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VILLON, F., Oeuvres poétiques, Paris, Garnier-Flammarion, 1965.

résumé Le Lais, Le Testament, analyse du Qu atrain

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VILLON, F., Oeuvres poétiques, Paris, Garnier-Flammarion, 1965.

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VILLON, F., Oeuvres poétiques, Paris, Garnier-Flammarion, 1965.

Le Lais

Le Lais est une œuvre de jeunesse (1457) formée de quarante huitains d'octosyllabes, où l'on voit un Villon, joyeux et parfois potache, égrener une suite de « dons » ou de « legs » plus ou moins loufoques, mais toujours cruels et souvent drôles, à destination de ses ennemis. Ses cibles favorites sont les autorités, la police, les ecclésiastiques trop bien nourris, les bourgeois, les usuriers, en somme les cibles éternelles de la contestation étudiante et prolétaire. Il reprend dans ce texte plusieurs genres littéraires connus : au vu des circonstances (le départ pour Angers) et de l'utilisation de motifs de l'amour courtois des trouvères, ce pourrait être un congé, dans la droite ligne de la tradition arrageoise32, où le poète galant quitte sa dame qui l'a trop fait souffrir33. Cependant, il est ici question de lais (de « laisser »), des dons qui font penser aux testaments littéraires, tel celui d'Eustache Deschamps qui parodia à la fin du XIVe siècle toute sorte de documents légaux34. Enfin, dans les dernières strophes, Villon reprend à son compte le thème fort usité du songe où l'auteur raconte une aventure qui lui est arrivée en rêve. Parodie de congé, testament satirique et songe ironique : les Lais sont tout cela successivement35.

Le Lais est avant tout destiné à ses amis et compagnons de débauche et fourmille d'allusions et de sous-entendus aujourd'hui indéchiffrables mais qui à coup sûr devaient beaucoup faire rire ses camarades. Il semble cependant avoir eu un petit succès, car Villon y fait plusieurs fois référence dans le Testament, se plaignant de façon plaisante que l'œuvre circule sous le titre erroné de « testament » :Sy me souvient, ad mon advis,Que je feiz à mon partementCertains laiz, l'an cinquante six,Qu'aucuns, sans mon consentement,Voulurent nommer « testament » ;Leur plaisir fut, non pas le myen.Mais quoy! on dit communément:« Ung chascun n'est maistre du scien. »36

Le Testament

Le Testament est une œuvre beaucoup moins homogène que n'est le Lais. S'il reprend l'idée de parodie d'un acte juridique, ce n'est en fait qu'une colonne vertébrale sur laquelle viennent se greffer toutes sortes de digressions sur l'injustice, la fuite du temps, la mort, la sagesse... ainsi que des poèmes autonomes souvent présentés comme des legs. On retrouve cependant la plume vive et acerbe et l'humour tantôt noir et subtil, tantôt franchement rigolard et paillard qui caractérise Villon. Peut-être l'auteur souhaite-t-il présenter ici un large spectre de ses talents afin d'attirer l'attention d'un éventuel mécène, le Testament devenant une sorte de carte de visite. Le texte s'adresse aussi à ses anciens compagnons, soit la foule de miséreux cultivés que produit à cette époque la Sorbonne.

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Le Testament passe pour être le chef-d'œuvre de Villon et l'un des plus beaux textes littéraires du Moyen Âge tardif37.La Ballade des pendus

La ballade dite Ballade des pendus, parfois improprement appelée Épitaphe Villon, est le poème le plus connu de François Villon, et l'un des plus célèbres poèmes de la langue française. On s'accorde en général pour penser que cette ballade fut composé par Villon alors qu'il était emprisonné à la suite de l'affaire Ferrebouc, mais le fait n'est pas absolument établi16. Le poème présente une originalité profonde dans son énonciation: ce sont les morts qui s'adressent aux vivants, dans un appel à la compassion et à la charité chrétienne, rehaussé par le macabre de la description. Cet effet de surprise est cependant désamorcé par le titre moderne38. Le premier vers « Freres humains, qui après nous vivez », conserve de ce fait encore aujourd'hui un fort pouvoir d'évocation et d'émotion : la voix des pendus imaginée par Villon transcende la barrière du temps et de la mort39. La Ballade des pendus est le poème de François Villon le plus connu. Il est communément admis, même si ce fait n'est pas clairement établi que Villon le composa lors de son incarcération en l'attente de son exécution suite à l'affaire Ferrebouc où un notaire pontifical fut blessé au cours d'une rixe.Titre Dans le manuscrit Coislin, cette ballade n'a pas de titre et dans l'anthologie Le Jardin de Plaisance et Fleur de de rethoricque imprimé en 1501 par Antoine Vérard, elle est juste appelée Autre ballade. Elle est titrée Épitaphe Villon dans le manuscrit Fauchet et dans l'édition de 1489 de Pierre Levet, Épitaphe dudit Villon dans le Chansonnier de Rohan et Clément Marot dans son éditon commentée de 1533 la nomme : Épitaphe en forme de ballade, que feit Villon pour luy & pour ses compaignons s'attendant à estre pendu avec eulx. Le titre moderne doit quant à lui être attribué aux romantiques et pose problème dans le sens où il dévoile trop tôt l'identité des narrateurs et compromet l'effet de surprise souhaité par Villon.

Le titre Épitaphe Villon et ses dérivés est impropre et porte à confusion, car Villon s'est déjà rédigé un véritable épitaphe à la fin du Testament (vers 1884 à 1906). De plus, ce titre (et notamment la version de Marot) implique que Villon a composé l'œuvre en attendant sa pendaison, ce qui est toujours sujet à caution (cf ci dessous : Circonstances).

Les historiens et commentateurs de Villon se sont pour la plupart aujourd'hui résolu à désigner cette ballade par ses premiers mots : Freres humains, comme il est de coutume lorsque l'auteur n'a pas laissé de titre.

Il est souvent dit que Villon composa Freres humains à l'ombre de la potence qui lui fut promis par le prévôt de Paris suite à l'affaire Ferrebouc. Gert Pinkernell, par exemple souligne le caractère désespéré et macabre du texte et en conclut que Villon l'a surement composé en prison. Cependant, comme le souligne Claude Thiry : "C'est une possibilité, mais parmi d'autres : on ne peut tout à fait l'exclure, mais on ne doit pas l'imposer". Il remarque en effet que ce n'est pas, loin s'en faut, le seul texte de Villon qui fasse référence à sa peur de la corde et aux dangers qui guettent les enfants perdus. Les ballades en jargon, par

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exemple, recèlent de nombreuses allusions au gibet, et il serait plus qu'hasardeux de les dater de cet emprisonnement. De plus, Thiry montre aussi que Freres humains, pour peu que l'on fasse abstraction du titre moderne qui fausse la lecture, est un appel à la charité chrétienne envers les pauvres plus qu'envers les pendus, et que contrairement à l'immense majorité de ses textes, celui-ci n'est pas présenté par Villon comme autobiographique. De même, la caractère macabre de la ballade se retrouve aussi dans son évocation du charnier des innocents des huitains CLV à CLXV du Testament.

Ce poème est un appel à la charité chrétienne, valeur très puissante au Moyen Âge (Car, ce pitié de nous pauvres avez,/ Dieu en aura plus tost de vous merciz.). La rédemption est au cœur de la ballade. Villon reconnaît qu'il s'est trop occupé de son être de chair au détriment de sa spiritualité. Ce constat est renforcé par la description très crue et insupportable des corps pourrissants (qui fut probablement inspirée par le spectacle macabre du charnier des innocents) qui produit un fort contraste avec l'évocation des thèmes religieux. Les pendus exhortent d'abord les passants à prier pour eux, puis dans l'appel, la prière se généralise à tous les humains.Tous les vers du poème comportent 10 syllabes (décasyllabes). Répétition du dernier vers dans chaque strophe. Les trois premières strophes comportent 10 vers, et la dernière en comporte 5. Les rimes reviennent aux mêmes endroits dans chacune des strophes. Présence de nombreux enjambements. Vers 4 : merciz : "miséricorde". Le 'z' final (qui équivaut à un 's') a été rajouté Indûment par Villon (comme cela était admis dans la versification médiévale) pour faciliter la rimeVers 6, 7 et 8 : nourrie (...) pourrie (...) pouldre : ces trois rimes se retrouvent au huitain CLXIV du Testament qui décrit le charnier des innocents et qui par ailleurs se termine par : "Plaise au doulx Jesus les absouldre!".Vers 7 : dévorée : peut signififer "mangée (par les oiseaux)", mais aussi et c'est le sens premier : "décomposée"Deuxième strophe : Villon dévoile enfin la cause du décès des corps parlant (par justice), après avoir laissé le doute dans la première strophe pour laisser le lecteur les prendre en horreur et en pitié.Vers 13 : Par justice : double sens : "Ce n'est que justice" et "Par décision de justice". Justice pourrait aussi être une allégorie (très présentes dans la poésie des XIVe siècle et XVe siècle), mais l'absence de majuscule incite à ne retenir que ces deux premiers sens.Vers 14 : Que tous hommes n'ont pas le sens rassiz voir le Lais vers 2 et 3 : Je, François Villon, escollier,/Considérant, de sens rassis,....Vers 15 : transis : un transi est une représentation d'un corps en décomposition que l'on trouvait couramment dans les livres d'heures et sur les tombeaux au XVe siècle.Vers 19 : harie du verbe harier : moquer, insulterVers 23 : cavez participe passé de caver qui signifie "creuser des galeries" et s'applique plus spécifiquement aux animaux fouisseurs (taupes...)Vers 28 : Plus becquetez d'oiseaulx que dez à couldre : réminiscence du Dit de la mort, poème anonyme où le corps est picoté [par les vers, cette fois] comme ung day pour coudre.

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Envoi : Les morts n'ont maintenant plus besoin des vivants pour intercéder et interpellent directement Jésus, tout en incluant les vivants dans leurs prières.

Le Quatrain

Ce petit poème, sans doute écrit alors que, fatigué de vivre et fataliste, Villon n'a pas encore interjeté appel et attend son exécution par pendaison40, renferme en quatre octosyllabes la quintessence de l'art de Villon, son désarroi et sa haine farouche de la fuite du temps et de la mort, ainsi que son humour et sa vivacité d'esprit, toujours présents41.

Tout d'abord, voici le quatrain dont il est question, ainsi que sa transcription en français moderne :

Je suis François, dont il me poiseNé de Paris emprès PontoiseEt de la corde d'une toiseSaura mon col que mon cul poise

« Je suis Français et cela me pèseNé à Paris près de PontoiseEt de la corde d'une toiseMon cou saura ce que pèse mon cul42 »

Vers 1 Le quatrain débute par un jeu de mots sur son prénom, « François », qui signifie aussi « Français » : ce double sens est présenté par Villon comme un double coup du sort. Dans un cas, ce qui lui pèse et l'accable (« me poise »), c'est tout simplement d'être lui-même, d'avoir connu cette vie d'errance et de misère. Il a vécu comme un miséreux, il se prépare à mourir comme tel. L'autre fardeau, c'est sa nationalité. Et pour cause, Robin Daugis, pourtant bien plus impliqué que lui dans l'affaire Ferrebouc, a bénéficié en tant que savoyard d'une justice moins expéditive. Il attend d'ailleurs en vain son procès, jusqu'en novembre où il est gracié à l'occasion de la venue à Paris du Duc de Savoie. Vers 2 Inversion de l'ordre hiérarchique entre les villes : Pontoise qui semble prendre le pas sur Paris, n'est pas choisie au hasard ou pour la rime. Cette ville est en effet réputée pour sa langue châtiée ; le contraste avec le dernier vers n'en est que plus plaisant... Jean Dufournet remarque aussi qu'elle dépend pour les affaires de justice de la prévôté de Paris. Amère conclusion : quel que soit l'ordre d'importance des cités, Villon est pris au piège et ne peut échapper au prévôt et à ses décisions. Vers 3 et 4 S'ils sont explicites et ne renferment apparemment pas de sens caché, il sont du point de vue de la versification admirables. Il y a tout d'abord l'allitération de « mon col » et « mon cul » symétriques par rapport à « que ». Ensuite, on remarque une assonance à la césure entre « corde » et « col ». Le tout provoque une accélération du rythme qui nous entraîne des deux premiers vers au niveau de langue châtié et au contenu presque administratif (Villon déclinant son identité) aux deux suivants qui dévoilent la plaisanterie et utilisent un langage populaire voire argotique (« la corde d'une toise » correspondant au gibet) pour arriver en apothéose à la vulgarité du mot « cul » repoussé à l'extrême limite du quatrain.