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1 Amnesty International février 2012 Index : AFR/54/007/2012 SOUDAN : VIOLENCES SANS FIN AU DARFOUR L’APPROVISIONNEMENT EN ARMES SE POURSUIT MALGRÉ LA PERSISTANCE DES VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS

SOUDAN : VIOLENCES SANS FIN AU DARFOURpays et d’autoriser le transfert d’armes à l’une des parties au conflit, qui, immanquablement, acheminera certaines de ces armes à la

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Amnesty International février 2012 Index : AFR/54/007/2012

SOUDAN : VIOLENCES SANS FIN AU DARFOUR L’APPROVISIONNEMENT EN ARMES SE POURSUIT MALGRÉ LA PERSISTANCE DES VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS

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Amnesty International février 2012 Index : AFR/54/007/2012

SOMMAIRE

CARTE DU DARFOUR .............................................................................. 4 CARTE DU SOUDAN................................................................................. 5 INTRODUCTION......................................................................................... 6 ATTAQUES ET REPRÉSAILLES CONTRE DES CIVILS ................... 8

ATTAQUES ET BOMBARDEMENTS AÉRIENS............................... 8 ATTAQUES ET REPRÉSAILLES CIBLANT DES GROUPES ETHNIQUES ............................................................................................ 9 AUTRES ATTAQUES CIBLÉES RESPONSABLES DE LA MORT DE CIVILS ET VISANT DES ZONES D’HABITATION ................... 12

LA CHAÎNE LOGISTIQUE DES ARMES .............................................. 15 ARMEMENT FABRIQUÉ EN CHINE................................................. 15 HELICOPTÈRES DE COMBAT ET AVIONS D’ATTAQUE AU SOL................................................................................................................. 17 ROQUETTES AIR-SOL ....................................................................... 18 VÉHICULES BLINDÉS BTR-80 ET LANCE-ROQUETTES MULTIPLES ........................................................................................... 20 ARMES ET MUNITIONS DES GROUPES D’OPPOSITION ARMÉS ................................................................................................... 21

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS ....................................... 22 NOTES ....................................................................................................... 25

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CARTE DU DARFOUR

© Nations unies

En janvier 2012, la région du Darfour était divisée en cinq États fédéraux. Le Darfour occidental et le Darfour méridional ont été divisés en Darfour occidental, Darfour oriental, Darfour central et Darfour

méridional. Le Darfour septentrional est resté le même État qu’auparavant.

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CARTE DU SOUDAN

Carte du Soudan. © Nations unies

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Soudan : Violences sans fin au Darfour. L’approvisionnement en armes se poursuit 6 malgré la persistance des violations des droits humains

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INTRODUCTION Nous avons d’abord entendu des « ababils » (hélicoptères) se rapprocher, puis nous les avons vus survoler le village avec des avions. Au départ, ils survolaient le village sans tirer ni le bombarder. Ensuite ils sont revenus par l’est et ont déclenché l’attaque.

Récit d’un civil zaghawa déplacé, 2011 En livrant divers types d’armes, de munitions et de matériel connexe au Soudan au cours de ces dernières années, les gouvernements du Bélarus, de la République populaire de Chine et de la Fédération de Russie ont permis aux autorités soudanaises d’utiliser leur armée, leurs forces paramilitaires et les milices qu’elles soutiennent pour commettre de graves violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains au Soudan. Cet afflux continu de nouvelles armes vers le Darfour alimente un conflit impitoyable qui dure depuis neuf ans et dont l’issue semble lointaine. Durant les douze derniers mois, l’attention de la communauté internationale s’est détournée du Darfour en raison d’autres événements survenus au Soudan. La région a pourtant connu une nouvelle vague d’affrontements opposant des groupes armés de l’opposition aux forces gouvernementales, parmi lesquelles des milices soutenues par le gouvernement. En 2011, le conflit s‘est éloigné des premiers épicentres de la guerre, notamment de la frontière tchadienne, pour converger tout particulièrement vers l’est du Darfour. Des attaques à caractère ethnique visant des campements de civils, associées à des bombardements aériens aveugles et disproportionnés, ont contraint quelque 70 000 personnes à quitter leur foyer et leur village. Le présent document décrit certains de ces événements, détaille les types d’armes utilisées par les responsables de graves violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains, ainsi que les fournisseurs de ces armes au Soudan. Dans certains cas, ces armes ont été livrées au pays à peine 12 mois avant d’être utilisées au Darfour.

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Ce document montre que les États qui ont exporté du matériel militaire ayant été retrouvé au fil des ans au Darfour, dans des lieux où ont été commises de graves violations des droits humains, continuent de fournir régulièrement ce type de matériel au Soudan. Parmi ces États figurent le Bélarus, la République populaire de Chine et la Fédération de Russie. La « panoplie » d’armes principalement utilisée par toutes les parties au conflit du Darfour est livrée au Soudan principalement par ces trois États, et ce presque chaque année depuis le 30 juillet 2004, date à laquelle le Conseil de sécurité des Nations unies a imposé un embargo sur les armes à destination du Darfour. Un embargo qui « reste sans effet visible », selon l’organe des Nations unies chargé de son suivi1. Les livraisons d’armes se sont poursuivies, malgré l’existence de nombreuses preuves concrètes apportées au cours des cinq dernières années par des organisations non gouvernementales et des organes des Nations unies, qui ont démontré que les armes sont rapidement transférées aux parties au conflit du Darfour. La situation au Darfour illustre très clairement l’incapacité des régimes juridiques internationaux existants à éviter que les armes, les munitions et le matériel connexe n’interviennent dans des crimes de droit international, comme l’a démontré Amnesty International à maintes reprises. En l’absence d’un véritable embargo des Nations unies sur les armes à destination de l’ensemble du Soudan, et sans un traité sur le commerce des armes permettant la mise en place de systèmes de contrôles nationaux stricts des fournisseurs d’armes dans le monde entier, les États ― y compris les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies ― peuvent se contenter de fermer les yeux sur les preuves accablantes d’une utilisation répétée des armes qu’ils exportent pour commettre de graves violations des droits humains et des crimes de droit international. Ils peuvent également ignorer le fait que leurs clients continuent de violer de manière flagrante les embargos des Nations unies sur les armes. Le cas du Darfour montre également qu’il est inefficace d’imposer un embargo uniquement à une région d’un pays et d’autoriser le transfert d’armes à l’une des parties au conflit, qui, immanquablement, acheminera certaines de ces armes à la zone de conflit sous embargo, alimentant ainsi d’autres graves violations du droit international.

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Soudan : Violences sans fin au Darfour. L’approvisionnement en armes se poursuit 8 malgré la persistance des violations des droits humains

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ATTAQUES ET REPRÉSAILLES CONTRE DES CIVILS Au cours du premier semestre 2011, environ 70 000 personnes ont été de nouveau déplacées suite à une vague d’attaques ciblant des groupes ethniques menées tant par les forces gouvernementales que par des milices récemment formées soutenues par le gouvernement. Ces attaques ont pris la forme de bombardements aériens aveugles, ainsi que d’attaques et d’incendies de plusieurs villages dans l’est du Darfour, alors que, dans le nord et l’ouest de la région, des zones d’habitation subissaient également des bombardements aériens plus épisodiques2.

ATTAQUES ET BOMBARDEMENTS AÉRIENS Bien que le Conseil de sécurité des Nations unies ait interdit depuis 2005 les frappes aériennes et les bombardements au Darfour3 les forces armées soudanaises (FAS) ont continué à ignorer cette interdiction en toute impunité. Les témoignages recueillis sur les sites de ces attaques, les preuves matérielles correspondantes, les photographies et images satellitaires d’avions militaires armés opérant à partir des principaux aéroports du Darfour, tout indique que les forces armées soudanaises ont poursuivi en 2011 leurs bombardements aériens et leurs frappes aériennes directes sur des objectifs militaires et civils et ce, dans toutes les provinces du Darfour. Des témoins oculaires indiquent que les forces armées soudanaises mènent ces attaques au Darfour et dans d’autres parties du Soudan à l’aide d’hélicoptères de combat Mi-24 et d’avions d’attaque au sol Su-25, d’autres bombardements aériens étant assurés par des Antonov-24/26 - des avions de transport transformés en bombardiers rudimentaires. Bien que ces attaques aériennes aient concerné de façon certaine l’ensemble du Darfour au cours de l’année 2011, elles se sont concentrées sur deux zones précises, à savoir :

• Djebel Marra au Darfour occidental, la plus grande unité territoriale du pays contrôlée par un groupe d’opposition armé (Armée de libération du Soudan - Abdelwahid Nour ou ALS-AW) ;

• L’est du Darfour, entre les villes de Khor Abeche et d’Abou Zerega le long de la frontière entre le Darfour septentrional et le Darfour méridional.

Un certain nombre de bombardements aériens ont délibérément pris pour cibles les zones d’habitation, y compris des villages situés dans des territoires contrôlés par le gouvernement, mais considérés par celui-ci comme des refuges de groupes d’opposition armés darfouriens. Ainsi, le village de Khair Wajid, près de Labado, au

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Darfour méridional, a été bombardé par un avion des forces armées soudanaises le 26 mars 2011, en réponse officiellement à une attaque menée de façon présumée la veille par les rebelles dans le village contre un bus transportant à la fois des civils et des militaires, ayant entraîné la mort de deux de ces derniers. Le bombardement effectué le lendemain en représailles a fait 16 blessés parmi les civils, dont deux personnes âgées, qui ont été transportées à l’hôpital de Nyala. Cette attaque a également détruit des habitations, tué une partie du bétail et entraîné la fuite de la plupart des villageois vers les villes du Darfour méridional.

ATTAQUES ET REPRÉSAILLES CIBLANT DES GROUPES ETHNIQUES Dès décembre 2010 et pendant tout le premier semestre 2011, le territoire compris entre les villes et villages de Khor Abeche, Dar el Salam, Tabit, Abou Zerega et Shangil Tobaya, au Darfour septentrional, au sud d’El Fasher et sur toute la zone de la frontière avec le Darfour méridional, a connu en 2011 les plus grands déchaînements attestés de violence de toute la région. Nombre de décès et blessures ont été causés par des attaques aveugles et parfois délibérées contre les zones d’habitations civiles. En outre, ces violences et confrontations militaires, qui ont impliqué les forces armées soudanaises et leurs alliés paramilitaires, mais aussi de petits groupes d’opposition armés, parmi lesquels l’Armée de libération du Soudan, (faction Minni Minawi (ALS-MM) et ALS-Justice) ont entraîné, au plan humanitaire, les vagues de déplacement forcé des populations les plus fortes qu’ait connues le Darfour depuis des années, puisque l’on estime à 70 000 le nombre de nouveaux réfugiés enregistrés par les organisations humanitaires en 2011. Cette zone du Darfour, sous contrôle de l’Armée de libération du Soudan depuis 2004, est restée sous l’autorité directe des forces de la faction ALS-MM après que celle-ci a signé, en mai 2006, l’Accord de paix pour le Darfour et s’est ralliée au gouvernement soudanais. En décembre 2010, Minni Arku Minawi, chef de l’ALS-MM, s’est désolidarisé du gouvernement et a appelé ses troupes à reprendre l’opposition armée. Un nouveau cycle de violences aurait commencé le 14 décembre 2011 avec des tirs provenant d’un poste de contrôle de l’ALS-MM contre une délégation gouvernementale conduite par le gouverneur du Darfour septentrional, qui s’était rendu à Dar el Salam pour appeler les forces de l’ALS-MM, majoritairement de l’ethnie Zaghawa, à rendre les armes ou à rejoindre les forces gouvernementales. Des responsables soudanais ont déclaré que par la suite les rebelles d’ALS-MM avaient attaqué la ville de Dar el Salam le 23 décembre 2010, entraînant le déplacement de la population locale pendant plusieurs jours et tuant trois civils, dont deux femmes. De plus, les forces d’ALS-MM auraient été impliquées dans des combats engagés dans la zone de Tabit, fin décembre 2010 et début janvier 2011. Vers la mi-janvier 2011, les forces d’ALS-MM et d’ALS-Justice se sont retirées des villages et des zones habitées, en direction de l’ouest et des montagnes, à partir desquelles elles auraient mené des attaques éclair contre des convois de transports commerciaux ou des forces armées soudanaises.

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Attaque et incendie du village de Tukumare, en janvier 2011, par des éléments présumés des forces armées soudanaises et des Forces populaires de défense (FPD). © DR

Attaque du village de Tangarara, par des éléments des forces armées soudanaises et des

Forces populaires de défense en avril 2011. © DR Entre fin décembre 2010 et fin janvier 2011, les chefs traditionnels (également nommés « administrateurs autochtones ») et les responsables des autorités locales ont commencé à inciter ouvertement et officiellement à l’expulsion de tous les membres de l’ethnie Zaghawa présents dans la région. Ils ont, en particulier, suscité des rassemblements populaires destinés à constituer, au plan local, de nouvelles milices des Forces de défense populaires hostiles aux résidents Zaghawas, favorisant ainsi le ciblage d’un groupe ethnique spécifique par les forces soutenues par le gouvernement. Les chefs traditionnels, les responsables élus et les commandants des milices des Forces de défense populaires créées dans ces conditions à Shangil Tobaya et Dar el Salam ont déclaré qu’elles n’avaient fait aucune distinction, parmi les Zaghawas, entre combattants armés et civils. Craignant pour leur sécurité, plus de 4 000 Zaghawas, dont 3 000 avaient précédemment vécu dans le camp de personnes déplacées récemment établi près de la ville de Shangil Tobaya, se sont dirigés le 20 décembre 2010, avec leurs affaires, vers le périmètre de sécurité du site de l’équipe de la Mission des Nations unies au Darfour (MINUAD) à Shangil Tobaya. C’est là qu’en dépit de la proximité immédiate des forces de maintien de la paix de la MINUAD et d’une augmentation du nombre des patrouilles dans cette zone, les éléments des forces armées soudanaises et des Forces de défense populaires ont continué à menacer, harceler, restreindre dans leur mouvement et attaquer physiquement les

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personnes Zaghawas, allant jusqu’à perpétrer des violences sexuelles et des meurtres. La MINUAD semblant incapable de remplir son devoir de protection des civils et de prévention de ces actions dans le périmètre de son propre site, ces personnes déplacées ont fini par abandonner le camp de la MINUAD en avril 2011 et ont toutes ensemble quitté la région. Les Forces de défense populaires ont recruté plusieurs centaines de membres et se sont établies à Dar el Salam et Shangil Tobaya entre décembre 2010 et février 20114, équipées d’armes légères, placées sous le commandement d’officiers des forces armées soudanaises, et opérant en collaboration avec celles-ci.

Rassemblement de nombreuses personnes déplacées à l’intérieur de leur pays sur le site de l’équipe de la MINUAD de Shangil Tobaya en décembre 2010. © DR

Les déclarations et rapports de la MINUAD, des médias et des missions diplomatiques confirment que les forces armées soudanaises et les Forces de défense populaires ont lancé un grand nombre d’attaques dans le cadre d’opérations militaires à grande échelle lancées par des avions de transport et d’attaque au sol utilisés pour la reconnaissance et les attaques aériennes, suivies par des opérations de l’armée de terre à bord de véhicules tout-terrain de type Land Cruiser et de véhicules blindés de transport de troupes. « Je suis arrivé ici il y a trois mois, [en février 2011] suite au bombardement de mon village. Tout le monde était Zaghawa au village. Avant le bombardement, il n’y avait eu aucun incident notable dans le coin, tous les villageois (45 familles) étant des civils. Nous avons d’abord entendu des « ababils » (hélicoptères) se rapprocher, puis nous les avons vus survoler le village avec des avions. Au départ, ils survolaient le village sans tirer ni le bombarder. Il y avait plusieurs sortes d’appareils : deux « Mij »5, deux « ababil » et un Antonov. L’opération a duré de quatre à cinq heures ; je pense qu’ils ont bombardé en même temps plusieurs zones situées plus à l’ouest. Les forces gouvernementales ont attaqué plusieurs villages, dont le nôtre, où ils ont abattu des vaches à l’aide de mitrailleuses montées sur leurs véhicules. La dernière fois que c’est arrivé, c’était en février 2011, mais les forces armées soudanaises, accompagnées de milices, étaient déjà intervenues précédemment soit dans des véhicules des forces armées soudanaises, soit à cheval ou à dos de chameau.”

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Amnesty International février 2012 Index : AFR/54/007/2012

« Il reste encore aujourd’hui sur le sol des débris d’obus et des bombes qui n’ont pas explosé. Je le sais parce que des gens ont commencé à fuir le village le jour du bombardement, mais des membres des familles y sont retournés la nuit suivant le bombardement, pour rechercher les enfants blessés qui avaient dû être abandonnés. C’est alors qu’ils ont trouvé les bombes non explosées et de nombreuses maisons détruites. Il y avait des roquettes grises avec des ailerons, à l’extérieur et à l’intérieur des maisons. Il y avait aussi des roquettes plus petites tirées des hélicoptères et de grosses balles de différentes couleurs, jaunes ou argentées. Deux adultes ont été tués et six enfants blessés, alors qu’ils jouaient dans la rue lorsque le bombardement a commencé. Nous sommes revenus les chercher la nuit, mais nous n’avons pas pu les emmener à l’hôpital de Shangil Tobaya, alors nous les avons amenés ici à Abou Zerega. Les gens sont partis se réfugier à Zamzam, d’autres dans d’autres localités. Personne n’est retourné au village. Les militaires ont également bombardé le même jour notre puits d’eau à Tabaldiya, ce qui nous empêche de retourner sur les lieux, n’ayant plus de moyen de subsistance. »

AUTRES ATTAQUES CIBLÉES RESPONSABLES DE LA MORT DE CIVILS ET VISANT DES ZONES D’HABITATION Les agences gouvernementales de sécurité et les milices qui leur sont affiliées, agissant parfois en marge du contrôle des autorités, ont également poursuivi des attaques délibérées contre des civils, y compris ceux ayant déjà été déplacés en raison des violences. Ainsi, début 2011, le gouvernement a-t-il déployé les tristement célèbres al-Ittihad al-Merkazi (Forces centrales de réserve de la police), des forces paramilitaires de combat6 à Zamzam, l’un des camps de réfugiés les plus importants du Darfour, afin d’y assurer la sécurité à la place de la police civile. Or, loin d’assurer la sécurité, les éléments des Forces centrales de réserve de la police se sont rendus responsables de l’augmentation des pillages des magasins et des biens, de meurtres de civils et de harcèlement des habitants de Zamzam, dont beaucoup de réfugiés ayant fui récemment les violences dans l’est du Darfour. La vague de violences dans l’est du Darfour a atteint son sommet fin mai, début juin 2011, lors d’une série d’incidents s’étant enchaînés à la suite d’un raid visant à voler du bétail. Le 31 mai 2011, selon les réfugiés d’Abou Zerega, localité très majoritairement peuplée de Zaghawas réfugiés de contrées situées plus au sud, ce sont des membres des Forces centrales de réserve de la police de Shangil Tobaya qui ont effectué un raid sur leur village afin de voler du bétail. Selon certains résidents Zaghawas, plusieurs centaines de membres de leur ethnie auraient répondu eux-mêmes par une « faza » (un raid) pour récupérer leur bétail. Les Forces centrales de réserve de la police auraient alors obtenu des renforts de la part des unités des forces armées soudanaises basées à Shangil Tobaya, dont un avion d’attaque au sol Sukhoi-25 envoyé d’El Fasher et auraient ainsi mis fin à la « faza ». Certains des participants de cette dernière ont ensuite été arrêtés alors qu’ils tentaient de regagner Abou Zerega.

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Le 31 mai 2011, près de Shangil Tobaya, vingt civils Zaghawas ayant tenté de récupérer le cheptel volé ont été capturés par les Forces centrales de réserve de la police. Dix-sept d’entre eux ont fait l’objet d’une exécution extrajudiciaire par ces milices, comme l’a confirmé ultérieurement un comité d’enquête missionné par les autorités du Darfour septentrional. Sur les lieux de l’exécution, le comité a constaté la présence de boîtes vides ayant contenu des cartouches pour mitrailleuses « Douchka » (DShK) et « Goryunov » (SGM), ce qui laisse à penser que les victimes désarmées et ligotées ont été tuées par des armes lourdes montées sur des véhicules. Le rapport conclut également que « les Forces centrales de réserve de la police opérant dans la région n’agissent pas sur ordre des autorités locales ou nationales » et recommande de « ramener ces forces sous le contrôle des autorités de l’Etat ».7

Cartouches trouvées par le Comité d’enquête du Darfour septentrional sur les lieux de la tuerie d’Abou Zerega, en juin 2011. © DR

Les attaques visant des propriétés et installations civiles menées par des groupes d’opposition armés ont également continué, en violation du droit humanitaire international. En guise de représailles suite à la tuerie du 31 mai 2011, plusieurs dizaines d’hommes armés, à bord de véhicules ou à dos de chameau, ont attaqué la ville de Shangil Tobaya le 17 juin, faisant 19 morts, dont 13 civils, et 35 blessés, et incendiant plus de 100 maisons. L’attaque n’a pas été revendiquée, mais les chefs traditionnels locaux et des personnes liées à l’ALS-MM ont attribué l’organisation de cette opération à des groupes rebelles armés incluant des membres de l’ALS-MM, bien que des civils d’ethnie Zaghawa semblent y avoir été associés.

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Ci-dessus, patrouille des Forces centrales de réserve de la police et, ci-dessous, membres des Forces centrales de réserve de la police recueillant les dépouilles des victimes d’une

attaque qui aurait été perpétrée par un groupe rebelle armé au début de l’année 2011. © DR.

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LA CHAÎNE LOGISTIQUE DES ARMES Les armes fournies au gouvernement du Soudan sont utilisées au Darfour à la fois directement par les forces du gouvernement et par les milices qu’il soutient, comme les Forces de défense populaires, qui opèrent aux côtés des forces armées soudanaises et utilisent leurs véhicules. Ce chapitre expose les éléments de preuve démontrant que du matériel militaire importé est utilisé par les forces armées soudanaises et les milices associées pour perpétrer des violations des droits humains et du droit humanitaire international. Depuis 2006, des rapports du Groupe d'experts des Nations unies sur le Soudan (organe chargé de surveiller l'embargo des Nations unies sur les armes à destination du Darfour) ont montré à plusieurs reprises comment des armes, des munitions et du matériel connexe utilisés par les services de sécurité gouvernementaux et les forces armées au Darfour sont régulièrement importés des mêmes États fournisseurs parmi lesquels, notamment, le Bélarus, la Chine et la Fédération de Russie8. Si une partie du matériel militaire utilisé au Darfour et dans d'autres conflits à l'intérieur du Soudan semble être fabriqué, ou dans certains cas simplement assemblé, sur place, par des entreprises d’armement soudanaises dépendant de l'État, les armes trouvées et observées sur des sites où les forces armées soudanaises ont conduit des attaques et des frappes aériennes au Darfour et dans d'autres zones de conflit en 2011, proviennent pour une large part de ce groupe de fournisseurs internationaux9.

ARMEMENT FABRIQUÉ EN CHINE Le Groupe d'experts des Nations unies a largement démontré10 que des quantités importantes de munitions pour armes de petit calibre utilisées au Darfour par les forces armées soudanaises, d'autres services de sécurité et des milices soutenues par le gouvernement, semblent être fabriquées en Chine et sont marquées de codes utilisés par les entreprises d’armement chinoises (codes 11,41, 61, 71, 811 et 945)11. Les indications marquées révèlent souvent qu'elles ont été fabriquées, et donc transférées au Darfour, bien après le début, en 2004, de l'embargo des Nations unies sur les armes à destination du Darfour, et parfois 12 mois à peine avant d’avoir été observées sur place au Darfour. En 2010, par exemple, le Groupe d'experts des Nations unies sur le Soudan a trouvé des munitions de 7,62x54 mm. fabriquées en 2009, habituellement destinées aux mitrailleuses, portant le code de fabrication chinois « 41 », qui avaient été utilisées par les forces armées soudanaises au Darfour septentrional en juillet 201012.

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Cet approvisionnement semble s’être poursuivi sans entrave : des séries de munitions fabriquées en 2010, portant là encore un code de fabrication chinois, « 945 », ont également été retrouvées au Kordofan méridional en 2011. L'apparition récurrente de ces munitions au Darfour si peu de temps après leur fabrication indique que leur fourniture constante au Soudan n’a aucunement été affectée par les preuves solidement étayées, présentées au Conseil de sécurité des Nations unies, montrant leur transfert vers le Darfour, en violation de l'embargo sur les armes des Nations unies, et leur utilisation, aussi bien par les forces gouvernementales que par les groupes d'opposition armés au Darfour. Cela suscite de graves préoccupations concernant la volonté ou la capacité des pays exportateurs pour mettre en place des mécanismes responsables sur l'exportation des armes, et entreprendre une véritable évaluation des risques avant d'autoriser des transferts de munitions au Soudan.

À gauche, une boîte de munitions des forces armées soudanaises saisie au Kordofan méridional en juillet 2011. Toutes les balles sont marquées de codes identiques (code de fabrication « 945 » et année

de fabrication « 09 ») ; et à droite, une cartouche de 7,62x54 mm ramassée au Darfour au milieu de l’année 2010 par le Groupe d'experts des Nations unies sur le Soudan (voir S/2011/11). Le marquage

porte le code de fabrication « 945 » et l’année de fabrication « 09 », pour 2009. © DR. Des munitions de fabrication récente portant des codes de fabrication chinois seraient toujours utilisées pour commettre de graves violations des droits humains. Par exemple, le 1er décembre 2011, au camp de personnes déplacées de

Zamzam, au sud d’El Fasher, des paramilitaires des Forces centrales de réserve de la police ont mené une opération de pillage au cours de laquelle un homme a été tué par balle et six autres personnes déplacées gravement blessées. Des témoins contactés par Amnesty international ont signalé avoir trouvé, après ce raid, des cartouches portant les codes de fabrication « 41 » et

Boîtes de grenades de 35 mm (Type QLZ 87) saisies au Kordofan méridional en juillet 2011. © DR.

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« 71 » et les années de fabrication « (20)06 » et « (20)08 », ce qui montre qu'elles ont été transférées au Darfour après la proclamation de l'embargo sur les armes des Nations unies. En plus des munitions de petit calibre, Amnesty International a également recueilli des preuves de l'utilisation d'armes et de munitions de gros calibre fabriquées en Chine ailleurs au Soudan en 2011. En particulier, des grenades et lance-grenades 35 mm QLZ 87, fournis au Soudan par une entreprise chinoise en vertu d'un contrat daté de 2008, selon les codes marqués sur les emballages, ont été pris aux forces armées soudanaises au Kordofan méridional en juin 2011.

HELICOPTÈRES DE COMBAT ET AVIONS D’ATTAQUE AU SOL Au Darfour, les combats décrits plus hauts ont été accompagnés d’une succession d'attaques aériennes sur des objectifs tant militaires que civils, utilisant des appareils des forces armées soudanaises : des avions d’attaque au sol Sukhoi-25, des hélicoptères de combat Mi-24 et des avions de transport Antonov comme bombardiers rudimentaires mais efficaces. Ce schéma d’attaque a pu être vérifié par les Nations unies, Amnesty International et des observateurs non gouvernementaux depuis au moins 2006. Amnesty international a établi que les mêmes types d'appareils sont également utilisés par les forces armées soudanaises pour effectuer des frappes aériennes au Kordofan méridional depuis juin 2011. Le Soudan a continué à recevoir des hélicoptères de combat Mi-24 ces dernières années : 36 d'entre eux ont été livrés par la Fédération de Russie entre 2007 et 200913. Bien qu'il reste à vérifier lesquels de ces appareils de combat récemment livrés sont opérationnels au Darfour, il semble évident que leur livraison compense les hélicoptères d'assaut Mi-24 perdus au cours des opérations des forces armées au Darfour en 2011. Leur remplacement continuel par la Fédération de Russie rend possible la poursuite de telles attaques. La livraison d'hélicoptères de remplacement par la Russie semble s'être poursuivie au cours de 2011 : une photographie prise sur l'aéroport de Saint-Pétersbourg (Russie) en mai 2011 montre un hélicoptère de combat Mi-24 neuf portant les marques d’immatriculation des forces armées soudanaises (N°949, le numéro imm édiatement consécutif à celui de la série des hélicoptères des forces armées soudanaises observés au Soudan)14, apparemment en attente d'exportation. Le Groupe d'experts des Nations unies a indiqué dans un précédent rapport qu’une société russe assure la maintenance d'une flotte d’hélicoptères de combat Mi-17 et Mi-24, et que des militaires soudanais ont suivi une formation de pilotes de Mi-24 au Centre d'entraînement au combat et recyclage de l'armée de l'air à Torzhok en Russie.

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Hélicoptère de combat Mi-24P N°949 des forces armées soudanaises photographié sur l’aéroport de Saint-Pétersbourg en Russie, en mai 2011. © DR.

Les rapports du Groupe d'experts des Nations unies15 et le Registre des armes classiques des Nations unies16 montrent aussi que le Soudan a reçu 15 avions Sukhoi-25 du Bélarus entre 2008 et 2010. Depuis 2008, au moins 10 Sukhoi-25 ont été repérés au Darfour par des observateurs, notamment des Nations unies, et de nombreux témoins oculaires déclarent que ces appareils sont utilisés pour attaquer des cibles civiles et militaires au sol. Il est à noter que ni la Fédération de Russie ni le Bélarus ne reconnaissent avoir violé l'embargo sur les armes à destination du Darfour en exportant une flotte d'hélicoptères de combat Mi-24 et d’avions d'attaque Su-25 ces dernières années. Il existe pourtant des preuves abondantes et publiques montrant que dans cette période ces types d'appareils ont été rapidement transférés de Khartoum au Darfour en violation de l'embargo, et qu'ils ont servi à mener des attaques contre des civils et des attaques aveugles17. Le fait que leur livraison au Soudan ait pu se poursuivre sans entrave montre à l'évidence l'inadaptation des contrôles internationaux en vigueur sur les transferts d'armes, et l'inefficacité totale de l'embargo à destination du Darfour décrété par les Nations unies.

ROQUETTES AIR-SOL Des roquettes air-sol S5 (57 mm) ont été utilisées par les forces armées soudanaises pour des frappes aériennes au Darfour, et ailleurs au Soudan. Ces projectiles, dont on sait qu'ils ont été fabriqués dans un certain nombre de pays de l'ex-Union soviétique, sont compatibles avec les gammes d’armement pour les hélicoptères de combat Mi-24 et les avions d'attaque au sol Su-25. En particulier, des Su-25 des forces armées soudanaises ont été photographiés au Darfour,

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équipés à la fois de lance-roquettes B-8M1 pour tirer des roquettes S-8 (80 mm) et de lance-roquettes UB-32 pour roquettes S-5. Des recherches récemment menées par Amnesty International ont également démontré que des roquettes air-sol S5 et S8 semblables ont été utilisées lors de frappes aériennes des forces armées soudanaises au Kordofan méridional en juillet 2011.

Restes de roquettes air-sol S5SB de 57 mm (modèle avec fléchettes) au Kordofan méridional en juin 2011, après les frappes aériennes des forces armées soudanaises à Kaouda. © DR.

Restes de roquettes air-sol S8 de 80 mm à Firga (État de Bahr el Ghazal occidental, au Soudan du Sud) après une frappe aérienne des forces armées soudanaises près d’une base de l’armée populaire de libération du Soudan, en février 2011. © DR.

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VÉHICULES BLINDÉS BTR-80 ET LANCE-ROQUETTES MULTIPLES Amnesty International a également établi l'utilisation à la fois de véhicules blindés BTR-80A et de lance-roquettes multiples de 107 mm montés sur des véhicules de type Land Cruiser au cours d'opérations des forces armées soudanaises et des Forces de défense populaires au Darfour.

Un véhicule blindé BTR-80 pris aux forces armées soudanaises au Kordofan méridional. © DR.

Lance-roquettes multiples montés sur des véhicules militaires observés en 2011 dans l’est du Darfour. © DR.

Bien qu'il n'ait pas été possible de vérifier l'origine des lance-roquettes et véhicules blindés en question (les dernières exportations de BTR-80 vers le Soudan publiquement annoncées provenaient du Bélarus en 2004), le Soudan a continué à importer des véhicules blindés du Bélarus, d'Ukraine et de la Fédération de Russie18.

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Année Pays exportateur Type de véhicule blindé

Nombre

2004 Bélarus BTR-80 7 Bélarus BMP-1 1 2007 Bélarus BTR-70

(version tourelle cobra)

2

2009 Fédération de Russie

Inconnu 15

2010 Fédération de Russie

Inconnu 45

Ukraine BTR-3 2 Source : Rapports par pays du Registre des armes classiques des Nations unies

ARMES ET MUNITIONS DES GROUPES D’OPPOSITION ARMÉS Les recherches entreprises pour le présent document n'ont pas permis de déterminer l'origine du matériel militaire utilisé par les groupes d'opposition armés au Darfour et au Kordofan méridional en 2010-2011, malgré un certain nombre de rencontres avec les représentants de ces mouvements. Des munitions de petit calibre et des véhicules de type pick-up observés ou récupérés, provenant de groupes d'opposition armés paraissent cependant correspondre à ceux utilisés par les forces armées soudanaises, ce qui est confirmé par les déclarations des commandants de groupes d'opposition armés ainsi que des représentants politiques, qui indiquent qu'une part significative, sinon la majorité, des armes de leurs mouvements ont été prises aux forces armées soudanaises lors d'accrochages et d’embuscades militaires. Les armes ainsi obtenues pourraient représenter une source d'approvisionnement plus importante pour les groupes d'opposition armés depuis le rapprochement entre le Soudan et le Tchad au début 2010, ainsi que depuis la chute du régime libyen, ces deux changements ayant pu restreindre les précédentes sources d'alimentation au Tchad et en Libye19.

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CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS Les contrôles nationaux et internationaux des exportations d’armes, notamment l’embargo sur les armes à destination du Darfour proclamé par le Conseil de sécurité des Nations unies, n’ont pas permis d’empêcher le transfert d’armes vers le Soudan. Pourtant, des preuves incontestables montrent que les armes transférées ont été – et sont toujours – utilisées pour commettre de graves violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains au Darfour, et plus récemment au Kordofan méridional. Des armes fabriquées et fournies par le Bélarus, la Chine et la Fédération de Russie, ou des preuves de leur utilisation, ont été retrouvées dans plusieurs zones de conflits au Soudan, notamment au Darfour et au Kordofan méridional. De plus, en ce qui concerne le Darfour, des preuves recueillies ces dernières années montrent très clairement que le gouvernement soudanais ne respecte toujours pas l’ensemble des garanties et des engagements exigés par les pays exportateurs lors de l’octroi des autorisations de transferts d’armement. En dépit des manquements répétés du gouvernement soudanais à ces conditions, les États exportateurs ne semblent pas avoir limité les livraisons d’armes au Soudan. De la même façon, aucun mécanisme d’évaluation des risques, pourtant nécessaire afin de réduire les risques de graves violations des droits humains que présente un tel matériel n’a été appliqué. L’adoption d’un traité sur le commerce des armes (TCA) de portée mondiale contribuerait à réduire ces risques et convaincrait les États d’instaurer un système d’évaluation des risques plus strict avant d’autoriser l’exportation et la livraison d’armes aux États dans lesquels ont déjà été observés un détournement et une utilisation inappropriée du matériel. Il est difficile de savoir comment les États exportateurs évaluent les risques de violation des droits humains avant de procéder à des transferts d’armes. Par conséquent, l’un des objectifs principaux du TCA devrait être de permettre d’éviter des violations graves du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains. Amnesty International prône la mise en œuvre d’un TCA plaçant les droits humains au cœur de son cadre normatif. Dans cette optique, les États doivent empêcher les transferts d’armes lorsqu’il existe un risque substantiel que celles-ci soient utilisées pour commettre ou faciliter de graves violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains.

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Au vu de ces conclusions, Amnesty International for mule les recommandations suivantes : Aux États fournissant des armes :

� Suspendre tous les transferts internationaux d’armes aux autorités soudanaises afin d’empêcher que celles-ci n’en fassent usage au Darfour, et que d’autres parties au conflit du Darfour n’en fassent l’acquisition, dans le but d’éviter de nouvelles violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains ;

� Soutenir la négociation d’un TCA efficace comportant :

• Des paramètres exigeants en matière de droits humains pour empêcher le transfert d'armes classiques lorsqu'il existe un risque substantiel que ces armes soient utilisées pour commettre de graves violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains ;

• Un champ d'application englobant l'ensemble des armes, des munitions, des armements et des autres équipements utilisés dans le cadre des opérations militaires et de maintien de l'ordre ; et

• Des normes rigoureuses pour la mise en œuvre et le contrôle de l'application du traité, relatives notamment aux systèmes nationaux d'octroi d'autorisations et de licences, ainsi que des mécanismes de vérification une fois la livraison effectuée.

Au Conseil de sécurité des Nations unies :

� Étendre immédiatement l'embargo actuel des Nations unies sur les armes à l'ensemble du Soudan pour que le matériel militaire et connexe cesse de parvenir à toutes les parties au conflit du Darfour. Cet embargo doit continuer d'être suivi par un groupe d'experts des Nations unies doté de moyens suffisants qui présente régulièrement des comptes rendus au Comité des sanctions du Conseil de sécurité. Le groupe d'experts doit procéder à des enquêtes au niveau international et surveiller régulièrement les principaux points d'entrée au Soudan pour veiller au respect de l'embargo ;

� Exiger que le gouvernement du Soudan respecte l'embargo sur les

armes à destination du Darfour, notamment en cessant toute activité militaire aérienne à caractère offensif et en demandant l'autorisation préalable du Comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies pour acheminer des équipements et du matériel militaires au Darfour.

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Au gouvernement du Soudan :

� Cesser toute attaque contraire au droit international humanitaire et au droit international relatif aux droits humains au Darfour, y compris les attaques délibérées visant des civils et les attaques aériennes aveugles ;

� Cesser toute activité militaire aérienne à caractère offensif au-dessus et

dans la région du Darfour, et demander l'autorisation préalable du Comité des sanctions du Conseil de sécurité pour acheminer des équipements et du matériel militaires au Darfour, conformément à la résolution 1591 du Conseil de sécurité des Nations unies ;

� S’assurer que toutes les allégations de violations des droits humains et

du droit humanitaire international, passées ou présentes, fassent sans délai l’objet d’une enquête approfondie, faire en sorte que les forces de sécurité ne bénéficient plus de l’immunité en vertu du droit national et, lorsque suffisamment d'éléments de preuve crédibles sont réunis, traduire en justice les suspects dans le cadre de procédures conformes aux normes internationales d’équité, sans recours à la peine de mort.

Aux groupes de l’opposition armés :

� Prendre des mesures concrètes pour garantir que les combattants respectent le droit international humanitaire, particulièrement en cessant les attaques sur les civils et sur les biens de caractère civil ;

� Écarter tous les suspects de violations du droit international humanitaire

des postes où ils seraient susceptibles de commettre de nouveau ce type de violations.

SF12 C3 010 – Traduction réalisée par AI France de : AFR 54/007/2012 Sudan : No end to violence in Darfur

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NOTES

1 Rapport du Groupe d’experts sur le Soudan créé par la résolution 1591 (2005), publié le 8 mars 2011 (S/2011/111), p. 4. La résolution UN SC 1556 (2004) a imposé un embargo sur les armes destiné à toutes les entités non gouvernementales au Darfour. La résolution UN SC 1591 (2005) a élargi l’embargo sur les armes aux forces gouvernementales soudanaises en opérations au Darfour. 2 Nouvelles estimations du UNHCR par rapport au nombre de personnes déplacées. On estime que 61 000 personnes ont été déplacées de la zone de Shangil Tobaya à Zamzam au 20 juin.11 000 personnes supplémentaires ont été déplacées, suite à la reprise des combats en juin/juillet. 3 Résolution du Conseil de sécurité des Nations unies 1591 (2005), paragraphe 6 : « Exigeant du Gouvernement soudanais qu’il s’abstienne, conformément aux engagements qu’il a pris en vertu de l’Accord de cessez-le-feu de N’Djamena le 8 avril 2004 et du Protocole d’Abuja du 9 novembre 2004 relatif à la sécurité, de toute activité militaire aérienne à caractère offensif dans la région du Darfour. » ; Résolution du Conseil de sécurité des Nations unies 1841 (2008), introduction, paragraphe 7: « Exigeant qu’il n’y ait pas de bombardements aériens et qu’aucune partie au conflit n’utilise au Darfour des appareils de couleur blanche ou portant des inscriptions ressemblant à celles des appareils des Nations unies ». 4 Les Forces de défense populaires de Shangil Tobaya sont également en charge de deux unités postées à Um Dressaya et Shadad. Une force de réserve de 80 à 90 hommes dans la zone de Shangil Tobaya peut rejoindre la structure si nécessaire après avoir suivi un entraînement. 5 Le terme « Mij » (dérivé de « MiG », un fabricant d’avions de combat russe) est utilisé par les civils au Darfour et au Soudan du Sud pour caractériser tous les appareils volants des forces armées soudanaises. D’après le trafic observé dans les aéroports et les engins non explosés et restes d’engins retrouvés, il semble que ce sont des Sukhoi-25 des forces armées soudanaises et non des MiG qui sont utilisés pour la plupart des frappes aériennes au Darfour pour lesquelles sont rapportées de attaques « Mij ». 6 Communément connues sous le nom de police « Abu Tera » (oiseau), en raison de l’aigle en vol apparaissant sur les uniformes. 7 Citation de la Commission d’enquête du gouvernement du Darfour septentrional

8 Tous les rapports soumis par le Groupe d’experts sur le Soudan créé par la résolution 1591 (2005) du Conseil de sécurité, sont disponibles à l’adresse suivante : http://www.un.org/sc/committees/1591/reports.shtml 9 L’existence d’une industrie d’armement dans le pays est bien établie. Les représentants des autorités soudanaises ont fait plusieurs déclarations publiques concernant cette industrie. On trouve sur le site web de la Military Industry Corporation (www.mic.sd) plusieurs déclarations de ce type. 10

Voir, en particulier, les paragraphes 48 à 52 du rapport S/2011/111 et les paragraphes 139 à 147 du rapport S/2009/562. 11

Comme le mentionne le rapport S/2011/111 du Groupe d’experts des Nations unies (paragraphe 58), le gouvernement chinois a reconnu que ces codes sont utilisés par les fabricants chinois d’armements.

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12

S/2011/111 pp.21-23 13

La Fédération de Russie a transmis des informations quant à la livraison de ces hélicoptères de combat au Registre des armes classique des Nations unies. Pour référence, voir http://unhq-appspub-01.un.org/UNODA/UN_REGISTER.nsf. Les paragraphes 85 à 88 du rapport du Groupe d’experts des Nations unies S/2011/111 fournissent également des informations plus détaillées sur l’exportation de ces hélicoptères. 14

Les hélicoptères d’attaque Mi-24 du Soudan portent tous une immatriculation de type 9XX. Le dernier hélicoptère, numéro 948, a pu être repéré au Darfour pour la première fois en 2010 : voir S/2011/111. 15 Voir les paragraphes 81 à 83 du rapport du Groupe d’experts des Nations unies S/2011/111. 16

Consulter http://unhq-appspub-01.un.org/UNODA/UN_REGISTER.nsf en faisant une recherche par année. 17

Rapports du Groupe d’experts des Nations unies sur le Soudan 2006-10 (S/2006/65, S/2006/260, S/2007/584, S/2008/647, S/2009/562, S/2011/111). Voir aussi le rapport d’Amnesty International « Soudan : Qui arme les auteurs de graves violations au Darfour ? », novembre 2004 (Index AI : AFR 54/139/2004); Amnesty International, « Soudan : Les armes continuent de favoriser des atteintes graves aux droits humains au Darfour », mai 2007 (Index AI : AFR 54/019/2007); Amnesty International, « Blood at the Crossroads: Making the Case for a Global Arms Trade Treaty », octobre 2008 (Index AI : ACT 30/011/2008), chapitre 10. 18 Selon le Registre des armes classique des Nations unies, le Bélarus a livré 22 BTR-70 (deux en 2007 et 10 en 2004), sept BTR-80s (en 2004) et 22 véhicules de type BRDM en 2004. De même, l’Ukraine a signalé au Registre des Nations unies la livraison de deux BTR-3 en 2010, et la Fédération de Russie a exporté 45 véhicules blindés de combat (de type non spécifié) en 2010. Voir http://unhq-appspub-01.un.org/UNODA/UN_REGISTER.nsf 19

Pour en savoir plus sur les livraisons antérieures d’armes aux groupes d’opposition armés au Darfour via le Tchad, vous pouvez consulter le rapport d’Amnesty International, « Blood at the Crossroads: Making the Case for a Global Arms Trade Treaty », octobre 2008 (Index AI : ACT 30/011/2008), chapitre 10.