4
1 Quelques nouvelles de la planète asphalte… Partir d’un côté découvrir le monde extérieur et de l’autre son monde intérieur n’est définitivement pas une activité à temps partiel. Mais, la monture et son cavalier se portent à merveille. Et depuis cinq mois, ils ont sillonnés à la force des mollets, les pays suivants (trait bleu sur la carte ci-dessous) : la Suisse, l’Italie, la Slovénie, la Croatie, la Bosnie, la Serbie, la Bulgarie, la Grèce, la Macédoine, le Kosovo, le Monténégro, l’Albanie, à nouveau la Grèce avec l’ile de Corfu et retour en Italie. Au total, 5895km parcouru. Actuellement, ils se trouvent dans le sud de l’Italie en attente de matériel, avant de repartir à la conquête du pays du soleil levant à travers le continent Eurasien. Du superficiel à l’essentiel Le jour du départ, le 14 juillet, mon poids est de 65kg, celui de Mr Koga, mon vélo et de mon équipement complet est de 75kg. J’arrive à peine à fermer mes sacoches tellement elles sont pleines. Après la première montée, je comprends rapidement par la voie de mon souffle, que l’allègement n’est pas une option mais une nécessité. Je passe le premier mois à scruter, lister, réfléchir, peser, penser et repenser à ce qui est vraiment essentiel. Tout au long de la route de Lugano jusqu’en Slovénie et plus loin encore, je sème ainsi mes affaires. Pourtant tout me paraissait être si indispensable, du moins jusqu’au départ. En Croatie, j’offre mon panneau solaire, à un groupe de scout autrichien rencontré dans un camping et j’achète un hamac en contrepartie. En Bosnie, j’abandonne les chaussures à clip suite à des douleurs aux genoux et enfile de simples sandales, me voilà désormais sur le chemin de la simplicité, rien de plus. Aujourd’hui, Mr Koga et son matériel pèse 55kg, soit 20kg de moins, par contre moi, j’en ai pris dix, mais cela c’est une autre histoire… Une rencontre peu orthodoxe Sur les quais de la Sava à Belgrade, je suis littéralement stoppé par deux cyclistes Dusan et Niki, père et fils. De fil en aiguille, je reste 10 jours chez eux à Pançevo. Et le 14 septembre, je pars avec un groupe de sept pèlerins et de deux pigeons voyageurs à destination du monastère séculaire d’Hilandar en Grèce. Une aventure dont je vais me souvenir longtemps. En sept jours, nous parcourons 900km à travers la Serbie, la Bulgarie et la Grèce. Nous roulons toute la journée, tout en profitant de l’hospitalité des monastères la nuit. A une exception près, à Sofia, où faute de mieux nous devons passer la nuit cette fois, non pas dans un cloître mais à l’étage d’une maison close. D’un extrême à l’autre, les voies du Seigneur sont impénétrables. L’arrestation sur l’autoroute par la police routière serbe est aussi à relever. Rétrospectivement, je me dis

Quelques nouvelles de la planète asphaltessc-southernwing.sakura.ne.jp/bunsho/fredkoga.pdf1 Quelques nouvelles de la planète asphalte… Partir d’un ôté découvrir le monde extérieur

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

  • 1

    Quelques nouvelles de la planète asphalte… Partir d’un côté découvrir le monde extérieur et de l’autre son monde intérieur n’est définitivement pas

    une activité à temps partiel. Mais, la monture et son cavalier se portent à merveille. Et depuis cinq mois, ils

    ont sillonnés à la force des mollets, les pays suivants (trait bleu sur la carte ci-dessous) : la Suisse, l’Italie, la

    Slovénie, la Croatie, la Bosnie, la Serbie, la Bulgarie, la Grèce, la Macédoine, le Kosovo, le Monténégro,

    l’Albanie, à nouveau la Grèce avec l’ile de Corfu et retour en Italie. Au total, 5895km parcouru.

    Actuellement, ils se trouvent dans le sud de l’Italie en attente de matériel, avant de repartir à la conquête

    du pays du soleil levant à travers le continent Eurasien.

    Du superficiel à l’essentiel Le jour du départ, le 14 juillet, mon poids est de 65kg, celui de Mr Koga, mon vélo et de mon équipement

    complet est de 75kg. J’arrive à peine à fermer mes sacoches tellement elles sont pleines. Après la première

    montée, je comprends rapidement par la voie de mon souffle, que l’allègement n’est pas une option mais

    une nécessité. Je passe le premier mois à scruter, lister, réfléchir, peser, penser et repenser à ce qui est

    vraiment essentiel. Tout au long de la route de Lugano jusqu’en Slovénie et plus loin encore, je sème ainsi

    mes affaires. Pourtant tout me paraissait être si indispensable, du moins jusqu’au départ. En Croatie, j’offre

    mon panneau solaire, à un groupe de scout autrichien rencontré dans un camping et j’achète un hamac en

    contrepartie. En Bosnie, j’abandonne les chaussures à clip suite à des douleurs aux genoux et enfile de

    simples sandales, me voilà désormais sur le chemin de la simplicité, rien de plus. Aujourd’hui, Mr Koga et

    son matériel pèse 55kg, soit 20kg de moins, par contre moi, j’en ai pris dix, mais cela c’est une autre

    histoire…

    Une rencontre peu orthodoxe Sur les quais de la Sava à Belgrade, je suis littéralement stoppé par deux cyclistes Dusan et Niki, père et fils.

    De fil en aiguille, je reste 10 jours chez eux à Pançevo. Et le 14 septembre, je pars avec un groupe de sept

    pèlerins et de deux pigeons voyageurs à destination du monastère séculaire d’Hilandar en Grèce. Une

    aventure dont je vais me souvenir longtemps. En sept jours, nous parcourons 900km à travers la Serbie, la

    Bulgarie et la Grèce. Nous roulons toute la journée, tout en profitant de l’hospitalité des monastères la nuit.

    A une exception près, à Sofia, où faute de mieux nous devons passer la nuit cette fois, non pas dans un

    cloître mais à l’étage d’une maison close. D’un extrême à l’autre, les voies du Seigneur sont impénétrables.

    L’arrestation sur l’autoroute par la police routière serbe est aussi à relever. Rétrospectivement, je me dis

  • 2

    que nous n’aurions peut-être pas dû nous arrêter manger au restoroute. Conclusion, pas d’amende, mais

    nous sommes contraints de traverser les champs pour rejoindre une route secondaire. Une séance

    d’autostop à sept, qui se termine par une course effrénée sur le pont d’un pickup au milieu d’un orage,

    pour attraper un bateau qui n’existait pas jusqu’à son accostage demeure aussi dans les annales. Mais

    finalement nous arrivons à Hilandar et la découverte du site est absolument magique. Construit en 1198, le

    monastère se trouve sur la presqu’île d’Athos qui regroupe une vingtaine de monastère au sein de la

    « République monastique du Mont Athos ». Véritable état dans l’état à l’instar du Vatican, inaccessible par

    la route et seulement après obtention d’un visa spécifique, le site est véritablement préservé et une

    atmosphère particulièrement spirituelle s’en dégage. La liturgie à cinq heures du matin dans l’église sombre

    et dorée d’Hilandar reste pour moi, un instant surgit de nulle part. Tous ces chants orthodoxes qui

    rebondissent d’une icône à l’autre, et tous ces moines vêtus de noir, avec leur regard perçant et leur visage

    émacié me marque profondément. De retour à Ierissos, les pigeons voyageurs sont relâchés et chacun

    reprend sa route… jusqu’à la prochaine rencontre.

    Opération Kotor Je suis à Thessaloniki, 400km me sépare de la Turquie, de l’Asie. Pourtant, je décide de prendre la route qui

    va non pas à l’Est mais à l’Ouest. Je me lance un défi et m’interdis l’entrée en Turquie avant d’être passé

    par la Macédoine, le Kosovo, le Monténégro et l’Albanie. Le point septentrional est défini comme Kotor, le

    plus grand fjord méridional d’Europe, à mille kilomètres de là. Envie de tester ma volonté et surtout

    d’assouvir ma curiosité, j’entame ce slalom « balkanais ». La Macédoine est un régal pour les yeux. Le

    Kosovo est bien loin des préjugés et c’est un peuple des plus qu’accueillant que je rencontre. Même si une

    incompréhension me contraint à gravir le col de Kullina qui sépare le Kosovo et le Monténégro en fin de

    journée. Selon les passants, il n’est qu’à 12km. La douane kosovare est effectivement à cette distance, par

    contre le col, lui… J’arrive à 23h au sommet, après 25km de montée. Je me dis que les distances sont

    vraiment relatives d’un pays à l’autre, d’un passant à l’autre et, je plante ma tente au beau milieu du « no

    man’s land » qui sépare les deux pays. Le matin, je me réveille dans le brouillard et sous la neige et

    j’entame la descente du col. Dommage je n’ai pas sorti mon appareil photo, mais la tête des douaniers

    monténégrins lorsque j’arrive enfin à la frontière est mythique. Le Monténégro est fait de montagne et de

    vent. Et je relativise en me disant que chaque montée n’est que l’opposé d’une descente. Finalement

    j’arrive à Kotor, où le compteur indique 5000km. Mais je suis épuisé et il me faudra une semaine pour me

    remettre et reprendre la route en direction du sud et de l’Albanie.

  • 3

    Au milieu des oliviers Avec Philippe et Pascale, un couple de charmants cyclistes suisses, j’ai le plaisir de traverser le sud de

    l’Albanie. Peuplés par les Illyriens, cette civilisation n’est autre que la plus ancienne des Balkans. Et ce pays

    me laisse une énorme envie d’y retourner lorsque je le quitte, tant les gens sont hospitaliers et polis. Un

    exemple ? Nous dormons une nuit dans le jardin d’un cinq étoiles avec la bénédiction de son propriétaire.

    Après la frontière de retour en Grèce, et comme d’accoutumée, chacun continue son chemin. Pour ma

    part, je m’apprête à embarquer pour Corfu. Mais je n’ai pas le temps de me sentir seul, car je rencontre

    tout de suite David, un cycliste belge qui visite le coin. Finalement nous embarquons tous les deux à

    destination de l’île. Ce personnage sympathique et sportif me décide à retourner en Italie d’où il arrive.

    Décidément aucune rencontre ne se fait par hasard me dis-je. Et après quelques jours de repos où je suis

    choyé tel un prince, chez Mignone, Appoline et leurs cinq chats, je reprends la mer en direction de la Puglia,

    et de son chef-lieu, Bari. Quelques coups de pédales et me voilà dans ma famille que je n’avais pas vu

    depuis sept ans. Par l’entremise de mon oncle, je trouve tout de suite du travail dans la ferme d’une

    cousine et passe ainsi le mois de novembre à la campagne. Quel bonheur de travailler sur la terre de mes

    ancêtres au milieu des oliviers centenaires ! Après la récolte de cent quintaux d’olives, ces dernières sont

    conduites au pressoir, où comme récompense suprême on en tire l’huile extra vierge… un délice pour les

    yeux et les papilles.

    2012 2012 est, paraît-il la fin du monde. Pour ma part, après la Grèce, ce sera la fin de l’Europe et le début de

    l’Asie, avec mon entrée en Turquie. Ce dont je me réjouis fortement, même si je le reconnais, tous les jours

    ne sont pas roses, et il faut parfois se surpasser pour avancer. Mais n’est-ce pas cela que je recherche au

    fond ? En tout cas, cette première partie de voyage en bicyclette m’a permis de me familiariser avec ce

    mode de vie, car c’est réellement plus qu’un moyen de transport. Je ne compte plus le nombre de

    rencontres qui m’enrichissent. Et ces quelques mois dans les Balkans m’ont mis l’eau à la bouche et j’ai dès

    lors une grande soif de cultures et d’aventures.

    Bonne route à tous

    fred

  • 4

    Un pays, une photo

    Suisse Italie Slovénie

    Croatie Bosnie Serbie

    Bulgarie Grèce Macédoine

    Montenegro Albanie Italie