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ÉMERGENCE ET FAISABILITÉ DES PROTECTIONS EN DISCUSSION SUR LES « RÉFUGIÉS ENVIRONNEMENTAUX » Christel Cournil Armand Colin / Dunod | « Revue Tiers Monde » 2010/4 n°204 | pages 35 à 54 ISSN 1293-8882 ISBN 9782200926632 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2010-4-page-35.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- !Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Christel Cournil, Émergence et faisabilité des protections en discussion sur les « réfugiés environnementaux » , Revue Tiers Monde 2010/4 (n°204), p. 35-54. DOI 10.3917/rtm.204.0035 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin / Dunod. © Armand Colin / Dunod. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 86.124.228.48 - 19/10/2015 22h58. © Armand Colin / Dunod Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 86.124.228.48 - 19/10/2015 22h58. © Armand Colin / Dunod

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ÉMERGENCE ET FAISABILITÉ DES PROTECTIONS EN DISCUSSIONSUR LES « RÉFUGIÉS ENVIRONNEMENTAUX »Christel Cournil

Armand Colin / Dunod | « Revue Tiers Monde »

2010/4 n°204 | pages 35 à 54 ISSN 1293-8882ISBN 9782200926632

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2010-4-page-35.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

!Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Christel Cournil, Émergence et faisabilité des protections en discussion sur les « réfugiésenvironnementaux » , Revue Tiers Monde 2010/4 (n°204), p. 35-54.DOI 10.3917/rtm.204.0035--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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RÉFUGIÉS CLIMATIQUES, MIGRANTSENVIRONNEMENTAUX OU DÉPLACÉS ?

ÉMERGENCE ET FAISABILITÉDES PROTECTIONS EN DISCUSSION SUR

LES « RÉFUGIÉS ENVIRONNEMENTAUX »*

Christel Cournil**

La question de la définition et de la protection des réfugiés environnementaux ou des réfugiésclimatiques apparaît de plus en plus fréquemment dans les rapports des organisations ouagences onusiennes, dans les travaux des experts, des chercheurs et des universitaires, ainsique dans la littérature grise des ONG. La « qualification » de ces mouvements de populationvarie selon les personnes ou les organismes qui s’expriment. Aujourd’hui, aucun instrumentjuridique ne définit et n’offre une protection directe, lisible et pertinente pour l’ensemble desréfugiés environnementaux : elle reste à construire. Dès lors, notre contribution analyserales principales pistes prospectives actuellement discutées dans les milieux universitaires,politiques, associatifs et d’experts. Le degré de réalisme, la pertinence et la faisabilité de cespistes juridiques seront interrogés.

Mots clés : Migrations environnementales, protection juridique, personnes déplacées internes,réfugiés, principes de responsabilité.

La question de la définition et de la protection des réfugiés environnementauxou climatiques apparaît de plus en plus fréquemment dans les rapports des orga-nisations ou agences onusiennes, dans les travaux des experts, des chercheurset des universitaires, ainsi que dans la littérature grise des ONG. « Réfugiés

* Cet article a été rédigé dans le cadre du projet Exclim (Gérer les déplacements des populations dus aux phénomènes climatiquesextrêmes) financé par le programme Gestion et impacts du changement climatique (GICC).

** Maître de conférences en droit public, Université Paris 13 (HDR), Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux(Iris), Membre associé au Cerap.

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environnementaux, réfugiés écologiques, réfugiés climatiques, migrants envi-ronnementaux, éco-réfugiés, personnes déplacées en raison d’une catastrophenaturelle »... constituent les nombreuses expressions utilisées aujourd’hui pourdécrire les déplacements de population en raison de la dégradation de l’environ-nement. La « qualification » de ces mouvements de population est variable selonles personnes ou les organismes qui s’expriment. Ces acteurs utilisent ces termesen fonction de leurs ambitions d’expertise, de « théorisation universitaire », demilitantisme ou d’actions politiques et selon les protections qu’ils souhaitentvoir émerger. Actuellement, aucun véritable consensus ne se dégage autourd’une définition commune.

En droit, l’utilisation de ces expressions engendre une ambiguïté au regardde la définition du réfugié posée par le droit international. La Conventionde Genève définit internationalement le réfugié dans son article 1er A sansmentionner le cas du « refuge écologique ». En ce sens, le Haut commissariataux réfugiés s’est clairement positionné sur l’utilisation erronée des expressionsde « réfugiés climatiques » ou de « réfugiés environnementaux » qui, selonlui, conduit à une confusion avec le droit international existant. L’émergencefulgurante du concept de « réfugié de l’environnement » bouleverse les catégoriesclassiques du droit des migrations. Notre contribution s’attachera à revenir surle contexte de l’émergence du concept pour expliquer comment les réflexionss’orientent aujourd’hui, non sans difficulté, sur la protection de ces réfugiésenvironnementaux (première partie).

Si les obstacles conceptuels font débats, la question connexe de la protectionjuridique est cruciale et semble s’imposer dans les discussions scientifiques.Aujourd’hui, aucun instrument juridique ne définit et n’offre une protectiondirecte, lisible et pertinente pour l’ensemble des réfugiés environnementaux :elle reste à construire. Ainsi, des universitaires et des experts élaborent des« constructions théoriques » de protection, avec souvent pour ambition deréfléchir à la modification du droit existant ou à la création de nouvellesprotections juridiques. Dès lors, notre contribution analysera les principalespistes prospectives discutées dans les milieux universitaires, politiques, associatifset d’experts. Une typologie critique de ce « droit-fiction » sera proposée :modification du droit international des réfugiés ou des apatrides, émergenced’une protection globale des personnes déplacées, modification des protectionsalternatives à la Convention de Genève, nouveau statut spécifique aux réfugiésenvironnementaux ou climatiques, etc. Le degré de réalisme, la pertinence et lafaisabilité de ces pistes juridiques seront questionnés (deuxième partie).

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Émergence et faisabilité des protections en discussion sur les « réfugiés environnementaux »

ÉMERGENCE DE LA NÉCESSITÉ D’UNE PROTECTIONDES RÉFUGIÉS ENVIRONNEMENTAUX

L’émergence progressive du concept de réfugiés environnementaux ne dateque d’une vingtaine d’années. La thématique du changement climatique aclairement accentué et placé sur la scène médiatique la question de la protectiondes réfugiés climatiques et ce concept soulève de réelles ambiguïtés au regarddes classifications juridiques.

De la récente nécessité de protéger...

Le concept de réfugiés environnementaux s’est imposé lentement à partirdes années 1970 mais ce n’est que récemment que la nécessité d’agir pour cespopulations émerge dans les discussions scientifiques.

Lente prise de conscience et discussions autour d’un concepten construction

Le concept de réfugiés environnementaux et les autres expressions voisines sesont progressivement forgés dans un contexte de prise de conscience des dégra-dations de la planète. Ce n’est qu’au début des années 1970 que la Communautéinternationale prend conscience de ces dégradations en réagissant au niveaupolitique et juridique avec des Déclarations ou Sommets internationaux sur laprotection de l’environnement ou du climat tels que la Conférence des Nationsunies sur l’environnement de Stockholm en 1972, le Sommet de la Terre deNairobi en 1982, le Rapport Brundtland en 1987, le deuxième Sommet de laTerre de Rio de Janeiro en 1992, l’adoption du Protocole de Kyoto sur le climaten 1997, et les conférences des parties sur le climat de Bali en 2007, de Poznaen 2008 et de Copenhague en 2009. Si, dès 1948, l’écologue américain membrede l’International Union for the Conservation of Nature (IUCN), William Vogt,évoquait les personnes déplacées en raison d’un environnement dégradé (Vogt,1948), il faut attendre 1976 et Lester Russell Brown (agroéconomiste et analysteenvironnemental américain, fondateur de l’Institut Worldwatch et du EarthPolicy Institute) pour que soit établi le lien entre l’augmentation des migrationsinternes ou internationales et les processus de dégradation de l’environnement(Brown, MacGrath, Stokes, 1976). En 1985, le concept « environmental refugee »apparaît officiellement dans la littérature onusienne dans un rapport pour le Pro-gramme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Essam El-Hinnawi,auteur du rapport, a défini les réfugiés de l’environnement comme « ceux quisont forcés de quitter leur lieu de vie temporairement ou de façon permanente àcause d’une rupture environnementale (d’origine naturelle ou humaine) qui a misen péril leur existence ou sérieusement affecté leurs conditions de vie » (El-Hinnawi,1985). En 1988, Jodi Jacobson, chercheur au Worldwatch Institute, a ensuite faitentrer les conséquences des changements climatiques dans les causes de départ

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des réfugiés environnementaux (Jacobson, 1988). Depuis, ce concept n’a cesséde s’étoffer et de susciter d’importants débats sans parvenir à une définitionconsensuelle (Gemenne, 2009).

Durant les années 2000, la prise de conscience s’est orientée vers les impactsdes dégradations de l’environnement liées au changement climatique sur leshommes (conséquences de la raréfaction des ressources naturelles renouvelables,conditions de vie, santé, alimentation, etc.). Ainsi depuis 2001, le Grouped’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) évoque certainsimpacts des changements climatiques sur les sociétés humaines et pour lapremière fois, dans le rapport rendu en 2007, le groupe II1 du GIEC établit desliens entre les déplacements de populations ou les phénomènes migratoires et leschangements climatiques. Depuis la Conférence de Bali sur le climat en décembre2007, il semble que certains experts, universitaires et décideurs, réfléchissentdésormais sur les besoins d’une véritable action, d’une protection, d’un statut,voire d’une gouvernance pour les réfugiés climatiques (Bierman, Boas, 2007). Or,alors que l’on s’interroge à peine sur la création de protections, voire de régimesd’assistance (cf. infra), on connaît peu les déplacements de population liés auxdégradations de l’environnement, qui sont rarement étudiés. Ils ont suscité, àBonn, en octobre 2008, un important colloque international d’experts et dechercheurs chargés de dresser les premières études sur les migrations dues auxdégradations de l’environnement. Certes, plusieurs territoires et manifestationsd’origine climatique sont d’ores et déjà identifiés2 : avancée du désert de Gobien Chine, inondations au Bangladesh et dans le delta du Nil, submersiond’archipels comme les îles Tuvalu, Kiribati, fonte du permafrost des terres desInuits d’Amérique du Nord, du Canada et du Groenland, sécheresses dans labande sahélienne en Afrique de l’Ouest, etc.

Consécration de la nécessité d’agir mais peu d’actions politiques

Ces deux dernières années, de récents rapports d’organisations internatio-nales ou d’agences onusiennes viennent faire un premier état des lieux sur lescontours de ces migrations environnementales et sur la nécessité de les gérer.Ainsi, en décembre 2008, à la quatorzième Conférence des parties de la Conven-tion des Nations unies sur les changements climatiques à Poznan en Pologne,L. Craig Johnstone, Haut Commissaire adjoint du HCR, a annoncé que près de250 millions de personnes seront amenées à se déplacer au milieu de ce siècle àcause de l’évolution du climat, des conditions météorologiques extrêmes, de labaisse des réserves d’eau et de la dégradation des terres agricoles. Début 2009,

1. Le GIEC est organisé en trois groupes, le groupe I étudie les principes physiques et écologiques du changement climatique, legroupe II étudie les impacts, la vulnérabilité et l’adaptation au changement climatique et le groupe III étudie les moyens d’atténuer(mitigation) le changement climatique.

2. Cf. le programme Each For (http://www.each-for.eu/).

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Émergence et faisabilité des protections en discussion sur les « réfugiés environnementaux »

dans son rapport3 sur les liens entre les changements climatiques et les Droitsde l’Homme, le Haut Commissariat des Nations unies aux Droits de l’Hommea encouragé la Communauté internationale à trouver des solutions politiquespour les déplacements de populations liés aux changements climatiques. En juin2009 à Bonn, les négociations sur les changements climatiques ont effleuré laquestion des déplacements de populations dans la perspective du sommet deCopenhague. Néanmoins, les réfugiés climatiques ont été les grands absents desdébats officiels du Sommet de Copenhague qui s’est tenu en décembre 2009 alorsque l’Organisation internationale des migrations (OIM) a fait paraître, pendantce Sommet, un rapport intitulé « Migration, environnement et changement clima-tique », afin d’introduire le débat sur les liens entre les changements climatiques,les migrations et les actions nécessaires. Dans les conférences sur le climat, lesÉtats se focalisent beaucoup sur les taux d’émission de GES et moins sur lesimpacts humains. Ce rapport relève que les migrations climatiques recouvrentun grand nombre de situations différentes et complexes. Les populations fuientdes événements climatiques extrêmes et soudains (ouragans, tempêtes, inonda-tions, etc.) ou des dégradations progressives et lentes des écosystèmes (sécheresse,montée des eaux). Ces migrations se feront surtout à l’intérieur des pays (péri-urbaine, locale, régionale) et seront parfois interétatiques, entre pays voisins,voire sur un même continent. Ces déplacements auront lieu majoritairementdans les pays du Sud et les réfugiés climatiques ne déferleront donc pas vers lespays riches du Nord comme cela a pu être annoncé. Les migrations climatiquessont souvent présentées, à tort, uniquement comme une atteinte à la sécuritéinternationale alors qu’elles peuvent constituer une des stratégies d’adaptationaux changements climatiques et, si elles sont correctement anticipées, certainespourront être évitées avec de solides mécanismes de prévention.

Toujours est-il que la question des réfugiés climatiques ne semble plusquitter la scène médiatique depuis 2007. Cette « mise en avant » a surtoutété encouragée et suscitée par l’influence de la société civile qui en appelleà la Communauté internationale et aux gouvernants pour sensibiliser et agirface aux risques liés aux changements climatiques qui pèsent sur certainespopulations. Plusieurs actions tournées vers la reconnaissance des réfugiésenvironnementaux ont été menées aussi bien par les populations concernées ouleurs représentants, que par des ONG. À cet égard, les actions pour protéger leshabitants de Tuvalu, micro État-nation du Pacifique menacé de disparaître avecla montée des eaux, ont été très médiatiques. De même, des actions d’ONG oud’associations écologistes ou de défense des droits de l’Homme ont milité enfaveur d’une protection pour les réfugiés de l’environnement. Ainsi, l’associationLiving Space for Environmental Refugee (LISER) a été créée pour promouvoir

3. Rapport annuel sur les liens entre les changements climatiques et les droits de l’Homme, Document de l’ONU, A/HRC/10/61,15 janvier 2009, p. 22.

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une reconnaissance et une protection pour les réfugiés environnementaux, et alancé en 2004 : « The Toledo initiative on environmental refugees and ecologicalrestoration »4. En 2007, l’ONG « Les Amis de la Terre – Australie » a publiéun document5 de vulgarisation visant à reconnaître les réfugiés climatiques età expliquer les effets des changements climatiques sur certaines populationsparticulièrement exposées.

Toutefois, la prise de conscience politique du problème des réfugiés environ-nementaux et de leur protection reste encore très limitée. Seules des actions de« lobbying politique » relativement isolées ont été menées avec pour objectifde reconnaître une protection pour les réfugiés climatiques en droit. Ainsi, en2004, deux députés écologistes, Marie-Anne Isler Béguin et Jean Lambert, ontsans succès proposé au vote du Parlement européen une « Déclaration sur lareconnaissance d’un statut communautaire des réfugiés écologiques »6. Puis,le 11 juin 2008, Hélène Flautre (députée européenne) a organisé une confé-rence internationale à Bruxelles. Cette initiative a été clôturée par l’adoptionpar le groupe politique des Verts / ALE d’une Déclaration sur les migrationsclimatiques7 à destination des institutions européennes. Dans le programmede Stockholm sur l’orientation de la politique communautaire de l’asile etde l’immigration adopté en décembre 2009, l’Union européenne ne proposerien, elle n’en est qu’au stade du lancement d’études8. En revanche en 2006,l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a présenté une motion pourune recommandation sur les réfugiés écologiques9. Depuis, la Commission surles migrations, les réfugiés et la population du Conseil de l’Europe réfléchit àun projet de Convention européenne sur les réfugiés écologiques. Devant leSénat Belge, alors qu’une proposition de Résolution visant à la reconnaissancedans les Conventions internationales du statut de réfugié environnemental aété présentée en 2006, une nouvelle Résolution est en cours d’élaboration. Parailleurs, en 2006, le Parti travailliste australien a appelé à réfléchir à un « droitd’asile environnemental »10. En juillet 2007, la sénatrice Kerry Nettle (Partiécologiste australien) a proposé sans succès d’amender la loi sur l’immigrationen demandant que soit créée une nouvelle catégorie de visa (Climate RefugeeVisa) qui permettrait d’accueillir 300 personnes par an de Tuvalu et d’autresîles du Pacifique. De même, en 2008, le Président Anote Tong de Kiribati, a

4. Stuart M. Leiderman, Harry Wijnberg, « The Toledo initiative on environmental refugees and ecological restoration », 9-10juillet 2004 (http://www.liser.org/).

5. « A Citizen’s Guide to Climate Refugees » (http://www.liser.org/Citizen’s%20Guide_2007_small.pdf).

6. Déclaration au Parlement européen pour un statut communautaire de réfugié écologique du 6 avril 2004.

7. Déclaration sur les migrations climatiques du 11 juin 2008.

8. Cf. Programme de Stockholm du 2 décembre 2009, 17024/09, JAI 896, POL GEN 229, p. 63.

9. Motion pour une Recommandation sur la question des réfugiés de l’environnement de l’Assemblée parlementaire du Conseilde l’Europe, 2006.

10. Bob Sercombe, Labor calls for international coalition to accept climate change refugees, 2006.

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Émergence et faisabilité des protections en discussion sur les « réfugiés environnementaux »

rencontré Penny Wong, ministre australienne des Changements climatiqueset de l’eau, pour lui demander d’ouvrir les frontières aux éventuels réfugiésenvironnementaux des îles du Pacifique.

En définitive, toutes ces actions « d’influences » poussent les gouvernants àse positionner et à agir pour une reconnaissance et une protection des réfugiésclimatiques. Les pays du Nord sont particulièrement silencieux sur ces questions,trop crispés par les enjeux actuels de rationalisation des politiques migratoires etd’asile et les discours sécuritaires qui leur sont liés (Hartmann, 2010). On peutd’ailleurs s’interroger sur l’impact de ces actions de lobbying, de sensibilisationqui peuvent pourtant s’avérer contre-productives dans un contexte de fermeturedes frontières...

...aux problèmes que cela pose aux sciences juridiques

Le concept de réfugiés environnementaux fait émerger les carences du droitinternational et bouleverse les catégories juridiques.

Les lacunes et les carences du droit

Sur le plan du droit, l’expression « réfugiés environnementaux ou clima-tiques » n’est pas juridiquement consacrée. Le droit s’avère même, à l’heureactuelle, inadapté aux réalités complexes qui dessinent ce concept. L’utilisationde cette expression engendre au contraire une ambiguïté11 au regard de ladéfinition du réfugié posée par le droit international. En effet, la Convention deGenève définit internationalement le réfugié, dans son article 1er A, comme toutepersonne qui, « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sareligion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou deses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui nepeut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».Cette définition conventionnelle ne renvoie pas explicitement aux dégradationsde l’environnement. Aujourd’hui, il est démontré que les instruments juridiqueshérités du siècle dernier, particulièrement la Convention de Genève de 1951 surle statut de réfugiés, sont inadaptés à cette nouvelle forme de migration mas-sive. Aucun instrument juridique ne définit et n’offre une protection directe12,lisible et pertinente pour l’ensemble des « réfugiés environnementaux » : ellereste à construire. En somme, les textes « spécialisés » relatifs aux étrangers etaux réfugiés sont globalement décevants pour les réfugiés environnementaux :inadaptation de la Convention de Genève, insuffisance de la Convention de

11. Cf. les analyses développées dans « Change, Migration and Displacement: Who will be affected? », Working Paper submittedby the informal group on Migration/Displacement and Climate Change of the IASC – 31 octobre 2008 to the UNFCCC Secretariat.

12. La Convention (No 169) concernant les peuples indigènes et la Convention sur la lutte contre la désertification évoquent lelien entre l’environnement et le déplacement.

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l’OUA, faiblesse des instruments communautaires relatifs à l’asile et à l’immi-gration, etc. Il en est de même des textes relatifs au droit international des Droitsde l’Homme, même s’ils sont porteurs de quelques ouvertures (Cournil, 2006 ;Cournil, Mazzega, 2007). La prévention, le secours, la protection, la réinstalla-tion des déplacés mobilisent également plusieurs aspects du droit internationalqui nécessiteraient d’être davantage « mêlés » tels que le droit international del’environnement, le droit international humanitaire, le droit international desréfugiés, le droit international des droits de l’Homme, le droit international desinterventions en cas de catastrophes, le droit des personnes déplacées internes.En somme, cette thématique nécessite d’adopter une approche holistique dudroit pour offrir une protection et une assistance à ces déplacés.

Des classifications du droit inopérantes ?

Les termes de réfugiés environnementaux ne font pas l’unanimité et surtoutauprès du HCR qui ne retient pas ce terme « connoté » mais préfère employerla notion de « environmentally displaced persons ». Selon le HCR, la majorité desmigrations environnementales serait interne aux États, il y a lieu donc d’utiliserla notion juridique de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays(PDIPP) qui fait l’objet d’une reconnaissance progressive en droit international(Cournil, 2010a). Pour l’Organisation internationale des migrations, il s’agitplutôt de migrants environnementaux. Par ailleurs, avec la montée des océans,la disparition annoncée de certains petits États-nations insulaires va créerune situation inédite en droit international : une nouvelle forme d’apatridie.Comment garantir un accueil à ces peuples sans territoire, maintenir leursinstitutions, leur culture, leur langue ?

En définitive, la grille de lecture classique (réfugiés, déplacés, migrants,apatrides) semble ici inopérante. L’émergence fulgurante du concept de « réfugiéde l’environnement » bouleverse les classifications du droit des migrations. Aussi,l’émergence et la consécration du concept de réfugiés environnementaux neruineront-elles pas le subtil édifice conventionnel et par conséquent la logiquedéployée par le droit international des réfugiés d’après-guerre ?

En somme, la Communauté internationale devra repenser les instrumentsjuridiques et institutionnels existants afin de mettre en place une véritablesolidarité internationale pour les réfugiés climatiques. Antonio Guterres, HautCommissaire de l’ONU pour les réfugiés, s’est déclaré en décembre 2009,favorable à la création d’instruments juridiques et de mécanismes de protectionpour les réfugiés environnementaux (Allix, 2009).

Plusieurs propositions d’outils et de pistes de protections sont actuellementdiscutées dans les milieux des universitaires français et anglo-saxons, des expertset des ONG. Il conviendra d’expliciter certaines d’entre elles.

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Émergence et faisabilité des protections en discussion sur les « réfugiés environnementaux »

LA FAISABILITÉ VARIABLE DES PROTECTIONS JURIDIQUES PROPOSÉES

Les solutions sont multiples (résumées dans l’encadré) et présentent chacunedes potentialités. Certaines proposent de renforcer la lex data (loi actuelle),d’autres de créer une lex ferenda (nouvelle loi). Notre contribution se terminerapar l’analyse des deux projets les plus aboutis.

RÉSUMÉ DES PISTES DE PROTECTIONS

– Modification de l’article 1er A ou avenant de la Convention de Genève.– Modification ou réinterprétation du droit international des apatrides.– Élargir les protections subsidiaires (modèle suédois).– Construire ou modifier les protections temporaires (modèle européen ou étasunien).– Élargir ou modifier les Principes directeurs sur les PDIPP.– Convention internationale sur les réfugiés ou les déplacées environnementaux (Magnigy, 1999 ; ProjetLimoges 2008).– Un mécanisme institutionnel de coordination des déplacées environnementaux (King, 2006).– Convention internationale sur des réfugiés ou des déplacés climatiques accompagnés d’un régimepluridisciplinaire (Projet de Doberty et Giannini 2009 ; Projet de Hodgkinson 2009).– Accords régionaux pour les réfugiés climatiques (Williams, 2008).– Élargir le Pacific Access Category aux réfugiés climatiques.– Programme de Visas aux réfugiés climatiques (Amendement Kerry Nettle 2007 ; Projet EBIV Moberg2009).– Mécanisme d’accueil en fonction de l’émission de GES des États (Biravan et Chella 2006).– Protocole sur les réfugiés climatiques, annexé à la Convention cadre sur les changements climatiques(Projet Biermann et Boas 2007).

Renforcer le droit existant et/ou construire des protections inédites

Deux directions sont possibles : soit consolider le droit existant des réfugiés,des apatrides et des personnes déplacées internes soit construire par exempleune nouvelle convention internationale.

Modifier le droit des réfugiés, des apatrideset des personnes déplacées internes

Les questions de l’ajout d’un protocole à la Convention de Genève ou del’extension de son article 1er A ont été soulevées à plusieurs reprises mais sanssuccès. Les différentes études montrent que cette voie est très risquée et serait aufinal peu efficace (Cournil, 2010b). Par ailleurs, il est peu probable qu’une telleextension de la Convention soit acceptée, cette initiative trouverait d’importantesrésistances, notamment au sein des pays du Nord peu désireux d’accueillir denouveaux réfugiés et donc peu pressés de modifier ce texte historique.

Les protections dites alternatives ont pour objet de protéger les personnesen quête d’asile qui ne remplissent pas les critères de la Convention deGenève. Elles se sont notamment développées dans les années 1990 et ontété harmonisées en Europe avec la protection communautaire subsidiaire. Ainsi,

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au lieu de s’engager dans une renégociation de la Convention de Genève, leHCR et le Norwegian Refugee Council (NRC)se demandent s’il ne serait pas« moins risqué », plus facile et plus rapide de développer au niveau nationalou régional des protections alternatives pour des motifs humanitaires ouenvironnementaux relativement extensifs, afin d’anticiper les déplacementsclimatiques inter-étatiques (HCR/NRC, 2009). Des lois récemment adoptéesdans les pays nordiques peuvent, en ce sens, constituer des pistes en vue d’uneharmonisation et d’une coopération régionale, et notamment européenne, surles réfugiés environnementaux. Par exemple, la législation suédoise organiseune protection humanitaire qui complète le statut de réfugié pour les personnesqui ont besoin de protection en raison d’un désastre environnemental dansleur pays13. Vikram Kolmannskog et Finn Myrstad ont montré qu’une récenteproposition de 2008 du « Finnish Aliens Act » pourrait clarifier la protectionhumanitaire en garantissant aux personnes de pas être renvoyées dans leur paysd’origine lors de catastrophes environnementales (Kolmannskog, Myrstad 2009).Signalons néanmoins que si l’idée d’élargir et de développer les protectionssubsidiaires est une solution de court terme envisageable, force est de constater– et la pratique l’a montré – qu’une diversification des protections de l’asile estsouvent synonyme de précarisation des droits offerts, notamment au regard dustatut conventionnel particulièrement protecteur.

Par ailleurs, il existe aussi des protections temporaires collectives développéesen Europe et aux États-Unis. Par exemple, en 1990, les États-Unis ont mis enplace le Temporary protected status (TPS) pour ceux qui ne répondent pas àla définition juridique du statut de réfugié, mais qui ont néanmoins besoind’une protection en raison des risques qu’ils encourent en retournant dans leurpays. La spécificité de cette protection temporaire réside dans le fait qu’ellepeut être délivrée s’il y a eu une grave catastrophe écologique qui entraîne desperturbations dans les conditions de vie. Mais, dans ce cas, l’État affecté nedoit pas être en mesure d’accueillir ses propres ressortissants, il doit alors êtredésigné comme sinistré. La protection temporaire peut durer de 6 à 18 moiset être prolongée si les conditions de vie ne changent pas dans le pays sinistré.Pour éviter « l’appel d’air », le TPS ne concerne que les personnes qui résidentdéjà aux États-Unis au moment du sinistre et il ne s’applique que lorsqu’unedemande officielle de protection de l’État d’origine a été faite. Les différentesapplications ont concerné les Nicaraguayens et les Honduriens à la suite del’ouragan Mitch en 1998, mais aussi des déplacés d’éruptions volcaniques. Ilest aujourd’hui question de le délivrer aux Haïtiens victimes du séisme du12 janvier 2010. En l’état, cette protection reste néanmoins d’application très

13. Obtiennent une protection les personnes qui ne peuvent pas rentrer dans leur pays d’origine en raison d’undésastre environnemental (« cannot return to his or her native country because of an environmental disaster »). Cf.http://www.migrationsverket.se/info/443_en.html# h-Refugeesandotherpersonsinneedofprotection

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ponctuelle et très insuffisante face aux scénarii migratoires attendus. Il en estde même pour la directive communautaire relative à la protection temporaireen cas d’afflux de personnes déplacées adoptée en 2001 en Europe qui pourraitêtre actualisée ou amendée pour tenir compte des réfugiés environnementaux.Toutefois, comme les États membres sont particulièrement « frileux » en matièred’accueil d’étrangers, il est peu probable que l’on s’engage vers une quelconquemodification en faveur des réfugiés environnementaux.

Le droit des apatrides pourrait être repensé à l’aune des populations dontl’État est menacé de disparition en raison des conséquences des changementsclimatiques. C’est le cas de certains États-nations insulaires dont la disparitionest annoncée en raison de la montée du niveau des mers. C’est en ce sens quedans le cadre des négociations climatiques, le HCR a soumis une note sur lanécessité d’une action rapide afin de prévenir l’apatridie liée aux effets deschangements climatiques (HCR, 2009). En effet, la disparition « physique » del’État (disparition du territoire étatique) n’est pas prévue dans les textes oudans leurs interprétations actuelles14 (McAdam, 2010). En effet, la spécificité desÉtats-nations insulaires menacés de disparaître semble s’écarter de la conception« classique » de l’apatridie dans le droit international car il n’y a pas, dans cecas, déni de nationalité. Comment alors amender ce droit international sans entransformer le sens premier ? Comment réinventer ou actualiser la catégoriejuridique de l’apatride afin de faire émerger « l’apatridie climatique » ? Cetteextension du droit à l’apatridie sera difficile à réaliser car la problématique desdéplacements climatiques est justement de protéger, voire de prolonger, les liensétatiques malgré la disparition physique du territoire due aux changementsclimatiques. Toujours est-il que ces populations seront des « apatrides de fait »pour lesquels des solutions politiques et juridiques devront être pensées.

Selon les travaux d’un groupe d’experts dont Walter Kälin (Représentant duSecrétaire général pour les Droits de l’Homme des personnes déplacées dansleur propre pays), il existerait au moins cinq scénarii15 de déplacements induitspar les changements climatiques sur la base desquels les futures recherchesportant sur les besoins de protection et d’assistance pourraient être menées(Kälin, 2008). Ces différents scénarii concerneraient surtout des déplacementsinternes massifs. Aussi, fin 2009, Walter Kälin a souligné qu’il fallait renforcerles capacités des gouvernements et des acteurs humanitaires afin de fournirprotection et assistance à ces « nouveaux » déplacés internes tout en précisantque les Principes directeurs sur les personnes déplacées dans leur propre pays de

14. Convention de New York du 28 septembre 1954 et Convention sur la réduction des cas d’apatridie du 30 août 1961.

15. Il y aurait des déplacements liés 1) aux catastrophes hydrométéorologiques ; 2) aux zones qualifiées par les gouvernementscomme à haut risque présentant un danger pour l’habitat humain ; 3) aux dégradations de l’environnement et catastrophes àdéclenchement lent ; 4) aux cas particuliers des petits États insulaires qui risquent la submersion ; 5) aux conflits armés amorcéspar une diminution des ressources essentielles en raison des changements climatiques.

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199816 leur étaient applicables. De même, pour le HCR, les Principes directeursfournissent déjà un cadre normatif pour aborder la protection de certainsdéplacés environnementaux ou déplacés climatiques. S’il est déjà fait mentiondes déplacés de catastrophes naturelles dans les Principes directeurs de 1998, onpourrait un jour y inclure explicitement d’autres motifs de déplacements liés parexemple aux effets des changements climatiques. Une redéfinition des Principesdirecteurs offrirait alors une protection renouvelée et plus globale des personnesdéplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIPP), et ce quel que soit le motif dedépart, ce qui surmonterait la difficulté d’une définition non encore consensuelledes déplacés climatiques ou environnementaux. Notons que l’adoption, le 23octobre 2009 à Kampala par l’Union africaine (UA), de la Convention sur laprotection et l’assistance des personnes déplacées en Afrique est un exemple àsuivre et à confirmer. En effet, l’article 5 §4 de la Convention montre que cetexte a déjà anticipé les déplacements résultant des catastrophes naturelles etdes changements climatiques, étant donné qu’il prévoit que « les États partiesprennent les mesures nécessaires pour assurer protection et assistance auxpersonnes victimes de déplacement interne en raison de catastrophes naturellesou humaines y compris du changement climatique ». La pratique nous montreracomment cet article sera interprété. Les États parties le mettront-ils en œuvrepour les déplacés environnementaux et de quelle façon ? Il demeure toutefois leproblème de l’effectivité de ce soft law et de sa mise en œuvre difficile dans les payspauvres particulièrement exposés et vulnérables aux changements climatiqueset aux catastrophes environnementales.

Créer une protection sur mesure sui generis

La création d’une nouvelle Convention internationale a été très concrè-tement développée en 1999 dans la thèse de la juriste française VéroniqueMagniny (Magniny, 1999). Depuis cette thèse, des propositions de créationde conventions internationales pour les réfugiés environnementaux ou clima-tiques ont été publiées dans la littérature académique. Par exemple en 2009,les universitaires Bonnie Doberty et Tyler Giannini défendent un instrumentcontraignant (Convention internationale) sur les réfugiés climatiques, plutôtqu’un instrument général et politique. On les rejoint sur l’idée que la protectiondes réfugiés climatiques doit s’accompagner d’un véritable régime de plusieursdroits. Les auteurs proposent de retenir trois grands principes : l’assistance, laresponsabilité partagée et l’administration d’un régime international sur lesréfugiés climatiques. Chacun de ces principes renvoie à des actions particulières,neuf au total. L’assistance devrait regrouper des normes relatives à la déter-mination du statut de réfugié climatique, une protection relative aux Droits

16. Principes directeurs relatifs au déplacement des personnes à l’intérieur de leur propre pays, E/CN.4/1998/53/add.2., 11février 1998.

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de l’Homme et une aide humanitaire. La responsabilité partagée préciseraitle rôle de l’État d’accueil et de l’État sinistré ; des mesures de coopération etd’assistance devraient en ce sens être créées. Le volet administratif du régimecomprendrait la création d’un fonds mondial, d’un organisme de coordinationet enfin d’un organisme d’experts scientifiques chargés notamment d’évaluerles lieux et motifs de déplacements liés aux changements climatiques (Doberty,Giannini, 2009).

L’universitaire Kara K. Moberg propose de créer un Programme « Envi-ronmentally Based Immigration Visa » (EBIV) et estime que les discussionsinternationales sur les exigences de réduction des émissions de GES pourraientenvisager l’adoption d’un tel programme. Le nombre de visas d’immigrationdélivrés par chaque pays serait fonction du pourcentage de leurs émissions deGES ; le plus gros émetteur délivrerait le plus de visas (Moberg, 2009). Néan-moins, cette solution aura beaucoup de difficultés à être mise en œuvre dansles négociations internationales au regard des actuelles crispations relatives à lamodification du Protocole de Kyoto.

La proposition de l’universitaire Angela Williams prône un système régional(accords bilatéraux ou régionaux) car, selon elle, il est peu probable que lesÉtats acceptent un accord international contraignant sur la reconnaissance etla protection des déplacés climatiques (Williams, 2008). Le principal avantaged’une coopération régionale réside dans le fait que les États peuvent élaborerdes politiques appropriées dans un délai relativement bref et selon leur capacité.La coopération régionale en matière de protection de l’environnement en estune bonne illustration. Une structure régionale de coopération permettrait dedévelopper différents niveaux d’engagement et de développement pour les États,et ce, en fonction de la capacité individuelle des pays touchés et de la gravité duproblème dans ce domaine.

Les experts Sujatha Byravan et Sudhir Chella Rajan proposent de réfléchirà un mécanisme mondial de répartition de la charge de l’accueil des réfugiésclimatiques (Byravan, Chella, 2006). Ce mécanisme se baserait sur la respon-sabilité historique des pays du Nord dans les changements climatiques pourcalculer une répartition de la charge de l’accueil en fonction de l’émission deGES par pays. Comme la Convention-cadre des Nations unies sur les change-ments climatiques, ce système reposerait sur une responsabilité commune maisdifférenciée dans les mouvements de population liés au climat. Si cette pisteparaît aujourd’hui fantaisiste et irréaliste, elle permet pourtant de mettre enlumière les importantes questions de responsabilité et de compensation dans lathématique des migrations environnementales. En effet, sans un fonds d’aide etde compensation, si une Convention internationale était adoptée, son effectivitérisquerait de rester lettre morte en raison des lourdes obligations qui pèseraientsur les États, notamment sur les pays pauvres.

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Enfin, l’universitaire Tracey King propose la création d’un mécanisme inter-national de coordination des déplacements environnementaux (InternationalCoordinating Mechanism for Environmental Displacement, ICMED) qui per-mettrait de coordonner les travaux des agences, des programmes onusiens etdes organisations qui travaillent déjà sur certaines des différentes facettes dela problématique des migrations environnementales tels le HCR, le PNUE, lePNUD, l’OCHA, l’OIM, l’OMS, la FAO, etc. (King, 2006).

Analyse des deux propositions les plus abouties

Deux projets de nouvelles conventions internationales émergent : un projetfrançais de juristes de l’Université de Limoges pour les « déplacés environne-mentaux » et un projet d’experts australiens pour les « Persons Displaced byClimate Change ».

Le projet des juristes de l’Université de Limoges

Le « Projet de convention relative au statut international des déplacés environ-nementaux » (Prieur et alii, 2008) proposé en 2008 par les juristes spécialistesdu droit de l’environnement de l’Université de Limoges (OMIJ/CRIDEAU)constitue sans aucun doute la proposition de protection « clef en main » la plusaboutie actuellement soumise (rédaction de la Convention, rapport explicatifet Protocoles additionnels évoqués). Ce projet est rédigé comme une véritableConvention internationale (Préambule, chapitres et articles, etc.). Les auteursont choisi le terme consensuel de « déplacés environnementaux », qui sontdéfinis dans l’article 2 comme « les personnes physiques, les familles et les popula-tions confrontées à un bouleversement brutal ou insidieux de leur environnementportant inéluctablement atteinte à leurs conditions de vie et les forçant à quitter,dans l’urgence ou dans la durée, leurs lieux habituels de vie et conduisant à leurréinstallation et à leur relogement ». Ce projet mêle la protection, l’assistance, laresponsabilité en reprenant les principes de l’assistance écologique, de proximité,de proportionnalité, d’effectivité et de non-discrimination. Le plus importantde tous est le principe de responsabilité commune mais différenciée « danssa double fonction préventive et réparatrice »17 (faisant l’objet d’un protocoleparticulier).

Plusieurs droits fondamentaux communs aux déplacés temporaires etdéfinitifs sont affirmés dans l’article 5 : droits à l’information et à la participation,droit d’être secouru, droit à l’eau et à une aide alimentaire, droit à un habitat,droit aux soins, droit à la personnalité juridique. De plus, toute personnephysique déplacée dans un autre État que le sien conserve ses droits civils etpolitiques dans son État d’origine, droit au respect de l’unité familiale, droit àl’éducation et à la formation, droit de gagner sa vie par le travail.

17. Article 4 du projet.

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Figure 1 : Projet de Limoges, 2008

Schéma réalisé à partir du texte du projet des juristes de Limoges.

Ce projet de Convention a l’ambition de mettre en place un mécanisme d’oc-troi du statut de déplacé environnemental et développe une coopération avecde multiples institutions internationales et régionales. Une Agence mondialepour les déplacés environnementaux (AMDE), composée d’un Conseil d’admi-nistration, d’une Haute Autorité (qui aura le monopole de l’interprétation dela Convention et se prononcera en appel sur les décisions d’octroi ou de refus

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du statut de déplacé environnemental attribué par les Commissions nationales),d’un Conseil scientifique, d’un Secrétariat et d’un Fonds mondial pour lesdéplacés environnementaux (FMDE), est proposée (voir figure 1). Comme lesystème de reconnaissance de la qualité de réfugié de la Convention de Genève,dans ce projet de Convention, chaque État partie crée une Commission nationaled’attribution du statut de déplacé environnemental. Si cette Convention peuttoujours être critiquée au regard des options choisies, elle a le mérite de poser unpoint de départ très concret de réflexion afin d’engager de véritables discussionsde fond sur les principes à insérer pour une nouvelle Convention internationale.Reste qu’une solution d’hard law (droit contraignant) demeure une solution delong terme car les États ne semblent pas prêts pour ce type de solutions.

Cette piste de nouvelle Convention est loin d’être fantaisiste puisque laCommission sur les migrations, les réfugiés et la population ainsi que laCommission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territorialesde l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ont adopté une résolutionet une recommandation18 en janvier 2009 qui proposent que le Conseil del’Europe élabore sa propre convention-cadre pour la reconnaissance du statutet des droits des migrants environnementaux. La démarche de cette institutionrégionale est très ambitieuse et inédite. Il reste à voir comment elle sera accueillie.

Le projet australien d’Hodgkinson et ses co-auteurs

Les experts, Hodgkinson et ses co-auteurs, proposent eux aussi une nouvelleConvention pour les « Persons Displaced by Climate Change » (CCDO) permet-tant une reconnaissance collective et régionale des populations à risques et dotéed’une définition flexible basée sur six catégories de déplacés19 (Hodgkinson,Burton, Anderson, Young, 2010). Les auteurs prévoient une série d’obligationstelles que des mesures de réinstallation de long terme ; une assistance fondéesur les responsabilités communes des États mais différenciées dans l’émissionde GES, des mesures d’adaptation et d’atténuation mises en œuvre par les Étatsd’accueil grâce à une assistance financière internationale, la création d’un fondsd’assistance et des études scientifiques régulières sur les personnes exposées auxrisques du changement climatique. Ce projet est également très abouti puisqu’ilpropose une véritable architecture institutionnelle pour protéger les personnesdéplacées par les changements climatiques avec notamment une organisationcompétente sur les déplacés du climat : la Convention’s Climate Change Displa-cement Organisation, une Assemblée, un Conseil, un Fonds (Climate ChangeDisplacement Fund) et une organisation scientifique construite sur le modèle

18. Résolution 1655 (2009) et Recommandation 1862 (2009) Migrations et déplacements induits par les facteurs environne-mentaux : un défi pour le XXIe siècle, http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta09/FREC1862.htm ethttp://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta09/FRES1655.htm

19. Le déplacement temporaire, le déplacement permanent local, le déplacement interne permanent, le déplacement permanentrégional, le déplacement intercontinental permanent, le déplacement temporaire régional et international.

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Émergence et faisabilité des protections en discussion sur les « réfugiés environnementaux »

Figure 2 : Le projet australien d’Hodgkinson, 2009

Source : Hodgkinson D., Burton T., Young L., Anderson H., « Organisational Structure – Cli-mate Change Displacement Organisation », http://www.ccdpconvention.com/documents/CCDO.pdf

du GIEC chargée d’examiner des prospectives sur les dégradations climatiqueset les cas de migrations forcées (Climate Change Displacement Environmentand Science Organisation) (voir figure 2). Cette Convention s’appliquerait àla fois aux migrations internes et transfrontalières. Toutefois, contrairementaux propositions du projet de Limoges, ce projet fait une nette distinctionentre l’application du droit international des réfugiés et le droit des personnesdéplacées internes. Ces dernières restent principalement sous la responsabilitéde leur propre nation. Cette distinction prend en compte essentiellement les

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principes de souveraineté des États et de non-ingérence, principes inhérents audroit international.

CONCLUSION

La complexité de l’évolution du climat et de ses impacts sur le fonctionnementdes écosystèmes, la diversité des interdépendances entre les sociétés et leurenvironnement et la dimension aléatoire des risques conduisent à réfléchir,aujourd’hui plus que jamais, aux mesures à inventer et à mettre en œuvrepour faire face aux impacts humains des changements climatiques et des autresdégradations environnementales. Le déplacement des populations sera, sansdoute, l’un des impacts humains les plus difficiles à gérer.

L’ensemble des propositions que nous venons d’évoquer et d’analyser tententde répondre au manque de protection juridique directe des personnes déplacéesen raison des changements climatiques et des dégradations de l’environnement.Constatant ce vide juridique et l’inadaptation des outils existants, les juristes etles autres experts mentionnés proposent des protections inédites en essayantde dépasser les limites actuelles du droit. La protection de ces personnes passeforcément, pour eux, par l’institutionnalisation du concept, sous la forme d’unereconnaissance juridique et d’un statut, par exemple.

Dans la plupart de ces pistes, on retrouve une « approche intégrée » dela thématique mêlant les questions de prévention, de protection, de secours,de responsabilité et de nouvelles institutions (administratives et financières).Ces différentes propositions montrent la nécessaire approche holistique qu’ilfaut adopter pour appréhender la complexité de cette thématique globale. Cespistes sont très riches et mériteraient d’être débattues et complétées au sein desinstances internationales compétentes, elles pourraient constituer les prémicesd’une protection internationale sui generis pour les réfugiés climatiques et d’unefuture gouvernance mondiale des migrations climatiques.

Néanmoins, les réflexions sur les protections juridiques à amender ou àinventer ne doivent pas faire perdre de vue que les solutions juridiques nepeuvent s’appliquer qu’avec l’appui de choix politiques forts, qui sont loin d’êtreacquis aujourd’hui sur cette question des réfugiés environnementaux.

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Émergence et faisabilité des protections en discussion sur les « réfugiés environnementaux »

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