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Ressources halieutiques, pêche hauturière et conservation en Polynésie française

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Cette étude présente: 1) un état actuel des connaissances sur les ressources pélagiques de la ZEE de Polynésie française, 2) une revue de l’histoire et de l’état de la pêcherie palangrière polynésienne, et 3) des recommandations sur la stratégie de pêche durable en Polynésie française et sur l’établissement d’un réseau de grandes Aires Marines Protégées pour la protection des ressources halieutiques.

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RESSOURCES HALIEUTIQUES, PÊCHE HAUTURIÈRE ET CONSERVATION EN POLYNÉSIE FRANÇAISE

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CRÉDITS Le présent ouvrage a pu être élaboré grâce à un soutien financier de The Pew Charitable Trusts et du projet Héritage Mondial des Océans. Le projet Héritage Mondial des Océans est mené dans 14 sites dans le monde pour contribuer à préserver la santé des océans de la planète sur le long terme. Ce projet finance des activités de recherche, de sensibilisation, de communication, et travaille en collaboration avec les gouvernements et de nombreux partenaires locaux pour favoriser la création de grandes Aires Marines Protégées. En Polynésie française, Pew travaille avec le gouvernement, les élus des îles, les pêcheurs, les scientifiques, les associations et le secteur privé, pour contribuer à mettre en œuvre l’objectif ambitieux du gouvernement de protéger au moins 20 % des eaux polynésiennes d’ici 2020. À travers une approche participative et de nombreuses consultations, Pew et ses partenaires souhaitent proposer des scénarios de protection qui soient basés sur la science, soutenus par la société civile et qui respectent la culture traditionnelle polynésienne. Les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement celles de The Pew Charitable Trusts. AUTEURS : Paul Roger de Villers : Consultant indépendant, spécialiste en développement Jérôme Petit : Directeur Pew Polynésie française CONTACTS : Paul Roger de Villers : [email protected] Jérôme Petit : [email protected] DROITS D’AUTEUR : © Paul Roger de Villers et Jérôme Petit. Septembre 2015. La reproduction de cette publication à des fins non commerciales, et notamment éducatives, est permise sans autorisation écrite préalable des auteurs, à condition que la source soit dûment citée. CITATION : ROGER DE VILLERS P. et PETIT J. 2015. Ressources halieutiques, pêche hauturière et conservation en Polynésie française. Polynésie française, 97pp GRAPHISME : Ateliers de Mme Carotte Crédit photos de couverture : Fadio/IRD-Ifremer/Marc Taquet IMPRESSION Seripol Polypress Ouvrage imprimé à Tahiti sur du papier certifié 100% FSC

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TABLE DES MATIÈRES CRÉDITS 2

TABLE DES MATIÈRES 3

INTRODUCTION 4

RÉSUMÉ EXÉCUTIF 5

ABRÉVIATIONS 9

1. LES RESSOURCES HALIEUTIQUES PÉLAGIQUES EN POLYNÉSIE FRANÇAISE 11

1.1. SOURCES D’INFORMATION SUR LES RESSOURCES HALIEUTIQUES PELAGIQUES 12 1.2. BATHYMETRIE, COURANTS, CLIMAT 17 1.3. ABONDANCE ET DISTRIBUTION DES RESSOURCES HALIEUTIQUES 24

2. LA PÊCHE HAUTURIÈRE EN POLYNÉSIE FRANÇAISE DE 1995 À 2014 42

2.1. LA PECHE HAUTURIERE DANS LE PACIFIQUE 42 2.2. ÉVOLUTION GENERALE DE LA FLOTTE DE PECHE HAUTURIERE EN POLYNESIE FRANÇAISE 50 2.3. ÉVOLUTION DU CADRE POLITIQUE, LEGAL ET REGLEMENTAIRE 52 2.4. ÉVOLUTION DES TECHNIQUES DE PECHE ET FORMATION DES PECHEURS 55 2.5. EFFORTS DE PECHE, RENDEMENTS ET CAPTURES 57 2.6. ÉVOLUTION DE LA COMMERCIALISATION 63 2.7 PECHE DURABLE ET PLAN DE GESTION 66

3. QUELLES STRATÉGIES POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA PÊCHE HAUTURIÈRE DURABLE ET LA CONSERVATION EN POLYNÉSIE FRANÇAISE ? 68

3.1. PROPOSITIONS POUR LE DEVELOPPEMENT DE LA PECHE HAUTURIERE 68 3.2. PROPOSITIONS POUR UNE GESTION DURABLE DES STOCKS DE POISSONS PELAGIQUES EN POLYNESIE FRANÇAISE 73 3.3. PROPOSITIONS POUR L’ETABLISSEMENT D’UN RESEAU DE GRANDES AIRES MARINES PROTEGEES EN POLYNESIE FRANÇAISE 75

ANNEXES 86

ANNEXE 1 : BIBLIOGRAPHIE 87 ANNEXE 2 : QUESTIONNAIRES 90 ANNEXE 3 : PERSONNES CONSULTEES 94 ANNEXE 4 : PARTICIPANTS AUX ATELIERS 94 ANNEXE 5 : MESSAGE D’HOKULE’A - MALAMA HONUA DE POLYNESIE FRANÇAISE : 96

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INTRODUCTION Contexte Ce document a été réalisé comme une aide à l’élaboration d’une stratégie de développement de la pêche hauturière et de protection des ressources halieutiques en Polynésie française. Il est destiné au gouvernement de Polynésie française et à la société civile. Afin de pouvoir proposer des recommandations de gestion réalistes et adaptées au contexte polynésien, il semblait nécessaire de réaliser dans un premier temps un état des lieux sur les ressources pélagiques en Polynésie française et sur l’historique du développement de la filière pêche hauturière. Cet état des lieux factuel est basé sur une analyse de la littérature scientifique existante et sur les dires d’experts. Des consultations ont été réalisées auprès des professionnels de la pêche lors plusieurs réunions bilatérales et lors de 2 ateliers qui ont eu lieu les 30 Janvier et 13 février 2015, réalisés en collaboration avec le cluster maritime de Polynésie française (CMPF). Ce document a été rédigé par Paul Roger de Villers, consultant indépendant, pour les parties sur les stocks et la pêche hauturière et Jérôme Petit, directeur de Pew Polynésie, pour les parties sur la protection des stocks, avec le soutien financier de Pew Charitable Trusts.

Objectif L’objectif de cette étude est de présenter : - un état actuel des connaissances sur les ressources pélagiques de la ZEE de Polynésie française ; - une revue de l’histoire et de l’état de la pêcherie palangrière polynésienne, pour permettre une réflexion sur les choix stratégiques du développement d’une pêcherie palangrière durable ; - des recommandations sur la stratégie de pêche durable en Polynésie française et sur l’établissement d’un réseau de grandes Aires Marines Protégées pour la protection des ressources halieutiques. Cette étude rassemble des données déjà publiées, et des points de vue déjà exprimés. Les recommandations présentées ne reflètent pas nécessairement la position des acteurs de la pêche ni celle du Cluster Maritime de Polynésie française. Puissent-t-elles favoriser la protection de nos ressources pélagiques sur le long terme, pour notre bénéfice et celui de nos enfants !

Crédit : Keith Ellenbogen

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RÉSUMÉ EXÉCUTIF Ce document a été réalisé comme une aide à l’élaboration d’une stratégie de développement de la pêche hauturière et de protection des ressources halieutique en Polynésie française. Il est basé sur une analyse de la littérature scientifique existante et sur les dires d’experts complétée par des discussions avec les professionnels de la pêche, lors de 2 ateliers qui ont eu lieu les 30 Janvier et 13 février 2015, organisés en partenariat avec le cluster maritime de Polynésie française. Ce document a été rédigé avec le soutien financier de Pew Charitable Trusts – Héritage Mondial des Océans. Les recommandations présentées ne reflètent pas nécessairement la position des acteurs de la pêche ni celle du cluster maritime. Etat des stocks de pélagiques en Polynésie française Les poissons ciblés par les pêcheries pélagiques du Pacifique sont les thons et autres grands pélagiques (marlins, espadons). Leurs taux de croissance et de renouvellement sont en moyenne assez rapides, et permettent des captures importantes par rapport aux stocks existants. Cependant la limite est atteinte plus vite qu’on ne le pense. Dans le Pacifique sud, les ressources en thons sont menacées par une augmentation considérable de l’effort de pêche depuis 20 ans. Les senneurs visent la bonite, mais capturent beaucoup de juvéniles de thons obèses et jaunes. Les palangriers ciblent le thon obèse et le germon, mais capturent aussi les thons jaunes, les marlins, et les requins. Au cours des 20 dernières années, les flottes de senneurs et de palangriers dans le Pacifique ont considérablement augmenté, en premier lieu celles des nations de pêche distantes (senneurs américains et asiatiques, palangriers asiatiques et espagnols), mais aussi du fait de la croissance des flottes de pêche des pays insulaires. Le thon obèse est surexploité, avec un stock à moins de 20% du niveau initial. Les captures de thon jaune ont atteint leur plein potentiel avec des stocks tombés à environ 38 % de ce qu’ils étaient avant le début de leur exploitation. La biomasse de germon est à 40% de son niveau initial. Les prises d’espadon, de marlin bleu et de marlin rayé sont proches du rendement maximal durable. Au niveau régional, le Comité Scientifique de la Commission pour la gestion des stocks de

thons dans l’océan Pacifique occidental et central (WCPFC) recommande en 2014 :

• Thon obèse : diminuer les captures de 36% par rapport aux moyennes 2008 - 2011 ;

• Thon jaune : ne pas augmenter les captures au-delà du niveau de 2012 ;

• Germon : toute augmentation des captures (même à des niveaux durables) aura un impact important sur les taux de prises des pêcheries palangrières ;

• Bonite : ne pas augmenter les captures au-delà du niveau de 2013 ;

La plupart des pays insulaires du Pacifique membres du Forum dépendent, pour le développement de leurs pêcheries locales, des ressources en germon. Ils ont signé en Octobre 2014, l’Accord de Tokelau, par lequel ils s’engagent à appuyer la mise en œuvre de quotas de pêche au germon pour chaque pays insulaire et pour chaque pavillon des pêcheries distantes asiatiques dans le Pacifique sud. Dans ce cadre, il est probable que des quotas soient mis en place dans les années qui viennent. Mais aucun quota n’est imposé à la pêcherie palangrière de Polynésie française actuellement. La pêche hauturière en Polynésie française, aujourd’hui comme depuis 10 ans, cible l’espèce de thon la plus abondante autour de Tahiti, le germon. Le gouvernement de Polynésie française a interdit aux pêcheurs étrangers l’accès à la ZEE. Depuis 2000, seuls les quelques 60 navires des armements polynésiens exploitent cette ressource. Le marché principal de cette pêcherie est le marché du thon vendu frais aux consommateurs de Tahiti, et à l’exportation (Etats-Unis et France principalement). Bien que la flotte de pêche comporte des palangriers congélateurs capables de congeler à bord des poissons entiers, ou des filets filmés, la pêche congelée a été progressivement abandonnée en raison du coût d’exploitation trop élevé (coût de la main d’œuvre essentiellement), comparé à la faible valeur du poisson congelé, et de la réticence des marins tahitiens à s’embarquer pour des campagnes longues (sur un palangrier congélateur basé à Papeete, de un à deux mois). De ce fait, la pêche se concentre dans

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un rayon de 300 à 400 milles autour de Tahiti, soit moins de 40% de la surface de la ZEE. Recommandations pour une stratégie de développement de la pêche palangrière en Polynésie française Sur la base de notre analyse basée sur l’état des stocks, l’historique de la filière et la consultation des professionnels, nos recommandations proposées pour une stratégie de développement de la pêche hauturière sont les suivantes : 1. Maintenir l’approvisionnement local et les

exportations de germon frais, et renforcer « pas à pas » la capacité actuelle par l’acquisition de nouveaux palangriers de pêche fraîche, semble être une bonne stratégie économique.

2. Vu la faible valeur du poisson congelé sur le marché international et les charges élevées en Polynésie française, le développement de la pêche par palangriers congélateurs (à -20°C) ne semble pas être une opportunité économique intéressante en Polynésie française. Ce type de pêche a d’ailleurs été presque abandonné dans les eaux polynésiennes.

3. L’acquisition de palangriers surgélateurs (à

-60°C) pour exporter des poissons de qualité supérieure sur les marchés du sashimi semble être un développement économique possible pour quelques armateurs, qui semblent être intéressés par ce type de développement. Mais l’équilibre économique de ces projets semble supposer que des marins étrangers puissent être employés (à des salaires inférieurs à ceux des polynésiens) sur ces navires, et que les investissements soient soutenus par des financements étrangers. L’intérêt des pays asiatiques pratiquant la pêche en eaux lointaines pour ce type de « joint-venture » pourrait augmenter dans les années qui viennent, puisque ces nations seront soumises à des restrictions de pêche plus drastiques que les pays insulaires du Pacifique. Dans ce cas de figure, les bénéfices d’un tel développement pour l’emploi polynésien et pour l’économie du Pays semblent limités et devraient être mesurés avec précision.

4. L’équilibre économique des projets de

surgélateurs semble également reposer sur une exploitation du thon obèse

(présent essentiellement dans la zone des Marquises et au-delà), qui a la plus forte valeur sur les marchés internationaux et qui pourrait justifier de tels investissements. Cependant, tout développement économique basé sur l’exploitation de cette espèce (que ce soit par la pêche surgelée, congelée ou fraiche) serait probablement dangereux et de court-terme. En effet, cette espèce est déjà considérée comme surexploitée par WCPFC (qui encourage plutôt une réduction des captures de 36%), et la biomasse de thon obèse risque de diminuer d’avantage dans les années à venir. Avant que des investissements lourds ne soient considérés, une analyse précise de l’évolution des stocks devrait être entreprise.

5. Certains armateurs pensent qu’il sera

possible aux surgélateurs d’exporter avec profit des germons plus gras pêchés dans l’est de la ZEE et au-delà vers l’est, voire des espadons pêchés dans le sud de la ZEE et au-delà vers le sud. Une étude de marché ou une étude économique semble nécessaire pour valider de tels projets. Et par ailleurs, il semble risqué d’étendre l’effort de pêche (actuellement limité à 40% de la ZEE) sur l’intégralité de la ZEE, car cela entrainerait probablement une diminution renforcée des stocks. Même si une extension de la zone de pêche semble envisageable, il parait important de maintenir des zones de protection en parallèle.

6. La zone de pêche fraiche de 300 milles

autour de Tahiti devrait être réservée aux palangriers de pêche fraîche. La plupart des professionnels consultés pensent que les navires de pêche congélateurs et surgélateurs ne devraient pas être autorisés à y opérer.

7. Certains syndicats de pêcheurs influents

sont vigoureusement opposés à ce que des armateurs basés à Papeete et pêchant dans la ZEE de Polynésie française puissent embaucher des marins étrangers. Cette position semble lucide car l’emploi de marins étrangers (avec des salaires plus bas) entrainerait probablement des changements radicaux pour la filière pêche polynésienne.

8. Pour favoriser la commercialisation à

l’exportation, l’obtention du label MSC (« Marine Stewardship Council ») semble

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être une bonne initiative. Dans le cadre du prochain audit MSC, que la DRMM est en train d’organiser, un « Plan de Gestion » de la pêcherie sera nécessaire pour obtenir ce label.

9. La question des aides publiques à la

pêche (qui nécessiterait une étude économique spécifique et une revue des pratiques), celle des formations maritimes, et celle des investissements à terre, sont des éléments à revoir dans le cadre de la définition d’une politique publique du secteur.

Recommandations pour une stratégie de protection des stocks de pélagiques en Polynésie française Sur la base de notre analyse et des discussions avec les professionnels de la pêche, les recommandations proposées pour l’élaboration d’une stratégie de conservation des ressources pélagiques sont les suivantes : 1. Le Pays devrait se doter d’une politique de

conservation des ressources en poissons pélagiques en étant plus présent auprès des Organisations Régionales de Gestion des Pêches (WCPFC et IATTC) et notamment en s’associant aux autres pays insulaires du Pacifique pour la gestion des stocks de germon, même si des quotas devaient être imposés (par exemple dans le cadre de l’accord de Tokelau).

2. Les senneurs devraient continuer à être interdits dans notre ZEE car ils constituent une méthode de pêche non durable pour les stocks halieutiques.

3. La pêche devrait continuer à être

totalement interdite aux navires de pêche étrangers dans notre ZEE pour limiter l’impact sur la ressource et favoriser le développement d’une pêche polynésienne.

Les Aires Marines Protégées (AMP) sont une méthode efficace pour assurer durablement la conservation des stocks de poissons pélagiques. Notre analyse du secteur pêche en Polynésie française nous permet de proposer les recommandations suivantes pour l’établissement d’un réseau de grandes Aires Marines Protégées en Polynésie française : 1. Les AMP sont des zones où la pêche

industrielle et l’extraction minière sont interdites pour assurer la conservation des écosystèmes marins sur le long-terme.

Elles entrainent des bénéfices durables pour la pêche à travers une augmentation ou un maintien de la biomasse de poisson, et un débordement partiel des populations vers les zones pêchées. Elles sont efficaces pour les espèces pélagiques, car même si ces espèces sont hautement mobiles, la majorité des individus restent dans des bassins de vie de taille plus limitée et peuvent bénéficier de zones de protection. La communauté scientifique internationale recommande une protection stricte de 30% des habitats marins (UICN 2014).

2. Une dizaine de grandes AMP de plus de 200 000km2 ont été créées ou sont sur le point d’être créées dans le Pacifique. La plupart sont des réserves intégrales. Il semble important de rejoindre cet élan de conservation et de participer de manière coordonnée à la protection des stocks du Pacifique au niveau régional.

3. Des engagements forts ont été pris en

matière de protection de l’océan en Polynésie française. Le Pays s’est engagé en 2013 à protéger au moins 20% de la ZEE d’ici 2020, un objectif soutenu par la société civile de Polynésie française avec le message d’Hokule’a en 2014. Le Pays a également annoncé la création future d’une AMP de 700 000 km2 aux Marquises et d’une AMP de 1 million de km2 aux Australes. Il semble important que ces engagements soient respectés et que ces AMP respectent les standards de protection internationaux.

4. Un zonage partagé de la ZEE devrait être

défini pour déterminer les zones de pêche côtière, les zones de pêche hauturière et les zones de protection. Environ 2 millions de km2 sont pêchés actuellement en Polynésie française et 3 millions sont encore non exploités. Un réseau de grandes Aires Marines Protégées pourrait être créé en priorité dans les zones encore non exploitées pour garantir leur protection sur le long terme. L’objectif de 30% de protection recommandé par les scientifiques serait atteint si l’AMP de 700000 km2 annoncée aux Marquises et celle de 1 million de km2 annoncée aux Australes sont créées.

5. De grandes AMP pourraient être localisées

en priorité dans les zones non pêchées actuellement, mais d’autres considérations devraient être prises en compte, tel que le

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niveau de biomasse, l’endémisme, l’isolement, etc. Les Marquises et les Australes, qui sont des zones très peu pêchées actuellement et présentant un fort taux d’endémisme au niveau côtier. Mais les Gambier et l’est des Tuamotu présentent également un intérêt de conservation majeur.

6. Les AMP doivent permettre une pêche côtière durable dans les îles habitées. Pour cela le modèle de «l’anneau bleu », avec une AMP en forme d’anneau autour d’une zone de pêche côtière pour chaque île habitée, semble être un modèle adapté pour les archipels de Polynésie française. Ce modèle a été retenu par la population de Pitcairn, Palau et Rapa Nui notamment, et est proposé par la population des Australes.

7. Une majorité de professionnels de la

pêche rencontrés soutient l’idée d’avoir 20% de la ZEE établis en Aire Marine Protégée, même si beaucoup sont opposés au concept de réserve intégrale. Les réserves intégrales sont pourtant reconnues scientifiquement comme celles ayant la plus grande efficacité pour la

régénération des stocks et donc ayant les plus grands bénéfices pour la pêche. Elles sont également plus faciles à gérer et à contrôler que des Aires Marines dites gérées (avec des quotas de pêche). L’établissement de réserves intégrales dans des zones encore non pêchées ou très peu pêchées ne pénaliserait pas la pêche polynésienne actuelle et permettrait au contraire un développement durable de la filière.

8. Au-delà des bénéfices pour la pêche, les AMP pourraient entrainer d’autres bénéfices majeurs pour le développement économique et social du pays. Elles constituent un label environnemental reconnu pour la notoriété du Pays et le développement écotouristique. Elles participent au développement des archipels, au renforcement de l’identité et de la valorisation culturelle des îles, au rayonnement de la Polynésie dans le monde, à la sensibilisation et l’éducation du public, à l’adaptation face au changement climatique, etc.

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ABRÉVIATIONS CPUE Captures Par Unité d’Effort (par exemple, Nb de Kg pour 100 hameçons) DCP Dispositif Concentrateur de Poissons DRM Direction des Ressources Marines (ex-SPE, ex-SRM, ex-EVAAM) DWFN Distant Water Fishing Nations EPO Eastern Pacific Ocean GOPS Grand Observatoire de l’environnement et de la biodiversité marine et terrestre du

Pacifique Sud IATTC Inter-American Tropical Tuna Commission IRD Institut de Recherche en Développement (ex-ORSTOM) IUU Illegal, Unreported and Unregulated MCS Monitoring, Control & Surveillance (programmes, ou mesures concernant la pêche

thonière) MSC Marine Stewardship Council (on dit « certification MSC ») MSY Maximum Sustainable Yield (voir RMD en français) ORGP Organisations Régionales de Gestion des Pêches PITIA Pacific Islands Tuna Industry Association PNA Parties to the Nauru Agreement RMD Rendement Maximum Durable (voir MSY en anglais) UPF Université de Polynésie Française VMS Vessel Monitoring System (système de suivi des navires de pêche) WCPFC Western and Central Pacific Fishing Commission ZEE Zone Economique Exclusive

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© Fadio/IRD-Ifremer/Marc Taquet

LES RESSOURCES HALIEUTIQUES PÉLAGIQUESDANS LA ZEE DE POLYNÉSIE FRANÇAISE

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1. LES RESSOURCES HALIEUTIQUES PÉLAGIQUES EN POLYNÉSIE FRANÇAISE

Les ressources halieutiques pélagiques sont les poissons et invertébrés présents de manière passagère ou permanente dans la ZEE qui peuvent être capturés et vendus par des entreprises de pêche commerciale, rentablement et durablement. Les espèces qui

intéressent la pêcherie hauturière de Polynésie française, aujourd’hui, compte tenu des techniques de pêche (palangriers) et des équipements utilisés (bateaux de pêche fraîche et congélateurs), et des marchés, sont listées dans le tableau suivant :

Espèce Statut Nom Polynésien Nom Anglais Nom Scientifique

Germon ou Thon blanc Ciblé

Aahi taria Albacore Thunnus alalunga

Thon Obèse Prise accessoire Ciblé

Aahi tatumu Big Eye Tuna Thunnus obesus

Thon jaune (ou thon à nageoires jaunes)

Prise accessoire Ciblé

Aahi rearea Yellow Fin Tuna Thunnus albacares

Marlin Bleu Prise accessoire Haura moana Blue marlin Makaira mazara

Marlin rayé Prise accessoire Haura tore Stripped marlin Tetrapturus audax

Espadon (meka en japonais)

Prise accessoire (rarement ciblé, campagnes exploratoires)

Haura Po Sword fish Xyphias gladius

Bonite Prise accessoire (ciblé par les pêcheurs côtiers)

Auhopu Skipjack tuna Katsuwonus pelamis

Thazard Prise accessoire

Paere Wahoo Acanthocybium solandri

Saumon des dieux Prise accessoire

Tamonatua Moon fish Lampris guttatus

Castagnole Prise accessoire Paru Papio Pomfret Bramiidae (famille)

Dorade Coryphène Prise accessoire (ciblé par les pêcheurs côtiers)

MahiMahi Dolphin fish Coryphaena hippurus

Aucune espèce profonde démersale n’est ciblée par les pêcheries polynésiennes (outre le prélèvement minime des plaisanciers), pour

deux raisons principales : en l’absence d’un plateau continental, leur habitat est restreint aux monts sous-marins, et le rythme de

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reproduction de ces espèces est généralement trop lent pour permettre de les exploiter durablement (c’est le cas des « paru » qui ont une croissance lente, et une maturité sexuelle tardive). D’autres espèces (notamment uravena, lancier, voilier) sont couramment prises par les palangriers, mais ne constituent pas des ressources significatives en termes de commercialisation. Comme on le voit, seules les espèces de thons et d’espadon, sont les espèces ciblées par les pêcheries hauturières de Polynésie, comme dans l’ensemble du bassin Pacifique. L’espèce communément ciblée dans la ZEE de Polynésie française par les palangriers est le germon, et dans certains cas le thon obèse, le thon jaune ou l’espadon peut être ciblé. Les autres espèces sont toujours des prises accessoires.

Le présent chapitre est centré sur l’analyse de ce que nous savons des ressources en thons et poissons à rostres de la ZEE. L’essentiel de nos connaissances concernant ces ressources vient des sources suivantes : commissions thonières du Pacifique (et leurs ressources scientifiques), programmes de recherches scientifiques spécifiques pour la Polynésie française (Ecotap essentiellement, Zepolyf, et d’autres études, qui associent plusieurs institutions dont UPF, IRD et IFREMER), Direction des Ressources Marines du Gouvernement de Polynésie française, qui collecte les données de pêche de la ZEE, armateurs et capitaines de bateaux de pêche. L’ensemble de ces données a été passé en revue pour tenter de donner une image la plus réaliste possible des ressources halieutiques pélagiques de la ZEE.

1.1. SOURCES D’INFORMATION SUR LES RESSOURCES HALIEUTIQUES PELAGIQUES

DONNEES DES ORGANISATIONS REGIONALES DE GESTION DES PECHES

Compte tenu du caractère mobile des thons et des poissons à rostre, ces espèces font l’objet d’une gestion internationale. Dans le monde entier, des Organisations Régionales de Gestion des Pêches (ORGP) tentent d’organiser la répartition des prises et la conservation à long terme des ressources halieutiques pélagiques. Pour l’Océan Pacifique, deux organisations sont chargées de cette régulation :

• La Commission des Pêches du Pacifique Occidental et Central

(Western and Central Pacific Fisheries Commission, WCPFC), et

• La Commission Interaméricaine du Thon Tropical (Inter American Tropical Tuna Commission, IATTC), pour l’est de l’Océan Pacifique.

Pour ce faire, ces commissions s’appuient sur des comités scientifiques qui font le point sur les ressources régulièrement : au moins un rapport général par année, et des études spécifiques sur chaque espèce ciblée tous les trois à cinq ans. Sur la carte ci-dessous on peut voir les limites de la zone de compétence de chacune des commissions : la ZEE de Polynésie française se trouve dans la zone couverte par les deux commissions.

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Figure 1. Océan Pacifique occidental et central, océan Pacifique oriental et limites de la zone visée par la Convention portant création de la Commission des pêches du Pacifique occidental et central (lignes pointillées).

Source: Western and Central Pacific Fisheries Commission

Selon les accords passés entre ces deux commissions, les études concernant les ressources en thon blanc germon sont du ressort de la WCPFC. Les membres de la WCPFC sont les pays dont la ZEE se trouve dans la zone de compétence de la commission et les pays qui ont des bateaux de pêche à leur pavillon opérant dans cette zone. A ce titre les pays du Pacifique sont membres de la commission. Les pays insulaires du Pacifique forment également une alliance au sein de l’Agence des Pêches du Forum (Forum Fisheries Agency, FFA), et certains d’entre eux (ceux qui disposent de fortes ressources en bonites, pêchées essentiellement par des senneurs) ont formé le groupe des PNA (Parties to the Nauru Agreement : Etats Fédérés de Micronésie, Kiribati, Iles Marshall, Nauru, Palaos, Papouasie Nouvelle Guinée, Iles Salomon, et Tuvalu). La Polynésie

française est un « territoire associé » de la WCPFC. La France est membre de la commission. Les services scientifiques de la WCPFC sont assurés essentiellement par la division Pêche, Aquaculture et Ecosystèmes Marins du Secrétariat Général de la Communauté du Pacifique (CPS), qui collecte les données de toutes les pêcheries hauturières du pacifique, et mène des études spécifiques sur les thons, notamment par des campagnes régulières de marquage. Des observateurs sont embarqués sur les bateaux de pêche : si chaque senneur embarque bien un observateur, il est prévu cinq observateurs pour cent palangriers, mais parmi les nations pêcheuses distantes, ce taux n’est atteint que par les pêcheries de palangriers japonaises.

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Figure 2. Captures par espèce de thon dans la zone du Pacifique Occidental et Central, 1960-2012

Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique, 2014 A l’échelle du Pacifique, l’espèce principalement pêchée est la bonite (qui alimente les conserveries de thon), puis le thon jaune, et enfin le thon obèse et le germon. Les pêcheries de bonites sont constituées principalement de senneurs, dans la zone équatoriale ouest du Pacifique, qui prennent dans leurs sennes un nombre important de jeunes thons obèses et jaunes. Les thons jaune, obèse et blanc sont ciblés par des palangriers. Chaque année en août le Comité Scientifique de la WCPFC publie un rapport sur l’état des stocks, et sur la durabilité des efforts de pêche, pour éclairer les débats de la commission qui se réunit en décembre. La WCPFC émet des « mesures » qui doivent auparavant faire l’objet d’un consensus de tous les membres : nations pêcheuses distantes (Japon, Taiwan, Corée, Chine, UE, France, Canada, USA) et pays du Pacifique (membres de la FFA, Philippines, Indonésie).

LE PROGRAMME DE RECHERCHE ECOTAP (ETUDE DU COMPORTEMENT DES THONIDES PAR L'ACOUSTIQUE ET LA PECHE)

Objet et méthodes du programme de recherche ECOTAP ECOTAP (Etude du Comportement des Thonidés par l’Acoustique et la Pêche) est le nom d'un programme de recherche qui s'est déroulé en Polynésie française entre 1993 et 1999 et qui avait pour objectif d'étudier la ressource thonière dans le nord de la Zone Economique polynésienne. Ce programme a été mené conjointement entre trois organismes, l'IFREMER, l'ORSTOM (devenu IRD) et l'EVAAM (devenu DRM). Ce programme a été réalisé à partir d'un navire océanographique de l'IRD, l'"Alis", qui était affrété à la palangre dérivante et au chalut pélagique et qui a permis d'effectuer des opérations scientifiques depuis l'Archipel de la Société jusqu'aux Marquises (20°S à 4°S) entre 1995 et 1998.

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Au cours de ces embarquements plusieurs types d'opérations ont été effectués :

• des pêches à la palangre instrumentée qui permet de connaître les heures et les profondeurs de toutes les captures ;

• des sondes hydrologiques permettant de connaître la température, l'oxygène dissous et la salinité jusqu'à 500m de profondeur ;

• des prospections acoustiques afin de caractériser la richesse biologique de la zone d'étude ; le sondeur permet de détecter les petits organismes (crevettes, calamars, petits poissons) qui constituent les proies des poissons pélagiques ;

• des chalutages méso-planctoniques (chalut avec des mailles très fines) pour échantillonner l'environnement biologique et pour caractériser les échos détectés au sondeur ;

• des marquages acoustiques de thons (thons jaunes et thons obèses) qui ont permis de suivre pendant plusieurs heures leur évolution en profondeur.

Le programme de recherche ECOTAP a permis de caractériser les profondeurs de fréquentation des différentes espèces de thonidés, en fonction des caractéristiques de l’eau à différentes profondeurs (température, oxygène, salinité essentiellement), et aussi de montrer comment se comportaient les thonidés et leurs principales proies dans la colonne d’eau jusqu’à 500 mètres de profondeur. Principaux résultats du programme ECOTAP : profondeurs L'un des principaux acquis de ces études est d'avoir précisé les limites en profondeur de l'habitat des thons en Polynésie française, informations que ne permettaient pas d'obtenir les statistiques de pêche classiques. En effet, alors que le germon était capturé à 150 mètres, les résultats révèlent que cette espèce évolue pendant la journée à une profondeur comprise entre 150 et 450 mètres. Le thon obèse, pêché jusqu'à une profondeur de 300 mètres, évolue de jour entre 300 et 500 mètres dans l'archipel de la Société. Le thon jaune, qui est plus abondant au nord de la ZEE, à proximité des îles Marquises, se maintient entre 50 et 350 mètres. Entre la surface et 500 mètres de profondeur, l'abondance en thons, toutes espèces confondues, a été estimée à 1,33 individus par kilomètre carré. La distribution de ces poissons est gouvernée par

la température et par la teneur en oxygène des masses d'eau, mais aussi par la qualité et la quantité de nourriture disponible, chaque espèce ayant ses propres exigences. Principaux résultats du programme ECOTAP : quantités Les résultats du programme Ecotap ont montré que l'objectif d'une production annuelle de 11,000 tonnes de thons dans la ZEE de Polynésie française était raisonnable et équilibré du strict point de vue biologique, c’est-à-dire en tenant compte seulement de la biomasse totale calculée à partir des observations et des pêches à cette époque dans la ZEE. Le germon semblait pouvoir supporter une exploitation accrue par une pêche à plus grande profondeur dans la partie Sud de la ZEE. De même, il était possible de pêcher le thon obèse, dont la valeur commerciale est la plus élevée, en profondeur à proximité de Tahiti, le principal port de pêche. Une augmentation des captures de thon jaune étaient aussi envisageable à condition de résoudre les problèmes de maintien de la qualité du poisson lors de son transport depuis les Marquises. Depuis ECOTAP, les stocks de thon obèse et de thon jaune ont été largement réduits au niveau du Pacifique, et les recommandations actuelles de la WCPFC seraient plutôt de limiter, ou de ne pas augmenter la capture de ces espèces (voir ci-dessous). Au moins trois résultats du programme Ecotap ont pu être directement utilisés par les professionnels et les autorités chargées du développement des pêcheries en Polynésie française.

1. Grâce à une modélisation du déploiement de la palangre et des essais en mer, une technique de pose des hameçons permettant de mieux cibler l'espèce recherchée a été transférée auprès des palangriers.

2. Des recommandations ont été formulées pour le choix des lieux de pêche. Ce choix doit bien évidemment tenir compte de la distribution des espèces ciblées, mais aussi de la nourriture naturellement présente dans le milieu. En effet, en un lieu donné, les thons peuvent avoir le choix entre les appâts proposés et les proies naturelles. Il est donc préconisé de pêcher en des lieux et à des profondeurs où les thons sont " mis en appétit " par une présence de proies

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naturelles relativement peu abondante (pour qu'elles n'entrent pas en compétition avec les appâts) ou attirés par la présence d'organismes précurseurs de ces proies.

3. Enfin les résultats obtenus sur la dynamique temporelle des agrégations autour des DCP, le rayon d'action de ces dispositifs et le rôle joué par leur environnement biologique ont guidé le déploiement de DCP à proximité des principales îles habitées pour améliorer les rendements de la pêche côtière.

Principaux résultats du programme ECOTAP : le micronecton et les appâts L'étude de la distribution et de l'abondance des thons dans un écosystème repose le plus souvent sur l'analyse du volume et de la nature des captures réalisées par les thoniers : celles des senneurs (pêchant à l'aide d'un filet, la senne) pour les thons dits " de surface ", celles des palangriers (bateaux équipés d'une longue ligne - la palangre - munie d'hameçons immergés en profondeur) lorsque les poissons sont dispersés depuis la surface jusqu'à plus de 500 mètres de profondeur. Les données issues de cette pêche sont cependant biaisées. En effet, les captures des palangriers ne dépendent pas uniquement de l'abondance des thons, mais également de nombreux autres facteurs, tels la profondeur d'immersion des hameçons, les conditions de l'environnement ou le comportement alimentaire des thons, qui influent sur l'efficacité de la palangre. Les faibles prises d'un palangrier ne traduisent donc pas nécessairement une densité peu importante de thons dans la zone de pêche. La distribution des thons est liée à la température et à la teneur en oxygène dissous de l'eau, mais également à l'abondance de nourriture. Les prospections acoustiques réalisées dans le cadre du programme Ecotap ont permis d'étudier la distribution du micronecton (crustacés, poissons, céphalopodes de 1 à 10 cm), principale proie des thons. L'analyse des données acquises a abouti à l'élaboration d'un modèle novateur de l'écosystème pélagique du centre du Pacifique sud. Il est apparu que les biomasses les plus importantes de micronecton ne se situent pas à proximité de zones de concentration du phytoplancton (production primaire) et du zooplancton (production secondaire), contrairement à ce qui était admis jusqu'alors, mais plus au sud. Pourquoi ce décalage

spatial ? Le micronecton s'accumulerait entre 8° et 13° sud, une région qui lui est favorable. Cette zone est en effet bien oxygénée et les productions biologiques s'y accumulent du fait d'une convergence des courants. L'étude simultanée de la distribution de thons et de leurs proies à l'aide de l'acoustique a mis en évidence que ces poissons se concentrent dans la zone où le micronecton est abondant. Aussi, dans cette région riche en proies, les rendements de la pêche thonière sont-ils globalement importants. Néanmoins, il est apparu que, malgré l'abondance plus élevée de thons dans cette zone, les captures peuvent être localement faibles lorsque de grandes agrégations de proies sont présentes. Comment expliquer ce paradoxe ? La " capturabilité " des thons diminue en présence de fortes concentrations de micronecton car ces proies naturelles attirent mieux les poissons que les appâts fixés sur les palangres. Ainsi, l'une des conclusions importantes du programme Ecotap est d'avoir montré que, dans une région globalement riche en micronecton, les rendements des palangriers sont plus élevés là où ces proies ne sont pas trop densément agrégées. Ces résultats soulignent le fait que, pour interpréter les données issues de la pêche palangrière, il est essentiel de tenir compte de l'échelle d'observation et de la répartition spatiale des proies des thons. Ces acquis du programme devraient contribuer à améliorer l'évaluation des ressources thonières et, par là même, jeter les bases d'une gestion qui permette une exploitation plus rationnelle et durable de ces espèces.

LE PROGRAMME DE RECHERCHE ZEPOLYF (1996-2005)

En 1996 la Polynésie française et l’Etat français ont mis en place le programme de recherche ZEPOLYF (Zone Economique de Polynésie Française) dont les objectifs étaient d’établir une topographie détaillée des fonds océaniques de la ZEE et de faire l’inventaire des ressources biologiques et minérales. Il impliquait des organismes de recherche de l’Etat (IRD, IFREMER, SHOM et l’Université de Polynésie) ainsi que des services du pays (Service des Ressources Marines, Service Territorial de l’Energie et des Mines, Direction des Affaires Foncières).

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Les quatre objectifs du programme étaient de :

• répertorier et représenter tous les monts sous-marins dont la profondeur est inférieure à 2000 mètres par une cartographie à haute résolution ;

• identifier les ressources biologiques démersales des monts sous-marins et des pentes externes par des campagnes de pêche expérimentales ;

• réaliser un inventaire des ressources minérales de type encroûtement cobaltifère ;

• créer une base de données géo-référencées (Système d’Information Géographique) permettant d’accéder à une meilleure connaissance pluridisciplinaire de la ZEE et une meilleure maîtrise de son développement.

Le volet halieutique du programme visait à systématiser les recherches et études, dans le but d’acquérir les connaissances de base sur les écosystèmes et les espèces démersales associés aux monts sous-marins et pentes externes permettant de définir les règles d’une exploitation durable.

AUTRES PROGRAMMES DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE

D’autres programmes de recherche visent à améliorer la connaissance des milieux marins du Pacifique sud, et contribuent à notre compréhension de l’évolution des ressources en poissons pélagiques. La Communauté du Pacifique est le siège d’importants programmes de recherche menés par sa division « Pêche, Aquaculture et Ecosystèmes marins », dont notamment les programmes « SciFish » et « SciCoFish », financés par l’Union Européenne, qui visent à promouvoir une pêche durable et profitable aux pays et territoires insulaires en développement de la région du Pacifique. Le programme Sea Around Us (Université de Colombie Britannique, Vancouver) a mené une étude

pour tenter de reconstruire les captures de poissons entre 1950 et 2007 (Bale et al. 2009). La National Ocean and Atmospheric Administration (NOAA) américaine est également le support de nombreuses recherches, notamment sa division « National Marine Fisheries Service ». Le Grand Observatoire de l’environnement et de la biodiversité marine et terrestre du Pacifique Sud (GOPS) est un Groupement d’Intérêt Scientifique regroupant 17 organismes de recherche, principalement français. LE CSIRO (Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation), principal organisme de recherche scientifique australien, participe aux recherches sur les thonidés et espèces pélagiques dans l’Océan Indien et le Pacifique : un programme de recherche et de marquage des espadons a été réalisé en coopération entre le CSIRO et la Direction des Ressources Marines de Polynésie française, en 2009.

LA DIRECTION DES RESSOURCES MARINES ET LES MARINS PECHEURS

Jusque dans les années 1990, la connaissance de la ressource halieutique dans la ZEE provenait essentiellement des données des pêcheurs : les pêcheurs côtiers polynésiens en « poti marara » et en « bonitiers » ont de fines connaissances des ressources côtières, qui sont transmises oralement dans la famille et les groupes locaux de pêcheurs. Depuis les années 1990, la DRM collecte les données de captures des pêcheurs polynésiens, et les transmet à la CPS qui les agrège aux données d’autres pêcheries pour analyser la ressource à l’échelle du bassin Pacifique. Les données de captures des flottilles asiatiques qui pêchaient dans la ZEE de Polynésie française jusqu’en 1998 ont été rassemblées et analysées par la Commission du Pacifique Sud (CPS, devenue le Secrétariat de la Communauté du Pacifique).

1.2. BATHYMETRIE, COURANTS, CLIMAT La ZEE de la Polynésie française s’étend sur 5 millions km2, au centre de l’océan Pacifique Sud entre les latitudes 4° et 31° Sud, et les longitudes 130° et 160° Ouest. Elle se situe en

grande majorité dans la grande gyre du Pacifique Sud, et elle est considérée comme une zone « oligotrophe », c’est-à-dire pauvre en nutriments pour la vie marine en général.

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La présence, l’abondance, le déplacement et le comportement des poissons pélagiques dépendent des courants océaniques (de surface et de subsurface), de la température, de la salinité, et de l’oxygène de l’eau, et sont évidemment associés à la présence et au comportement de leurs proies favorites. A cet égard, la ZEE de Polynésie française a fait l’objet de relativement peu d’études, mais les scientifiques qui se sont penchés sur ces phénomènes ont produit des résultats remarquables. Le programme ECOTAP a permis de mieux connaître les caractéristiques de la colonne d’eau dans la partie nord de la ZEE, et des études continuent à les préciser.

BATHYMETRIE DE LA ZEE DE POLYNESIE FRANÇAISE

La profondeur moyenne de l’océan dans la région polynésienne est de 4000 à 5000

mètres. Les îles se situent sur la plaque Pacifique qui se déplace d’environ 10 cm par an, du Sud-Est au Nord-Ouest. Comme on le voit sur la carte bathymétrique ci-dessus, les fonds marins de la ZEE sont profonds (3,000 à 5,000 mètres), et sont traversés par trois chaînes de monts sous-marins qui émergent aux Marquises, aux Tuamotu (chaîne en partie prolongée vers les îles de la Société, et aux Australes. De nombreux monts sous-marins s’additionnent aux cônes volcaniques formés par les îles émergées, dans tous les archipels, constituant autant d’aires d’attraction pour la faune océanique.

Figure 3. Carte bathymétrique de la ZEE de Polynésie française

Source : Topographie des fonds océaniques de PF, A. Bonneville & L. Sichoix, 1998

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Figure 4. Alignement des monts sous-marins et des îles dans la ZEE de Polynésie française

Source : Analyse éco-régionale marine de Polynésie française (CRISP, 2010) L’archipel des Marquises se différencie par une absence de couronne récifale entourant les îles. Situées dans la zone équatoriale (latitude 4° à 12° sud), les eaux qui baignent les Marquises se distinguent également par une température et un taux de chlorophylle supérieurs à la moyenne (E. Martinez & K. Maamaatuaiahutapu, 2004), et des courants spécifiques (le Courant Sud Equatorial et le Contre-Courant des Marquises). Le plateau des Tuamotu s’étend entre 2000 et 3000 mètres de fond sur une longueur de plus de 1000 km. Contrairement aux autres archipels, ces îles ne sont pas séparées les unes des autres par de grands fonds océaniques. On peut ainsi s’attendre à ce

qu’elles constituent un obstacle à l’écoulement des courants océaniques. Une des particularités des Tuamotu est l’absence d’apports terrigènes dans les eaux côtières des atolls. Les îles hautes (Société, Marquises, Australes) sont dotées d’une pente externe très abrupte (en moyenne 45°). Les îles Australes forment une chaîne de volcans anciens, alignés sur un axe sud-est à nord-ouest, s’élevant à partir d’une plaine sous-marine de 4000 mètres de fond, où d’autres volcans sous-marins forment des monts non émergés.

MONTS SOUS-MARINS, PECHE ET BIODIVERSITE

Une étude de la CPS (Morato et al, 2009a), basée sur les données géographiquement renseignées des captures de palangriers depuis 1947, et rapprochée de la carte validée des monts sous-marins de la zone ouest et centre du Pacifique, a trouvé des niveaux de

rendement supérieurs pour au moins une espèce de thons près du sommet de nombreux monts sous-marins, cependant tous les monts sous-marins ne montraient pas un meilleur rendement. Bien que les stocks de thons jaunes et obèses aient diminué entre 1980 et 2007, les prises n’ont pas diminué sur les monts sous-marins. Ces résultats sont importants pour la gestion des stocks de poissons pélagiques, en particulier pour les thons jaunes et obèses :

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lorsque leur abondance générale décroit, comme c’est le cas actuellement, les bateaux de pêche peuvent se concentrer là où il reste des poissons, mais de telles concentrations peuvent cacher les tendances réelles d’un stock en déclin. Cette étude a aussi utilisé les données fines des observateurs pour clarifier la fonction des monts sous-marins « agrégateurs » de la biodiversité des grands pélagiques. Les analyses suggèrent que les monts sous-marins, principalement dans un rayon de 30 à 40 km autour de leur sommet, sont des « points chauds » de la biodiversité pélagique, et montrent de manière constante une richesse en espèces supérieure à celle que l’on observe dans les zones côtières ou océaniques. De nombreuses espèces ont été observées regroupées près des monts sous-marins, telles que les requins bleus, requins longimanes, espadons, saumons des dieux, môles, mais aussi les albatros et les dauphins. Ces résultats indiquent que les monts sous-marins sont potentiellement des zones d’intérêt spécial pour la conservation. On a en Polynésie une assez bonne cartographie des monts sous-marins, grâce aux campagnes de recherche océanique. Les données des observateurs des pêches sont insuffisantes

pour identifier quels monts sous-marins rassemblent plus de diversité que d’autres, mais de telles analyses devront être possibles dans le futur. La ZEE de Polynésie française comporte plus de 230 monts sous-marins identifiés ; dans chaque archipel, ces monts s’alignent entre les îles émergées, et quelquefois au-delà (Bonneville et Sichoix, 1998).

TEMPERATURE, SALINITE, OXYGENE DANS LA ZEE DE POLYNESIE FRANÇAISE

Les eaux qui baignent les archipels polynésiens sont marquées par une forte structuration verticale, essentiellement contrôlée par le facteur thermique, et se présentent comme une superposition de couches homogènes d’une grande stabilité, rendant difficiles et lents les échanges verticaux. Cette stabilité physico-chimique est également relativement permanente au cours de l’année mais des variations interannuelles de plus grandes ampleurs peuvent néanmoins se produire (phénomène ENSO, cyclones …).

. Figure 5. Températures de surface (gauche), à 150m de profondeur (centre) et à 300m de profondeur (droite) en été (en haut), automne, hiver et printemps (en bas)

C Source : E. Martinez, 2006

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La figure ci-dessus montre les températures moyennes de l’eau de mer dans la zone 5°S à 30°S, de 130°W à 160°W. Le déplacement des poissons dépend assez fortement des températures de l’eau : le germon notamment, plus rare dans la zone de température supérieure à 28°C, se déplace vers l’est et le sud en été A remarquer également les eaux froides à 150 et 300 mètres de profondeur au nord de la zone, dues à l’ « upwelling équatorial » des eaux froides de l’antarctique qui remontent près de l’équateur. Les thons se trouvent en général dans la journée à des profondeurs de 300 à 500 mètres, avec des plongées souvent brusques et rapides à des profondeurs de plus de 500 mètres ; la nuit ils se déplacent vers le haut de la colonne d’eau, à la recherche du « micronecton », leur nourriture favorite. Comme les thons mordent surtout aux deux

crépuscules, les palangriers tendent à poser leurs lignes le matin vers 5h, et à les remonter (on dit « virer ») entre 16h et minuit. La bonne profondeur de pose dépend de nombreux facteurs mal maîtrisés, dont la température et la salinité de l’eau (la teneur en oxygène, qui est corrélée à ces deux facteurs, est également un facteur). Les germons sont davantage capturés entre 150 et 350 m, et les thons obèses vers 280m de profondeur. La carte de salinité de surface ci-dessous montre l’influence importante de l’évaporation aux Tuamotu : comme l’évaporation est en moyenne supérieure aux précipitations, l’eau de mer aux Tuamotu (surtout à l’est) montre une salinité supérieure à la moyenne dans la ZEE de Polynésie française. Ce phénomène est amplifié lors des épisodes La Niña (années sèches).

Figure 6. Salinité des eaux de surface (moyenne 1994-2004)

Source : E. Martinez, 2006

COURANTOLOGIE DE LA ZEE DE POLYNESIE FRANÇAISE

Courants de surface de l'Océan Pacifique Le courant équatorial. La division en deux composantes du courant Equatorial dans l'Océan Pacifique est plus patente encore que dans l'Océan Atlantique. Ces deux composantes, ici aussi circulent de l'Est à l'Ouest, l'un au Nord, l'autre au Sud de l'équateur. Le courant équatorial Sud se divise en deux branches comprenant l'Australie entre elles. Entre ces deux courants équatoriaux, il existe un contre-courant marchant en sens contraire, de l'Ouest à l'Est.

La grande gyre du Pacifique Sud. En ce qui concerne l'Océan Pacifique Sud, c'est d'abord la dérive d'Ouest qu'il convient de noter. Ses eaux froides pénètrent dans l'Océan entre la Nouvelle-Zélande et l'Océan Austral et, à l'approche de l'Amérique du Sud se divisent en deux branches, l'une poursuit son chemin vers l'Atlantique par le courant du Cap Horn, l'autre monte vers l'équateur avec une vitesse proportionnelle aux différences de température et de densité. Le long de la côte américaine, ce courant prend le nom de courant de Humboldt (ou de courant du Pérou); il crée un upwelling des eaux froides de l’Antarctique le long des côtes du Chili et du Pérou. Arrivée au Sud de l'équateur, cette branche s'infléchit à l'Ouest, puis à l'Ouest-Sud-Ouest, venant alimenter le courant Sud-équatorial. Sa vitesse moyenne est de 15

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milles par jour. Peu avant d'atteindre les eaux de la Mélanésie, le courant Sud-équatorial se divise en une branche qui s'oriente vers le Sud et, passant à l'Est de la Nouvelle-Zélande atteint la dérive d'Ouest; et en une autre branche qui pénètre dans la Mer de Corail et dans la Mer de Tasman, où il forme une

boucle, longeant du Nord au Sud, la côte de l'Australie (courant de l'Australie orientale, dont une partie des eaux contourne l'Australie entière par l'Océan Indien), puis remontant le long de la côte occidentale de la Nouvelle-Zélande.

Figure 7. Courants de surface dans le Pacifique Sud.

Source : Elodie Martinez, UPF, 2006 EC = Courant Equatorial, SEC = Courant Equatorial Sud, SECC = Contre-Courant Equatorial Sud, NGCC = Courant Côtier de Nouvelle Guinée, EAC = Courant Est Australien, SPC = Courant du Pacifique Sud, PC = Courant du Pérou, AAC = Courant Antarctique Circumpolaire Figure 8. Courants de surface en Polynésie française

Source : Elodie Martinez, 2006, MCC Contre-Courant des Marquises

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La Polynésie française est dominée par deux saisons : la saison chaude (novembre à avril) et la saison fraîche (mai à octobre). Pendant la saison chaude le courant sud équatorial (SEC) traverse les Marquises à une vitesse qui peut atteindre 50cm/sec. Cette vitesse diminue vers le sud, pour atteindre 15 cm/sec autour des Tuamotu et des îles de la Société, et 5 à 10 cm/sec aux Australes et aux Gambier. Aux latitudes supérieures à 20° Sud, dans la zone de transition entre le courant sud équatorial (SEC, vers l’ouest), et le courant sud Pacifique (SPC, vers l’est), on observe des structures de type tourbillonnaire. Dans la partie nord-ouest de la ZEE, entre 8° et 12° Sud, l’extrémité du contre-courant sud équatorial (SECC) forme une composante de courant se dirigeant vers l’est. Pendant la saison fraîche, le courant sud équatorial (SEC) s’intensifie, avec des vitesses atteignant 60cm/sec au nord-est et autour des Marquises. De 5° à 20° Sud, le flux a une composante ouest plus forte que pendant la saison chaude. Le contre-courant sud équatorial (SECC) disparaît pendant la saison fraîche. A 20° Sud, le courant sud équatorial (SEC) rejoint la zone de convergence, qui occupe une bande plus étroite que pendant la

saison chaude. Le courant sud Pacifique (SPC, vers l’est) se déplace vers le nord, et sa vitesse s’accroît à 5 ou 10 cm/sec.

EVENEMENTS CLIMATIQUES AFFECTANT LA ZEE DE POLYNESIE FRANÇAISE

La zone de convergence du Pacifique Sud (SPCZ), selon sa situation - entre l’ouest de Tahiti et le centre des Tuamotu -, peut entraîner des pluies abondantes sur l’ouest des Tuamotu en saison chaude, contrastant avec l’aridité habituelle de l’archipel. En saison fraîche, la SPCZ est localisée sur les îles Cook, et peut concerner le sud de la ZEE entre 20° et 30° Sud. Le phénomène d’El Nino (ENSO) a un impact important sur le climat du Pacifique sud : en période de Nino, les eaux chaudes de surface, qui généralement se trouvent à l’ouest du Pacifique (la « warm pool ») se déplacent vers l’est, provoquant un réchauffement sensible des eaux et des températures au centre du Pacifique ; en période de Nina, par contre, les eaux chaudes de surface se déplacent plutôt vers l’ouest, provoquant des années sèches et fraîches dans la zone polynésienne.

Figure 9. Alternance des épisodes Nino et Nina dans le Pacifique équatorial

Source : Université de Picardie – Jules Vernes, 2014 L’oscillation du sud interannuelle « El Niño » a une forte influence sur le climat de Polynésie française. El Niño affecte la circulation atmosphérique et océanique, et leurs variations saisonnières. Pendant un épisode El Niño, le courant sud Pacifique (SPC) se déplace vers le sud de la ZEE, et en saison chaude, le contre-courant sud équatorial (SECC) se déplace vers le nord en

s’intensifiant, tandis que la zone de tourbillons s’étend pratiquement de 15° Sud à 35° Sud. Pendant un épisode La Niña, en saison fraîche les courants s’intensifient partout, atteignant 60-80 cm/sec au nord, et 20-30 cm/sec dans les tourbillons du centre de la ZEE. Le courant sud équatorial (SEC) s’étend vers le sud, jusque dans les latitudes 20° Sud, tandis que le courant du sud Pacifique (SPC) se déplace de 25° Sud à plus de 30° Sud.

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1.3. ABONDANCE ET DISTRIBUTION DES RESSOURCES HALIEUTIQUES

Comme indiqué précédemment, les espèces ciblées ou potentiellement ciblées par la pêche hauturière dans la ZEE de la Polynésie française sont le germon, le thon obèse, le thon jaune, et accessoirement les espèces à rostres (espadon, marlin bleu, marlin rayé). L’abondance de ces espèces dans nos eaux dépend largement de leur abondance en général dans le Pacifique sud (les zones nord et sud du Pacifique ont des stocks séparés pour ces espèces), et de leur présence dans nos eaux, qui dépend davantage de phénomènes climatiques annuels.

LE GERMON (THUNNUS ALALUNGA) Le germon dans le Pacifique Sud Le germon du Pacifique Sud est présent au-delà de la zone couverte par la WCPFC, mais la gestion de cette espèce est suivie par la commission scientifique de la WCPFC pour toute la zone à l’ouest de la longitude 110° Ouest, donc incluant la Polynésie française.

Figure 10. Distribution et zones de reproduction du germon dans le Pacifique

Source: NOAA – National Marine Fisheries Service, in ECOTAP 1998 Les adultes pondent en été dans la zone comprise entre 10° S et 25° S, mais contrairement à ce qu’indique la carte ci-dessus, plus à l’ouest de la ZEE de Polynésie française. Puis on retrouve les jeunes thons germons un an plus tard autour de la Nouvelle-Zélande et jusqu’à 40° S, ayant grandi rapidement (à 1 an, environ 45-50 cm). Les germons atteignent leur maturité sexuelle à 4 ou 5 ans, à environ 85cm de longueur. La figure ci-dessous montre la réduction totale de la biomasse de germon dans le Pacifique

depuis 1960, c’est-à-dire depuis le début de la pêche industrielle de ce poisson. La réduction est de l’ordre de 60% en 2010 par rapport à la biomasse estimée de 1960. L’étude du stock qui va être menée en 2015 par la CPS montrera si l’augmentation importante de l’effort de pêche du germon dans le Pacifique est durable à ce niveau, ou s’il convient de prendre des mesures de conservation, sous forme de restrictions des capacités de pêche, ou de quotas.

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Figure 11. Biomasse et taux de réduction de la biomasse de germon dans les différentes pêcheries du Pacifique (traîne en pointillés roses, biomasse totale en ligne noire, palangre du sud en pointillés bleus, biomasse de reproducteurs en ligne rouge, et palangre du nord en pointillés verts), 1960 à 2010.

Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique, 2012 Sur la carte ci-dessous, on voit que la pêcherie de traîne se situe autour de la Nouvelle-Zélande, tandis que les pêcheries palangrières sont dispersées entre 10ºS et 20ºS principalement, avec des pêcheries significatives au sud du 20ºS dans l’ouest du Pacifique.

A part une pêcherie à la traîne située dans le sud du 35°S dans l’ouest du Pacifique principalement (Nouvelle-Zélande) et ciblant des jeunes germons, la plupart des germons dans le Pacifique sud sont pêchés par des palangriers, qui ciblent des germons adultes dans la zone 10°S à 20°S.

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Figure 12. Prises de germon du sud dans le Pacifique occidental et central, en tonnes, par technique de pêche, 2003-2012

Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique, 2012 Figure 13. Prises (+) et efforts de pêche (cercles) de germon à la palangre pour la période 2009-2013. Les 15% plus importants carrés de 5° par 5° pour les captures sont en gras + et la taille relative des croix et des cercles donnent une indication des Captures Par Unité d’Effort (CPUE). Là où la croix est plus grande que le cercle, le rendement de pêche est élevé.

Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique, 2014. Les sources de données scientifiques sont les évaluations des stocks du germon du sud réalisées régulièrement par la CPS. La dernière analyse date de 2012, et une étude de stock de germon sera menée en 2015. Ces analyses conjuguent les données de prises et d’effort des pêcheries, ainsi que des données sur la taille des poissons et leurs paramètres biologiques (par exemple, la croissance et l’âge de maturation), pour estimer l’effectif du stock, son évolution au fil du temps et le niveau de capture considéré comme durable. La dernière évaluation des stocks de germon du sud réalisée en 2012 par la CPS, à partir de données recueillies en 2010, a permis de tirer trois grandes conclusions :

1) l’effectif estimé de germons était jugé suffisant pour assurer la bonne santé des stocks (de plus amples informations sur les raisons qui ont motivé cette conclusion sont disponibles plus bas) ; 2) l’effort de pêche était jugé « durable » et pouvait même être intensifié sans nuire à la bonne santé des stocks ; et 3) malgré la bonne santé de la population de germons, il était annoncé que toute augmentation des captures (même à des niveaux durables) aurait un impact considérable sur les taux de prises des pêcheries palangrières. Bien qu’intéressantes, les conclusions de cette évaluation de l’état du stock de l’espèce méritent d’être remises en contexte. La pêche

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palangrière est la plus couramment employée pour capturer le germon du sud. Les palangriers tendent à capturer des thons plus gros et donc plus âgés et, effectivement, les poissons capturés sont généralement suffisamment gros et âgés pour avoir eu le

temps de se reproduire et, en conséquence, d’assurer la viabilité de l’espèce. Or, il est très rare qu’une pêcherie attende que les poissons aient atteint leur maturité sexuelle avant de les capturer.

Figure 14. Pourcentage de germons vulnérables aux engins des palangriers en fonction de l’âge, comparé au pourcentage de poissons matures et immatures

Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique, 2014. Si ce modèle de pêche est moins nuisible à la population de germons, il a des conséquences sur les pêcheries qui l’exploitent et constitue le fondement de la troisième conclusion de l’évaluation. Les palangriers ciblant les plus gros spécimens, ils ne visent qu’une portion relativement petite de la population, tandis que le nombre de germons de grande taille diminue rapidement parallèlement à l’augmentation de l’effort de pêche et des prises. Ainsi, les navires ont moins de poissons à capturer et, pour chaque jour de pêche et de carburant consommé, ils enregistrent une baisse de leurs prises (taux

de captures plus bas en termes de prises quotidiennes) et, de fait, de leurs revenus. Répétons que, parallèlement à cette situation, il existe une multitude de germons en phase de maturation et de reproduction qui sont globalement protégés de la pêche. Alors même que, dès sa première réunion en 2005, le Comité scientifique de la Commission des pêches du Pacifique occidental et central mettait en garde contre l’impact négatif substantiel qu’aurait toute augmentation des prises de germon du sud sur les flottes de palangriers nationales, les captures n’ont cessé d’augmenter depuis 2008.

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Figure 15. Prises de germons dans l’océan Pacifique occidental et central depuis 1960

Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique, 2014. La CPS a observé une augmentation de 32 % des prises annuelles pour la période 2009–2012 par rapport à la période 2001–2008, associée à une forte hausse du nombre de navires et de l’effort de pêche. Ce n’est que lors de la prochaine évaluation des stocks, prévue en 2015, que la CPS sera en mesure de réévaluer l’état biologique des stocks de germon du sud, mais il est évident que les prévisions de baisse des taux de prises se sont malheureusement réalisées. La modélisation bioéconomique — qui intègre des considérations relatives aux coûts de la pêche et aux prix du poisson dans les évaluations biologiques des stocks — dévoile progressivement un tableau économique bien plus sombre que ce que laissait entrevoir l’analyse biologique. En résumé, même si les stocks de germon ne sont pas menacés immédiatement, les rendements de pêche décroissants vont conduire des entreprises de pêche à la faillite, comme ils ont conduit les armateurs de nombreux navires palangriers basés à Fiji à les désarmer. Cette diminution des rendements est susceptible d’affecter bientôt la pêcherie polynésienne. A la réunion de Décembre 2014 de la WCPFC, une proposition de Mesure de Conservation et de Gestion présentée par l’Agence des Pêches du Forum du Pacifique visait à introduire des limites à l’effort de pêche dans les eaux internationales, comme cela existe déjà pour les ZEE des pays de la zone. La Chine, qui est dans une phase d’augmentation de son effort de pêche dans les eaux

internationales, a refusé de soutenir cette proposition. Le Germon dans la ZEE de Polynésie française Le germon est l'espèce la plus capturée à la palangre dérivante entre 20°S et 10°S. Nous avons découpé la zone d'étude en bande latitudinales ce qui permet de juger de l'évolution des limites de l'habitat en profondeur du germon du Sud de la Société au Nord des Marquises. Entre 20°S et 10°S, les profondeurs optimales de pêche pour le germon sont entre 150 et 300 m. Aux îles de la Société, il est toutefois capturé jusqu'à 500 m de profondeur. Au Nord de 10°S, l'environnement océanographique est contraignant et limite l'habitat du germon. Le manque d'oxygène en profondeur est gênant pour qu'il puisse évoluer dans la strate 150-300 m et malgré une bonne oxygénation des eaux jusqu'à 150 m, les températures chaudes de surface ne lui conviennent pas non plus. Les conditions environnementales limitent donc l'extension de cette espèce vers le nord. Les germons qui passent ou résident dans l’est des Tuamotu, aux Gambier et aux Australes ne sont pas pêchés par les palangriers polynésiens. En conséquence, on a peu d’informations sur leur abondance et la saisonnalité de leur présence. Les informations transmises par les palangriers asiatiques qui pêchent à l’est de la ZEE de Polynésie française permettent cependant d’estimer que ces zones sont également riches en germons, particulièrement pendant les mois de janvier à mars.

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D’après les observations des pêcheurs et des mareyeurs, le germon n’a pas la même qualité partout et toujours :

• pendant la période mai à octobre, les abondances sont importantes dans la zone ouest et nord Tuamotu, et autour et à l’ouest des îles de la Société ; la qualité du germon correspond au goût des consommateurs polynésiens, avec un taux de gras inférieur à 5% ; c’est la période où la température de l’eau autour de Tahiti semble optimale pour le germon.

• pendant la période de novembre à avril, le germon est plus abondant vers l’est et le sud (à la longitude des Gambier, entre 15°S et 25°S, si on en juge par la densité de palangriers asiatiques le long de la frontière de la ZEE) ; le poisson est alors plus gras, avec un taux de matière grasse supérieur à 10%, et jusqu’à 25% plus au sud, cette qualité étant appréciée des marchés asiatiques en Asie et aux Etats-Unis.

Plus on s’éloigne vers l’est, plus les poissons sont (en moyenne) âgés et gros. Certaines flottilles asiatiques suivent le germon jusqu’à la longitude de l’île de Pâques. Ces remarques devraient cependant être tempérées par le fait que chez nos voisins de l’ouest les îles Cook, à la latitude 10°S à 15°S, les palangriers capturent 3 fois plus de germon dans une ZEE 3 fois plus petite. En conclusion, il faut reconnaître que la ressource est bien connue autour de Tahiti et dans la zone nord et ouest Tuamotu parce que c’est la zone couverte par les thoniers de pêche fraîche. Les parties de la ZEE qui sont plus éloignées de Tahiti ne sont que rarement pêchées, et donc la ressource y est beaucoup moins bien connue. Les campagnes de recherche lointaines financées par le Pays, si elles ont donné quelques informations

intéressantes, restent trop parcellaires : une campagne de quelques semaines ne permet que des observations réduites en termes de saisonnalité et de durabilité de la pêche, et ne permet pas de caractériser la ressource halieutique. Cette remarque s’applique également à toutes les espèces de poissons pélagiques qui se trouvent au-delà de la zone couverte par les palangriers de pêche fraîche.

LE THON OBESE (THUNNUS OBESUS) Le thon obèse dans le Pacifique Le thon obèse est la prise la plus valorisée par les palangriers de pêche fraîche et surgélateurs, car sa chair est très prisée des amateurs de sashimi dans le monde entier. Dans l'océan Pacifique, selon leur taille, les thons obèses sont capturés par des pêcheries différentes. La plus grande partie des captures est effectuée par les palangriers qui recherchent particulièrement les gros individus pour le marché du "sashimi". Les captures de gros thons obèses destinés au marché du "sashimi" se sont stabilisées à 100-120.000 tonnes lors des années 1980 dans le Pacifique. Mais au début des années 90, la généralisation de l'usage par les grands senneurs des DCP dérivants destinés à agréger les bancs de petits thons, constitués surtout de bonites mais aussi de petits thons obèses et petits thons jaunes, ont entraîné un accroissement brutal des captures involontaires de ces juvéniles. La WCPFC a pris des mesures pour tenter de limiter ces prises, en interdisant l’utilisation des DCP dérivants par les senneurs pendant 3 mois de l’année en 2011 et 2012, puis 4 mois (juillet à octobre) à partir de 2013. A la réunion de décembre 2014, compte tenu de la continuelle dégradation du stock, la WCPFC a proposé d’étendre cette interdiction à un mois supplémentaire, mais aucun accord n’a pu être trouvé sur ce sujet.

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Figure 16. Distribution et zones de reproduction du thon obèse dans le Pacifique

Source : NOAA - National Marine Fisheries Service, in ECOTAP 1998 Figure 17. Captures de thon obèse (2003-2012) par carré de 5° de côté et type de pêche : palangriers (bleu), senneurs (vert), canneurs (rouge), autre (jaune)

Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique, 2014 Au niveau de la zone du Pacifique, le stock de thon obèse est le même au nord et au sud de l’équateur. Sa gestion est partagée entre les deux commissions régionales : la WCPFC pour le centre et l’ouest du Pacifique, et l’IATTC pour l’est de l’océan Pacifique. Contrairement à ce qui est montré sur la carte ci-dessus, la zone de reproduction des thons

obèses ne descend pas au sud de la latitude des Marquises. Les évaluations du stock de thon obèse par ces deux commissions montrent une diminution du stock de reproducteurs, et une surpêche de cette espèce. Pour l’Océan Pacifique Est (IATTC), les résultats de l’évaluation du stock dans l’Océan Pacifique

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Est indiquent que le déclin de la biomasse des reproducteurs qui a commencé au début de 2010 a persisté jusqu’en 2013, et a réduit la biomasse de reproducteurs et la biomasse totale à leurs niveaux historiques les plus bas au début de 2014, à moins de 20% du la population naturelle. Les taux de mortalité due à la pêche et les niveaux de biomasse des reproducteurs sont estimés en-dessous des niveaux correspondant au Rendement Maximum Durable (RMD, en anglais, MSY). Pour l’Océan Pacifique Ouest et Centre (WCPFC), les principales conclusions sur l’évaluation du stock en 2014 sont les suivantes :

1. Les niveaux de captures actuels excèdent le Rendement Maximum Durable ;

2. Les niveaux récents de mortalité due à la pêche excèdent le niveau permettant de maintenir le Rendement Maximum Durable (RMD) ;

3. Les niveaux récents de biomasse de reproducteurs sont probablement au

niveau (si on se base sur les données 2008-2011) ou en-dessous (si on se base sur les données 2012) du niveau requis pour assurer le Rendement Maximum Durable (RMD) ;

4. Les niveaux récents de biomasse de reproducteurs sont probablement au niveau (si on se base sur les données 2008-2011) ou en-dessous (si on se base sur les données 2012) du niveau limite de référence de 20% de la biomasse de reproducteurs sans pêche (SB pour F=0), limite adoptée par la WCPFC ;

5. Les principales conclusions de cette évaluation de stock sont robustes par rapport aux incertitudes admissibles qui ont été explorées.

La figure ci-dessus montre bien que la hausse importante des prises de thon obèse dans le Pacifique est due en majeure partie à l’introduction des senneurs à partir des années 1980.

Figure 18. Captures de thon obèse dans la Pacifique occidental et central, par type de pêche (vert : palangriers, bleu : senneurs), 1952 – 2012.

Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique, 2014

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Figure 19. Historique des estimations annuelles du Rendement Maximum Durable (ligne rouge) comparé avec les captures annuelles réparties entre différents types de pêche : palangriers (vert), senneurs (bleu)

Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique, 2014 En résumé, à l’échelle du Pacifique, il y a une surpêche du thon obèse, et le stock est déjà dégradé à un point tel que des mesures de réduction de la pêche devraient être prises pour enrayer cette dégradation. Le thon obèse dans la ZEE de Polynésie française En Polynésie comme dans tout le Pacifique, le thon obèse est présent dans l’ensemble de la ZEE, mais son abondance est supérieure au nord de la zone, dans les 200 milles autour des îles Marquises. Près de la Polynésie, une zone de pêche palangrière réputée, dite " sei ground ", s'étend depuis les îles Marquises vers le Nord Est, jusqu'aux Iles Galápagos. La partie Nord Est de la ZEE est une partie intégrante de cette zone de pêche, ce que montre l'analyse fine des activités des palangriers asiatiques dans la ZEE entre 1984 et 1992. Les rendements réalisés lors des campagnes ECOTAP indiquent une plus grande abondance de thon obèse dans le secteur du Sud des Marquises et en particulier dans la bande comprise entre 10°S et 14°S. Dans la partie Nord Tuamotu et Iles de la Société les rendements d'ECOTAP étaient plus élevés que ceux des palangriers polynésiens. Ces thons obèses n'apparaissaient pas jusqu'à présent dans les captures des palangriers qui ciblaient le germon en concentrant leur effort de pêche au-dessus de 300 m de profondeur.

En effet, dans cette région océanographique, le thon obèse évolue pendant la journée dans des couches d'eau plus profondes, ce qui le rend peu accessible. La zone d'étude ECOTAP (20°S à 5°S) a été découpée en bandes latitudinales afin de pouvoir mieux juger de l'évolution vers le nord des limites de l'habitat du thon obèse. Le thon obèse est pêché le plus profondément dans l’archipel de la Société et le plus en surface au Nord des Marquises. Les profondeurs optimales de pêches du Sud au Nord de la ZEE sont les suivantes :

• 20°S à 16°S : 350-500 m • 16°S à 10°S : 300-450 m • 10°S à 7°S : 200-350 m • 7°S à 5°S: 100-250 m

Le thon obèse est le thon pêché le plus en profondeur. Il tolère des températures basses et des taux d'oxygène relativement faibles. Cette tolérance lui permet de chasser ses proies en profondeur durant la journée. Un marquage réalisé en Société, lors des expérimentations ECOTAP, sur un individu de 50 kg, montre que ce dernier évolue toute la journée entre 350 et 500 m de profondeur et ne fait que de brèves remontées entre 100 et 200 m afin de se réchauffer. C'est donc un thon qui doit être ciblé en profondeur durant la journée. Il évolue en surface de nuit, mais dans notre région la pêche à la palangre de

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nuit ne semble pas très efficace pour capturer cette espèce.

LE THON JAUNE (THUNNUS ALBACARES) Le thon à nageoires jaunes, dit couramment thon jaune, est une espèce pélagique présente entre les latitudes 40°N et 40°S, avec des zones de reproduction étendues dans toute la zone tropicale. On considère qu’il y a deux

stocks principaux de thon jaune dans le Pacifique, un stock « Ouest » et un stock « Est » (voir figure 20 page 31). La Polynésie française se situe dans une zone entre les deux stocks, où il semble que cette espèce soit peu abondante. Les thons jaunes sont principalement pêchés jeunes par les senneurs dans la zone équatoriale ouest du Pacifique. Ils sont une prise accessoire pour cette pêcherie qui cible la bonite.

Figure 20. Distribution et zones de reproduction du thon jaune dans le Pacifique

Source : NOAA - National Marine Fisheries Service, in ECOTAP 1998 L’évaluation du stock de thon jaune pour le Pacifique Est, réalisée par la commission IATTC, conduit aux conclusions suivantes en 2014 :

1. Il y a une incertitude sur les niveaux récents et futurs de recrutement et de biomasse. Il y a deux ou trois régimes différents de productivité, et les niveaux de Rendement Maximum Durable (RMD) et les biomasses correspondantes peuvent différer selon les régions. La population de thon jaune pourrait avoir récemment changé d’un régime de productivité haut à un régime de productivité intermédiaire.

2. Les niveaux de captures sont au niveau du RMD, et les niveaux de biomasse de reproducteurs sont

estimés au-dessous du niveau de RMD. Ces interprétations sont encore incertaines, et très sensibles aux hypothèses qui les accompagnent ;

3. Les niveaux de biomasse de reproducteurs récents estimés sont plus pessimistes que ceux des évaluations précédentes, parce qu’il y a plus de mortalité de thons d’âge moyen depuis 2008 que prévu dans les précédentes évaluations ;

4. Augmenter la taille moyenne des thons jaunes capturés pourrait augmenter le RMD.

Pour le Pacifique Ouest et Centre, le comité scientifique de la commission WCPFC a émis l’évaluation suivante :

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1. La nouvelle structure qui distingue 9 régions distinctes semble bien fonctionner et améliore l’évaluation du stock de thon jaune ;

2. Un recrutement localisé dans certaines régions semble décliner d’abord, puis se relever après 1965 ;

3. La distribution des recrutements et les mouvements par région semblent indiquer que certaines régions ont des recrutements très faibles ;

4. Le niveau de captures récent excède marginalement le Rendement Maximum Durable ;

5. Les niveaux récents de mortalité par la pêche sont probablement en-dessous du niveau qui permet de maintenir le RMD ;

6. Les récents niveaux de biomasse de reproducteurs est probablement au-

dessus du niveau qui permet de maintenir le RMD ;

7. Les récents niveaux de biomasse de reproducteurs est probablement au-dessus du niveau de référence de 20% de la biomasse, agréé par la WCPFC ;

8. Les conclusions de cette évaluation sont robustes à une assez large variation des hypothèses qui ont servi de base au calcul.

Pour résumer, la ressource en thon jaune, dans le Pacifique, est exploitée à son maximum, avec un stock encore en bonne santé, dont on prévoit qu’il pourrait se trouver en état de surpêche dans les années qui viennent.

Figure 21. Captures 1990-2010 de thon jaune dans le Pacifique, par carrés de 5° de côté et par type de pêche : palangriers (vert), senneurs (bleu), canne (rouge) et autres (jaune).

Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique (2014) Le thon jaune dans la ZEE de Polynésie française. Le thon jaune est présent partout en Polynésie française. Il est surtout capturé autour des Îles Marquises, dans les latitudes 4°S à 10°S, où il est plus densément présent que dans le reste de la ZEE. Compte tenu des faibles rendements, il n’est jamais la cible principale des palangriers, il est toujours une capture accessoire. C’est cependant une prise accessoire très valorisée en frais, puisqu’il

peut être commercialisé comme thon « rouge » pour le sashimi.

L’ESPADON (XYPHIAS GLADIUS) L’espadon est une espèce présente dans l’ensemble du Pacifique, et particulièrement plus dense dans la partie sud-ouest du Pacifique, entre 20°S et 40°S, dans les eaux entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande, puis vers l’est de la Nouvelle-Zélande, aux latitudes 30°S à 40°S.

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Figure 22. Distribution et zones de reproduction de l’espadon dans le Pacifique

Source: NOAA - National Marine Fisheries Service, in ECOTAP 1998 La zone de reproduction de l’espadon semble être plus proche de l’équateur, notamment à la longitude de la Polynésie française, où une zone de reproduction importante se situe entre l’équateur et les Marquises. C’est ce qui explique qu’un grand nombre d’espadons sont capturés par les palangriers autour de la zone nord de la ZEE de Polynésie française. L'espadon est un poisson parcourant de longues distances chaque jour ; les scientifiques estiment une moyenne parcourue de 100 km par jour. La journée, il évolue en profondeur (1000m et plus) et ne fréquente les eaux de surface que la nuit, comme de nombreux poissons pélagiques. La meilleure

façon de cibler cette espèce est donc de le pêcher de nuit, en surface. Les prises d’espadon au sud de l’équateur dans le Pacifique occidental et central ont été stables entre 6000 et 9000 tonnes par an depuis 10 ans, plus de 50% de ces prises étant réalisées au nord du 20°S depuis 5 ans. Dans la figure ci-dessous, on peut noter l’importance relative des efforts de pêche et des captures d’espadons autour de la ZEE, à la latitude des Marquises, suggérant une densité plus importante de cette espèce dans cette zone.

Pourcentage des captures d’espadon dans le Sud du Pacifique Ouest et Centre, par latitude 0°S à 10°S 10°S à 20°S 20°S à 30°S 30°S à 40°S 40°S à 50°S 2009 35 19 20 26 0 2010 35 18 17 29 1 2011 40 16 20 23 1 2012 37 16 19 26 2 2013 35 19 21 22 2 Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique

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Figure 23. Distribution des prises (croix) et des efforts de pêche (cercles) d’espadon par les palangriers dans le Pacifique sud pour la période 2009-2013, par carrés de 5°.

Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique En 2012 et 2013, des évaluations de stocks ont été entreprises pour plusieurs autres espèces attrapées dans les pêcheries thonières du Pacifique occidental et central, dont l’espadon. Cette évaluation a montré une très forte sensibilité aux hypothèses de croissance retenues. Deux modèles de croissance différents, l’un australien, l’autre hawaïen, ont été utilisés alternativement. La supériorité d’un modèle sur un autre du point de vue de sa fiabilité n’a pas pu être établie par le comité scientifique. Les évaluations réalisées sur la base du modèle de croissance australien indiquent que le stock est victime de surpêche, mais qu’il ne se trouve pas en état de surpêche. Les évaluations fondées sur le modèle de croissance hawaïen ne décèle pour leur part aucune surpêche du stock ni état de surpêche. Étant donné le degré d’incertitude entourant ces évaluations, le comité scientifique de la WCPFC a recommandé à la Commission que les futures mesures de gestion préconisées soient empreintes de prudence. Le comité scientifique a plus précisément recommandé que les niveaux actuels (2007-2010) de mortalité de l’espadon par pêche ne soient pas dépassés. Les ressources en espadon de la ZEE de Polynésie française L’espadon est présent dans l’ensemble de la ZEE, mais supposément plus abondant au sud de la ZEE, entre 25°S et 30°S (latitude de Rapa), puisque des palangriers espagnols ciblent les espadons autour de cette zone, et débarquent régulièrement leurs prises à Papeete. L'espadon fréquente une large

gamme de profondeurs comprises entre la surface et au moins 550 mètres. Ces poissons restent dans des couches profondes durant le jour et s'approchent de la surface la nuit. Les pêcheurs polynésiens traditionnels le surnomment " espadon de nuit " dans la mesure où il est plus facilement vulnérable à la ligne à main de nuit quand il évolue proche de la surface. En 1996, un patron pêcheur accompagné d’un maître de pêche hawaiien a réalisé la première campagne de pêche à l’espadon dans la partie la plus sud de la ZEE. Les rendements furent jugés satisfaisants, et le navire débarqua près de 10 tonnes d’espadon au port de Papeete. En raison de la difficulté de vendre cette pêche à un prix satisfaisant, l’armateur décida de ne pas renouveler l’expérience. En décembre 2006, le Service de la Pêche a mené une campagne exploratoire au sud de la ZEE avec 6 thoniers polynésiens en se fixant l’objectif de mieux comprendre et de mieux caractériser la distribution des ressources en espadons et en thons blancs durant le printemps austral. Les thoniers opéraient par carré de 1° pour échantillonner au mieux la zone, mais le ciblage des espèces n’était pas optimal. Les rendements en espadons furent faibles et les résultats de pêche ne permirent pas une interprétation fiable de la distribution et du déplacement de cette ressource. L'analyse des données des palangriers japonais opérant à l'est de la ZEE polynésienne montre des valeurs plus importantes des rendements au sud de 10°S principalement durant les premier et quatrième trimestres de l'année. Cette

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tendance saisonnière apparaît également dans les données polynésiennes de 1995.

LE MARLIN BLEU (MAKAIRA MAZARA) Le marlin bleu est une espèce pélagique du Pacifique, principalement capturée par les palangriers comme prise accessoire. Les marlins bleus sont présents dans l’ensemble de la ZEE de Polynésie française. L’ICS (International Scientific Committe for tuna and tuna-like species assessment in the North Pacific Ocean), a émis l’avis suivant concernant la conservation du marlin bleu, basé sur l’évaluation du stock en 2013 : Le stock n’est pas surpêché, et ne fait pas l’objet

d’une surpêche actuellement, mais le stock est presque totalement exploité. La biomasse a décliné depuis 1970, mais s’est stabilisée depuis les années 2005 avec une légère augmentation récemment. Comme le marlin bleu est principalement une capture accessoire, le contrôle direct des captures est difficile. Le groupe de travail recommande de ne pas augmenter la mortalité due à la pêche au-dessus du niveau actuel pour éviter la surpêche. En Polynésie, le marlin bleu est pêché dans l’ensemble de la ZEE, autour des Marquises, et plutôt à l’ouest entre 10°S et 20°S, comme le montre la figure cidessous.

Figure 24. Distribution et aires de reproduction du marlin bleu dans le Pacifique.

Source: NOAA – National Marine Fisheries Service, in ECOTAP 1998

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Figure 25. Répartition spatiale des prises de marlin bleu des campagnes ECOTAP.

Source : ECOTAP, Direction des Ressources Marines, Polynésie française

LE MARLIN RAYE (TETRAPTURUS AUDAX) Le marlin rayé est une espèce pélagique du Pacifique, principalement capturée par les palangriers comme prise accessoire. Les marlins rayés sont présents dans l’ensemble de la ZEE de Polynésie française. Dans le Pacifique nord, le marlin rayé est considéré comme en état de surpêche, et le stock est estimé victime de surpêche. Dans le Pacifique Sud-Ouest, le stock a atteint son niveau maximum d’exploitation ; il est probable que le stock soit en état de surpêche, mais qu’il ne soit aujourd’hui plus soumis à la surpêche. Le comité scientifique de la Commission a fait les constatations suivantes :

les prises récentes sont proches du rendement maximal durable, la mortalité par pêche est légèrement inférieure à celle correspondant au RMD, et la biomasse de reproducteurs se situe un peu en dessous du seuil de biomasse associé au RMD. Malgré les conseils en ce sens de son comité scientifique, la WCPFC n’a pas pris de mesures pour réduire la mortalité due à la pêche au marlin rayé, et il est probable que le stock de marlin rayé se trouvera en état de surpêche dans les prochaines années. En Polynésie le Marlin rayé est pêché surtout vers l’ouest de la zone entre 15°S et 20°S, comme le montre la figure ci-dessous.

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Figure 26. Distribution et aires de reproduction du marlin rayé dans le Pacifique.

Source: NOAA – National Marine Fisheries Service, in ECOTAP 1998 Figure 27. Répartition spatiale des prises de marlin rayé des campagnes ECOTAP.

Source : ECOTAP, Direction des Ressources Marines, Polynésie française

AUTRES ESPECES PELAGIQUES Les thazards et les mahimahi constituent une ressource halieutique relativement importante pour les palangriers, comme prises accessoires, mais on connaît mal la structure

des stocks de ces espèces, et aucune estimation du Rendement Maximum Durable n’est disponible pour ces espèces, qui sont aussi des cibles privilégiées pour les pêcheurs côtiers. Le risque de surpêche du mahimahi est peu probable, compte tenu de son taux de

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reproduction élevé (sa durée de vie maximale est de 4 ans). On connaît moins bien la biologie et les taux de reproduction du thazard. Ces deux espèces sont plus abondantes en surface qu’à la profondeur où les palangriers posent généralement leurs hameçons. Le Saumon des dieux est une prise accessoire courante des palangriers : sa distribution et son comportement dans la colonne d’eau se rapproche de celui des thons, la saumon des dieux étant un poisson à nage rapide, capable d’évoluer à des profondeurs élevées, et ciblant les mêmes proies que les thons. Sa biologie et son comportement sont cependant mal connus, et on ne dispose pas d’estimations de stocks ou de Rendement Maximum Durable pour cette espèce. Enfin, il faut mentionner quelques-unes des espèces qui sont couramment capturées par les palangriers polynésiens, même si ce sont de faibles quantités : la bonite, le papio, le marlin noir, considérées comme des espèces « commerciales » ; le uravena (Ruvettus pretiosus, « oilfish » en anglais), le lancier (Tetrapturus angustirostris), et le voilier (Istiophorus platypterus), considérés comme des espèces non commerciales. Requins Deux espèces de requins sont aujourd’hui particulièrement touchées par la pêche palangrière du Pacifique Sud. Requin océanique : L’ensemble des simulations admises donnent à penser que le stock de requin océanique du Pacifique occidental et central est à l’heure actuelle en

état de surpêche et victime de surpêche, d’après les points de référence habituels fondés sur le RMD et ceux basés sur l’épuisement des ressources. Les mesures (CMM 2011-04) déjà prises sont destinées à réduire la mortalité par pêche et à reconstituer la biomasse de reproducteurs, mais il faudra en plus des mesures d’atténuation destinées à éviter les captures. Requin soyeux : Le requin soyeux est une espèce peu productive. Selon les estimations, la mortalité par pêche chez cette espèce excède largement celle correspondant au RMD, tandis que la biomasse de reproducteurs a chuté en deçà du seuil de biomasse au RMD. Le comité scientifique de la WCPFC en a conclu que l’espèce fait actuellement l’objet d’une surpêche et qu’elle se trouve vraisemblablement en état de surpêche. Le stock est principalement victime des prises accessoires réalisées par les palangriers pêchant dans les zones tropicales et subtropicales. En vue d’améliorer l’état du stock de requin soyeux, il serait souhaitable de prendre des mesures de réduction des prises accessoires ainsi que des mesures de restriction ciblant certaines techniques de pêche sélectives, telles que les lignes à requins. En Polynésie française, depuis 2006, il est interdit aux bateaux de pêche de capturer, détenir ou commercialiser toutes les espèces de requins sauf le Mako. Et le Mako a été ajouté à cette protection en 2012. Les espèces de requin les plus pêchées sont les « mako » en Polynésie française; on estime que 15 tonnes de requins mako ont été pêchés et rejetés vivants en mer en 2013.

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© Jérôme Petit, Pew Polynésie

LA PÊCHE HAUTURIÈRE EN POLYNÉSIE FRANÇAISE DE 1995 À 2014

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2. LA PÊCHE HAUTURIÈRE EN POLYNÉSIE FRANÇAISE DE 1995 À 2014

2.1. LA PECHE HAUTURIERE DANS LE PACIFIQUE Comme on peut le voir dans les deux figures ci-dessous, la pêche hauturière dans le Pacifique occidental et central est dominée par les senneurs qui ciblent la bonite : en 2013, cette pêche (1,9 millions de tonnes, la plus grosse pêche annuelle jamais enregistrée, 60.000 tonnes de plus qu’en 2012) représentait en 72% des 2,6 millions de tonnes de thons capturés dans le Pacifique occidental et central. Elle est essentiellement destinée à la conserverie. Les captures totales des palangriers, 230,000 tonnes en 2013, représentent la pêche annuelle la plus faible depuis 1999. Les autres types de pêche sont beaucoup moins importants en volumes capturés, mais par contre subissent l’impact important de la pêche à la senne sur les stocks de thons obèses et de thons jaunes, puisque de nombreux juvéniles de ces deux espèces sont

pris avec les bancs de bonite dans les sennes, en particulier lorsque les senneurs utilisent des DCP (Dispositifs Concentrateurs de Poissons). L’utilisation de DCP dérivants par les senneurs s’est considérablement développée ces dernières années. Malgré les mesures de réduction de l’utilisation des DCP dérivants adoptées par la WCPFC, les senneurs ont continué à les utiliser massivement, contournant les mesures de réduction en faisant lâcher des DCP par des comparses. Les captures accessoires des senneurs (qui ciblent la bonite) comportent des quantités de plus en plus importantes de jeunes thons obèses et de jeunes thons à nageoires jaunes. Les stocks de ces deux espèces sont maintenant en danger, du fait de ces captures accessoires d’une part, et de l’augmentation de l’effort de pêche des palangriers d’autre part.

Figure 28. Captures totales de thonidés et poissons associés par type de pêche dans le Pacifique occidental et central, 1960-2013.

Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique

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Figure 29. Captures totales de thonidés, par espèce, dans le Pacifique occidental et central, 1960-2013.

Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique Plusieurs caractères permettent de qualifier les différentes pêcheries dans le Pacifique :

• La technique de pêche : palangre, senne, canne, autres ;

• La capacité de pêche : capacité des outils de capture et des cales, capacité frigorifique (glace, congélation, surgélation) ;

• L’espèce (ciblée ou accessoire) : bonite, germon, thon obèse, thon jaune, espadon, autres ;

• Le pavillon du bateau de pêche : nations côtières (leur ZEE touche le Pacifique) ou distantes ;

• La zone de pêche : eaux internationales ou ZEE, Nord ou Sud, Océan Pacifique Occidental et Central (dépendant de la WCPFC) ou Océan Pacifique Est (dépendant de la IATTC), latitude de pêche.

Les combinaisons entre ces 5 critères sont multiples, et chaque combinaison différente caractérise une pêcherie spécifique. Compte tenu de l’objet de la présente étude, seules certaines dimensions sont considérées ci-après.

LA PECHERIE PALANGRIERE DANS LE PACIFIQUE

Avant de parler de la pêcherie palangrière, on peut mentionner deux types de pêche qui ne sont pas pratiquées dans les eaux polynésiennes :

• la pêche à la senne, qui cible la bonite, mais capture « accessoirement » de nombreux thons obèses et thons jaunes jeunes, est pratiquée essentiellement dans la zone tropicale et équatoriale de l’ouest du Pacifique ;

• la pêche à la canne (« pole-and-line » en anglais), qui cible les thons jeunes (obèses, jaunes et blancs), est pratiquée essentiellement dans le sud-ouest du Pacifique sud, autour de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, avec une extension vers l’est de la Nouvelle-Zélande entre 35°S et 50°S (la pêche à la bonite telle que pratiquée par les bonitiers est considérée par la CPS comme du « pole and line » ; elle est maintenant très marginale).

La pêche palangrière s’étend sur tout le Pacifique, et continue à capturer 10% à 12% des prises débarquées, bien que la valeur de ces prises tende à égaler celle des senneurs, qui pêchent exclusivement pour les conserveries. Cette pêcherie comporte deux types principaux d’opérateurs :

• de grands bateaux (plus de 250 t.) congélateurs des nations distantes qui pêchent dans les eaux tropicales (thon obèse, thon jaune) ou subtropicales (thon blanc) pour des campagnes de plusieurs mois, qui comprennent :

o les pêcheries tropicales (thon obèse et thon jaune) du Japon, de la Corée, de Chine, de Taiwan et du Vanuatu : ces

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bateaux opèrent plutôt dans le centre et l’est du Pacifique ;

o les pêcheries subtropicales (au sud du 20°S) des nations distantes du Pacifique Sud, de Taiwan, de Chine et du Vanuatu qui ciblent le germon destiné aux conserveries ;

o Les pêcheries palangrières à l’espadon des nations distantes· du Pacifique Sud,

principalement composée de navires espagnols.

• des palangriers plus modestes (moins de 100 t.), basés dans les pays de la zone (domestiques ou étrangers), qui embarquent de la glace, opèrent des campagnes de moins d’un mois et visent un marché de sashimi frais local ou expédié par avion, et éventuellement de conserverie pour le germon.

Figure 30. Nombre de palangriers opérant dans le Pacifique occidental et central, 1972 – 2013 : flottes domestiques des pays du Pacifique (bleu), flottes des nations de pêche distantes et des eaux internationales (rouge), flottes domestiques des pays autres qu’insulaires du Pacifique (jaune).

Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique Les deux évolutions remarquables de la pêche palangrière dans le Pacifique Sud sont :

• La croissance des pêcheries palangrières domestiques des petits états insulaires, que ces états essaient de développer principalement autour des pêcheries de germon dans leurs ZEE respectives ;

• La croissance du nombre de palangriers congélateurs (pour le germon) et surgélateurs (pour le thon obèse et le thon jaune) armés par la Chine, appuyée par un régime de subventions déclarées et non déclarées, qui menace l’équilibre écologique et économique des pêcheries thonières, associée au déclin du nombre de palangriers japonais (de 366 en 2004 à 142 en 2013), taiwanais (de 137 en 2004 à 82

en 2013) et coréens (de 184 en 2002 à 125 en 2013).

L’effort de pêche des palangriers au nord et à l’ouest de la ZEE de Polynésie française a été évalué par la CPS en termes de jours de présence calculés sur la base des données VMS. Le tableau ci-dessous exprime l’évolution du nombre de jours de présence des palangriers dans les zones Nord et Est (en rose vif sur la carte), dans la poche d’eaux internationales entre les Îles Cook et la Polynésie française (en jaune vif sur la carte), et en général sur le Pacifique ouest et centre, au sud du 10°S. Il faut noter que l’effort de pêche dans la zone rose a doublé entre 2012 et 2013, alors qu’il n’a augmenté que de 32% (ce qui est considérable) dans le même temps dans l’ensemble des eaux internationales du Pacifique occidental et central au Sud du 10°S.

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Figure 31. Effort de pêche des palangriers dans les eaux internationales autour de la ZEE de Polynésie (nombre de jours VMS), 2009 – 2013.

Zone 2009 2010 2011 2012 2013 Rose 1,592 5,109 4,876 5,284 10,727 Jaune 1,158 1,787 2,610 5,291 4,469 Ensemble Eaux internationales sud du 10°S 12,750 20,920 23,763 24,021 31,713

Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique

LA PECHE AU GERMON DANS LE PACIFIQUE

Le germon a été exploité de manière industrielle par les palangriers taïwanais depuis les années 1950. Les palangriers coréens les ont rejoints, puis se sont orientés sur le thon obèse. La Chine a récemment développé une vaste flotte de palangriers destinée à cette pêcherie dans le Pacifique Centre et Ouest. Ces thoniers palangriers transocéaniques exploitent les eaux internationales, notamment autour de la ZEE de Polynésie française, et les eaux des ZEE des pays avec lesquels ils ont des accords de pêche (notamment îles Cook et Kiribati, voisins immédiats de la Polynésie française).

Les prises de germon par les palangriers dans le Pacifique sud ont été estimées à 81,198 tonnes en 2013, 4% de moins qu’en 2012, mais 9% de plus que la moyenne 2008-2012. La CPS estime que les prises de germon dans le Pacifique sud en 2013 ont été réalisées pour 43% dans les eaux internationales, par les palangriers chinois, taiwanais et vanuatais principalement. Les pêcheries des pays insulaires, en 2013, ont capturé 46% des prises totales de germon dans le Pacifique sud. Les 54% autres ont été les prises des flottilles des nations distantes, principalement Chine (23,842 tonnes), Taiwan (13,248 tonnes). Après ces deux pays, les pavillons les plus importants pour la pêche palangrière du germon ont été, en 2013, Fiji (8,678 tonnes), Vanuatu (8,062 tonnes) et la Polynésie française (3,512 tonnes).

0

5,000

10,000

15,000

20,000

25,000

30,000

35,000

2009 2010 2011 2012 2013

EAUXINTERNATIONALESWCPO SUD DU 10°S(VERT)

NORD ET EST DE LAZEE (ROSE)

OUEST DE LA ZEE(JAUNE)

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Figure 32. Captures de germon dans le Pacifique sud par type de pêche, palangre (vert), canne (orange), filets dérivants (jaune), 1972 – 2013.

Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique Le stock de germon du Pacifique sud est considéré comme n’étant pas en état de surpêche, ni soumis à une surpêche en 2013. Compte tenu du nombre important de nouveaux palangriers chinois mis en service, les pays insulaires du Pacifique ont cependant alerté la Commission WCPFC sur la rapide dégradation des stocks, et sur le fait que le germon est la ressource principale sur laquelle ils peuvent développer des pêcheries locales. En conséquence, si les nations distantes mettent le stock en état de surpêche, notamment à cause de leur effort de pêche accru dans les eaux internationales et dans les ZEE des pays qui les acceptent, la ressource risque de se trouver en état de surpêche, et les petits états insulaires en développement n’auront plus la possibilité de développer leurs pêcheries. Les estimations sur l’état des stocks calculées par les scientifiques dépendent de la qualité des données qui leur sont fournies par les pêcheries. Il semble que certaines pêcheries ne transmettent pas leurs données complètes, ou transmettent des données erronées. En général, par exemple, les prises par unité d’effort ont diminué régulièrement depuis 5 ans, de même que le poids moyen des poissons capturés par les palangriers, à l’exception des palangriers chinois, qui montrent des rendements en hausse, bien supérieurs aux moyennes des autres pêcheries, ce qui donne à penser que leur comptabilisation de l’effort de pêche n’est pas correcte.

Les membres de l’Agence des Pêches du Forum du Pacifique ont alerté la WCPFC sur l’évolution négative des indicateurs de santé du stock de germon dans le Pacifique sud, et de la nécessité de prendre des mesures de conservation si ces pays veulent pouvoir maintenir la viabilité économique de leurs pêcheries domestiques. Entre 2008 et 2012, les captures de germon dans l’est du Pacifique Sud (zone IATTC) sont passées de 8,000 tonnes à 17,400 tonnes, soit une augmentation de 100%. Celles du centre et ouest du Pacifique Sud (zone WCPFC) sont passées de 54,700 à 70,000 tonnes, soit une augmentation de 30%. Si ces évolutions ont continué depuis deux ans, il est probable que l’on a dépassé le seuil du Rendement Maximum Durable à la fin 2014. C’est un problème économique et biologique. A noter que les pêcheries les plus affectées par la réduction prévue (si on continue le même rythme de pêche) de la biomasse disponible entre 2010 et 2030 seraient précisément celles de la Polynésie française (réduction estimée à -32% par la CPS), de la Nouvelle-Calédonie (-28%) et de Tonga (-27%). Une nouvelle évaluation du stock de germon du Pacifique par la CPS est prévue en 2015. Prix du germon : en 2013, le prix moyen du germon a baissé sur tous les marchés (-28% à Bangkok sur le congelé, -27% au Japon et -12% aux USA sur le frais, en dollars US), en raison d’une surproduction relative attribuée à de fortes captures dans l’Atlantique, à l’augmentation du nombre de palangriers chinois et taiwanais, et à une demande

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stagnante pour les conserves de thon blanc aux Etats-Unis. Le prix du germon s’est redressé récemment, de 2,2$ le kilo fin 2013 à 3$ le kilo mi-2014 à Bangkok.

LA PECHE AU THON OBESE DANS LE PACIFIQUE

Les chiffres provisoires des captures de thon obèse dans le Pacifique (226,717 tonnes) sont en retrait de 30,000 tonnes par rapport à 2012,

mais dans la moyenne des 10 dernières années. La part des captures des senneurs tend à se renforcer au détriment des palangriers, dans toute l’étendue de la zone de pêche. Cependant, comme le montre la figure ci-dessous, dans le centre du Pacifique, notamment autour de la ZEE de Polynésie française, ce sont essentiellement les palangriers qui capturent les thons obèses.

Figure 33. Captures de thon obèse dans le Pacifique (tonnes), 1971 – 2013, par type de pêche : profonde (bleu) et de surface (jaune) dans l’Océan Pacifique Occidental et Central, de surface (vert) et profonde (rouge) dans l’Océan Pacifique Est.

Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique Figure 34. Captures de thon obèse dans le Pacifique, par carré de 5° et par type de pêche : palangriers (vert), senneurs (bleu) et autres (jaune), moyenne 1990 – 2013.

Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique

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Les pêcheries indonésiennes et philippines capturent surtout des petits thons (30 à 50 cm), tandis que les senneurs prennent en majorité des thons de taille moyenne (50 à 70 cm), et les palangriers des thons obèses de grande taille (130 à 150 cm). Prix du thon obèse : les importations de thon obèse au Japon sont en déclin depuis 10 ans (11,330 tonnes en 2013, -15% par rapport à 2012), mais les prix en dollars du thon obèse frais à l’importation sont relativement stables (en moyenne, 9,38US$ le kilo en 2013). Les importations de thon obèse frais aux Etats-Unis sont également en déclin sur le long terme (4,023 tonnes en 2013), avec un prix relativement stable sur les trois dernières années (8,83US$ le kilo en 2013 en moyenne, mais seulement 4,92US$ le kilo, en hausse, pour le thon obèse en provenance d’Océanie).

LA PECHE AU THON JAUNE DANS LE PACIFIQUE

Il y a trois principales pêcheries de thon jaune dans le Pacifique :

• Les pêcheries industrielles et artisanales des Philippines et d’Indonésie ;

• La pêcherie ouest du Pacifique, à l’ouest de la longitude 180°W, entre 5°N et 10°S ;

• La pêcherie est du Pacifique, à l’est de la longitude 130°W, entre 5°N et 15°N.

Par ailleurs, les palangriers de pêche au germon et au thon obèse prennent également des thons jaunes dans l’ensemble de l’océan Pacifique. Les principales prises de thon jaune, en 2013, ont été réalisées par les senneurs (355,760 tonnes, 66% du total). Les captures des palangriers en 2013 dans le Pacifique ouest et centre ont atteint 65,499 tonnes, 12% de moins qu’en 2012, le chiffre le plus bas depuis 1991. Les pêcheries indonésiennes et philippines prennent surtout des petits thons jaunes (20 à 50 cm). Bien qu’ils prennent beaucoup de jeunes thons, la plus grande partie des captures des senneurs (en tonnes) sont des grands thons jaunes, entre 100 et 120 cm, comme les palangriers. Ces chiffres varient selon les années, et selon les zones de pêche. Prix du thon jaune : les importations de thon jaune par le Japon (9,900 tonnes en 2013) ont

constamment diminué depuis 10 ans, tandis que le prix en dollars du thon jaune frais importé au Japon est resté relativement stable autour de 10US$ le kilo. La demande reste soutenue aux Etats-Unis (16,000 tonnes par an importés), à un prix assez stable : 9,77 US$ le kilo en 2013 en moyenne, mais seulement 6,13 US$ le kilo pour le thon jaune en provenance d’Océanie, en hausse par rapport à 2012.

LA PECHE A L’ESPADON DANS LE PACIFIQUE

Les pêcheries d’espadon sont distribuées dans l’ensemble de l’océan Pacifique, avec quatre principales zones de captures :

1. L’océan Pacifique est, près des côtes du Chili et du Pérou, où sont la plupart des palangriers espagnols, mais aussi des flottilles asiatiques ;

2. La région centre sud de l’océan Pacifique, au sud des îles Cook et de la Polynésie française, avec des pêcheurs en majorité espagnols ;

3. Les côtes australiennes et néo-zélandaises, et les pays du Pacifique voisins (flottes domestiques) ;

4. Le Pacifique équatorial, entre les longitudes 130°W et 160°W, couvert par les flottilles asiatiques.

Comme indiqué dans la figure ci-dessous, les pêcheries d’espadon ont récemment évolué dans le Pacifique. Jusqu’au milieu des années 1990, seules les pêcheries distantes asiatiques (Japon, Corée, Taiwan) ont pêché l’espadon avec des palangriers, puis les flottes domestiques d’Australie et de Nouvelle-Zélande ont pris de l’importance, jusqu’à atteindre un sommet en 2002, avec 4,000 tonnes pêchées, alors que les palangriers asiatiques ont capturé 11,000 tonnes cette année-là. Le relatif déclin (de 2002 à 2005) de ces pêcheries a été compensé par l‘irruption des pêcheries espagnoles d’espadon dans le Pacifique en 2004. En 2012 les captures totales ont été de 23,000 tonnes, dont la moitié par les palangriers espagnols. La majorité des espadons capturés par les palangriers mesurent entre 110 cm et 170cm, la taille moyenne des espadons pêchés par les palangriers asiatiques est supérieure à celle des espadons pêchés par les espagnols, peut-être parce qu’ils pêchent dans des zones différentes.

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Prix de l’espadon : les importations d’espadon aux Etats-Unis sont soutenues (6,000 tonnes en 2013), et les prix sont également sur une tendance haussière (8,83 US$ en moyenne pondérée des imports frais

et congelés en 2013). En 2013, les importations japonaises d’espadon ont décliné de 5% en volume, tandis que le prix en dollars est descendu de 23% à 6US$ le kilo.

Figure 35. Distribution des captures d’espadons par les palangriers dans le Pacifique Sud, 1995-2010, par carrés de 5°, par type de pêcherie : flottes espagnole (vert), asiatiques (jaune), et domestiques (orange).

Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique

Figure 36. Captures d’espadon dans le Pacifique occidental et central, par pêcherie : flottes asiatiques (jaune), domestiques du Pacifique (orange), espagnole (vert).

Source : Secrétariat de la Communauté du Pacifique

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2.2. ÉVOLUTION GENERALE DE LA FLOTTE DE PECHE HAUTURIERE EN POLYNESIE FRANÇAISE

La Polynésie française a accordé l’accès à sa ZEE aux flottilles japonaises et coréennes en 1988 (65 palangriers). A partir de 1992, seuls les coréens ont continué à venir dans la ZEE, essentiellement autour des Marquises, et ciblaient le thon obèse. Ces accords de pêche ont cessé en 2000, et donc depuis 15 ans seuls les bateaux immatriculés à Papeete ont le droit de pêcher dans les eaux territoriales.

LES THONIERS DE LA FLOTTE PALANGRIERE POLYNESIENNE

La pêcherie palangrière polynésienne s’est développée à partir des années 1990, essentiellement par la conversion de capitaines de bonitiers à l’utilisation de la palangre de profondeur. Cette conversion a suivi une série d’essais à bord de bateaux « école », de formations organisées notamment à Hawaii pour 6 capitaines de bonitiers, et d’un appui financier pour acquérir et équiper des thoniers palangriers. Compte tenu de leur abondance autour de Tahiti, et du marché polynésien, la pêcherie s’est orientée surtout sur le germon. La flotte de thoniers polynésienne comporte trois types de bateaux : • Les thoniers de pêche fraîche, construits

en polyester ou en aluminium, de 13 à 23 mètres

o Equipage : 4 à 8 marins et 1 capitaine ;

o Durée des marées : 4 à 15 jours ;

o Conservation : réfrigération sur glace paillette (la glace est embarquée avant la marée et/ou produite à bord par une machine à glace pour les navires qui en sont équipés) ;

o Capacité cales : 4 à 8 tonnes (plus de 90% des navires sont équipés de système de réfrigération) ;

o Capacité de pêche : 1845 hameçons par lâcher en moyenne (1200 à 2500) ;

o Navire travaillant conformément aux Bonnes Pratiques d’Hygiène (BPH).

• Les thoniers congélateurs, généralement en acier, de 21 à 33 mètres ;

o Equipage : 8 à 9 personnes (1 capitaine, 1 mécanicien, 1 chef de pont, 1 fileteur (chef d’usine) et 4 à 5 marins ;

o Durée des marées : 20 à 60 jours ;

o Conservation : congélation par deux tunnels de congélation à -35°C ou -40°C (un tunnel d’une capacité de 1.8 tonnes par jour pour le poisson entier, le second d’une capacité de 0,8 tonne par jour pour les longes) ;

o Capacité de cale à -20/-25°C : 100 m3 soit 50 T de filets ;

o Travail du poisson : salle de filetage agréée ;

o Navires agréés aux normes européennes et HACCP ;

o A la fin de chaque campagne, ces navires réservent les 4 à 5 derniers lâchers à la pêche fraîche : le poisson capturé est conservé entier pour être vendu en frais (sur glace ou saumure).

• Les thoniers mixtes, de 21 mètres, équipés pour pratiquer deux types de pêche : frais et congelé, mis en exploitation pour la première fois en 2002. Ces thoniers peuvent conserver leurs prises en congelé ou en frais, sur glace ou viviers de saumure réfrigérée.

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Figure 37. Evolution de la flotte de pêche hauturière polynésienne, 1990 – 2013.

Source : Direction des Ressources Marines, 2013. Sur la figure ci-dessus on peut observer que le développement rapide des années 1992-1994 a été suivi d’une augmentation plus lente du nombre de thoniers de 1995 à 2002, avec en parallèle le déclin progressif des bonitiers. Une reprise ambitieuse de l’armement de nouveaux thoniers dans les années 2003 et 2004 a été stimulée par la défiscalisation locale et métropolitaine, et la création de Tahiti Nui Rava’ai (TNR), une Société d’Economie Mixte créée en 2000 pour faciliter le financement de nouveaux thoniers. Malheureusement les capacités humaines n’ont pas suivi : trop peu de capitaines, trop peu de marins, et trop peu de formation professionnelle ont conduit à une impasse technique d’abord, puis financière lorsque les rendements ont chuté à partir de 2004. Alors que les armateurs ayant bénéficié de subventions n’arrivaient pas à payer leurs crédits, la Pays s’est substitué à eux en devenant propriétaire des bateaux, avec la SEM Tahiti Nui Rava’i, et en les confiant aux armateurs en leasing. Le Pays a dû financer les déficits successifs de TNR par des « subventions d’équilibre » extrêmement lourdes. En 2006, pour faire face aux exigences de la défiscalisation métropolitaine (il fallait que les navires en défiscalisation soient actifs à la pêche, sous peine de rembourser toutes les aides), le Pays s’est substitué totalement aux armateurs défaillants en devenant lui-même armateur en créant la société Avai’a, qui exploite encore une dizaine

de bateaux. Il est prévu que tous les navires encore détenus par la société Avai’a seront cédés en 2015, puis que Tahiti Nui Rava’ai sera démantelé en 2023, en principe à l’expiration des dernières échéances dues. Le nombre de thoniers « actifs » a commencé à décliner dès 2005 (72 navires), pour se stabiliser en 2007 au niveau où il se trouve aujourd’hui (65 navires). Depuis 2006, l’activité de pêche thonière polynésienne est restée très stable : entre 60 et 70 navires actifs, qui font en moyenne 15 sorties (« marées ») de 13 jours de mer par an, au cours desquelles la palangre est posée 9 fois (« lâchers »). Le seul facteur qui a varié significativement depuis 2006 est le nombre moyen d’hameçons par lâcher : de 2,333 hameçons en moyenne en 2006, il est régulièrement descendu, jusqu’à 1,951 hameçons par lâcher en moyenne en 2013. En 2014, 65 thoniers sont actifs, dont 36 thoniers de pêche fraîche, et 29 thoniers mixtes et congélateurs. Un armateur a cette année racheté 6 thoniers mixtes et congélateurs qui étaient à l’arrêt, qu’il va petit à petit remettre à la pêche. La flottille de pêche palangrière vieillit, puisque presque tous les thoniers dépassent 10 ans d’âge. La question du remplacement des unités les plus anciennes va se poser avec plus d’acuité dans les années qui viennent, dans un contexte où

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l’Etat français est peu enclin à accorder des défiscalisations : le bilan économique et financier de la défiscalisation des palangriers dans les années 2000 à 2004 est considéré comme négatif par le Ministère des Finances, qui maintenant exige des garanties, notamment sous forme de plan de développement de la filière. Les thoniers en activité sont pour la plupart des modèles peu adaptés à la pêche palangrière particulière de la Polynésie : les bateaux sont peu hydrodynamiques et peu efficients en énergie, leur consommation de gasoil est supérieure à ce que des bateaux plus modernes (en forme de carène, matériau de construction, mécanisation, technologies froid) peuvent maintenant offrir.

LES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES Au démarrage de l’activité des palangriers, dans les années 1990, deux structures coopératives avaient été mises en place, pour aider les armateurs à gérer leurs navires et leurs affaires : la plupart d’entre eux étaient des capitaines de bonitiers, qui n’avaient en général pas reçu les formations nécessaires à la gestion d’une entreprise de pêche. L’Armement Coopératif Polynésien (ACP), puis l’Armement Coopératif des Pêcheries Polynésiennes (AC2P), qui proposaient des services comptables et de gestion, n’ont pas fonctionné comme attendu lors de leur constitution. Aujourd’hui, les 22 armateurs identifiés sur le port de Papeete se partagent 71 palangriers, dont 65 actifs. Les 5 principaux armateurs (en excluant la société détenue par le Pays Avai’a, qui cherche à vendre ses bateaux) détiennent 50% de la flottille, et ce mouvement de concentration est amené à se renforcer dans les années qui viennent, soit par achat de thoniers mis en vente, soit par construction de nouveaux navires.

L’organisation professionnelle principale des armateurs de thoniers est « l’Organisation des Producteurs » (O.P.), qui rassemble la plupart des propriétaires de thoniers (46 navires sur 71). Les armateurs qui ne sont pas membres de l’O.P. sont en général membres d’un des trois syndicats de pêcheurs historiques de Polynésie française : le Syndicat des Pêcheurs Professionnels Polynésiens, le Syndicat des Armateurs, Pêcheurs Professionnels Hauturiers, Côtiers et Lagonaires (Rava’ai Rau), et le Syndicat des Pêches Professionnelles de Haute Mer.

LE PORT DE PECHE DE PAPEETE La société d’économie mixte du Port de Pêche de Papeete, dite S3P, a pour missions de gérer le marché d’intérêt territorial des produits de la mer du Port de pêche de Papeete, d’exploiter l’ensemble mobilier et immobilier que constitue le Port de pêche ainsi que les installations frigorifiques situées dans l’enceinte de l’aéroport de Tahiti-Faa’a. La S3P fournit des services essentiels comme la criée, la maintenance des installations frigorifiques, la production de glace, le traitement des huiles usées, et des déchets de poisson. Elle bénéficie de subventions d’équilibre du Pays, dont la réduction va inévitablement conduire à des augmentations de ses tarifs. Le développement du Port de Pêche de Papeete a été une réalisation majeure du début des années 2000. Les armateurs et les mareyeurs demandent maintenant davantage d’espace pour construire des chambres froides et des espaces de traitement du poisson.

2.3. ÉVOLUTION DU CADRE POLITIQUE, LEGAL ET REGLEMENTAIRE

L’environnement politique, légal et réglementaire de la pêche thonière en Polynésie française comporte des dimensions internationales, nationales et locales.

L’ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET JURIDIQUE INTERNATIONAL

La Polynésie française est un « Territoire participant » de la Commission thonière pour le Pacifique Occidental et Central, créée en 2004. A ce titre, les agents du Pays sont

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invités à participer, chaque année, aux débats de la Commission (WCPFC, en décembre), et ses deux organes subsidiaires, le Comité Scientifique (SC, en août) et le Comité Technique et de Conformité (TCC, en septembre). La Commission s’appuie sur les rapports scientifiques (principalement de la CPS) pour suivre l’état des stocks de thons et de grands pélagiques dans le Pacifique, puis prend des « mesures de conservation et de gestion » (CMM), uniquement à l’unanimité des membres, qui s’appliquent à sa zone de compétence (WCPFC-CA). Aujourd’hui, aucune mesure limitant les droits de pêche dans le Pacifique n’est applicable à la Polynésie française, au nom des clauses de sauvegarde qui protège les intérêts des pêcheries nationales des petits pays insulaires en développement. Contrairement à ce qu’on entend souvent, aucun quota n’est imposé à la pêcherie palangrière de Polynésie française. La France est membre de la Commission Interaméricaine du Thon Tropical (IATTC), qui gère les stocks de la région est du Pacifique, au titre de ses territoires (Clipperton et Polynésie française). La Polynésie française participe aux réunions de la commission au sein de la délégation française. Les deux commissions (ouest-centre, et est) coopèrent étroitement (depuis les cinq dernières années), tant au niveau du suivi scientifique des stocks, que des échanges d’informations sur les captures, l’enregistrement des navires de pêche, et la lutte contre la pêche illicite, non réglementée et non déclarée. La ZEE de la Polynésie française s’étend en partie sur chacune des zones de compétence des deux commissions (Figure 1). Elle est donc amenée à donner son avis et à respecter les mesures prises par chacune des deux commissions. Pratiquement, comme c’est la WCPFC qui gère le stock de germon pour les deux commissions, et que le germon est la seule espèce qui est ciblée par les palangriers polynésiens, ce sont les mesures prises par la WCPFC qui nous intéressent le plus. L’Agence des Pêches du Forum des Îles du Pacifique (FFA), créée en 1979, renforce les capacités nationales et la solidarité régionale pour que ses 17 membres puissent gérer, contrôler et développer leurs pêcheries de thons maintenant et dans le futur. La FFA est basée à Honiara aux Îles Salomon, et ses membres sont : Australie, Îles Cook, Etats Fédérés de Micronésie, Fiji, Kiribati, Îles Marshall, Nauru, Nouvelle Zélande, Niue,

Palaos, Papouasie Nouvelle Guinée, Samoa, Îles Salomon, Tokelau, Tonga, Tuvalu et Vanuatu. En octobre 2014, inquiets de la difficulté croissante de leurs pêcheries nationales à faire face au rendement décroissant des captures de germon, la plupart des pays membres de la FFA ont adopté « l’arrangement de Tokelau » pour la gestion de la pêcherie du germon du Pacifique Sud, qui prévoit de limiter les captures sur l’ensemble du Pacifique en adoptant un système de quotas par pays membre (et territoires associés) dans chacune de leurs ZEE, associé à un système de quotas s’appliquant aux pêcheries des nations distantes qui pêchent dans les eaux internationales du Pacifique. Le quota pour les pays développés membres de la WCPFC et de l’IATTC pêchant dans les eaux internationales serait déterminé selon la moyenne de leurs captures passées sur une période de référence, alors que le quotas pour les pays et territoires du Pacifique serait fixé sur la base de leur meilleure année de pêche sur la même période, avec un minimum de 2,500 tonnes par pays. Cet arrangement n’a pas été adopté par la WCPFC lors de sa réunion de décembre 2014. S’il venait à être mis en œuvre dans les années à venir, il aurait pour conséquence de plafonner les captures de germon par la pêcherie polynésienne dans sa ZEE à 4,155 tonnes de germon, ce qui est le maximum capturé en un an entre 2001 et 2012. Du 1er au 5 décembre 2014, s’est tenue la 11e séance plénière de la WCPFC (commission thonière du Pacifique Centre et ouest) à Samoa. Plus de 600 gestionnaires des pêches, professionnels de la mer ou organisations non gouvernementales (ONG) y ont participé, dont deux représentants de la Polynésie française. Le renforcement des mesures de gestion concernant le thon blanc et les thons tropicaux (thon obèse, thon à nageoires jaunes et bonite) était très attendu mais n’a pas eu lieu, car les pays participants n’ont pas trouvé de consensus.

LE CONTEXTE POLITIQUE ET LEGAL EN POLYNESIE FRANÇAISE

Les ressources de la ZEE de Polynésie française sont administrées par le gouvernement de Polynésie française, tandis que les activités de surveillance des pêcheries hauturières et de protection des frontières sont de la compétence de l’État. Depuis 2000, l’accès à la ZEE pour la pêche est réservé aux navires immatriculés à Papeete. Un navire ne peut être immatriculé à Papeete (ou n’importe

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où en France, c’est le pavillon qui importe) que s’il est la propriété à 51% au moins d’un citoyen français ou d’une société de droit français dont les actionnaires sont en majorité des français. L’armement (équipements et normes de sécurité et de confort) des navires de pêche est soumis aux législations française et européenne, tandis que leur équipage est soumis aux règles du droit du travail de Polynésie française. En France métropolitaine, au moins 20% de l’équipage des navires de pêche doivent être de nationalité française. En Polynésie française, un armateur n’est pas autorisé à employer des marins étrangers, et s’il bénéficie d’une dérogation, il n’est pas autorisé à payer un tel marin différemment des marins polynésiens. Un « statut du marin », applicable à tous les marins embarqués sur les bateaux de pêche, a été introduit en 2012 pour tous les navires de pêche immatriculés en Polynésie française. Les marins-pêcheurs bénéficient d’une assurance médicale et d’une retraite, tout en restant payés « à la part ». Les cotisations qui étaient prises en charge à 100% par le Pays la première année (en 2012), sont chaque année de 10% en plus à la charge des armateurs. Après les plans de développement de la pêche thonière en 1990, puis en 2000, et plusieurs années d’intervention importante du Pays pour soutenir le développement de la filière, et renflouer les investisseurs défaillants, l’heure semble être à un certain retrait des interventions publiques. Un projet de formulation d’une politique publique de gestion des ressources marines, démarré en 2012, et près d’aboutir en 2014, a finalement été mis en attente (ou abandonné ?). Le Ministre du développement des activités du secteur primaire déclarait le 10 décembre 2014 à l’APF : « Dans le secteur de la pêche, on va laisser œuvrer le privé ».

REGLEMENTATION ENVIRONNEMENTALE En Polynésie française, les baleines, les dauphins et les tortues sont des espèces totalement protégées, et il est formellement interdit aux bateaux de pêche de transporter des ailerons de requins. Les requins qui sont pris dans les lignes de pêche doivent être relâchés si possible vivants à l’océan : en 2013, on estime que 309 tonnes de requin mako (Isurus oxyrinchus) et 15 tonnes d’autres espèces de requins ont été rejetés vivants à la

mer. Des réglementations strictes encadrent également la manière dont les navires disposent de leurs huiles usagées, et la manière dont la pêcherie peut disposer des déchets de poissons et autres.

AIDES PUBLIQUES AU SECTEUR DE LA PECHE

Outre la prise en charge des cotisations sociales des marins-pêcheurs par le Pays, qui est prévue diminuer d’une tranche de 10% chaque année pendant 10 ans, donc s’éteindre en 2022, les aides au secteur de la pêche sont aujourd’hui les suivantes :

• Aide à l’investissement : normalement les armateurs qui souhaitent acquérir un nouveau navire sont éligibles à la défiscalisation métropolitaine (30%) et à la défiscalisation locale (30%) ; ces avantages ne sont cependant pas accordés automatiquement, des commissions décident d’attribuer la défiscalisation ; en ce qui concerne la défiscalisation métropolitaine, le Ministère des Finances a fait savoir qu’une politique de développement de la pêche polynésienne devrait justifier clairement la nature et la quantité des investissements nécessaires, afin de s’assurer de la cohérence des choix d’investissement.

• Aide à l’achat de matériel d’armement etc. : Le Fonds d’Investissement à la Mer (FIM) aide à l’achat de matériel de sécurité, de moteurs neufs, sous présentation de facture acquittée après validation d’une commission.

• Dans le cadre du Dispositif d’Aide et de Soutien à la Pêche (DASP), la Pays verse une aide à la fourniture de glace : à fin 2014, une subvention de 3FCFP/kg, ce qui permet aux armateurs de payer la glace en paillettes 7FCFP au lieu de 10FCFP/kg.

• Aides à l’exploitation : le Pays subventionne le prix du gasoil pour les pêcheurs de 40 XPF par litre.

• Aide à l’exportation : le Pays subventionne l’exportation de poisson frais par avion, en prenant en charge 80 XPF par kilo (environ 50%) du coût de transport avion vers les Etats-Unis, et 140 XPF par kilo (environ 30%) du coût de transport vers l’Europe.

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2.4. ÉVOLUTION DES TECHNIQUES DE PECHE ET FORMATION DES PECHEURS

TECHNIQUES DE PECHE Les techniques de pêche ont peu évolué sur les thoniers palangriers depuis 20 ans, les lignes sont maintenant toutes en monofilament, les formes d’hameçons et les appâts sont standard, seules les choix de profondeur de pose de la ligne peuvent varier en fonction des choix du capitaine. Les bateaux de pêche fraîche embarquent en général un capitaine et 4 marins, le capitaine faisant office de mécanicien. La figure ci-dessous traduit bien l’histoire de la pêcherie polynésienne : entre 1996 et 2007, les armateurs et mareyeurs ont tenté de produire et vendre des produits « congelé

bord », poissons entiers, puis filets entiers, avec un certain succès entre 1999 et 2002, puis de plus en plus difficilement, du fait des faibles rendements de pêche d’une part, et de la difficulté de commercialiser d’autre part. Les thoniers congélateurs et mixtes totalisent un peu plus de 40% des captures de la flotte mais l’essentiel de leurs captures (97 %) sont en fait débarquées fraîches, les prises débarquées congelées (186 t) ne représentent ainsi que 3 % de l’ensemble des prises de la flotte palangrière. Seulement 5 navires ont congelé au moins une partie de leurs captures pour un total de 18 marées. L’année 2013 confirme ainsi la désaffection de ce type de conditionnement qui est pratiquement retombé à son niveau historique le plus bas.

Figure 38. Part des captures débarquées par les palangriers polynésiens congelé / frais, 1992 - 2013

Source : Direction des Ressources Marines Les raisons qui ont conduit à l’abandon de la congélation bord sont multiples, mais toutes incluent une dimension ayant un impact significatif sur le coût d’exploitation, dans un environnement international très compétitif :

• Les marins polynésiens ne souhaitent pas partir en mer pour des campagnes longues (supérieures à 2 semaines), et la seule raison d’être d’un bateau de pêche congélateur est sa capacité à

aller chercher le poisson loin du port, et suivre les concentrations de poissons sur de longues distances ;

• Les marins polynésiens coûtent relativement plus cher aux armateurs polynésiens que les marins asiatiques ne coûtent aux armateurs étrangers, ce qui rend la pêche polynésienne peu compétitive en termes de coût

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d’exploitation avec les autres pêcheries ;

• La bonne manière d’utiliser un palangrier congélateur est de suivre les concentrations de poisson là où elles se déplacent, y compris en dehors de la ZEE, mais la plupart des capitaines polynésiens n’ont pas les qualifications requises pour naviguer dans les eaux internationales, et les bateaux ne sont pas armés en 1ère catégorie ;

• Enfin, les flottes étrangères pêchent « en flottille », c’est-à-dire que quelques bateaux vont chercher les concentrations de poisson, puis appellent tous les bateaux de la flottille à les rejoindre quand ils ont trouvé le poisson ; en Polynésie, en partie à cause du système de paiement « à la part », chaque capitaine est traditionnellement maître de ses choix de déplacement et de lâcher.

Les pays asiatiques ont développé un outil de pêche, les palangriers surgélateurs (navires de 40m et plus), destinés à la pêche aux thons obèses ; le coût élevé de la surgélation à bord (tunnel à – 60°C, puis conservation à – 55°C), en zone tropicale, réserve cette technique aux thons obèses, espèce à forte valeur pour le marché du sashimi. Des armateurs polynésiens seraient intéressés à armer de telles unités en Polynésie, en association avec des investisseurs étrangers. Si des investisseurs veulent armer des grands palangriers surgélateurs en Polynésie, il faudra cependant trouver des solutions au coût élevé des charges salariales des marins polynésiens, et à leur réticence à s’engager pour de longues campagnes de pêche (les palangriers hawaiiens emploient des marins philippins, et les espagnols des marins indonésiens : est-ce une bonne référence ?)

FORMATION DES PECHEURS L’Institut de formation maritime – pêche et commerce (IFM-PC) est devenu le Centre des Métiers de la Mer de Polynésie Française (CMMPF) en juin 2014. Placé sous la tutelle du Ministère du Travail et de la Formation Professionnelle, le CMMPF prépare, en formation initiale et continue, aux qualifications professionnelles suivantes :

• Capitaine 200 • Certificat d'initiation nautique • Chef de quart 500 • Lieutenant de pêche • Mécanicien 750 kW • Mécanicien de quart à la machine • Matelot de quart à la passerelle • Permis de conduire les moteurs

marins En 2013, 9 sessions de formations ont été dispensées en formation initiale avec un taux de réussite aux examens de 96 %, et 67 sessions ont été organisées en formation continue pour un public de 635 stagiaires, avec un taux de réussite de 98%. Les formations du CMMPF conduisent à des diplômes qualifiants reconnus nationalement et internationalement. Pour accéder aux qualifications de capitaine « au long cours », qui permettent de naviguer au-delà de la zone des 200 milles, les capitaines locaux devraient s’engager sur des navires de long cours pendant deux ans, ce qu’en général ils ne souhaitent pas. Depuis 2002, il n’y a pas eu de formations à la pêche hauturière au Centre des Métiers de la Mer, qui est plus orienté « marine marchande ». Le « Fare Tautai », devenu une annexe du service formation de la Chambre de Commerce, d’Industrie, des Services et des Métiers (CCISM – Service Formation), dispense des formations professionnelles de base pour les marins-pêcheurs. Les formations à la pêche sont loin d’assurer la nécessaire amélioration des qualifications (pour les capitaines, mais aussi, en mécaniciens et frigoristes embarqués) qui permettrait un développement significatif du secteur de la pêche thonière. Les armateurs sont demandeurs d’un effort supplémentaire du Pays à cet égard.

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2.5. EFFORTS DE PECHE, RENDEMENTS ET CAPTURES

La pêcherie thonière polynésienne a connu des années fastes à son démarrage dans les années 90, puis des chutes de rendement à la pêche ont modéré les bénéfices, puis contribué à la faillite d’un nombre significatif d’armateurs qui étaient mal préparés à opérer sous des contraintes économiques serrées.

EFFORTS DE PECHE Comme déjà mentionné au-dessus, les efforts de pêche de ces 8 dernières années sont restés très stables, en termes de nombres de

navires, de nombre de jours de mer, de nombre de lâchers. Seuls le nombre d’hameçons mis à l’eau à chaque lâcher a diminué, sans que les prises, elles, en soient réduites : gain de temps, et gain de productivité. La diminution du nombre moyen d’hameçons par lâcher est aussi due à la diminution du nombre de palangriers-congélateurs, qui traditionnellement lâchent des palangres plus longues avec davantage d’hameçons.

Figure 39. Effort de pêche de la flotte palangrière polynésienne, 2006 – 2013

Source: Direction des Ressources Marines, 2014

EVOLUTION ET SAISONNALITE DES RENDEMENTS

La figure ci-dessous montre des variations importantes des rendements à trois périodes : en 1995-1996, en 1999-2000, puis surtout en 2004-2005, les rendements de pêche des palangriers polynésiens ont chuté de manière drastique (on n’a pas d’explication certaine pour ces baisses de rendement), et ont forcé les armateurs à prendre des mesures de gestion de leurs entreprises pour faire face à la soudaine augmentation de leurs coûts de production. La baisse de 2004-2005, de plus, a contribué à faire tomber toute une filière de produits congelés (filets sous vide, steaks de

thon préparés sous vide) qui étaient exportés avec profit. Aujourd’hui les rendements se sont améliorés, mais ils n’ont pas retrouvé les niveaux de 2001-2003, et nul ne peut prédire si on les retrouvera un jour. Depuis 8 ans globalement les rendements de pêche par lâcher sont restés très stables, avec une sensible amélioration des prises par hameçon posé, grâce à une diminution du nombre d’hameçons par lâcher, allant de pair avec une stabilité des captures par lâcher.

0

5

10

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20

25

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Nombre moyen demarées par navire

Nombre moyen dejours de mer parmaréeNombre moyen delâchers par marée

Nombre moyend'hameçons poséspar lâcher x 100

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Figure 40. Evolution des rendements de pêche (global et germon) des palangriers polynésiens, 1993-2013

Source: Direction des Ressources Marines, 2014 Figure 41. Rendements de la pêche thonière polynésienne, 2006 - 2013

Source: Direction des Ressources Marines, 2014

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2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Captures parlâcher(Nombre)

Rendementglobal (Kg/100hameçons)

RendementGERMON(Kg/100hameçons)

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Figure 42. Poids moyen des poissons capturés par les palangriers polynésiens, 2008 – 2013.

Source : Direction des Ressources Marines Les chiffres du graphique ci-dessus tendent à montrer que les pêcheurs polynésiens prennent, en moyenne, de plus grosses pièces d’année en année : est-ce l’abondance des plus grosses pièces qui augmente, ou la capacité des pêcheurs à mieux les cibler ? La variation saisonnière des rendements de pêche peut être très marquée, avec des mois de janvier et février toujours très peu pêcheurs, et juillet étant en général le mois pendant lequel les rendements sont à leur maximum. Mais comme le montre la série de

graphiques ci-dessous, d’autres pics de rendement sont souvent observés en octobre – novembre, et parfois aussi en avril, mai ou juin. Les observations des experts de la CPS, sur les années 1990-2005, tendent à montrer que l’abondance de poissons dans la zone pêchée par les thoniers polynésiens se déplace avec une ligne de température de surface de 28°C, qui expliquerait les variations saisonnières de rendements.

Figure 43. Evolution des rendements de la pêche thonière polynésienne par mois, 2008 - 2013

2013 2012

2011 2010

18.519

19.520

20.521

21.522

22.523

23.5

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Poids moyen par prise (Kg)

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2009 2008

Source: Direction des Ressources Marines

EVOLUTION DES CAPTURES Depuis 2006, dans un contexte de stabilité du nombre de bateaux de pêche, les captures des palangriers ont été remarquablement stables, comme le montre la figure ci-dessous. Les germons représentent environ 60% des prises totales, et les prises des principales espèces dites « accessoires » se décomposent comme indiqué dans la figure ci-dessous. Ces chiffres, ou leur représentation, ne traduisent pas nécessairement la relative abondance des espèces considérées, parce qu’on n’a pas d’information sur le fait qu’elles sont ou non « ciblées » par les palangriers au cours de lâchers spécifiques, pendant des périodes particulières.

La figure 45, de la même façon, représente une situation moyenne de captures sur une période de 10 ans, elle n’est qu’une indication des espèces les plus pêchées aux différentes latitudes dans la ZEE de Polynésie française, sans qu’on sache comment elles ont été ciblées, ni à quelle époque de l’année. D’après les experts de la CPS qui ont fait une étude sur les ressources de la ZEE de Polynésie française en 2006-2007, les pêcheurs polynésiens pourraient augmenter leurs captures jusqu’à 13,000 tonnes sans rencontrer de baisse des rendements. L’étude ne précise pas, cependant, si ces captures devraient se disperser sur l’ensemble de la ZEE ou se concentrer sur les zones actuellement pêchées, autour de Tahiti et au nord des Tuamotu.

Figure 44. Captures totales, et de germon, des palangriers polynésiens, en tonnes, 2006-2013.

Source: Direction des Ressources Marines, 2014

0

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2000

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7000

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

CAPTURESTOTALES(tonnes)

CAPTURESDE GERMON(tonnes)

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Figure 45. Décomposition des captures des palangriers polynésiens, par espèce, en tonnes, 2006-2013.

Source : Direction des Ressources Marines, 2014 Figure 46. Composition spécifique des captures des palangriers polynésiens par latitude, 2004 - 2013.

Source : Direction des Ressources Marines

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2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

THON JAUNE

THON OBESE

MARLINBLEU

THAZARD

SAUMON DESDIEUX

MARLINRAYÉ

MAHI MAHI

ESPADON

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Figure 47. Carte des captures totales des palangriers polynésiens, par carré de 1°, 2013.

Source : Direction des Ressources Marines, 2014 Comme on le voit sur la carte de distribution spatiale des captures ci-dessus, la pêche palangrière est relativement concentrée, dans une zone se situant autour de Tahiti (Tahiti se trouve au centre du plus gros cercle), et s’étendant vers le nord des Tuamotu, et vers l’est autour de la latitude 15°S. Cette zone de pêche occupe environ 40% de la ZEE de la Polynésie française. Les thoniers mixtes et congélateurs, en orange sur la carte, tendent à aller sur des zones de pêche plus éloignées, sans toutefois s’éloigner à plus de deux ou trois jours de mer de leur base. Ce schéma de fréquentation n’est pas le

signe d’une plus grande abondance de poissons dans cette zone que dans d’autres parties de la ZEE, il n’est que le reflet de la capacité de la flotte de pêche, et de la commercialisation : la pêcherie polynésienne est une pêcherie de germon frais, avec des bateaux qui naviguent à des vitesses de 5 et 8 nœuds, et un unique port de débarquement des prises à Papeete. Depuis 8 ans, malgré les variations des conditions climatiques, ce schéma de fréquentation est resté très stable, de même que les marchés et la flotte sont restés assez stables.

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2.6. ÉVOLUTION DE LA COMMERCIALISATION La problématique du secteur de la pêche palangrière est complexe, et le retour des bons rendements en thon blanc n’a pas résolu les difficultés de la filière. En effet, l’augmentation des débarquements pose des problèmes de commercialisation. Le marché doit faire face à des engorgements épisodiques car les bateaux concentrent bien souvent leurs arrivées. Cette situation joue sur les prix du poisson qui fluctuent d’un jour à l’autre en fonction des capacités des mareyeurs à écouler le produit. Tout le poisson capturé par la pêcherie palangrière polynésienne est débarqué au port de pêche de Papeete, puis commercialisé par les mareyeurs qui l’achètent aux armateurs de gré à gré ou à la criée. Et de plus en plus, les armateurs et les mareyeurs (certains mareyeurs sont aussi armateurs) s’accordent pour organiser les débarquements de manière étagée (de plus le quai de débarquement n’est pas extensible, donc les capitaines ont intérêt à réserver et respecter leur jour d’arrivée). Les prix se font également de moins en moins à la criée (qui représente environ 7% des échanges), et de plus en plus de gré à gré entre armateurs et mareyeurs. La concentration des entreprises du secteur, à moyen terme, va aider à une régulation accrue, avant que des problèmes de monopole ne viennent modifier cet équilibre. Les mareyeurs, à leur tour, revendent le poisson :

• soit localement à des distributeurs (poissonniers, magasins d’alimentation ou grandes surfaces) ou à des clients particuliers (collectivités, restaurateurs, transformateurs),

• soit à l’exportation à des clients en grande majorité américains ou français.

Ces dernières années, l’essentiel de la production est constituée de thon germon frais, donc les expéditions de congelé sont devenues exceptionnelles, mais le marché des produits congelés, dans le passé, était assez diversifié :

• thons entiers ou filets congelés pour les conserveries (PagoPago, aux Samoa Américaines, est restée un centre important de conserverie) ;

• filets et steaks de thon déjà sous plastique pour la vente en magasin, en général achetés par les grandes chaînes de distribution en Europe ou aux Etats-Unis.

LE MARCHE LOCAL Le marché local est bien connu des mareyeurs, il plafonne à environ 5,000 tonnes de produits par an, et absorbe toute la production débarquée (thons, espadons, marlins, thazards, mahimahi, saumons des dieux, papio, etc.) à des prix soutenus. Comme l’élasticité de la demande par rapport au prix est relativement importante, la baisse des prix permet d’écouler un surplus, au détriment du rendement économique de la pêcherie. Il n’y a que très peu d’opportunités d’accumuler des surplus, la transformation (poisson fumé essentiellement) étant marginale. En l’absence d’un marché d’exportation de produits transformés sur place (problème de prix des produits manufacturés à Tahiti), l’extension significative du marché local ne peut résulter que d’une augmentation significative de la population résidente. Comme la démographie a plutôt tendance à stagner, l’augmentation du marché local ne peut venir que du développement du tourisme, encore incertain.

LES EXPORTATIONS Vu la saturation du marché local, la dynamique de développement de la filière passe donc par l’exportation. Les mareyeurs qui souhaitent développer leur activité se tournent donc vers les marchés extérieurs. Et la seule espèce dont ils peuvent disposer de quantités significatives, à peu près toute l’année, même s’il y a des mois « creux », est le germon. La valeur assez faible du germon congelé sur le marché mondial en fait un produit pratiquement impossible à exporter avec profit depuis Tahiti, du fait des coûts de production élevés de la pêcherie tahitienne. Reste donc le germon frais, qui peut s’exporter par avion en Europe et aux Etats-Unis, grâce à des prix soutenus et à l’aide du Pays à l’exportation (sans cette aide, il n’est pas évident que les prix de vente aux acheteurs américains et européens permettent de maintenir un flux d’exportation rentable).

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Figure 48. Exportations de poissons, en poids et en valeur, 1996 – 2013.

Source: Institut de la statistique de Polynésie française (ISPF) - Service des douanes Le graphique ci-dessus comporte les exportations de tous les types de poissons, y compris les poissons d’aquarium et les holothuries (« rori »), mais ces deux derniers postes, en volume comme en valeur, sont négligeables. Dans ce graphique, on voit qu’une période de fortes exportations en 2000-2002 a été suivie par une période de perte de marchés (correspondant aussi à la période de baisse des rendements), jusqu’en 2009, puis une période de reprise plus modeste des exportations jusqu‘au pic de 2012, interrompue en 2013. Après une année 2012 record tant en volume exporté qu’en recettes dégagées, l’année 2013 apparait plus modérée. La valeur des exportations de poissons s’élève à 1,1 milliard de F.CFP, soit 31 % de moins qu’en 2012 avec des volumes en recul de 26 % (1 300 tonnes en 2013) et un prix moyen au kilo en baisse de 7 %. L’année 2013 reste néanmoins une très bonne année par rapport à la moyenne des dix dernières années (580 millions de F.CFP). La quasi-totalité des exportations se fait à destination des Etats-Unis et de la France. Les Etats-Unis demeurent les principaux importateurs de poissons polynésiens (70 % des recettes) pour un montant de 766 millions de F.CFP, en recul de 14 % par rapport à 2012. Ils achètent 95 % du volume des poissons entiers frais (75 % des exports de poissons polynésiens). La France achète pour 256 millions de F.CFP en 2013, soit une diminution de 5 % par rapport à 2012 et un tonnage en retrait de 11 %. Les acheteurs français s’orientent principalement vers les filets et chairs de poissons (70 % du volume de ces produits)

Les poissons entiers congelés ne représentent plus que 4 % du tonnage total, envoyé essentiellement aux Samoa américaines. Les exportateurs de frais sont confiants que dans l’avenir ils seront capables d’augmenter leurs exportations : la demande est là, il ne manque que le poisson. En augmentant les captures par paliers, il est possible d’augmenter parallèlement les ventes à l’export, la limite à l’export étant la limite des captures de la pêche en frais. Les exportations sont difficiles, même si les marchés ont été relancés, depuis 4 ans, avec succès aux Etats-Unis et en France. Le thon frais est un produit rapidement périssable, et les marchés d’export ne sont pas la « variable d’ajustement » lorsque la production excède la demande locale : bien au contraire, il faut que les exportateurs soient capables d’assurer des livraisons régulières, sur un rythme convenu à l’avance avec les acheteurs étrangers, quelque soient les niveaux de capture et de consommation locale. Un des aspects du marché est celui de la qualité de la chair du germon : selon son âge (et donc sa taille, et donc les zones de pêche qui ne sont pas les mêmes), la chair du germon est plus ou moins riche en graisse : de 2% pour les germons pêchés en hiver au nord des Tuamotu (c’est la qualité « rose » préférée des polynésiens), à 7% pour les germons pêchés à l’est des Gambier en été (la bonne mesure pour les conserveries), et jusqu’à 25% pour les germons plus âgés pêchés au sud de la latitude 20°S (cette qualité est appréciée par les consommateurs asiatiques).

0200400600800

10001200140016001800200022002400

Poids(tonnes)

Valeur(MillionsXPF)

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Figure 49. Exportations de poissons, par type de poissons, et par pays destinataires, 2008 – 2013.

Source : Institut de la statistique de Polynésie française (ISPF) - Service des douanes, 2014

L’ÉCOLABEL « MARINE STEWARDSHIP COUNCIL » (MSC)

Une des évolutions remarquables du marché du poisson dans les pays occidentaux est la sensibilité des consommateurs à la qualité « écologiquement et socialement responsable » de la filière de production du poisson qu’ils achètent. Cette évolution s’est traduite, pratiquement, par l’émergence d’un label mondial qui s’applique aux produits de la mer, mis en œuvre par le Marine Stewardship Council. Le programme du MSC est le seul programme internationalement reconnu de certification et d’écolabellisation des produits de la mer. La certification MSC résulte d’une démarche volontaire de la part des pêcheries et leur donne un moyen de prouver qu’elles sont durables et bien gérées, quelque soient leur taille, leur type ou leur localisation. Une « pêcherie » du programme MSC peut être constituée d'une ou plusieurs « unités de certification », définies selon 3 critères :

• Espèces cibles et stock ; • Zone géographique de pêche ; • Méthode, matériel, pratique et/ou type

de bateau de pêche.

Les unités de certification d'une pêcherie indiquent exactement ce qui est évalué. Le Référentiel environnemental du MSC permet de montrer qu’une pêcherie est durable et bien gérée. Il a été créé suite aux différentes consultations avec l'industrie de la pêche, les scientifiques et les organisations

environnementales. Seuls les produits de la mer issus de pêcheries certifiées peuvent porter le label MSC. Cette certification étant volontaire, c’est à la pêcherie polynésienne de faire la demande et les démarches nécessaires à l’écocertification. Chaque pêcherie doit prouver qu’elle répond aux 3 principes fondamentaux du MSC. Pour déterminer si chaque principe est respecté, le Référentiel environnemental du MSC comprend 28 indicateurs de performance. Ils sont étudiés et notés par des organismes de certification indépendants qui évaluent les pêcheries. Pour être certifiée MSC, une pêcherie doit d’abord sélectionner l’organisme de certification qui va mener l’évaluation selon le Référentiel environnemental du MSC. Ce processus implique une pré-évaluation de la pêcherie, une évaluation complète et un audit annuel de surveillance pour vérifier la conformité aux exigences de certification du MSC. Lors d'une évaluation, l’organisme de certification utilise les exigences de certification du MSC. Elles définissent le processus et la méthodologie pour certifier une pêcherie. Le Référentiel est fondé sur les 3 principes fondamentaux (voir graphique ci-dessus). Les principales étapes de la certification MSC sont :

• Pré-évaluation • Évaluation complète • Certification (dure jusqu'à 5 ans) • Audits annuels • Re-certification

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Coût et durée de l’évaluation Le temps et la durée de l’évaluation peuvent varier en fonction de la pêcherie. Il vaut mieux en parler en amont à un représentant MSC qui pourra conseiller et aider à comprendre l'ensemble des informations disponibles. Les évaluations sont réalisées par des organismes de certification (OC) indépendants qui facturent leurs prestations selon leurs tarifs. Il est recommandé de demander plusieurs devis et de prendre en compte l'expérience de l’OC par rapport à la région, au type d’engins et aux espèces concernées, ainsi que leur tarif. Chaque étape clé de la certification MSC a un coût, mais on peut avoir des subventions. En comptant toutes les étapes, le processus peut

durer plusieurs années et peut constituer une expérience très enrichissante pour comprendre comment la pêcherie peut respecter les meilleurs critères environnementaux pour la pêche sauvage. Plusieurs pêcheries de germon ont déjà obtenu l’écocertification MSC dans le monde, dont Fiji, qui est également une pêcherie de palangriers ciblant le thon germon. La DRMM a déjà obtenu la pré-évaluation, et a lancé un appel à candidatures auprès de 5 organismes certificateurs pour obtenir un audit complet pour la certification. En 2015, le choix d’un organisme certificateur sera fait, et la procédure de certification lancée.

2.7 PECHE DURABLE ET PLAN DE GESTION Un des éléments de l’écocertification est l’élaboration d’un plan de gestion de la pêcherie. D’autre part, une des exigences du Ministère français de l’Economie et des Finances pour accorder de nouveau des défiscalisations aux armateurs polynésiens semble être l’établissement d’un programme de développement de la pêche palangrière en Polynésie française. Un tel plan de développement devra évidemment être accompagné d’un plan de gestion de la ressource. Un tel plan de gestion dépendra directement des choix de développement de la pêche hauturière en Polynésie française :

• quels poissons seront ciblés dans les années à venir, pour quels marchés ?

• avec quels bateaux et quelles techniques les pêcheurs vont-ils les chercher ?

• dans quelles zones de la ZEE les pêcheurs vont-ils aller les capturer ?

Ces 3 questions sont l’objet de l’analyse qui est menée par le Pays (Ministère du développement des activités du secteur primaire), mais aussi par le Cluster maritime de Polynésie française, et par l’Organisation des Producteurs (les armateurs). Dans la partie suivante, nous tentons de proposer des recommandations pour l’élaboration d’un tel plan de gestion.

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QUELLES STRATÉGIES POUR LE DÉVELOPPEMENTDE LA PÊCHE HAUTURIÈRE DURABLE ET LACONSERVATION EN POLYNÉSIE FRANÇAISE ?

© Fadio/IRD-Ifremer/Marc Taquet

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3. QUELLES STRATÉGIES POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA PÊCHE HAUTURIÈRE DURABLE ET LA CONSERVATION EN POLYNÉSIE FRANÇAISE ?

L’analyse de l’état des stocks et de l’historique de la pêche hauturière nous permet d’émettre des recommandations que l’on espère sensées et réalistes pour l’élaboration d’une stratégie de pêche durable et de conservation en Polynésie française. Les résultats de cette analyse ont été complétés par une consultation des professionnels de la pêche pour approfondir la compréhension des enjeux de développement du secteur et les perceptions des acteurs. Deux ateliers organisés par le Cluster Maritime de Polynésie Française et l’Organisation des Professionnels Armateurs :

• le 30 Janvier 2015, sur le thème de l’avenir de la pêche hauturière ;

• le 13 février 2015, sur le thème de la conservation des ressources pélagiques.

Chacun de ces deux ateliers a réuni des armateurs, des pêcheurs, des mareyeurs, mais aussi des membres du Cluster Maritime et des représentants de l’administration (DRMM, AAMP, CMMPF). La participation a été relativement bonne (respectivement 30 et 23 participants). A l’issue de chaque atelier, un questionnaire était proposé aux participants, permettant d’établir une mesure des préférences (voir les questionnaires en annexe). Les recommandations présentées ne reflètent pas nécessairement la position des acteurs de la pêche ni celle du cluster maritime.

3.1. PROPOSITIONS POUR LE DEVELOPPEMENT DE LA PECHE HAUTURIERE

Le développement de la pêche hauturière polynésienne dans les prochaines années repose sur une combinaison de facteurs tous déterminants pour le succès de la filière, et qui répondent à la question-type de toute filière économique : quels produits sommes-nous capables de produire durablement, à quel prix, pour vendre à quels marchés ? Les facteurs déterminants sont :

• L’abondance relative de la ressource en poissons, ceux qui sont ciblés par les pêcheurs ;

• La disponibilité et le coût des marins pêcheurs, pour les techniques de pêche choisies ;

• La disponibilité et le coût d’exploitation des navires de pêche, équipés selon les techniques de pêche choisies

(palangre, senne, canne ; en frais, en congelé, en surgelé) ;

• La disponibilité et le coût d’exploitation des équipements à terre, pour la maintenance des navires, et pour débarquer, conserver, transformer le poisson pêché ;

• La disponibilité et le coût d’expédition à l’exportation, dans le cas où des marchés à l’exportation sont retenus pour le développement de la filière.

Ce sont ces facteurs qui détermineront, parmi tous les marchés potentiels, ceux qui seront durablement « rentables », et ceux qui ne le seront pas. Les marchés durablement rentables sont ceux pour lesquels :

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• Les limites de capture pour l’espèce pêchée sont connues et respectées ;

• Les bénéfices économiques des processus de pêche, de conservation, de transformation et de mise en marché sont globalement supérieurs aux coûts.

A ces deux niveaux, nous n’avons pas les données nécessaires pour une analyse complète :

• la gestion de la ressource s’opère au niveau du bassin Pacifique, qui souffre de quelques incertitudes et d’un sérieux déficit de conformité aux règles ;

• l’équilibre économique de la filière pêche en Polynésie (en y intégrant les aides publiques) n’a pas été analysé depuis longtemps, et les scénarios du futur sont donc eux aussi économiquement incertains.

LES MARCHES POTENTIELS DE LA PECHE HAUTURIERE POLYNESIENNE

Tous les poissons du large qui sont pêchés dans nos eaux sont appréciés des consommateurs locaux, et tous sont appréciés des clients à l’étranger. Les limites du marché sont soit le prix, soit les taux de mercure ou autres métaux contenus, qui ne sont pas acceptables par certains marchés. Le poisson frais Le poisson frais est une des bases de l’alimentation des polynésiens, et certainement le marché qui est le plus porteur pour la pêcherie polynésienne, puisque les prix de vente localement sont plus élevés qu’à l’exportation. Techniquement, le poisson frais peut difficilement être pêché au-delà de 300 milles de Tahiti (le seul port de pêche de Polynésie française, environ 75% de la population), parce qu’au-delà de 15 jours, sa conservation sur glace ne garantit plus le niveau de qualité requis. L’histoire de la pêcherie polynésienne est récente, mais l’expérience des 25 dernières années a pu montrer que l’espèce pour laquelle les rendements sont les plus élevés pour le marché du poisson frais local est le germon (thon blanc), c’est l’espèce la plus abondante autour de Tahiti, qui est le marché le plus important de Polynésie française. Le marché local absorbe environ 5,000 tonnes de poisson

pélagique frais par an, dont la moitié est du germon. Les espèces les plus « chères », mais pas aussi abondantes autour de Tahiti, pour le marché local du frais, sont le thon obèse et le thon à nageoires jaunes, tous deux vendus en Polynésie sous l’appellation « thon rouge ». Les autres espèces capturées accessoirement, espadons, marlins, thazards, mahimahi, saumons des dieux, papio, se vendent également bien en frais localement, à des prix qui varient en fonction de l’offre. Une partie des captures de germon est exportée aux Etats-Unis ou en Europe en frais, par avion, en priorité dans les soutes de la compagnie Air Tahiti Nui. Ces exportations de germon frais varient d’une année à l’autre, autour d’environ 1,000 tonnes. Actuellement (et on ne voit pas comment cet état du marché pourrait changer), seul le germon est exportable en frais, pour deux raisons principalement :

• D’une part, parce que les quantités pêchées sont importantes et régulières (il est difficile de trouver des clients à qui on peut vendre irrégulièrement des quantités incertaines) ;

• D’autre part, parce que le germon, à l’inverse des espadons et marlins, ne présente pas de problèmes sanitaires dus aux concentrations en mercure (cette remarque s’applique aux exportations en Europe ; aux Etats-Unis, certains exportateurs polynésiens ont obtenu le droit d’exporter leurs espadons).

Des quantités non négligeables de poissons autres que le germon sont exportées en frais également, généralement en addition aux livraisons de germon frais. Il y a un marché significatif pour l’espadon frais aux Etats-Unis, pendant la période hivernale (novembre à Mars), lorsque leur propre pêcherie est en sommeil. Le thon obèse fait l’objet d’exportations « flash » vers le Japon, dans les cas où de beaux spécimens ont des chances d’atteindre des prix « premium » au marché de Tokyo. L’avenir de la pêcherie hauturière polynésienne, semble être en partie, le prolongement du modèle actuel, basé sur la pêche palangrière de germons, qui sont vendus en frais localement et à l’exportation. Les armateurs pensent qu’ils peuvent augmenter les quantités capturées et vendues

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« pas à pas » (l’expression employée par les armateurs est « step by step »). Cette attitude est prudente, elle est en phase avec les recommandations du Comité scientifique de la WCPFC, qui incite les pays insulaires de la région et les nations pêcheuses distantes à limiter leurs efforts de pêche au germon, sous peine de voir les rendements baisser, et donc l’équilibre économique des pêcheries menacé. Dans cette mesure, l’augmentation prudente du nombre de palangriers de pêche fraîche, au rythme de une à deux unités par an, révisable en fonction de l’évolution des rendements de pêche, semble l’option la plus durable. Le poisson congelé (-20°C) Le marché du poisson congelé, à Tahiti, est assez restreint : seules les collectivités (cantines scolaires et hospitalières, armée, services de restauration) achètent du poisson congelé, plutôt par précaution que pour satisfaire un goût particulier. A l’exportation, les marchés sont demandeurs, mais à des prix beaucoup plus bas que les coûts de production polynésiens. Dans cette mesure, aucun marché de poisson congelé dans le monde n’est accessible aux palangriers polynésiens dans leurs conditions d’exploitation actuelles. Les pêcheries étrangères (asiatiques, espagnoles, américaines) ne peuvent être rentables en congelé que parce qu’elles emploient des marins payés à des salaires 4 à 5 fois plus faibles que les salaires des marins polynésiens. Ces pêcheries sont rentables aussi dans la mesure où leurs campagnes sont ininterrompues pendant au moins 3 mois, quelquefois pendant plus de temps. Certains armateurs et investisseurs souhaitent pouvoir employer des marins étrangers à bord de navires congélateurs. Aujourd’hui cette option est légalement impossible, et les syndicats de pêcheurs s’opposent vigoureusement à une telle option. Dans la mesure où la situation reste stable sur ce front, on voit mal comment les palangriers congélateurs pourraient devenir exploitables en Polynésie française (à l’évidence, l’option de congeler à terre des produits débarqués frais leur fait perdre de la valeur, et les exporter serait un non-sens économique). Le poisson surgelé (-60°C) Le poisson pêché avec soin, puis surgelé et conservé dans de bonnes conditions (surgélation à bord à -60ºC, puis conservation entre -55º et -50ºC) peut être commercialisé comme « qualité sashimi » à des prix élevés

sur les marchés internationaux. Une telle qualité ne peut être obtenue que sur des navires équipés de tunnels de surgélation et de cales réfrigérées à -50ºC, ce qui est coûteux en investissements (l’optimisation de la technologie et des conditions d’exploitation oblige à construire des navires de grande taille, au moins 45 mètres), comme en exploitation. Certains investisseurs pensent également que de tels navires ne peuvent être exploités avec profit que si les coûts de main d’œuvre sont réduits, ce qui implique d’employer des marins étrangers. La mise en œuvre de tels navires suppose des installations à terre capables de stocker des produits surgelés en attendant leur exportation, dans des containers surgélateurs qui seraient exportés le plus rapidement possible vers des pays où les coûts de l’électricité sont plus compétitifs qu’à Tahiti. La rentabilité de tels armements ne semble être assurée qu’à condition de cibler les thons obèses, les poissons les plus valorisés sur le marché du sashimi. Les thons obèses, dans la région de Tahiti, se trouvent en abondance relative dans la région des îles Marquises, dans la ZEE et au-delà des limites de la ZEE de Polynésie française (il paraîtrait qu’une appellation officieuse « thon obèse des Marquises » est extrêmement valorisée au marché de Tokyo). Le Comité scientifique de la WCPFC, cependant, est très clair sur la ressource en thon obèse dans notre océan : le thon obèse est surpêché, le stock est en état de surpêche, et il faudrait diminuer les captures de 36% pour permettre au stock de thon obèse de commencer à se reconstituer. C’est donc avec une relative incertitude sur la durabilité de la ressource que ces projets de grands palangriers surgélateurs sont développés. A priori, aucune autre espèce de poisson n’atteint un prix sur les marchés qui compense le coût de sa surgélation. Quelques exportateurs pensent que les germons plus âgés et plus gras que l’on pêche dans la zone des Tuamotu-Est, Gambier et au-delà pourraient faire l’objet d’une exportation en surgelé pour le marché du sashimi ou des sushis. Ces zones de pêche étant trop éloignées pour faire des tests avec du frais, cette hypothèse n’a pour le moment pas pu être confirmée. En d’autres termes, les seuls poissons pour lesquels un potentiel de développement à l’exportation est avéré sont le germon (frais uniquement), et le thon obèse (surgelé), avec

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une possibilité non avérée d’exploitation du thon blanc gras du sud (surgelé) et de l’espadon des Australes (frais, sa limite de conservation sur glace serait de 20 jours).

LES TECHNIQUES DE PECHE Sous réserve de futures découvertes, et sous réserve que dans le futur les changements climatiques ne modifient profondément les habitats et les déplacements des grands pélagiques, les ressources présentes dans la ZEE de Polynésie française ne sont pas de nature à être capturées autrement qu’à la palangre. Les senneurs ciblent des grands bancs de bonites, qui dans notre ZEE ne semblent pas former des bancs de taille suffisante, et les canneurs « industriels » ciblent les jeunes germons, qui pourraient se trouver au-delà de notre ZEE vers le sud. Il est donc très probable que la technique de pêche à la palangre pélagique restera la seule technique pratiquée dans le futur par la pêcherie polynésienne. Il faut souligner ici le caractère très sélectif et relativement respectueux de l’environnement de cette technique, qui ne prend que très exceptionnellement des tortues ou dauphins à ses hameçons, et, lorsque sont enlevées les « lignes à requins », prennent accessoirement moins de requins.

LES ZONES DE PECHE Compte tenu de ces données, il est probable que les seules zones de pêche qui seront exploitées dans les prochaines années seront la zone des 300 milles autour de Tahiti (pêche fraîche), et la zone des 200 milles autour des Marquises (pêche des grands palangriers surgélateurs au thon obèse). Les autres parties de la ZEE polynésienne pourraient être visitées par des palangriers faisant des campagnes « test » pendant les périodes où les rendements sont faibles dans la zone autour de Tahiti, mais on ne voit pas, pour le moment de véritable opportunité économique. S’agissant des limites entre pêche côtière et pêche hauturière, il n’y a pas de règles écrites en Polynésie à ce sujet. Aux alentours des îles de la Société, quelquefois les pêcheurs côtiers coupent les lignes des palangriers lorsqu’ils jugent qu’elles sont posées trop près de leur île. Mais pour pêcher aux Tuamotu, dont les atolls sont peu éloignés les uns des autres, les thoniers sont souvent obligés de poser leurs palangres à moins de 10 miles des côtes. Les Tuamotu Ouest sont une des zones de pêche

les plus riches pour la pêcherie polynésienne, donc il est critique pour la pêcherie de pouvoir y poser ses lignes. Les professionnels de la pêche pensent qu’il serait bon d’instaurer des règles qui fixent une distance minimum des côtes pour poser des palangres. Ils jugent que cette distance devrait être plus importante pour les îles de la Société, qui sont les plus peuplées, que pour les îles des autres archipels. Enfin, les professionnels pensent qu’à l’avenir, toute activité de pêche qui serait développée au-delà de la pêche fraîche devra aussi s’opérer en-dehors de la ZEE : c’est dans la nature des bateaux congélateurs ou surgélateurs de faire des campagnes lointaines au cours desquelles ils doivent « suivre » le poisson, y compris hors de la ZEE. Une autre idée importante est que si à l’avenir des navires palangriers congélateurs et surgélateurs étaient armés à la pêche en Polynésie française, ces navires ne devraient pas être autorisés à pêcher dans la zone des 300 milles (ou plus) autour de Tahiti, pour pouvoir réserver cette zone aux palangriers de pêche fraîche, qui eux n’ont pas le choix d’aller plus loin.

ORGANISATION DE LA PECHERIE POLYNESIENNE

La pêcherie palangrière polynésienne est encore jeune, tout juste 20 ans, et ne s’est « stabilisée » que depuis 7 ou 8 ans. Après avoir expérimenté différentes techniques, différents marchés, et après avoir aussi subi des variations drastiques des rendements de pêche, les pêcheurs, armateurs et mareyeurs maîtrisent un peu mieux les données de base des équilibres économiques possibles, en fonction des rendements réels et des marchés local et export, eux aussi mieux connus aujourd’hui qu’il y a 10 ans. Pour mieux orienter la stratégie de développement, il importerait de mener une analyse économique du secteur. La dernière approche, l’étude DME 2009, est ancienne mais reflète des préoccupations qui devraient être réexaminées aujourd’hui. Extrait de l’Etude DME sur les filières économiques de Polynésie française – 2009) : Le CA de la pêche ne représente plus aujourd’hui que XPF 1,7 Mds, soit 0,2% du total de la production marchande. Sa valeur ajoutée directe est de l’ordre de XPF 630 M

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(soit moins de 0,2% du total de la VA marchande). La valeur ajoutée induite dans le reste de l’économie est d’un montant équivalent (XPF 630 M). Au total, et intégrant les effets d’entraînement secondaires dus à l’injection des revenus des ménages concernés, la filière génère une valeur ajoutée de XPF 2 Mds (0,6% du total marchand). Le secteur emploie directement 550 actifs environ. On dénombre environ 80 emplois concernés directement ou indirectement par la filière dans le reste de l’économie (et une centaine supplémentaire en ajoutant les emplois concernés par les effets secondaires). Au total, la filière pêche (au sens le plus large) concerne 700 actifs environ soit 1,4% du total de l’emploi marchand. Un bilan macro-économique mitigé : Le secteur participe peu à l’autonomie économique. Les exportations de produits de la pêche s’élèvent à XPF 520 M alors que les importations directes et indirectes de la filière se montent à près de XPF 750 M. Cette contre-performance est imputable aux opérateurs de la filière qui préfèrent vendre la production sur le marché intérieur (plus rémunérateur) qu’à l’exportation. Les marges d’intermédiation représentent ainsi plus de trois fois la valeur de la production. Ces pratiques pénalisent le consommateur à hauteur d’environ XPF 5 mds par an. Les aides accordées par la collectivité (XPF 2,7 mds) n’ont pas été récupérées (jusqu’à présent) par des suppléments de prélèvements obligatoires induits par l’activité directe et indirecte de la filière. Le temps de retour pour la collectivité peut être estimé entre 15 et 20 ans. Dans les conditions actuelles de marché, la filière ne peut affronter avec succès la compétition internationale. Bien que les défis de l’avenir soient empreints d’incertitudes, les entrepreneurs du secteur montrent une certaine confiance, et continuent à faire des projets d’investissements. Concentration Lorsque les professionnels du secteur sont interrogés, une majorité déclare que la concentration des entreprises, c’est-à-dire la diminution du nombre d’armateurs et de mareyeurs, n’est pas une bonne chose. Cette tendance est cependant peu susceptible de renversement, puisque les forces du marché poussent à une plus forte intégration des pêcheries au sein de 3 (ou 4 ?) grands groupes d’armateurs-mareyeurs-exportateurs.

Pêcheurs étrangers Une option stratégique unit l’ensemble des professionnels de la pêche : tous souhaitent que la ZEE de Polynésie française reste interdite aux pêcheries étrangères. La possibilité d’armer des thoniers en « joint-venture » avec des investisseurs étrangers n’est soutenue que par une petite majorité de professionnels. La possibilité d’employer des marins pêcheurs étrangers est rejeté par la majorité des armateurs et des pêcheurs, elle n’est soutenue que pour les projets de navires surgélateurs ou congélateurs. Cette option est vivement critiquée par le syndicat de pêcheurs le plus important, au motif que cela créerait un précédent, et que bientôt l’ensemble de la flotte préférerait employer des marins étrangers. Aides publiques Le coût budgétaire des aides publiques au secteur de la pêche n’a pas fait l’objet d’une analyse détaillée, mais constitue évidemment un point critique pour toute croissance de l’effort de pêche (aides au gasoil et aides à la fourniture de glace), et pour toute croissance des exportations (aides au fret aérien). Jusqu’à quel niveau de dépenses en gasoil le gouvernement est-il prêt à verser les aides ? Les aides au gasoil seront-elles attribuées au même taux aux palangriers surgélateurs ? Les aides au fret aérien seront-elles attribuées au même taux en cas de doublement des exportations (une augmentation de 10% des captures de frais se soldant par une augmentation d’au moins 50% des exportations par avion) ? Investissements En ce qui concerne les investissements, il semble que le Ministère des Finances français soit peu enclin à faire bénéficier le secteur de la pêche en Polynésie française des dispositions de la loi de défiscalisation outre-mer. Cette situation pourrait évoluer dans les prochaines années, mais pas avant qu’une politique publique du développement de la pêche palangrière n’ait été formulée par le gouvernement de la Polynésie française. Par ailleurs, les mareyeurs souhaitent une extension du Port de Pêche de Papeete, de façon à disposer de plus d’espace pour leurs opérations de conservation et de préparation du poisson.

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Formation des pêcheurs La formation des pêcheurs est considérée comme un élément déterminant du développement de la pêcherie polynésienne. Les formations de base pour les marins-pêcheurs sont arrêtées depuis 10 ans, et cette situation doit évoluer. Les armateurs souhaitent que le nouveau CMMPF puisse entreprendre et mener toutes les formations nécessaires pour que leurs équipages, notamment les capitaines et chefs de quart, soient en règle avec la nouvelle réglementation. Labellisation MSC et appellation d’origine Aujourd’hui aucune règle ne permet ni n’interdit de vendre du poisson « de Tahiti », ou « de Polynésie française », ce qui signifie que si les exportateurs polynésiens peuvent choisir d’appeler leurs produits comme ils veulent, mais que les vendeurs de poisson de n’importe où pourraient appeler leur poisson « de Tahiti » avec peu de risques d’être poursuivis. L’avantage d’une labellisation « Marine Stewardship Council » est qu’elle permet à la fois d’indiquer le caractère durable

de la pêcherie visée, et son origine géographique, puisque seuls les produits de notre pêcherie pourraient arborer le label « Poisson de la pêcherie MSC de Tahiti ».

FAIRE DE TAHITI UN « HUB » POUR LES PRODUITS DE LA MER ?

Dans un environnement international très compétitif, les ressources thonières se faisant plus rares, on peut voir ces dernières années la croissance du nombre de palangriers qui pêchent à proximité immédiate de notre ZEE, soit très loin de leurs bases. Indépendamment de la croissance interne de la pêcherie palangrière polynésienne, l’objectif de faire de Tahiti un « hub » pour le débarquement des captures, la maintenance des navires, la rotation des équipages, au profit des flottes de pêche étrangères qui opèrent autour de notre ZEE semble être encore à l’ordre du jour. Cette question n’est pas sans conséquences pour le développement des activités de pêche locale, en raison des économies d’échelle qu’un tel hub pourrait entraîner, tant pour les approvisionnements, que pour les opérations de maintenance et pour les expéditions.

3.2. PROPOSITIONS POUR UNE GESTION DURABLE DES STOCKS DE POISSONS PELAGIQUES EN POLYNESIE FRANÇAISE

Comme on l’a souligné dans la première partie de ce document, les ressources en poissons pélagiques (thons, bonites, espadons, marlins) de notre ZEE sont en partie gérées à l’échelle du bassin Pacifique, et c’est le rôle des commissions thonières du Pacifique (WCPFC et IATTC) d’assurer cette gestion. Face au danger de surexploitation des stocks, chaque nation de pêche, lointaine (Chine, Japon, Corée, Taiwan, Espagne, USA principalement) ou « locale » (pays insulaires du Pacifique), doit participer à l’effort général. Depuis que la ZEE de Polynésie française a été fermée aux pêcheries étrangères (2000), la pression de pêche sur notre ZEE est restée très modeste comparée aux pressions de pêche qui se sont exercées tant dans les ZEE de nos voisins, que dans les eaux internationales, et notamment celles qui jouxtent notre ZEE. Depuis maintenant 8 ans, les 5 millions de km2 de notre ZEE sont

pêchés par une soixantaine de palangriers de pêche fraîche, qui ne s’éloignent que très rarement à plus de 300 milles de Tahiti. Ces palangriers pêchent essentiellement des germons adultes de 6 à 10 ans, ce qui affecte peu les capacités de reproduction de l’espèce (voir Figure 14 page 26). De plus les prises accessoires de notre pêcherie sont des thons et poissons à rostres adultes, et la zone de pêche principale n’est une zone de reproduction significative pour aucune espèce sensible. En conséquence, on peut considérer la pêcherie de Polynésie française comme très respectueuse des ressources en poissons pélagiques. Il convient cependant de rester attentif à ce qui se passe autour de nous, et de montrer au reste du monde, notamment aux consommateurs européens et américains, comment nous nous préoccupons de la gestion de ces ressources.

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PARTICIPATION A LA GESTION REGIONALE DES STOCKS DE POISSONS PELAGIQUES

Depuis plusieurs années, le gouvernement de Polynésie française envoie chaque année une délégation aux réunions des commissions thonières WCPFC et IATTC. Ces délégations sont cependant modestes en nombre, comparé aux importantes délégations des autres pays, y compris des petits états insulaires (en décembre 2014 la Polynésie avait 2 représentants à la réunion de la WCPFC, alors que les îles Cook ont envoyé une délégation de plus de 10 personnes). Il conviendrait d’exprimer l’intérêt du Pays pour ces questions en envoyant des délégations un peu plus nombreuses, surtout lorsque des négociations de quotas à l’échelle du Pacifique vont se trouver à l’ordre du jour (et on a tout lieu de penser que cela va arriver dans les prochaines années). La grande majorité des participants à l’atelier du 30 janvier souhaitent que la Polynésie française et les professionnels de la pêche locaux s’impliquent davantage dans les commissions thonières régionales. Ils souhaitent également que la Polynésie française s’associe aux autres États insulaires du Pacifique pour proposer des mesures de conservation du germon, qui est la ressource principale des pêcheries de ces pays. Les participants à cet atelier se déclarent d’accord avec l’accord de Tokelau sur la gestion du germon, même si l’imposition de quotas risque de limiter les captures autorisées dans notre ZEE.

DIFFERENTES MESURES DE GESTION DES STOCKS DE POISSONS PELAGIQUES

La conservation des stocks de poissons pélagiques peut prendre diverses formes. Techniques de pêche Une des manières de protéger les espèces, notamment celles qui sont capturées « accessoirement », est d’employer des techniques de pêche sélectives, qui n’entraînent pas de destruction de stocks de poisson qui ne sont pas valorisés. A ce titre, la palangre est une technique de pêche assez sélective (moins que la pêche à la canne, qui ne concerne cependant que des captures de surface). Les participants à nos ateliers sont

d’accord pour interdire les techniques de pêche à la senne dans la ZEE de Polynésie française. Régulation de l’effort Un autre type de protection des ressources halieutiques est l’introduction de mesures de régulation de l’effort qui peuvent limiter :

• Les efforts de pêche (nombre de navires, nombre de jours de pêche, nombre d’hameçons posés, périodes ouvertes et fermées à la pêche, etc.) ;

• Les captures (nombre de tonnes maxi, ou quotas).

En général c’est ce dernier type de quotas qui est considéré comme le plus efficace, pour autant que les autorités responsables de son application puissent le contrôler. S’agissant du germon dans le Pacifique sud, comme signalé plus haut, l’accord de Tokelau propose de limiter les captures futures de chaque pays insulaire au maximum annuel qu’il a atteint au cours des années 2001 à 2012. Pour la Polynésie française, le quota proposé dans l’accord serait de 4,155 tonnes par an. Certification En ce qui concerne la Polynésie française, les participants à nos ateliers ont clairement exprimé leur souhait que le Pays se dote d’une politique de conservation des ressources en poissons pélagiques, non seulement pour satisfaire aux nécessités du label « MSC », mais aussi parce que c’est l’intérêt supérieur du Pays. La pêche, avec le tourisme et la perliculture, est le seul secteur où la Polynésie française dispose des ressources pour un développement économique significatif. Aires Marines Protégées (AMP) Enfin, les grandes Aires Marines Protégées sont un moyen efficace pour protéger durablement les stocks de poissons pélagiques. Les bénéfices de cette mesure de gestion et les recommandations pour la Polynésie française sont développés dans le chapitre suivant.

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3.3. PROPOSITIONS POUR L’ETABLISSEMENT D’UN RESEAU DE GRANDES AIRES MARINES PROTEGEES EN POLYNESIE FRANÇAISE

Le chapitre précédent montre qu’au niveau global, l’abondance d’une majorité des espèces pélagiques commerciales a diminué inexorablement depuis 50 ans malgré les efforts des Organisations Régionales de Gestion des Pêches et l’amélioration des techniques de pêche. Les flottes palangrières ne semblent pas être les premières responsables de cette diminution, en comparaison à l’impact alarmant des senneurs et de leur DCP dérivants, mais elles participent elles-aussi au phénomène de surexploitation de certaines espèces comme le thon obèse. Il semble très difficile de trouver des compromis entre les pays du Pacifique pour prendre ensemble des mesures de gestion concertées et adaptées aux enjeux. Preuve en est que certaines espèces commerciales ont presque complètement disparu sans que les pays pêcheurs n’aient encore réussi à prendre des mesures efficaces pour les préserver. Par exemple, 96% des stocks de thon rouge du Pacifique (Thunnus orientalis) ont disparu et 90% des prises actuelles sont des juvéniles de moins de 4 ans, qui ne se sont pas reproduits avant d’être pêchés (ISC, 2012). Cette espèce a été identifiée en Polynésie française, mais ce n’est pas sa zone de répartition principale. Malheureusement, les enjeux économiques et les lobbys sont trop importants et les négociations internationales semblent impuissantes face à l’ampleur du problème de surpêche. Une étude publiée dans Science projette que tous les stocks de poissons pélagiques du monde pourraient être surexploités dans moins de 40 ans si le rythme d’exploitation continue sur la même tendance (Worm et al 2006). Les conséquences seraient dramatiques pour l’économie et la sécurité alimentaire des pays insulaires qui dépendent de ces ressources. Au contraire, des pêcheries bien gérées et en adéquation avec les stocks disponibles, permettraient d’augmenter les prises, de développer des filières économiques durables, et de créer d’avantage d’emplois. Une mesure efficace pour gérer durablement les stocks de poissons peut être mise en place relativement facilement à l’échelle de chaque pays. Il s’agit de créer des Aires Marines

Protégées (AMP) de grande surface dans les Zones Economiques Exclusives de chaque pays, pour favoriser la croissance, la reproduction et la migration des espèces pélagiques. Dans cette partie, nous présenterons les nombreuses initiatives de grandes AMP prises par les pays du Pacifique et les bénéfices des grandes AMP pour les espèces pélagiques. Enfin, nous proposerons des recommandations pour l’établissement d’un réseau de grandes AMP en Polynésie française.

ÉLEMENTS DE CONTEXTE Définition d’une Aire Marine Protégée (AMP) Selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), l’instance internationale compétente en la matière, une aire protégée est « un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d’assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés » (UICN 2012). L’UICN distingue 6 catégories d’aires protégées plus ou moins permissives, selon qu’elles sont fermées à toute visite (Catégorie 1), fermées à toute capture (Catégorie 2), et jusqu’à la Catégorie 6 la plus flexible qui autorise une « utilisation modérée des ressources naturelles, non industrielle et compatible avec la conservation de la nature ». Comme types de pêche autorisées dans les Aires Marines Protégées de catégorie 6, l’UICN décline : 1) les pratiques locales de pêche et de récolte durable, 2) la pêche traditionnelle ou artisanale, 3) la pêche récréative et 4) la pêche à des fins scientifique (UICN 2012). Selon les critères de l’UICN, la « pêche industrielle » n’est pas admise dans un AMP, même dans une AMP de catégorie 6. Il n’existe pas de définition partagée de la « pêche industrielle » au niveau international, mais la définition d’une « pêche artisanale », autorisée dans une AMP de catégorie 6, est en France « une pêche sur tout type de navire de

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moins de 24 mètres avec armateur embarqué » (c’est-à-dire le propriétaire du navire travaillant à bord) ; ailleurs dans le monde, la taille limite communément admise pour de la « pêche artisanale » est plutôt un navire inférieur ou égal à 12 mètres (Marc Taquet, communication personnelle). Engagements politiques Au niveau international, moins de 3 % des océans sont protégés juridiquement aujourd’hui, alors que près de 14% des terres émergées bénéficient d’un régime de protection légale. Selon la communauté scientifique internationale, une protection stricte d’au moins 30 % des habitats marins de la planète (espaces côtiers et océaniques) est nécessaire pour exploiter durablement les ressources halieutiques et prévenir les impacts du changement climatique (UICN 2014). Plusieurs engagements politiques majeurs ont été annoncés au niveau international, en France et en Polynésie française, pour contribuer à remplir cet objectif de conservation : - Dans le cadre de l’ONU, 193 pays se sont engagés à préserver au moins 10 % des zones marines et côtières sous statut d’aire protégée, à l’horizon 2020. Cela représente environ 37 million de km2 d’espaces marins et côtiers (Convention sur la Diversité Biologique, objectif d’Aichi n°11, 2010). - Lors du Grenelle de la mer en 2009, la France s’est engagée à protéger 20% de la surface marine nationale d’ici 2020, dont la moitié en réserves intégrales. Cet objectif est repris dans la stratégie nationale des Aires Marines Protégées. - En 2009, la société civile de Polynésie française a élaboré une stratégie pour la gestion durable de l’océan, le Ruahatu, qui mettait un accent fort sur la conservation des ressources marines du pays. - En novembre 2013, lors de la conférence maritime état-Pays, le président Gaston Flosse a annoncé que la pays s’engageait à « protéger au moins 20% des superficies marines du pays d’ici 2020 ». Il a alors ajouté : « encore faut-il qu’au regard des dispositifs juridiques et des effets d’annonce, les faits corroborent les objectifs fixés ; nous nous y emploierons ». - En octobre 2013, lors de la conférence internationale sur les AMP à Ajaccio en France

(IMPAC 3), le ministre de la pêche Tearii Alpha a annoncé que le Pays s’engageait à créer une Aire Marine Protégée de 700 000 km2 aux Marquises. - En juin 2014, lors de l’arrivée de la pirogue traditionnelle Hokule’a à Tahiti, 50 associations environnementales, culturelles et sportives de Polynésie française ont signé le « message d’Hokule’a » qui appelle à la « création d’au moins 20% d’AMP en Polynésie française d’ici 2020 ». Ce message a été remis au président Gaston Flosse par le Président des amis d’Hokule’a, Alban Ellacott (voir en Annexe). - En novembre 2014, lors du Congrès mondial des parcs de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) à Sydney en Australie, le ministre de l’environnement Heremoana Maamaatuaiahutapu a annoncé que le gouvernement polynésien s’engageait à créer une Aire Marine Protégée de 1 million de km2 aux Australes, lors d’une session plénière du congrès. Cet engagement a été repris dans le document politique international «La Promesse de Sydney» (IUCN 2014b). - Entre juin et décembre 2014, les conseils municipaux des îles de Rurutu, Rimatara, Tubai, Raivavae et Rapa ont voté une délibération «appelant à la création d’une grande réserve marine dans la ZEE des Australes, au-delà des zones de pêche traditionnelle». Suite aux consultations menées par Pew et la FAPE (Fédération des Associations Polynésiennes de Protection de l’Environnement), il apparait que l’ensemble des îles souhaiterait l’établissement d’un « Rahui Nui », comprenant une zone de pêche côtière jusqu’à 20 miles nautiques des côtes, puis une réserve intégrale de 20 miles nautique des côtes jusqu’aux limites de la ZEE. Certains habitants de Rurutu souhaiteraient maintenir l’accès aux thoniers dont les capitaines sont originaires de Rurutu. Grandes AMP dans le Pacifique Dans les océans du monde entier de nombreux projets de grandes Aires Marines Protégées océaniques ont vu le jour récemment ou ont été annoncées par des gouvernements, et en particulier dans le Pacifique : - Le gouvernement américain a créé le Parc Marin Papahanaumokuakea en 2004 à Hawaii, d’une surface de 362 000 km2 de réserve intégrale ; le Mariana Trench Marine National Monument aux Iles Marianes en 2008, d’une

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surface de 246 000 km2 de réserve intégrale ; et en 2014 le Pacific Remote Islands Marine National Monument dans les Iles Eloignées au Sud de Hawaii, d’une surface totale d’environ 1 million de km2 de réserve intégrale. - L’Australie a créé en 2012 le Coral Sea Commonwealth Marine Reserve d’une surface d’environ 1 million de km2 dont 500 000 km2 de réserve intégrale. - En 2015, le gouvernement anglais a déclaré la création d’une réserve intégrale de 834 000 km2 à Pitcairn, couvrant toute la ZEE du territoire en maintenant une zone de pêche côtière au centre pour la population de l’île. Cette réserve était proposée par la population de l’île depuis plusieurs années. - Aux Iles Cook, le gouvernement s’est engagé à créer une AMP de 1,1 million de km2 dans le Sud de la ZEE, avec une zone de pêche locale de 40 miles nautiques autorisée autour de chaque île habitée. - A Rapa Nui, le conseil de l’île a soumis une demande de création d’une AMP d’environ 700 000 km2 de réserve intégrale pour toute la ZEE de l’île avec une zone de pêche côtière de 40 miles nautiques autour de l’île. - Aux Palaos, le président a annoncé en 2014 la création prochaine d’une AMP d’environ 500 000 km2 de réserve intégrale recouvrant environ 80% de la surface maritime du pays. - La Nouvelle Calédonie a créé par décret le Parc Naturel de la Mer de Corail en 2014, recouvrant 1.3 million de km2 soit la quasi-totalité de la ZEE. Un comité de gestion est maintenant en charge de proposer un plan de gestion et un zonage comportant différents niveaux de protection. - En Polynésie française, deux grandes AMPs ont été annoncées par le gouvernement, l’une de 700 000 km2 aux Marquises (lors du congrès IMPAC à Ajaccio en octobre 2013) et l’autre de 1 million de km2 aux Australes (lors du Congrès Mondial des Parcs de l’UICN à Sydney en novembre 2014).

BENEFICES DES AIRES MARINES PROTEGEES POUR LA PECHE HAUTURIERE

Augmentation de biomasse et débordement La littérature scientifique montre que les grandes AMP ont un impact positif sur la biomasse des populations de poissons (méta-analyse de Micheli et al. 2004). Les résultats d’une analyse de 89 AMP autour du monde ont montré que la densité, la taille et la diversité des poissons avaient augmenté significativement dans les zones fermées à la pêche (Halpern 2003). Plusieurs études montrent que cet effet positif des AMP sur la biomasse, surtout observé dans les AMP côtières, est également significatif pour les espèces pélagiques hautement mobiles (Claudet et al. 2010, Gell 2003, Micheli 2004). Par exemple, la fermeture temporaire de la ZEE du Mexique aux palangriers (entre 1977 et 1980, puis entre 1984 et 1985), a causé une augmentation significative des populations de marlin rayé (Jensen et al. 2010). De même la fermeture d’une grande zone dans la mer du Nord pendant les 6 années de la 2ème guerre mondiale, a provoqué une augmentation de l’abondance des espèces pélagiques et de la proportion de poissons plus gros (Beare et al. 2010). Le rahui, une méthode de gestion communautaire des ressources terrestres et marines, qui était pratiqué dans de nombreuses îles polynésiennes avant l’arrivée des occidentaux, était déjà un modèle d’Aire Marine Protégée côtière. Les polynésiens avaient probablement observé empiriquement l’impact positif des zones de protection sur les ressources côtières et ils respectaient ce modèle de gestion par souci de prélèvement durable des stocks de poissons autour de leur île. Le rahui a disparu dans presque toutes les îles suite à l’arrivée des occidentaux et à la perte du mode de vie communautaire (Bambridge 2015), mais il est encore pratiqué à Rapa aux Australes et à Maiao. L’augmentation de la biomasse des poissons observée dans les zones de réserve entraine des bénéfices pour les pêcheries des zones adjacentes avec des meilleurs rendements en bordure d’AMP ; c’est le phénomène de « débordement » (ou « spillover » effect). Les poissons dans les zones de réserve sont significativement plus gros et certains individus quittent les zones protégées pour migrer dans les zones de pêche adjacentes (Roberts et al

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2001, Goni et al 2008). De même, le potentiel de reproduction des poissons est plus important dans les AMP et les nouvelles recrues peuvent se disséminer dans les zones de pêche voisines en reconstituant ainsi les stocks halieutiques (Palumbi, 2003). Aux Philippines, après la création d’une aire marine protégée, la biomasse a augmenté de 3 à 4,5 fois dans la zone de réserve et les prises dans les zones adjacentes étaient de 27% supérieures (Alcala 2005). En particulier, la protection stratégique de zones de reproduction, de nourrissage, d’agrégation, d’entonnoirs de migration, peut avoir des bénéfices notables même pour les espèces hautement mobiles (Gell 2003, Worm 2003, Micheli et al. 2004). Bassins de vie La littérature scientifique montre que certaines espèces pélagiques (thonidés et espadons), bien que présentes à une échelle océanique, se développent majoritairement dans des bassins de vie de taille plus limitée (Gell et Roberts 2003). Plusieurs études de marquage

de poisson ont montré que la majorité des individus marqués (70 à 90%) étaient repêchés à une distance inférieure à 600 km (Hobday, 2010) : par exemple, Sibbert (2003) montre que la distance parcourue par plusieurs espèces de thons pendant leur vie était de 336 miles nautiques en moyenne ; Sepulveda (2010) montre que la distance moyenne parcourue par des espadons pendant 193 jours était de 43km ; Clear (2005) montre que 90% des thons étaient recapturés à moins de 150 miles nautiques de leur lieu de marquage ; une étude australienne montre que la distance moyenne parcourue par des thons à nageoire jaune marqués de 2006 à 2008 était de 247 miles nautiques (I&I SW 2009) ; enfin, des résultats similaires sont observés par Sibert et Hampton (2003) pour la bonite avec plus de 90% des individus marqués, qualifié de « low movers » (de faible dispersion), capturés à moins de 200 miles nautique du lieu de marquage (voir figure ci-dessous).

Figure : Déplacement de bonites taguées de 1989 à 1995. Déplacement médian de 158 miles nautiques.

Source :Sibert et Hampton (2003) L’ensemble de ces études montrent que pour les espèces de poissons pélagiques comme le thon jaune, l’espadon, et la bonite, une minorité d’individus parcourent de grandes distances alors que la majorité d’entre eux reste dans un secteur plus restreint (Koldewey 2010). La dispersion relativement limitée des stocks de poissons pélagiques permet aux pays du Pacifique de bénéficier de mesures de gestion durable et de conservation domestiques à l’échelle de leur ZEE (Sibert et Hampton 2003). En effet, même ces espèces

très mobiles peuvent être efficacement protégées par de grandes aires marines fermées à la pêche, car la majorité de leur population reste confinée dans la zone fermée et une minorité des individus sortent de la réserve par débordement. Cela étant, les réserves doivent être assez grandes pour retenir une large proportion de la population protégée et avoir un impact positif sur les individus (augmentation de leur taille, densité et fécondité) (Polachek 1990). Le chiffre minimum de 200 000 km2 est souvent avancé

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par les experts pour qu’une réserve soit efficace pour des espèces pélagiques très mobiles (Rowley 1992 ; Daniel Pauly, communication personnelle 2014). Concept de viscosité et de biomasse cryptique Les experts en ressources thonières montrent que la dispersion des thons obéit à un concept de « viscosité » important (Mc Call 1990), ce qui veut dire que les stocks de thon à l’échelle océanique ne migrent pas de manière fluide mais au contraire se disperse lentement, tel du miel sur une assiette (Marc Taquet, communication personnelle 2015). Ce concept de viscosité permet d’expliquer que la surexploitation dans une zone ne provoque pas nécessairement de réduction significative de la biomasse totale distribuée sur l’ensemble du bassin. En effet, les captures dans les zone surexploitées sont remplacées essentiellement par la croissance de la population locale, et très peu par l’immigration d’individus provenant d’autres secteurs (Fonteneau et al. IRD 1998). Selon ce concept de viscosité, les chercheurs montrent qu’il existe des « biomasses cryptiques » de thon dans les zones faiblement pêchées et que ces stocks épargnés offrent une diffusion lente et régulière d’individus dans les zones pêchées, permettant ainsi une exploitation soutenue des ressources. Cela étant, l’importance des biomasses cryptiques tend logiquement à diminuer avec l’extension géographique des zones de pêche. Dans cette situation, l’IRD dit que la « création de réserves fermées en permanence à la pêche, pourrait constituer une stratégie de gestion à la fois simple, prudente et efficace des stocks de thons. De telles réserves pourraient, si elles étaient suffisamment vastes et bien conçues biologiquement, assurer la conservation des biomasses cryptiques qui tendent à disparaitre, et ainsi minimiser les risques d’effondrement des stocks » (Fonteneau et al. IRD 1998). Critères d’efficacité des Aires Marines Protégées Comparativement aux aires protégées terrestres (Parc nationaux, réserves, etc), la création d’Aires Marines Protégées est relativement récente au niveau international. En particulier, les grandes AMP océaniques qui ont été créées ont toute moins de 10 ans d’âge. Les données scientifiques sur leur impact pour la pêche sont donc relativement limitées, mais de plus en plus d’études

récentes permettent de révéler les critères d’efficacité des AMP. En particulier, une étude publiée dans Nature en 2014, montre que les AMP ont des bénéfices significatifs pour la régénération des stocks halieutiques si elles regroupent plusieurs des 5 critères suivants (résultat de l’analyse de 87 AMP dans le monde - Edgar et al., 2014) : - Les AMP ayant la plus grande efficacité sont celles ayant une protection intégrale, avec une interdiction totale de la pêche ; - La surveillance doit être efficace et les réglementations doivent être respectées ; - L’AMP doit être relativement ancienne, avec une efficacité accrue au-delà de 10 ans d’âge ; - L’AMP doit être de grande taille, avec une efficacité accrue au-delà de 100 km2 ; - Enfin, l’AMP est plus efficace si elle est isolée géographiquement, par un banc de sable ou une zone de grande profondeur par exemple. Autre intérêts des Aires Marines Protégées Au-delà des bénéfices pour la pêche, les AMP ont aussi d’autres intérêts pour le développement économique et social du pays. Un label internationalement reconnu d’AMP permet d’augmenter la notoriété d’un Pays ou de certaines régions, notamment à travers la production de films, d’articles, d’ouvrages scientifiques, diffusés par les médias au niveau local et international. Une AMP bien valorisée peut ainsi contribuer à l’augmentation de la fréquentation touristique et au développement de l’écotourisme. Les AMP ont aussi un intérêt culturel et pédagogique. Elles permettent de mettre en valeur la culture traditionnelle associée aux ressources marines et à leur gestion (comme par exemple le rahui). Elles permettent de préserver les modes de vie insulaires basés sur l’autoconsommation dans les îles éloignées. Elles offrent des sites témoins, loin des perturbations humaines pour la recherche scientifique. Elles offrent des opportunités d’enseignement et de découverte pour les scolaires et les étudiants. Enfin, les écosystèmes marins en meilleure santé ont une meilleure résistance accrue face aux pressions humaines telles que la pollution, le changement climatique, la sédimentation, les espèces envahissantes, etc. Par exemple, une étude récente a montré que les récifs coralliens sont 6 fois plus résilients aux impacts du changement climatique dans une AMP qu’à l’extérieur d’une AMP (Mumby et al, 2013).

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RECOMMANDATIONS POUR UNE STRATEGIE DE CONSERVATION EN POLYNESIE FRANÇAISE L’analyse des stocks de pélagiques dans le Pacifique, de l’histoire de la filière pêche hauturière depuis 20 ans et les consultations réalisées auprès des acteurs de la filière pêche, ont permis d’offrir une compréhension des possibilités de développement du secteur de la pêche, mais aussi de proposer des recommandations relatives à l’établissement d’un réseau de grandes Aires Marines Protégées en Polynésie française que l’on espère réalistes. Un zonage partagé de la ZEE Avec plus de 5 million de km2 de ZEE, l’espace marin de Polynésie française offre des opportunités de développement importantes pour la filière pêche, mais aussi des opportunités de conservation. Comme dit précédemment, seul 40% de la ZEE, soit 2 million de km2, est pêchée actuellement en Polynésie française et la ZEE est fermée aux flottilles étrangères. La pêche se concentre dans un rayon d’environ 300 miles nautiques autour de Tahiti. Les 3 millions de km2 de ZEE restant sont actuellement quasiment inexploités (à part dans les zones côtières). Ces zones constituent d’ores et déjà des zones de réserve de facto, ou encore des «biomasses cryptiques », qui bénéficient par débordement à la pêche polynésienne et à la pêche internationale à l’extérieur de la ZEE. Cela étant, seul 0.07% de la ZEE de Polynésie est actuellement officiellement protégée par un statut d’Aire Marine Protégée, grâce aux réserves marines et aux PGEM (Plans de Gestion de l’Espace Maritime) existants, qui s’étendent sur environ 3 000 km2 (Vieux et Martinez, 2013). Et la protection « de facto » des 3 million de km2 de ZEE inexploités n’est pas garantie sur le long terme. Rien n’empêche aux pêcheurs polynésiens d’y accéder ou au gouvernement polynésien d’ouvrir un jour ces zones aux pêcheurs étrangers si elles ne sont pas exploitées par les flottilles locales. La création de grandes AMP, en priorité dans une partie de ces 3 millions de km2 de ZEE non exploitée, permettrait de garantir une préservation de ces stocks sur le long terme avec très peu de contraintes sur la pêche polynésienne actuelle. Elle permettrait d’éviter l’exploitation de l’ensemble de la ZEE dans le futur et de préserver durablement des zones de

régénération pour les stocks de poissons qui apporteront des bénéfices permanents à la pêche polynésienne. Pour respecter les recommandations de la communauté scientifique, une protection de 30% de la ZEE semblerait optimale pour offrir une régénération satisfaisante des stocks halieutiques polynésiens. Cela correspondrait à 1.5 million de km2, soit seulement la moitié des 3 millions de km2 non exploités actuellement. Cet objectif de 30% serait atteint si l’AMP de 700 000 km2 annoncée aux Marquises et celle de 1 million de km2 annoncée aux Australes sont créées. Une protection de 20% de la ZEE d’ici 2020, comme annoncée par le gouvernement de Polynésie française en 2013 et soutenue par le message d’Hokule’a en 2014, semble être un niveau de protection minimale et une première étape pour arriver au niveau de protection de 30% recommandé par les scientifiques. En majorité, les acteurs du secteur de la pêche rencontrés soutiennent l’idée de protéger 20% de la ZEE de la Polynésie française bien qu’ils soient pour la plupart opposés au concept de réserve intégrale. Les professionnels ont naturellement des idées variées, quelquefois contradictoires, parce que leurs projets d’avenir peuvent être différents. Par exemple, un armateur propose que l’ensemble de la ZEE soit déclarée en Aire Marine Protégée, avec des règles d’usage diversifié selon les zones. Ce projet peut sembler intéressant, mais, la pêche industrielle étant interdite dans les AMP selon l’UICN, une telle mesure limiterait considérablement le développement de la pêche hauturière dans les eaux du pays. Il reste possible d’envisager une grande Aire Marine Gérée de 5 million de km2 pour l’ensemble de la ZEE, avec des zones de protection (ou Aires Marines Protégées) bien définies à l’intérieur de cette zone. Localisation du réseau d’AMP proposé Un zonage cohérent de la ZEE pourrait être effectué pour définir les zones de pêche côtière, les zones de pêche hauturière et les zones de protection. Bien entendu, il serait plus facile de désigner des zones de protection dans les zones non pêchées actuellement par la pêche hauturière, c’est-à-dire dans les 3 million de km2 encore vierges. Ceci correspond à l’archipel des Marquises et des Australes, mais aussi les Gambier, l’Est des Tuamotu et également une zone au Nord de

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l’île de Scilly. Les professionnels du secteur consultés pensent qu’il serait plus justifié d’établir des Aires Marines Protégées de grande taille dans les parties de la ZEE autour des Marquises et autour des Australes, parce qu’avec leurs moyens actuels, ce sont des zones auxquelles ils ne cherchent pratiquement pas à accéder. Ils pensent aussi qu’un réseau d’AMP stratégiquement positionnées en bordure de ZEE permettrait à la pêche polynésienne de se protéger efficacement contre la pêche illégale. Cela étant, les AMP ne doivent pas être établies uniquement dans les zones non pêchées sans autres considérations. Un des objectifs premiers d’une AMP est de protéger les écosystèmes et la biodiversité remarquable d’une écorégion. Dans l’analyse éco-régionale menée par l’Agence française des Aires Marines Protégées en Polynésie française en 2010, plusieurs îles remarquables ont été identifiées sur le plan de la richesse de leur patrimoine naturel et de leurs écosystèmes marins, en terme de diversité biologique et d’endémisme. Il s’agissait des îles de Rapa, Tahiti, Fakarava, Rangiroa, Tahaa/Raiatea, Scilly, Nuku Hiva, Hao, Marutea Sud et Mangareva (par ordre d’importance biologique). Ces îles devraient être ciblées en premier lieu pour concevoir des projets d’AMP, car une protection de leurs écosystèmes contribuerait à préserver les habitats particulièrement remarquables de Polynésie française. Une étude récente sur l’environnement marin des Australes a également identifié l’atoll de Maria comme ayant une biodiversité marine remarquable (Salvat et al., 2015). Par ailleurs, il semble important de positionner des AMP dans des zones de forte concentration d’espèces pélagiques pour assurer une régénération efficace de leurs stocks. En Polynésie française, l’analyse des stocks nous a montré que la plupart des pélagiques étaient répartis de manière relativement uniforme sur l’ensemble de la ZEE, ce qui pourrait suggérer que toute zone de la ZEE présente a priori un intérêt de protection. Cela étant, on note tout de même une concentration de thon obèse et de thon jaune plus importante au niveau des Marquises et une densité d’espadon plus importante au Sud des Australes. En effet, ces zones sont connues pour être le lieu d’une production primaire importante (au regard de la pauvreté des eaux Polynésiennes) et donc pour abriter une faune pélagique remarquable (AER Polynésie française 2010). Ces deux

archipels devraient donc être ciblés en priorité pour créer des zones de protection océanique. De même, les monts-marins, qui sont connus comme étant des zones d’agrégation de pélagiques et des haut-lieux de l’endémisme, sont aussi des zones stratégiques qui pourraient être protégées. En particulier, l’archipel des Australes présente 42 monts sous-marins qui recèlent d’une biodiversité remarquable (Salvat et al., 2015). Par ailleurs, biologiquement, il serait intéressant de préserver une zone représentative de chaque région biogéographique du pays, à des latitudes différentes et avec des îles de géomorphologies différentes (atolls, îles hautes, etc). Plutôt que de concentrer l’effort de protection sur un ou 2 archipels, il serait probablement plus avisé de mettre un place un réseau de grande AMP, avec idéalement une grande AMP par archipel du pays, recouvrant au total 30% de la ZEE. Un tel réseau interconnecté permettrait de préserver un maximum d’assemblages d’espèces au niveau côtier et pourrait offrir également des corridors biologiques pour la migration des espèces pélagiques d’une grande AMP à l’autre. Bien entendu, les Marquises et les Australes, déjà identifiées comme zones remarquables et annoncées, ont un potentiel de protection qui semble prioritaire. Mais certaines zones non pêchées actuellement aux Gambier, à l’Est des Tuamotus et aux Nord de Scilly pourraient également être considérées. De même, une extension de la réserve de biosphère de Fakarava, envisagée lors de la création de la réserve, pour protéger l’océan qui sépare les îles de la commune (15 000 km2 au total), pourrait être considérée. Enfin, il semble important de veiller à l’intégration d’un réseau d’AMP de Polynésie française avec les AMP existantes (ou en projet) au niveau international, pour favoriser les migrations d’espèces et les bénéfices des AMP liés à leur taille, mais aussi pour renforcer la coopération régionale en matière de protection : - En particulier, une AMP transfrontalière des Cook du sud et des Australes serait envisageable. Nous rappelons que les Cook prévoient la création d’une AMP de 1 million de km2 dans la zone Sud de l’archipel, avec une préservation de la pêche côtière. La création d’une AMP de 1 million de km2 aux Australes entrainerait la protection d’une zone de 2 million de km2 d’un seul tenant. Les îles

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Cook et les Australes sont issues du même point chaud géologique et ont de nombreux liens biologiques et culturels. Ils ont notamment coopéré pour la protection de la perruche rouge de Rimatara, le Vini Ura. - De même, une mesure de conservation Gambier-Pitcairn pour un AMP transfrontalière pourrait être envisagée avec le Royaume Uni, qui a déjà créé une réserve intégrale de 834 000 km2 à Pitcairn. - C’est même un grand corridor traversant le Pacifique Sud au niveau du Tropique du Capricorne qui pourrait être protégé, avec la ZEE de Rapa Nui (où une AMP est en projet), la ZEE de Pitcairn, une partie des Gambier, des Australes, des îles Cook, puis plus au Sud, les îles Kermadec en Nouvelle Zélande et enfin la Nouvelle Calédonie à l’Est. - Enfin, en 2009, la Polynésie française et les îles Cook ont demandé lors d’une réunion plénière du WCPFC, la fermeture à la pêche de la zone d’eau internationale (ou poche de haute mer) enclavée entre les ZEE des îles Cook, Kiribati et Polynésie française. Le soutien politique pour la création d’une réserve dans cette zone devrait être maintenu par les gouvernements des 3 pays limitrophes dans les négociations internationales sur la haute mer. Et une zone de protection limitrophe à cette poche pourrait également être considérée dans la zone actuellement non pêchée au Nord de l’île de Scilly (qui est déjà une aire protégée depuis 1971). Caractéristiques du réseau de grandes AMP proposées En ligne avec les recommandations scientifiques, le réseau d’AMP proposé en Polynésie française devrait obéir aux 5 critères d’efficacité identifiés dans la littérature scientifique :

1) Le niveau de protection devrait être le plus élevé possible, avec un surface maximale d’AMP hautement protégée (de type catégorie 2 de l’UICN, c’est-à-dire des zones fermées à la pêche et à l’extraction minérale, mais permettant d’autres usages, dans le respect de l’environnement et des communautés locales).

2) La surveillance des zones protégées devrait être optimale. En Polynésie française, l’armée française a la responsabilité de la surveillance de la

ZEE. Elle a développé une stratégie de dissuasion efficace pour identifier les bateaux contrevenant à l’intérieur et aux frontières de la ZEE. La création de zones protégées n’engendre donc pas de besoins ou de coûts de surveillance additionnels, car la ZEE est déjà surveillée (notamment pour interdire l’accès aux flottilles étrangères). A moyen terme, la technologie satellite, couplée au suivi radar, permettra de diminuer considérablement les coûts de surveillance. Bien entendu, les réserves marines intégrales, où la pêche est complètement interdite, sont bien plus faciles à contrôler que les Aires Marines Gérées (avec une pêche possible respectant certains quotas).

3) La taille des AMP en Polynésie

française devrait être suffisante pour préserver des populations pélagiques mobiles. Le chiffre minimum de 200 000km2 recommandé par les experts, devrait être respecté pour chaque grande AMP en Polynésie française pour accroitre leur efficacité.

4) L’ancienneté des AMP étant un critère

d’efficacité important, les grandes AMP proposées en Polynésie française devraient être définies pour une période de long terme. Des rotations de zones protégées au sein de la ZEE (comme parfois observé au niveau côtier) ne sont pas encouragées, car elles limiterait l’efficacité des AMP dans le temps et engendreraient des contraintes supplémentaires en matière de gestion.

5) Enfin un isolement géographique des

zones de protection entrainerait une efficacité accrue. Chaque archipel de Polynésie française est relativement isolé des autres archipels par des zones de grande profondeur.

Un développement de la pêche hauturière compatible avec des zones de protection La création d’un réseau de grandes AMP en Polynésie française n’est pas incompatible avec le développement du secteur de la pêche hauturière du pays. Au contraire, un tel réseau aurait des bénéfices de long terme pour la pêche polynésienne et contribuerait au

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développement durable du secteur. La protection de 30% de la ZEE (1,5 million de km2) en priorité dans les zones non pêchées ou peu pêchées actuellement, ne pénaliserait que très peu l’activité de pêche hauturière menée aujourd’hui. Une telle protection laisserait 3,5 million de km2 de zone de pêche, soit 1,5 million de km2 de plus que la surface de 2 million pêchée actuellement. La pêche pourrait être intensifiée progressivement dans la zone de pêche fraiche actuelle (300 miles nautiques autour de Tahiti), en bénéficiant directement du débordement des stocks protégés dans un réseau de grandes AMP. Et dans les 1,5 million de km2 d’extension potentielle de la surface pêchée, un développement progressif de la pêche, ou « step by step » (comme dit par les professionnels de la pêche), pourrait avoir lieu. Des projets de bateaux surgélateurs pourraient se développer dans cette zone si les capacités d’investissement des pêcheurs polynésiens le permettent. Mais une étude économique approfondie devrait être menée avant de considérer un renforcement de l’exploitation du thon obèse, notamment avec des surgélateurs aux Marquises. En effet, il semble économiquement et écologiquement dangereux d’investir de manière conséquente pour l’exploitation d’une espèce dont les stocks sont déjà menacés et risquent de décliner d’avantage. Une protection de la pêche côtière La création d’un réseau d’AMP au large permettrait également de maintenir et favoriser la pêche côtière pratiquée par les populations des archipels. En effet, certains zonages d’AMP permettent de protéger la pêche côtière pratiquée dans les îles habitées. L’exemple de

l’« anneau bleu » (ou « Blue Halo ») est un modèle qui a été repris par plusieurs pays du Pacifique comme Pitcairn, Rapa Nui, les Iles Cook et Palaos (voir figure ci-dessous). Dans ce modèle, la pêche côtière est autorisée autour de chaque île habitée, jusqu’à une distance définie (par exemple 20 miles nautiques). Cette zone de pêche côtière peut correspondre à une AMP de catégorie 6 selon le code de l’UICN, avec une pêche durable et/ou traditionnelle pratiquée localement. Dans le modèle d’anneau bleu, au-delà de la zone de pêche côtière, la pêche est interdite dans une réserve en forme d’anneau jusqu’aux limites de la ZEE (par exemple de 20 à 200 miles nautiques). Cette zone de réserve intégrale peut correspondre à une AMP de catégorie 2 selon le code de l’UICN. Avec ce scénario d’anneau bleu, les îles habitées pratiquant la pêche côtière se trouvent au centre d’une grande AMP océanique et bénéficient directement de l’effet de débordement. Ce scénario est celui qui a été proposé par la population de Rapa dans la délibération du conseil municipal du 4 décembre 2014, avec une zone de protection de 20 miles nautiques jusqu’aux limites de la ZEE, qui inclut les îlots de Marotiri (à 40 miles de l’île). Ce scénario semble également avoir été retenu par l’ensemble des îles des Australes. Ce scénario pourrait être préconisé pour tout projet de grande AMP en Polynésie française, aux Australes, mais aussi aux Marquises et aux Gambier. La pêche côtière est extrêmement importante pour la sécurité alimentaire des archipels éloignés pour lesquels une diminution des ressources locales pourrait avoir des conséquences majeures.

Figure : Scénario de protection de l’anneau bleu

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Dans la région Pacifique, les efforts de développement des pêches ont été largement orientés vers les produits d'exportation. L'augmentation de la demande mondiale de produits de la pêche et la hausse des prix qui en découle, n’a fait que stimuler encore cette tendance. Or selon la FAO, la poursuite de cette tendance serait plutôt inquiétante. Dans de nombreux pays comme à Fiji, aux Iles Salomon et aux Vanuatu, quelques pêcheries axées sur l'exportation ont compromis les sources d'alimentation traditionnelles de l’ensemble de la population des îles. Dans certains cas, seuls quelques individus tirent profit de la pêche d'exportation, alors que ceux qui en subissent les retombées négatives sont beaucoup plus nombreux (FAO 2005). Une étude économique régionale (Banque mondiale, 2000) a évalué la production annuelle de la pêche côtière à 6,7 millions USD à Fidji, 18 millions USD à Kiribati, 13,9 millions USD aux îles Salomon et 14,7 millions USD à Vanuatu. Malgré cette importance économique, les gouvernements de la région n'ont généralement guère accordé d'attention au secteur de la pêche côtière. Les études, les initiatives de développement et les efforts d'aménagement des organismes gouvernementaux des pêches tendent à être orientés vers le secteur des pêches hauturières commerciales. A la lumière de ces expériences, une recommandation pour la Polynésie française serait d’impulser un développement de la pêche hauturière commerciale compatible avec une exploitation raisonnée des stocks halieutiques et ne pénalisant pas la pêche côtière. Une action rapide face aux pressions commerciales grandissantes Environ 90% de stocks halieutiques sont surexploités ou pleinement exploités dans les océans du monde (FAO 2012). Et dans les stocks surexploités, il est souvent trop tard pour fermer certaines zones à la pêche même si cela s’avèrerait grandement nécessaire. Dans la plupart des cas, des investissements lourds ont été effectués et il est politiquement et économiquement impossible de restreindre la zone de pêche car les armateurs attendent un retour sur investissement. Ou alors, les pays qui vendent des permis de pêche ont besoin de ces dividendes réguliers pour remplir leurs caisses. Face à cette impuissance, beaucoup de pays sont arrivés jusqu’à un épuisement de leur ressources et donc à une faillite de leur armateurs, faute d’avoir pu prévenir le déclin des stocks à temps.

La Polynésie française fait partie des 10% des stocks halieutiques de la planète qui sont encore gérés durablement. Pour cette raison, il est encore relativement facile de créer des AMP en Polynésie française car de vastes zones sont encore non exploitées. Et il est surtout encore temps de prendre des mesures de protection préventives avant que la pêche ne s’intensifie et que l’ensemble de la ZEE soit exploité. Les pêcheurs rencontrés sont unanimement opposés à l’ouverture de leurs frontières aux pêcheurs étrangers. Mais face à la pression commerciale grandissante due à la surpêche internationale et à la raréfaction des stocks de thons, la ZEE de Polynésie française est très convoitée par les grandes nations de pêche. Environ 1600 bateaux de pêche internationaux pêchent aux frontières de l’espace marin du Pays. La tentation du Pays d’ouvrir les zones de pêches non exploitées par les pêcheurs polynésiens aux flottilles internationales sera probablement de plus en plus grande. Et si les flottilles étrangères ne peuvent pas rentrer dans la ZEE en achetant des droits de pêche, il semble réaliste qu’elles tentent d’entrer grâce à des « joint-ventures » avec des armateurs polynésiens. Si des bateaux usines de surgélation sont déployés avec des capitaux étrangers et des marins étrangers, cela reviendrait à une ouverture partielle de la ZEE, même si les bateaux sont immatriculés en Polynésie française. Dans ce cas de figure, le développement de la pêche pourrait être rapide. Donc, une protection préventive de 30% de la ZEE, permettrait de s’assurer qu’une partie de la ZEE ne sera jamais exploitée et qu’elle apportera des bénéfices durables à la pêche polynésienne dans les 70% restants. Un développement économique des archipels Une protection de la pêche côtière des archipels permettrait de maintenir une certaine sécurité alimentaire et l’autosuffisance des îles éloignées. Un label de qualité environnemental reconnu, tel qu’une Aire Marine Protégée ou un Parc Marin, permettrait également de promouvoir la biodiversité particulière et la culture des archipels de Polynésie française, et de valoriser ces régions au niveau international. En particulier, le tourisme des Marquises et des Australes est basé sur la découverte de la nature préservée, loin du tourisme de masse. Un label environnemental pourrait confirmer cette tendance et permettre

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de développer sensiblement l’écotourisme en créant des emplois locaux. Un projet d’AMP peut constituer également un projet structurant pour un territoire comme un archipel. Il permet aux îles de coopérer sur un projet commun, de renforcer l’identité culturelle du territoire, et d’envisager une stratégie de développement conjointe. L’AMP des Marquises a une place importante dans le Plan de développement économique durable de la Communauté de Commune des Iles Marquises (CODIM). De même, les délibérations des Australes, appelant à la création d’une AMP sont un des premiers projets transversal initié par les îles Australes. Une grande AMP permet donc d’avoir un projet de territoire structuré et concerté pour concilier conservation et développement durable à l’échelle d’un archipel. Un projet de société La définition de chaque AMP doit faire l’objet d’un examen attentif, et d’une concertation avec tous les professionnels et les populations concernés. Les populations des îles en premier lieu, sont les «héritiers» des ressources marines concernées et devraient être les premiers à pouvoir se prononcer sur les projets de développement ou de protection de leurs eaux. Bien que les communes ne soient pas juridiquement compétentes sur la gestion du large, leur légitimité sociale et culturelle sur la gestion de ces eaux semble évidente. Dans l’étude sur l’environnement marin des Australes, plusieurs publications montrent une véritable appropriation culturelle du large basée sur de nombreux échanges entre les îles (Salvat et al., 2015). Par ailleurs, même si les populations des îles ne pêchent généralement pas au-delà de 20 miles, un renforcement de la pêche au large dans la ZEE aurait probablement des effets significatifs sur leur pêche côtière. Il semble donc juste que les populations des îles soient les premières consultées pour définir les règles de gestion de la ZEE de leur archipel. Les habitants des Marquises et des Australes ont clairement affiché leur volonté de créer une grande AMP dans leur ZEE et le gouvernement a entendu leur requête en annonçant des initiatives d’AMP dans ces 2 archipels.

Bien entendu, d’autres parties prenantes doivent être consultées et entendues pour chaque initiative d’AMP. Les pêcheurs hauturiers sont les bénéficiaires directs des AMP mais ils sont aussi les premiers à en subir les contraintes. Tout projet d’AMP doit se faire en concertation avec eux et ils doivent participer activement au zonage et au niveau de protection de chaque AMP. Par ailleurs les scientifiques, les associations, le secteur privé, le monde du tourisme, et l’ensemble de la population devraient être associés au processus de création de chaque AMP, orchestré par les services publics, pour que ces projets deviennent de véritables projets de société. Un rayonnement international de la Polynésie française La création de la plus grande AMP du monde à Pitcairn (834 000 km2) a entrainé des centaines d’articles de presse dans les médias internationaux en seulement quelques mois. Cette publicité gratuite pour ce territoire a contribué à « placer Pitcairn sur la carte » et à faire rayonner ce territoire comme haut-lieu de la conservation au niveau international. Avec la création d’une AMP de 1 million de km2 aux Australes, la Polynésie française a la possibilité de devancer Pitcairn et de créer la plus grande AMP du monde. En ajoutant 700 000 km2 aux Marquises, la Polynésie française détiendrait alors de loin le plus grand réseau d’AMP. De telles mesures permettraient un rayonnement de la Polynésie française sur la scène internationale. Cela permettrait également de confirmer l’attrait de la destination Polynésie française comme un haut lieu de la biodiversité au niveau international. Le tourisme étant de loin le principal secteur économique du pays, une augmentation même minime de la notoriété et de la fréquentation du pays, aurait des conséquences importantes sur l’économie du pays. Enfin, à l’heure de la création de grandes AMP dans la plupart des pays du Pacifique qui nous entourent, une stratégie de protection ambitieuse en Polynésie française permettrait de renforcer la coopération avec les pays du Pacifique sur le thème de l’environnement.

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ANNEXES

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ANNEXE 1 : BIBLIOGRAPHIE Abbes R., F.X. Bard, E. Josse, P. Bach, 1999. Le programme ECOTAP et son environnement halieutique. Chapitre 1, p23 à p. 74, in ECOTAP, Etude du comportement des thonidés par l’acoustique et la pêche en Polynésie Française. Rapport Final. Convention Territoire/ EVAAM /IFREMER / ORSTOM No. 951070. 523 pp. Alcala AC, G.R. Russ, A.P. Maypa, and H.P. Calumpong. 2005. A long-term, spatially replicated experimental test of the effect of marine reserves on local fish yields. Can. J. Fish. Bale, S., Frotté, L., Harper, S. and Zeller, D. 2009 Reconstruction of total marine fisheries catches for French Polynesia 1950-2007 Bonneville A., Sichoix L., 1998. Topographie des fonds océaniques de la Polynésie française, synthèse et analyse. Banque mondiale. 2000. Cities, Seas, and Storms: Managing Change in Pacific Island Economies. Volume 3 - Managing the Use of the Oceans, Papua New Guinea and Pacific Islands Country Unit. Beare, D., et al. 2010. An unintended experiment in fisheries science: a marine area protected by war results in Mexican waves in fish numbers-at-age. Naturwissenschaften 97, 797-808 Bambridge T. 2015 The rahui: legal pluralism, environment and land and marine tenure in Polynesia, Australian National University Press, in press Davies N., S. Harley, J. Hampton, and S. McKechine, 2014. Stock assessment of yellowfin tuna in the western and central Pacific Ocean, WCPFC-SC10-2014/SA-WP-04. CBD 2010 Aichi targets. https://www.cbd.int/sp/targets/ Claudet, J., et al. 2010. Marine reserves: fish life history and ecological traits matter. Ecological Applications 20, 830-839 Clear, N.P., et al. 2005 Movement of bigeye tuna (Thunnus obesus) determined from archival tag light-levels and sea surface temperatures., CSIRO, Hobart, and SPC Edgar, G. et al. 2014 Global conservation outcomes depend on marine protected areas with five key features. Nature 506. FAO 2005. Document technique sur les pêches 457 : L'état des ressources halieutiques marines mondiales. Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l'Agriculture, Rome FAO 2012. The State of the world fisheries and aquaculture. http://www.fao.org/docrep/016/i2727e/i2727e01.pdf Fonteneau A., D. Gascuel et P. Pallares 1998. Vingt -cinq ans d ‘évaluations thonières de l’Atlantique : quelques réflexions méthodologiques. J. Beckett Ed. IRD. Actes du symposium ICCAT de Punta Delgada. Rec. Doc. Scient. ICCAT Vol. L(2) ; pp 523-562. Gell, F.R., and Roberts, C.M. (2003) Benefits beyond boundaries: the fishery effects of marine reserves. Trends in Ecology and Evolution 18, 448-455 Goñi R, Adlerstein S, Alvarez-Berastegui D, et al 2008. Spillover from six western Mediterranean marine protected areas: evidence from artisanal fisheries. Marine Ecology Progress Series 366: 159-174. Halpern, B.S., and Warner, R.R. 2003. Marine reserves have rapid and lasting effects. Ecology Letters 5, 361-366

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Hobday, A.J. 2010. Ensemble analysis of the future distribution of large pelagic fishes off Australia. Progress in Oceanography 86, 291-301 Harley S., P. Williams, S. Nicol, J. Hampton, 2012. La Pêche Thonière dans le Pacifique Occidental et Central. : Bilan de l’activité halieutique et état actuel des stocks de thonidés. Harley S., N. Davies, J. Hampton And S. Mckechnie, 2014. Stock assessment of bigeye tuna in the Western and Central Pacific Ocean, WCPFC-SC10-2014/SA-WP-01. Hoyle S., J. Hampton And N. Davies, 2012. Stock assessment of albacore tuna in the South Pacific Ocean, WCPFC-SC8-2012/SA-WP-04-REV1. IATTC, 2014. Tunas and billfishes in the Eastern Pacific Ocean in 2013 (IATTC-87-03a) I&I NSW (2009) I&I NSW Game Fish Tagging Program, Summary 2006/2007 & 2007/2008., I&I New South Wales ISC - International Scientific Committee for Tuna and Tuna-like Species in the North Pacific Ocean 2012. Pacific Bluefin Tuna Stock Assessment. IUCN 2012 Day J., Dudley N., Hockings M., Holmes G., Laffoley D., Stolton S. & S. Wells, 2012. Application des catégories de gestion aux aires protégées : lignes directrices pour les aires marines. Gland, Suisse: UICN. 36 pp. IUCN 2014a. A strategy of innovative approaches and recommendations to enhance implementation of marine conservation in the next decade. World Park Congress. Sydney. UICN 2014b. Promesse de Sydney : http://www.iucn.org/?18645/IUCN-summit-delivers-major-commitments-to-save-Earths-most-precious-natural-areas Jordahl K., D. Caress, M. Mcnutt, A. Bonneville, 2003. Sea-Floor Topography and Morphology of the Superswell Region. (in Oceanic Hotspots - Intraplate Submarine Magmatism and Tectonism) Jensen, O.P., et al. 2010. Local management of a ‘‘highly migratory species”: The effects of long-line closures and recreational catch-and-release for Baja California striped marlin fisheries. Progress in Oceanography 86, 176-186 Koldewey, H.J., et al. 2010. Potential benefits to fisheries and biodiversity of the Chagos Archipelago/British Indian Ocean Territory as a no-take marine reserve. Marine Pollution Bulletin 60, 1906-1915 Martinez E., 2006. Circulation des eaux de la thermocline en Polynésie française. Utilisation de données satellites, in situ, et d’un modèle de circulation océanique régional. Micheli, F., et al. 2004. Trajectories and correlates of community change in no-take marine reserves. Ecological Applications 14, 1709-1723 Morato T., V. Allain, S. Hoyle, and S. Nicol, 2009. Tuna longline fishing around west and central Pacific seamounts. Mumby et al. 2013. Operationalizing the resilience of coral reefs in an era of climate change." Conservation Letters. doi: 10.1111/conl.12047 Pilling G., Harley S., Williams P., Haampton J., and the WCPFC secretariat, 2014. Trends in the south Pacific albacore longline and troll fisheries Polachek, T. 1990. Year round closed areas as a management tool. Natural Resource Modeling 4(3):327–354.

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McCall A.D. 1990. Dynamic geography of marine fish populations. Washington Sea Grant Program. University of Washington Press. 153p Ponsonnet C., 2004. Les Paru, bilan des connaissances acquises et perspectives d'exploitation en Polynésie française, Documents et travaux du Programme ZEPOLYF, 3, 215 p., Université de la Polynésie française, Tahiti, Polynésie française. Palumbi, S.R. 2003. Marine Reserves: A tool for ecosystem management and conservation. Pew Oceans Commission. Roberts CM, Bohnsack JA, Gell F, et al 2001. Effects of marine reserves on adjacent fisheries. Science 294:1920-1923. Rowley, R.J. 1992. An assessment of the impacts of marine reserves on fisheries. A report and review of the literature for the Department of Conservation. New Zealand.July 1992. 63p. Salvat B., Bambridge T., Tanret D. et Petit J., 2015. Environnement marin des îles Australes, Polynésie française. Institut Récifs Coralliens Pacifique, CRIOBE et The Pew Charitable Trusts Polynésie française. Sepulveda, C.A., et al. 2010. Fine-scale movements of the swordfish Xiphias gladius in the Southern California Bight. Fisheries Oceanography 19, 279-289 Sibert, J. and J. Hampton. 2003. Mobility of tropical tunas and the implications for fisheries management. Marine Policy 27: 87 – 95. Vieux, C., Martinez, C., 2013 - Europe Overseas Marine Protected Areas- A Review of the marine protected areas networks in Europe Overseas. Gland, Switzerland, IUCN, 78 pages. Worm B, Barbier EB, Beaumont N, Duffy JE, Folke C, et al. (2006) Impacts of biodiversity loss on ocean ecosystem services. Science 314: 787–790. doi: 10.1126/science.1132294 Williams P., Terawasi P., 2014. Overview of tuna fisheries in the western and central Pacific Ocean, including economic conditions – 2013 / WCPFC-SC10-2014/GN WP-1

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ANNEXE 2 : QUESTIONNAIRES QUESTIONNAIRE SUR L’AVENIR DE LA PECHE HAUTURIERE DESTINÉ AUX CAPITAINES DE PÊCHE HAUTURIÈRE, AUX ARMATEURS DE PALANGRIERS, ET AUX MAREYEURS DE LA FILIÈRE PÊCHE HAUTURIÈRE. FACULTATIF : Nom :……………………………….Société :………………………………………

1) RESSOURCES HALIEUTIQUES 1 Pensez-vous que les ressources en thons de notre ZEE sont bien connues

par les pêcheurs et les armateurs ? OUI ☐ NON ☐

2 Faut-il faire de nouvelles recherches ? OUI ☐ NON ☐ 3 Si oui, quelles recherches ?

4 Connaissez-vous le système de gestion des thons pour le Pacifique Occidental et Central ?

OUI ☐ NON ☐

5 Etes-vous favorable à une gestion coordonnée des stocks de germon (thon blanc) à l’échelle du Pacifique Sud ?

OUI ☐ NON ☐

6 Connaissez-vous l’accord de Tokelau que les pays insulaires du Pacifique ont signé en octobre 2014 ?

OUI ☐ NON ☐

7 Est-ce que la Polynésie française devrait s’allier aux autres pays insulaires du Pacifique pour organiser la protection des ressources en germon (accord de Tokelau) ?

OUI ☐ NON ☐

8 Même si cet accord impose des quotas à chaque pays insulaire du Pacifique (y compris à la Polynésie Française), et à chaque nation de pêche palangrière (Chine, Taiwan, Japon, Corée) ?

OUI ☐ NON ☐

2) DÉVELOPPEMENT DE LA PÊCHE HAUTURIÈRE DURABLE EN PF

9 La tendance à la diminution du nombre d’armateurs et de mareyeurs est

plutôt une bonne chose OUI ☐ NON ☐

10 Il faudrait pouvoir remplacer les thoniers de pêche fraîche en acier au bout de : 10☐ 15☐ 20☐ 25☐ 30☐ 35☐ 40☐ ans

11 Il faudrait former des capitaines de pêche mieux qualifiés pour les pêches lointaines

OUI ☐ NON ☐

12 Il faudrait former plus de mécaniciens embarqués OUI ☐ NON ☐ 13 Quelle(s) espèce(s) souhaitez-vous cibler dans les 10 prochaines années ?

(plusieurs réponses possibles) Germon ☐ Thon obèse ☐ Thon jaune ☐ Espadon ☐ Autres (préciser) ☐

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14 Quel(s) type(s) de bateau souhaitez-vous utiliser ? (plusieurs réponses possibles) Palangrier de pêche fraîche ☐ Palangrier congélateur ☐ Palangrier surgélateur ☐ Autre (préciser) ☐

15 Quelles parties de la ZEE souhaitez-vous exploiter dans les 10 prochaines années ? (plusieurs réponses possibles) Société ☐ Tuamotu Ouest ☐ Tuamotu Centre ☐ Tuamotu Est & Gambier ☐ Marquises ☐ Australes ☐

16 Pensez-vous qu’il est nécessaire d’aller pêcher en dehors de la ZEE pour développer la pêche hauturière polynésienne ?

OUI ☐ NON ☐

17 Pensez-vous qu’il est nécessaire d’instaurer une distance minimum des côtes pour les palangriers ?

OUI ☐ NON ☐

18 Pansez-vous que cette distance devrait être la même pour tous les archipels ?

OUI ☐ NON ☐

19 Quelle devrait être la distance minimum officielle d’une côte pour poser des palangres ? Aux Marquises 10 milles☐ 15 milles☐ 20 milles☐ Autre ? Aux Tuamotu Ouest 10 milles☐ 15 milles☐ 20 milles☐ Autre ? Aux Tuamotu Centre 10 milles☐ 15 milles☐ 20 milles☐ Autre ? Aux Tuamotu Est 10 milles☐ 15 milles☐ 20 milles☐ Autre ? Aux Gambier 10 milles☐ 15 milles☐ 20 milles☐ Autre ? Aux îles de la Société 10 milles☐ 15 milles☐ 20 milles☐ Autre ? Aux Australes 10 milles☐ 15 milles☐ 20 milles☐ Autre ?

20 Souhaitez-vous que les bateaux de pêche étrangers aient accès à la ZEE de Polynésie française ?

OUI ☐ NON ☐

21 Souhaitez-vous des joint ventures avec des investisseurs étrangers pour armer des navires de pêche en Polynésie ?

OUI ☐ NON ☐

22 Souhaitez-vous que les armateurs polynésiens puissent employer des marins étrangers, moins bien payés que les marins polynésiens ?

OUI ☐ NON ☐

23 Souhaitez-vous que les armateurs polynésiens puissent employer des capitaines étrangers ?

OUI ☐ NON ☐

24 Souhaitez-vous que les armateurs polynésiens puissent employer des techniciens (mécaniciens et frigoristes) étrangers ?

OUI ☐ NON ☐

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QUESTIONNAIRE SUR LA PERCEPTION DES PECHEURS ET MAREYEURS VIS-À-VIS D’UN RESEAU DE GRANDES AIRES MARINES PROTEGEES

Nom (facultatif) : Société (facultatif) : PÊCHEUR ◊ MAREYEUR ◊ 1 Le Pays doit-il s’engager plus qu’il ne le fait dans la protection des ressources marines? OUI ◊

NON ◊ 2 Quels seraient selon vous les moyens les plus efficaces pour assurer une protection

des ressources sur le long-terme en Polynésie française? Quotas ◊ Coopération régionale ◊ Renforcement des suivis ◊ Amélioration des techniques de pêche ◊ AMP ◊ Autre ? précisez :

3 Un accès et des pratiques réglementés seraient-ils suffisants pour préserver les stocks halieutiques sur le long terme ?

OUI ◊ NON ◊

4 Pensez-vous qu’un réseau de grandes Aires Marines Protégées serait utile pour protéger les ressources en Polynésie française?

OUI ◊ NON ◊

5 Etes-vous favorable à l’engagement du gouvernement et de la société civile polynésienne de protéger au moins 20% des eaux territoriales d’ici 2020?

OUI ◊ NON ◊

6 Quelle superficie totale devrait avoir un réseau d’AMP en Polynésie française ? > 1 million de km² (20% de la ZEE) ◊ Entre 500 000 et 1 million de km² (10 à 20 %) ◊ Entre 100 000 et 500 000 km² (5 à 10%) ◊ < 100 000 km²◊

7 Dans quelle(s) région(s) des AMPs devraient-elles être mises en place en priorité ? Société ◊ Tuamotu ◊ Gambier ◊ Marquises ◊ Australes ◊ Autres (Précisez) :

8 Quelles catégories de protection devraient être privilégiées en Polynésie française? Réserve intégrale (toute pêche interdite) ◊ Zones de pêche réglementées ◊ Mix des deux ◊

9 Les grandes AMP devraient-elles être limitées dans le temps ? Si oui, pour quelle durée ?

OUI ◊ NON ◊

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Veuillez dessiner sur cette carte votre réseau d’AMP idéal en Polynésie française (en zones hachurées) :

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ANNEXE 3 : PERSONNES CONSULTEES Henri BUTSCHER Président, Organisation des Producteurs Yan CHING Directeur, Vini Vini Aymeric DESURMONT Responsable information halieutique, CPS Patrick GABORIAUD Directeur, Tahiti Island Seafood Arnaud LEMORVAN Armateur (Fetu Ura) Moana MAAMAATUAIAHUTAPU Armateur, Directeur de la SNC VAIANAHOA Christophe MISSELIS Directeur, Tahiti Tuna Consulting Georges MOARII Directeur, Ocean Products Cédric PONSONNET Directeur – Adjoint des Ressources Marines et Minières Gérard SIU Président, Cluster Maritime de Polynésie française Arsène STEIN Directeur des Ressources Marines et Minières Marc TAQUET Directeur, Centre IRD de Polynésie française Bruno UGOLINI Ex-Directeur de la DRM et de TNR Jef VIRMAUX Directeur, Pacific Logistique Services

ANNEXE 4 : PARTICIPANTS AUX ATELIERS PARTICIPANTS A L’ATELIER DU 30 JANVIER 2015. Béatrice AGRA Cabinet KAHN Henri BUTSCHER Président, O.P. Yann CHING Vini Vini Charles DAXBOECK Biodax Consulting Hervé DRIANO TNR Sophie-Dorothée DURON Agence des AMP Stanley ELLACOTT FEPSM Mailee FAUGERAT Nautisport / CMPF Jean-Baptiste FOUCHÉ Négoce Export Patrick GABORIAUD Tahiti Nui Island Seafood Christophe GEORGE Poema Assurances Alec HAMBLIN Capitaine TBR 3 Arnaud LE MORVAN FETU Armement Ramon LY SOPOM / SOFLEX Moana MAAMAATUAIAHUTAPU Directeur, SCA Vaianahoa Pierre MINDEGUIA Tahiti Fishing Company Christophe MISSELIS Tahiti Tuna Trading, Fenua Fish Georges MOARII Armement Georges Moarii / Tahiti Ocean Products Vatea MOARII I2F Isabelle MOGNAT ECOFIP, CMPF Jérôme PETIT Pew Charitable Trusts Polynésie Cedric PONSONNET Directeur Adjoint, DRMM Marine PREUVOST Agence des AMP Taiana RAOULX SPC / DRMM Gérard SIU Président, Cluster Maritime de Polynésie Française Donatien TANRET Pew Charitable Trusts Polynésie Antonio TAUFA Capitaine, MR3 Manata UTIA Capitaine MR1 René UTIA SCA Vaeanapa François VOIRIN Directeur, CMMPF

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PARTICIPANTS A L’ATELIER DU 13 FEVRIER 2015. Henri BUTSCHER Président, O.P. Yann CHING Vini Vini Charles DAXBOECK Biodax Consulting Sophie-Dorothée DURON Agence des AMP Pascal ERHEL Marquises UNESCO Stanley ELLACOTT FEPSM Yann FOLLIN FESPM Patrick GABORIAUD Tahiti Nui Island Seafood Gaston GERLING Coopérative de Pêche Hinano GERLING Coopérative de Pêche Arnaud LE MORVAN FETU Armement Moana MAAMAATUAIAHUTAPU Directeur, SCA Vaianahoa Christophe MISSELIS Tahiti Tuna Trading, Fenua Fish Georges MOARII Armement Georges Moarii / Tahiti Ocean Products Isabelle MOGNAT ECOFIP, CMPF Jaros OTCENASEK Syndicat des Pêcheurs Professionnels Polynésiens Jérôme PETIT Pew Charitable Trusts Polynésie Cedric PONSONNET Directeur Adjoint, DRMM Poema du PREL Pew Charitable Trusts Polynésie Marine PREUVOST Agence des AMP Bran QUINQUIS Min. du Travail (chargé de la Recherche) Gérard SIU Président, Cluster Maritime de Polynésie Française Donatien TANRET Pew Charitable Trusts Polynésie I. TEMATAHOTOA SCA Tubuai Rava’ai Jacques TESSIER Rava’ai Rau2 Kathe

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ANNEXE 5 : MESSAGE D’HOKULE’A - MALAMA HONUA DE POLYNESIE FRANÇAISE : Délivré au Président Gaston Flosse le 22 juin 2014 par Alban Ellacott, le président de Tainui – Friends of Hokule’a, au nom des 50 associations polynésiennes signataires Frères du Pacifique, ensemble, protégeons nos océans ! La pirogue Hōkūle’a, en association avec la société civile de Polynésie française et avec les peuples frères du Pacifique, appelle solennellement à œuvrer pour la protection de l’océan dans le Pacifique et dans le monde, à travers le message Malama Honua. Les amis d’Hōkūle’a de Tahiti, Tainui – Friends of Hōkūle’a, et les associations qui en font partie, portent ce message à la connaissance du gouvernement de Polynésie française et le confient à la pirogue Hōkūle’a pour le faire partager au reste du monde. Les amis d’Hōkūle’a, Tainui – Friends of Hōkūle’a, s’engagent à contribuer à mettre en œuvre ce message d’espoir à travers les résolutions suivantes : Ensemble, préservons notre culture ancestrale liée à l’océan : Célébrons la richesse de nos coutumes et de notre savoir traditionnel en échange avec les peuples du Pacifique qui partagent la même langue et le même socle culturel. Perpétuons nos connaissances maritimes ancestrales à travers la documentation du savoir des anciens et l’éducation des nouvelles générations. Ensemble, préservons nos ressources marines exceptionnelles: Conservons les trésors de notre biodiversité unique et de nos écosystèmes marins : récifs, tortues, baleines, requins, poissons et oiseaux marins. Ce patrimoine naturel est l’emblème de notre culture et le garant de notre économie à travers le tourisme, la pêche durable et la perliculture. Ensemble, créons un réseau de grandes Aires Marines Protégées: Désignons ensemble par la concertation de tous les acteurs et par l’analyse scientifique, un réseau d’Aires Marines Protégées, dans nos lagons et la haute mer, pour une préservation durable de nos stocks de poissons pour les générations futures. Œuvrons ensemble pour que 20 % de notre espace maritime soit protégé d’ici 2020. Ensemble, agissons contre le changement climatique: Œuvrons ensemble pour atteindre 100 % d’énergie renouvelable en 2030. Développons ensemble les mesures nécessaires à la protection des peuples insulaires du Pacifique qui seront victimes des effets du changement climatique. Associations et organisations signataires du message d’Hokule’a : Association Tainui - Friends Of Hōkūle’a, Fédération des Associations de Protection de l’Environnement, The PEW Charitable Trusts, Fédération Motu Haka O Te Fenua Enana, Fédération Tahitienne de Va’a, Fédération Tu‘aro Maohi, Association Manu Société d'Ornithologie de Polynésie française, Association Te Mana O Te Moana, Association Colibri-2D Attitude, Association Tamari’i Pointe des Pêcheurs, Association Ha’apape A Ara, Association Te Rau ‘Ati’Ati a Tau a Hiti Noa Tu, Association Vaituoro Nui, Association Mata Ara Te Haa Fenua No Papenoo, Asociation Tou Fenua Tou Ora No Te Ao Maohi, Association Te Vaka No Te Tau A Uiui, Association Maohi No Manotahi, Association Te Hivarereata, Karuru Vanaga – Académie Pa’umotu, Association Haururu, Association Havake Teretere no Ra'iroa, Association Fa’afaite I Te Ao Ma’ohi, Fare Vana’a – Académie Tahitienne, Association Te reo O Te Tuamotu, Association Tamariki Te Puka Maruia, Association Te Tupuna Te Tura, Association Moorea Va’a Ta’ie, Association Hôtels de famille de Tahiti et ses îles, Association Sea Shepherd de Tahiti, Association Te Vai Ara O Teahupoo, Association Te Hono, Association Te Hina O Motuhaka, Pacific Voyagers, Association Mata Tohora, Association Na Papa e Va'u, Association Te Amuitahiraa a te mau Hua'ai a Tamatoa, Association Te Anaiva Aveave Pu Fe'e Ma'ohi Teremoana, Association Maire Rau Rii no Havaii, Association Tuihana, Association Kenau no Maurua, Association Puna Reo Piha'e'ina

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