeur à l’Université de Sfax, ESC, Tunisie Examinateurs : Mme. GLORIA-PALERMO Sandye, Professeur à l’Université de Nice M. MAROUANI Albert, Président de l’Université de Nice

Th gouvernance et croissance économique

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  • UNIVERSITE DE NICE SOPHIA-ANTIPOLIS Facult de Droit, des Sciences Politiques, Economiques et de Gestion

    CEMAFICentre dEtudes en Macroconomie et Finance Internationale

    THSEPour obtenir le grade de

    Docteur en Sciences Economiques

    Gouvernance et croissance conomique

    Prsente et soutenue publiquement par

    Ouidade CHATTI

    Le 11 mars 2010 devant le jury :

    Directeurs :

    M. BERTHOMIEU Claude, Professeur lUniversit de Nice

    M. CHTOUROU Nouri, Professeur lUniversit de Sfax, Tunisie

    Rapporteurs :

    M. ARCAND Jean Louis, Professeur lInstitut des Hautes Etudes Internationales et du Dveloppement, Genve

    M. FEKI Rochdi, Professeur lUniversit de Sfax, ESC, Tunisie

    Examinateurs :

    Mme. GLORIA-PALERMO Sandye, Professeur lUniversit de Nice

    M. MAROUANI Albert, Prsident de lUniversit de Nice

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    Remerciements

    Je voudrais avant tout remercier chacun des membres de Jury pour lhonneur quils

    mont fait de sintresser ce travail et davoir accept de lvaluer.

    Mes remerciements sadressent :

    A mes directeurs de thse, Monsieur le professeur Claude BERTHOMIEU et

    Monsieur le professeur Nouri CHTOUROU qui ont accept de co-encadrer ce travail. Je leur

    suis trs reconnaissante pour la confiance quils ont eue en moi et le temps quils mont

    consacr tout au long de llaboration de ce travail de recherche. Leurs conseils et suggestions

    ont amplement contribu laboutissement de ce travail ;

    A monsieur Jean Louis ARCAND et Monsieur Rochdi FEKI pour avoir rapport sur

    ma thse ;

    A monsieur Albert MAROUANI et Madame Sandye GLORIA-PALERMO pour avoir

    accept de participer au jury ;

    A tous les membres du CEMAFI pour leur accueil et leur disponibilit,

    particulirement, Monsieur Jean-Charles Briquet-Laugier et Mademoiselle Diane Gauffridy.

    Mes remerciements sadressent galement aux membres de ma famille qui ont

    toujours cru en moi et mont soutenue durant ces longues annes dtudes, pour tous les

    sacrifices quils ont faits, lamour et le soutien quils mont apports : mon frre Mohamed,

    ma sur Nissaf, et particulirement ma mre pour qui je nai pas t trs disponible ces

    dernires annes, et finalement mon fianc qui jexprime ma reconnaissance et mon amour

    infini et qui a t mes cots pendant les moments les plus durs de cette thse.

  • Ddicace

    A l me de mon pre

  • Sommaire

    Introduction Gnrale ........................................................................................................................................................................................ 6Chapitre 1: La Notion de Gouvernance : Emergence, Significations, et Mesures. ........................................................................................... 20

    Section 1. La Gouvernance : une notion difficile dfinir ......................................................................................................................... 23Section 2. LEmergence dune Nouvelle conomie du dveloppement : la bonne gouvernance .......................................................... 38Section 3. Les Mesures de la gouvernance................................................................................................................................................. 58

    Chapitre 2: La relation entre la gouvernance et la croissance conomique : de la thorie la pratique............................................................ 83Section 1. La place de la gouvernance et des institutions dans la thorie de la croissance ......................................................................... 87Section 2. Repres thoriques sur la gouvernance : la nouvelle conomie institutionnelle (NEI).......................................................... 97Section 3. Une synthse des travaux empiriques sur la relation entre gouvernance et performances conomiques.................................. 124

    Chapitre 3: Analyse de la qualit de la gouvernance dans le monde : une approche multidimensionnelle..................................................... 153Section 1. Aperus de quelques mthodes classiques dagrgations et de classification .......................................................................... 156Section 2. Lanalyse en composantes principales (ACP) applique aux donnes de la gouvernance ....................................................... 164Section 3. Analyse de la gouvernance laide des cartes auto-organisatrices de Kohonen ...................................................................... 174

    Chapitre 4: valuation empirique de la relation entre la qualit de la gouvernance et les performances conomiques .................................. 210Section 1. valuation des effets directs et indirects de la gouvernance sur le niveau du revenu : approche comptable de la croissance .. 214Section 2. valuation des effets de la gouvernance par lapproche conomtrique.................................................................................. 237Section 3. Evaluation des effets direct et indirects de la gouvernance sur la croissance conomique....................................................... 249

    Conclusion Gnrale...................................................................................................................................................................................... 272Annexes ......................................................................................................................................................................................................... 286

  • La facult nentend donner

    aucune approbation ni improbation aux

    opinions mises dans les thses : ces

    opinions doivent tre considres comme

  • 6Introduction Gnrale

    La relation entre la gouvernance et la croissance conomique est un thme qui suscite un

    grand intrt depuis deux dcennies tant dans la science conomique quau sein de la

    communaut internationale.

    Depuis le dbut des annes 1990, on assiste un regain dintrt pour la notion de

    gouvernance. Aujourdhui, elle est largement utilise par les organisations internationales,

    rgionales, des agences de dveloppement, des gouvernements mais aussi des conomistes.

    Cette thse porte sur la gouvernance des Etats, par opposition la gouvernance globale ou la

    gouvernance dentreprise (corporate governance). Dans ce sens, la gouvernance se rfre

    lexpression bonne gouvernance soutenue par la Banque Mondiale (BM) ds le dbut des

    annes 1990. Pour cette organisation internationale, la gouvernance correspond la capacit

    de lEtat de fournir des institutions soutenant les marchs. Elle entend par bonne

    gouvernance la fourniture effective de telles institutions. Selon la Banque Mondiale, la

    bonne gouvernance inclut la cration, la protection et le respect des droits de proprit, une

    rglementation qui encourage la concurrence, mais aussi des politiques macroconomiques

    saines et labsence de corruption (Banque Mondiale, 2002). Depuis, la notion de gouvernance

    ouvre la voie plusieurs dfinitions proposes par les organisations internationales. Chacune

    a dvelopp sa propre dfinition de la gouvernance. Malgr labsence dune approche

    commune de la notion de gouvernance, lensemble des dfinitions adoptes par ces

    institutions convergent vers un point qui est de lier la notion de la gouvernance une certaine

    efficacit de lEtat dans la gestion des affaires publiques. C'est selon cette conception, plus

    lie l'ide de gestion qu' celle de pouvoir, que la notion de gouvernance a eu un succs au

    sein des Institutions Financires Internationales. Plus prcisment, cest la dfinition propose

    par Kaufmann et Kraay (2002) qui est le plus souvent utilise dans les travaux traitant de la

    bonne gouvernance . Les auteurs la dfinissent comme le processus et les institutions par

    lesquels lautorit est exerce dans le pays pour le bien commun. Cela recouvre : le processus

    par lequel les gouvernements sont slectionns, tenus redevables, surveills et remplacs ; les

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    capacits des gouvernements grer les ressources et fournir les services efficacement, ainsi

    qu formuler et mettre en uvre de bonnes politiques et rglementations, le respect des

    institutions qui gouvernent les interactions conomiques et sociales. Cette dfinition donne un

    caractre multidimensionnel la notion de gouvernance dans la mesure o elle recouvre

    plusieurs aspects : le caractre dmocratique des institutions politiques, linstabilit politique

    et la violence, lefficacit des pouvoirs publics, le poids des rglementations, la primaut du

    droit, et enfin la lutte contre la corruption.

    La notion de gouvernance est devenue alors un lment cl des politiques de dveloppement

    et de rduction de la pauvret, principalement suite aux premires valuations des

    programmes dajustement structurels. En effet, depuis cinquante ans, les politiques de

    dveloppement passent dun paradigme un autre. Les thories du dveloppement ont, selon

    les poques, mis laccent sur les carences et les succs du march, prsent lEtat comme un

    acteur volontariste ou un acteur passif, et encourag tour tour les mrites de louverture au

    commerce extrieur, de lpargne et de linvestissement, de lducation et de la diffusion du

    savoir, de la stabilit financire et macroconomique. Les dveloppements prcdents se sont

    inscrits essentiellement sur laxe Etat-march en supposant que ce sont les deux seules formes

    de coordinations dans les conomies. Comme lune et lautre ont rencontr des limites, voire

    des checs dans leur application, une faon de rconcilier ces deux approches consiste

    rechercher une combinaison optimale entre mcanismes de march et coordination par les

    pouvoirs publics (Boyer 2001) : la gouvernance. Cette notion apparait dans lconomie du

    dveloppement pour renouveler le dbat existant entre Etat et march, tout en tenant en

    compte dun nouveau facteur, les institutions et du niveau de leur application. Au cours de

    leur dveloppement, les courants de pense nont pas pris en considration les facteurs non

    conomiques du dveloppement et se sont plus concentr sur des aspects techniques et

    physiques du dveloppement comme le capital physique et humain. Les checs des stratgies

    de dveloppement passes sont imputs aux carences de la gouvernance et le rle des

    organisations internationales, charges de promouvoir le dveloppement, devraient

    encourager la mise en place de bonnes institutions et de leur application effective. La

    notion de gouvernance se trouve donc au cur des dbats sur les stratgies de dveloppement

    et fortement lie la question des institutions.

    La thorie de la croissance qui a t labore dans les annes 50 et 60, souligne la ncessit

    daccumuler des facteurs de production (capital et travail) et daccrotre la productivit avec

    laquelle ces facteurs sont utiliss. En effet, laccumulation des facteurs de production ne peut

    plus tre considre comme le principal moteur de croissance, mais il existe un autre lment

  • 8qui peut tre le vritable moteur de la croissance : la productivit totale des facteurs (PTF). Il

    semble alors que ce qui importe pour la croissance, ce nest pas seulement la quantit des

    facteurs de production accumuls par le pays mais cest surtout la manire avec laquelle il

    combine ces facteurs. Paralllement, les estimations empiriques des dterminants de la

    croissance ont montr linsuffisance des seules variables conomiques pour expliquer les

    diffrentiels de performances conomiques entre pays. Ce qui a pouss les politistes et les

    conomistes porter leur rflexion sur la qualit de la gouvernance et des institutions pour

    expliquer la croissance. Si laugmentation des quantits de capital et de travail a un impact

    positif sur la croissance, quest ce qui permet (ou non) la mobilisation de ces facteurs de

    production et quest ce qui rend cette mobilisation efficace (ou non) long terme ? La

    Nouvelle Economie Institutionnelle (NEI) est alors intervenue principalement avec les

    travaux de North (1990) pour apporter une rponse ces questions. On parle aujourdhui dun

    nouveau consensus au sein de lconomie du dveloppement et de la croissance conomique.

    Cest un consensus qui est plus large que les anciens et qui va prendre en compte dans

    lanalyse du dveloppement et de la croissance, des facteurs non seulement conomiques mais

    des facteurs politiques et institutionnels.

    Lintrt pour les institutions et leur rle dans la croissance conomique sest dvelopp avec

    les travaux de la Nouvelle Economie Institutionnelle. On assiste aujourdhui une nouvelle

    version de lconomie standard noclassique (Clague 1997), notamment avec la prise en

    compte des notions de cots de transaction et dinformation imparfaite en conomie. La

    question de recherche principale que se pose North est la suivante : quest ce qui permet une

    conomie, une poque donne, de connatre la croissance conomique ? Sa thse est que ce

    sont les institutions qui garantissent cette croissance conomique, car elles permettent de

    rduire les cots de transaction entre les individus et assurent donc le bon fonctionnement des

    marchs : I wish to assert a much more fundamental role for institutions in societies; they

    are the underlying determinant of the long-run performance of economies (North 1990,

    p.20). Le modle de North a pour point de dpart thorique la microconomie, mais dans un

    cadre qui diverge sensiblement de celui de lconomie noclassique. North sinspire en

    particulier de trois champs thoriques qui constituent aujourdhui les fondements de la NEI.

    La premire thorie que North reprend son compte est celle des cots de transaction. Il

    explique que la baisse des cots de transaction est un des facteurs principaux daugmentation

    de la croissance conomique. De ce fait, ltude de la mise en place des institutions simpose.

    Pour cela, North utilise la thorie conomique des droits de proprit. Il sinspire donc et en

    second lieu, de la thorie conomique du droit de proprit quil emprunte des auteurs

  • -9-

    comme Alchian et Demsetz (1972). North montre quun systme de droits de proprit bien

    dfini peut tre un facteur de croissance conomique. Une socit sera dautant plus

    innovatrice et porte sur la croissance que son systme de droits de proprit prcise les droits

    dexclusivit de chacun, en assure la protection effective, et rduit le degr dincertitude qui

    pse sur les possibilits de gains supplmentaires offerts par linnovation. Pour affiner son

    analyse, North introduit les sciences politiques dans son modle. Il dmontre notamment que

    certains rgimes politiques favorisent plus que dautre la croissance conomique, et cela par

    lintermdiaire dinstitutions complexes quil convient dtudier prcisment.

    Lanalyse de North de limportance des institutions pour la croissance a beaucoup marqu les

    conomistes de la priode. Aujourdhui, il est largement admis que ce sont les institutions qui

    dterminent les performances des conomies nationales. Les institutions entrent dans la

    catgorie des facteurs qualitatifs de la croissance et du dveloppement. North (1990) affirme

    que : "les pays du tiers monde sont pauvres parce que les contraintes institutionnelles qui

    dfinissent un ensemble de cots pesants sur les politiques conomiques nencouragent pas

    l'activit productive1 . Cette dcouverte de la dimension institutionnelle du processus de

    croissance, et donc du rle consquent des institutions, ne saurait tre nglige. Les

    institutions ne peuvent plus tre cartes de lanalyse de la croissance. Les Institutions

    Financires Internationales, et plus prcisment la Banque Mondiale apportent une rponse

    la question de limportance des institutions pour les performances conomiques en proposant

    un cadre oprationnel : la bonne gouvernance . La gouvernance est prsente comme

    solution permettant dassurer la scurit des transactions ncessaire la croissance

    conomique. La Nouvelle Economie Institutionnelle et les travaux de North (1990)

    fournissent alors un cadre thorique et analytique ltude du rle de la gouvernance dans

    lamlioration des performances conomiques. Ces travaux constituent donc la principale

    base thorique partir de laquelle sinspire le modle de bonne gouvernance tel quil est

    propos par la Banque Mondiale. Limportance de la NEI a t confirme par lattribution du

    prix Nobel dconomie dabord en 1991 Ronald Coase puis Douglas North, en 1993 et

    rcemment Olivier Williamson en 2009.

    Cette nouvelle doctrine des Organisations Internationales se fonde sur de nombreux travaux

    empiriques qui mettent en vidence les consquences positives de la bonne gouvernance

    sur les performances conomiques. On retrouve, dune part, les travaux empiriques sous

    formes dtudes en coupes transversales de la croissance qui cherchent tablir une relation 1 Dans North (1990) page 20, Third world countries are poor because the institutional constraints define a set of payoffs to

    political/economic activity that do not encourage productive activity.

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    entre la gouvernance et la croissance conomique. La majorit de ces travaux concluent un

    lien positif et significatif entre la gouvernance et les performances conomiques. Toutefois, la

    majorit de ces travaux traitent leffet global de la gouvernance sur la croissance et ne

    montrent pas comment elle peut affecter la croissance. Ces travaux traitent les institutions

    comme une boite noire et ne mettent pas en lumire les mcanismes exacts travers

    lesquels les institutions affectent rellement la croissance. La majorit des tudes empiriques

    utilisent des modles de croissance de forme rduite qui ne permettent pas de dtecter les

    diffrents canaux dinfluence. Dautre part, des travaux empiriques utilisant des modles de

    croissance de type Solow (1956) et Mankiw, Romer et Weil (1992) ont permis en quelque

    sorte de dtecter certains canaux. En effet, les canaux travers lesquels la bonne (mauvaise)

    gouvernance entraine une forte (faible) croissance conomique sont probablement trop

    nombreux mais pas totalement identifis.

    Le premier type de travaux que nous appelons tudes de premire gnration vise

    expliquer pourquoi la qualit des institutions varie selon les pays, et quel type de facteurs peut

    tre responsable d'une telle disparit. Plus prcisment, ils visent tester lhypothse de North

    1990 sur limportance des droits de proprit et des cots de transactions dans la

    dtermination des performances conomiques. Une caractristique commune lensemble de

    ces travaux, est dtudier limpact des institutions sur les performances conomiques sans

    faire explicitement rfrence au concept de gouvernance. En effet, dans ces tudes de

    premire gnration , on ne parlait pas encore de gouvernance mais dinstitutions et ce nest

    qu partir des travaux de Kaufmann et al. (1999) quon a commenc parler de relation

    gouvernance et croissance. La plupart des travaux introduisent un large ventail dindicateurs

    de la qualit des institutions comme variables proxys de la gouvernance dans un pays (la

    garantie des droits de proprit chez Knack et Keefer (1995), le risque dexpropriation chez

    Acemoglu, Johnson et Robinson (2001), linstabilit politique chez Scully (1988), Fosu

    (1992), Olson (1996), la corruption chez Mauro (1995), la dmocratie chez Barro (1996)).

    Malheureusement, certaines dimensions de la gouvernance sont ignores dans les tudes sur

    les dterminants de la croissance et, quand elles sont reprsentes par des variables proxys,

    elles sont probablement incapables de reprsenter pleinement la notion de gouvernance. La

    deuxime catgorie dtudes que nous appelons tudes de seconde gnration , est

    consacre la faon dont la gouvernance et les variables institutionnelles affectent la

    croissance conomique et le revenu par tte ; en dautres termes, elles visent dterminer les

    canaux travers lesquels la gouvernance affecte la croissance. Ce qui caractrise cette

    littrature cest quelle va chercher combler la limite des travaux de premire gnration en

  • -11-

    introduisant dune manire explicite le concept de gouvernance comme hypothse de base de

    leur travail conomtrique et donc une tentative dintroduction explicite des indices

    synthtiques pour aborder la notion de gouvernance dans sa totalit. Toutefois, ces travaux

    arrivent souvent des conclusions htrognes et qui ne vont pas dans le mme sens. Cela

    pourrait tre d aux indicateurs agrgs utiliss dans ces travaux qui sont souvent construits

    dune manire arbitraire sans pour autant tudier les difficults de construction des indicateurs

    composites. Cela pourrait tre d galement la diversit des mesures institutionnelles que les

    auteurs cherchent intgrer dans leur indicateur de gouvernance. Cela pose alors la question

    de la construction des indicateurs composites.

    Justement, ce travail tente de combler cette lacune toute en accordant un intrt particulier

    lanalyse des interactions entre la gouvernance et la croissance conomique. Les articles

    acadmiques consacrs aux relations entre la gouvernance et la croissance conomique

    sorganisent autour de trois problmatiques.

    La premire sintresse limpact direct de la qualit de la gouvernance sur la croissance

    conomique. Dune part, la gouvernance est suppose avoir des consquences positives sur le

    niveau du revenu (Hall and Jones (1999), Acemoglu, Johnson, et Robinson (2001), Easterly

    and Levine (2003), et Rodrik, Subramanian, et Trebbi (2002)), sur le taux de croissance de

    lconomie (Knack et Keefer (1995), Acemoglu, Johnson, et Robinson (2001), Gwartney,

    Holcombe et Lawson (2004) et Weede (2006)). Dautre part, certains montrent quelle na

    aucun impact sur la croissance, mais uniquement sur le niveau du revenu (Meiseil et Ould

    Aoudia 2007), voire un impact ngatif (Quiberia 2002).

    La deuxime problmatique est lie aux effets indirects de la gouvernance, plus prcisment

    aux canaux de transmission de la gouvernance sur la croissance qui ne sont pas toujours

    clairement identifis. Hall et Jones (1999) trouvent que les institutions ont un impact

    quantitatif sur de laccumulation des facteurs limit par rapport celui de la productivit

    totale des facteurs. Au contraire, Rodrik et al (2002) trouvent que les institutions ont un

    impact quantitatif beaucoup plus important sur laccumulation du capital physique que sur la

    productivit totale des facteurs. Eicher et al (2006) trouvent que le principal rle des

    institutions est dencourager laccumulation des facteurs de production.

    La troisime problmatique porte sur la mesure de la gouvernance et sur les tentatives

    dagrgation des critres rattachs cette notion pour pouvoir lanalyser et lintgrer dans les

    modles de croissance. Lattention croissante porte la bonne gouvernance depuis le dbut

    des annes 1990 a donn naissance un grand nombre de tentatives visant quantifier et

    mesurer cette notion multidimensionnelle, notamment dans le but daider la conception des

  • 12

    rformes mais surtout de dterminer ses consquences conomiques. Aujourdhui, il est

    possible de compter prs de 160 bases de donnes ou dindicateurs permettant dclairer

    divers aspects de la gouvernance. Il sagit gnralement dvaluations subjectives produites

    par des agences prives de notation du risque, des organisations multilatrales, des centres de

    recherche ou encore des organisations non gouvernementales. Toutefois, la gouvernance est

    un concept large et multidimensionnel et elle ne peut pas tre rduite une seule de ses

    dimensions. Llaboration d'indicateurs composites de gouvernance ncessite alors le recours

    des mthodes dagrgation et de classification. Le concept de gouvernance a dj fait lobjet

    de plusieurs tentatives dagrgation pour construire un indice synthtique. Certains auteurs

    utilisent une moyenne simple pour construire un indice de gouvernance global, limage des

    travaux de Knack et Keefer (1995), largis par Hall et Jones (1999) par la suite. Kauffman,

    Kraay et Mastruzzi (2005) utilisent le modle composantes inobservables pour construire

    leur indicateur global de gouvernance. Scully (1992), Alesina et Perotti (1994) utilisent la

    mthode dAnalyse en Composantes Principales (ACP) pour construire des indices de liberts

    politiques et conomiques. Toutefois, ces techniques dagrgation prsentent de nombreuses

    difficults mthodologiques et des erreurs de mesure. La majorit de ces techniques

    dagrgation sont souvent lorigine de pertes dinformations, lors de lagrgation, ce qui

    rend les indicateurs obtenus peu pertinents pour reprsenter le concept de gouvernance. De

    mme, il faut noter la question lie au choix de la pondration des variables qui forment

    lindicateur composite pose des problmes trs dlicats. Le choix du vecteur de pondration

    des sous variables qui forment lindicateur composite est une tape trs importante dans sa

    construction. Il reflte la contribution de chaque variable dans lindicateur composite. Le

    problme qui se pose ici est li aux choix des poids relatifs des diffrentes variables mais

    aussi de lhomognit ou de lhtrognit de ces pondrations pour tous les individus. En

    rgle gnrale, les composantes de la gouvernance sont simplement considres avoir le

    mme poids pour tout lchantillon, ce qui peut constituer un rel problme de sa pertinence

    et de sa crdibilit. Nous sommes alors dans le besoin de disposer doutils pertinents de

    lanalyse des donnes pour pouvoir tudier, rsumer et reprsenter les diffrentes dimensions

    de la gouvernance.

    Lune des caractristiques de cette thse est limportance quelle accorde la quantification

    de la gouvernance et sa relation empirique avec la croissance conomique. En outre, une

    attention particulire a t accorde la construction dun indicateur composite capable de

    rsumer lensemble des volets de la gouvernance et de lintgrer dans une rgression de

    croissance pour pouvoir distinguer les effets directs et indirects de la gouvernance sur la

  • -13-

    croissance conomique. Nous accordons galement une importance particulire lanalyse de

    la robustesse de nos rsultats en effectuant diffrents tests, allant du test de Belsley-Kuh-

    Welsch (1980) qui proposent de mesurer linfluence de chaque observation sur lestimation

    des paramtres dune rgression, jusquaux rgressions quantiles, en passant par la mthode

    des limites extrmes ou encore de lExtreme Bound Analysis (EBA). L'objet de cette

    dernire mthode est de mener bien les rgressions dans le but de tester la sensibilit de la

    variable dpendante (le taux de croissance du PIB par habitant) aux petits changements

    introduits dans les diffrentes spcifications du modle avec diffrentes combinaisons des

    variables indpendantes. Le recours aux rgressions quantiles permet de prendre en compte

    lhtrognit de la relation gouvernance-croissance suivant le niveau mme du taux de

    croissance. Cette technique est employe, notre connaissance, pour la premire fois dans

    ltude de la relation entre gouvernance et croissance.

    La thse se compose de quatre chapitres. Dans le premier chapitre, nous nous intresserons

    la dfinition de la notion de gouvernance et ses diffrentes mesures. En effet, la notion de

    gouvernance se prsente aujourdhui comme un buzzwords (mots la mode) qui fait appel

    diverses disciplines des sciences sociales et des sciences humaines : philosophie, conomie,

    science politique, administration publique, tude des organisations, tude du dveloppement,

    relations internationales etc. Elle peut tre dfinie de diffrentes manires, et sa

    signification diffre certainement quand on parle de gouvernance locale, de gouvernance

    urbaine, de gouvernance d'entreprise, de gouvernance nationale ou encore de gouvernance

    mondiale. Cette multitude de dfinitions fait de la gouvernance un terme polysmique. Le

    terme est en effet dfini et entendu aujourdhui de manire diverse et parfois contradictoire,

    chaque entit lui donnant un contenu en fonction de ses orientations et de ses objectifs

    propres. Il nexiste pas de dfinition unique de la gouvernance qui fasse lobjet dun

    consensus. Pour mieux apprhender le sens donn la gouvernance, il est utile de remonter

    lorigine du concept ainsi qu ses diffrentes significations, tout en faisant la distinction entre

    les diffrents concepts de gouvernance qui existent, savoir la gouvernance dentreprise, la

    gouvernance mondiale, et se concentrer sur la gouvernance publique. Ensuite, les raisons pour

    lesquelles la notion de gouvernance est devenue prsente dans lconomie du dveloppement

    seront exposes. En effet, jusqu'au dbut des annes 1990, le terme de gouvernance tait

    rarement utilis par conomistes du dveloppement et les dcideurs politiques. Depuis, il y a

    eu une prise de conscience que la structure de la qualit de la gouvernance dun pays est un

    facteur dterminant de sa capacit assurer un dveloppement conomique et sociale

    soutenable. La notion de gouvernance pose, en quelque sorte, dune manire nouvelle, la

  • 14

    problmatique des liens entre Etat et march. L'augmentation spectaculaire de lintrt pour la

    gouvernance et ses consquences conomiques, a accompagn le besoin d'valuer ses

    diffrentes dimensions. De nombreuses agences nationales et internationales ont cherch

    mesurer la qualit de la gouvernance dans le monde. Aujourd'hui, mesurer la gouvernance est

    important, tant au niveau de la politique nationale qu celui des relations conomiques

    internationales ou encore pour les chercheurs spcialistes du dveloppement et de la

    croissance. Ceci a entrain une progression remarquable des bases de donnes ou

    d'indicateurs permettant d'clairer divers aspects de la gouvernance. Les indicateurs les plus

    utiliss, parmi les centaines qui sont apparus, sont des indicateurs composites et sont

    construits partir denqute ou de sondages dexperts. Ces donnes sont, en gnral fondes

    sur des perceptions et sont donc subjectives. Elles sont principalement critiqus en tant que

    telles. Nous prsenterons donc une revue des indicateurs de gouvernance les plus utiliss dans

    la recherche acadmique, tout en relevant leurs diffrentes limites auxquelles les utilisateurs

    se trouvent confronts.

    Dans le deuxime chapitre, nous proposerons une synthse de la littrature thorique et

    empirique qui existe sur la relation entre la gouvernance et la croissance conomique. Depuis

    Smith (1776) la question de la croissance des conomies constitue lune des proccupations

    centrales de la recherche conomique. Les modles thoriques auxquels on se rfre

    gnralement lorsquon aborde les questions de la croissance conomique, sont ceux de

    Solow (1956) et Swan (1956). Ces derniers sinscrivent dans le cadre du corpus de la thorie

    noclassique, qui fera de nombreux concurrents (Koepmans (1956), Cass (1965)), jusquau

    milieu des annes 60. Nous montrons que la question des institutions n'est pas aborde dans

    lanalyse noclassique de la croissance. Lhypothse que la production est donne par la

    disponibilit des facteurs de production et la technologie, fait que lon suppose implicitement

    quil y a optimalit des institutions et de la gouvernance. Il ny a pas de place pour la

    contradiction ou le conflit, ni pour une quelconque forme dorganisation collective des agents.

    En effet, la thorie noclassique standard nglige les rapports sociaux et toute forme de

    disposition institutionnelle et sattache identifier les mcanismes spcifiquement

    conomiques du processus de croissance, rejetant ainsi la marge de la rflexion conomique

    les dimensions politiques et institutionnelles. Nous verrons par la suite, que ce nest quavec

    la nouvelle thorie de la croissance endogne quon commence avoir une reconnaissance

    des facteurs institutionnels dans le processus de croissance, notamment avec la

    reconnaissance du rle de lEtat. Toutefois, le paradigme de la croissance endogne accorde

    une attention rduite aux institutions qui accompagnent le processus de croissance. En effet,

  • -15-

    les institutions nont pas fait lobjet dune modlisation, mais les thoriciens confortent la

    proposition de la pertinence dun environnement institutionnel de lactivit conomique, en

    particulier en considrant, que leffet de laccumulation des facteurs productifs est port par

    un environnement institutionnel implicite. Les facteurs institutionnels et politiques ne sont pas

    intgrs dune manire formelle dans les modles de croissance. Nous accorderons ensuite

    une attention particulire la thorie de la Nouvelle Economie Institutionnelle et en

    particulier lapport des travaux de North dans lconomie de la croissance. Nous montrerons

    que ces recherches constituent la principale base thorique partir de laquelle sinspire le

    modle de bonne gouvernance tel quil est propos par la Banque Mondiale. Enfin nous

    prsenterons une synthse des travaux empiriques qui se sont intresss la relation entre la

    qualit des instituions ou encore de la gouvernance et la croissance conomique. Le but est

    dexaminer les rsultats de la littrature empirique sur la relation entre la gouvernance et la

    croissance conomique, tout en discutant de leur validit et de leurs limites. En effet, les

    travaux empiriques sur la relation entre la gouvernance et la croissance se sont multiplis au

    cours des annes 1990, notamment avec lapparition d'un nombre croissant dindicateurs

    subjectifs sur les mesures des diffrentes dimensions de la gouvernance. Nous avons choisi de

    classer des travaux en deux types bien quil soit difficile de le faire en raison de l'utilisation de

    mthodes et de bases de donnes rarement semblables. Deux types de travaux sont

    distingus : les tudes de premire gnration et les tudes de deuxime gnration . Le

    premier type de travaux a permis dapporter de nombreux rsultats qui ont appuy les

    principales conclusions des travaux thoriques sur limportance de la gouvernance et des

    institutions pour le dveloppement conomique. On ne manquera pas de soulever les limites

    de ces travaux. Ces limites portent, dune part, sur les mthodes conomtriques utilises et la

    nature des donnes de la gouvernance utilises, mais aussi sur le manque didentification des

    mcanismes exacts travers lesquels la gouvernance affecte la croissance. Les effets de la

    gouvernance doivent tre reprs par l'intermdiaire de leur impact sur l'accumulation des

    facteurs (effet indirecte/quantitatif) et/ou sur la productivit (effet directe/qualitatif). Une

    nouvelle gnration dtudes empiriques tente dtudier la faon dont les institutions affectent

    la croissance. Les conclusions de cette littrature sont souvent identiques sur le rle positif de

    la gouvernance sur les performances conomiques mais souvent htrognes quant

    lidentification des canaux de transmission.

    Nous soulignerons galement que, malgr une littrature relativement abondante sur les effets

    positifs de la gouvernance sur la croissance, des critiques ont ts souleves sur lexistence

    effective de cette relation, notamment quand il sagit de citer des conomies telles que celles

  • 16

    de la Chine ou lInde qui ne cessent de croitre malgr une qualit de gouvernance faible. En

    effet, hormis lapproche de la bonne gouvernance dfendue par la Banque Mondiale, il existe

    une seconde approche, qui nest pas trs populaire dans le milieu acadmique, appele

    approche htrodoxe de la gouvernance . Elle examine la relation entre la gouvernance et les

    performances conomiques et sintresse principalement lanalyse des systmes

    conomiques relatifs chaque pays. Face cette approche, nous proposerons alors une vision

    de la gouvernance qui va permettre de concilier les deux approches : la gouvernance

    effective . Nous adopterons une approche flexible de la gouvernance librale qui suggre

    qu'il n'existe pas de modle universel qui permette d'assurer une gouvernance efficace pour le

    dveloppement conomique. Les dcideurs politiques doivent sengager appliquer

    effectivement les programmes de gouvernance et formuler des politiques tournes vers la

    croissance en fonction du contexte de chaque pays, de son niveau de dveloppement, de ses

    capacits existantes, du contexte international dans lequel ils se situent. Il faut quil y ait un

    engagement effectif de lEtat pour tenir ses engagements politiques. Nous proposerons notre

    propre dfinition de gouvernance ainsi que la structure de gouvernance qui en dcoule.

    Dans le troisime chapitre, nous nous intresserons la quantification de la notion de

    gouvernance. Notre objectif principal est la construction dun indicateur composite de

    gouvernance afin de lintgrer dans les rgressions de croissance. Un travail prliminaire la

    construction de cet indicateur, simpose. Il serait utile de visualiser la gouvernance, entre les

    pays, par le biais dune projection dans lespace de lensemble des composantes de la

    gouvernance qui forment notre indicateur composite. Cette tape est essentielle pour avoir

    une ide sur la nature des systmes de gouvernance dans le monde mais aussi pour identifier

    les facteurs institutionnels qui participent lamlioration ou la dtrioration de ces

    systmes de gouvernance. Pour synthtiser des donnes multidimensionnelles, nous

    disposons, en gnral, de deux grands groupes de techniques classiques : les mthodes

    factorielles (lAnalyse en Composantes Principales (ACP) et lAnalyse Factorielle des

    Correspondances (AFC), lAnalyse des Correspondances Multiples (ACM)) et les mthodes

    de classification (la Classification Hirarchique et la Mthode des Centres Mobiles (cf.

    Cottrell et al (2003)). Depuis les annes 80, de nouvelles mthodes, bases sur lintelligence

    artificielle, sont apparues pour complter ces techniques, elles sont connues sous le nom de

    mthodes neuronales . Ces mthodes seraient capables de traiter des bases de donnes de

    grande taille, ayant une structure non linaire et par consquent mal exploites par les outils

    traditionnels. Pour conduire notre approche multidimensionnelle, nous appliquerons deux

    types doutils : lAnalyse en Composante Principale (ACP) et les rseaux de neurones, plus

  • -17-

    prcisment les cartes auto-organisatrices de Kohonen (Self Organisation Maps : SOM) pour

    125 pays observs en 2006. Cette dernire mthode permet une meilleure visualisation de la

    qualit de la gouvernance travers le monde mais galement de dterminer les dimensions de

    la gouvernance qui importent le plus dans chaque rgion du monde. Lapplication de lACP

    va nous permettre, dans un premier temps, davoir une projection des pays selon leurs

    ressemblances en matire de gouvernance, et donc de pouvoir constituer des groupements de

    pays ; dans un deuxime temps, de dterminer les variables de gouvernance les plus

    prpondrantes pour expliquer les diffrences des systmes de gouvernance entre pays ; dans

    un troisime temps, de dterminer un indicateur synthtique partir de la premire

    composante principale. La dtermination de lindicateur agrg nous permettra davoir un

    classement des pays selon la qualit de leur gouvernance. Nous poursuivrons notre

    exploration des donnes moyennant les rseaux de neurone et plus prcisment les Cartes

    Auto Organisatrices de Kohonen. Linitialisation de lalgorithme de Kohonen va nous

    permettre dobtenir, dans un premier temps, une premire projection des pays sous forme de

    carte compose de neurones ou de cellules que nous appellerons Carte Optimale de la

    Gouvernance . Cette projection seffectue de telle sorte que les pays qui prsentent des

    caractristiques semblables soient regroups dans la mme classe. Dans un deuxime temps,

    nous exploiterons ces rsultats pour avoir un regroupement plus spcifique des pays, en

    appliquant un algorithme de classification appel K-MEANS (K-MOYENNES). Nous irons

    encore plus loin dans lexploitation des rsultats de notre SOM en essayant de reprer pour

    chaque rgion de la carte, les variables qui ont le plus particip au dveloppement de la

    gouvernance et celles qui sont lorigine de son retard, en utilisant la carte des poids

    synaptiques. Une dernire mthode dexploitation des Cartes Auto Organisatrices est due au

    travail de Chtourou et Ffki (2008). Ces derniers font une extension judicieuse des cartes

    auto-organisatrices pour en tirer une nouvelle mthode dagrgation baptise Chtourou-Feki

    Aggregation and Ranking method: C-FARm 2 ; loriginalit de cette mthode rside dans

    lutilisation de pondrations spcifiques et dtermines dune manire objective grce un

    processus dapprentissage itratif pour construire un indicateur composite de gouvernance.

    Cette mthode prsente un avantage majeur, par rapport aux mthodes classiques

    dagrgation, dans la mesure o les pondrations de chaque variable qui forment lindicateur

    vont tre spcifiques chaque pays. Le classement des pays selon leur qualit de gouvernance

    obtenu par cette mthode sera compar avec celui obtenu par lACP. 2 Modle ayant obtenu lAttestation dAcceptation de Dpt (n298/2008) de lOrganisme de Protection des Droits de Proprit (WIPO-

    OTPDA) : CHTOUROU-FEKI AGGREGATION AND RANKING method (C-FARm)

  • 18

    Enfin, dans le quatrime chapitre, nous effectuerons une tude conomtrique de la relation

    entre la gouvernance et la croissance conomique. Notre dmarche empirique est motive par

    une tentative de dpassement des carences des anciens travaux empiriques sur la relation entre

    gouvernance et croissance. Nous allons pouvoir vrifier sil existe bien une relation entre la

    gouvernance et le taux de croissance conomique. Nous accordons un intrt particulier

    lidentification des mcanismes travers lesquels la gouvernance affecte la croissance

    conomique. La gouvernance toute seule ne peut pas promouvoir la croissance et ses effets

    doivent oprer par l'intermdiaire de leur impact sur l'accumulation des facteurs (effets

    indirects) et/ou sur la productivit (effets directs). En effet, la spcification des modles

    empiriques utiliss dans les travaux ignore souvent leffet sur laccumulation des facteurs

    dans la mesure o les rgressions sont le plus souvent spcifies dans le cadre de la forme

    simple du modle de Solow augment. Cela capture uniquement leffet marginal des variables

    institutionnelles sur la croissance, effet appel dans la littrature effet direct . Plus

    prcisment, cet effet traduit leffet de la gouvernance (institutions) sur la productivit des

    facteurs ou encore lefficacit productive, souvent not comme suit A dans le modle de

    croissance de Solow. En gnral, les effets indirects ne sont pas toujours pris en compte, voire

    sont ignors la plupart du temps. Nous insisterons sur le fait que ltude du rle de la

    gouvernance dans la croissance conomique doit tre affine et traite avec prcaution,

    notamment travers lutilisation de mthodes adquates. Cest sur cette voie que nous nous

    baserons pour traiter de cette relation. Lobjectif de ce quatrime chapitre est dessayer d'aller

    de l'avant en termes d'une meilleure comprhension de la gouvernance et de son rle dans

    lamlioration des performances conomiques, tout en adoptant les mesures conomtriques

    ncessaires pour contourner les limites dj souleves. Notre travail empirique se distingue

    largement des anciens travaux et ceci plusieurs niveaux. Premirement, au niveau de la prise

    en compte des effets indirects de la gouvernance sur la croissance et au niveau de la mesure

    de la gouvernance utilise. La gouvernance est mesure par deux indicateurs composites

    construits partir de deux mthodes diffrentes, savoir lACP et CFAR. Deuximement, au

    niveau de la vrification de lexistence de cette relation, en faisant la distinction entre une

    tude entre la gouvernance et le niveau du revenu et entre la gouvernance et le taux de

    croissance conomique. Troisimement, au niveau lapproche empirique employe : afin de

    dterminer les effets directs et indirects de la gouvernance, nous combinons deux mthodes,

    savoir, lapproche comptable de la croissance et lapproche conomtrique. Quatrimement,

    au niveau de la robustesse des rsultats : afin davoir des rsultats robustes, nous appliquons

    plusieurs tests de robustesse, par exemple, la mthode des limites extrmes ou encore de

  • -19-

    lExtreme Bound Analysis , la rgression quantile permet de prendre en compte

    lhtrognit de lchantillon tudi. Cela va nous permettre de savoir si les effets de la

    gouvernance sont htrognes suivant le niveau mme du taux de croissance conomique.

  • -20-

    Chapitre 1: La Notion de Gouvernance : Emergence, Significations, et Mesures.

  • -21-

    Introduction

    L'objectif de cette thse tant la relation entre la gouvernance et la croissance conomique, il

    semble opportun d'amorcer ce travail par une prsentation de la notion de gouvernance ainsi

    que de ses diffrentes mesures. Un tel exercice est essentiel, dans la mesure o il va nous

    permettre de justifier le type de gouvernance laquelle on fait rfrence dans ce travail. Une

    tude des diffrentes significations et mesures de ce concept apporte un premier clairage

    ncessaire une meilleure comprhension de la problmatique tudie.

    La notion de gouvernance se prsente aujourdhui comme un terme fourre-tout qui fait

    appel diverses disciplines des sciences sociales et des sciences humaines : philosophie,

    conomie, science politique, administration publique, tude des organisations, tude du

    dveloppement, relations internationales etc. Elle peut tre dfinie de diffrentes manires,

    et sa signification diffre certainement quand on parle de gouvernance locale, de gouvernance

    urbaine, de gouvernance d'entreprise, de gouvernance nationale ou encore de gouvernance

    mondiale. Cette multitude de dfinitions fait de la gouvernance un terme polysmique. Le

    terme est en effet dfini et entendu aujourdhui de manire diverse et parfois contradictoire,

    chaque entit lui donnant un contenu en fonction de ses orientations et de ses objectifs

    propres.

    En effet, cette notion de gouvernance est devenue, depuis peu, lun des vocables les plus

    employs sur la scne internationale en gnral et dans les questions portant sur la

    coopration et le dveloppement, en particulier. Pour certains spcialistes, elle serait mme

    entre dans la fameuse catgorie des mots-valises ou encore buzzwords (mots la mode)

    qui animent les dbats et fondent les actions portant sur le dveloppement. Pierre et Peters

    (2000) avancent plusieurs raisons explicatives ce grand intrt : les crises financires des

    Etats, le changement idologique du politique vers la sphre marchande comme espace de

    rgulation, la globalisation, avec le dveloppement des institutions transnationales et la

    monte en puissance dacteurs non tatiques, les critiques envers lEtat et ses checs dans la

    gestion des problmes collectifs, lmergence dune nouvelle gestion de laction publique, le

    changement social et les complexits croissantes, limportance grandissante accorde aux

    modes de rgulation lchelon rgional et international.

    Faisant partie du vocabulaire usuel des institutions financires multilatrales depuis le milieu

    des annes 90, la bonne gouvernance sappuie essentiellement sur lintroduction de

  • -22-

    nouvelles rformes non plus conomiques et financires mais institutionnelles, visant non

    seulement la rforme de lEtat mais aussi le mode de fonctionnement des marchs. Cette

    notion de gouvernance nest devenue vritablement opratoire et na t effectivement

    introduite dans lanalyse du fonctionnement des pays en dveloppement qu' la suite des

    premires valuations des programmes dajustement structurel (PAS). Depuis, elle est devenu

    un concept dominant dans la gestion des affaires publiques.

    L'augmentation sensible de lintrt pour la gouvernance et ses consquences conomiques

    dans les pays en dveloppement, a aliment le besoin d'valuer ses diffrentes dimensions.

    Fidles au principe que lon ne peut grer ou contrler que ce que lon peut quantifier, de

    nombreuses agences nationales et internationales ont cherch mesurer la qualit de la

    gouvernance dans le monde surtout aprs linitiative prise dans ce sens par lInstitut de la

    Banque Mondiale. Aujourdhui, la mesure de la gouvernance est importante, tant du point de

    vue de la politique nationale que de celui des relations conomiques internationales ou encore

    de la recherche en sciences conomiques et politiques. Une large gamme d'indicateurs

    internationaux a t dveloppe pour essayer d'clairer divers aspects de la gouvernance.

    Aujourdhui, il est possible de compter prs de 160 bases de donnes ou dindicateurs

    permettant dvaluer divers aspects de la gouvernance. Il sagit gnralement dvaluations

    subjectives produites par des agences prives de notation du risque, des organisations

    multilatrales, des centres de recherche ou encore des organisations non gouvernementales.

    Les donnes les plus utilises dans le milieu acadmique et par les organisations

    internationales sont celles de lagence prive de notation du risque, The Political Risk Service

    Group (PRS) et celles de la Banque Mondiale (World Wide Governance Research Indicators).

    Les opinions sont trop peu optimistes quant lutilisation de ces indicateurs. En effet, selon

    une tude du centre de dveloppement (OCDE 2006) intitule les indicateurs de

    gouvernance : usages et abus , labore par Christiane Arndt et Charles Oman, il est peu

    vraisemblable quexiste un jour un indicateur de gouvernance parfait. Mme les indicateurs

    les mieux construits prsentent de graves inconvnients que les utilisateurs ne semblent pas

    percevoir : subjectivit, opacit, impossibilit de procder des comparaisons dans le temps,

    biais dchantillonnage et utilit rduite pour aider les pays en dveloppement identifier

    correctement des solutions qui leur permettraient damliorer la qualit de la gouvernance.

    Deux principales difficults sont alors mises en avant dans ce chapitre, celle lie la

    dfinition de la gouvernance et celle lie sa mesure. En effet, il nexiste pas de dfinition

    unique de la gouvernance qui fasse lobjet dun consensus : There are almost as many ideas

    of governance as there are researchers in the field (Hufty 2007). Pour mieux apprhender le

  • -23-

    sens donn la gouvernance, il est utile de remonter lorigine de cette notion ; cest ce qui

    va faire lobjet de la premire section de ce chapitre. Cette dernire vise donner un clairage

    sur les diffrentes significations de la notion de gouvernance, tout en faisant la distinction

    entre la gouvernance dentreprise, la gouvernance mondiale et la gouvernance publique. Dans

    une deuximement section, nous prsenterons les principales raisons pour lesquelles la notion

    de gouvernance a merg dans lconomie du dveloppement . En effet, jusqu'au dbut des

    annes 1990, le terme de gouvernance tait rarement utilis par les conomistes du

    dveloppement et les dcideurs politiques. Depuis, il y a eu une prise de conscience que la

    structure de la qualit de la gouvernance dun pays est un facteur dterminant de sa capacit

    assurer un dveloppement conomique et social soutenable. La notion de gouvernance pose

    en quelque sorte, dune manire nouvelle, la problmatique des liens entre Etat et march.

    Enfin, dans la troisime section, nous ferons une revue des indicateurs de gouvernance les

    plus populaires dans la recherche acadmique tout en relevant leurs diffrentes limites. Le but

    est de clarifier les limites auxquelles les utilisateurs de ces indicateurs se trouvent confronts

    Section 1. La Gouvernance : une notion difficile dfinir

    Par sa gense et son volution, la gouvernance se prsente aujourdhui comme une notion

    complexe qui fait appel diverses disciplines des sciences sociales et des sciences humaines.

    En revanche, une dfinition claire et oprationnelle na pas encore t formule. A prsent, il

    y a une diversit extravagante de dfinitions de ce terme qui diffrent selon les questions, les

    problmes ou encore les objectifs qui sont pris en compte.

    Selon Hufty (2007), il existe aujourdhui trois manires dapprocher le concept de

    gouvernance. La premire est celle qui voit la gouvernance comme synonyme de

    gouvernement. La deuxime approche la considre comme un outil dobservation, cest dire

    un cadre analytique pour les systmes de coordination non-hirarchiques (gouvernance

    dentreprise, gouvernance mondiale). La troisime est celle qui lassimile un cadre normatif

    (approche de la Banque Mondiale). Afin de mieux comprendre la signification de la notion de

    gouvernance, il semble important de distinguer de ces diffrentes appellations pour finir par

    se concentrer uniquement sur la gouvernance nationale ou encore la bonne gouvernance ,

    telle quelle est popularise depuis le dbut des annes 1990 au sein des tudes sur les pays en

    dveloppement.

  • -24-

    Par ailleurs, la bonne gouvernance a fait lobjet dinterprtations diffrentes selon

    l'institution qui ladopte. Pour la Banque Mondiale par exemple, il sagit de la gestion efficace

    des biens publics. Pour dautres analystes, cest le problme de la corruption qui est va tre le

    point de blocage du dveloppement. Pour avoir une comprhension plus claire de ces

    diffrentes dfinitions, on fera une synthse des dfinitions adoptes par les grandes

    Institutions Financires Internationales (BM, FMI, PNUD, BAD, OCDE, CE).

    I- Les diffrents contenus de la gouvernance

    I-1 ) La gouvernance nationale et le concept de gouvernement

    Utiliser le terme gouvernance comme un synonyme de gouvernement correspond son usage

    historique (Hufty 2007). En effet, Gaudin (2002) parle de trois vies successives de la

    notion de gouvernance : mdivale, classique et moderne. Le terme a une origine grecque :

    kubernn , signifie laction de piloter laction de piloter quelque chose , un navire ou un

    char. Il est utilis pour la premire fois par Platon (Oliveira 2002) de faon mtaphorique,

    pour parler des hommes. En latin, il est exprim par le terme gubernare , avec son sens

    premier. Il fait son apparition dans la langue franaise au dbut du XIIIme sicle comme

    quivalent du terme de gouvernement3. Selon Campbell4, les origines franaises du terme de

    gouvernance ne font aucun doute. Au XIVme sicle, il dsigne certains territoires, les

    bailliages de lArtois et de la Flandre (Hufty2007). Au mme moment, au XIVme sicle, le

    terme passe dans la langue anglaise avec le mme sens quen franais.

    Au XIVme sicle, la rflexion sur lEtat et le pouvoir a conduit une distinction entre

    gouvernement et gouvernance. Dans la thorie politique anglo-amricaine, le mot

    gouvernement se rfre aux institutions officielles de lEtat et au pouvoir coercitif lgitime

    dont elles ont le monopole. Le gouvernement se caractrise par la capacit de prendre des

    dcisions et le pouvoir de les appliquer. Ce mot signifie en particulier les processus formels et

    institutionnels qui, au niveau de lEtat-nation, ont pour but dassurer le maintien de lordre

    public et de faciliter laction collective (Stoker 1998), alors que la gouvernance devient la

    manire de grer adquatement la chose publique indpendamment de la question du pouvoir

    (Canet, 2004). Aujourdhui la gouvernance implique une nouvelle dfinition du

    gouvernement qui correspond un nouveau processus de gouvernement, ou encore, une

    nouvelle faon de gouverner la socit (Rhodes, 1996). 3 Le Robert, Dictionnaire Historique de la Langue franaise, Paris 1992, opt cit Campbell.4 Communication pour la table ronde : Quel modle politique est sous-jacent au concept apolitique de gouvernance , Sminaire dt du

    Haut Conseil de la coopration Internationale, Dourdan, France, Aot 2000.

  • -25-

    Pour Rosenau (1992) : La gouvernance nest pas synonyme de gouvernement. Les deux

    notions se rfrent des comportements exprimant une volont, des activits guides par un

    but, des systmes de rgles. Mais lide de gouvernement implique une autorit officielle,

    dote de capacit de police garantissant la bonne excution de la politique adopte. La

    gouvernance, elle, couvre des activits sous-tendues par des objectifs communs ; ces objectifs

    peuvent sinscrire ou non dans des mcanismes lgaux et formels de responsabilit, ils ne

    requirent pas ncessairement des pouvoirs de police pour surmonter les mfiances et obtenir

    lapplication de la norme. En dautres mots, la gouvernance est un phnomne plus large que

    le gouvernement. Elle inclut les mcanismes gouvernementaux, dans le sens strict du terme,

    mais elle stend des dispositifs informels, non gouvernementaux, par lesquels, au sein de ce

    cadre, individus et organisations poursuivent leurs propres intrts. La gouvernance est donc

    un systme de rgles reposant tant sur le jeu des relations interpersonnelles que sur des lois et

    des sanctions explicites , Rosenau (1992).

    Pour Hewitt De Alcantara, le concept de gouvernance a permi aux Institutions Financires

    Internationales dabandonner lconomisme et de revenir aux questions sociales et politiques

    essentielles que posait le calendrier des restructurations conomiques. Il permettait de surcroit

    de ne pas sopposer trop ouvertement des gouvernements qui, en gnral, naimeraient gure

    que des prteurs leur donnent des leons sur des points sensibles de politique intrieure et

    dadministration. En parlant de gouvernance plutt que de rforme de lEtat ou de

    changement politique ou social, les banques multilatrales et les organismes de

    dveloppement, ont pu aborder des questions dlicates susceptibles dtre ainsi amalgames

    sous une rubrique relativement inoffensive, et dtre libelles en termes techniques, vitant de

    la sorte ces organismes dtre souponns doutrepasser leurs comptences statutaires en

    intervenant dans les affaires politiques dEtats souverains (Hewitt de Alcantara 1998).

    Dans une acceptation large, la gouvernance peut tre dfinie comme le mode par lequel

    chaque type de gouvernement, dmocratique ou autocratique, exerce le pouvoir, conu selon

    la formule du prsident. Cette gouvernance est alors un mode de gestion du pouvoir et renvoie

    lorganisation de lEtat, de la socit et de lconomie. Cette notion de gouvernance

    nationale apparat aujourdhui pour montrer que lEtat nest plus une entit ferme et

    souveraine ne rendant pas de compte leur population ni la communaut internationale. Les

    Etats sont largement considrs comme des institutions au service de leur peuple et doivent

    bnficier dune bonne gouvernance.

    Cest dans cette conception, plus proche de la notion de gestion que de celle de pouvoir, que

    le terme de gouvernance sest dvelopp. Plus prcisment, cest sous limpulsion des

  • -26-

    Institutions Financires Internationales que le concept de gouvernance est aujourdhui

    largement utilis pour dsigner les modes de gestion politique et conomique. Les diffrentes

    dfinitions de la gouvernance adoptes par ces institutions seront abordes ultrieurement.

    I-2 ) La gouvernance dentreprise : corporate governance

    Le courant li la corporate governance , apparait aux Etats-Unis avec lessor des sciences

    de gestion. Il se dveloppe partir de lanalyse du pilotage des organisations et constate que

    ce pilotage ne doit plus tre uniquement hirarchique. Il sagit ds lors dobserver et de

    thoriser les mcanismes concrets et les institutions qui permettent la coordination entre les

    units dune organisation, larbitrage des divergences, le maintien de la cohsion de

    lensemble et la gestion des cots de transaction entraine par un pilotage davantage

    horizontal que vertical (Hufty 2007).

    De nombreux auteurs attribuent l'introduction de la notion de gouvernance dans lanalyse

    conomique Ronald Coase. La principale rfrence cite est l'article "The nature of the firm"

    (Coase, 1937). Ronald Coase remet en question l'hypothse de la rgulation des changes par

    les seuls prix du march et introduit, en conomie, l'ide qu'il puisse exister diffrents modes

    de rgulation et de gestion. Le systme form par ces diffrents modes de rgulation propres

    une entreprise a t, par la suite, conceptualis sous le terme de corporate governance . Ce

    concept tant propre l'analyse conomique d'une firme, il reprsente l'ensemble des

    dispositifs mis en uvre par la firme pour mener des coordinations efficaces qui relvent de

    deux registres : protocoles internes lorsque la firme est intgre (hirarchie) ou contrats,

    partenariats, usage de normes lorsqu'elle s'ouvre des sous-traitants (Lorrain, 1998).

    Dans les annes 1970, ce concept devient central dans le courant de l'conomie no-

    institutionnaliste. Pour un des auteurs cls de ce courant, Williamson prix Nobel dconomie

    en 2009 (1979, 1984, 1996) qui prend appui sur les travaux de Coase, la structure des

    institutions, par exemple la firme ou le march, donne lieu des approches et mcanismes de

    gouvernance varis. Elles reprsentent des structures de gouvernance distinctes, qui

    connaissent des problmes de cots de transaction et de contractualisation spcifiques,

    auxquels sadresse prcisment ltude la gouvernance : ltude de la gouvernance concerne

    lidentification, lexplication et lattnuation de toutes formes de risques lis la

    contractualisation 5 Williamson (1996).

    5 Traduction de The study of governance is concerned with identification, explication, and mitigation of all forms of contractual hazards.

  • -27-

    Selon cette approche, la notion de gouvernance dans le champ de l'conomie, est alors fixe

    pour dsigner un ensemble de processus de coordination qui peuvent s'inscrire dans un

    systme hirarchis. La gouvernance dentreprise vient dabord de lexistence dun pouvoir,

    celui des actionnaires. Les entreprises qui se dveloppent ne peuvent plus appartenir une

    seule famille ou mme une seule nation. En effet, lentreprise, si elle reste dirige par un

    groupe restreint, spuise surtout si ce groupe est tent de privilgier le maintien de son

    contrle et finit souvent par disparaitre. Lentreprise devient lenjeu dune partie complexe

    entre dirigeants et actionnaires, alors que les salaris et les clients passent au second plan.

    Comment assurer un contrle pertinent des entreprises ? Quel quilibre entre les parties

    prenantes : hauts dirigeants, salaris, actionnaires, pouvoirs publics ? La gouvernance

    dentreprise sinscrit dans des rapports de force. La gouvernance dentreprise vise introduire

    des rgles : transparence des comptes, contrle par des instances indpendantes, recours et

    sanctions contre les responsables.

    Ainsi, divers usages du terme de gouvernance dpassent l'analyse des systmes regroupant

    uniquement des agents productifs (la firme) pour s'intresser des systmes rassemblant des

    acteurs mais aussi des nations. On parle alors de la gouvernance nationale et de la

    gouvernance globale.

    I-3 ) La gouvernance mondiale

    La notion de gouvernance globale est employe ds la seconde moiti du 20me sicle avec le

    dveloppement du phnomne de la mondialisation. La gouvernance globale dpasse la

    gouvernance nationale et confirme la disparition des frontires entre la dimension nationale et

    la dimension internationale : la gouvernance mondiale, cest gouverner sans autorit

    souveraine des relations transcendant les frontires nationales [Finkelstein (1995. p368)].

    La gouvernance a fait son entre dans le champ des relations internationales travers les

    notions de gouvernance mondiale et de gouvernance globale. La construction dun systme de

    gouvernance mondial permettrait de pallier lincapacit des Etats-nation et des organisations

    internationales actuelles faire face aux demandes de la socit. Cest en rponse la crise

    de la gouvernabilit au niveau supranational que se sont dvelopps des travaux et des

    rflexions autour de la notion de gouvernance globale. Cette notion a suscit un grand nombre

    de travaux qui sinscrivent dans le prolongement des tudes sur les rgimes politiques et les

    institutions internationales. Ces travaux relvent de deux catgories : soit dune rflexion

    analytique sur le systme international prsent, soit dune rflexion normative sur un systme

    de gouvernance mondiale quil conviendrait de construire.

  • -28-

    Dans ce cadre, la gouvernance est interprte de deux faons diffrentes. Certains auteurs

    assimilent la gouvernance un systme de normes et non un processus. La gouvernance

    surgirait dun accord ou dun consensus sur des valeurs communes, des objectifs communs

    dgags au cours de ngociations transnationales associant lEtat mais aussi des acteurs privs

    et associatifs. Pour dautres, dans des domaines tels que le contrle du systme montaire

    international ou la gestion de la dette des pays en dveloppement, qui sont des questions qui

    peuvent tre analyses en termes de gouvernance, il ny a pas de normes et de rgles vers

    lesquelles les attentes des acteurs convergent mais des mcanismes de dialogue qui assurent la

    participation des acteurs principaux. La gouvernance consiste alors regarder comment se

    droule le mcanisme de rgulation conjointe par un jeu permanent dchanges,

    dajustements mutuels, plutt que de regarder comment les acteurs ont la capacit de dfinir

    les rgles du jeu et dterminent les rsultats dune ngociation dans des secteurs cls de la vie

    internationale. La gouvernance est alors considre comme un processus daccommodement

    entre de multiples parties dfendant chacune leurs intrts.

    La Commission sur la Gouvernance Globale, cre au dbut des annes 90 linitiative du

    chancelier Brandt pour penser le monde de laprs-guerre froide, fournit en 1995 une

    dfinition qui mrite dtre mentionne : au niveau mondial la gouvernance a t vue

    comme une relation essentiellement entre gouvernement. Dsormais, il faut la penser comme

    impliquant aussi les ONG, les mouvements des citoyens, les entreprises multinationales et le

    march mondial. Tout cela en interaction avec les mdias dont linfluence sest accrue de

    faon spectaculaire 6 (CGG 1995). La gouvernance globale, constituerait la rponse

    apporter la crise de la gouvernabilit que rencontre le systme international. Cependant, la

    vie politique telle qu'elle est envisage par la Commission se rsume une gestion

    technocratique des affaires publiques. La Commission considre la politique internationale

    comme une entreprise dans laquelle tous les acteurs apportent leur contribution, en vue de

    finalits utilitaires.

    II- La bonne gouvernance

    II-1 ) Origine du concept

    Lexpression good governance est due Ismail Serageldin (Mills et Serageldin,1991),

    vice-prsident de la BM. Dans son rapport de 1994 Gestion des affaires publiques , la

    bonne gestion des affaires publiques sincarne dans une prise de dcision politique prvisible, 6 Traduction partir du CGG (Commision on Global Governance). (1995), Our Global Neighbourhood, Oxford, Oxford University Press.

  • -29-

    ouverte et claire (cest--dire dans des processus transparents) dans une bureaucratie

    imprgne dune thique professionnelle, dans un gouvernement excutif responsable de ses

    actions; et dans une socit civile forte, participant aux affaires publiques et o tous obissent

    la loi 7.

    Aujourdhui, la BM entend, par gouvernance, la capacit de lEtat fournir les institutions

    apportant leur appui aux activits marchandes et par bonne gouvernance la fourniture

    russie de telles institutions8. La bonne gouvernance inclut la cration, la protection et le

    respect des droits de proprit, un systme de rglementation soutenant la concurrence, de

    saines politiques macroconomiques crant un environnement stable pour les activits

    marchandes. La bonne gouvernance signifie aussi labsence de corruption, dans la mesure o

    celle-ci peut altrer les objectifs des politiques et affaiblir la lgitimit des institutions

    publiques (World Bank, 2002, p 99).

    La Banque Mondiale labore une srie de critres de qualit de la gouvernance destins

    valuer les normes et les pratiques de gouvernement et dorganisation. Bien quil nexiste pas

    de liste dfinitive et homogne de ces pratiques dans les organisations qui prnent la bonne

    gouvernance, lInstitut de la BM fournit un exemple de ces critres : coute et imputabilit

    (accountability)9, stabilit politique et absence de violence, efficacit du gouvernement,

    qualit de la rglementation, tat de droit et matrise de la corruption.

    La BM analyse la gouvernance dans un cadre fond sur des valeurs universelles qui sont

    linclusion et la responsabilit. Pour elle, ces deux critres doivent tre remplis pour que l'on

    puisse parler de "bonne gouvernance".

    L'inclusivit : cette notion renvoie l'ide d'galit des droits civils et politiques prsente dans toutes les dmocraties librales. Cela signifie que tous les citoyens se

    voient garantir de faon gale certains droits fondamentaux, notamment lgalit devant

    la loi et le droit de participer au processus de gouvernance sur un pied dgalit. Elle

    signifie aussi labsence dexclusion et de discrimination dans toute relation entre les

    citoyens et lEtat. Elle renvoie la notion dgalit qui signifie que tous ceux qui sont

    concerns par le processus de gouvernance et souhaitent y participer peuvent le faire

    comme tous les autres. Selon la BM, une gouvernance inclusive entretient les

    mcanismes qui dfinissent et qui protgent les droits fondamentaux de tous et assure la

    garantie de lautorit de la loi. La bonne gouvernance signifie alors que les droits sont

    7 http://www.worldbank.org/publicsector/overview.htm8 La dfinition adopte est celle des institutions de North (1994).9 Selon la Banque Mondiale, la notion dimputabilit est synonymes de responsabilit publique et renvoie la lobligation des dirigeants de rendre compte de leurs actions devant la population.

  • -30-

    protgs et que lEtat traite tout le monde de la mme faon devant la loi, sans

    discrimination et assure lgalit des opportunits daccs aux services publics. Toute

    personne concerne par l'exercice de l'autorit (en somme l'ensemble du corps lectoral

    en situation de suffrage universel) doit pouvoir y participer, directement ou

    indirectement, sur un pied d'galit avec les autres membres du corps social. L'Etat de

    droit constitue le corollaire de "la gouvernance inclusive", puisqu'elle ncessite la mise

    en uvre de mcanismes de recours permettant de faire respecter ces droits, de garantir

    de facto l'galit des citoyens devant la loi et l'gal accs aux services publics (Rapport

    sur le dveloppement au Moyen Orient et en Afrique du Nord, 2005).

    La responsabilisation : elle drive de la notion de reprsentation. Cela signifie que les personnes qui sont choisies pour agir au nom du peuple, ont rpondre devant lui de

    leurs checs comme de leurs sucs. En dautres termes, ces personnes sont responsables

    devant le peuple. Cette responsabilit repose sur la connaissance et sur linformation et

    donc sur la transparence. Elle recouvre deux notions: la transparence et la contestabilit.

    L'ide de transparence renvoie la ncessit que les citoyens accdent toute

    l'information concernant le fonctionnement et les modes d'organisation des institutions

    publiques et politiques afin qu'il soient rellement en mesure d'exercer de faon

    effectivela contestabilit, cest--dire le caractre concurrentiel du processus de

    dsignation des responsables politiques (le pluralisme) et des prtendants la gestion

    publique (dsignation quitable des agents de l'Etat). Concrtement, l'exercice de la

    contestabilit a lieu notamment lors d'un processus lectoral libre, o l'on peut

    sanctionner ses dirigeants, ou lors d'un recours devant une juridiction administrative qui

    permet de condamner les manquements la loi par les autorits publiques.

    La responsabilisation peut galement tre interne (lorsque sont institus des mcanismes de

    contrle entre ou bien au sein mme des institutions administratives et politiques) et externe

    (lorsque le citoyen demande des comptes un dpositaire de l'autorit publique).

    Les deux valeurs universelles sur lesquelles se base la Banque Mondiale pour dfinir la bonne

    gouvernance, savoir linclusion et la responsabilit, apparaissent comme des lments

    essentiels de tout programme destin amliorer la gouvernance. Il faut, dune part, que les

    droits fondamentaux, notamment le droit de participer au processus de gouvernance, lgalit

    devant la loi et un traitement gal, soient garantis dans tous les lments du programme.

    Dautre part, pour que ce programme soit sur le bon chemin, une transparence accrue et la

    possibilit de contestation sont exiges.

  • -31-

    Le programme pour amliorer la gouvernance peut tre labor selon cinq voies conduisant

    la bonne gouvernance : des mesures pour renforcer linclusion, des actions au niveau national

    pour renforcer la responsabilit externe, des actions au niveau local pour renforcer la

    responsabilit externe, un systme national de contrle pour renforcer la responsabilit interne

    et des rformes administratives pour amliorer la responsabilit interne10.

    Le renforcement de linclusion : pour renforcer linclusion, la premire tape consiste adopter des lois et des rglements pour garantir laccs des droits fondamentaux et

    principalement le droit de participer au processus de gouvernance sur un mme pied

    dgalit. Il y a galement dautres mesures pour garantir linclusion comme une

    consultation publique largie, une plus grande libert des mdias, moins de restrictions

    imposes aux organisations de la socit civile, un accs plus quitable la sant et

    lducation.

    Le renforcement de la responsabilit externe au niveau national : ce sont des mesures qui permettent de voir si le contexte institutionnel global dun pays est favorable ou non

    une bonne gouvernance. Par exemple, faire circuler assez linformation qui est un

    vecteur de transparence sur les actions du gouvernement, accroitre les possibilits de

    contestation grce des lections ouvertes, loyales et rgulires des responsables des

    affaires publiques, permettre davantage la socit civile de se faire couter et de

    participer, notamment au moyen de groupes de dfense des citoyens, instaurer un

    meilleur contrle de la qualit de la gouvernance et faire en sorte que soient mieux

    diffuses les statistiques qui mesurent cette qualit selon les divers aspects (contrle de

    la corruption, autorit de la loi, libert de la presse, ect) ; et enfin favoriser

    lindpendance et la responsabilisation des mdias.

    Le renforcement de la responsabilit externe au niveau local : pour faire progresser la responsabilit externe, il faut veiller une plus grande participation citoyenne et

    notamment en assurant une information plus fiable sur les performances des services

    publics par des enqutes ou encore des consultations, en renforant la concurrence entre

    les prestataires de services en donnant la clientle une plus grande libert de choix , en

    prenant des mesures pour renforcer les autorits locales qui sont les plus proches de la

    population et donc capables de limpliquer directement dans les dcisions publiques, et

    enfin en facilitant limplication des associations qui donnent du pouvoir aux

    10 Rapport sur le Dveloppement au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (2005), Vers une meilleure gouvernance au Moyen-Orient et en

    Afrique du Nord , la Banque Mondiale, Washington, DC, pp.18-23

  • -32-

    collectivits, surtout en ce qui concerne la gestion des services publics qui doivent tre

    adapts des collectivits spcifiques.

    Le renforcement de la responsabilit interne par un systme national de contrle : elle vise accroitre les possibilits de contestations dans lexercice du pouvoir de lEtat. Il

    sagit de renforcer lautorit et la capacit du pouvoir parlementaire, de renforcer le

    pouvoir judicaire pour quil soit plus indpendant et avec une capacit renforce, et de

    donner des pouvoirs de contrle et de mdiation dautres organismes publics

    indpendants.

    Le renforcement de la responsabilit interne travers des rformes administratives : un certain nombre de rformes peuvent renforcer la responsabilit au sein des organismes

    prestataires de services publics : rformer la fonction publique pour la responsabiliser

    davantage, dcentraliser les fonctions de lEtat pour les rapprocher des citoyens, assurer

    lindpendance des organismes rgulateurs afin dviter que des intrts particuliers ou

    que de hauts fonctionnaires puissent profiter du systme des fins personnelles, et enfin

    promouvoir une thique du service public et de la responsabilit vis--vis des ressources

    publiques afin de renforcer limplication des fonctionnaires dans la recherche de

    meilleurs performances.

    LEtat de droit est ici au cur de la bonne gouvernance. Il sagit de mettre en place un systme de rgles qui soient rellement appliques et dinstitutions qui fonctionnent

    vraiment et assurent une application approprie de ces rgles. Il est alors ncessaire que

    les dirigeants politiques soient responsables de leurs actes devant les citoyens et quils

    soient engags dans la lutte contre la corruption. Il convient alors de relever que le

    concept de gouvernance reste tributaire de la conception de lEtat et renvoie aux

    rapports des classes au sein de socits (Rapport sur le dveloppement au Moyen Orient

    et en Afrique du Nord, 2005).

    II-2 ) Les lments de la bonne gouvernance

    Daniel Kaufmann, ancien directeur du programme gouvernance lInstitut de la Banque

    Mondiale, et Aart Kraay, conomiste principal dans le Groupe de recherche de la Banque,

    dfinissent la gouvernance comme les traditions et les institutions travers lesquelles

    lautorit est exerce dans un pays pour le bien commun . Cela recouvre le processus par

    lequel les gouvernements sont choisis, contrls et remplacs, la capacit du gouvernement

    formuler et appliquer de manire efficace des politiques saines et enfin cela recouvre le

  • -33-

    respect des citoyens et de lEtat pas les institutions rgissant leurs interactions conomiques et

    sociales [Kaufman et Kraay (2002)].

    Cette dfinition recouvre plusieurs aspects de la gouvernance qui touchent les lments

    suivants :

    - le caractre dmocratique des institutions politiques ;

    - la stabilit politique, labsence de violence et lefficacit des pouvoirs publics ;

    - la lutte contre la corruption et lexigence de la transparence et de la responsabilit

    II-2-1 ) La dmocratie

    La dmocratie est prsente, par la Banque Mondiale, comme un lment trs important de la

    bonne gouvernance. Elle fait partie du volet politique de la dfinition de la Banque Mondiale

    et rend compte gnralement de la ncessit de lexistence dun Etat de droit dans le pays.

    Le concept de dmocratie a fait lobjet de plusieurs dfinitions. Ce concept met en avant

    lide dgalit entre toutes les personnes lintrieur dun pays. Cette lgalit juridique leur

    attribue un droit gal de participation dans le domaine de la politique. La dmocratie vise

    ainsi protger les gouverns contre toute autorit arbitraire par le respect des procdures

    rgulires dans lexercice du pouvoir. Ce systme qui est centr sur lhomme, exige de lui une

    manifestation concrte et claire de sa volont. Ceci est facilit par la conscration des liberts

    de penser, de la presse, de runion, de possder et de choix des reprsentants dans un contexte

    pluraliste.

    Un rgime politique dmocratique limite les leaders politiques par des institutions lectorales,

    lgislatives et judiciaires (Kauffmann, 2001). Ces limites que les institutions placent sur les

    actions arbitraires des leaders politiques, des fonctionnaires et des juges, impliquent que lEtat

    de droit soit oprationnel dans la sphre politique. Les leaders politiques nont pas le droit de

    dclarer illgales des organisations politiques, de limiter la libert dexpression, de harceler

    les opposants politiques ni dannuler les lections.

    II-2-2 ) Linstabilit politique

    Le concept dinstabilit politique est un concept qui rassemble plusieurs facteurs qui ne se

    regroupent pas ncessairement et qui doivent tre pris simultanment. En effet, cest un

    concept ambigu qui ncessite une clarification : il recouvre deux ralits distinctes qui ont des

    effets diffrencis en termes de dveloppement conomique.

    Il est ncessaire de distinguer entre les changements de rgime ou de pouvoir politique

    raliss la suite dactions violentes des changements oprs dans le respect des formes

    lgales. Il est gnralement attribu au premier phnomne, les vocables d instabilit

  • -34-

    politique et d alternance politique pour le second phnomne. Cependant, la distinction

    entre les deux nest pas toujours tablie explicitement dans la littrature et elle sintresse

    principalement linstabilit politique plutt qu lalternance.

    Linstabilit politique recouvre lensemble des vnements violents dorigine politique, cela

    regroupe les manifestations agressives, les meutes, les assassinats politiques.

    Sur le plan thorique, ltude des effets de linstabilit politique sur la croissance se concentre

    sur la faon dont certains vnements rendent incertains les droits de proprit et se trouvent

    donc menacs. En effet, les coups dEtat russis sont dangereux et ont, en gnral, pour

    consquence la destruction de la proprit prive. Cela va supposer des doutes sur la mise en

    application des droits de proprit dans lavenir.

    II-2-3 ) La corruption : un aspect fondamental de la gouvernance

    La lutte contre la corruption est un lment central de la promotion de la bonne gouvernance,

    elle fait lobjet dattentions et de prconisations particulires. En fait, depuis le milieu des

    annes 90, un certain nombre de projets internationaux ont t labors en vue de lutter contre

    les abus de fonctionnaires publics pour des gains personnels. Par exemple, on peut citer la

    Convention des Nations Unies contre la corruption, signe en Dcembre 2003, la Convention

    sur la lutte contre la corruption d'agents publics trangers dans les transactions commerciales

    internationales, adopte par l'OCDE, le 21 Novembre 1997, ou la Convention de l'Union

    africaine sur la prvention et la lutte contre la corruption, adopte par les chefs d'tat et des

    gouvernements de l'Union africaine le 12 Juillet 2003.

    Laction de la BM en matire de corruption a deux volets : un volet oprationnel et un volet

    de recherche. En effet, depuis 1996, la Banque Mondiale a lanc plus de 600 programmes

    anti-corruption dans environ cent pays. Les initiatives vont des juges, des fonctionnaires des

    cours pour les journalistes dinvestigation. La BM sest aussi engage mesurer si les projets

    quelle finance ne sont pas entachs par la corruption. Les actions de la BM en matire de

    corruption portent galement sur la recherche. Le groupe de recherche de la BM consacr la

    corruption est trs actif. La plupart des articles publis sur le sujet le sont par des membres de

    ce groupe de recherche, ou des personnes y ayant collabor ou appartenu (Kaufmann, Kraay

    et Mastruzzi).

    Depuis 1997, le FMI qui a fait de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption un

    de ses objectifs principaux, a considrablement dvelopp son rle dans ce domaine. Les

    principaux instruments quil utilise dans ce champ sont le dveloppement et la promotion de

  • -35-

    codes relatifs aux bonnes pratiques, la transparence, la responsabilit et la gestion des

    fonds publics11.

    La corruption constitue lun des piliers du concept de gouvernance les plus souvent dbattus.

    Si intuitivement, lide gnrale reue est quelle peut constituer un handicap pour la

    croissance conomique dun grand nombre de pays, la littrature tmoigne galement dun

    effet positif possible de la corruption sur les performances conomiques.

    Comme le concept de gouvernance, le terme de corruption est galement un terme flou dont

    ltablissement dune dfinition stricte parait difficile. En effet, plusieurs dfinitions sont

    attribues la corruption dans ses diffrents types et formes. Selon Bardhan (1997), la

    corruption consiste dans lutilisation du service public pour des gains privs. Pour Shleifer et

    Vishney (1993), la corruption dsigne lchange dlments de proprit gouvernementale par

    les officiers publics contre leur gain personnel. Selon Leff (1964), la corruption est un moyen

    qui peut tre entre les mains des entrepreneurs cherchant faire des affaires avec un

    gouvernement indiffrent et peut stimuler le dveloppement conomique.

    Bien qu'il soit difficile de s'entendre sur une dfinition prcise, il y a un consensus qui fait

    rfrence toutes les formes dabus de fonctions et de comportements commis par des

    hommes politiques, des fonctionnaires ou au sein dentreprises prives ou publiques pour

    dfinir la corruption. Selon ce