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 FORMAT ION [ dossier ] [ 12 — Pratiques en nutrition –  Avril-Juin 2010 - N° 22 ] © Fotolia.com/Nikola Hristovski L es régimes végétariens excluant, à des degrés divers, les aliments d’origine animale, les apports en nutriments y sont différents des apports moyens obtenus dans la population générale. Ainsi, une moindre fréquence, voire l’absence de consommation de viande correspondent presque toujours à une prise alimentaire plus importante de fruits et de légumes. Situation physiologique normale chez l’adulte Le régime végétarien ferait courir certains risques de carence, mais possé- derait, à la fois, un potentiel préventif face à certaines pathologies. Risques du régime végétarien Carence protéique Les caractéristiques des populations végétariennes sont différentes de celles des populations omnivores. Ainsi, la différence de composition corporelle mais aussi d’apport énergétique sont des exemples de biais pouvant affec- ter les besoins protéiques dans ces populations. Par ailleurs, pour un même besoin net, leur besoin nutritionnel pourrait être influencé par la biodisponibilité des sources protéiques (animales et/ou végé- tales) du régime. Il n’existe pas de données spéciques permettant de déterminer si les besoins en protéines et en acides aminés sont, chez les sujets suivant un régime végé- tarien, différents de ceux xés pour la population omnivore. Une méta-analyse réalisée en 2003 n’a pas permis aux auteurs de mettre en évi- dence des différences du bilan azoté en fonction de la source protéique 1 . Le rôle de la nature des protéines sur le renou- vellement des protéines corporelles par exemple n’est pas connu. Les protéines d’origine animale sont celles qui présentent les meilleures bio- disponibilité et digestibilité. La consom- mation de blanc d’œuf et/ou de lait et de produits laitiers favorise donc un apport protéique de bonne qualité. La différen ce entre les populat ions omnivores et les populat ions végétarien nes ne repose pas uniq uement sur la nature des produits consommés ou écartés, mais aussi sur des modications parfois importantes et complexes de la quantité et de la qualit é des produits consommés, ainsi que du mode de vie. Risques et bénéces d’une alimentation végétarienne  © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 22/07/2015 par UNIVERSITE PARIS DIDEROT UP7 (81953)

Risques Et Bénéfices d’Une Alimentation Végétarienne (Noémie Galland, 2010)

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Etude sur le Végétarisme

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    [ 12 Pratiques en nutrition Avril-Juin 2010 - N 22 ]

    Fotolia.com/Nikola Hristovski

    L es rgimes vgtariens excluant, des degrs divers, les aliments dorigine animale, les apports en nutriments y sont diffrents des apports moyens obtenus dans la population gnrale. Ainsi, une moindre frquence, voire labsence de consommation de viande correspondent presque toujours une prise alimentaire plus importante de fruits et de lgumes.

    Situation physiologique normale chez ladulteLe rgime vgtarien ferait courir certains risques de carence, mais poss-de rait, la fois, un potentiel prventif face certaines pathologies.

    Risques du rgime vgtarienCarence protiqueLes caractristiques des populations vgtariennes sont diffrentes de celles des populations omnivores. Ainsi, la diffrence de composition corporelle mais aussi dapport nergtique sont des exemples de biais pouvant affec-

    ter les besoins protiques dans ces populations. Par ailleurs, pour un mme besoin net, leur besoin nutritionnel pourrait tre influenc par la biodisponibilit des sources protiques (animales et/ou vg-tales) du rgime.Il nexiste pas de donnes spciques permettant de dterminer si les besoins en protines et en acides amins sont, chez les sujets suivant un rgime vg-tarien, diffrents de ceux xs pour la population omnivore.Une mta-analyse ralise en 2003 na pas permis aux auteurs de mettre en vi-dence des diffrences du bilan azot en fonction de la source protique1. Le rle de la nature des protines sur le renou-vellement des protines corporelles par exemple nest pas connu.Les protines dorigine animale sont celles qui prsentent les meilleures bio-disponibilit et digestibilit. La consom-mation de blanc duf et/ou de lait et de produits laitiers favorise donc un apport protique de bonne qualit.

    La diffrence entre les populations omnivores et les populations vgtariennes ne repose pas uniquement sur la nature des produits consomms ou carts, mais aussi sur des modications parfois importantes et complexes de la quantit et de la qualit des produits consomms, ainsi que du mode de vie.

    Risques et bnces dune alimentation vgtarienne

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    [ N 22 - Avril-Juin 2010 Pratiques en nutrition 13 ]

    Les protines vgtales sont incompl-tes et moins digestibles.Chez les lacto-vgtariens, les ovo-vg-tariens et les ovo-lacto-vgtariens, la question de la carence et de la qualit des protines reste donc assez margi-nale. En revanche, une carence dapport protique peut tre redoute chez un individu vgtalien, et la question de la qualit des protines devient alors extr-mement importante.Une tude de cohorte a montr que lapport protique moyen tait de 87 g/jour chez lhomme adulte omnivore et de 83 g/jour chez la femme adulte omnivore contre respec ti ve ment 69 g/jour et 59 g/jour pour une population vgtarienne et respecti-vement 62 g/jour et 56 g/jour pour une population vgtalienne2.Les apports moyens en protines des populations vgtariennes semblent donc tre infrieurs aux apports moyens des omnivores tout en tant suprieurs aux apports nutritionnels conseills.Cependant, la forte variabilit inter-individuelle des apports protiques entrane un risque de carence non ngli-geable, major, au sein des populations vgtaliennes, chez les femmes. Il est donc primordial dinformer les populations vgtariennes sur leurs besoins protiques et sur les moyens de les satisfaire3.

    Carence en calciumLa rfrence en termes de biodisponibi-lit du calcium est le lait et ses produits drivs. Ainsi, la population dindividus lacto-vgtariens et ovo-lacto-vgtariens peut, grce son alimentation, recevoir une quantit sufsante de calcium de bonne qualit.Au contraire, la mauvaise biodisponibi-lit du calcium vgtal majore par la prsence de phytates, doxalates et de phosphates fait craindre des carences en calcium chez les vgtaliens ainsi que chez les ovo-vgtariens.

    Les rgimes vgtariens excluent, des degrs divers, les aliments dorigine animale.

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    Il est donc important de donner aux populations vgtaliennes et ovo-vg-tariennes une information sur les sour-ces de calcium dont elles disposent et sur les risques dune alimentation hypocalcique.

    Carence en vitamine DLes poissons gras constituent la meilleure source de vitamine D alimen-taire. Viennent ensuite la viande, les ufs et les champignons.Ainsi, les ovo-vgtariens et les ovo-lacto-vgtariens, par leur consom-mation dufs, courent un moindre risque de carence en vitamine D que les lacto-vgtariens et les vgtaliens pour lesquels le risque est dautant plus fort que leur exposition solaire est faible.Selon les donnes de lAgence fran-aise de scurit sanitaire des aliments (Afssa) dans la dernire dition des Apports nutritionnels conseills pour la population franaise, la carence en vitamine D sobserve chez des individus cumulant plusieurs facteurs de risque comme une faible exposition au soleil, une faible capacit de lpiderme synthtiser

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    [ 14 Pratiques en nutrition Avril-Juin 2010 - N 22 ]

    la vitamine D, des dfauts dapports nutritionnels ou des besoins augments. La pratique dun rgime vgtarien appa-rat alors comme facteur dterminant4.

    Carence en ferLe fer hminique prsent dans la viande et le poisson est la meilleure source de fer alimentaire. Le fer non hminique dorigine vgtale est moins biodisponi-ble, dautant plus que la prsence de composs tels que les polyphnols, les tanins ou les phytates issus des vgtaux diminuent son absorption.Ainsi, la pratique dun rgime vgta-rien, quel quil soit, entrane un risque relativement important de carence martiale puisque ce type dalimenta-tion ne renfer me aucune source de fer hminique.

    Carence en vitamine B12La vitamine B12 alimentaire est retrouve exclusivement dans les produits dorigine animale : viande et poisson bien entendu, mais aussi ufs, lait et produits laitiers.Ainsi, chez les individus ovo-vgtariens, lacto-vgtariens et ovo-lacto-vgta-riens, la consommation dufs et/ou de lait et de ses produits drivs permet de maintenir un apport minimal mais suf-sant en vitamine B12.Au contraire, la consommation exclu-sive de produits vgtaux par les popu-lations vgtaliennes entrane un risque important de carence en vitamine B12. Les rserves en vitamine B12 tant importantes dans lorganisme, la carence peut se manifester plusieurs annes aprs linstauration dun rgime vgtarien.Dans la dernire dition des Apports nutritionnels conseills pour la popula-

    tion franaise, lAfssa considre la popu-lation vgtalienne comme population risque de carence en vitamine B12 par malnutrition4.

    Carence en slniumLes meilleures sources alimentaires en slnium sont la viande et le poisson mais cet lment est aussi retrouv en quantit moindre dans lensemble des ali-ments protiques. Les aliments vgtaux, comme les fruits et les lgumes, en sont, en revanche, trs pauvres. Si le risque de carence en slnium est important chez les vgtaliens, il est donc moindre chez les ovo-vgtariens, les lacto-vgtariens et les ovo-lacto-vgtariens.

    Bnces des rgimes vgtariensPotentiel prventif dans les pathologies digestivesLes bres alimentaires tant unique-ment prsentes dans le rgne vgtal, lensemble des rgimes vgtariens bass sur une consommation massive de fruits, lgumes et crales en sont donc riches.La consommation rgulire de bres ali-mentaires augmente la teneur en eau et la plasticit des selles , favorisant la frquence de lexonration. Les rgimes vgtariens sont donc intressants dans la rgulation du transit intestinal et la prvention de la constipation.Par ailleurs, leur consommation protge de la maladie diverticulaire dont la cause serait un dcit de lalimentation en bres vgtales. Il a t dmontr que ladjonc-tion de son la ration alimentaire dimi-nue la pression intra colique et amliore les troubles ressentis par les sujets atteints5.

    En France, lensoleillement est insufsant pour garantir, dans le cadre dun rgime vgtalien, un apport adquat en vitamine D.

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    [ N 22 - Avril-Juin 2010 Pratiques en nutrition 15 ]

    Le rgime vgtarien riche en bres ali-mentaires vgtales pourrait ainsi protger contre la maladie diverticulaire.

    Potentiel prventif dans lobsit et le diabte de type 2tRgime vgtarien et obsitDe nombreuses tudes se sont penches , depuis la n des annes 1950, sur le style de vie prne par lglise adventiste du septime jour : absence de consom-mation de tabac, dalcool, de caf et de th mais aussi, pour 50 % des adhrents la doctrine, pratique dun rgime ali-mentaire de type vgtalien.De nombreux travaux ont tout dabord constat que le poids des adventistes du septime jour tait moins lev que celui de la population gnrale surtout sil sagissait de vgtariens. Dautre part, lindice de masse corporelle des sujets vgtariens ajust lge tait statistiquement moins lev que celui des sujets non vgtariens au sein de la mme population adventiste du septime jour et pour les deux sexes6.Il semblerait donc que la pratique du rgime vgtarien, dans le cadre dun mode de vie sans tabac ni alcool et avec une acti-vit physique modre, serait en faveur de la lutte contre lobsit. Cet effet pourrait tre expliqu notamment par la moindre consommation de graisses dans le rgime vgtarien, mais aussi par la forte propor-tion de bres alimentaires satitognes. Par ailleurs, lingestion dun repas riche en bres entranerait une rduction de la prise nergtique pendant la journe suivant ce repas, par comparaison un repas pauvre en bres. Le bilan nergtique journalier se rapproche ainsi de lquilibre, la mise en rserve sous forme adipeuse est alors moindre et lindice de masse corporelle (IMC) proche de la norme4.tRgime vgtarien et diabte de type 2De nombreuses tudes ralises sur la population gnrale indiquent que la

    prvalence du diabte varie fortement selon les schmas alimentaires.Tout dabord, de nombreuses tudes montrent que laddition de bres ali-mentaires, en particulier solubles et visqueuses, rduit lhyperglycmie et lhyperinsulinmie post-prandiales, aussi bien chez des sujets sains que chez des sujets diabtiques7, 8. Lingestion chro-nique de rgimes riches en glucides et en bres a montr un effet bnque la fois chez les sujets diabtiques de type 2, par baisse de la glycmie et du taux dhmoglobine glyque, et chez les sujets diabtiques de type 1, par dimi-nution de leurs besoins en insuline.Une autre tude, mene pendant 21 ans dans le Minnesota (tats-Unis) sur 25 000 adventistes du septime jour, a montr, aprs ajustement du poids, du niveau dexercice physique et de lge, que le risque de diabte chez les indivi-dus nayant pas consomm de viande tait beaucoup plus faible que chez les autres individus. Il a t galement dmontr que la consommation de fruits et de lgumes diminuait le risque de diabte alors que celle de viande laugmentait9, 10.Le mcanisme serait probablement li au fait que les bres alimentaires ont un pouvoir acclrateur du transit intesti-nal : elles acclrent la vidange gastri que et le passage du bol alimentaire dans lintestin grle. Le temps de contact entre le contenu du bol alimentaire et la paroi digestive est ainsi raccourci. Les changes, et notamment labsorp-tion des glucides de la ration alimen-taire, sont donc moindres. Le contrle de la glycmie chez les patients atteints de diabte non insulinodpendant est ainsi meilleur. La lipogense est diminue, entranant une perte de poids7.Des travaux mens par le Physician Commitee for Responsible Medicine (PCRM) et lUniversit de Georgetown (tats-Unis) sur des patients atteints de

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    [ 16 Pratiques en nutrition Avril-Juin 2010 - N 22 ]

    diabte non insulinodpendant ont tu-di les effets sur la sant dun rgime vgtarien non rafn, pauvre en graisse et sans exercice physique. Le premier groupe de ltude a suivi un rgime vg-tarien comportant des portions illimites de lgumes, de crales (uniquement compltes), de fruits et de lgumes secs mais nutilisant pas dhuiles pour la prpa ra tion des repas. Ce rgime tait donc sans cholestrol et riche en bres (60 70 g/jour). Le deuxime groupe a suivi un rgime bas sur les recom-mandations de lAmerican Diabetes Association (ADA), plus riche en grais-ses (environ 30 % des apports calori-ques) et bas sur la consommation de 200 mg de cholestrol et 30 g de bres par jour. Les populations tudies ont suivi leur rgime pendant trois mois alors que groupes de travail et soutien psychologique taient proposs deux fois par semaine.Pour le premier groupe, les rsultats observs ont t les suivants : une rduc-tion importante de la glycmie jeun, une perte de poids moyenne de 7,2 kg et une diminution du taux de cholestrol. Pour le deuxime groupe, la rduction de la glycmie jeun sest avre moins importante et la perte de poids moyenne de 3,6 kg seulement.Bien quil ne sagisse pas dune tude grande chelle, il apparat tout de mme quune alimentation base de vgtaux peut amliorer la sant des personnes atteintes de diabte11.

    Potentiel prventif dans les maladies cardiovasculairest Rgime vgtarien et hypertension artrielleCest en 1926 qua t rapporte pour la premire fois une baisse de pression artrielle chez les sujets vgtariens12. Plusieurs travaux ont suivi et montr que les vgtariens avaient effectivement un

    niveau de pression artrielle plus bas que le reste de la population omnivore des pays industrialiss13. Toutefois, la plu-part des populations tudies, savoir vgtaliens, macrobiotiques, bouddhis-tes, moines trappistes ou adventistes du septime jour, vitent la consommation de tabac, dalcool, de caf ou de th et pratiquent une activit physique rgu-lire. Les habitudes de vie semblent donc galement impliques aux cts des habitudes alimentaires dans la modication des chiffres tensionnels.Une autre tude a compar des popu-lations australiennes adventistes du septime jour vgtariennes et une population de mormons omnivores ayant des habitudes de vie similaires, savoir absence de consommation de tabac, dalcool, de th et de caf, et pratique dexercice physique moyen14. En comparaison, les adventistes vg-tariens consomment plus de potassium, de bres, de magnsium et dacides gras poly-insaturs, mais moins de graisses et dacides gras saturs que les mormons omnivores. Il a t not un niveau de tension artrielle plus bas chez les adventistes. Laugmentation de ce niveau en relation avec lge tait aussi moins importante chez les vgtariens.Les facteurs susceptibles dinter venir dans ces diffrences tensionnelles sont multiples. Tout dabord, pour une consommation identique de sodium, les adventistes vgtariens ont un apport de potassium suprieur celui des mormons . Or, il a t montr quune faible augmentation de la kalimie, celle-ci restant dans les valeurs physio-logiques, pouvait avoir un effet hypoten-seur. Dautre part, selon de nombreuses tudes, les vgtariens ont une consom-mation quotidienne de lipides diffrente de celle des omnivores : moins dacides gras saturs, plus dacides gras poly-insaturs et un rapport poly-insaturs/

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    [ N 22 - Avril-Juin 2010 Pratiques en nutrition 17 ]

    saturs plus lev15, 16. Lexcs dapport de cholestrol par lalimentation omni-vore jouerait donc galement un rle dans la diffrence constate, au niveau de la pression artrielle, entre vgta-riens et omnivores.Lalimentation vgtarienne joue donc un rle certain sur la faible prvalence de lhypertension artrielle dans la popu-lation qui la pratique17.tRgimes vgtariens et coronaropathiePlusieurs tudes ont not une morbidit et une mortalit moins importante chez les vgtariens que chez les omni vores. Ltude la plus importante, incluant 26 921 adventistes californiens suivis pendant vingt ans, a permis de dmon-trer que la mortalit par ischmie cardia que est infrieure chez les vg-tariens non-fumeurs par rapport aux non vgtariens non-fumeurs. Il faut donc ajouter au rle que joue labsen ce de tabac dans cette pathologie, les diffrences alimentaires telles que le moindre apport en graisses, un rapport acides gras poly-insaturs/acides gras saturs plus lev et une consommation de bres alimentaires plus importante. Les acides gras saturs et le choles-trol (dorigine animale) sont connus pour leur rle athro gne. Par ailleurs, lactivit physique plus importante et la moindre frquence de lobsit chez les vgtariens sont, de ce point de vue, prendre en compte.Le risque de survenue de maladies coro-nariennes est ngativement corrl la dure de lalimentation vgtarienne : plus cette alimentation est mise en place prcocement, moins le risque de coronaropathie est important17.Des taux plasmatiques levs de choles-t rol total et de cholestrol LDL augmen-tent le risque dathrosclrose et de maladie coronarienne alors que le taux de cholestrol HDL lui est inversement corrl. Les taux de cholestrol plasmati-

    que sont inuencs par lalcool, le tabac, lactivit physique mais aussi la nature et la quantit des graisses consommes (acides gras saturs et cholestrol). Les acides gras saturs et le cholestrol sont le plus souvent associs aux mati-res grasses dorigine animale.Le niveau de cholestrol plasmatique est signicativement plus faible chez les vgtariens que chez les omnivores. Une tude comparant des adventistes californiens vgtariens et une popula-tion voisine non vgtarienne a montr des rsultats sur la cholestrolmie de ces deux groupes : les individus vgta-riens ont une consommation moyenne de cholestrol, une cholestrolmie et un taux de LDL sanguin nettement inf-rieurs aux omnivores18.Par ailleurs, il a t dmontr que lors-que lon rajoute des aliments dorigine animale dans lalimentation dindividus lacto-vgtariens pendant quelques semaines, les niveaux plasmatiques du cholestrol total et du cholestrol LDL slvent19.Il semble donc que la diminution du risque coronarien chez les vgtariens soit corr-

    Lalimentation vgtarienne joue un rle certain sur la faible prvalence de lhypertension artrielle dans la population qui la pratique.

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    [ 18 Pratiques en nutrition Avril-Juin 2010 - N 22 ]

    le la baisse du taux plasmatique de choles t rol total et de cholestrol LDL.Certains facteurs peuvent tre respon-sables de la baisse du taux de lipo-protines chez le sujet vgtarien. De nombreuses tudes ont montr que les acides gras saturs tendent le-ver le taux de choles t rol total et quau contraire, les acides gras mono-insatu-rs et poly-insaturs ont un effet hypo-cholestrolmiant. Ainsi, les rgimes riches en acides gras mono-insaturs et poly-insaturs et pauvres en acides gras saturs comme les rgimes vgtariens tendent faire baisser le taux de choles-trol plasmatique.La consommation de bres alimentaires serait hypocholestrolmiante par plusieurs mcanismes. Les fibres alimentaires entranant les acides biliaires dans les pertes fcales, le cholestrol est dautant plus utilis pour le renouvellement du pool circu lant dacides biliaires diminuant ainsi la cholestrolmie. Les acides gras courte chane synthtiss par fermentation colique des bres alimentaires inhibent, quant eux, la synthse hpatique du cho-lestrol endogne17.Enfin, les phytostrols pourraient avoir un effet sur la cholestrol-mie. Un rgime europen apporte en moyenne 160 360 mg de sitostrol et de campestrol et 20 50 mg de stigma strol par jour. Un rgime vg-tarien apporte 600 800 mg de phyto-strols par jour.Pour des apports de 1,5 3 grammes par jour, les phytostrols pourraient avoir des effets hypocholestrolmiants. Le mcanisme daction serait bas sur une grande similitude physico-chimique des phytostrols et du cholestrol qui induirait une comptition au niveau de labsorption intestinale de ces molcu-les. En effet, quand elles cohabitent en quantit sufsante dans la lumire intes-tinale, elles entrent en comptition pour

    la formation de micelles, indispensables labsorption du cholestrol par lorga-nisme. Labsorption des phyto strols tant extrmement faible, ceux-ci se concen-trent lintrieur des micelles empchant dautant plus la solubilisation du choles-trol. La quantit de cholestrol absor-be au niveau de lintestin est ainsi dimi-nue. La concentration en strols dans la lumire intestinale augmente et tend vers un seuil critique entranant la formation de cristaux qui ne sont plus absorbs mais limins dans les fces20.Une tude pidmiologique, EPIC, portant sur 22 256 sujets a montr une corrlation inverse entre les concentrations plasmati-ques de cholestrol total et de cholestrol LDL ajustes lge, lIMC et lapport nergtique, et les apports alimentaires en phytostrols21. Les baisses de cholestro-lmie mises en vidence sont trop faibles pour rendre compte dune ventuelle rduc-tion du risque cardiovasculaire dans ces populations et aucune tude pidmiolo-gique na montr une relation entre apport en phytostrols et morbidit ou mortalit cardiovasculaire.Il a t galement tabli une faible inci-dence des maladies coronariennes dans les populations asiatiques pouvant tre attribue au fait que leur alimentation apporte des phytostrols via la consom-mation importante de soja. Cependant, les bnces cardiovasculaires de lalimen-tation asiatique sont trs certainement multifactoriels. partir des donnes ta-blissant une relation entre la diminution du cholestrol LDL et la rduction de lincidence des maladies coronariennes, il a t extrapol que la consommation de phytostrols pourrait rduire le risque de maladie coronarienne de 25 % dans la population gnrale. Actuellement, il nexiste pas dtudes chez lhomme corro-borant cette hypothse22.Enn, lalimentation des vgtariens est riche en vitamines E et C anti-oxydantes.

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    [ N 22 - Avril-Juin 2010 Pratiques en nutrition 19 ]

    Au niveau plasmatique, le taux de vita-mines E et C est inversement corrl au risque dischmie cardiaque puisque ces vitamines permettent de limiter loxy-dation des LDL qui induit la formation des plaques dathrome17.Les rgimes vgtariens auraient donc tendance avoir un effet protecteur contre lathrosclrose et, ainsi, contre les coronaropathies.

    Potentiel prventif dans les cancerstVgtarisme et cancrogenseLa premire grande tude portant sur lincidence de lalimentation sur les cancers a t ralise en 198023. Elle a compar un groupe de 22 940 adventis-tes du septime jour californiens obser-vs pendant 17 ans une population de 112 725 non adventistes califor-niens observs pendant 13 ans. Aprs ajustement de lge, il a t mis en vidence que le risque relatif de morta-li t par cancer des premiers compar celui des seconds tait de 0,60 chez les hommes et de 0,76 chez les femmes6. Cette diffrence a pu tre explique par plusieurs caractristiques du mode de vie des adventistes, y compris leur rgime alimentaire. Le taux de morta-li t par cancer tait signicativement plus lev chez les non adventistes non-fumeurs que chez les adventistes non-fumeurs, ce qui montre limpact de lalimentation sur la cancrogense.Une deuxime tude, ralise en 1999, portait sur lincidence des cancers chez 34 198 adventistes du septime jour pendant une priode observatoire de 6 ans18. Un questionnaire alimentaire portant sur la frquence de consommation de cinquante et un aliments diffrents a permis de dnir trois catgories dhabitu-des alimentaires : lchantillon comprenait 29,5 % de vgtariens (ne mangeant ni poisson, ni viande, ni volaille), 21,2 % de semi-vgtariens (mangeant de la viande

    ou de la volaille moins dune fois par semaine) et 49,2 % de non vgtariens.Le risque relatif de cancers du clon et de la prostate est alors apparu signica-tivement moins important chez les vg-tariens et le risque de cancer du clon est apparu augment de 88 % chez les non vgtariens par rapport aux vgta-riens. Aucune diffrence signicative na t note pour les cancers du sein, de lutrus et du poumon6.Le WCRF International (World Cancer Research Fund), rseau mondial pour la recherche et linformation sur le lien ali-mentation, nutrition, activit physique et prvention du cancer, a labor des pers-pectives de recommandations nutrition-nelles dans la prvention des cancers . Les fruits et lgumes sont considrs comme protecteurs dans la plupart des cancers et surtout ceux localisation digestive (estomac, clon, rectum) et le cancer de la prostate. La consomma-tion de viandes et de graisses animales apparat, au contraire, pro cancrigne dans les cancers du pancras, du clon, du rectum et de la prostate. Ainsi, les rgimes vgtariens, bass sur une forte consommation de fruits et de lgu-mes et labsence de consommation de graisses animales, correspondent aux recommandations24.tVgtarisme et cancer colorectalDes travaux mens, dans plusieurs pays, sur la relation entre les taux de morta-lit par cancer colorectal et la valeur des consommations alimentaires moyennes par habitant ont mis en vidence une corrlation positive avec les apports en lipides, en sucres et en viande, et une corrlation ngative avec la consomma-tion de bres vgtales25.De nombreuses tudes cas tmoins ont mis en vidence la diminution du risque lie une consommation leve de lgu-mes. Au contraire, la consommation de certains groupes daliments comme les

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    [ 20 Pratiques en nutrition Avril-Juin 2010 - N 22 ]

    viandes rouges et les graisses dorigine animale a t associe un risque plus lev de ce type de cancer.Les rgimes vgtariens pauvres en graisse animale et en viande, et riches en fruits, lgumes et crales pourraient donc avoir un intrt dans la prvention des cancers colorectaux.Lintrt des fruits, lgumes et crales dans ce type de cancer serait multi-factoriel : rle des bres alimentaires, mais aussi des micronutriments anti -oxydants prsents dans leur composition.Les mcanismes potentiels de laction prventive des fibres alimentaires reposent sur diffrents lments. Tout dabord, elles augmentent le volume fcal et la vitesse du transit : les compo-ss cancrignes se trouvent alors dilus et le temps de contact avec les cellules digestives est plus court. Dautre part, la prsence de bres vgtales dans le bol alimentaire accrot llimination fcale des acides biliaires, entranant alors une modication de leur mtabolisme. Or, lhypothse selon laquelle les acides biliaires sont les principaux agents de la promotion des cancers colorectaux est gnralement admise. Enn, la fermen-tation des bres par les bactries coli-ques entrane la production de butyrate pour lequel une abondante bibliographie montre un effet inhibiteur sur la proli-fration cellulaire en culture. Il appa-rat galement qu des concentrations physiologiques, le butyrate de sodium bloque de manire rversible la prolif-ration des lignes tumorales coliques, humaines et animales.Secondairement, il semble que la consommation de produits riches en fibres diminue la consommation de sucres rafns et de graisses qui sont des produits associs une augmenta-tion du risque de cancer colorectal4.Les fruits et lgumes apportent lorga-nis me de nombreux micronutriments

    anti-oxydants ayant un effet positif dans la prvention des cancers colorectaux : les vitamines E et C, les carotnodes tels que le btacarotne, le lycopne, la lutne ou encore la zaxanthine, les polyphnols, le slnium ou encore lacide lipoque9.tRle des isoavonodes de sojaLes isoflavonodes sont des flavonodes rencon trs essentiellement dans les graines et en particulier dans celle du soja. Elles ont la particularit de possder des propri-ts estrogniques : ces phyto estrognes se comportent comme des estrognes faible activit in vitro. Ils se substituent partiel-lement aux estrognes endognes dans loccu pa tion des rcepteurs estro gniques (au niveau des seins, de lendomtre, des os, du systme nerveux central, de la peau et des vaisseaux sanguins). Ceci suggre que la consommation de soja pourrait affecter le mtabolisme hormonal de manire favorable la prvention des cancers hormono-dpen-dants, du sein et de la prostate. Les tudes pidmiologiques conduisent toutefois des rsultats partags et celles qui concer-nent le cancer du sein ne permettent pas de conclure franchement leffet protecteur dune alimentation riche en soja. Les phyto-estrognes pourraient mme entraner une augmentation de la prolifration des cellules tumorales chez des femmes ayant des ant-cdents de cancer du sein24, 26.Une alimentation vgtarienne riche en soja ne peut donc tre considre, ce jour, ni comme protectrice ni comme pro-cancrigne dans les cancers hormono-dpendants.

    Grossesse, allaitement et vgtarismeLa grossesse et lallaitement sont des priodes physiologiques particulires lors desquelles les recommandations nutritionnelles sont peu diffrentes de celles conseilles de manire gnrale chez le sujet adulte. Il existe cependant

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    [ N 22 - Avril-Juin 2010 Pratiques en nutrition 21 ]

    quelques points spcifiques pren-dre en compte concernant les apports recommands en protines, en calcium, en vitamines D, en fer, en folates, en vitamine B12 et en iode4, 27.

    MacronutrimentsLes besoins protiques supplmentai-res pendant la grossesse sont fixs 0,1 g/kg/jour chez la femme enceinte. Ils permettent lanabolisme protique dans lorganisme maternel pendant les phases prcoces de la grossesse, puis le dvelop-pement des produits de conception.Durant lallaitement, les apports proti-ques supplmentaires correspondent la production des composs azots incor-pors au lait maternel et ncessaires au mtabolisme du nourrisson. Lapport nutritionnel protique conseill est alors x 1,4 g/kg/jour.Chez une femme ovo-vgtarienne ou lacto-vgtarienne, lorsque le rgime alimentaire est quilibr, les qualits nutritionnelles du lait maternel ne sont pas affectes et la croissance du nourris-son est normale pendant les six premiers mois. Au contraire, chez une femme vgtalienne, la qualit du lait maternel est modie et la croissance du nourris-son nettement ralentie. Si les apports protiques sont sufsamment varis, les apports en calories et en proti nes seront sufsants.Le soja tant une source de protines de bonne qualit, les individus suivant un rgime vgtarien peuvent tre amens en consommer une grande quantit. Or, le soja contient une quantit non ngligeable de phytoestrognes ayant la capacit de traverser la barrire placen-taire et de passer dans le lait maternel. Des expriences animales ont montr des anomalies de dveloppement des organes gnitaux et des troubles de la fertilit aprs exposition in utero aux phyto estrognes19, 27. Aucune descrip-

    La grossesse et lallaitement sont des priodes

    physiologiques particulires durant lesquelles lquilibre nutritionnel est primordial.

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    tion identique na t ralise chez ltre humain, mais il pourrait gale-ment y avoir des effets dltres sur le dveloppement des organes gnitaux et ventuellement un risque de cancer des testicules et du sein dans la descen-dan ce26. Il convient donc, par prcau-tion, de limiter la consommation de soja et de produits drivs une portion par jour au cours de la grossesse et de lallaitement.

    Calcium et vitamine DLaccumulation de calcium chez le ftus se fait essentiellement au troi-sime trimes tre de la grossesse pour la formation de ses os : elle est de lordre de 200 mg/jour. Les apports alimen-taires de la mre doivent donc tre augments.Lapport nutritionnel conseill chez la femme enceinte ds le troisime mois de grossesse est port par lAgence fran-aise de scurit sanitaire des aliments (Afssa) 1 000 mg/jour au lieu de 900 mg/jour chez la femme adulte. En cas dapport insuffi-sant, un mcanisme de compen sa t ion est mis en place : le phno m ne de rsorption osseuse augmen te jusqu ce quil puisse four-nir la quantit de calcium ncessaire. Plus la carence cal-cique est prcoce et

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    [ 22 Pratiques en nutrition Avril-Juin 2010 - N 22 ]

    importante et plus la rsorption osseuse sera grande, entranant une diminution de la densit minrale osseuse et une fragilisation des os chez la mre.De la mme faon, au cours de lallai te-ment, les besoins en calcium de la mre sont augments : la scrtion de calcium dans le lait varie de 200 300 mg/jour. Des mcanismes compensatoires sont alors mis en place pendant toute la dure de la lactation : les pertes calciques urinai-res sont diminues et la rsorption osseuse augmente. Le besoin nutritionnel conseill est alors maintenu 1 000 mg/jour.Les individus ovo-vgtariens et vg-taliens pouvaient avoir des difcults atteindre lapport nutritionnel (ANC) en calcium. Ceci est dautant plus vrai chez la femme enceinte pour laquelle les besoins sont augments. Le risque de carence calcique et de dminralisa-tion osseuse est alors augment chez la femme enceinte vgtarienne dautant plus si la carence est ancienne et les rserves faibles. Ces donnes montrent donc lintrt dune prise en charge de la carence calcique en amont de la gros-sesse an de diminuer les risques osseux pendant la grossesse, puis lallaitement.Lapport nutritionnel conseill en vita-mine D chez la femme est doubl en cas de grossesse ou dallaitement : il est de 10 g/jour. Il permet la minralisation du squelette ftal ainsi que la consti-tution des rserves en vitamine D chez le ftus et le nourrisson. Une carence dapport en vitamine D pendant la grossesse entrane une majoration de la perte osseuse maternelle de n de grossesse (ostomalacie symptomati-que), une augmen ta tion de lincidence de lhypocalcmie nonatale, des effets ngatifs sur la densit minrale osseuse et sur la formation de lmail dentaire, ainsi que des risques de carence en vitamine D chez le nouveau-n. La pra-tique dun rgime vgtarien tant un

    facteur dterminant dans lapparition dune carence en vitamine D, le risque de carence est major chez la femme enceinte ou allaitante pratiquant ce type de rgime, dautant plus que la grossesse se droule pendant lhiver ou le dbut du printemps, mme dans les rgions dites ensoleilles.

    Fer et vitamine B12Pendant la grossesse, les besoins en fer chez la femme sont augments en rai-son des pertes basales et des dpenses spciques la grossesse. Les besoins supplmentaires sont de 0,8 mg/jour au cours du premier trimestre et sl-vent ensuite 12 mg/jour pendant les deuxime et troisime trimestres. Lapport nutritionnel conseill en fer de la femme est alors port 30 mg/jour. Aprs laccouchement, le recyclage du fer (par rduction de la masse globulaire) abaisse les besoins totaux en fer de la femme 800 mg.La forte augmentation de la capacit dabsorption intestinale, aussi bien pour le fer hminique que pour le fer non hminique, tout au long de la grossesse doit tre prise en compte.Une anmie ferriprive chez la femme enceinte se manifeste par une plus grande fatigabilit et une moindre rsistance aux infections. Si la carence martia le est prsente ds le dbut de la grossesse, elle entrane une augmenta-tion du risque de prmaturit, de morta-lit prinatale et dhypotrophie ftale.Selon lAfssa, les donnes les plus rcen-tes indiquent sans ambigut que les besoins en fer de la femme enceinte peu-vent tre couverts par la ration alimentaire condition que celle-ci soit sufsante (environ 2 000 kCal/jour) et varie et sans exclusion des aliments dorigine animale. Une supplmentation en fer la dose de 30 mg/jour ds le dbut de la grossesse est recommande chez les femmes , comme

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    [ N 22 - Avril-Juin 2010 Pratiques en nutrition 23 ]

    les vgtariennes, ayant une alimentation pauvre en fer hminique.Au contraire, au cours de lallaitement, la teneur en fer du lait maternel est indpendante du statut martial mater-nel. Les besoins nutritionnels conseills sont alors peu diffrents de ceux de la femme adulte en dehors de la grossesse : ils sont xs 10 mg/jour. Les risques de carence dapport en fer chez la mre sont alors peu importants car les pertes sont diminues par lamnorrhe et labsorp tion intestinale majore.Les besoins en vitamine B12 sont galement augments chez la femme enceinte : lANC est port 2,6 g/jour pendant la grossesse. Au cours de lallai te ment, 0,4 g de vitamine B12 est excrt dans le lait maternel ; les besoins nutritionnels conseills sont alors ports 2,8 g/jour. Des carences en vitamine B12 pendant des priodes de grossesse et dallaitement ont t dcrites uniquement chez des femmes vgtariennes strictes pour lesquelles les apports sont trop faibles.

    Enfants, adolescents et vgtarismeLenfance et ladolescence sont des priodes particulires caractrises par la croissance et le dveloppement de lorga-nisme induisant alors des besoins nutri-tionnels particuliers. Cependant, il est difcile de dterminer les apports nutri-tionnels conseiller chez lenfant puis-que la vitesse de croissance varie selon lge et que le moment de la pubert est diff rent dun individu lautre.

    Protines et lipidesChez le nouveau-n et le nourrisson, le besoin protique correspond au main-tien et la croissance de lorganisme, cest--dire lazote et aux acides ami-ns indispensables laccroissement program m de la taille et du poids.

    Avant lge de 18 ans, les besoins proti-ques correspondent la fois au main-tien et la croissance de lorganisme. Lapport de scurit est, pour les deux sexes, de 15 g/jour lge de 4 ans et de 27 g/jour 10 ans. Chez les garons de 14 ans, cet apport est x 41 g/jour et chez les lles du mme ge 42 g/jour. Enn, 18 ans, il est x 50 g/jour chez les garons et 43 g/jour chez les lles. La quantit de protines apporte est donc importante mais il ne faut pas ngliger celle des acides amins.Selon lAfssa, la pratique dun rgime vgtarien souple, cest--dire avec consommation dufs et/ou de lait et produits laitiers, est compatible avec la croissance normale dun enfant ou dun adolescent et pourrait mme prsenter des bnces lge adulte (prvention des patho logies cardiovasculaires, diges-tives, cancer). Au contraire, la pratique dun rgime vgtarien strict reprsente un risque pour la croissance de lenfant d, notamment, la carence protique inhrente ce type dalimentation.Chez lenfant, les apports en lipides reprsentent la source essentielle dner-gie pour le fonctionnement de lorga-nisme mais aussi la principale source dacides gras, essentiels au dvelop-pement crbral normal et la matu-ration des fonctions neurosensorielles. Dans les premires annes de la vie, les besoins nergtiques sont levs : il ny a pas lieu de restreindre les apports lipi-diques. Le modle de rfrence est le lait maternel. En revanche, partir de lge de 3 ans, ces apports doivent tre surveills an de prvenir, court terme, les risques dobsit et, long terme, les maladies cardiovasculaires. Il faut alors limiter les apports en acides gras saturs (8 12 % de la ration nergti-que), en lipides totaux (35 % de lapport nergtique total) et en cholestrol (300 mg/24 heures). Une alimentation

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    [ 24 Pratiques en nutrition Avril-Juin 2010 - N 22 ]

    vgtarienne, pauvre en acides gras saturs et en cholestrol, apparat alors bnque chez lenfant et ladolescent tout comme chez ladulte.

    Calcium et vitamine DLes besoins en calcium sont dautant plus importants que la croissance de lorganisme est rapide. Une carence dapport en calcium se traduit ainsi, pendant lenfance, par un rachitisme et, ladolescence, par un risque accru de fracture osseuse.Un apport en calcium alimentaire suffi sant na pas pour seul objectif dassu rer une minralisation minimale suivant simple ment la croissance volu-mtrique du squelette, mais permet aussi daugmen ter la densit minrale des os dans le but datteindre, en n de croissance, un pic de masse minrale osseuse optimale.Chez lenfant prpubre, la croissance est moins rapide que chez le nourrisson ou ladolescent mais les besoins en calcium sont deux quatre fois suprieurs ceux de ladulte. Les apports nutritionnels conseills sont de 500 mg/jour entre 1 et 3 ans, de 700 mg/jour entre 4 et 6 ans et de 900 mg/jour entre 7 et 9 ans.Ladolescence est une priode de crois-sance rapide trs importante au cours de laquelle 15 % de la taille adulte, 50 % du poids dnitif et 40 % de la masse osseuse sont acquis. Une augmentation des capacits dabsorption intestinale du calcium ainsi quune faible capacit dexcrtion urinaire permettent une mobi-lisation importante du calcium alimen-taire. Lapport nutritionnel conseill est x par lAfssa 1 200 mg/jour entre 10 et 18 ans.Lapport nutritionnel conseill en vita-mine D, qui joue un rle essentiel dans labsorption intestinale du calcium et dans la minralisation du squelette, est x 10 g/jour entre 1 et 3 ans et

    5 g/jour pour les enfants de plus de 4 ans et les adolescents.Les risques que fait courir la pratique dun rgime vgtarien durant lenfance et ladolescence sont la carence calci-que et en vitamine D, risques dautant plus importants que le lait, les produits laitiers et les ufs sont supprims de lalimentation.

    Fer et vitamine B12Pendant les trois premiers mois de la vie dun enfant n terme, les besoins en fer sont peu importants : lhmolyse physiologique permet une mobilisa-tion et une rutilisation du fer contenu dans les globules rouges. Entre quatre mois et trois ans, ils sont plus levs, la croissance staturo-pondrale tant importante cette priode. De mme, ils sont importants chez les adolescents et sont particulirement augments la pubert, chez les jeunes lles, en raison de leurs pertes menstruelles.Les concentrations en fer du lait mater-nel et du lait de vache sont quivalen-tes mais la biodisponibilit de ce fer est diff ren te : 50 % dans le lait maternel et seulement de 5 10 % dans le lait de vache. Ceci explique en partie la raret des carences martiales chez les enfants allaits au sein et la grande frquence de cette carence chez les enfants nourris au lait de vache.Les apports nutritionnels en fer sont xs entre 6 et 10 mg/jour jusqu lge de 1 an, 7 mg/jour de 1 10 ans et entre 10 et 16 mg/jour au cours de ladolescence.Chez le nourrisson, lenfant et lado-lescent, une carence martiale entrane des troubles du comportement de type apathie ou irritabilit, une moindre rsistance aux infections et de possi-bles rpercussions sur les performances cognitives, dautant plus importantes que lenfant est jeune.

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    [ N 22 - Avril-Juin 2010 Pratiques en nutrition 25 ]

    Comme chez ladulte, la pratique dun rgime vgtarien chez lenfant ou lado-lescent expose une carence martiale dautant plus grave quelle intervient un jeune ge.Les apports nutritionnels conseills en vitamine B12 pendant lenfance et lado-lescence sont les suivants : 0,8 g/jour entre 1 et 3 ans, 1,1 g/jour entre 4 et 6 ans, 1,4 g/jour entre 7 et 9 ans et 1,9 2,4 g/jour entre 10 et 16 ans. Comme chez ladulte, un rgime vg-tarien suivi pendant lenfance ou lado-lescence expose une carence en vita-mine B12. Cette carence est dautant plus frquente et grave que lenfant

    est n dune mre vgtalienne, elle-mme carence puisque ses rserves vitaminiques sont faibles et rapidement puises. Labsence de vitamine B12 du rgime alimentaire dans les priodes de croissance induit un risque de retard de croissance et un risque neurologique parfois irrversible.

    Nomie GallandPharmacien assistant, Jarnages (23)[email protected]

    SourceExtrait de la thse pour lobtention du diplme dtat de pharmacien la Facult de pharmacie de Limoges (87). Directeur de thse : Dr Franoise Marre-Fournier.

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