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Steiner Rudolf - La Chute Des Esprits Des Ténèbres

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  • RUDOLF STEINER

    Larrire-plan spiritueldu monde extrieur

    LA CHUTE

    DES ESPRITS

    DES TNBRES

    Quatorze confrences faites Dornach

    du 29 septembre au 28 octobre 1917

    CENTRE TRIADES4, rue Grande-Chaumire, 7 5006 Paris

    1 97 8

  • Ce cycle de confrences a paru en allemand sous le titre : Die spirituellen Hintergrnde der usseren Welt Der Sturz der Geister der Finsternis au Rudolf Steiner Verlag, Dornach (Suisse)GA N 177 Les dessins reproduisent ceux de ldition originale,

    excuts par Assia Turguenieff et Hedwig Frey, daprs lesschmas faits au tableau par Rudolf Steiner.

    Tous droits de reproduction ou dadaptationrservs par les Editions du Centre Triades

    4, rue Grande-Chaumire, 75006 ParisISBN : 2-85248-014-X

  • SOMMAIRE

    Avertissement de lditeur.

    Premire confrence, Dornach, 29 septembre 1917.Les arrire-plans de la catastrophe mondiale Le lien entre lamentalit matrialiste et les forces de destruction.

    Deuxime confrence, 30 septembre 1917.Le dcalage entre le dveloppement moral et lvolutionintellectuelle de lhumanit.

    Troisime confrence, 1er octobre 1917.Laspiration la perfection sur terre, illusion matrialiste Communiquer les vrits de la science spirituelle est unencessit qui comporte des dangers.

    Quatrime confrence, 6 octobre 1917.La tche dtres lmentaires hostiles la vie Le maniementpar lhomme des forces de destruction.

    Cinquime confrence, 7 octobre 1917.Le dprissement de la terre et des corps humains Lancessit pour les mes humaines dvoluer indpendammentdu corps.

    Sixime confrence, 8 octobre 1917.Lintellect moderne apporte la mort dans le monde despenses vivantes La reconqute des facults intuitives etprophtiques.

  • Septime confrence, 12 octobre 1917.Possibilit par la science spirituelle de comprendre enprofondeur la ralit historique La personnalit de Luther etsa place dans lvolution humaine Limportance de lide duKarma pour lducation.

    Huitime confrence, 13 octobre 1917.Lactuelle situation dans le monde, consquence dune pensenon adapte la ralit.

    Neuvime confrence, 14 octobre 1917.Le combat de Michal contre le dragon La chute despuissances ahrimaniennes au XIXe sicle et ses consquencespour lvolution de lhumanit.

    Dixime confrence, 20 octobre 1917.Linefficacit des idaux abstraits et la force de vie desconnaissances spirituelles Le dsir des entitsahrimaniennes de dominer la pense humaine Ncessit denouvelles impulsions en ducation.

    Onzime confrence, 21 octobre 1917.Courants manifestes et courants cachs dans lhistoire Larforme de lducation par la Science spirituelle Le Contratgnral de travail de Roman Boos.

    Douzime confrence, 26 octobre 1917.Modification de laction des esprits des tnbres depuis 1879 Le passage des forces du sang et de lhrdit dans le domainedes puissances lucifriennes et ahrimaniennes.

    Treizime confrence, 27 octobre 1917.Laspiration des esprits des tnbres dvelopper la

  • perspicacit humaine et obscurcir les connaissancesspirituelles Oswald Marbach, personnalit reprsentative duXIXe sicle.

    Quatorzime confrence, 28 octobre 1917.Phnomnes dans le monde spirituel et leurs consquencesdans le devenir historique La vritable nature de la socitmoderne rvle par Francis Delaisi.

  • AVERTISSEMENT DE LDITEUR

    Les paroles quon va lire (elles ntaient pas faites pour tre

    lues mais entendues) et qui sont aujourdhui offertes au publicde langue franaise (elles sadressaient un groupe ferm delangue allemande) demandent quelques mots dexplication.Elles se dtachent sur une toile de fond trs particulire.

    Pendant la Premire Guerre mondiale, en Suisse, sur lacolline de Dornach, quelques disciples de lAnthroposophiepargns par la guerre sefforaient de poursuivre la grandeentreprise : ldification du Gtheanum. quelques mois deson achvement, en aot 1914, le conflit avait clat, lestravailleurs volontaires venus de partout avaient t rappelsdans leurs pays respectifs ; il nen tait rest que quelquesdouzaines, sujets des pays neutres ou ayant pass la limitedge. Ctait le cas de Rudolf Steiner lui-mme qui allait versla cinquantaine, tant n en 1861 la frontire austro-hongroise.

    Le travail avait donc continu dans une atmosphredintense gravit, car de la colline on entendait gronder lecanon de lAlsace toute proche. Mais ces hommes et cesfemmes acharns vivaient dans lide que, tandis que toutscroulait autour deux, ils difiaient un monument daveniro se retrouveraient aprs la tourmente ceux quunissait uneaspiration commune vers la connaissance de lesprit.

    Dans la journe, ils assemblaient des pices de bois, lescollaient, les sculptaient, les peignaient avec les fines couleursvgtales quils avaient broyes, creusaient les paissesplaques de verre color pour que la lumire fasse surgir ledessin. Le soir venu, ils se runissaient pour une lecture encommun, un cours deurythmie et surtout, chaque fin de

  • semaine, pour les entretiens que leur offrait Rudolf Steiner.Dans la grande Menuiserie, sur des siges parfois

    improviss, ils lcoutaient aborder tous les sujets qui lesproccupaient, et avant tout : Quel tait le sens du drame quevivait lhumanit ? quoi rpondait ce poids de souffrances etde morts dans le plan de la sagesse cosmique ? Si ctait unefaute humaine, laquelle et que faire pour quelle ne serenouvelle pas ?

    Lui, il avait travaill tout le jour avec eux, passant dunatelier lautre, tenant la main une esquisse, un croquis ; illeur avait montr comment sentir natre la forme au bout duciseau ou du pinceau. Mais maintenant, le soir, les retrouvantsilencieusement groups dans la grande Menuiserie o lesmachines staient tues, il allait leur dire comment on vivifie sapense quand on veut sentir natre en soi les formes delhomme futur.

    Le futur, il tait lourd dnigmes en cet automne 1917, datedes confrences quon va lire. Lanne avait commenc dansune lassitude gnrale. Les nations europennes spuisaientsans rsultat notable. Des mutineries clataient et l ; ledfaitisme pointait. Puis, des nouvelles fracassantes staientpropages : lEmpire russe craquait ; le 15 mars le tsar avaitabdiqu. Un gouvernement provisoire sbauchait qui allaitbientt cder la place Lnine et Trotsky qu point nommun train fameux ramenait de Zurich.

    Mesurant alors tous les dangers dune guerre se liqufiant, lEst de lEurope, en une rvolution gnralise, les tats-Unis dcidaient, devant la menace, de jeter leur poids dans labalance europenne. Quinze jours aprs labdication du tsar, ilsdclaraient la guerre lAllemagne. Des tonnes de matrielallaient commencer se dverser sur les champs de bataille. Yaurait-il alors place pour une solution pacifique qui puisse

  • dboucher sur une vie sociale assainie, rnove ? Cette question, Rudolf Steiner se la posait avec intensit.Il revenait dun sjour en Allemagne o il avait cru sentir

    passer quelques lueurs douverture pour une rvisionfondamentale des structures sociales. Cest alors quil avaitrdig le Mmorandum qui devait servir de point dedpart au Mouvement pour la tripartition du corps social. CeMouvement ne naissait pas dune thorie lucubre mais de laquestion brlante : Comment terminer la guerre par unesolution positive pour tous les hommes ? Quelle pourrait entre lissue valable justifiant les souffrances et les morts ? Unesolution purement inspire par la conscience des profondsbesoins de la nature humaine tait-elle possible ?

    cette question, il rpondait : Peut-tre, mais une seulecondition : cest quun changement sopre dans les mentalits,que lesprit reprenne ses droits sur lintellect. Les idespurement intellectuelles, les concepts abstraits sont desombres inconsistantes, insuffisantes pour saisir le rel. Dansces thories et ces concepts se cache le mal auquel les hommessuccombent aujourdhui sans quils sen rendent compte. Ils enont retranch le sentiment, les forces morales bandant lavolont, ces forces dont sinspire la conduite des hommes. Dslors, cette conduite sen trouve drgle.

    Certes, il est bien difficile Steiner de se faire comprendre,car ses auditoires sont eux-mmes ptris dhabitudesmentales contractes ds lcole ; mais il prend des exemplesdans tous les vnements qui se passent autour de lui, leslivres quil vient de lire, les informations quapportent lesjournaux. Il expose comment les discours des dirigeantsmasquent le rel sous un tissu de grands principes , au lieude dgager ce qui monte des profondeurs, et dagir en

  • consquence.Pour mieux faire comprendre ce rel de lesprit , il

    rappelle ses auditeurs les connaissances quils ont djacquises sur la vie des entits spirituelles intimement mlesaux destines des hommes. Dans lintimit des confrences dusoir, il laisse en lui parler le visionnaire, dmasque et nommeces Esprits des tnbres que Michal a pu vaincre danslatmosphre spirituelle de la terre, mais qui se sont alorsinfiltrs dans les ttes humaines o le combat doit maintenantcontinuer, men par la conscience, par lveil intrieur.

    Sil prend souvent, dans ces confrences, Woodrow Wilsoncomme exemple de la pense thorique et abstraite, cest quecelui-ci prsente alors comme la nouvelle Bible dun nouvelordre des choses ses Quatorze points qui sont un purproduit de lintellectualisme tranger la ralit criante ; ilsen est suivi dailleurs toute une kyrielle dinstitutions sansvie qui sopposent, partout o elles svissent, au pays rel .

    Dans ces confrences, Steiner livre donc le combat qui

    reprend sur terre celui qua livr Michal sur un planarchanglique. Celui qui lit ces confrences soixante ans plustard est en droit de se poser la question : Les choses vont-ellesmieux aujourdhui ? Une victoire sesquisse-t-elle sur lesEsprits des tnbres ? premire vue, on serait port rpondre : Pas du tout ; au contraire ; jamais nont tant rgnles programmes , les mots dordre anonymes, les ideslucubres par des organismes sigle qui ne tiennent pascompte de la vraie vie des hommes, de leurs besoins profondsqui sont dordre spirituel. Ceux qui exercent le pouvoir nontpas t forms pour ressentir ces vrais problmes mais pourmoudre des programmes. Il en ressort une inflation dethories, de chartes et de principes engendrant la confusion

  • totale.Il est vrai quil est trs difficile de reconnatre ce que ces

    mcanismes mentaux ont dabstrait et de mort lorsquon nedispose soi-mme que dun organe dform ; car cest dslcole quau lieu dapprendre penser vrai , on na priscontact avec le monde que par la voie des classifications et desschmas systmatiques. Dailleurs, ntait-ce pas cettencessit dapporter ds lenfance la pense des ouverturesconformes la ralit des choses quallait rpondre lEcoleWaldorf ?

    En effet, aprs la tentative historique faite en 1918 pourintroduire la Tripartition sociale, la premire cole allait trefonde par R. Steiner en septembre 1919. Si lon tient comptedes dates, on voit lenchanement de laction steinrienne etlon est mieux mme de situer les confrences de lautomne1917 en leur attribuant toute leur importance. Quelle que soitla distance entre la situation dans laquelle elles furent donneset celle dans laquelle se trouve aujourdhui un lecteuroccasionnel, puissent les paroles dites alors, contribuerprsentement vaincre en plus dune tte laction des Espritsdes tnbres !

    Alors apparatront quelques signes indniables duchangement qui se produit dans les mentalits. On sapercevraquune prise de conscience publique est en train de soprerdepuis quelques dizaines dannes. On verra germer lessemences dposes dans quelques mes il y a soixante ans, etle pouvoir de lesprit apparatra comme le seul capable deretenir lhumanit sur la pente dangereuse o elle est engage.

    Janvier 1978S.R. - C.

  • Cycles de confrences datant de la mme poque et existant en traduction

    franaise : Pierres de construction pour comprendre le Mystre du Golgotha .(Edition du Centre Triades ) Derrire les dcors de lHistoire Lnigme du double .(Etudes et documents anthroposophiques)

  • PREMIRE CONFRENCE

    Dornach, 29 septembre 1917

    Nombre de nos amis se rappelleront une rponseautomatiquement donne peut-on dire des questions quimont t souvent poses aprs des confrences publiques.Lune de ces questions, vous le savez, tait la suivante :Comment le fait de laccroissement de la population, queprouvent les statistiques, est-il conciliable avec lide des viesterrestres successives ? Lhumanit prsente sur terresaccrot trs rapidement en nombre. Comment peut-onconcilier ce fait avec celui que constate la Science spirituelle, savoir quil sagit toujours des mmes mes ?

    Jai d donner constamment la mme rponse :Apparemment, les statistiques ont tabli sans erreur que lapopulation de la terre augmente : seulement, pour pouvoirprendre vraiment position vis--vis de cette question, ilfaudrait envisager des espaces de temps plus longs quon ne lefait ; les dlais considrs sont beaucoup trop courts. Jajoutaistoujours ceci : peut-tre un temps viendra-t-il qui pourraitntre pas trop loign, o les humains apprendront avec effroique la population diminue. Voil la rponse que depuis le dbutdu sicle on devait faire ces questions.

    Telle est la situation de la Science spirituelle : on ne peutpas rpondre tout net certaines questions parce que noscontemporains ne sont pas encore capables de souvrir commeil faudrait certaines vrits. Il faut sexprimer allusivement.Si vous lisez les confrences faites Vienne en 1914 {1}, vous ytrouverez un passage o il est question dun carcinome, duncancer social qui ronge lvolution humaine. De tellesexpressions et bien dautres semblables sont destines

  • esquisser ce qui menace lhumanit, linviter rflchir. Carce sont ces rflexions, et elles seules, qui peuvent vraimentvous rveiller.

    Si la Science spirituelle veut accomplir sa tche, il fautavant tout que ce rve soit inspir par elle. Car ne savoir quece qui se passe dans le monde sensible, ne connatre que leslois accessibles dans ce monde lintelligence, cest, dans uneperspective plus haute, dormir. Lhumanit nestcompltement veille que lorsquelle peut cultiver les idesconcernant ce monde spirituel qui nous entoure aussi bien quelair et leau, que les toiles, le soleil et la lune.

    Lorsque la nuit on est entirement adonn la vie delorganisme, et quon na pas le moindre sentiment de ce quiexiste dans le monde extrieur, dans le monde des corps, ondort ; on dort aussi lorsquon est entirement adonn aumonde sensible extrieur, au monde de lintelligence et des loisintelligibles qui y rgnent, et que lon na pas la moindre idedu monde spirituel autour de nous.

    Une chose trange, cest que dans ces derniers sicles,prcisment, et sous la pire forme au tournant du XIXe auXXe sicles, lhumanit se soit fait une telle gloire de sonprogrs, de ses conqutes scientifiques, et quau fond jamais lavie inconsciente, instinctive, nait t aussi intense qu cettepoque, que de plus en plus, actuellement, linconscientinstinctif sempare des hommes.

    Le fait de ne pas voir lesprit qui nous entoure, de ne pastenir compte de sa prsence, est en dernier ressort la cause dece terrible combat dans le monde. Et on ne peut pas dire quelhumanit, travers les annes qui, je lai esquiss, sallongenten sicles pour celui qui les a vcues veill on ne peut pasdire que lhumanit ait suffisamment tir la leon desvnements terribles qui se sont drouls. On pourrait mme

  • dire le contraire.Quel fait vraiment caractristique peut nous apparatre

    jour par jour, heure aprs heure, lorsque nous observons ceque les hommes pensent ou plus exactement prtendentpenser, prtendent vouloir ? Ce qui est vraimentcaractristique, cest quau fond, de par le monde, personne nesait ce quil veut ; personne ne voit que ce quon pourraitvouloir juste titre et quelle que soit la conception que senfont les gens dans les diffrents peuples serait obtenubeaucoup plus facilement si les terribles et sanglantesconfrontations prenaient fin ; et que ces terriblesdroulements sont en fait inutiles vis--vis de ce quon veut.

    Certes, des enchevtrements mystrieux dterminent cesvnements. Mais si vous prenez certaines choses qui, aucours des annes, ont t dites effleures seulement , vousconstaterez que bien des choses ont t clairement esquisses,concernant les points essentiels des vnements de cesdernires annes.

    Si vous prenez seulement ce qui, dans ces lieux mmes etnotamment au cours des dernires annes, a t expos sur lecaractre du peuple russe et sur le contraste entre ce peuplerusse et les peuples dEurope centrale et occidentale, vousvous apercevrez que vous navez besoin de rien dautre pourcomprendre cet vnement en apparence si bouleversantsurvenu rcemment, ce quon appelle maintenant laRvolution russe ; vnement qui a pris lallure de reprsailles mais de reprsailles karmiques absolument comprhensibles, ce terme de reprsailles tant prendre au senstechnique, et non pas au sens moral {2}.

    Ce nest pas seulement lhumanit russe, cest celle delEurope, celle du monde entier, qui aura rflchir trslongtemps, sur les vnements de lEst de lEurope, qui sont

  • beaucoup plus mystrieux quon ne pense. Car ce qui a surgi la surface maintenant, se prparait depuis de longs sicles. Etce qui est nouveau, ce qui veut prendre forme, montreaujourdhui un tout autre visage que ce qui se dvelopperaplus tard.

    Des gnrations futures auront encore la possibilit dediscerner la diffrence entre la Maya et la ralit en serfrant ce qui se dveloppera lEst de lEurope au coursdes prochaines dcennies. Car les gnrations actuellesprennent la Maya non pas pour une illusion, mais pour laralit. Elles prennent ce qui se passe actuellement pour ce quisera plus tard la ralit. Or il nen est pas ainsi. Cest toutautre chose qui veut merger des profondeurs.

    Or, les peuples occidentaux sont mal arms pourcomprendre ce qui veut ainsi faire surface. Et pourquoi lesont-ils ? Si trange que la chose paraisse, non pas vous,mais lhomme normal de notre poque parce que vousappartenez lanthroposophie, vous ntes pas des gens normaux du temps prsent si trange que cela paraisse,cette poque qui est la ntre exige des humains beaucoup plusquune autre ce quils veulent le moins avoir : lacomprhension de la Science spirituelle. Si trange que soit lachose pour un homme normal du temps prsent : le chaosactuel ne fera pas place lordre avant quun nombre suffisantdtres humains aient pris la peine dadmettre les vritsanthroposophiques. Tel est le Karma de lhistoire du monde.

    Laissez parler ceux qui croient que nous avons maintenantune guerre pareille aux prcdentes, que nous concluronsprochainement une paix comme on la fait autrefois ; laissez lesgens le croire. Ce sont ceux qui aiment la Maya, qui nedistinguent pas la vrit de lillusion. Laissez mme ceshommes conclure peut-tre une paix apparente : lordre natra

  • de ce chaos qui traverse le monde seulement quand lauroredune comprhension anthroposophique des choses gagnerales hommes.

    Et si vous deviez ressentir dans vos curs que lordre seralong stablir, parce que vous croyez peut-tre que leshumains mettront longtemps faire leffort ncessaire pourque se lve laurore de la Science spirituelle, vous aurez raison.Vous croirez aussi que pendant longtemps, aucun ordre nenatra du chaos. Car il ne stablira pas avant quune manirede voir les choses conforme la Science spirituelle ne viennegagner les curs. Le reste ne sera quapparence, le reste nesera quun calme apparent sous lequel sallumerontconstamment des feux nouveaux. Car lordre ne natra de cechaos que lorsque lon comprendra comment ce chaos est n.

    Il est issu dune manire de saisir la ralit qui ignorelesprit oui, dune manire de voir la ralit qui ignorelesprit. On peut croire que lon peut impunment ignorerlesprit, on peut croire que lon peut sadonner dans le monde des concepts, des reprsentations emprunts au seuldomaine des sens, on peut le croire et cest ce que croit engnral lhumanit daujourdhui. Mais cela nest pas vrai non ! La croyance la plus fausse quait jamais pu entretenirlhumanit, cest celle qui consiste permettez-moi demexprimer familirement penser que les espritssaccommodent dtre ignors.

    Considrez cela si vous voulez comme lgosme, commelamour-propre des esprits dans le monde spirituel, uneautre terminologie que celle du monde physique est en usage.Considrez donc cela comme lgosme des esprits : les espritsse vengent lorsquils sont ignors ici-bas. Cest une loi, unencessit dairain : les esprits se vengent. Et parmi lesdiffrentes caractristiques qui sappliquent au prsent, en

  • voici une : la vengeance des esprits pour avoir t ignors,cest lactuel chaos de lhumanit.

    Rappelez-vous ce que jai dit souvent, ici et dans dautreslieux : il existe un lien mystrieux entre la conscience humaineet les forces destructrices, les forces de destruction delunivers. Oui, ce lien mystrieux entre les forces destructricesde lunivers et la conscience, il existe. Et il existe de faon telleque lun peut prendre la place de lautre soit dans un sens, soitdans lautre, de la manire suivante.

    Supposons quil y ait eu un temps, disons dans les derniresvingt ou trente annes du XIXe sicle, au cours duquellhumanit ait recherch le spirituel comme elle a recherch aucours de cette mme priode le savoir matriel, les activitsmatrielles.

    Supposons qu la fin de ce XIXe sicle, les hommes aientaspir trouver lexprience intrieure de lesprit, laconnaissance de lesprit, lactivit spirituelle. Que se serait-ilpass sils avaient cherch connatre le monde spirituel, et partir de ce monde spirituel, donner au monde physique uncaractre, une base au lieu davoir, dans les derniresdcennies du XIXe sicle, couru de plus en plus,instinctivement, aprs ce savoir qui clbre ses plus grandstriomphes par la production des instruments de mort, et quiaboutit lenrichissement par des biens purement matriels ?Que serait-il arriv si lhumanit avait aspir acqurir, envue de laction sociale, un savoir spirituel, des impulsionsspirituelles ?

    Cet t un acte compensatoire aux forces de destruction !Les humains auraient t plus lucides ; les premiresdcennies du XXe sicle nauraient pas apport la destruction,si la conscience avait t plus forte. Il faut justement que laconscience du spirituel soit plus forte que celle qui sapplique

  • au sensible, la seule matire. Si la conscience avait t plusforte au cours des dernires dcennies du XIXe sicle, lesforces destructrices nauraient pas eu besoin dintervenir dansles premires dcennies du XXe.

    Cette situation, on la peroit le plus intensment, de lafaon la plus saisissante, mais aussi, dans la perspective de lathorie de la connaissance, la plus cruelle, lorsquon entre encontact avec des dfunts qui ont regagn le monde spirituelsoit dans les dernires dcennies du XIXe sicle, soit dans lespremires du XXe. Beaucoup dmes se trouvent parmi eux quisur cette terre, dans la hte, laffairement et les effortsconsacrs au domaine matriel, nont pas trouv loccasiondveiller leur conscience par des impulsions spirituelles.

    Beaucoup ont pass par le porche de la mort sans avoirseulement pressenti ce que sont les notions, les ides quivoquent les impulsions spirituelles. Si sur cette terre, avantque ces mes aient franchi le seuil de la mort, la possibilitavait exist pour elles daccueillir un lment spirituel dansleurs reprsentations, dans leurs concepts, elles leussentemport au-del de la mort. Cet t un apport dont ellesavaient besoin aprs la mort. Mais elles ne lont pas eu.

    Celui qui connat lhistoire de lesprit, ce quon appellelhistoire de lesprit des dernires dcennies du XIXe sicle etdes premires du XXe, sait que lon ne pouvait mme plusemployer le mot esprit bon escient : on la appliqu toutessortes de choses, mais non pas ce qui est vraiment lesprit.Les mes nont eu aucune possibilit de connatre lesprit ici-bas. Il leur faut avoir une compensation. Maintenant quellesont pntr dans le monde spirituel par le porche de la mort,elles ont soif, ces mes qui ont vcu ici-bas dans lematrialisme. Et de quoi ont-elles soif ? De forces destructricesdans le monde physique ! Car cest cela, la compensation.

  • Ces choses ne peuvent tre esquives laide de notionscommodes. Si lon veut, dans ce domaine, apprendre connatre les ralits, il faut cultiver en soi le sentiment de ceque lon appelait dans les mystres gyptiens la ncessitdairain. Si terrible que ce soit, il tait trs ncessaire que ladestruction sinstaure, puisque les tres qui avaient franchi leporche de la mort avaient soif de forces destructrices danslesquelles elles pussent vivre, nayant pu ici-bas recevoir lacompensation des impulsions spirituelles.

    Lordre ne remplacera pas le chaos avant que lhumanit sesoit dcide pntrer son me de vrits aussi graves, et les rattacher aux ides politiques qui circulent dans le monde.Si ces vrits rendent un son pessimiste et que vous pensiez :comme lhumanit est loin encore de tout ce qui est exigaujourdhui ! vous avez raison. Mais votre pessimismejustifi, quil soit suivi de lincitation intrieure, de lincitationlucide tenter, partout o vous le pouvez, en tout lieu o vousvous trouverez, dveiller les mes, de les guider dans ladirection o la Science spirituelle peut envoyer ses impulsions.

    Certes, on ne peut pas le faire beaucoup aujourdhui ilfaut cependant sefforcer honntement, sincrement, dunemanire que lun ou lautre puisse comprendre, dattirerlattention sur ce fait concret : lpoque moderne a veill chezles dfunts des besoins que vient satisfaire ce que nous,vivants, connaissons ici-bas, et qui nous fait frissonner.

    Lorsquon pense combien certains se font la tche facilelorsquils dcrivent dans une perspective ou une autre laspectdu pays o lhomme pntre aprs avoir franchi le porche de lamort, lorsquon suit les sermons pleins donction etmaintenant les hommes politiques suivent lexemple desorateurs dglise avec leurs reprsentations commodes surle monde spirituel, on peut se faire une ide vivante de la

  • distance qui spare de la ralit la suffisance des hommes quiaujourdhui sont des guides.

    Lorsquon compare les discours de ces dirigeants qui sedistinguent dans la vie par le fait quils sont aussi loigns quepossible de diriger, et qui sont eux-mmes guids par toutessortes de forces inconscientes, sauf par les bonnes lorsquoncompare ces discours avec ce qui est ncessaire pour leprsent, on voit combien le moment est grave, infinimentgrave.

    Un monde suprasensible touche aux frontires de notremonde physique. Jamais laction de ce monde mtaphysiquetout proche du ntre na t aussi intense qu notre poque.Seulement les humains ne sen aperoivent pas ; pas mmelorsque cette action devient terrible, redoutable, lorsque lmeen est bouleverse. Des paroles rsonnent aujourdhui travers le monde qui ont un caractre si clairant quen fait,des hommes innombrables devraient y prter loreille. Enrgle gnrale, ils ne le font pas, ou tout au moins ils ne lelaissent pas voir.

    Quelques-uns de nos amis se rappelleront quau cours des

    trois dernires annes, jai souvent attir leur attention sur lefait que si un jour, lavenir, on crit lhistoire de ce quonappelle la guerre {3} aucun critique actuellement ne la fait,bien que ce soit trs faisable , on ne pourra pas employer lamthode qui a abouti ce conte, cette lgende commentlappeler ? que lon dsigne actuellement du nom dhistoire.Cette histoire, des rudits ainsi les qualifie le monde sontrests des mois, des annes, des dcennies dans desbibliothques tudier des documents diplomatiques pourlcrire.

    Il faudra que le temps vienne o la plus grande partie de

  • lhistoire confectionne de cette faon sera bonne mettre aurebut. On ne pourra pas crire lhistoire des dernires annesselon cette mthode, moins dtre insens. Car les choses quiont conduit ce chaos se rvleront, non pas aux hommes quijusqu prsent ont crit lhistoire, mais ceux qui ressententvivement ce que cela signifie lorsquun pauvre homme, traduitdevant un tribunal, jette la face du monde ces tristes parolespour rsumer sa situation : il est arriv ceci, puis cela, et cemoment-l jai perdu la tte ! Voil les paroles quaprononces lui-mme Suchomlinow, le pauvre homme : Jaiperdu la tte ! {4}

    Il nest pas le seul, dautres encore ont perdu la tte cette

    poque. Et que sont dans le cours de lhistoire ces instants odes humains, de leur propre aveu, ont perdu la tte ? Ce sontles moments o Ahrimane avec ses cohortes trouve accs larace humaine et ce qui se passe parmi les hommes. Lorsqueltre humain veille sur sa conscience, que celle-ci nest enaucune faon obnubile ou paralyse, ni Ahrimane, ni Luciferne peuvent sy attaquer. Mais lorsquelle est paralyse,lorsque pour la qualifier on a besoin demployer cette formule :jai perdu la tte, ce moment, Ahrimane et ses cohortespntrent sur le thtre des vnements du monde. Il sepasse alors des choses qui ne sont pas consignes dans lesarchives diplomatiques, dans lesquelles soit dit entreparenthses au cours des dernires annes, on a inscritvraiment peu de choses raisonnables.

    Mais mme en dehors de ce qui sest pass notre poqueet qui a engendr ce chaos ce ne sont pas des actes humainsseulement ce sont avant tout des entits ahrimaniennes quipar leurs actes cherchent intervenir, en obnubilant lesconsciences. Je le sais, plus dun est prsent ici qui, peu aprs

  • que lactuelle catastrophe se ft produite, a reu de moi cetteindication : lorsquon voudra parler des causes de lacatastrophe, on ne pourra pas se rfrer des documents ;devant ces vnements, il faudra considrer les faits parlesquels il apparat que des entits ahrimaniennes sontintervenues dans les vnements humains.

    Ce qui est ncessaire, cest que lon prenne ces choses

    suffisamment au srieux, que lon se penche sur elles nonseulement en usant de formules abstraites, mais trsconcrtement, et quon les considre comme des ralits. Queles hommes qui ignorent tout cela raillent lorsquon dit :Ahrimane a trouv laccs de lvolution humaine. Aujourdhuiils se gaussent de ceux qui parlent ainsi ; lhistoire rira un jourde ces railleurs !

    On ne peut pas dire que ce qui affleure la surface : les

    jugements, les reprsentations et les concepts, aient rvl aucours des dernires annes une maturit particulire vraiment pas ! On ntait mme pas compris lorsquil y a un anet demi, en un lieu ou en un autre, on faisait allusion quelquechose qui pourrait survenir, quil faudrait observer avecbeaucoup de vigilance, quon ne devrait pas prendre lalgre.

    Lorsquon prcisait ensuite tel ou tel lment concret parlequel on voulait indiquer aux mes humaines ce qui allait sepasser : jamais lon ne voyait sveiller la vigilance ncessairepour recevoir lindication donne. Et maintenant les faits sontl. Et on le voit : ils ne sont pas considrs comme quelquechose qui plonge des racines trs profondes dans un certainterrain, mais comme quelque chose dont on juge en fonction dephrases dites ; or, aujourdhui, lhumanit nest pas du tout

  • porte discerner quelle source puisent ces phrases ; onprend les choses comme elles se prsentent.

    Vous comprenez probablement ce que je veux dire. Vous

    comprenez que ce que je voyais venir de plus en plusdistinctement depuis un an et demi, cest la note du pape {5}.Jai cherch trouver quelque part un jugement qui serattacherait en fait cette note du pape ; cest une questionqui devrait ncessairement se poser aux mes. Pensons-y :cest seulement depuis le XVIe sicle nous en avons souventparl quest apparu ce quon appelle aujourdhui ltat.

    Certes, ces hommes tranges quen bien des lieux dumonde on appelle des historiens parlent des tats commedune chose qui existe depuis je ne sais combien de temps.Mais ces historiens-l ne connaissent pas grand-chose lavritable histoire. Ce qui constitue aujourdhui ltat ne datepas de plus de quatre cinq cents ans. Ce quil y avaitauparavant, ctait tout autre chose. Et il est important de lesavoir et de sen faire une ide vraiment claire.

    Llment sacerdotal, ce qui vit Rome, est vraiment plusancien que les tats modernes ; en son temps il avait sajustification, et il a t efficace dans le monde. Jai cherch voir si lon se pose cette question : que signifie donc pour cesinstitutions modernes nes il y a quatre cinq sicles quellesne trouvent pas la possibilit de parvenir delles-mmes tablir lordre, quelles se retournent vers lancien lmentsacerdotal comme vers une chose dont on discute comme celase fait ici et l ?

    Je voudrais bien savoir, quand quelquun se demande sil

    peut patiner alors que la couche de glace a un centimtredpaisseur, sil rpond par laffirmative ! Car les concepts que

  • les humains se font pour juger des impulsions que llmentsacerdotal introduit dans la vie moderne, sont par rapport cequi est en cause comme une couche de glace dun millimtrepar rapport leau qui est en dessous. Et ce que les humainscrivent et disent aujourdhui ressemble un patineurvoluant sur une couche de glace qui naurait pas plus dunmillimtre dpaisseur ; personne ne cherche comprendreque ce qui importe, ce nest pas de prendre en mains undocument et de suivre des yeux les phrases qui sy trouvent,mais bien de savoir avant tout que telle ou telle phrase a unsens tout fait diffrent suivant son origine.

    Partout aujourdhui la ncessit simpose dexhorter,dexhorter avec gravit rechercher la comprhensionprofonde des choses, tre en qute des liens entre les choses,des ralits, et non de lapparence. Personne ne savouevraiment : eh oui, voil ce quil en est ; je ne comprends pasencore ; je nen parlerai donc pas. Il ne faut pas du toutstonner, tant donn le caractre incroyablement superficielde la culture gnrale, que les gens puissent tout comprendreet juger de tout. Mais savouer que lon ne peut mettre dejugement sur une chose, quil faut peut-tre dabord acqurirdes bases, les hommes daujourdhui le font difficilement. Illeur vient peine lide quil est ncessaire auparavantdavoir des connaissances de base.

    Pour les temps qui vont venir, il importe infiniment que loncomprenne vraiment ce que sont les forces luvre, que lonsache ceci : le chaos ne sera vraiment pas moindre si envisageons cette hypothse le sacerdotal devait russir instaurer un dbut dordre apparent. Lide la plus erronequon puisse adopter, la voici : ah, peu importe do viendra lapaix, mme si elle vient du pape ! Eventuellement une paixdue au pape ne serait pas une mauvaise chose, videmment,

  • mais il sagit de voir dans quel sens la comprendront ceuxquelle concerne.

    Il faut voir clairement lappel pressant de notre temps, unappel qui se rpte chaque heure, chaque minute : veille-toi ! Seul celui-l peut comprendre aujourdhui la sciencespirituelle dorientation anthroposophique, qui est capable dedistinguer que lhumanit est devant une alternativeinluctable : ou bien lesprit sera compris, ou bien le chaossubsistera. Un chaos camoufl ne serait pas meilleur quelactuel chaos sanglant.

    Si, dans les annes qui viennent, nous navons rien dautreque le matrialisme, toujours le matrialisme peut-tre unmatrialisme volu si, sur la base de ce qui sest pass aucours des trois dernires annes et dont lhumanit qui dort nese rend pas encore compte, si sur cette base devait sinstaurerune nouvelle course aux richesses matrielles, celle que biendes gens aspirent voir venir comme un fruit de la paix, alors, nouveau des mes franchiraient le porche de la mort etauraient soif de destructions. Et la destruction naurait pas defin.

    La seule et unique chose qui compte, cest le sentiment,limpulsion intrieure acqurir de la ncessit dunespiritualisation. On ira de lavant dans la mesure o lon yparviendra. Celui qui veut comprendre un peu notre poque,et qui pse ce quelle vaut la lumire des vrits si gravesque nous avons si souvent voques, celui-l doit tout demme ressentir ce qua de terrible, daffreusement banal et desuperficiel ce quon dit ou crit de par le monde.

    Imaginez une troupe denfants qui casseraient tout chezleurs parents : les vases, les assiettes, les verres, tout. On lesregarde, on rflchit la manire de les faire cesser, car ilscontinuent de courir la cuisine, au garde-manger et partout

  • o il peut y avoir quelque chose casser. Enfin on savise dunremde. Un groupe de ceux qui assistaient la chose, et quiprtendent mme tre les ducateurs des enfants, a cetteide : ils font en sorte que tout ce qui est cassable soit apportet dmoli, tout entirement. Alors on ne cassera plus rien, lemassacre prendra fin !

    Ne tiendrait-on pas pour fous de pareils ducateurs ? Cestune chose quon comprendrait bien. Mais lorsque des hommesqui se tiennent pour sages proclament de par le monde : il fautmener des guerres sanglantes jusqu la paix, il faut dabordtout dmolir afin que sur terre les destructions ne soient pluspossibles on considre cela comme de la sagesse. Tuer aussilongtemps quon peut pour mettre fin au meurtre, pour luttercontre le meurtre, voil de la sagesse !

    Pour qui possde encore un brin de logique, ce nest pas dela sagesse, pas plus que lorsque lducateur dune troupedenfants dit : afin quon ne casse plus rien, je vais vite amenertout ce qui peut tre encore cass, et aprs on ne cassera plusrien sans doute. Pourquoi les gens qualifient-ils cette attitudede folie, et celle dont je parlais prcdemment de politique delavenir ? Parce quaujourdhui, chez les humains, lactivitde la pense cesse l o elle devrait tre la plus intense : l ocette pense devrait tre applique aux grandes questions dela destine.

    Cest de cela que nous parlerons demain ; et nous traiteronsensemble de quelques vrits spirituelles graves.

  • DEUXIME CONFRENCE

    30 septembre 1917

    Jaimerais aujourdhui, titre de prparation, ajouterquelques points limage laquelle je donnerai demain unachvement plus global.

    Lpoque prsente est un temps vous laurez senti par lecontenu des considrations dhier dont on peut dire quilfaudra que se transforment beaucoup la pense, le sentiment,le vouloir des hommes. Les mes devront prendre une autreorientation. En ce qui concerne prcisment la vie la plusintime de lme, il faudra que disparaissent de vieilleshabitudes transmises par lhrdit ou par lducation ; unenouvelle forme de penser et de sentir devra natre.

    Le temps lexigera. Je pense que lorsque chacun de vouslaisse agir sur son me la vrit qui a t commente hier, il enreoit une impression marquante et profonde : cette vrit dela corrlation entre les phnomnes de destruction ici, sur leplan physique, et la spiritualisation de lhumanit. Carsongeons-y, sous leffet de cette vrit, nous sommescontraints de sentir que nous formons avec les morts, avec lesdisparus, une communaut.

    On peut certes ressentir trs douloureusement ce qui sepasse ici sur le plan physique on doit le ressentir ainsi ; maisdautre part il ne faut pas oublier que les mes qui necomptent pas au petit nombre de celles qui dans les derniresdcennies se sont nourries de vie spirituelle, ont soif dephnomnes de destruction saccomplissant ici sur la terre,parce quelles puisent dans ces destructions des forces pour lavie de lme et de lesprit aprs la mort.

    Et il en dcoule pour nous une incitation faire tout notre

  • possible pour promouvoir la seule chose qui puisse lavenirdbarrasser lhumanit des forces de destruction, savoir lavie spirituelle. Il nous faut voir clairement ceci : dans le pass,la situation ntait pas telle quune poque matrialisteprovoquait ncessairement guerres et destruction. Mais lavenir il en sera ainsi.

    Lhumanit souffre de nombreuses illusions qui lui viennentdu pass. Ces illusions nont pas, jusqu prsent, t aussinfastes quelles le deviendront dans le cours ultrieur delvolution. On peut dire dune manire gnrale que les mesde nos contemporains dorment encore et ne remarquent pasdes changements considrables qui se produisent notrepoque. Pourtant, parfois, ils en peroivent lun ou lautreinstinctivement, et plus dun ressent ce que sont les grandesnigmes du monde. Seulement, beaucoup ne sont pas encoreprdisposs les ressentir avec toute la profondeur, toutelnergie ncessaire.

    Quelques-uns discernent maintenant, sous limpression desvnements bouleversants, destructeurs, lune de cesnigmes. Mais ils sont, sous bien des rapports, hors dtat detrouver une rponse. Lnigme dont je parle, cest le dcalagequi existe actuellement entre la progression intellectuelle et ledveloppement moral. Cest une chose que, pour la premirefois en ces temps modernes, les darwinistes prcisment ontdiscerne au milieu des conceptions matrialistes ; Haeckel afait aussi, dans ses nigmes du monde , une remarque dansle mme sens.

    En ces temps de guerre, on remarque de plus en plus quecette disharmonie entre la vie intellectuelle et la vie moraledes humains au cours de lvolution devient une nigme pourbeaucoup dmes. Les gens se disent avec raison : quelsnormes progrs a fait la vie intellectuelle, la vie de

  • lintelligence, celle que beaucoup dhommes aujourdhuiappellent la vie scientifique, sur laquelle ils difient lactuelleconception matrialiste du monde quels progrs normes afait lintelligence humaine en apprhendant en profondeur leslois naturelles, en sen servant pour construire toutes sortesdinstruments qui notre poque sont surtout desinstruments de mort !

    Les hommes rflchiront bien dautres choses grce cesmthodes scientifiques. Ils analyseront la composition dessubstances et fabriqueront des aliments synthtiques, sansavoir lide que des produits chimiques ne peuvent pas tredes nourritures au mme titre que les aliments naturels,mme si leur composition est identique.

    Lvolution intellectuelle disons aussi scientifique asuivi une ligne ascendante. Mais la vie morale ne sest pasdveloppe dans la mme mesure. Si avait t le cas,lactuelle catastrophe mondiale {6} aurait-elle pu clater,aurait-elle pu se drouler comme elle le fait ? On peut direque, prcisment parce que le dveloppement moral neprogresse pas, la vie intellectuelle est marque dune certaineimmoralit, quelle a pris sous bien des rapports un caractredestructeur.

    Beaucoup de gens discernent aujourdhui ce dcalage, cettedisharmonie entre le dveloppement moral et la vieintellectuelle. Seulement le temps prsent nexige pas que detelles questions soient creuses assez profondment pourprofiter vraiment lvolution de lhumanit, quelles soientapprhendes de faon ce quon voie vraiment ceci : lhommeactuel ne peut pas sinformer rellement des arrire-plansprofonds de la pense et de laction humaines, parce qu savue des choses se confondent qui en lhomme sont spares etrelvent de domaines de lunivers tout fait distincts.

  • La science actuelle a lhomme sous les yeux : corpsphysique, corps thrique ou de forces formatrices, corpsastral, Moi mais tout cela mlang. Cest ce quelle ne voitpas. Comment obtenir une science assez labore pourapprendre distinguer les choses, puisque ces lmentsconstitutifs de la nature humaine relvent de domaines delunivers tout fait diffrents, sont en relation avec dessphres cosmiques diffrentes ?

    Avec notre corps physique et nos forces formatrices, noussommes ici dans le monde physique, avec notre corps astral etnotre Moi, nous pntrons chaque nuit dans un tout autremonde, un monde qui tout dabord na vraiment que peu faire avec celui dans lequel se droule notre vie de veille. Et enfait, ces deux mondes ne collaborent que parce quils sont encontact lun avec lautre dans la nature humaine.

    Songez aussi combien le Moi et le corps astral de lhommesont plus jeunes que le corps physique et le corps thrique !Cest durant lancien Saturne que nous avons reu le premiergerme de notre corps physique, et il est pass par quatrestades : Saturne, Soleil, Lune et Terre. Le corps thrique en afranchi trois, le corps astral deux. Le Moi nest venu sy joindreque pendant la priode terrestre, il est jeune, il a donc un toutautre ge cosmique.

    Or, lappareil de notre intellectualit, ce qui lui sertdinstrument, est intimement li notre corps physique. Cestseulement en passant par une volution aussi complte, par lesphases de Saturne, du Soleil, de la Lune, de la Terre, que lecorps physique est devenu linstrument parfait que nouspercevons dans le dveloppement des nerfs, du cerveau, dusang. Cest cet instrument parfait dont nous nous servons danslactivit intellectuelle.

    Jai indiqu dj en cette ville prcisment que ltre

  • humain est beaucoup plus compliqu quon ne croit en fait.Nous disons : le corps physique mais cest une chose quinest pas simple non plus. En effet, il porte en lui lesdispositions reues sur Saturne. Vint ensuite le corpsthrique. Ce corps thrique, il sest construit un lmentcorrespondant dans le corps physique ; le corps astral et le Moiont fait de mme. Si bien quen fait ce corps physique en soiest constitu de quatre lments : une partie dpend de lui-mme, une deuxime du corps thrique, une troisime ducorps astral, une autre du Moi.

    Laissons de ct le corps thrique, qui est tripartite,puisquun lment lui est soumis lui-mme, un autre aucorps astral, un troisime au corps physique, et restons-en ce dernier. Il se rvle alors que la nuit, quand nous dormons,la partie du corps physique qui est subordonne elle-mmecontinue tout naturellement de vivre ; ce qui est subordonnau corps thrique continue galement de vivre, puisque cedernier est uni au corps physique. Mais quen est-il alors dellment qui est subordonn au corps astral, qui est organisen vue du retrait du corps astral lequel nous quitte durant lanuit et aussi de llment qui est subordonn au Moi ? Car leMoi, lui aussi, est lextrieur. Ces deux lments appelons-les physique-astral et physique-Moi sont donc, pendant lanuit, abandonns par ce qui les organise en ralit.

    Nous sommes, avec le corps astral et le Moi, hors de ce quoi ils sont lis dans le corps physique. Aussi longtemps quenous vivons entre la naissance et la mort, nous laissons doncdans notre lit quelque chose qui est abandonn par ce quoi ilest li. Ce quelque chose doit donc agir pendant le sommeilautrement que pendant la veille, vous le comprendrez. Carpendant la vie de jour, cet lment est parcouru du flux et delardeur du corps astral et du Moi, mais non pendant la nuit,

  • non pendant le sommeil. Aujourdhui, ltre humain ne se poseaucune question, parce que nous lavons dit tout seconfond et se mle ses yeux, parce quil ne distingue pas ceslments constitutifs de sa personne corporelle, pourtant trsnettement diffrents.

    Ce qui, dans le corps physique de lhomme, peut tre

    appel le physique-astral, agit durant la nuit avec des forcestrs semblables celles de Mercure, les forces mercurielles,celles qui font du mercure un liquide. Par contre, ce qui dans lecorps physique est subordonn au Moi, agit durant le sommeilcomme le sel. Ainsi, pendant quil dort, lhomme est parcourutout entier par le sel et le mercure .

    Ce sont l des choses que les alchimistes srieux savaient

    encore avant le XIVe sicle. Cest seulement par la suite questapparue une alchimie dgnre, et quont t publis leslivres quon lit encore aujourdhui. Des connaissances commecelles qui viennent dtre exposes se retrouvent jusque chezJacob Bhme, qui parle aussi de sel, de soufre et de mercure.

    Ce sont l des mystres de la nature humaine. De ce dontnous venons de parler, nous pouvons dire : quand nousdormons, nous portons notre regard sur un corps salinifi etmercuris. Quil soit mercuriel a des consquences trsimportantes dont nous parlerons peut-tre au cours de cessemaines. Quil soit salinifi je pense que ce ne serait peut-tre pas trs difficile de sen rendre compte quand on se lve lematin.

    Mais quest-ce que cela signifie ? Cest dans ce corps ainsisalinifi, minral, qui forme des dpts, et dans ce qui estmercuriel, et parcourt ltre dun courant vivifiant car le mercure est en ralit vivifiant , cest dans cet lment

  • que pntrent au rveil le Moi et le corps astral, qui durant lesommeil nocturne se trouvaient dans le monde spirituel. Deslments rentrent donc en contact qui pendant la nuit nontpas de lien. Cest cette situation daction rciproque quipermet de transmettre ce quon a acquis dans le mondespirituel. Mercure et Sel ont repos. Le Moi et le corpsastral interviennent alors et les imprgnent de ce quils ontvcu dans le monde spirituel.

    Par l linstrument du corps physique, qui sest dveloppdepuis Saturne, est encore enrichi. Dans le corps physique,nous avons dune part un instrument dont nous nous servonspour lactivit intellectuelle, si vnrable et si bien form,parce quil a derrire lui une longue volution ; mais en outre,par le processus que je viens de dcrire, une influence dumonde spirituel vient sy ajouter notre poque. Cestpourquoi les hommes daujourdhui peuvent, partir dumonde spirituel, agir sur linstrument de lintellectualit ; cestpourquoi, aujourdhui, cette intellectualit est si importante.

    Mais le monde dans lequel nous sommes pendant lesommeil a une particularit bien prcise : il na en lui aucuneloi morale. Si trange que cela puisse vous paratre, depuis lemoment o vous vous endormez jusquau rveil, vous tesdans un monde sans lois morales. On pourrait dire aussi : unmonde qui nest pas encore moral. Lorsque nous nousrveillons, nous en ramenons, il est vrai, des impulsions quipeuvent semparer du corps physique et du corps thriquedans le sens de lintellectualit mais non pas dans le sens dela moralit.

    Cela est tout fait exclu, car dans ce monde o noussommes pendant le sommeil, il ny a pas de lois morales. Lesgens croient quil serait prfrable que les dieux aient toutordonn de telle sorte que lhomme naurait pas besoin de

  • vivre sur terre ; ils sont bien dans lerreur : car alors lhommene pourrait jamais devenir moral. La moralit, lhomme nelacquiert que par la vie sur le plan physique. Les humains nepeuvent devenir moraux que sur le plan physique. Du mondespirituel, nous ramenons donc bien de la sagesse dans notrecorps physique, mais non pas de la moralit.

    Cela est trs important et nous explique pourquoi les

    hommes sont moins volus au point de vue moral, alors queles dieux ont si bien fait le ncessaire pour leur intellectualit,non seulement accorde par lvolution travers Saturne, leSoleil, la Lune et la Terre, mais pour laquelle ils les pourvoientencore dun viatique en les imprgnant de sagesse dans lemonde o lhomme sjourne pendant le sommeil. Nous neconnatrons que plus tard, dans la seconde moiti delvolution de Vnus {7}, des tats analogues o pendant lesommeil nous serons en liaison avec un monde moral. Ce faitnous montre quil est infiniment important de veiller ce quenotre vie sociale soit imprgne de moralit.

    Ce sont l des choses que lhumanit moderne ne veut pasaborder. On a parfois limpression de se trouver devant desnigmes, comme je vous le disais ; mais on ne veut pas allerjusquau fond des choses, parce que cest inconfortable, parcequon veut prendre lhomme comme il est l, et non pas penserquen cet tre humain des fils sont nous qui se prolongentjusque dans le Cosmos, au-del de lespace, au-del du temps,et quil ne peut pas tre expliqu dans son comportementhabituel si lon ne tient pas compte de ces rapports.

    Cest un fait grandiose et puissant : le sommeil nous estutile pour notre intellectualit, et mme pour le gnie car legnie aussi ramne du sommeil ce qui imprgne le sel et lemercure en lui, et cest mme sur ce fait prcisment que

  • repose le dveloppement du gnie , mais la moralit ne peuttre affermie que si lhomme se pntre progressivement, surle plan physique, de forces morales.

    Le centre de la vie morale, pour lhumanit terrestre, cestlimpulsion du Christ. Cest pourquoi il est si important je laisouvent soulign dans dautres perspectives que ltrehumain ait un lien ici, sur le plan physique, avec limpulsion duChrist. Cest une chose qui doit tre apprhende partir despoints de vue les plus diffrents. Il paratra donccomprhensible que, si quelquun, mme anim dinstinct pardes impulsions de sagesse car de telles impulsions secommuniquent dans le sommeil puisse ainsi inventer lesmachines les plus compliques et participer au progrsscientifique et technique, il nest pas dit que la chose soit enrapport avec la moralit, qui rside en fait dans une tout autresphre.

    De telles choses sont aujourdhui, pour les humains,dsagrables apprendre et savoir. Et pourtant il fautquelles soient connues si nous voulons un jour sortir du chaosdans lequel le monde a gliss. Ce sont l des vritsextrmement graves. Lvolution de lhumanit pourraitsarrter si elles ne prennent pas pied dans la vie terrestre.Car les dieux nont pas voulu faire des hommes des robotspour agir sur eux automatiquement en quelque sorte, ils ontvoulu en faire des tres libres qui peuvent discerner ce qui lesfera aller de lavant.

    Lobjection : pourquoi les dieux ninterviennent-ils pas ?Est sans valeur. Il faut entreprendre des tentatives ; et si unetelle tentative pour parvenir la connaissance spirituellechoue une fois, il ne faut pas en tirer de fausses conclusions ;ceux qui viendront aprs devront dautant mieux concevoirlimpulsion agir dans un sens qui soit favorable un progrs

  • spirituel.Jai d rcemment moccuper beaucoup dune importante

    tentative de cette nature et qui, lpoque, na pas eu ungrand succs. Ctait lorsque jcrivis pour la revue DasReich la premire partie de mon essai qui aura une suite sur Les noces chymiques de Christian Rosenkreutz enlanne 1459 . Ces Noces chymiques de ChristianRosenkreutz en lanne 1459 ont t crites au dbut duXVIIe sicle. Ds 1603 elles commenaient tre lues ;louvrage parut en 1616. Lauteur sappelait Johann ValentinAndreae ; mais il a crit encore dautres uvres : ce quonappelle la Fama Fraternitatis et la Confessio .

    Ce sont des uvres tranges, sur lesquelles les gens ontmis toutes sortes dopinions senses et surtout peu senses.Je veux aujourdhui indiquer simplement ceci : bien que cescrits puissent faire tout dabord limpression de satires, ilsapportaient une grande impulsion : celle dapprofondir laconnaissance de la nature dans le spirituel on pourrait dire :la connaissance spirituelle de la nature jusquau point o, parune comprhension plus profonde des lois naturelles, onaborde aussi les lois de la vie sociale, de la vie en commun.

    Dans ce domaine, les humains ont particulirement du mal distinguer la maya, lillusion, de la ralit. Les motifs quesouvent nous attribuons nos actes, ou que dautres nousattribuent, ne sont pas les vrais. Cest une chose pnible pourlhomme que de le constater mais, je lai souvent expos, cene sont pas les vrais. Les positions que les humains occupentdans la vie sociale extrieure, ne sont pas non plus les vraies.Lhomme intrieur est dans la plupart des cas un tout autretre que le personnage dans la vie sociale ; il est tout autre quece quil voit de lui.

    Les humains croient fermement, lorsquils font telle chose,

  • quils agissent en vertu de tel motif ! Plus dun croit avoir desmotifs trs dsintresss alors quen ralit il est poussuniquement par un grossier amour de soi-mme. Mais il nensait rien, parce quil vit dans la maya en ce qui concerne saposition sociale et en ce qui le concerne lui-mme. On ne peuty voir clair, en ce domaine, que si lon peroit les ralits enprofondeur.

    Johann Valentin Andreae tait de ceux qui voulaientpercevoir ces rapports profonds. Ce qui lui importait, entreautres choses, ctait de voir les ralits au-del de la maya.Mais, ntant naturellement pas un esprit ordinaire, il necroyait pas que cela pt se faire au moyen des discours parlesquels, aujourdhui, les profonds pdagogues, et dautresavec eux, veulent rformer le monde ; il voyait clairement quilfaut dabord plonger le regard dans le monde de la nature poury trouver lesprit. Car alors on peut discerner les liens parlesquels lhomme est vraiment uni lesprit. Cest alorsseulement que lon peut connatre les vraies lois sociales dontnous avons besoin.

    On ne peut pas, aujourdhui, rflchir aux rapports sociauxlorsquon est un penseur scientifique au sens actuel de ceterme, parce que ce quon apprhende dans la nature et dansla vie sociale, ce nen est que laspect superficiel. JohannValentin Andreae recherchait les ralits naturelles et lesralits sociales profondes, car cest dans cette profondeurseulement quelles concident. En ralit, si vous vousreprsentez la frontire entre la maya et la ralit, vous avezdun ct une ouverture sur la nature, et de lautre sur la viesociale. Cest seulement quand le regard atteint au-del quelon voit quelles se rejoignent larrire-plan.

    Mais les humains niront pas jusque-l ; ils se contenterontdobserver quelques lois naturelles perues la surface des

  • choses, et parleront de la vie sociale superficiellement. Onnatteint pas par cette voie les liens internes des choses, etcest ce quoi aspirait Johann Valentin Andreae ; on devienttout au plus pardonnez-moi, il faut parfois dire les chosescomme elles sont un Woodrow Wilson : on ne voit pas lesliens des choses entre elles.

    Cest ce que recherchait Johann Valentin Andreae, et cestcette recherche que lon peroit travers des uvres commela Fama fraternitatis et la Confessio rosicruci . Ctaitune adresse aux dirigeants politiques, aux hommes dtat deson temps ; ctait une tentative pour fonder un ordre socialqui soit conforme la ralit, et non la maya. La Famafraternitatis est parue en 1614, la Confessio en 1615, la Chymische Hochzeit des Christian Rosenkreutz , crite en1603, parut en 1616. En 1618 clata la guerre de Trente ans,et les trs nobles aspirations exprimes dans la Famafraternitatis et dans la Confessio furent balayes.

    Nous vivons aujourdhui en un temps o une seule anne deguerre, par ses effets destructeurs, vaut largement cequtaient autrefois dix annes. Nous avons dj derrire nousune guerre de Trente ans, si lon se base sur les effets quelleeut lpoque.

    Essayez de saisir ce fait, dont la pense peut vous amener concevoir la volont et laspiration qui se manifestrentsemblablement au XVIIe sicle, mais furent paralyses par lesvnements de la guerre de Trente ans. Et je le disais dj :quand de telles tentatives ont t faites, il ne faut pas par lasuite se laisser arrter ; il faut au contraire se sentir port redoubler dactivit afin que nchoue pas une tentativeultrieure. Mais pour cela, il est ncessaire de connatrevraiment la vie.

    Rattachons maintenant ces considrations celles de lan

  • dernier et du dbut de la prsente anne. Jai attir votreattention sur le cours trange de la vie humaine dans sonensemble, de lvolution humaine tout entire. Je vous airendus attentifs au fait que, tandis que lindividu augmente enge, quil a dabord un, deux, trois, quatre ans puis trente,trente-cinq, quarante ans, etc, lhumanit dans son ensemblechemine en sens inverse. En tant que totalit, lhumanit taittout dabord ge, maintenant elle rajeunit de plus en plus.Lorsquon remonte dans le pass il suffit daller jusqu lapriode qui marque la fin de lpoque atlantenne et le dbutdes temps postatlantens, donc jusqu la catastropheatlantenne on se retrouve lpoque protohindoue.

    Les conditions dans lesquelles se droulait la vie extrieuretaient alors toutes diffrentes ; lhumanit dans son ensembletait ainsi constitue quelle restait voluable jusquau-del dela quarantaine. Aujourdhui, cest seulement pendant lenfanceet jusqu un certain moment de la jeunesse que nous restonscapables dvoluer, que le dveloppement du corps garde unlien avec celui de lme et de lesprit. Pendant que noussommes enfant, puis jeune homme ou jeune fille, ledveloppement physique et celui de lme et de lesprit se fontparalllement.

    Mais un moment, ce paralllisme cesse. lanciennepoque hindoue, il se poursuivait, et les humains restaient,pour le dveloppement de lme et de lesprit, dpendants decelui du corps. Ce dveloppement ne prenait fin que lavieillesse venue. Cest pourquoi, cette poque, on admiraitsans rserve et dans lhumilit les personnes dge.

    Puis vint lpoque de la Perse antique. Les humainsntaient plus voluables jusqu un ge aussi avanc, maisseulement jusque dans les annes quarante, jusqu lacinquantaine passe ; lpoque de la Perse et de la Chalde,

  • jusquau-del de la quarantaine. Puis vint lpoque grco-latine, o les hommes ntaient capables dvoluer que jusqu35 ans. Ensuite vous le savez, lpoque grco-latine acommenc au VIIIe sicle avant Jsus-Christ lhumanit nepouvait plus voluer que jusqu 33 ans. Ce fut le temps osaccomplit le Mystre du Golgotha. Lhumanit tait alorsvoluable jusqu lge o le Christ passa par le Mystre duGolgotha.

    Elle continua de rajeunir . laube de la cinquimepoque postatlantenne, au XVe sicle, lhumanit pouvaitvoluer jusqu 28 ans seulement et en restait l ; aujourdhui,les hommes sont abandonns par la nature et laisss eux-mmes, ils ne mrissent que jusqu 27 ans. Alors que dans lepass ils restaient deux-mmes aptes se dvelopper, il fautque lvolution par nature, celle qui est lie au corps, sachve 27 ans, si ltre humain ne souvre pas dans son me uneimpulsion spirituelle et ne veille pas progresser de lintrieur.Ceux qui le ngligent, qui navancent pas par une impulsionintrieure, qui ne souvrent pas au spirituel, en restentaujourdhui 27 ans, mme sils deviennent centenaires.

    Cest--dire quils portent les caractres, les signesdistinctifs de lhomme de 27 ans. Et parce que les humains serefusent rechercher des impulsions spirituelles intrieures,nous avons une civilisation, une vie sociale de gens de 27 ans.Dans la vie sociale, nous ne dpassons pas le niveau de la 27eanne. Lhumanit est domine par la mentalit de la 27eanne. Si les choses continuent ainsi, elle reviendra 26, 25,24 ans la sixime poque postatlantenne, puis 21 ans, etplus tard 14 ans.

    Il faut sarrter ces choses, sans devenir pessimiste pourautant, mais en les percevant de manire ce quellesengendrent en nous une impulsion rechercher la vie

  • spirituelle, rechercher par nous-mme, par le travailintrieur, ce que la nature ne peut plus nous donner.

    Ainsi apparat dans une autre perspective combien lesimpulsions spirituelles sont ncessaires pour la civilisation. Lespersonnalits caractristiques, les dirigeants, ceux qui donnentle ton, sont aujourdhui des gens qui ne dpassent pas la 27eanne. Quest-ce qui, actuellement, donne particulirement leton ? Si aujourdhui un homme venait au monde plein de vie,et quil ne simprgne gure de la tradition, mais souvre ceque justement la nature lui donne, sans subir beaucoup lesinfluences extrieures, il porterait en lui, de faon biencaractristique, ce qui vient de soi-mme.

    Chez beaucoup dtres, cet apport est color diffremmentpar lducation. Prenons par exemple un homme tout faitcaractristique, sur la personne duquel ne soient visibles queles marques du prsent, un homme n peut-tre dans lapauvret et qui nait pas reu une ducation base sur latradition ; qui ne laisse agir sur lui que ce qui lui vient desconditions dans lesquelles il vit : il grandirait, serait dabordtrs vivant, parce que cela correspond notre poque : on esttrs vivant 7, 14, 21 ans, on est un tre trs nergiquejusqu 21 ans.

    Mais si cet tre ne peut pas se dvelopper spirituellement,sil est trs reprsentatif de notre poque, il cessera dvoluer 27 ans. Sil devenait un homme trs reprsentatif du tempsprsent, il arriverait peu prs ceci : cette 27e anneconstituerait dans sa vie une csure marque, si marque quela situation laquelle il arriverait ne permettrait plus aucunevolution, parce quil serait engag pour la vie.

    Dans les conditions actuelles, cela pourrait se faire ainsi :aprs avoir t un self-made man dune grande nergie, ayanttoutes les impulsions que lpoque donne par elle-mme, il

  • serait lu, 27 ans tout juste, au Parlement. Lorsquon est lu un Parlement, on est engag, on ne peut plus faire machinearrire, on en reste l cest prcisment le fait de notrepoque et lon est particulirement reprsentatif pour cettepoque moderne.

    Et comme le Parlement est lidal de lpoque actuelle, ceserait prcisment une csure marquante dans la vie dunhomme qui refuse tout ce qui va vers lavenir, qui sest si bienadapt la situation extrieure, quen un mot, il aura toujours27 ans. Cet homme de 27 ans, fort, vigoureux, portant en luiles impulsions de lpoque, entrerait donc au Parlement. Unpeu plus tard, il en sortirait peut-tre pour devenir ministre.On continue de monter, on devient un de ceux qui donnent leton notre poque. Mais on est seulement un hommecaractristique du prsent, un homme de 27 ans.

    Cet homme existe ; un homme plac par la naissance dansdes conditions telles quil na acquis que ce qui lui venait descirconstances, quil na rien reu de la tradition. Il est ainsidevenu un tre fort, vigoureux, capable de surmonter toutesles difficults qui peuvent sopposer ce quon acquiert durantles 27 premires annes de la vie, et qui, prcisment lgede 27 ans, a t lu au Parlement, o il a tenu tout dabord lerle dun trublion, dun opposant.

    Mais il a rapidement fait carrire et il est devenu une sortede plaque tournante : cet homme, cest Lloyd George,personnage caractristique entre tous pour notre poque, pourla manire de vivre de notre poque ; ce que rvle le simplefait que ce self-made man sest engag pour la vie lge de 27ans exactement, o il fut lu dput ; ce que rvle aussi toutesa carrire. Or, cest cette manire de vivre quil fautabandonner pour celle dans laquelle prendront place, la 27eanne, les impulsions spirituelles.

  • Lorsque le regard atteint les ralits intrieures de la vie,on discerne dans les faits que ne peroivent pas les humains parce quils dorment les vnements essentiels du prsent.Pour celui qui connat les liens des choses entre elles, cetteaccession 27 ans dun self-made man une carrireparlementaire est une chose extrmement significative.

    Ce sont l les choses que les hommes doivent peu peuobserver et dont ils doivent tenir compte, par lesquelles ilsdoivent connatre les ralits profondes de la vie, celles quilsvoudraient bien ignorer parce quelles leur sont dsagrables.Dsagrables parce quils prfrent se laisser allerinstinctivement aux passions, aux ractions dmotivit quilscultivent eux-mmes, plutt que de se consacrer laconnaissance ; parce quils veulent vivre le monde abandonns cette affectivit, et non en se guidant eux-mmes.

    Cest ce sujet dont nous poursuivrons demain ltude.

  • TROISIME CONFRENCE

    1er octobre 1917

    Au cours de cette srie de confrences, je mefforcerai devous faire un expos cohrent qui vous donne la possibilit decomprendre, certains points de vue tout au moins, le prsentet le proche avenir. Pour certaines choses, il me faudracependant remonter loin dans le pass. Il faudra donc tenircompte du fait que je tracerai, tout au long de ces confrences,un fil conducteur, comme on dit, et quil faudra considrer lesfaits isols dans le contexte densemble. Je reprendrai leschoses de loin dans les perspectives les plus diffrentes, jerassemblerai des pierres de construction qui parfoissembleront navoir que de lointains rapports entre elles, maisdont vous avez besoin pour comprendre le prsent.

    lpoque actuelle et jentends par ces mots, en fait, unepriode qui englobe des dcennies dans le pass et danslavenir il faut tenir compte tout particulirement dunechose. Des vrits doivent tre nonces qui, sous bien desrapports, sont radicalement opposes ce que lhumanitactuelle non seulement croit, mais aussi quelle considre plusou moins comme videntes ; si bien que le rapport entre lascience spirituelle et les opinions couramment admisesaujourdhui dans le monde se prsente de la maniresuivante : la science spirituelle a telle ou telle chose dire.

    Dans le monde, on a une opinion non seulement divergente,mais sous bien des rapports diamtralement oppose auxvrits que la science spirituelle doit rpandre. Il est donc toutnaturel quaux humains qui entendent ces vrits, ellesparaissent incroyables, absurdes, folles.

    Il faut le dire : mme si en dautres temps la vrit quil

  • fallait rpandre en vue de prparer lavenir tait diffrente desides courantes, si toute poque il y eut une certainedivergence entre la vrit en marche et lopinion locale ouuniverselle jamais dans le pass cette divergence ne fut aussigrande, aussi dcisive qu notre poque. Ce nest peut-trepas valable dans labsolu, mais dans un sens relatif : leshumains sont aujourdhui intrieurement trs intolrants et dece fait supportent moins les opinions qui diffrent des leurs.

    Les hommes daujourdhui ressentiront une impressionsubjective de fantastique vis--vis des ides nouvelles, etbeaucoup plus dans un proche avenir que ce ntait le cas dansle pass. Cependant, les circonstances sont telles que, notrepoque, des vrits que jusqu prsent on a rigoureusementtenues secrtes, au sujet desquelles on imposait svrement, ceux qui elles taient communiques, de les taire ceux quion ne pouvait les transmettre, ces vrits doivent de plus enplus tre publies, quelle que soit lattitude des tenants delopinion gnrale, quels que soient les prjugs et lesoppositions quelles rencontrent.

    Pourquoi il en est ainsi, cest ce dont nous aurons parlerencore au cours de ces confrences. Je mentionne tout dabordquelques particularits qui se manifestent dans la maniredont les hommes du temps prsent et ceux dun procheavenir accueilleront ces vrits.

    Sous bien des rapports, ces hommes du temps prsent,bien quils se croient trs au-dessus des illusions et dessuperstitions du pass, sabusent entirement ; ils inclinentplus qu dautres poques sadonner des illusions vis--visde certains faits de lordre universel, de faits importants,essentiels ; et ce un degr tel que ces illusions deviennent despuissances qui dominent le monde, qui dominent les peuples,qui dominent la terre. Cest quelque chose de trs important ;

  • dans le chaos actuel et cest justement pour cela quil y a unchaos rgnent des illusions, des conceptions illusoires.

    Prenons-en tout de suite une fondamentale, une illusionessentielle du prsent, qui est en rapport troit avec lestendances matrialistes de lpoque, avec lattrait que lematrialisme exerce sur les hommes. Cette illusion secaractrise par le fait que les humains penchent de plus enplus se faire une ide tout fait fausse de ce que nousappelons, dans le contexte de la science spirituelle, le planphysique. Et ils comprennent de moins en moins une parole duNouveau Testament, essentielle dans cette perspective : Mon royaume nest pas de ce monde. Cette parolerencontre lincomprhension dans la mesure prcisment oles personnalits marquantes, les dirigeants actuels,sadonnent cette illusion que, sous tous les rapports, leurroyaume doit tre de ce monde, que leur royaume doitstablir sur le plan physique.

    Que signifient ces paroles de lvangile ? Celui qui voit laralit, qui la perce jour, sait que le monde du plan physiquene pourra jamais tre parfait. Celui qui pense en matrialistepar contre, sadonne lillusion que sur ce plan physique, ondoit arriver la perfection. L est la source de toutes lesautres, dont une en particulier est caractristique : lillusionsocialiste des temps prsents.

    Des illusions, les hommes de toutes les opinions, de toutesles nuances politiques sen font. Les tenants dune conceptiondu monde librale, dune attitude librale devant la vie, ontimagin un certain ordonnancement du plan physique, et ilsont pens que sils arrivaient le raliser, ce serait le Paradissur terre. Les socialistes ne pensent leur tour rien dautrequ organiser ce plan physique de faon ce que tout soit bon, ce que chacun mne une existence particulirement

  • confortable, et on se la reprsente semblable pour tous.Lorsque les hommes commencent dpeindre ces formesdavenir sur le plan physique, cest toujours un mondeparadisiaque qui apparat. Essayez donc dexaminer sous cetangle les plans des diffrents partis socialistes !

    Mais vous trouvez des ides semblables chez dautres aussi.Prenez les pdagogues. Bien entendu, tout crivain oupersonnalit active en matire de pdagogie est convaincu quillui faut instituer un systme, des principes dducation quiseront les meilleurs possibles, et qui sont aussi, dans labsolu,les meilleurs quon puisse imaginer.

    Il y a l une aspiration laquelle il parat insens de vouloirsopposer. Car les choses tant ce quelles sont, les humains nepeuvent gure dire autre chose que : celui qui ne veut pas quetout aille pour le mieux dans le monde doit tre une bienmchante nature. On peut comprendre que les gens pensentainsi.

    Mais si ce nest pas par mchancet quon sinterdit depenser ainsi, si cest par une vue claire et authentique de laralit, si cette vue claire nous dit : cest tout simplement uneillusion de croire quon peut atteindre sur le plan physique une telle perfection si une loi voulait que sur le plan physiqueles choses ne puissent jamais tre parfaites tout comme uneloi veut que la somme des angles dun triangle soit gale deux droits , alors il faut regarder une telle vrit en facesans lchet, courageusement.

    Voil les illusions quengendrent les perspectivesmatrialistes. Beaucoup de gens aujourdhui disent : je crois un monde spirituel mais ce ne sont que des mots ; chezbeaucoup dtres, cest une parole, ce sont des mots vides.Dans la manire de sentir, dans les sentiments, dans lesimpulsions subconscientes des humains, il y a autre chose, une

  • tendance est ancre penser en matrialiste. Cette tendanceles amne mme sils se bercent de lillusion quils ont foi enautre chose ne croire en fait quau plan physique.

    Et celui qui ne croit pas avoir autour de lui autre chose quele plan physique, ne peut videmment pas faire autrementquadmettre pour unique idal lactivit qui tablira le Paradissur ce plan physique ; sinon le monde entier serait uneabsurdit. Pour le matrialiste, il ny a pas dautre possibilit,si le monde ne doit pas lui paratre absurde, que desabandonner cette illusion que maintenant, il est vrai, leschoses sont bien imparfaites sur le plan physique, mais quelon peut y tablir des institutions qui le rendront parfait.

    Tout ce qui se manifeste aujourdhui dans ce domaine soitdune faon gnrale : tout ce qui provoque les discours detoutes sortes dagitateurs politiques, sociologues et autres ;soit sur des points particuliers, disons par exemple dans ledomaine de lducation , tout cela repose sur des illusions. Etces illusions, de leur ct, reposent sur ce fait que les humainsne voient absolument pas les rapports entre le plan physiqueet les autres sphres de lunivers, quils nont aucunepossibilit de se reprsenter pourquoi le Christ Jsus a dit : Mon royaume nest pas de ce monde.

    Pourquoi le Christ Jsus na pas voulu instaurer ici-bas laperfection. On ne trouvera dans les vangiles aucune preuvedu fait que le Christ ait voulu transformer ce royaume dumonde physique en un royaume de perfection. Jamais leChrist, videmment, ne sest abandonn cette illusion. Mais ila voulu compenser ce refus dinstaurer le Paradis sur terre endonnant aux hommes quelque chose qui ne soit pas de cemonde : en imprgnant les mes des impulsions qui continuentde vivre dans le monde, mais qui prcisment ne sont pas dece monde, nappartiennent pas au plan physique.

  • De telles illusions dominent aujourdhui lhumanit dans detrs vastes milieux, et cela cre une situation malsaine. Car leshommes sont des tres libres, ils peuvent concevoir, saisir cesillusions. un niveau plus matriel, ces illusions servleraient aussitt comme telles. Les insenss quichafaudent dans le champ matriel de telles thories,manifestent aussitt leur nature dillusionnaires. Mais dans legrand domaine de la vie sociale, de la vie politique, cela ne servle pas tout de suite.

    Jai dj souvent racont ceci : alors que jtais encore unblanc-bec, javais 22 ou 23 ans, un camarade vint me trouver,la tte toute chauffe, plein denthousiasme, et me dclaraquil avait fait une dcouverte importante, destine vraiment faire poque. Voil qui est bien, lui dis-je ; et quest-ce que tuveux en faire ? Oui, dit-il, il faut que jaille trouver Ratinger ctait le professeur qui enseignait la mcanique applique lUniversit et que je lui expose mon affaire !

    Sitt dit, sitt fait, il sen fut, mais Ratinger ntait paslibre, et mon camarade revint, aprs quon lui eut donn unautre rendez-vous. Je lui dis alors : tu peux peut-tre meraconter en attendant nous avons un peu de temps quelledcouverte tu as faite.

    Ctait une affaire astucieuse. Il avait invent une machine vapeur telle que pour la chauffer, on navait besoin que dunpeu de charbon au dpart ; il ntait pas ncessaire denrajouter ensuite, un mcanisme maintenait la machineconstamment en marche. Une seule impulsion suffisait. Biensr, la chose devait faire poque, et vous vous demandezpourquoi elle nexiste pas !

    Je me fis expliquer tout le mcanisme, et je lui dis : vois-tu,cest trs astucieux ; mais quand on regarde lensemble, cestcomme si tu voulais mettre un wagon de chemin de fer en

  • mouvement en le poussant de lintrieur. Quelquun qui serait lextrieur et qui le pousserait, pourrait naturellement lefaire avancer ; mais sil tait dedans, il ne le dplacerait pasdun millimtre, tout en dpensant la mme force. Cest l-dessus cependant que reposait toute la chose.

    Quelque chose peut tre extrmement logique,extrmement astucieux, et construit par lapplication de tousles principes techniques, et peut cependant tre un non-sens,labor sans aucun lien avec la ralit. Et ce qui importe, cenest pas seulement une pense logique et astucieuse, cest unepense qui soit conforme la ralit. Mon camarade nestdailleurs plus all trouver le professeur Ratinger.

    Or, dans le domaine matriel, dans le domaine de lamcanique, les choses se rvlent rapidement. Mais dans lechamp du social, du politique, et dune manire gnrale dansce quon peut appeler dans un sens trs large le domaine dubonheur du monde, cela ne se rvle pas si rapidement. Onpeut proposer au monde des choses tout fait semblables, leshommes en sont blouis et ils y croient. Mais dans sonensemble, laffaire repose sur une situation analogue celle olon veut pousser le wagon tout en tant dedans.

    Un jour viendra o lon qualifiera peut-tre un certaincaractre fondamental de lordre actuel laide dun mot quicaractrisera une pense compltement illusoire,compltement irrelle. Et lavenir, on parlera certainementdu wilsonianisme du dbut du XXe sicle, car cewilsonianisme est dans le domaine politique exactement ce quevoulait faire notre homme en poussant le wagon de lintrieur.

    Tous les concepts de base qui dterminent lewilsonianisme, et qui font aujourdhui si grande impression,sont dun bout lautre des concepts irralistes, compte tenudu fait que pour dautres raisons encore, ils ont sur les

  • hommes, aujourdhui, une grande influence. Et sils exercentcette influence norme, cest en effet parce quils ne peuventpas engendrer de ralisations. Si lon passait la pratique, onsapercevrait bientt quils ne valent rien.

    Mais on peut simaginer quils peuvent tre raliss. Si lewilsonianisme devenait une ralit, il ferait rgner sur lemonde entier la platitude. Car Woodrow Wilson mriterait enfait dtre appel le Sauveur de la platitude universelle. Nonpas que les pieds-plats se trouveraient leur aise dans unmonde ou rgnerait lordre wilsonien mais ces pieds-plats sereprsentent la chose ainsi : si le wilsonianisme dominait lemonde, nous serions tout fait heureux, tout irait selon notreidal.

    Les hommes de lavenir diront un jour : au dbut duXXe sicle, apparut un trange idal : comment faire du mondela parfaite image de la platitude borne ? Et on analysera lewilsonianisme pour montrer que ces illusions de boutiquiertaient une caractristique du dbut du XXe sicle.

    Vous le voyez, il existe, pour illustrer la pense illusionnairede notre poque, de petits et de grands exemples. Etaujourdhui, ce ne sont pas des groupuscules, mais descommunauts trs rpandues qui sabandonnent desdmarches de pense aussi irralistes, de telles illusions.

    Il faut pourtant que soient annonces au monde des vritsimportantes, relles, dcisives. Et qui ne concorderont que peuavec ce qui, pour les raisons qui viennent dtre dfinies, tend devenir une opinion gnralise selon les pralables admisjusquici. Il faut, pour que la vrit soit comprise, que dautresconditions soient instaures. Les vrits qui doivent apparatreont certes pour les cercles les plus vastes quelque chose detrs choquant : elles sont gnantes, trs gnantes. Et lesvrits que lon aime sont aujourdhui confortables, elles sont

  • demandes en raison des tendances quont les humainsaujourdhui.

    Il nous faudra, au cours de ces confrences, faireconnaissance avec quelques-unes de ces vrits inconfortables.Et avant tout, les vrits dont le monde a besoin, celles quilfaut rpandre, par un sentiment suprieur de responsabilit,ne devront pas concerner seulement le plan physique, car ellesseront prcisment propres faire chec aux illusions que lonse fait sur ce plan physique, et remplacer lillusoire par lerel. Car ce sont prcisment les hommes qui ne se tiennentque peu ou pas du tout pour des phantastes, qui sont les plusillusionnaires, les plus amateurs de phantasmes. On fait eneffet de bien tranges dcouvertes.

    On ma rcemment envoy une sorte de lexique o sontnumrs des noms dcrivains. Ce sont en principe de ceuxqui portent en eux le judasme, tout ce qui est actif dans lemonde du judasme pour aider sa ralisation. Je figure aussiparmi ces crivains, pour cette raison que jaurais selonlauteur de ce dictionnaire littraire beaucoup de points deressemblance avec Ignace de Loyola, qui aurait fond lejsuitisme prcisment cause de son judasme, et parce quenoutre, je suis originaire dune rgion qui forme la frontireentre les Allemands et les Slaves o je suis n par hasard,bien que je naie pas du tout l mes origines, et parce que lefait dy tre n jignore pour quelles raisons indique desascendances juives.

    Je ne me suis pas particulirement tonn de cela, caraujourdhui, on publie des choses encore beaucoup plustonnantes, nest-ce pas ? Mais parmi ces gens que lonnumre comme tant des promoteurs du judasme jaifeuillet un peu louvrage se trouve aussi Hermann Bahr, quiest autrichien des pieds la tte, et si bien quil est vraiment

  • tout fait impossible de concevoir quil soit de quelque faonli au sang juif ou quelque chose de ce genre. Et pourtant,dans ce dictionnaire littraire, on se rfre un historien de lalittrature connu pour montrer que Hermann Bahr aabsolument quelque chose de juif.

    Lorsquun jour on me reprocha ces choses ne sont pasnouvelles dtre juif, jai fait photographier mon acte debaptme. Hermann Bahr a fait aussi des expriences de cegenre, un historien de la littrature lui ayant reproch dtrejuif. Il voulait rtablir les choses. Alors lhistorien de lalittrature dit : eh, mais cest peut-tre le grand-pre qui taitjuif. Mais parmi les ascendants de Hermann Bahr, on netrouve tout simplement personne qui ne soit pas dorigineautrichienne-allemande, on nen trouve aucune trace.

    Ce fut naturellement un coup pour notre historien de lalittrature, qui cependant ne renona pas son ide. Et parcequil ne voulait pas labandonner, il en vint dire ceci : SiHermann Bahr me produit les actes de baptme des douzegnrations avant lui, et prouve quil ne peut avoir hritdune seule goutte de sang juif, jen viendrai, sil le faut, croire la rincarnation. Vous le voyez : les motifs pourcroire la rincarnation sont de nature bien trange chez cethistorien de la littrature trs clbre, trs connu.

    Il est parfois difficile aujourdhui de prendre encore ausrieux ce que disent des gens clbres. Il est naturellementdommage en laffaire quil soit extrmement difficile derpandre ces choses dans les milieux les plus larges. Car lesgens ont en quelque sorte pour habitude de se fier auxautorits, bien que, videmment, les hommes du tempsprsent ne soient pas du tout enclins croire en lautorit !Mais cest seulement ce quils pensent. Nous avons dj parlhier de cette opinion que les humains ont sur leur propre

  • compte.Lpoque prsente dont les instincts profonds dvient

    parfois par rapport la vrit, aura normment de mal souvrir prcisment aux vrits qui concernent les rgions delexistence directement contigus au plan physique. Car ellesexigent quen les caractrisant, on puisse faire appel dunecertaine faon une attitude, une sensibilit saines, nondvies. Et lon rencontrera ici, dans la communication de cesvrits qui doivent tre nonces par ncessit, les difficultsles plus grandes que lon puisse imaginer. Ce nest passeulement la perception de ces vrits, mais dj le fait denprendre connaissance, qui a une signification pour lattitudeintrieure de ltre humain.

    Le savoir extrieur, les connaissances sur le plan physiqueque lon acquiert exercent une certaine action, disons sur latte de lhomme. Mais ces vrits qui plongent dans lesprofondeurs, mme si elles ne vont que jusquau niveau oelles concernent les rgions limitrophes du plan physique, cesvrits touchent ltre tout entier pas seulement la tte :ltre tout entier. Et lorsquil sagit de les communiquer, il fautpouvoir compter sur une sensibilit intacte et saine.

    Or, dans bien des circonstances de la vie, une sensibilitintacte et saine nest pas une chose trs rpandue. Aucontraire, une affectivit malsaine, corrompue, nest pas dutout chose rare aujourdhui. Cest ainsi que dans la maniredont ces vrits sont accueillies, se fait jour trs fortement lanature de la vie instinctive, de la vie des pulsions, de toutelme, de toute laffectivit des tres qui veulent recevoir cesvrits.

    Ceux dont les instincts sont corrompus, qui nont aucunevolont de se soumettre une certaine discipline, inclineronttrs vite, prcisment quand il sagira des vrits qui

  • concernent le domaine limitrophe au plan physique, adopterune attitude inspire par une mentalit vile. Cela peut arrivertrs facilement. Lorsque des hommes ne portent aucun intrtsain aux phnomnes objectifs de ce monde, lorsque surtout ilsnont dintrt que pour ce qui se rapporte eux-mmes, leuraffectivit est souvent si dgrade que les instincts ncessairessont absents qui peuvent porter lintrt pour les vritsoccultes, et notamment pour celles du domaineimmdiatement voisin du plan physique.

    Quant aux vrits du plan physique, tout ce qui syrapporte, ce en quoi les humains des temps prsents ont faittant de progrs, la nature extrieure, aimerais-je dire, fait djle ncessaire pour que la dgradation ne sempare pas deshommes. Ils sont tenus par ce que la nature extrieure leurimpose, ils ne peuvent gure laisser libre cours leursinstincts, il leur faut obir la nature extrieure.

    Mais si lon progresse du plan physique jusquau domainequi lavoisine, on nest plus tenu en laisse, il faut trouver unautre guide, une autre certitude intrieure. Cela, on ne peut yparvenir que si lon abandonne le plan physique avec uneaffectivit intacte ; sinon on est livr aux dsordres dans ledomaine qui lui fait suite. On nest plus refrn par la natureextrieure, ni par les conventions sociales, on se laisse aller. Onse sent tout coup libre, et on ne peut pas supporter la libert.

    Dans le monde physique, par exemple, bien des chosesempchent les hommes de mentir. Si quelquun affirme sixheures du soir que le soleil vient de se lever, la nature auravite fait de rectifier. Et il en est ainsi de beaucoup de chosesqui se rapportent au domaine physique. Mais lorsquequelquun affirme toutes sortes de sottises propos desmondes suprieurs ft-ce seulement des choses quiconcernent la rgion avoisinant le physique il ne sera pas

  • tout de suite corrig par le monde extrieur. Cest pourquoi,en chappant en quelque sorte la discipline que le mondephysique leur impose, les humains peuvent se laisser aller audsordre.

    Cest l une des grandes difficults que peut faire surgir lacommunication de vrits spirituelles. quoi il faut rpondrecependant que cette communication de vrits sur le mondespirituel est tout simplement ncessaire. Il ne faut seulementpas oublier quelles ne sont pas accueillies par lme dans lamme attitude que celles qui parlent du monde physiqueextrieur. Nous ne pouvons ouvrir notre me aux vrits surle monde spirituel que si nous librons un peu en nous notrecorps thrique et notre corps astral ; sinon nous nentendronsque des mots.

    Si lon veut vraiment comprendre ce qui se rapporte aumonde spirituel, il faut avoir cette attitude dme etsubjectivement parlant, ce nest quune attitude dme il fautdlier un peu le corps astral et le corps thrique. Cedgagement doit ntre quun moyen de comprendre lesvrits spirituelles. Il ne doit pas dgnrer et devenir un buten soi, ce qui pourrait tre trs grave.

    Imaginez je vais prendre un cas extrme que quelquunveuille couter une confrence de science spirituelle, non pascomme il le devrait : pour acqurir des connaissances sur lesmondes spirituels, mais parce quil considre cela comme uneactivit particulirement mystique. Il couterait donc en selaissant traverser comme par un flot par ce qui est prononc,parce que cela libre quelque peu le corps astral et le corpsthrique.

    On peut faire cette exprience que prcisment durant lesconfrences de science spirituelle ce sont parfois desconfrences de pseudo-science spirituelle les gens veulent

  • couter dans un tat dextase somnolente, quils ne portentpas dintrt particulier au contenu, mais plutt sattachent ausentiment dlicieux que provoque le dgagement du corpsthrique et du corps astral ; ils coutent alors dans unchaleureux abandon. Il y a dautres