Prolégomènes à une histoire de la mélancolie

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Jackie Pigeaud

Prolgomnes une histoire de la mlancolieIn: Histoire, conomie et socit. 1984, 3e anne, n4. pp. 501-510.

Citer ce document / Cite this document : Pigeaud Jackie. Prolgomnes une histoire de la mlancolie. In: Histoire, conomie et socit. 1984, 3e anne, n4. pp. 501510. doi : 10.3406/hes.1984.1369 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1984_num_3_4_1369

f 1 Trois maladies sur la longue dure

PROLEGOMENES A UNE HISTOIRE DE LA MLANCOLIE par Jackie PIGEAUD

On se perd tudier la mlancolie. O chercher ? Chez les mdecins, chez les artistes ? Qu'y a-t-il de commun entre ce malade prostr, au masque et l'attitude caractristiques ? (l), et le gnie qu'on dit mlancolique ? Quel rapport entre l'art et cette humeur bile-noire ? Le concept de mlancolie, d'autre part, semble parfois se restreindre l'humeur, parfois se dissoudre en vagues symptmes affectifs et moraux. Au XVIIIe sicle Boissier de Sauvages, sensible l'usure du concept mdical et la drive vers l'affectivit, propose de traduire le latin melancholia par le franais manie, folie, et non melancholie qui implique seulement la tristesse et non le dlire (2). Il faut pourtant se convaincre, notre avis, qu'il existe une unit profonde de la mlancolie, et en cela suivre un des meilleurs auteurs qui soient de ce sujet, Robert Burton, quand il crit : So that, take melancholy in what sens you will, properly or improperly , in disposition or habit, for pleasure or for pain, dotage, discontent, fear, sorrow, madness, for part or all, truly or metaphorically, 'tis all one (3). Ce discours risque de dplaire aux mdecins, aux philosophes (4), et aux historiens ; mais il est la condition ncessaire pour y voir un peu clair dans les dtours de la mlanc olie. L'on ne peut que s'y perdre si l'on ne voit pas que les directions de l'histoire de la mlancolie se dessinent, pour notre civilisation, dans l'antiquit classique, entre la fin du Ve sicle avant et le 1er sicle aprs J.-C. En sorte qu'il faut toujours avoir l'esprit cette ide conditionnelle que la mlancolie relve de la nature de l'homme, mais qu'elle est aussi une cration de l'histoire, comme nous allons essayer de le montrer dans ces pages trs rapides. La premire grande ambigut qui pse sur la mlancolie, est que le mme terme qui est le nom de l'humeur bile-noire en grec, melancholia, va servir dsigner une maladie qui met en cause l'affectivit et le raisonnement. 1. Cf. par exemple le lypmaniaque d'Esquirol : La physionomie est fixe et immobile, mais les muscles de la face sont dans un tat de tension convulsive et expriment la tristesse, la crainte ou la terreur ; les yeux sont fixes, baisss vers la terre ou tendus au loin, le regard est oblique, inquiet ou souponneux... (Maladies mentales, tome I, p. 407). 2. F. Boissier de Sauvages, Nosologia methodica, editio ultima, Amsterdam, 1768, tome II, p. 251. 3. The anatomy of melancholy , London and Toronto, last reprinted 1977, I, p. 40. 4. R. Guardim : La mlancolie est quelque chose de trop douloureux, elle s'insinue trop profon dment jusqu'aux racines de l'existence humaine pour qu'il nous soit permis de l'abandonner aux psychiatres , in De la mlancolie, Pans, Seuil, 1953, p. 9.

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II est difficile de dresser l'acte de naissance de la mlancolie comme maladie. Je pense pourtant qu'il ne serait pas arbitraire, tant donn le sort que lui fait la tradition, de donner un statut juridique et fondateur au 23e Aphorisme du livre VI des Aphorismes d'Hippocrate : Si tristesse et crainte durent longtemps, un tel tat est mlancol ique ; entendons qu'un tel tat relve de l'humeur bile noire ou du caractre noir de la bile. Je traduis, selon la tradition, dysthymie par tristesse ; ce terme dsigne l'abattement, le malaise. La valeur structurelle de cet aphorisme est de laisser libre l'interprtation. L'auteur se contente, notre avis, de constater la concomittance d'un tat affectif particulier et d'un tat physiologique spcifique. Il s'arrte la smiologie. L'intrt de l'aphorisme rside dans l'articulation de deux sentiments, crainte et tristesse, avec une humeur trs prcise, qu'on pourrait croire objectivement analysable. L'auteur hippocratique se contente de la parataxe ; mais cette articulation permet une lecture interactioniste qui peut considrer que la bile noire est cause de la crainte ou de la tristesse, ou bien que ces deux sentiments sont causes de la pro duction de cette humeur. La mlancolie clate alors en des discours foisonnants : un discours mdical qui l'enferme dans la physiologie, dcrit ses symptmes et l'interprte comme une maladie physique avec incidences psychiques secondaires ; un discours que nous appellerons, faute de mieux, mdico-philosophique qui rflchit sur la typologie mlancolique, sur ses caractres particuliers, sur le rapport de l'humeur et du sentiment, de l'me et du corps. A cela, il faut ajouter un discours authentiquement philosophique et moral iste, qui rflchissant sur la maladie de l'me, dcrit le taedium uitae, le dgot de la vie, en parvenant aux bords des consquences physiologiques, comme la nause. J'ai montr ailleurs que la rpartition entre maladies du corps et maladies de l'me est telle, dans l'antiquit, que le philosophe se garde d'utiliser le nom de mlancolie pour dcrire le taedium uitae (5). Ces discours vont se contaminer les uns les autres. Mais il faut essayer sans cesse de retrouver les voies dans cet hritage difficile. L'on a essay, en amont de l'aphorisme hippocratique, de voir comment la bile noire est lie ce que certains appellent des maladies mentales . Vainement. La bile noire n'explique pas seulement la prsence de maladies de ce type (6). La bile noire n'est pas seulement l'humeur de la folie. Elle peut tre la cause de bien d'autres maux. Quant la bile noire elle-mme, les historiens de l'hippocratisme polmiquent pour savoir si elle est une qualit de l'humeur bile, avant de devenir une vritable substance. Il semblerait selon certains, que son caractre essentiel n'appart qu' partir de Nature de l'homme du Corpus hippocratique , bien que cela pt se discu ter (7). De toutes faons l'histoire de la bile noire n'puise pas, comme nous le verrons, l'histoire de la mlancolie avec laquelle elle ne coincide pas totalement.

5. Cf. La maladie de l'me, Etude sur la relation de l'me et du corps dans la tradition mdicophilosophique antique, Pans, Belles Lettres, 1981. 6. Cf. par exemple W. Mri, Melancholie und schwarze Galle, in Museum Helveticum, 10,1, 1953. Sur la mlancolie dans l'Antiquit, cf. H. Flashar, Melancholie und Melancholiker in den medizinischen Theorien der Antike, Berlin, 1966. 7. Pour l'importance de la bile noire dans Nature de l'homme, cf. J. Jouanna dans l'introduction de son dition ; cf. contra, les excellents travaux de R. Joly, notamment Le systme cnidien des hu meurs, m La collection hippocratique et son rle dans l'histoire de la mdecine, Colloque de Stras bourg, 1972,Leiden, 1975, pp. 1 07-128.

HISTOIRE DE LA MLANCOLIE LA BILE NOIRE : LA MLANCOLIE DES MDECINS

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Ce ne sont pas seulement les philologues modernes qui hsitent sur la bile noire. La mdecine antique, en tout cas celle qui croit aux humeurs, tente d'en dfinir l'e ssence. Rufus d'Ephse crit, par exemple, que la bile est dite jaune quand il s'agit du rsidu amer et jaune ; noire quand le rsidu est le dpt du sang (8) ; Galien nous dit que la bile noire ressemble un dpt de sang, mais qu'elle est plus froide et plus paisse. Elle doit en tre distingue parce qu'elle ne coagule pas (9). Elle pr senterait, en fait, des diffrences dans sa manire d'tre. La lie du sang, en vrit, ne produit pas les bouillonnements que produit la vritable bile noire quand on la verse terre (10). Mais la bile noire ne cause pas seulement la maladie mlancolique. Elle peut, selon les parties de l'encphale qu'elle touche, aussi bien donner l'pilepsie (11). La vapeur de la bile noire monte au cerveau qu'elle obscurcit, comme de la fume. Bien videmment cette bile noire est en soi-mme un mythe. Il est vident que l'histoire mdicale de la mlancolie est, elle seule, trs import ante, mme si elle ne se suffit pas elle-mme (12). Les grands mdecins de l'Anti quit qui ont travaill la dfinition de la maladie, sa symptomatologie et une tiologie, sont Arte de Cappadoce (1er sicle aprs J.-C), Rufus d'Ephse (1er sicle aprs J.-C.), Galien (Ile sicle aprs J.-C), Caelius Aurlien (peut-tre Ve sicle aprs J.-C). Dfinitions, symptmes, tiologie cette squence est en elle-mme trs signi ficative. C'est la rhtorique qui a contraint les mdecins, aux environs du 1er sicle avant J.-C. formuler des dfinitions des maladies. Ces dfinitions sont restes, peu de choses prs, inchanges jusqu' la nosographie de Pinel la fin du XVIIIe sicle. Il est donc trs important de considrer la formation de ces dfinitions. En ce qui concerne la symptomatologie, les descriptions d'Arte de Cappadoce et de Caelius Aurlien restent continuellement cites. Il n'est pas question ici de rentrer dans les dtails. La dfinition d'Arte C'est un abattement (une tristesse athymie) attach une seule reprsentation, sans fivre , apporte une nouveaut qui sera retenue, entre autres, par Boissier de Sauvages et par Esquirol (13). Par repr sentation (phantasia), il faut entendre une image qui occupe l'esprit, de quelqu'origine qu'elle soit (14). Pour tout le reste, le mlancolique raisonne parfaitement. Chez les mlancoliques, crit Arte, la pense ne se tourne que vers le chagrin et la tris tesse (L'on revient l'aphorisme hippocratique). Mais la mlancolie ne revt pas, pour chaque malade, la mme forme ; mais ou bien ils sont pris de soupon qu'on les

8 Rufus d'Ephse (1er sicle aprs J.-C), Opera, d. Daremberg-Ruelle, 1879, reprint 1963, p. 165 9. Galien (Ile sicle aprs J.-C), Opera, d. Khn, tome I, p. 603 et tome V, p. 1 1 0. 10. Dans son trait des Lieux affects (111,9) Kiihn, t. VIII, p. 176 ; cf. Oeuvres choisies, traduites par Daremberg, Pans, 1856, tome II, p. 562. J. Starobinski parle, ce propos, d'imagination substant ielle, son Histoire du traitement de la mlancolie des origines 1900, Ble, 1960, p. 14. cf. 1 1 . Ibid. 12. Il est significatif, par exemple, que H. Tellenbach commence son livre La mlancolie, Paris, PUF, 1979, par des perspectives historiques, avec Hippocrate, mais aussi Platon, le Problme XXX, etc. 1 3. Arte, Opera, d. de Hude, p. 39. 14. Cf. notre article Voir, imaginer, rver, tre fou , in Littrature, Mdecine et Socit, n 5, Universit de Nantes, 1984.

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empoisonne, ou bien ils fuient au dsert par misanthropie, ou bien ils deviennent superstitieux, ou bien ils se mettent hair la vie (15). La mlancolie est une maladie gravissime. Beaucoup arrivent l'absence de toute sensation, au gtisme, jusqu' vivre, ignorant de tout et oublieux d'eux-mmes, une vie toute animale (16), et la mort n'est pas loin. La description de la mlancolie trace par Arte , crit Pinel, atteste galement le talent observateur de ce dernier, et la connaissance profonde qu'ont eu les Anciens de cette maladie (17). Pour les mdecins anciens, il n'y a aucun doute : la maladie est d'origine physique. Mais dans les causes antcdentes, selon le vocabulaire du temps, on les voit mlanger les causes physiques et morales : indigestions, ingestions de mdicaments, nourritures aigres, tristesse et crainte (18). Voyons aussi Rufus, tel que nous l'avons de Rhazs. Les signes de la maladie sont crainte, hsitation, pense concentre sur un seul objet, et pour tout le reste le malade est sain... (19). Parmi les choses nuisibles : trop de vin, des viandes paisses, mais aussi une mditation abondante et la tristesse (20). Le mdecin retrouve la dualit de l'aphorisme : la co-existence de sentiments particuliers et de la bile noire. Mais il pense en termes de recherche des causes. D'o l'embarras de son discours quand il est question d'tiologie. Que faire de la bile noire ? Dans les vomissements et les fces, crit Rufus, on trouve l'humeur noire. Selon quelques mdecins elle est flegmatique. Mais si dans leurs purgations apparat l'humeur noire, cela signifie sa victoire et son abondance dans le corps ; et c'est le signe de la maladie... La maladie peut tre soulage par l'coulement de flegme, il n'en reste pas moins qu'elle vient de l'humeur noir e... (21). Au passage Rufus se souvient du Problme XXX d'Aristote dont nous reparlerons. Ceux qui ont un esprit subtil et beaucoup d'intelligence, tombent facilement dans la mlancolie, parce qu'ils sont rapides de mots, ont beaucoup d'ima gination et d'invention... L'une des dfinitions les plus lgantes de la mlancolie est donne par le Pseudo-Galien, Dfinitions mdicales, Kiihn XIX, p. 41 6 : La mlanc olie est une maladie qui lse la pense avec abattement (dysthymie) et aversion pour les choses les plus chres sans fivre. Chez certains de ces malades s'ajoute une bile abondante et noire qui attaque l'sophage, si bien qu'ils vomissent et que, con jointement, leur pense est atteinte. Tous les mdecins ne croient pas l'importance de la bile noire. Caelius Aurlien (22), par exemple, qui est mthodiste et explique toute maladie par le resserrement ou le relchement, ne saurait donner une valeur causale l'humeur. La mlancolie tient son nom de ce que la bile noire vient souvent en vomissement chez les malades... et non, comme beaucoup le croient, de ce que la cause de la maladie est la bile noi re. (23) Mais il ne fait aucun doute, pour lui aussi, qu'il s'agit d'une maladie physi que.Sa cause essentielle est, en gnral, un resserrement.

15. Ibid. 1 6. Ibid. 17 . Nosographie philosophique, 5e d., 1 81 3, tome II, p. 90. 18. Caelius Aurlien , Maladies chroniques, 1,181. 19. Rufus, Daremberg-Ruelle, p. 455. 20. Ibid. 21. Loc. cit. 22. Mdecin qui traduit en latin, peut-tre au Ve sicle aprs J.-C, l'uvre du mdecin grec Soranus d'Ephse (Ile sicle aprs J.-C.) 23. Caelius Aurlien, Maladies chroniques, 1,180.

HISTOIRE DE LA MLANCOLIE LA LITTRATURE MDICO-PHILOSOPHIQUE Je m'expliquerai plus loin sur la valeur que je donne ces termes. Le Problme XXX

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Nous n'avons pas le temps de faire ici l'analyse du Problme XXX de la tradition aristotlicienne que certains attribuent Thophraste (24). Mais l'on ne dira jamais assez la valeur ducatrice de ce texte, que l'on retrouve sans cesse cit non seulement dans l'Antiquit, mais jusqu'au milieu du XIXe sicle. C'est que le Problme XXX institue une typologie du mlancolique, mais surtout rflchit sur ce que l'on appellera plus tard les relations du gnie et de la folie. L'auteur affirme que tous les hommes exceptionnels, en ce qui concerne la posie, la philosophie ou la politique, ont t mlancoliques, c'est--dire ont un temprament (erase) o la bile noire tait prdo minante. Ce fut le cas d'Empdocle, Platon, Socrate et Lysandre. C'est--dire, en termes modernes, que le gnie est mlancolique. Mais la bile noire est aussi cause de la folie d'Hrakls et d'Ajax. Autrement dit, gnie et folie ont mmes causes. Entre le gnie et le fou la diffrence n'est pas de nature mais de degr. La folie est un tat paroxystique du temprament de la bile noire. Cette humeur est extrmement instable, pouvant tre la fois froide et vite chaude. Cela signifie-t-il que le gnie est un malade ? Il faut nuancer. Si l'on part de l'ide que la erase idale est le rapport des quatre humeurs fondamentales (sang, phlegme, bile jaune, bile noire), le temp rament mlancolique o la bile noire prdomine est pathologique puisque c'est un cart par rapport une norme d'ailleurs hypothtique. Mais une fois admise l'existence d'un temprament mlancolique, il faut penser qu'il existe une sant du mlancolique qui est, cause de la nature instable de la bile, continuellement menace. Le mlan colique doit sans cesse se soigner et se surveiller (Ethique Nicomaque, 1 154 b 11). Le mlancolique, tre d'exception, est changeant et fragile. Il est menac de maladies graves : epilepsie, apoplexie, frayeurs, syncopes, folie furieuse. Le mlancolique n'est pas malade mais maladif. Ainsi le lien entre le gnie et la folie est clairement circonsc rit. Gnie et folie relvent d'un mme type de temprament, mais non du mme tat de temprament. Le gnie n'est pas un fou. Il est un fou virtuel. Nous avons essay de montrer que l'on peut aller plus loin dans la rflexion sur la physiologie du gnie que nous propose l'aristotlisme et que le temprament mlancolique est, en fait, le temprament mtaphorique. Le mlancolique, comme l'archer qui tire de loin, et cause de sa force, est capable de mettre en rapport, par la mtaphore, des choses qui ne l'taient pas de manire vidente, en dvoilant ainsi de l'tre ; comme si tirer loin pour tirer juste tait une loi de la potique. L'on peut montrer que la nouveaut d'Aristote est de lier au corps, l'humeur, un trope spcifique : la mta phore. Le tir de la mtaphore est fonction de la force de l'humeur bile noire. Ainsi s'explique que posie et mlancolie soient lies (25). Les Lettres du Pseudo-Hippocrate II s'agit d'une sorte de roman par lettres, que l'on pourrait dater de la seconde moiti du 1er sicle avant J.-C. Les principales lettres mettent en question le compor24 L'accs le plus facile au Problme XXX est, en attendant l'dition des Belles Lettres, l'dition de la Loeb Classical Library , Aristotle, Problems HI 25. Cf. notre tude Une physiologie de l'inspiration potique ou de l'humeur au trope , in Les tudes Classiques, tome XLVI, n 1,1978, pp 23-3 1 .

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tement de Dmocrite qui inquite les Abdritains. Il s'est retir au plus sauvage de la nature, dissque des animaux, et rit de tout. Hippocrate est appel en consultation(26). Ce thme est celui des grandes lettres, lettre 12 Philopmen et les lettres 14 et surtout 17 Damagte. Ces faux, mpriss des philologues du XIXe sicle, ont une importance capitale dans l'histoire de la culture. La grande lettre 17 Damagte est continuellement cite, au cours des sicles, comme tmoignage sur le sens de la folie, et particulirement de la mlancolie. Rappelons qu'elle est longuement cite dans la Prface au lecteur de celui qui s'appelle, justement, Democritus junior, alias Burton (27). Dmocrite est seul, en tenue nglige. Son comportement, vue d'Abdritains, peuple qui ne passe pas pour particulirement sagace, ne se distingue pas de celui du mlancolique. Mais il arrive que le sage, le philosophe ait le mme comporte ment. Comment distinguer ? II arrive souvent aux mlancoliques des choses de ce genre : ils sont parfois taciturnes, solitaires, recherchant les lieux dserts ; ils se dtour nent des hommes, regardent leur semblable en tranger ; mais il arrive aussi ceux qui se consacrent la sagesse de perdre toutes les autres proccupations par l'tat de la sagesse. (28) Dmocrite, entour de cadavres d'animaux, un livre sur les genoux, d'autres livres autour de lui, crit dans l'enthousiasme et l'ardeur un livre sur la folie. Finalement, au cours d'une pause, Hippocrate peut l'interroger. Et il s'aperoit que Dmocrite raisonne fort sagement, que son rire est un mdicament la mlancolie qui vaut bien l'ellbore. Le discours philosophique sur la mlancolie II est vident que nous ne pouvons l'analyser en quelques lignes (29). Les noms importants sont Lucrce et Snque, dont le De tranquillitate animi traite du taedium uitae et de sa cure. La mlancolie engage, plus que d'autres maladies que, pour faire vite, nous appel lerons psychiques, la relation de l'me et du corps, et la relation de l'individu avec autrui. Crainte et tristesse sont deux affections qui entranent une attitude (30) envers autrui. Le mlancolique fuit au dsert, affirme son horreur d'autrui, devient misanthrope (31). La mlancolie est donc une maladie qui met en question la relation de soi avec soi-mme, et la relation avec les autres. Elle est apprentissage naturel de soi et de la socit et sa gurison implique que l'on parvienne supporter soi-mme et les autres. Elle intresse donc la fois le mdecin et le philosophe moraliste. Elle est, en quelque sorte, si l'on veut pousser un peu les choses, maladie et apprentissage naturel de la philosophie, au sens o dans cette maladie l'homme doit apprendre gurir sa peur de la mort et sa crainte d'autrui. Le mdecin et le philosophe s'intres26. J'ai tudi longuement ces lettres, cf. La maladie de l'me, p. 452 ss. Elles sont dites par Littr, Oeuvres d'Hippocrate, tome IX, pp.3 12-429. 27. Democritus to the reader, op. cit., pp. 48-52. Sur Burton et les Lettres d'Hippocrate, cf. en dernier heu, J. Starobinski, Dmocrite parle , in Le Dbat, n 29, mars 1984, pp. 49-72. 28. Lettre Philopmen, IX L 320. 29. Je me permets de renvoyer l'tude que je fais de Lucrce et de Snque dans La maladie de l'me. 30. Cf. la belle dfinition de M. Praud, Mlancolies, Paris, Herscher, 1982, p. 90 : Le geste de la mlancolie est moins un mouvement qu'une attitude, reprsentative non d'un sentiment momentan mais d'un comportement global ; et non seulement ce n'est pas un geste de communication, mais c'est un geste de non communication. 3 1 . Cf. par exemple, la description de la Lettre Philopmen, IX L 330

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sent donc cette pathologie. J'ai montr longuement comment, dans l'Antiquit, les mdecins et les philosophes se rpartissent le champ du savoir sur l'me et le corps. Au mdecin le corps, et l'me au philosophe. En ce qui concerne la mlancolie, le soin va jusqu'au vocabulaire, le mdecin seul utilisant le terme de mlancolie, tandis que le philosophe se sert de l'expression taedium uitae, dgot de la vie. Mais cette rpartition suppose, comme je l'ai montr, le triomphe du dualisme de l'me et du corps sur le discours moniste. Ce fait historique, dont on a n'a jamais valu les con squences, est d'une grave importance. On peut le dater ; c'est la lecture volontair ement dualiste de la rflexion moniste stocienne et plus prcisment chrysippenne de la passion, par Cicron dans les Tusculanes, qui est l'origine de ce que Cicron appelle lui-mme le retour l'ancien discours, c'est--dire le discours pythagoricien, sur l'me et le corps considrs comme deux substances htrognes. L'influence des Tusculanes fut immense, y compris, comme nous l'avons montr, sur le fondateur de la psychiatrie franaise, Philippe Pinel (32). Tout est en place, ds l'Antiquit, pour les avatars de la mlancolie, que l'on doit reconnatre sous toutes ses formes, comme diverse et une la fois. Retour la littrature mdico-philosophique Dans cette catgorie, nous avons class le Problme XXX, les Lettres d'Hippocrate. Mais il faudrait ajouter, entre autres, le trait de Galien Que les murs de l'me suivent les tempraments du corps et d'autres ouvrages, comme le trait hippocratique Airs, eaux, lieux. Cette liste n'est pas limitative. Une srie d'oeuvres, fort import antes pour l'imagination culturelle, sont tudier de trs prs, comme Y Examen des esprits de Huarte de San Juan, YAnatomy of melancholy de Burton, les Rapports du moral et du physique de Cabanis. On mprise beaucoup trop ce type d'crits, qui devraient tre une source de premier ordre pour les historiens qui introduisent, dans l'histoire, l'imaginaire. Pour Daremberg, par exemple, l'uvre de Cabanis relve d'une pense sans rigueur. Elle relve de cette littrature mdico-philosophique, cette littrature hybride, filandreuse, vide... qui parle de l'influence de l'me sur le corps et rciproquement (33). On serait tent de dire, si l'on n'y prenait garde, que le positivisme de Daremberg n'a pas tout fait tort. Cette littrature peut paratre un sous-produit de la philosophie, une sorte de reflet d'une littrature moraliste, sinon moralisante. Ce ne serait ni de la vraie philosophie, ni de la bonne mdecine. Il serait peut-tre plus intressant de la considrer comme une littrature qui fabrique ou entretient un certain nombre de mythes : ceux du rapport entre l'me et le corps, ou pour parler un langage plus dgag de la thologie, comme Cabanis, du moral et du physique, de l'inn et de l'acquis, de nature et de culture. Je pense qu'il faut r edonner cette littrature sa dignit spcifique ; c'est, au sens plein du terme, une littrature mdico-philosophique, qui met en relation la mdecine et la philosophie en fabriquant, par l mme, des mythes qui nous parlent, pour dire vite, de la relation de l'me et du corps ; c'est une littrature succs. Nous avons parl de la rcurrence de certains textes. L'uvre de Cabanis a connu une grande faveur. Mais que dire du succs de Huarte de San Juan ? VExamen des esprits parat en Espagne en 1579. 32. Cf. mes articles : Le rle des passions dans la pense mdicale de Pinel Moreau de Tours , in History and Philosophy of the Life Sciences, 1 980, vol.2, n 1 , pp 1 23-140 et L'Antiquit et les dbuts de la psychiatrie franaise , in Nouvelle histoire de la psychiatrie, Toulouse, Privt, 1983, pp. 129-146. 33. Ch. Daremberg, Histoire des sciences mdicales, Pans, Baillire, 1 870, tome II, p.l 01 5.

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De 1580 1675 l'on compte 24 ditions franaises (avec 3 traductions diffrentes en 1580, 1645, 1672), 7 ditions italiennes, 6 ditions anglaises, 3 ditions en latin, 1 dition hollandaise. Lessing le traduit en allemand en 1752 (34). Huarte de San Juan est encore lu aprs Cabanis, comme on le voit chez le psychiatre Moreau de Tours qui cite le Problme XXX d'aprs YExamen. Il semble que, priodiquement, un auteur apparaisse pour renouveler les problmes, comme Cabanis au XVIIIe sicle, dans une terminologie plus moderne, avec l'apport des connaissances du temps. Mais les problmes ont t poss la conscience par Hippocrate, Aristote ou Galien, dont les textes ne cessent d'tre cits. Ces uvres mdico-philosophiques sont importantes pour l'imaginaire de l'poque. A titre d'exemple, j'avoue mon plaisir lire Stendhal quand il crit, dans La vie d'Henri Brulard (Oeuvres intimes, Pliade, p. 24) : Mon grand pre adorait la cor respondance apocryphe d'Hippocrate qu'il lisait en latin (quoiqu'il st un peu de grec) et l'Horace de l'dition de Johannes Bond... Il me communiqua ces deux pas sions... Horace et Hippocrate taient bien d'autres hommes mes yeux que Romulus, Alexandre et Numa. (ibid., p. 83) II est intressant de penser que le petit Stendhal eut comme premier contact avec le romanesque, ce roman par lettres que sont ces crits tant mpriss des philologues. Par la mme occasion je signale que Stendhal, grand lecteur de Cabanis dont il n'aime pas le style vague, se sent mlan colique, dans les termes o Cabanis dcrit ce temprament (35), Cabanis, dont le livre Rapports du physique et du moral avait t sa [ma] bible seize ans (p. 1425). Quelques mots seulement de V Anatomy de Burton Jean Starobinski crit trs justement de l'uvre de Burton : c'est une somme : toute la physique , toute la mdecine, toutes les opinions morales, une grande partie de l'hritage potique de la tradition grco-latine et chrtienne nous sont of ferts.. une bibliothque tient en ce livre (36).. C'est en effet comme si l'humeur de Burton, reprenant la culture occidentale, lui donnait une couleur, une tonalit mlancolique. Mais Burton fait plus. Il tente dans son livre d'organiser les discours de la mlancolie. Si la mlancolie touche l'individu, l'homme dans sa constitution mme, chacun peut penser la connatre par lui-mme, et en vrit chacun en a une certaine exprience. Le chagrin est en quelque sorte consubstantiel la pense. L'homme qui pense prouve un chagrin capable de tourner la perversion mor ale, chagrin que l'homme qui ne pense pas ignore totalement , crit Kant (37). Mais tout homme qui pense ne tombe pas dans cette perversion qu'est la mlancolie. Comme le dit l'aphorisme : si crainte et tristesse durent longtemps.. C'est l qu'intervient le temprament de l'individu. Tout homme, comme le dit Burton, a des raisons d'tre malheureux. En ce sens tout homme est ncessairement un mlan colique transitoire. Mais le rester dpend du temprament. Burton introduit la dis-

34. Cf. M. de Inarte, El doctor Huarte de San Juan y su Examen de Ingenios, Contnbucion a la histona de la psicologia diferencil, Madrid, 1948, 3e d. et mon article Fatalisme des tempra ments libert spirituelle dans l'Examen des esprits de Huarte de San Juan , in Littrature, Mdec et ineet Socit, Universit de Nantes, 1 979, n 1 , pp 1 1 5-1 59. 35. Cf. par exemple, pp. 12, 20, 100, 212. 36. Op. cit , p. 54. 37. Kant, La philosophie de l'histoire, Pans, Aubier, 1947 , p 168.

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tinction aristotlicienne entre V tat (hexis) et la disposition (diathse) (38). Comme diathse nul ne peut chapper la mlancolie. Melancholy in this sense is the cha racter of mortality (t.I, p. 144). Mais si le sujet est particulirement fragile, si la complexion s'altre, la digestion devient difficile, le sommeil fuit ; si des flatuosits occupent l'organisme, si la tte s'alourdit, alors de mme que lorsqu'un failli rentre en prison pour dettes tous les cranciers accourent, de mme, en un instant, toutes les perturbations envahissent l'individu, qua data porta ruunt (t.I, p. 145). Excellente image de Burton. C'est alors que s'installe la maladie chronique, la vraie mlancolie : celle-l seule est dangereuse. Elle est mlancolie d'tat et peut conduire la mort. Chacun peut, devant l'histoire ou le quotidien, alimenter indfiniment sa deploratio. L'histoire est le meilleur ferment de la mlancolie. De Csar la guerre civile en Franc e, Burton, il n'y a que des sujets de pleurer. Devant ce monde fou, crit-il, il n'y dit a que trois solutions : le rire de Dmocrite, les pleurs d'Heraclite, ou la ptrification de Niob (Avertissement au lecteur, p. 59). En vrit, ce qui risque de s'introduire en nous quand nous contemplons le monde, c'est le doute sur sa rationalit. L'absurde alimente alors le dsespoir. Pour vivre dans Yeuthymie, comme nous l'avons montr ailleurs (39), il est important d'avoir une bonne ide de la Providence. Comme l'crira Kant : L'homme qui pense commence par tre trs mcontent de la Providence... lorsqu'il dnombre les maux qui psent si lourdement sur l'espce humaine... or il est de la plus haute importance d'tre satisfait de la Providence. (40) En reprenant l'aphorisme hippocratique, si l'on s'engage dans le systme de la relation causale, nous dirions que sur le chemin de la physiologie nous trouvons comme cause ultime la bile noire ; et sur le chemin de la philosophie, comme cause ultime Dieu. C'est ce qu'expriment trs bien les premiers chapitres de Y Anatomy of Melan choly de Burton. L'auteur commence sa digression sur l'anatomie par la voie mdic ale, division du corps, humeurs et autres esprits... la bile noire est froide et chaude, paisse, noire, aigre, etc. (41). Puis, dans la seconde section, qui bascule dans l'univers des causes gnrales, Burton considre Dieu comme cause de la mlancolie (42). On peut videmment dire que Dieu est cause de toutes les maladies. Mais la mlanc olie, comme nous l'avons dit plus haut, pose le problme de la bont de la Provi dence, dans la mesure o il faut avoir une certaine ide d'un avenir rgl pour con natre la tranquillit, l'euthymie. La mlancolie est cette maladie curieuse qui oblige tenir ensemble comme deux causes essentielles et conjointes, Dieu et la bile noi re(43), la cause la plus abstraite et la plus gnrale, et la cause la plus ridiculement concrte, cache dans les djections de l'individu. CONCLUSION L'on nous dira que nous mdico-philosophons et que ce n'est pas de l'histoire. Mais la mlancolie doit intresser l'historien. Elle lui pose, en effet, de manire exem38 Cf. Catgories 8 b et Mta.b. 14 : Vtat est diffrent de la disposition en ce qu'il a beau coup plus de dure et de stabilit... En revanche on appelle disposition les qualits qui peuvent facilement tre mues et rapidement changes. Cf. en dernier lieu, R Brague, De la disposition (diathesis) chez Anstote , in Concepts et catgories de la pense antique, ouvrage publi sous la direction de P. Aubenque, Paris, Vnn, 1980, pp 284-307. 39. Cf. La maladie de l'me, p 45 1 40. Op. cit , pp 168-169. 41. Op. cit., I, p. 148. 42. Ibid , pp. 177 ss 43. La maladie pestilentielle, dans la mesure o elle frappe les innocents pose aussi d'une autre faon le problme de la Providence, cf La maladie de l'me, p 21 1

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plaire, le problme de la relation de nature et culture dans l'histoire. Je suis souvent surpris par le fait que les historiens des passions ou des sentiments, quels qu'ils soient, ne se posent pas le problme de l'homme qui les subit, ne rflchissent pas la ques tion de savoir si l'homme est le mme dans la dure. L'on nous dira que cette question est d'ordre philosophique et non historique. Voire. Pour un ethno-psychiatre comme G. Devereux, par exemple, il est vident que l'homme est le mme dans toutes les cultures ; qu'il existe une ralit de l'homme. Devereux n'prouve aucune gne expliquer telle scne de la tragdie grecque en l'clairant du cas d'une de ses patientes asiatiques. L'on passe d'une culture l'autre sans problme. Mais un historien de l'An tiquit, tout en acceptant parfaitement le postulat d'une ralit humaine identique, doit savoir qu'il y a un aspect historique de la naissance de l'homme lui-mme, une gense du se-sentir-soi-mme ; que la perception que l'homme a de lui-mme, comme tre un ou duel, relve aussi de l'histoire et de la culture. C'est une question qui n'est pas tout fait insoluble grce ces textes justement appelons-les mdicophilosophiques qui prennent en compte la reprsentation qu'une poque se fait de la relation de l'me et du corps, du vivant et du milieu. Les auteurs se placent dans une tradition culturelle, en rflchissant sur d'autres textes qui remontent l'Antiquit grco-romaine. Ces textes ne sont pas innombrables (sans les limiter ceux que nous avons donns ici). Ils sont reprables, bien dfinis, continuellement cits et comment s.sont la vulgate de notre imagination de culture. Ce qui ne veut pas dire que Ils l'histoire n'est que la rptition de ces textes. Il faut voir comment, dans quel contexte, dans quelle problmatique ils sont cits, traduits, comments. Prenons les choses autrement. La mlancolie est certes une maladie, c'est--dire que sous ce concept existe certainement une ralit pathologique. La symptomatologie a chang, mais les descriptions phnomnologiques d'Arte sont peut-tre encore acceptables. Il y aura donc une histoire proprement mdicale de la mlancolie. Mais, disons jusqu' un XIXe sicle bien avanc, l'historien et le philologue ont certainement des choses dire l'historien de la mdecine. C'est--dire que ce dernier ne saurait oublier que cette maladie est aussi ne dans une certaine culture. Le mdecin ne peut pas ne pas tenir compte des conditions de la naissance de cette maladie et de ses dve loppements hors du champ spcifique de la mdecine. D'un autre ct, l'historien des ides, mme s'il s'intresse plutt l'aspect culturel et artistique de la mlancolie, ne saurait oublier de consulter les textes mdicaux. En quelque sorte, la mlancolie a rvl l'homme comme tre complexe, me et corps, qui souffre de cet assemblage et comme tre qui doit rgler sa relation avec autrui. De cette faon, la mlancolie est maladie de culture et maladie culturisante . L'on ne saurait trop insister sur la valeur de YAphorisme hippocratique que nous avons cit et du Problme XXX. Us organisent le destin de cette maladie dans notre culture occidentale. Ils font que toute histoire de la mlancolie qui se contenterait de r amas er des textes, tant mdicaux que philosophiques, serait voue l'chec faute de mettre en vidence la problmatique qui fonde et rpartit ces textes ds l'origine. Il faut bien se convaincre qu'entre mdecine et philosophie, c'est le point de vue qui diffre, et non la chose. Il s'agit de dmler la part de nature et de mythe qui inter fre dans les deux discours, le mdical comme le philosophique. Jackie PIGEAUD Professeur de philologie et littrature latines (Universit de Nantes)