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L’album de 6 - Thuriès Gastronomie Magazine - Juin 2013 - N° 250 Stéphane Klein par Martine Occhipinti

Stéphane Klein

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L’album de

6 - Thuriès Gastronomie Magazine - Juin 2013 - N° 250

Stéphane Kleinpar Martine Occhipinti

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Stéphane Klein

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Dans la famille Klein, il y a la maman, le papa, le grand-père, la grand-mère et le jeune Paul. Chez les Klein, les ani-maux sont rois. Il y a cinq chiens, trois chats et un perroquet. Et puis, surtout, il y a comme une atmosphère qui vous enveloppe.

La pâtisserie est située en face de la gare de Belfort. Elle est hors des modes. Son décor suranné tranche avec le design affiché de nos pâtisseries branchées. Un peu comme si ici, le temps avait évo-lué différemment. Oui, une atmosphère propre au lieu. Douce et bienfaisante. Un accueil adorable.

Derrière la pâtisserie, une petite cour, de l’autre côté de la cour, l’atelier de Sté-phane Klein. Fonctionnel et lumineux. Rien d’insolite. C’est dans une pièce au-dessus que l’on découvrira le « phéno-mène » Stéphane Klein. Pour y accéder, quelques marches. Hautes, raides. Elles nous mènent à l’étage. À une porte… Que l’on franchit tel un pont pour s’engouf-frer dans un autre univers. C’est comme si nous échappions à notre siècle, projetés sur les ondes venues d’un manoir imagi-naire, perché sur une colline.

Bienvenue dans l’univers du sucre !

Une grande pièce, à peine éclairée, peu-plée de personnages fabuleux. Nous apercevons la crinière rouge d’un dra-gon, les griffes d’une sorcière… Ici, un lutin et un nénuphar. Là, une citrouille et un crapaud. Une dame déguisée en Charlot et une blonde dont l’apparence ressemble à Marilyn Monroe…

Nous sommes dans le fantastique et le merveilleux, dans le monde des légendes et du folklore, dans la poésie et l’humour, fut-il parfois noir. Un univers déjanté, coloré, drôle, à l’image de Sté-phane Klein.En effet, ici, même les monstres renfer-ment des trésors de gentillesse.

Atelier des arts du sucre - Belfort

La rose Origami

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T.G.M. : Votre enfance…S. K. : Je suis né le 8 février 1970 à Belfort. J’ai grandi dans la pâtisserie de mes parents, et en parallèle, je vivais aussi chez mes grands-parents à Bavilliers. Mes parents étaient très pris par leur travail.

J’ai fait toute ma scolarité à Belfort. À la sortie de l’école, dans la pâtisserie de mes parents, je me régalais de toutes sortes de gourman-dises. Puis, mes grands-parents venaient me chercher et j’allais dormir chez eux à Bavilliers.

J’ai donc partagé mon enfance entre Belfort et Bavilliers, un petit village tout proche, dans une maison autrefois construite par mon arrière-grand-père. Il était forgeron. C’est une grande demeure dans laquelle nous avons à présent aménagé plusieurs logements : pour mes parents, pour Sandrine et moi et pour Paul, mon fils.Une maison familiale qui abrite l’histoire de notre famille depuis cinq générations.

Très jeune, j’étais déjà très attiré par l’activité de mon père. Quant à ma grand-mère, elle était un fin cordon bleu. Tout cela a déve-loppé ma passion pour les arts de la table : la pâtisserie, la bonne cuisine et… le sucre !

L’école… Etiez-vous un bon élève ?J’étais le meilleur… en dessin.Pour le reste, je manquais totalement d’atten-tion, d’intérêt, de patience… En fait, il m’était difficile de rester assis trop longtemps.

Le goût du dessin…J’avais une institutrice, madame Courquet, qui a vraiment su s’y prendre pour me moti-ver. Elle me donnait des bons points, cela remontait ma moyenne.Et en plus, il me semblait vraiment que j’étais un de ses élèves les plus distingués, cela valait bien de ma part une assiduité dans le travail.

Vous vous appliquiez…C’est en m’appliquant que je me suis aperçu que je pouvais dessiner ce que je voulais. À l’époque, c’étaient des personnages : Lucky Luke, Astérix…À main levée et en quelques coups de crayon.Cette facilité a déclenché ma passion pour le dessin.

Après la troisième, je quitte l’enseignement classique pour entrer aux Beaux-Arts, à Besançon.

Les Beaux-Arts…J’y suis resté deux ans. Je voulais être illustra-teur. Puis, un jour j’ai réalisé que je suivais un enseignement de haut niveau qui m’offrait de grands plaisirs, mais peu de débouchés. Y compris dans l’illustration.Alors je quitte les Beaux-Arts pour la pâtisserie.

Votre formation…En apprentissage dans la pâtisserie familiale. Deux ans plus tard, j’obtiens mon C.A.P.Et je travaille avec mon père.Aviez-vous perdu la fibre du dessin ?Pas du tout, c’est le dessin qui, plus tard, m’amènera à la sculpture du sucre.

Pourquoi le sucre ?J’ai pris toute la mesure de l’art du sucre avec l’Encyclopédie d’Yves Thuriès.Je me souviens d’un panier avec des fleurs en sucre.Je connaissais les livres par cœur, et je n’ou-blierai jamais le Cygne de monsieur Thuriès, ma première pièce en sucre soufflé. Je l’avais copié.

Copié… Tel quel ?Oui, avec un long cou et une petite tête. Une forme très poétique.Les photos étaient très belles. Je pense que ma passion, plus tardive, pour la photo est née de là.

Le jeune Stéphane avec son papa. La pâtisserie Klein. Stéphane, tout petit, avec la toque. Quatre générations : de l’arrière grand-père au petit Paul.

Stéphane et Sandrine, un jeune couple.

Stéphane avec ses parents et son grand-père qui tient le petit Paul.

Stéphane et Paul.

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À quel moment avez-vous décidé de quitter la pâtisserie pour monter votre atelier de l’art du sucre ?Je ne l’ai jamais décidé. J’avais, à cette époque un autre rêve.

Votre rêve ?Je voulais être le champion des concours. Je voulais tous les faire, tous les réussir.Je venais d’arriver finaliste à la Coupe de France, un beau résultat pour un premier concours. J’étais gonflé à bloc.

Mais la Coupe de France fut ma seule et unique épreuve.

Pour quelle raison ?Aussitôt après le concours, une école de pâtisserie, en Alsace, me propose d’ac-cueillir des étudiants préparant leur bre-vet de maîtrise, et de les initier aux arts du sucre.

Vous acceptez la proposition…J’accepte. Mes stages obtiennent de bons résultats, et ce fut un enchaînement.Je crée mon atelier, en 1997.

Pour vous consacrer à la formation…Pas tout de suite. Au départ je consacre une semaine à donner des cours et une semaine au laboratoire de mon père, dans la pâtisse-rie familiale.

Puis, ayant de plus en plus de demandes, je me dédie entièrement à la formation.

J’organise des stages d’une semaine, tous les quinze jours.

Finis donc les concours…Je suis un incorrigible compétiteur. Je suis en perpétuelle compétition avec moi-même.

Quelle compétition ?Je veux que le stage de la semaine pro-chaine soit plus attractif que le précé-dent. Mes pièces doivent être de plus en plus belles, et mes livres de plus en plus passionnants.

Comment y parvenez-vous ?Je suis un autodidacte, ce que je fais, per-sonne ne me l’a jamais montré ni appris. Mon évolution donc s’appuie exclusive-ment sur une démarche empirique, à partir de mes propres observations.

Vos patinages, Vos pastillages…Que des innovations, des techniques personnelles.Une idée en suggère une autre…Avec le temps, mon esprit s’est formé ainsi.

Êtes-vous dans la quête perpétuelle d’une découverte ?Par définition, une découverte, c’est toujours inattendu.

En peinture, une technique qui a fait évoluer votre art…Celle qui sans doute me tient le plus à cœur :

le travail à l’aérographe. Une méthode de peinture apprise aux Beaux-Arts que j’ai perfectionnée.

Pour la sculpture du sucre ?J’ai mis au point ce que j’appelle le soufflé patiné.

Le soufflé patiné…Je pars d’une base de sucre soufflé. J’y ajoute par dessus des petites masses de sucre que je vais travailler comme des sujets en terre cuite. Sur un visage par exemple, je vais ainsi former les joues, les rides, la bouche…

Une autre de vos spécificités ?Toujours à partir d’une masse sucrée, avec un petit chalumeau je soude les éléments les uns aux autres. Cette technique me per-met d’aller beaucoup plus loin dans le sucre soufflé.Dans le sucre, on n’utilise aucun moule.

En observant l’une de vos pièces, vous arrive-t-il de penser qu’elle est au top ? Que vous ne pourrez pas mieux faire ?Oui, mais jamais longtemps. Il y a toujours une nouvelle technique qui apparaît et qui pourrait changer toute la spécificité du style de la pièce.

À chaque trouvaille, une remise en question ? Une trouvaille marque toujours un nouveau cycle et lorsque je regarde les pièces déjà réalisées, je les trouve obsolètes.

Je passerais ma vie à tout recommencer.

Y a-t-il parfois des « effets spéciaux » ?Le dernier en date : les yeux de mes per-sonnages. Avant, je procédais avec un sucre coulé, les yeux étaient plats.À présent je les réalise en sucre façonné, ils sont ronds, puis, pour leur apporter du brillant, je les trempe dans de l’isomalt.

Ce qui change…Le regard prend une autre dimension, plus émotive.

Le chat botté

Perroquet. Les yeux : un effet très spécial.

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Vos élèves ?Dix élèves par stage. Des professionnels venus se préparer à des concours, ou d’autres, juste pour se perfectionner dans l’art du sucre.

Des amateurs ?De plus en plus. De tous les horizons, de tous les âges. Ils sont là pour le plaisir, la découverte.

Parmi les amateurs, y en a-t-il qui n’accrochent pas ?Jamais. Ils viennent parce qu’ils ont vu une lumière. Une fois entrés dans la lumière et après avoir dépassé l’inhibition des premières heures, ils sont pris par la magie du sucre.

Vous évoquez souvent la magie du sucre…Aux Beaux-Arts, j’ai appris à sculpter diffé-rents matériaux. J’ai également fait beaucoup de dessin, du pastel, de la peinture à l’huile, de la plume…Je pense que rien n’égale le sucre.

Pourquoi ce sentiment ?Avec le sucre, nous travaillons la transparence ou les opaques. Et entre les deux, nous avons le satiné. La gamme est immense, tout est possible. Pour un sujet, nous pouvons cher-cher un rendu presque à l’infini.

Ainsi, il ne suffit pas de « sculpter »…Le travail du sucre va bien au delà du dessin, des formes et des courbes. Dans une pièce en sucre, on retrouve tous les arts plastiques.Le sucre : des techniques et des arts…L’art du verrier, du graphiste, du peintre, du fleuriste…

Quel discours auprès de vos élèves ?J’ai une maxime : « ne jamais chercher la faci-lité ». Et pourtant, moi-même, parfois je suis indécis : « puis-je changer cette forme ? Est-ce que ça va tenir ? ».

Il vous arrive donc d’hésiter…Bien sûr, il y a toujours cette dualité. L’envie de se conformer à la ligne prévue et cette envie inattendue de tenter autre chose. À un moment bien précis et avec le risque que la pièce ne tienne pas.Lorsque vous animez une classe, ce n’est pas évident.

Vous aimez les risques…Le plus grand risque est de se persuader que ce n’est pas possible. Parce que si c’est pos-sible, ce sera magnifique, toujours…

Pourquoi toujours ?C’est dans la difficulté que l’on fait les plus belles choses. Parfois, on peut avoir les meilleurs élèves, le meilleur sucre, un super sujet… Rien ne sort. Enfin, rien de palpitant pour moi.

Que ressentez-vous alors ?Le trac. Mais le trac est une émotion utile, car à un moment, il se produit comme un coup de circuit dans ma tête, un basculement.Qu’entendez-vous par « basculement » ?Quelque chose qui vient de je ne sais où, une espèce d’euphorie qui m’entraîne quelque part. Où ? Je ne le sais jamais à l’avance. Vers le meilleur ou peut-être le pire. C’est là que le professionnalisme intervient. Face au pire, je change une courbe ou le style de la pièce. Face au meilleur, on sort un truc génial.

Donc, il faut prendre des risques…Donc, si l’on a plusieurs possibilités, il faut toujours opter pour la plus « étrange ». Si ça marche, c’est magnifique.

Et puis, quoique l’on fasse dans la vie, est-il raisonnable de rester toujours sur la même ligne ?

LA LOGISTIQUE ?

« Sandrine s’occupe de la vente, de la

partie administrative de l’école.

Mon père, Sandrine et Paul me font

toutes les cuissons pour les stages.

Ma mère prépare les repas. Ce qui

lui demande parfois des prouesses

d’ingéniosité. En effet, nous recevons

des végétariens, des végétaliens, des

pratiquants de toutes les religions…

Pour le déjeuner, nous nous retrou-

vons tous à la même table, dressée

dans le salon de thé de la pâtisserie. »

IKEBANA

Les stages Ikébana de Stéphane Klein.

Pourquoi Ikébana ?

Au Japon, Ikébana est une vieille

tradition japonaise de l’art f loral.

La fleur, au Japon, est très présente.

On la retrouve sur les kimonos, les

paravents, et en bouquets ! Le Japo-

nais qui se consacre à l’art floral ne

pratique pas une futile activité. Il

s’adonne à un art à part entière.

Un stage de formation. Des élèves appliqués…

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Vous est-il arrivé malgré tout de vous retrouver face à l’irréparable ?Si vraiment au bout d’un moment je réalise que c’est trop périlleux, je bifurque. Je peau-finerai l’idée plus tard.

La sculpture en sucre…C’est de la technique et de la volonté.

Vous parlez aussi d’endurance…Oui, c’est physique. Pour éviter les chocs ther-miques, nous travaillons à une température ambiante de 25/26 °C, dans une atmosphère sèche, avec un taux d’hygrométrie de 30 %. Nous restons debout toute la journée, sauf pour une pause de 40 minutes au déjeuner.

Le matin, les cours débutent à 8 heures. Le premier soir, nous terminons à 21 heures, le deuxième soir à 21 h 30… Puis, les journées de cours se rallongent au fur et à mesure… Le dernier soir, nous finissons souvent à minuit, 1 heure du matin, parfois plus.Cela se passe comme ça depuis vingt ans.

Personne ne se plaint des horaires ?Ce n’est pas moi qui les impose.

Qui les impose ?La passion. L’envie d’apprendre, de com-prendre, de se perfectionner, et surtout de finir sa pièce… Nous sommes dans une bulle. Le temps s’arrête.

L’art du sucre, une passion ?C’est ma passion et tous ceux qui viennent ici sont des passionnés.Même les débutants ?Ils se passionnent très vite…

L’âge moyen ?Tous les âges. Lors d’une formation, un jeune de dix-sept ans peut côtoyer un homme de plus de soixante ans.

J’ai eu, comme élève, un Italien âgé de 70 ans.

Vous efforcez-vous de regrouper des élèves de même niveau ?Je n’ai pas de classes de niveau. Un stagiaire avec d’excellentes bases peut côtoyer un sta-giaire sans aucune expérience.

N’y a-t-il pas un trop grand décalage ?On commence toujours par des étapes très simples, et il est évident, qu’au départ, je vais davantage vers le débutant. Celui qui a un bon niveau se débrouillera seul.

Alors quel intérêt pour lui de suivre vos stages ?Comprendre le sens de mon travail, et le mettre en place. L’art du sucre implique sur-tout le geste.

Votre méthode : mettre vos élèves en situation…C’est le but. La sculpture est une expérience très personnelle. Pourtant, nous ressentons tous la même chose, même si nous n’avons pas le même niveau, même si nous ne par-lons pas la même langue.

Il arrive que des étudiants étrangers me demandent un interprète. Très vite, ils se ren-dent compte qu’ils n’en ont pas besoin.Tout se traduit par le geste : le travail, les émotions…

Faut-il être doué en dessin ?Il faut dessiner…

Celui qui ne sait pas dessiner, doit-il apprendre ?N’importe qui peut dessiner. Une maison, ou un arbre… Même si dans les lignes, ce sera enfantin, ou naïf, ce sera tout de même une maison, ou un arbre.

Selon vous, tout le monde sait dessiner…Oui. Le dessin, ça ne s’apprend pas, cela se cultive.Après, on a plus ou moins de facilités…

Si nous demandons à Stéphane

Klein : les personnages qui ont

marqué votre parcours ?

Il répond : « Monsieur Lambert de

Déco’relief. Il a monté une très belle

entreprise. Il a un vrai discours sur la

profession. C’est quelqu’un à qui l’on

peut demander conseil.

Monsieur Poney, l’ancien directeur de

l’école Lenôtre. Extrêmement doué en

dessin. Un grand monsieur.

Monsieur Marty, il a créé le Journal du

Pâtissier, et Franck Lacroix, le rédac-

teur en chef. Franck Lacroix est un ami.

Tous les mois, j’envoie une fiche tech-

nique au Journal du Pâtissier. Une belle

collaboration. »

Une rencontre amicale. Stéphane Klein entouré d’Yves Thuriès et Alain Lambert.

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D’ailleurs, tous les pâtissiers ont suivi des cours de dessin lors de leur formation. Et sans être forcément doués, ils savent tous faire un croquis.

Votre formation aux Beaux-Arts vous a-t-elle aidé dans la sculpture ?Bien sûr. Je savais réaliser des volumes, des courbes, je maîtrisais aussi l’art de la peinture...

Un conseil à un jeune débutant ?De commencer par le travail du sucre tiré. C’est la base du sucre d’art. Sur une pièce en exposition lors d’un concours, c’est la fleur que le jury regardera en premier.

Les fleurs… Une maîtrise particulière ?Une très bonne maîtrise du sucre. S’il est trop chaud, on n’aura pas le satin souhaité, s’il est trop froid, ça va claquer. Le laps de temps est très court pour façonner une jolie fleur, lui apporter de la couleur et un beau satiné.

La sculpture du sucre, un art de plaisir ?Du plaisir avant tout. Personne ne gagnera sa vie en sculptant du sucre. C’est la cerise sur le gâteau…

Est-ce une discipline qui requiert une longue expérience ?C’est selon l’ambition de chacun. Si c’est pour le plaisir de réaliser de temps en temps une pièce en sucre, quelques stages suffisent.

Êtes-vous parfois tenté par un design contemporain ?Avec le sucre on peut jouer avec toutes les formes et utiliser les couleurs tendance : le gris, le mauve…Mais ce n’est pas mon truc.

Votre truc ?La littérature du merveilleux. Ma couleur de prédilection est le bleu, le rouge aussi… Je suis attiré par l’heroic fantasy et j’aime me retrouver face à un monde que je crée de toutes pièces.

Vous créez votre propre univers…Je crée toujours mon propre univers, même lorsque je mets en scène des personnages déjà connus, tirés des contes de Grimm, d’Andersen…

Comment vous appropriez-vous de tels personnages ? D’autres l’ont fait avant vous…Justement… En les sortant de leur cliché, en leur donnant une personnalité autre que celle propagée par Walt Disney.

J’ai inventé « ma » Blanche Neige, elle est sensuelle, avec son large décolleté et un sein dénudé. J’ai créé « mes » Sept Nains, grâce à une gestuelle différente.

Vous aimez les contes…La rencontre directe avec un personnage qui a bercé notre enfance est toujours un moment magnifique et émouvant.

La science fiction ?Je n’y trouve pas une poésie qui me touche. Hormis l’extra-terrestre E.T., mais là, il y a un copyright. Il faudrait que j’invente un personnage analogue, mais personne ne le reconnaîtra.

Vous voulez que vos personnages soient reconnus ?Alice au pays des merveilles et le petit lapin blanc, tout le monde connaît.C’est un succès émotionnel garanti.

Vos principales sources d’inspiration ?Les ouvrages des grands auteurs graphistes, j’en ai des dizaines et des centaines, dont certains viennent des États-Unis…

J’ai lu tous les livres de Tolkien, vu tous les films de Peter Jackson et je suis juste fas-ciné par Tim Burton, un grand maître du fantastique. Il était au départ conteur et illustrateur, puis il a transposé son univers graphique dans le cinéma.

Votre épouse ?Elle vient d’une famille de pâtissiers. Elle a eu son C.A.P. Elle avait lu un article sur moi, elle est venue faire un stage, et elle n’est plus repartie.

Votre inspiration du moment…Je travaille sur les légendes celtiques.

Une grande émotion…Le jour où Paul, mon fils fut désigné comme Meilleur Apprenti de France.

Les sept nains de Stéphane Klein.

En haut à droite : Stéphane Klein avec ses amis

Lilian Bonnefoi et Arnaud Poëtte.

À droite : Paul Klein tient son trophée le Charles Proust.

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Un loisir ?Le cinéma. À la maison, nous avons une salle de cinéma et environ un millier de DVD.

Votre amour pour la gastronomie ?Sandrine et moi adorons aller au restaurant. Chez les plus grands étoilés, les moins étoilés et d’autres…Notre dernier coup de cœur : le Chang Palace, le restaurant chinois étoilé du Shangri-La à Paris. Une authentique cuisine chinoise aux influences cantonaises. Leur canard laqué servi dans la vraie tradition… Une pure merveille.

Une passion autre que le sucre ?La photo. Sandrine et moi avons pris des cours avec des professionnels. Nous réalisons toutes les photos de notre dernier ouvrage.

Vos ouvrages ?Le premier, édité par Joël Bellouet, est le livre Féerie en sucre d’art. Ensuite en 2007, j’ai édité moi-même un second livre : Voyage. Puis en 2009 : Opium, et en 2011 : Imagination. Mon prochain livre, Légende, est en préparation.

Un défaut ?Je suis très impatient. Il faut que tout se fasse vite. Exception faite pour la sculpture. Mais aussi pour le dessin, la plume… Je peux res-ter dix heures sur un dessin.

Vous êtes LA référence…Le « meilleur », dit-on, dans votre domaine…Il n’y a que les meilleurs qui un jour tombent de leur arbre.Je ne veux pas être le « meilleur », je souhaite, et en toute humilité, que mes sculptures soient les plus belles.Regardez ce personnage, ici, c’est lui la vedette.

Tout de même, vos stages sont complets des mois à l’avance, les élèves viennent de partout : du Sri Lanka, d’Australie, de Russie…J’ai eu beaucoup de chance. Je suis arrivé au moment où Internet explosait. Je fus l’un des premiers à exposer mes pièces sur la toile.

Votre plus grande fierté ?Mon fils Paul. Il réalise ce à quoi j’ai renoncé un jour : les concours. J’en suis très fier, pour-tant je n’y suis pour rien. C’est son choix. Je ne lui ai rien imposé, je n’ai jamais tenté de l’influencer.

Ses concours ?Le plus important : Meilleur Apprenti de France. Il a également remporté le Prix Lucien Peltier et le Charles Proust à 20 ans, en caté-gorie professionnelle.

Vous vous êtes consacré à la formation… Aucun regret ?Chaque stage est une expérience incroya-blement enrichissante pour moi. Non, je ne regrette rien.

Un souhait dans votre rôle de formateur ?Je souhaite que les gens viennent avant tout pour vivre une expérience.

Vous prenez du sucre, vous soufflez et hop ! Les personnages prennent vie.Je réalise tous mes personnages comme s’ils étaient destinés à vivre dans la réalité. Ou dans leur réalité.

Plus vrai que nature, quel est votre secret ?Je pousse le curseur toujours plus loin, et sur-tout dans ce qui sera caché. Car c’est souvent « l’arrière » qui donne à un personnage son élan vital. Je ne néglige ni une épaule, même si elle sera ensuite dissimulée sous un drapé, ni l’arrière d’une tête vouée à être recouverte par une chevelure…

Et cette petite fée assise sur des margue-rites… D’où lui vient cette vivacité ?De son fessier. J’ai doté la fée de deux petites fesses bien rondes. Personne ne les voit, elles sont collées sur les fleurs. Mais elle les a. Et si un jour elle veut se lever, elle pourra marcher normalement.

Une fée prête à se lever, le Sentor prêt à bondir, une sorcière prête à griffer… Et Marilyn, avec Charlot, derrière votre dos, que font-ils ?Eux seuls pourraient vous répondre.Moi, je laisse la magie faire son œuvre… ■

La fée…