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Politiques culturelles et la sauvegarde du patrimoine immatériel

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Politiques culturelles et la sauvegarde du patrimoine immateriel - le cas de l’inventaire des cocos au Nord-est du Bresil

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JOURDAN L.- ETH-T7: Mémoire de recherche appliquée - Politiques culturelles et sauvegarde du patrimoine immatériel

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Université de Provence Aix-Marseille 1

Département d’Anthropologie

Spécialité 4 - MASTER PROFESSIONNEL

« Anthropologie & Métiers du Développement durable »

ETH.T7 Mémoire de recherche appliquée

Politiques culturelles et la sauvegarde du patrimoine immatériel : le cas de l’inventaire des cocos au Nord-est du Brésil

JOURDAN Laetitia

Sous la direction de Bruno Martinelli

2010 – 2011

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« Les opinions exprimées dans ce mémoire sont celles de l’auteur et ne sauraient en aucun cas engager l’Université de Provence, ni le directeur de mémoire ».

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Sommaire

Introduction ……………………………………………………………………….04

I. Culture, développement et Etat…….. .…………………………………....10

1.1 Culture et développement………………………..………………………….10

1.2 Culture et Etat……………………………………………………………….25

1.3 Contexte brésilien ………………………………………………………….30

II. L’inventaire des cocos du Nord-est du Brésil ……………………………46

2.1 L’Inventaire National de Références Culturelles (INRC) …….…………. 48

2.2 Les cocos comme une référence culturelle nationale ……..………………58

2.3 Une analyse des démarches préalables de l’inventaire des cocos du Nord-est du Brésil…………………………………………………………………………66

III. La sauvegarde des cocos ……………………...…………………………... 76

3.1 Les actions et premiers résultats de l’inventaire des cocos du Nord-est ...…76

3.2 Identification des demandes des participants des cocos ….............................82

3.3 Plan de sauvegarde : quelques considérations préalables…….......................86

3.4 Une proposition de plan de sauvegarde pour les cocos à Paraíba ………….90

Conclusion …………………………………………………………………………98

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Introduction

En 1996 la Commission Mondiale de la Culture et du Développement a écrit un rapport qui est devenu une sorte de guide pour toutes les actions culturelles et de développement des Etats membres de l’Unesco. Selon ce rapport :

« Le défi que l’humanité est appelée à relever est d’adopter de nouvelles formes de pensée,

de nouvelles façons d’agir, de nouvelles façons de s’organiser en société ; en un mot, de nouvelles façons de vivre. Il s’agit aussi de promouvoir différentes voies de développement, en étant conscient de l’influence des facteurs culturels sur la manière dont les sociétés

conçoivent leur avenir et choisissent les moyens de le réaliser. La période véritablement exceptionnelle de l’histoire que nous vivons aujourd’hui appelle des solutions

exceptionnelles. Le monde tel que nous le connaissons, toutes les relations que nous tenons pour acquises sont l’objet d’une remise en question et d’un réaménagement radicaux. Il faut

de l’imagination, un esprit novateur, de la vision et de la créativité » (UNESCO, 1996 : 11).

Malgré les quinze ans qui distancient cette affirmation de nos jours, elle semble être plus actuelle que jamais. Autrement dit, si encore dans les années 1990 la Commission Mondiale de la Culture et du Développement de l’Unesco avait fait connaître au monde le besoin d’un nouveau chemin de vie, cela semble avoir eu très peu de résultats en pratique. Bien sûr, il faut prendre en compte qu’un changement d’une telle grandeur ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut du temps. Surtout si nous voulons que les résultats soient durables. Ainsi, le XXIème siècle semble être le moment de mettre en place (ou au moins de commencer) des actions résultantes des réflexions développées jusqu’à maintenant.

Encore avant 1996, au début des années 1980, l’Unesco annonçait déjà :

« La culture constitue une dimension fondamentale du processus de développement et contribue à renforcer l’indépendance, de la souveraineté et de l’identité des nations. La

croissance a souvent été conçue en termes quantitatifs, sans que soit prise en compte sa nécessaire dimension qualitative, c’est-à-dire la satisfaction des aspirations spirituelles et culturelle de l’être humain. Le développement authentique a pour but le bien être et la satisfaction constante de tous et de chacun. » (UNESCO, 1982 : 14).

Dès cette époque la culture et le développement commencent à être mis l’un à coté de l’autre, comme des éléments complémentaires. Néanmoins, il faut préciser que ces deux concepts sont larges et passibles de différentes interprétations. Si d’une part, on parle de développement comme simple synonyme de croissance économique, souvent la culture sera considérée comme son opposition, c’est à dire un empêchement à la réussite ou comme un simple instrument pour arriver à un but. Si d’autre part, nous considérons le développement selon la définition de l’Unesco et du PNUD, c'est-à-dire, comme « un processus d’accroissement de la liberté effective offerte à ceux qui en bénéficient de poursuivre toute

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activité à laquelle ils ont des raisons d’attacher de la valeur » (UNESCO, 1996 : 15), la croissance économique est-elle comprise dans ce sens, et la culture, pour sa part, devient une fin à rechercher en soi. Puisqu’une des libertés les plus fondamentales est celle de définir nous-mêmes ce que sont nos besoins essentiels, le développement de la culture devient un synonyme de développement tout court.

C’est dans cette perspective, en considérant le développement et la culture comme faisant partie d’un même ensemble, le bien être de l’homme, que nous avons travaillé dans le mémoire de la première année du Master en Anthropologie et Métiers de Développement Durable, l’idée de l’inventaire et de la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel comme projet de développement, tel que définit par Pierre Olivier de Sardan, c’est à dire :

« L’ensemble des processus sociaux induits par des opérations volontaristes de

transformation d’un milieu social, entreprises par le biais d’institutions ou d’acteurs

extérieurs à ce milieu mais cherchant à mobiliser ce milieu, et reposant sur une tentative de greffe de ressources et/ou techniques et/ou savoirs. […] Il y a du développement du seul fait

qu’il y a des acteurs et des institutions qui se donnent le développement comme objet ou comme but et y consacrent du temps, de l’argent et de la compétence professionnelle». (Olivier de Sardan, 1995 : 7).

A cette occasion nous avons parlé de l’importance du patrimoine culturel immatériel pour la construction identitaire d’un groupe, surtout dans un pays comme le Brésil, qui rassemble sur un même territoire plusieurs cultures. Les principes internationaux de l’Unesco qui ont influencés les politiques et instruments concernant ce type de patrimoine dans ce pays ont été présentés. En prenant le cas de la samba de roda de Recôncavo de Bahia comme exemple, nous avons analysé le processus de choix du bien inventorié, de l’inventaire et de registre d’un bien, soit au niveau national – considérée comme un patrimoine national ; soit au niveau internationale – enregistrée comme un chef-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité. Finalement, nous avons essayé de travailler les problématiques de la mise en place de la sauvegarde d’un patrimoine culturel immatériel à partir du plan de sauvegarde élaboré pour la samba de roda de Recôncavo de Bahia.

Malgré les recherches bibliographiques, plusieurs questions sont restées sans réponses tandis que d’autres sont apparues. Les documents analysés dans cette étude étaient surtout des documents officiels, ce qui rend les données moins fiables. Le manque de bibliographie analytique sur les processus d’inventaires et de la mise en place de plans de sauvegarde déjà menés au Brésil fait que les principales questions et critiques développées dans ce premier travail sont faites sur la perspective homogène sur laquelle les documents officiels sont basés. Les conflits et les enjeux des différents acteurs sont ainsi ignorés, si non en pratique, sur le terrain, au moins au moment de la rédaction sur le processus, ce qui est déjà un signe sur la position des responsables pour le projet par rapport à ces questions.

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En voulant continuer ce travail et chercher une meilleure compréhension des démarches des politiques de sauvegarde du patrimoine immatériel au Brésil, un stage à été mené dans une ONG brésilienne responsable de l’inventaire des cocos au Nord-est du pays. Les cocos sont une expression culturelle traditionnelle afro-brésilienne qui implique danse, chant et musique. L’ONG Coletivo de Cultura e Educaçao Meio do Mundo (Collectif de Culture et Education Milieu du Monde) est située à Joao Pessoa, Paraiba, au Nord-est du Brésil. Il y avait déjà un an que l’ONG travaillait en partenariat avec l’Institut du Patrimoine Artistique et Historique National1 (IPHAN) dans l’inventaire de cette manifestation pour son conséquent registre comme patrimoine culturel immatériel national sur le livre des expressions culturelles.

Ce stage a permis l’observation et la participation dans une partie du processus d’inventaire d’un bien immatériel au Brésil, ainsi que l’accès à la méthodologie utilisée par l’IPHAN dans ce processus2. Un nouveau regard pourrait ainsi être lancé sur les différentes questions identifiées pendant la première année du master puisque le manque d’une bibliographie non-officielle a été surmonté par une expérience pratique de terrain. Néanmoins, comme c’est souvent le cas, des réponses mènent toujours à des nouvelles questions. Ainsi, le travail développé pendant le stage n’a pas été limité aux activités de l’inventaire, impliquant d’autres actions liées à d’autres initiatives culturelles des différents niveaux du gouvernement, qui touchent, directement ou indirectement, les cultures populaires et le patrimoine culturel immatériel (PCI). Le mémoire ici présent est alors une tentative d’étayer quelques réponses rencontrées, d’exposer les nouvelles questions apparues et d’essayer de proposer des chemins de solutions à partir d’actions pratiques.

La première partie de ce travail sera alors consacrée à une présentation de la relation entre la culture et le développement et entre la culture et l’Etat. Quelques politiques culturelles publiques du Brésil, mises en place à partir de 2003, seront exposées afin de présenter l’actuel contexte et les instruments de la culture dans le pays. Pendant toute cette partie nous essayerons d’expliciter comment le patrimoine immatériel fait partie de cette relation entre la culture, l’Etat et le développement. L’objectif ici sera de montrer comment l’Etat brésilien essaye de mettre en place les idéaux de l’Unesco et comment la culture populaire et le PCI sont insérés dans cet ensemble qu’est la culture à partir de leur insertion dans les politiques culturelles nationales.

Ensuite nous allons travailler sur la méthodologie d’inventaire utilisée par l’IPHAN (l’Inventaire National de Références Culturelles – INRC) et sur l’inventaire des cocos plus précisément : le choix de ce bien comme patrimoine national, le choix de l’ONG qui joue le rôle de partenaire local et les nombreuses contraintes rencontrés lors des démarches préalables et du déroulement des recherches. Des documents de l’IPHAN seront analysés et mis en

1 L’IPHAN est l’institution responsable de la politique patrimoniale du pays. Il développe plusieurs actions de sauvegarde et de développement local par la stimulation de la culture populaire à partir des partenariats avec des organismes locaux. 2 La méthodologie utilisée pour l’inventaire de biens culturel immatériels au Brésil a été développée par l’IPHAN et est mis à la disposition des institutions responsables des inventaires après le suivi d’une formation de l’équipe. L’accès a cette méthodologie est, ainsi, bien limité.

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perspective avec la réalité pratique observée. Le décalage entre discours et pratique est ainsi mis en lumière.

Finalement, dans la troisième partie, nous essayerons d’élaborer une proposition de plan de sauvegarde pour les cocos dans l’état de Paraiba. Pour cela, les premiers résultats de l’inventaire seront présentés et les demandes des participants de cette manifestation culturelle seront identifiées. La prétention est de traduire en action pratique les réflexions menées jusqu’ici pendant ces deux années de master. Il ne faut pas, par contre, chercher des réponses formatées ou des réponses finales à ces questions. Cette partie n’est guère une proposition, cela veut dire, « une suggestion, une offre d’un choix », entre d’’inombrables options. Comme l’a remarqué Javier Pérez de Cuéllar dans le rapport de la Commission mondiale de la culture et du développement, « il nous reste beaucoup de chemin à parcourir » (Unesco, 1996 : 11). C’est en voulant contribuer un petit peu pour qu’un pas en avant soit donné que nous écrivons ce travail.

Il est nécessaire, auparavant, une présentation du stage et des actions développées pendant ce séjour puisque c’est à partir de cela que les réflexions ici présentées ont été construites. Comme nous avons déjà remarqué, le projet en question consistait à faire l'inventaire des cocos dans toute la région Nord-est du Brésil pour son inscription au livre des expressions en tant que patrimoine national. La première partie venait de finir et aux alentours d´août 2010 la deuxième partie était sur le point de commencer. La proposition était de participer aux périodes de terrain, aux recherches et à l'élaboration de rapports de cette deuxième phase. Cela permettrait l’observation de tout le processus de l’inventaire, depuis la collecte des données jusqu'à l’élaboration des textes analytiques.

Pourtant, l’évaluation de l’IPHAN du matériel rendue à la fin de la première étape n’a pas été positive. Après une réunion en fin juillet 2010, la décision a été prise de reporter la deuxième étape de l’inventaire à une période ultérieure en attendant que le matériel soit révisé, complété et mis au format requis. Devant cette nouvelle situation, le terme de référence du stage mis en place précédemment ne correspondait plus. Un nouveau terme de référence à établir était alors nécessaire. À partir d’une présentation faite aux coordinateurs de l’ONG sur le Master et les objectifs du stage, nous sommes arrivés à la conclusion suivante : mon rôle au cours de la révision de cette première étape porterait sur mon observation en tant que « regard extérieur ». Ainsi, j’ai eu l’occasion de lire et d’analyser tout le matériel recueilli (rapports, photos, vidéos, interviews et formulaires), puis d’en faire des critiques, soulever des questionnements, problématiser les données, et de discuter avec l’équipe des solutions possibles. Par ailleurs, j’ai proposé de faire, à partir de l’analyse de ce matériel, l’identification des principales difficultés rencontrées par les communautés cibles en ce qui concerne la sauvegarde de la danse des cocos.

Pour ne pas être focalisé uniquement sur des données secondaires, des visites sur le terrain ont été faites dans quelques communautés afin de mieux comprendre leurs situations. Les phases sur le terrain ont été menées au sein de cinq communautés différentes : une communauté

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indigène, une communauté quilombola (descendante d’esclaves), une communauté urbaine à Joao Pessoa et deux communautés rurales. De plus, je me suis proposée de participer à d’autres activités réalisées par l’ONG ou dont elle faisait partie, comme les ateliers de Culture Populaire et Élaboration de Projets ; et le Forum de Culture Populaire de l’Etat de Paraíba.

Ces expériences ont permis de mieux comprendre la réalité vécue par différents groupes de culture populaire dans la ville de Joao Pessoa et dans les villes voisines. En plus, cela a permis l’observation de la mise en place, au niveau local, des politiques concernant la culture populaire dans les trois niveaux du gouvernement (Fédéral, de l’état de Paraíba et des municipalités) ; tout comme l’observation sur comment ces politiques touchaient les différents groupes de la culture populaire et leurs perceptions sur ces actions institutionnelles. Le stage a ainsi fournit un riche matériel en ce qui concerne la situation de la culture populaire au Brésil, plus précisément dans la région Nord-est, ainsi que sur les actions gouvernementales concernant le patrimoine immatériel national et leurs impacts sur les communautés. C’est à partir de ces observations, enrichies d’une bibliographie théorique que ce mémoire va être construit. Pourtant, il est important d’exposer déjà dans ce premier moment quelques définitions qui seront utilisées tout au long de cette étude.

La définition de développement durable ici utilisée est celle proposée en 1987 par la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement dans le Rapport Brundtland. Ainsi le développement durable peut être défini de la manière suivante :

« Un concept général et interdisciplinaire qui vise à répondre aux besoins actuels sans compromettre les capacités des générations futures de répondre à leurs propres besoins, et qui met l'accent sur l'interdépendance des problèmes mondiaux et de leurs solutions ainsi que sur la nécessité d'adopter dans tous les pays des valeurs, des comportements et des modes de vie nouveaux de nature à préparer un avenir durable » (Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement de l’ONU, 1987).

La ‘culture’, d’autre part, est définie par les agences internationales des Nations Unies comme « l’ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui

caractérisent une société ou un groupe social, englobant non seulement les arts et les lettres, mais également les biens comme les modes de vie, les ‘formes du vivre ensemble’, les droits

fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances » (UNESCO, 2001 : 5).

La culture traditionnelle et populaire, plus précisément, est ici entendue comme « l'ensemble des créations émanant d'une communauté culturelle fondées sur la tradition, exprimées par un groupe ou des individus et reconnues comme répondant aux attentes de la communauté en tant qu'expression de l'identité culturelle et sociale de celle-ci, les normes et les valeurs se transmettant oralement, par imitation ou par d'autres manières. Ses formes comprennent, entre autres, la langue, la littérature, la musique, la danse, les jeux, la mythologie, les rites, les coutumes, l'artisanat, l'architecture et d'autres arts. » (UNESCO, 1989 : 250).

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Cette définition est également utilisée par l’UNESCO depuis 1989 pour désigner le ‘patrimoine culturel immatériel.’ Néanmoins, en 2003, dans la Convention pour la Sauvegarde du Patrimoine Culturel Immatériel du Monde ce concept devient plus élaboré. A cette occasion ce genre de bien est alors défini par l’Unesco comme :

« Les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire - ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés - que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d'identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine. Aux fins de la présente Convention, seul sera pris en considération le patrimoine culturel immatériel conforme aux instruments internationaux existants relatifs aux droits de l'homme, ainsi qu'à l'exigence du respect mutuel entre communautés, groupes et individus, et d'un développement durable » (UNESCO, 2003 : 2)

La définition de communauté ici utilisée fait référence aux « réseaux de personnes dont le sentiment d’identité ou de liens naît d’une relation historique partagée, ancrée dans la

pratique et la transmission de, ou l’attachement à, leur patrimoine culturel immatériel » (UNESCO, 2006 : 5). A partir de cette définition la notion de communauté rassemble ceux qui pratiquent directement le patrimoine culturel immatériel, ceux qui en facilitent la représentation, et les parties prenantes extérieures. Ce sont des sujets liés par un patrimoine commun, mais qui sont touchés différemment par ce bien.

Finalement, le terme "sauvegarde" est ici compris comme « les mesures visant à assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel, y compris l'identification, la documentation, la recherche, la préservation, la protection, la promotion, la mise en valeur, la transmission, essentiellement par l'éducation formelle et non formelle, ainsi que la revitalisation des différents aspects de ce patrimoine » (UNESCO, 2003 : 3).

Il est possible d’observer que les définitions utilisées dans ce mémoire sont plutôt celles élaborées par l’Unesco. Ce choix a été fait pour la simple raison que le Brésil, étant un Etat membre de cette organisation, est en accord avec ses principes et utilise ces définitions comme base pour ses politiques nationales. Ainsi, à travers l’adoption de ces concepts nous essayerons d’aborder aussi les principes qui guident les actions brésiliennes en ce qui concerne la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.

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Partie 1 : Culture, développement et Etat

Cette première partie sera consacrée, comme annoncé auparavant, à un contexte général où nous essayerons d’exposer l’importance de la culture et du patrimoine culturel immatériel (PCI), en particulier, pour la réussite du développement durable. Nous essayerons aussi d’analyser le rôle de l’Etat dans la promotion de la culture, y compris le patrimoine immatériel, et comment cette relation s’opère dans le contexte brésilien.

Il faut remarquer que le terme culture comprend une multitude d’activités, de créations et d’expressions – dès les fêtes, célébrations et coutumes populaires, qui ont lieu dans les petites communautés traditionnelles, en passant par les livres, CD, DVD, jusqu’à la création de softwares et de jeux électroniques. Le patrimoine culturel immatériel représente ainsi, une partie de cet ensemble si divers et si riche. Puisque c’est cette partie qui nous intéresse plus précisément, les politiques culturelles brésiliennes qui seront ici présentées, seront analysées plutôt à partir de leur rapport avec la culture populaire et traditionnelle. Néanmoins, il semble important de placer le patrimoine culturel immatériel dans cet ensemble qui est la culture, surtout en ce qui concerne les politiques publiques culturelles, puisqu’il ne s’agit pas d’une réalité à part, même si elles demandent une attention particulière. Ainsi, l’objectif de cette exposition générale de la relation entre l’Etat et la culture, dans ce sens plus élargi, est justement de placer le patrimoine culturel immatériel dans cet ensemble. A partir de cette perspective, il est d’une part possible d’observer si les politiques publiques culturelles mises en place arrivent à tenir compte des spécificités de ces biens quand leur objet n’est pas restreint à la culture traditionnelle. D’autre part, il est aussi possible d’analyser comment le PCI, avec ses spécificités, peut aider à penser des politiques culturelles plus générales.

1.1 Culture et développement

Les arguments qui fondent la défense de la promotion de la culture comme moyen de garantir un développement durable sont nombreux et sont plutôt basés sur l’idée qu’il n’y a pas de développement réel sans inclusion sociale. L’Unesco défend l’idée que toute personne doit pouvoir s'exprimer, créer et diffuser ses œuvres dans la langue de son choix et en particulier dans sa langue maternelle ; toute personne a le droit à une éducation et une formation de qualité qui respectent pleinement son identité culturelle ; toute personne doit pouvoir participer à la vie culturelle de son choix et exercer ses propres pratiques culturelles, dans les limites qu’impose le respect des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Tout en assurant la libre circulation des idées par le mot et par l'image, il est ainsi nécessaire de veiller à ce que toutes les cultures puissent s'exprimer et se faire connaître. La liberté d'expression, le pluralisme des médias, le multilinguisme, l'égalité d'accès aux expressions artistiques, au savoir scientifique et technologique et la possibilité, pour toutes les cultures, d'être présentes dans les moyens d'expression et de diffusion sont, selon l’Unesco, les garants de la diversité culturelle (UNESCO, 2005). Dans cette perspective, le sous-développement est compris comme une restriction du choix et il n’est pas le résultat seulement du manque d’attention aux

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droits démocratiques effectifs, de la baisse de la qualité d’éducation formelle, des hauts niveaux de négligence avec la santé publique. Le sous-développement est aussi le fruit des inégalités dans les flux de commerce de produits et services, et notamment culturels. Il est ainsi résultat, aussi, de la concentration d’informations et la conséquente réduction de la capacité de réfléchir, de participer et d’exiger, maintenant aggravée par l’exclusion digitale. Dans la société de la connaissance3, rien n’est plus précieux que la capacité d’obtenir des informations, de les comprendre et de les appliquer. La promotion du développement est directement liée à la génération de richesse de façon durable et est construite sur l’inclusion socio-économique.

En prenant ces principes comme base, Ana Carla Fonseca Reis signale quelques caractéristiques qui rendent à la culture le statut de secteur stratégique pour la modernisation et le développement durable:

1. Génération des produits avec une grande valeur ajoutée ;

2. Diversité d’emploi et utilisation d’une main d’œuvre conséquente;

3. Faible impact sur l’environnement ;

4. Impact positif sur d’autres secteurs de l’économie ;

5. Ses externalités sociales et politiques : les biens et services culturels sont vecteurs d’information, d’univers symbolique ; ainsi, sa consommation a un effet qui touche le divertissement, l’information, l’éducation et le comportement. L’exportation des biens et services culturels a donc, un impact sur l’image du pays et son insertion internationale.

6. Le fait que le développement de ce secteur soit fortement attaché au développement social, soit par son potentiel inclusif, soit par le développement humain inhérent à la production et à la réalisation de la culture ;

7. Le potentiel de promouvoir l’insertion souveraine et qualifiée des pays dans le procès de globalisation. (REIS, 2007).

Toutes ces caractéristiques sont liées au caractère tridimensionnel de la culture. Nous allons travailler ensuite sur ces trois dimensions qui font de la culture un élément fondamental du développement dans le XXIème siècle, c'est-à-dire, sa dimension symbolique, sa dimension citoyenne et sa dimension économique. Il faut pourtant remarquer que ces trois dimensions ne

3 La notion de société de connaissance est née à partir du concept de société de l’information. Pendant que celle-ci repose sur le progrès technologique, la première inclut pour sa part des dimensions sociales, éthiques et politiques bien plus vastes. Ce concept est très cher aux technologies de l’information et de la communication. En 2005 l’Unesco élargie cette notion au domaine de la culture dans le Rapport Mondial de l’UNESCO, Vers les Sociétés du Savoir.

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sont pas séparées, elles se mélangent et se complètent, étant toujours présentes dans cette unité diversifiée qu’est la culture.

1.1.1 La dimension symbolique de la culture

La dimension symbolique de la culture est fondée sur l’idée que la capacité de symboliser est propre des êtres humains et est exprimée par les langues, les croyances, les rituels, les pratiques, les relations de parenté, le travail et le pouvoir, entre autres. Toutes les actions humaines sont socialement construites par l’intermédiation de symboles qui changent de significat selon les contextes sociaux et historiques. A partir de cette perspective l’action publique est élargie et arrive à englober tous les domaines de production culturelle : populaire, érudite et de masse. Pratiques traditionnelles, arts érudits et industrie culturelle sont mis dans un même niveau d’importance et méritent la même attention de l’Etat, selon cette dimension, puisqu’elles englobent toutes des formes d’expressions du peuple.

Il faut remarquer que, malgré le caractère global de la signification de culture comme domaine déterminé par les formes symboliques et les moyens de vie d’une société, la division sociale des classes comme distinction entre culte et non-culte est prédominante. Cette distinction signifie aussi la séparation entre un art propre des intellectuels et des artistes de la classe dominante qui savent lire et écrire (l’art érudit), et un art des travailleurs urbains et ruraux (l’art populaire). La distinction entre culture/art populaire et érudit est une expression et une conséquence de la division des classes, néanmoins, elle a été aussi conçue, pendant longtemps, comme une différence qualitative qui peut être observée sur quatre niveaux, comme signale Marilena Chaui : dans la complexité de l’élaboration ; dans la relation avec la nouveauté et le temps (le populaire étant plus traditionaliste et répétitif) ; dans la relation avec le public (l’art populaire ne fait pas trop la distinction entre public et artistes) ; et dans le moyen de compréhension, puisque l’art populaire est considéré plus direct et plus compréhensible (CHAUI, 2006 : 13).

Ces distinctions fondent une exclusion culturelle contraire à l’idée d’inclusion sociale. Ainsi, la dimension symbolique toute seule ne semble pas être suffisante pour comprendre la culture comme moyen de développement durable. Par contre, il ne faut pas négliger son importance en ce que consiste l’établissement d’un dialogue entre les politiques culturelles et les autres politiques publiques, comme de l’éducation, du tourisme, des sciences et de la technologie, de la communication sociale, de la santé et de la sécurité publique. Cet échange est fondamental pour la mise en place des actions de développement qui ont comme objectif le bien être d’un peuple. De fait, c’est la combinaison entre les différentes sphères du gouvernement qui permettra la réussite d’un projet global qui touche toutes les couches sociales dans les différents secteurs. De plus, à partir de cette conception, la séparation entre politiques d’appui à la culture (généralement destinées aux arts) et protection du patrimoine culturel (destinée aux patrimoines matériels et immatériels) est aussi surmontée, puisque les deux font partie de

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la production symbolique de la société. La protection du patrimoine, soit matériel ou immatériel, devient ainsi une partie des politiques d’appui à la culture et vice versa.

1.1.2 Dimension citoyenne de la culture

La dimension citoyenne de la culture, par ailleurs, constitue la compréhension que les droits culturels font partie des droits humains et qu’ils doivent être une base pour les politiques culturelles. A partir de ce constat, la culture n’est plus conçue comme un luxe et devient une nécessité. Le peuple a droit à la culture, tout comme à la santé et à l’éducation. Ces différentes dimensions de la politique nationale sont considérées comme égales et, donc, peuvent agir ensemble. Les droits garantis par la citoyenneté culturelle sont les suivants : le droit à l’information ; le droit à la réalisation culturelle ; le droit à la production culturelle ; et le droit à la participation à la culture.

Cette conception est directement liée à la première (symbolique), puisqu’elle devient possible qu’à partir du moment où l’on conçoit la propre nation comme une construction culturelle. A partir de cela, pour devenir un citoyen il est nécessaire que le sujet partage une culture déterminée. La culture est ainsi fortement liée à la formation identitaire et à la liberté de choix, ainsi qu’aux idées de diversité et de démocratie culturelle : il ne faut pas induire les gens à accepter ou apprécier un type de culture déterminée, mais il faut leur permettre de connaître tout le répertoire possible et, ainsi, d’élargir leurs options de choix. C’est à partir de la culture qu’un peuple devient capable de choisir ses idéaux et de les soutenir.

La relation entre culture et Etat devient ici très claire, puisque le principal rôle de l’Etat serait de garantir les droits et de faire valoir les devoirs de sa population. La culture étant un droit, l’intervention de l’Etat devient légitime et même nécessaire. De plus, nous pouvons rappeler que la culture a joué un important rôle dans la propre constitution des Etats-nations, étant un fort instrument d’identification et d’appartenance.

A partir des initiatives de l’Unesco qui ont abouti sur des actions des Etats membres, différentes expressions culturelles ont obtenu une reconnaissance mondiale comme facteur vital de définition de l’identité, de la promotion de la créativité et de la préservation de la diversité, jouant un rôle essentiel dans le développement national et international, pour la tolérance et pour une interaction harmonieuse entre les peuples. Ainsi, la diversité culturelle peut être considérée comme une des sources du développement, celui-ci entendu non seulement en termes de croissance économique, mais aussi comme moyen d'accéder à une existence satisfaisante.

Dans cette deuxième optique, le développement est conçu comme « un processus d’accroissement de la liberté effective offerte à ceux qui en bénéficient de poursuivre toute activité à laquelle ils ont des raisons d’attacher de la valeur. La pauvreté, dans ce sens, implique non seulement les biens et les services essentiels mais aussi la possibilité de choisir une existence plus riche, plus satisfaisante, plus appréciable et plus appréciée » (UNESCO,

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1996 : 22). La défense de la diversité culturelle s’impose, ainsi, comme une forme d’assurer la liberté de chaque communauté afin de définir leurs besoins essentiels.

En se basant sur cette vision nous pouvons observer que la préservation de la diversité culturelle peut se présenter comme une réponse aux critiques faites au développement par plusieurs auteurs comme, par exemple, Arturo Escobar, pour qui le développement est vu comme une machinerie de domination du Nord sur le Sud où les savoirs locaux sont sous-valorisés et l’hétérogénéité des acteurs sociaux n’est pas prise en compte (ESCOBAR, 1997). Cette dimension de citoyenneté aide aussi à surmonter la distinction qualitative précédemment signalée, celle entre culture érudite et culture populaire. Cela se fait à partir du moment où la promotion de la culture, perçue dans sa dimension symbolique (englobant arts érudits et populaires), est considérée comme moyen d’inclusion et de formation de sujets. L’art populaire devient si important et si significatif que l’art érudit et arrive à avoir le même rôle dans la société. Nous pouvons observer à partir de cette brève analyse le caractère complémentaire de ces deux dimensions – symbolique et de citoyenneté.

1.1.3 La dimension économique de la culture

Au-delà des deux dimensions exposées ci-dessus, il faut encore ajouter la dimension économique de la culture. Néanmoins, ce côté est très fortement lié à son caractère symbolique. Cela est dû au fait que quand on parle de biens culturels il faut toujours prendre en compte ceux deux côtés. Leur dimension symbolique, puisqu’ils sont porteurs d’identité et de significat ; et leur dimension économique, lorsqu’ils sont passibles d’être vendus, consommés et échangés. Malgré ses caractères complémentaires, ces dimensions sont souvent perçues comme concurrentes.

Dans nos analyses nous essayerons de défaire cette image, souvent basée sur une idée de « pureté » culturelle, c’est-à-dire que la culture perd sa dimension symbolique lorsque la dimension économique est prise en compte. Cependant, c’est dans l’étape de recherche de financement, quand les discours sur la valeur culturelle doivent être traduits en budget public, qu’on peut observer une grande incompatibilité dans cette perspective ‘séparatiste’. Ainsi, la considération de la « vraie culture » comme une activité à part de l’économie finie par la rendre insoutenable.

Dans le contexte actuel, dans un monde régi par le capitalisme, la dimension économique gagne de plus en plus d’importance et devient un facteur fondamental pour que la culture soit prise en compte par les politiques des Etats. La restitution de la valeur économique de la culture est aussi la garantie d’une place de choix dans la table des négociations multilatérales dans les débats sur l’allocation de budgets publics. Cette dimension finie par promouvoir la participation du secteur corporatif dans les questions culturelles – non seulement comme marketing ou responsabilité sociale, mais aussi comme stratégie de business. Dans un monde guidé par des évaluations et des mensurations, l’économie remporte à la culture sa voix active et complémentaire à sa dimension esthétique, symbolique et sociale.

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Les débats sur la séparation entre la dimension symbolique et économique de la culture ressemblent à ceux qui portent sur la différenciation entre les sciences et les données qualitatives et quantitatives. Ainsi, la dimension économique aurait comme conséquence la réduction de la culture, puisqu’elle consiste, entre autre, à comprendre la culture (de nature qualitative) par des données quantitatives. Surmonter cette opposition signifie, aussi, arriver à utiliser les chiffres en faveur de la culture. Ainsi, il ne faut pas négliger l’importance des indicateurs pour les actions culturelles (suivi, comparaison, mensuration).

Ana Carla Fonseca Reis défend l’idée que construire une stratégie bien définie et la traduire en actions et objectifs clairs n’est pas suffisant. Il faut définir des indicateurs spécifiques pour chaque action, de façon à établir un suivi continu qui permet des ajustements constants. Cette démarche devient encore plus importante quand on est en train de traiter des projets qui portent sur un bien aussi mutable que le patrimoine immatériel. Les indicateurs nous permettent de produire une plus grande confiance, compréhension et engagement avec les actions, puisqu’elles vont avoir une plus grande transparence.

Au contraire des statistiques, qui sont limitées à la description, les indicateurs sont utilisés pour l’accompagnement des actions et le suivi des résultats. Il faut toujours rappeler, toutefois, que les chiffres sont très utiles pour permettre des comparaisons, par contre ils ont très peu de sens sans une étude du processus de génération. De plus, il faut aussi prendre en compte les limites de ce genre d’instrument, puisque les instruments économiques peuvent être adéquats pour mesurer produits et quelques services, mais pas les valeurs intangibles propres aux biens culturels.

Cette même auteure définie quelques facteurs qui font que la culture soit très liée à l’économie : la méthodologie d’évaluation de l’impact économique de la culture dans la génération de revenus et d’emploi; la valeur du capital culturel ; la participation dans le marché ; les droits de propriété intellectuelle; les justifications pour l’interférence de l’Etat dans le marché ; et les impacts des accords multilatéraux dans les relations sociales et dans la préservation des expressions culturelles d’un peuple (REIS, 2007).

A partir de ces facteurs nous pouvons observer que prendre en compte la dimension économique de la culture ne signifie pas la réduction des biens culturels en simple marchandise. Cette dimension de la culture peut être ainsi comprise de trois formes différentes et complémentaires : d’abord, comme système de production ; puis comme élément stratégique de la nouvelle économie (ou économie de la connaissance) ; et, finalement, comme un ensemble de valeurs et pratiques qui ont comme référence l’identité et la diversité culturelle des peuples, en rendant possible la compatibilité entre modernisation et développement humain.

Quand on conçoit la dimension économique de la culture comme système de production, le bien culturel est perçu comme une marchandise et est passible du processus des phases de production, distribution et consommation. Cette conception est justifiée puisqu’elle montre

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bien comment la culture est en train de se transformer dans un des domaines les plus dynamiques de l’économie, devenant un fort facteur de développement économique et social. La culture est ici comprise par les critères de la statistique et de l’économie dans sa forme traditionnelle. La culture devient ainsi synonyme de développement en tant que productrice de richesse mesurable (argent, produits, revenus, emplois, impôts, etc.).

Pourtant, les produits culturels ont comme caractéristiques la singularité et la rareté et, ainsi, ont une tendance à être valorisés dans la loi de l’offre et de la demande – plus de demande, moins d’offre, égale à plus de valeur et vice versa. De plus, la variation entre demande et consommation pour les biens culturels suit la même tendance, c'est-à-dire que, au contraire des biens d’autre nature, plus nous consommons des biens culturels, plus nous en voulons. Ainsi, plus une personne va au cinéma, plus elle veut y aller. Les autres biens suivent justement la tendance contraire – plus une personne a de vêtements, moins elle veut en acheter. Des recherches montrent qu’il existe, donc, une « culture » de la consommation de biens culturels4. Les personnes qui ont grandi dans un milieu où l’accès à des biens culturels est favorisé, ont une tendance à continuer à les consommer. Ce genre d’habitude est passé entre les générations et par le processus d’éducation.

Nous pouvons encore ajouter à ces caractéristiques qui font des biens culturels, un genre de bien économique si spécifique, le fait que le système de production culturelle a des caractéristiques différentes selon la nature du produit. Cela rend les politiques d’appui à la culture plus difficile. Elles sont plus efficaces quand elles agissent en accord avec les spécificités de chaque chaîne de production, cherchant à surmonter les goulets et fomenter ses potentiels.

La conception de la culture comme élément stratégique de l’économie de la connaissance, par ailleurs, est plus appliquée aux secteurs des industries d’ordinateurs et de softwares, de télécommunications, des biotechnologies et de l’industrie des communications. L’Economie de la Culture, à côté de l’Economie de la Connaissance (ou de l’Information) intègre ce qu’on appelle aujourd’hui la Nouvelle Economie. Leurs moyens de production et de distribution de biens et services sont très sensibles aux nouvelles technologies. En plus, ce sont des aires basées sur la création, ce qui fait qu’elles ne sont pas figées par les paradigmes de l’économie industrielle classique.

Le modèle de l’Economie de la Culture a une tendance à voir l’innovation et l’adaptation aux changements comme caractéristiques principales. Dans ces secteurs, la capacité créative a plus de poids que le capital. Dans cette perspective, le rapport entre culture et éducation devient très fort, surtout en ce qui concerne l’éducation formelle. Dans le contexte actuel d’une époque digitale, cette conception gagne de plus en plus d’importance, surtout au niveau

4 Le Bulletin Développement Culturel, publié par le Ministère de la Culture et de la Communication a divulgué les résultats de leurs recherches sur la transmission de l’intérêt culturel entre les générations en France. Les résultats renforcent l’idée ici présentée. FRANCA, Transmettre une passion culturelle, Bulletin Développement Culturel, n. 143 : 2004.

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international. Face aux mutations économiques et technologiques actuelles qui ouvrent de vastes perspectives pour la création et l'innovation, une attention particulière doit être accordée à cette dimension pour qu’elle garantisse la diversité de l'offre créatrice, à la juste prise en compte des droits d’auteurs et des artistes ainsi qu'à la spécificité des biens et services culturels. Tout au long de ce mémoire nous allons montrer comment cette conception de la culture, de caractère apparemment d’exclusivité érudite/élitiste est présente dans tous les niveaux de la culture et devient un item nécessaire dans la lutte pour une démocratisation culturelle.

Associée à la protection de l’identité et de la diversité culturelle des peuples, la conception de la culture comme facteur d’humanisation du développement économique considère que les biens culturels sont porteurs d’idées, de valeurs et de sens et sont destinés à élargir la conscience sur le monde. Ainsi, il est inadmissible de soumettre ces biens aux règles du marché. C’est dans ce sens qu’est née la discipline de l’Economie de la Culture. La production, la circulation et la consommation de biens et services culturels ont commencé à être perçues comme un secteur de poids dans l’économie des nations dans l’époque d’après-guerre. Mais c’est pendant les années 1970 que son importance s’est approfondie et que l’Economie de la Culture est devenue un intérêt dans quelques universités. Pendant les années 1990 cette discipline gagne de la place dans les organes internationaux et commence à être perçue comme un vecteur de développement. Progressivement des organismes comme le BID, le PNUD, l’OEA et l’Unesco incluent les questions sur l’Economie de la Culture dans leurs plans d’action.

Cependant, il est important de clarifier la différence entre la culture de l’économie et l’économie de la culture. La première étudie essentiellement l’influence des valeurs, des croyances et des habitudes culturelles d’une société dans ses relations économiques. Par cette perspective, la culture est perçue comme un facteur de propulsion ou de résistance au développement économique. L’économie de la culture, quant à elle, fait référence à l’utilisation de la logique économique et de sa méthodologie dans le champ culturel. L’économie devient, alors, instrumentalisée, prêtant ses bases de planification, efficacité, étude du comportement humain et des agents du marché pour renforcer la cohérence et la consécution des objectifs tracés par la politique culturelle5. (REIS, 2007 : 06).

La Banque Mondiale estime que l’Economie de la Culture représente 7% du PIB mondial en 2003, et est encore en pleine croissance. Malgré toutes ses potentialités, la réalité existante montre que cette richesse est concentrée et que jusqu’à maintenant l’économie promue par la culture est plutôt synonyme d’exclusion et d’inégalité. Selon quelques statistiques, à partir des années 1990, six entreprises transnationales sont devenues responsables de 96% du marché mondial de la musique. Elles ont acheté des petits éditeurs et des maisons de disques dans les pays d’Amérique Latine, de l’Afrique et de l’Asie. En ce qui concerne le cinéma, la situation

5 C’est dans ce sens que nous pouvons penser l’utilisation des indicateurs comme des instruments fondamentaux pour les actions culturelles, dès qu’ils ne sont pas les seuls instruments utilisés.

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est identique. Selon l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), les revenus des industries créatives6 dans le marché international se sont dupliqués entre 2000 et 2003. Cependant, trois pays (le Royaume Uni, les Etats Unis et la Chine) produisent 40% des biens culturels dans le monde, entre livres, CD, films, sculptures, etc. (PORTA, 2008).

C’est en réponse à cette réalité, si opposée à l’idée de démocratie culturelle, que l’Unesco a rédigé, en 2005, la Convention pour la Sauvegarde sur la Protection et la Promotion de la Diversité des Expressions Culturelles. Entre les huit principes directeurs qui guident ce texte nous pouvons rencontrer le « principe de la complémentarité des aspects économiques et culturels du développement », qui affirme que « la culture étant un des ressorts fondamentaux du développement, les aspects culturels du développement sont aussi importants que ses aspects économiques, et les individus et les peuples ont le droit fondamental d’y participer et d’en jouir » (UNESCO, 2005 : 05). Ainsi, cette organisation essaye d’équilibrer la relation ambigüe, et parfois contradictoire, entre la diversité culturelle et l’économie globalisée, puisque, si d’un côté la globalisation a une tendance à propager une culture de masse homogène, elle a aussi élargi la demande pour la variété culturelle.

1.1.4 Patrimoine culturel immatériel et développement

Le processus d’insertion, de reconnaissance, de légitimation internationale de n’importe quel pays, aujourd’hui, passe par l’adoption de modèles internationaux. Dans ce scénario globalisé, l’Unesco devient un des acteurs principaux, puisque le processus de construction du patrimoine mondial est annoncé comme un modèle de plus pour l’insertion internationale. Il faut prendre en compte que tous les nouveaux modèles d’insertion qui sont en train d’apparaître gardent à la culture, en général, à la préservation patrimoniale, en particulier, et à l’immatérialité créatrice, plus spécifiquement, un rôle fondamental dans la génération du progrès et de développement. Ainsi, la culture, le patrimoine et le patrimoine immatériel sont perçus comme une des plus importantes dimensions du développement durable et humain.

Il est possible d’observer que les définitions de développement durable et de patrimoine culturel immatériel sont apparues à peu près à la même époque, pendant les années 1980. Ces deux concepts sont ainsi fortement liés, ayant comme points communs la préoccupation des générations futures, la recherche de valorisation et d’insertion des communautés locales et une perception de l’environnement dont l’homme fait partie, non seulement comme menace, mais aussi comme moyen de préservation. Par la suite, nous allons examiner la relation de ce genre de bien culturel de nature si spécifique avec les trois dimensions de la culture comme définie ci- dessus afin de mieux comprendre son importance pour le développement.

6 Les industries créatives sont des secteurs capables de produire au même temps valeurs économiques et symboliques, ayant comme base la créativité, l’identité et la mémoire, et de contribuer au développement socioéconomique durable (REIS, 2007 : 311). Il faut faire la différence entre ce genre d’industrie et le concept d’industrie culturelle, entendu comme un ensemble d’activités qui ont la créativité comme composant essentiel, qui sont directement insérées dans le procès industriel et qui sont passibles de protection par les droits d’auteur (Ibidem). Dans ce dernier concept le patrimoine culturel immatériel n’est pas inséré. Le contexte des industries créatives, pourtant, est celui d’une économie créative, c'est-à-dire, une économie qui va au-delà de l’industrie et englobe toutes les activités créatives, surtout celles qui contribuent au développement de la société à partir de la participation, de la reproduction des identités, de la mémoire et de la création des innovations pour solutionner des problèmes sociaux.

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Dans l’introduction nous avons déjà cité la définition de l’Unesco pour le patrimoine culturel immatériel. A partir de cette définition le lien entre patrimoine culturel immatériel et la dimension symbolique de la culture devient clair. En effet, c’est à partir de la considération de cette dimension que ce patrimoine a gagné la place de choix qu’il a aujourd’hui dans les discussions culturelles, puisque pendant des années les actions patrimoniales ont été tournées uniquement vers le patrimoine de nature matérielle. C’est justement la reconnaissance du fait que la culture populaire et traditionnelle est si riche et si représentative que la culture érudite a permis que des expressions de cette nature soient considérées comme patrimoine. Ces activités ne sont plus perçues comme des vestiges destinés à la disparition, mais comme des formes actives de perception et de compréhension de la réalité qui peuvent s’adapter, se développer et participer activement à la réalité actuelle moderne.

Hanna Arendt défend l’idée que le passé doit être pris en compte comme une force et non comme une charge que l’homme doit porter. Dans ce même sens, la récupération du passé n’est pas la restructuration de traditions. Il est la possibilité de refaire la mémoire dans un sens contraire à celui de la classe dominante. Dans cette perspective le patrimoine n’est plus un « poids mort que les vivant peuvent ou même doivent se défaire pendant sa marche dans la direction du futur.» (CHAUI, 2006 : 20). Ainsi, ce passé finit par nous attirer vers le futur. Il faut donc souligner la possibilité d’autres relations avec le temps, où le passé et le futur ne sont pas deux termes déconnectés et où la tradition puisse fonctionner comme un lien positif dans la construction du nouveau. C’est dans ce sens que le patrimoine immatériel doit être compris. A partir de cette conception l’idée de culture populaire et traditionnelle comme obstacle vers le progrès est renversée. Les traditions ne sont donc pas séparées du reste du monde, qui est plein de nouveautés et d’informations de plus en plus rapides. Le temps des chefs d’œuvres et des activités traditionnelles, ses croyances et visions du monde, malgré la relation singulière qu’ils établissent avec les jeunes, peuvent constituer de riches possibilités pour le futur. La dimension symbolique de la culture semble ainsi lui rendre un aspect atemporel : tous les biens culturels sont importants dès qu’ils sont légitimes et reconnus par une communauté. Le PCI gagne, dans cette perspective, une place de choix.

« Si l’on veut que les communautés qui composent le monde puissent faire de meilleurs choix

en matière de développement humain, il faut commencer par leur donner les moyens de définir leur avenir par référence à ce qu’elles ont été, à ce qu’elles sont aujourd’hui et à ce

qu’elles veulent être un jour. Chacune d’elles a ses racines et une filiation culturelle et

spirituelle dont la symbolique remonte à l’aube des temps, et elle doit être en mesure d’y faire

honneur » (Commission Mondiale de la Culture et du Développement, 1996 : 21).

A partir de cette idée, le développement n’est pas seulement considéré comme l’implantation d’infrastructures ou comme l’imposition d’une conception occidentale du besoin. L’objectif est de donner les moyens pour que les communautés soient capables de mener ces actions (identifier ses propres besoins et implanter ses infrastructures) de façon autonome et durable. Le chemin qui doit être parcouru pour arriver là passe par la valorisation de l’identité de

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chaque société et, en conséquence, par ses patrimoines. Les plans de sauvegardes des patrimoines immatériels sont ainsi basés sur la promotion des biens culturels à travers le soutien de la liberté de créer, diffuser et distribuer les expressions culturelles traditionnelles des communautés et d’y avoir accès de manière à favoriser leur propre développement. Dans ce contexte le patrimoine culturel immatériel devient un fort facteur dans la lutte pour la démocratie culturelle, étant un aspect fondamental pour la dimension de citoyenneté culturelle, puisque « (…) la question de la citoyenneté implique faire passer l’histoire et la politique de préservation et de construction du passé par le tamis de sa signification collective et plurielle. » (CHAUI, 2006 : 123).

La sauvegarde du PCI se présente comme moyen de promotion d’un futur autonome pour les différentes communautés du monde. De plus, ces projets (de sauvegarde) mettent en évidence un aspect rarement considéré par d’autres projets de développement : la considération des aspects artistiques, de divertissement et de loisir. Cette démarche est en accord avec l’idéologie du développement moderne telle que la conçoit George Guilles-Escuret, où l’accès au loisir est considéré comme forme de développement puisque le temps libre permet de développer la volonté et le choix et, par conséquence, l’autonomie.7 De plus, ce genre d’activité permet une plus grande interaction entre les gens, ce qui augmente l’échange et finit par établir une plus forte solidarité sociale. Pendant les fêtes, les cultes, les jeux, etc., l’identité commune est renforcée et, en l’occurrence, la mobilisation communautaire, facteur essentiel pour la réalisation d’un développement durable.

« La mémoire culturelle permet d’enlacer des expériences diverses dans le temps et dans

l’espace, transformant la tradition en source de replacement de sens, et en imprimant vie et

historicité aux pratiques culturelles. Celles-là, d’autre coté, transforment le bien culturel en

matière vivante et passent à considérer ce bien pas comme un produit, mais comme un processus construit à partir d’une création permanente où les individus sont appelés à

participer du savoir et à reconnaître sa propre culture » (TEIXEIRA et al, 2004 : 33).

A partir de ces réflexions, il est possible de lier les pratiques de préservation du patrimoine culturel immatériel à la constitution et à la reconnaissance de la tradition et de la mémoire collective et, par conséquence, aux procédures de constitutions de citoyenneté. La culture, notamment le PCI, devient une ressource symbolique et économique et, ainsi, un instrument d’inclusion sociale.

Comme nous l’avons déjà remarqué, la dimension économique de la culture est liée, entre autres, à la production et vente de produits et services, au droit de la propriété intellectuelle et à la création de postes de travail. Néanmoins, en ce qui concerne le patrimoine culturel immatériel, tous ces facteurs deviennent plus complexes. D’abord, il faut prendre en compte le fait que la culture traditionnelle n’a pas comme base de son existence le commerce.

7 Temps libre, compris non pas comme temps non travaillé, mais comme activité distractive.

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Autrement dit, les produits (soit des présentations musicales, soit des artisanats ou des médicaments traditionnels, entre autres) existent indépendamment de la présence d’un marché. Ils sont nés comme réponse aux besoins des communautés face à leur ambiance. Ainsi, son but premier n’est pas d’apporter de la richesse ou de générer des revenus, mais bien de faire de la médiation entre l’homme et la nature. En conséquence, l’insertion de ce genre de bien dans le marché est un sujet très délicat qui génère beaucoup de discussions.

Le fort caractère symbolique des biens de nature immatérielle, néanmoins, ne semble pas être suffisant, de nos jours, pour garantir leur préservation. Ainsi, l’Unesco reconnait l'extrême fragilité de certaines formes de culture traditionnelle et populaire, particulièrement celles des aspects relevant des traditions orales et le risque que ces aspects puissent être perdus, soulignant le besoin de reconnaître dans tous les pays le rôle de la culture traditionnelle et populaire et le danger qu'elle court face à de multiples facteurs. (UNESCO, 1989 : 01).

Dans cette perspective, cette organisation a élaboré la Recommandation sur la Sauvegarde de la Culture Traditionnelle et Populaire, en 1989. A partir de ce document les Etats membres reconnaissent le danger auquel fait face cette forme d’expression dans la modernité et s’engagent à agir de façon à garantir les moyens pour sauvegarder ces cultures. Cela peut comprendre la garantie d’accès à la matière première (pour la fabrication des instruments musicales, des produits d’artisanats, des médicaments naturels, etc.) ; la protection des lieux sacrés ; la promotion des activités culturelles (des rituels, des fêtes, des célébrations) ; ou même la réalisation des recherches et des inventaires pour le registre de ces biens et de ces mémoires. Cependant, tout cela ne garantit pas la base première de ce genre de bien : la transmission de savoirs entre les générations. Ainsi, garantir la continuité des patrimoines immatériels signifie garantir l’intérêt des nouvelles générations de sauvegarder ce bien. Pour cela il est fondamental qu’il ait un sens pour les jeunes et qu’il continue à avoir un rôle de médiation entre la communauté, l’environnement et la réalité vécue.

Dans le contexte de globalisation tel qu’on le vit actuellement, où les communautés sont envahies par les valeurs et les idéologies occidentales, dont le capitalisme est la base, la réalité vécue et l’environnement souffrent de nombreuses transformations. Par conséquent, les patrimoines culturels immatériels, qui ont un lien fort avec la tradition et qui ont ses racines dans une autre réalité (une réalité passée), commencent à perdre leur significat et leur sens pour les nouvelles générations. L’insertion de ces biens dans la logique économique qui règle nos jours devient une forme de les sauvegarder et de les valoriser. Nous défendons, ainsi, l’idée que dans une économie capitaliste il n’y a pas de développement sans la croissance et que le PCI n’est pas une réalité à part, déconnectée de ce contexte. On ne doit donc pas penser la culture populaire et le PCI séparément des autres domaines de la culture ni séparés du contexte où ils sont créés, en tenant toujours compte de leurs spécificités. Il faut toujours souligner que cela ne signifie pas la marchandisation de ces biens, mais bien le fait de rendre accessible les moyens pour qu’ils puissent faire face à l’imposition de la culture de masse existante aujourd’hui.

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La difficulté rencontrée par les productions qui ne sont pas en grande échelle pour réussir à avoir de visibilité – qui, par conséquence, peut aider à trouver des chaînes de distribution et avoir accès au marché – constitue un des plus grands défis pour la durabilité de la diversité culturelle. Les distributeurs et les promoteurs du média préfèrent les produits de masse, puisque les publicitaires veulent la garantie qu’un grand nombre de consommateurs aura accès aux annonces de son produit. Ainsi, difficilement, des produits de micro, petites ou moyennes entreprises culturelles apparaissent à la télévision ou à la radio comme les produits de la culture traditionnelle et populaire.

En réponse à cette réalité, l’Unesco défend une idée de diversité culturelle conçue une écologie globale à partir du service public. Cette idée contemple la discrimination positive pour les pays en voie de développement et les minorités et groupes indiens internes aux nations. Elle prévoit aussi la promotion des partenariats entre les secteurs publics, privés et le secteur tertiaire, l’appui spécial au moyennes, petites et micro entreprises (qui sont une condition sine qua non de la diversité). Le secteur informel est aussi impliqué, puisqu’il représente la majeure partie de la production et de la circulation de biens et services culturels, surtout quand on parle de culture populaire.

Il semble qu’à partir des réflexions mises en place par l’Unesco à partir de la Recommandation sur la Sauvegarde de la Culture Traditionnelle et Populaire et les différents actions qui en ont découlées, le XXIème témoigne d’un retour au traditionnel et d’une valorisation du populaire. Ainsi comme l’écologie et le développement durable, la culture traditionnelle et populaire, ainsi que le PCI, deviennent à la mode.

« Dans ces moments postmodernes de la culture, de la prédominance de la culture de consommation et de la construction obsessive de la mémoire artificielle, on observe, paradoxalement, la recrudescence des traditions collectives et les efforts de préservation des répertoires culturels qui constituent la mémoire sociale. » (TEIXEIRA et al, 2004 : 33).

Le moment de l’inclusion sociale et économique (ces deux dimensions semblent être interdépendantes, surtout aujourd’hui), de la culture populaire, du patrimoine culturel immatériel et des communautés porteuses de ces biens, semble être arrivé. Néanmoins, les problèmes que cela impose sont loin d’être résolus. Ainsi, nous pouvons citer dès en premier temps la difficulté de mesurer la valeur d’un patrimoine culturel immatériel. Afin d’observer toutes les dimensions de la valeur de l’objet ou service culturel de cette nature, il est nécessaire de connaître son histoire, son auteur, ce qu’il représente, son contexte. Pas seulement pour que sa valeur soit représentée dans son prix, mais aussi pour qu’il ait son importance culturelle bien définie. De plus, les objets du patrimoine n’ont pas une valeur intrinsèque, indépendante du jugement que les gens leurs portent, mais ils ont une ou plusieurs valeurs que les communautés leurs donnent.

Cela pose la question sur la sélection de ce qui doit être préservé ou non. Nous essayerons de travailler cette question lors de l’analyse de l’inventaire des cocos du Nord-est du Brésil.

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Néanmoins, nous pouvons déjà remarquer que la force que le PCI a réussi à obtenir au niveau international, tout en lui ayant apporté de nombreux bénéfices, a aussi produit une multiplication de ces expressions et des groupes qui demandent le statut de porteur de ces biens, envisageant de toucher les avantages que cela peut apporter. Ainsi, les actions de sauvegarde doivent encore faire face à la problématique de ‘création’ de groupes traditionnels.

Un autre problème posé par l’insertion de ces biens culturels dans la dimension économique de la culture est celui du droit d’auteur. Comme nous l’avons déjà observé, la propriété intellectuelle est un des aspects les plus chers à cette dimension de la culture, néanmoins, plusieurs secteurs culturels économiquement dynamiques, comme celui des fêtes populaires, ne produisent pas de propriétés intellectuelles. Ce sujet est un des plus grands défis pour la promotion des patrimoines culturels immatériels. Les problèmes ici rencontrés ressemblent à ceux qui concernent les savoirs traditionnels associés à la biodiversité. Toutefois, ils sont souvent abordés séparément par la majorité des Etats.

Ces difficultés sont dues, en grande partie, à l’inadéquation de l’actuel système de propriété intellectuelle aux cultures traditionnelles. Ce système, basé sur la garantie des droits individuels, des brevets basés sur le critère de nouveauté et, surtout, sur une logique de l’économie classique qui a comme moyen d’expression un langage technique et la formulation de contrats, devient bloqué face à la nature singulière des patrimoines culturels immatériels. D’abord, le PCI ne répond pas aux réquisits des brevets, puisque les savoirs traditionnels sont, par nature, passés de génération en génération, ce qui en soit, ne constitue pas une nouveauté. L’origine diffuse de ce genre de savoir est aussi un problème, puisqu’ils ne sont pas réservés à une seule communauté. De plus, il y a la difficulté de représentativité, puisque la logique présente dans les groupes traditionnels n’est pas la même du milieu du business, où il y a un représentant légal.

Ces facteurs, liés à la difficulté de définir l’authenticité8, l’origine et l’auteur de ces biens ont comme conséquence la difficulté de répartition des bénéfices. Tout cela est encore ajouté à la basse qualification des membres des communautés pour faire face aux contrats, négociations, remplissages de formulaires, au suivi de la bureaucratie et à la défense légale. Les communautés traditionnelles ont ainsi peu de poids dans les champs de négociations internationales. La création des lois concernant la propriété intellectuelle qui arrivent à contempler les spécificités de ces biens peut constituer un instrument de la reconnaissance économique de la diversité culturelle (et du PCI), contribuant ainsi non seulement à son respect, mais aussi à sa reconnaissance.

Nous avons observé qu’il existe deux formes d’établir une relation entre culture et développement : la première voit la culture comme un substrat transversal à toutes les

8 Le concept d’authenticité ici doit être relativisé puisqu’il n’est pas pertinent lors qu’on parle de culture populaire et patrimoine immatériel, puisque ces pratiques sont basés sur l’appropriation, la transformation et pas sur une idée de création. Nous parlons donc d’une authenticité liée à une idée d’ancestralité, d’histoire, de relation avec l’identité d’un groupe.

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dimensions. La deuxième additionne à son potentiel de génération de revenu et employer la question de la distribution durable et équitable, comme une alternative pour le développement économique et social de différents pays. C’est sur cette deuxième perspective que nous allons baser nos analyses.

Nous pouvons de fait observer que la promotion de la production culturelle n’est pas suffisante pour la réussite d’un développement durable. Il faut que la promotion de la diversité culturelle soit à la base d’une démocratie culturelle. Cette diversité implique la liberté, la reconnaissance et d’autres différentes facettes qui font partie de l’identité d’une personne (ou de ses identités : comme citoyen, consommateur, habitant d’une ville, d’une nation, etc.) au-delà de son inclusion socioéconomique. La sauvegarde de la diversité culturelle (du patrimoine culturel immatériel inclus) et l’élargissement de l’accès culturel a des effets sur la cohésion sociale, l’estime de soi et la créativité.

D’une part, cela représente les caractéristiques d’un moyen de développement social. D’autre part, cela signifie aussi la possibilité de distribution interne et externe de ces manifestations culturelles qui rendent plus solide les ressources pour le développement économique de la société. Nous pouvons observer, ainsi, que les deux côtés du développement, social et économique, ne se tiennent pas s’ils sont isolés, mais ils constituent en effet une seule unité, basée sur la dimension culturelle.

L’économie créative représente dans cette perspective une opportunité de récupérer le citoyen (à la mesure qu’il est inséré socialement) et le consommateur (puisqu’il est inclus économiquement, d’une façon active). Pour cela il faut considérer plusieurs facteurs qui sont insérés dans l’aspect économique, comme énuméré par Ana Carla Fonseca Reis :

- le marché (distribution par des chaînes traditionnelles et alternatives) et la demande (accès) ;

- les bénéfices économiques et sociaux, en liant le matériel et le symbolique ;

- l’inclusion des bases qui soutiennent le flux de production économique traditionnelle, mais qui considèrent, parallèlement, le flux symbolique, la formation et la capacitation et s’appuient sur la créativité, l’identité et la mémoire, exclusive de l’économie locale ;

- la présence transversale de la créativité, qui agit comme un lien entre les différents secteurs du gouvernement, les secteurs privés et le secteur tertiaire ;

- le changement de focus, guidé à l’expansion des micros et petites entreprises, de façon cohérente à l’inclusion de nouveaux entrepreneurs, consommateurs et citoyens. (REIS, 2007).

En même temps que le cycle matériel suit le fluxe de l’offre, du marché et de la demande (ou de production, de distribution et de consommation), réglé par le mécanisme du prix, le cycle symbolique promeut le flux des intangibles, qui donnent la valeur à chaque étape et, ainsi, la

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base du cycle économique. La formation et l’instruction appuient l’offre, pendant que la démocratie d’accès soutient le marché, et la liberté de choix commande la demande. Pour arriver au développement économique et social absolu, il est fondamental d’élargir les libertés de choix dans tout le cycle. La préservation et la promotion de l’identité nationale et de la mémoire culturelle assument, ainsi, une importance primordiale pour le développement durable.

Ensuite nous allons travailler sur le rôle de l’Etat dans ce contexte et les différentes façons par lesquelles il peut agir sur la culture. Le cas du Brésil sera présenté à partir de l’élection de 2003, quand une nouvelle politique culturelle fut mise en place, basée sur l’Economie de la Culture. Pour cela quelques politiques culturelles nationales seront analysées.

1.2 Culture et Etat

Les trois dimensions exposées ci-dessus donnent à la culture la garantie de son caractère transversal. De plus, elles font de la culture un bien public qui, comme tel, doit être l’objet de politiques publiques et, par conséquence, de l’intervention de l’Etat. Nous entendons le terme bien public tel que défini par Pierre Lemieux : « un bien public est un bien, événement ou action qui bénéficie à tous » (LEMIEUX, 1996 : 51). Dans cette perspective, les biens culturels et les patrimoines contribuent à l’excellence et à l’identité nationale de tous les citoyens. Le gouvernement doit, ainsi, subventionner ces pratiques/biens, puisque, au-delà des bénéfices qu’ils apportent, leurs offres sont petites ou très coûteuses. Autrement dit, la distribution de ces biens par le marché est mal faite puisqu’à de nombreuses reprises les décisions sont prises sur la logique des revenus, contraire à l’intérêt public. Pierre Lemieux, quant à lui, se base sur les mêmes arguments et la même définition de bien public pour défendre une autre idée :

« Le principal argument économique pour l'intervention de l'État dans la culture relève de la théorie des "biens publics". L'économiste définit le bien public (parfois appelé aussi "bien collectif") comme un bien ou service dont la consommation par les uns rend automatiquement la même quantité disponible pour les autres -- un feu d'artifice au-dessus du village, par exemple. Se pose alors le problème des "passagers clandestins" (ou free riders): chacun sachant qu'il profitera autant du bien public si c'est son voisin qui paie la note, tous seront incités à dissimuler leurs préférences réelles et la chose ne pourra vraisemblablement pas être financée et produite sur le marché. L'État, conclut la théorie orthodoxe des finances publiques, doit intervenir pour offrir le bien public et assurer ainsi la satisfaction des préférences réelles des individus ». (LEMIEUX, 1996 : 151).

Cet auteur, pourtant, fait partie d’un groupe contraire à cette relation entre culture et Etat. Pour lui, « la politique culturelle produit une des formes de redistribution étatiques les plus perverses, et on exagère à peine en disant qu'elle consiste à prendre du pain aux ouvriers pour offrir des livres aux riches. Il est vrai que le financement étatique de la culture représente une part relativement faible des dépenses publiques. Les ressources ne sont pas illimitées et les

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sommes dépensées à subventionner les producteurs de culture pourraient servir à autre chose ». Il ajoute encore : « même si une certaine intervention de l'État dans la culture peut paraître désirable, la politique culturelle aura toujours tendance à favoriser certains artistes et producteurs au détriment de la vraie culture ». (Ibidem).

Si, dans la première partie de la citation il semble que sa perspective considère la culture comme un luxe, puisque les investissements culturels seront plutôt une façon de « prendre du pain aux ouvriers pour offrir des livres aux riches », dans la deuxième partie nous observons une distinction, voire même une opposition, entre la vraie culture et les actions favorisées par les politiques culturelles. Avant tout, il faut se demander ce que cet auteur veut dire par l’expression vraie culture ? Est-ce qu’une action culturelle, par le simple fait d’être bénéficiaire de politiques publiques, ne peut plus être considérée comme de la vraie culture ? Cette perspective semble être liée à celle qui défend une opposition entre économie et culture. La culture est ainsi conçue comme quelque chose qui doit être toujours séparée de la « simple réalité », puisqu’elle est « plus grande et plus complexe que ça » et que son insertion dans cette réalité mineure finirait par lui ôter son caractère presque mystique de compréhension et d’expression de l’homme face à l’environnement où elle est produite.

A partir de ces affirmations générales, au fur et à mesure du texte, l’auteur finit par diriger ses critiques, en utilisant le cas français comme exemple, vers une tendance à l’étatisation de la culture. Selon lui, ces pratiques subissent la pression des groupes d’intérêts organisés, d’une « mafia artistique et littéraire (…) qui parasite les contribuables ». L’étatisation de la culture serait aussi responsable d’une bureaucratisation de la culture. Tout cela fait que, selon l’auteur, « l'État soit perçu comme responsable de la culture au sens le plus général du terme (incluant la pop-music et le rap) » (Ibidem : 156). A la fin de cet article, néanmoins, l’auteur semble être moins critique à l’existence des politiques culturelles en soi et arrive même à proposer une alternative pour ces actions (à la place de sa disparition). Lemieux défend ainsi un changement dans l’orientation des politiques culturelles qui, à la place de subventionner les artistes et producteurs culturels devrait fournir de subvention aux consommateurs (par exemple en subventionnant les tickets d'entrée au cinéma ou au spectacle).

Les idées défendues par Lemieux, même si elles sont, en principe, contraires à celles présentes dans ce mémoire, deviennent une bonne base pour analyser le rôle de l’Etat dans la culture. Tout d’abord, il est possible, à partir de ce texte, d’identifier trois sujets chers à cette relation : les différentes formes par lesquels l’Etat et la culture peuvent établir une relation ; les problèmes posés par la bureaucratie typique de l’Etat face au caractère dynamique de la culture ; et les difficultés pour une représentation élargie des différents groupes et des différents domaines de la culture.

Nous pouvons identifier trois choix possibles pour la relation entre Etat et culture : l’officiel autoritaire ; le populiste et le néolibéral. Ces choix sont directement liés à trois perceptions de la culture populaire : la vision romantique, qui a pour but l’universalisation de la culture

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populaire par le nationalisme (culture du peuple bon, vrai et juste, celle qu’exprime l’âme de la nation) ; la vision illuministe, qui propose la disparition de la culture populaire par l’éducation formelle, à être réalisée par l’Etat (culture populaire comme résidu de la tradition, dépassée) ; et la vision populiste, qui a la prétention d’emmener la bonne conscience au peuple pour que la culture populaire devienne révolutionnaire ou, autrement dit, se transforme en base de l’Etat (c’est un mélange des deux perspectives précédentes : la culture faite par le peuple comme la vraie culture, mais dépassée, ayant besoin d’être actualisée par une action pédagogique).

A partir de ces différentes compréhensions de la culture nous pouvons penser les trois conceptions distinctes de politique culturelle qui sont mises en place dans les organismes publics de culture – celle de la culture officielle produite par l’Etat, la populiste et la néolibérale. La première met le pouvoir public comme sujet culturel et, donc, comme producteur de culture. L’Etat détermine pour la société les formes et les contenus culturels définis par ses dirigeants, ayant comme finalité le renforcement de sa propre idéologie, en la rendant légitime à travers la culture. Il crée une culture qu’est, comme défini Babadzan, « a synthetic assemblage of decontextualized, folklorized cultural elements considered the mirror for reflecting a collective identity now understood as both cultural and national. ». (BABADZAN, 2004 : 326). Cette conception est typique, mais non exclusive, des Etats autoritaires et dictatoriaux. La culture devient un instrument de justification pour le régime politique.

La tradition populiste, quant à elle, veut que les organes publics de culture aient un rôle pédagogique sur la masse populaire. L’Etat s’approprie la culture populaire pour, après, la transformer et la rendre au peuple en sa vraie vérité. Le centre de ces opérations est la division entre culture d’élite et culture populaire. La première est considérée directement liée à la classe dominante, alors que la deuxième serait l’expression authentique de la classe dominée et opprimée. Les organismes publics deviennent, ainsi, des agents qui traduisent la fonction pédagogique de la culture populaire à un niveau de conscience plus clair et plus élargi. La culture a, ainsi, une mission de rédemption, permettant au peuple de se reconnaitre dans les formes et dans les contenus qui sont rendus par l’Etat.

Dans le contexte d’une position néolibérale, le rôle de l’Etat devient moins fort. La relation Etat et culture est basée surtout sur ce qui concerne le patrimoine, puisque ces biens sont considérés comme l’essence de l’Etat. Les contenus et modèles des organismes publics de la culture, dans cette vision, sont définis par l’industrie culturelle et son marché. La traduction administrative de cette idéologie est l’acquisition des services culturels offerts par des entreprises qui administrent la culture à partir des critères de marché, renforçant les privilèges et les exclusions. Un des problèmes qui se posent à cette conception néolibérale est que la culture ne peut pas être définie par le prisme du marché. Non seulement parce que le marché est basé sur la consommation, la mode et la consécration de ce qu’est déjà consacré, mais aussi parce que cela réduit la culture à la condition de divertissement. Même si la culture a en

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effet, un côté ludique, de loisir, qui fait partie de sa nature, cette dimension ne doit pas être instrumentalisée. C’est cette vision qui renforce l’idée de la culture comme un luxe.

Ces conceptions sont les plus présentes dans la réalité et jouent un rôle plus ou moins fort dans toutes les relations entre l’Etat et la culture. Néanmoins, des auteurs tels que Marilena Chaui et Ana Carla Fonseca Reis défendent une quatrième perspective : celle qui restreint l’Etat à la condition de rassurant public de droits, fournisseur de services, stimulateur et bailleur de fond des initiatives de la propre société. L’Etat doit concevoir la culture comme un droit du citoyen et, donc, assurer le droit d’accès, d’utilisation et de création à la culture, ainsi que le droit de participer aux décisions sur les politiques culturelles. Cette perspective renforce le devoir que les politiques modernes et démocratiques ont de garantir les droits, de rompre avec les privilèges et de rendre public ce qui l’est par définition. L’Etat n’est pas ainsi un producteur de culture. Il est un appui, un investisseur et un partenaire.

Ce chemin refuse la division populiste entre culture d’élite et culture populaire et la perspective néolibérale, en cherchant la garantie de l’indépendance des organismes publics et de la culture face aux exigences du marché et de la privatisation des biens publics. L’idée est de renforcer la citoyenneté culturelle, c’est-à-dire, la culture comme droit des citoyens, sans les confondre avec les figures du consommateur ou du contribuable. Dans cette perspective le bien public devient tout ce qui appartient au collectif (REIS, 2007 : 140). La politique publique, ainsi, n’est plus synonyme de politique gouvernementale et touche aussi le secteur privé et la société civile. L’Etat joue un rôle d’intermédiaire entre les initiatives culturelles de la société, qui suivent une logique plutôt symbolique, et le secteur privé, basé sur la logique capitaliste. Néanmoins, tous ces secteurs font partie de la politique publique culturelle.

Il faut souligner, pourtant, que toutes les formes de relation entre l’Etat et la culture analysées ci-dessus, sont basées sur des politiques culturelles. Le concept de politique culturelle a été introduit en 1969 par l’Unesco lorsque cette organisation a proposé aux gouvernements des Etats Membres de reconnaître explicitement les actions culturelles comme intrinsèque à ses politiques publiques. La politique culturelle est, comprise, habituellement, comme un

« (…) programme d’intervention réalisé par l’Etat, les institutions civiles, les entités privées

ou les groupes communautaires qui ont comme but de satisfaire les nécessités culturelles de la population et promouvoir le développement de ses représentations symboliques. Ainsi, la politique culturelle est présentée comme un ensemble d’initiatives, prises par ces agents,

voulant promouvoir la production, la distribution et l’usage de la culture, la préservation et

la divulgation du patrimoine historique et l’organisation de l’appareil bureaucratique responsable ». (REIS, 2007 : 140).

Selon le Conseil de l’Europe, l’objectif premier de la politique culturelle serait celui « d’aider les gens à atteindre ses potentiels totaux – la diversité, l’identité et la démocratie seraient des moyens pour promouvoir aux gens la possibilité de contribuer non seulement à leur bien-être, mais aussi pour la richesse culturelle et matérielle du monde » (REIS, 2007 : 150).

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L’entreprise de créer une politique pour un phénomène si dynamique n’est pas une tâche simple, puisque les politiques ont comme but de guider les actions menées sur un thème déterminé, de façon à créer une démarche homogène devant être suivie dans les différents contextes. Cette caractéristique des politiques publiques est en opposition avec la nature même de la culture, surtout du patrimoine culturel immatériel. Le défi est ainsi d’arriver à créer une ligne de conduite générale et adaptable, qui permet de travailler les questions de la culture sans lui imposer une image statique.

Nous pouvons, ainsi, identifier quelques problèmes auxquels la relation entre l’Etat et la culture doit faire face. Tout d’abord, le caractère de routine et la lenteur de la bureaucratie devant le rythme culturel. Selon Marilena Chaui, la bureaucratie est, de sa propre nature, contraire aux pratiques démocratiques et culturelles. Ceci est dû au fait qu’elle soit basée sur la hiérarchie, le secret et la routine, des idées opposées à l’égalité des droits, à la circulation de l’information et à l’innovation, bases de la culture. Le fonctionnaire détient un savoir technique spécifique qui lui octroie un pouvoir de décision devant une logique qui, malgré les tentatives de la rendre impersonnelle, est conditionnée à son choix. Ainsi, loin de fonctionner avec l’impersonnalité d’une machine, la bureaucratie fonctionne selon les relations de faveur, clientèle, intérêt ou manque d’intérêt de ses membres.

La bureaucratie devient, ainsi, un système de pouvoir formé par des gens, et dans lequel la volonté des individus-bureaucrates est plus déterminante que les lois et les procédures. Les habitudes bureaucratiques opèrent pour la manutention des pouvoirs et non pour la protection effective du bien public (CHAUI, 2006 : 77). Cette auteure remarque encore comment ces pratiques ont différentes conséquences perverses pour les différents groupes : si d’un côté les ‘’populations moins aisées’’ ont une perception des organismes publics comme étant des promoteurs culturels, les « privilégiés » perçoivent les organismes publics de la culture comme un espace à s’approprier, à privatiser et qui est destiné à l’élite intellectuelle. Les attentes de la population et des producteurs culturels conséquentes de ces habitudes deviennent aussi un problème, lors d’un changement dans la structure de la politique culturelle en place, puisque ces relations de faveurs préétablies sont, souvent, déconstruites.

Peut-être en cherchant à résoudre les problèmes posés par la bureaucratie de l’Etat, les secteurs culturels sont, en grand partie, dans l’informalité. Selon une vision romantique, cette informalité est ce qui rend la culture indépendante et même plus légitime. Néanmoins, cela a des coûts sociaux et finit par rendre plus difficile l’action de l’Etat, puisque les politiques publiques prennent en compte les initiatives légales, qui sont encadrées dans les modèles de la bureaucratie. Le devoir de l’Etat est, ainsi, de donner l’opportunité à ces initiatives d’arriver à la légalité.

Finalement, il faut prendre en compte aussi la difficulté de faire face à l’imposition de l’industrie culturelle d’une culture déjà consacrée et de la marchandisation de la culture; la tendance à considérer la culture comme un synonyme des beaux-arts, autrement dit, une culture d’élite, qui relègue au second plan les pratiques et les expressions traditionnelles

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populaires ; et la limitation budgétaire. Cette dernière difficulté est la conséquence d’un passé qui concevait la culture comme un luxe, toujours reléguée après les vrais besoins sociaux, c’est-à-dire, la santé, l’éducation, la sécurité et le développement économique. Ainsi, malgré les changements des dernières années, les secteurs culturels des Etats de la majorité des pays ne sont pas encore arrivés à obtenir un budget équivalent aux autres domaines des politiques publiques.

Par la suite, nous allons envisager comment la relation entre l’Etat et la culture est établie dans le contexte du Brésil à partir de l’élection du gouvernement de Lula et comment les politiques culturelles mises en place tentent de faire face aux difficultés ici présentées.

1.3 Contexte Brésilien

La nation brésilienne telle qu’on la conçoit aujourd’hui est très jeune, surtout si on la compare aux nations européennes. Le Brésil a gagné son indépendance en 1822 et la république a été établie en 1889. Jusqu’à nos jours, pourtant, le pays a connu deux périodes de dictature (entre 1937-1945 et entre 1964-1985) et les élections directes ont été rétablies seulement à partir de 1989. Pendant toutes ces années la culture a été plutôt liée à la conception élitiste des beaux-arts ou, par ailleurs, perçue comme un instrument de manipulation du peuple. Ces perceptions étant présentes dans la relation entre l’Etat et la culture ou même dans la relation entre les mouvements sociaux et la culture. Ainsi, les actions culturelles, soit celles mises en place par l’Etat soit celles développées par la société civile, n’avaient pas la démocratisation culturelle et la promotion de la diversité comme but, mais bien la promotion des idées politiques pour ou contre l’Etat. Les conceptions populiste et autoritaire sont, ainsi, prépondérantes. La culture populaire et traditionnelle a, pendant cette période, un rôle secondaire. Son insertion dans les pratiques culturelles se faisait plutôt à travers l’appropriation par l’élite intellectuelle urbaine qui essayait de l’utiliser comme moyen de devenir plus proche du ‘peuple’. Par contre, cela ne signifiait pas l’insertion sociale des groupes porteurs de ces traditions.

Le système politique démocratique mis en place en 1989, néanmoins, n’a pas signifié le développement d’une politique culturelle démocratique. Au contraire. La culture semble avoir perdu son importance, même comme instrument et a été reléguée à un plan inférieur. Ainsi, le gouvernement de Fernando Collor de Mello (1990-1992) a transformé le Ministère de la Culture en secrétariat et a aboli de nombreuses entités de l’administration publique culturelle. Le budget destiné à ce secteur a aussi souffert une perte considérable de plus de 50% pendant cette période.

Ces actions avaient comme alibi l’idée qui conçoit la culture comme un luxe, qui ne mérite pas la même attention que les autres secteurs, tels que la santé, l’éducation et la sécurité, perçus comme les vrais problèmes auxquels le gouvernement devrait faire face. Par contre, quelques politiques culturelles ont été mises en place, comme la création de la loi Rouanet et du Programme National d’Appui à la Culture (PRONAC). La loi Rouanet est une politique d’incitation fiscale qui permet aux entreprises et aux citoyens d’appliquer une partie de l’impôt sur le revenu à des actions culturelles. Le PRONAC, par ailleurs, a pour but le

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financement de projets culturels de la société civile (personnes juridiques ou physiques), par la captation et la distribution de ressources financières à travers le fonds national de culture (FNC) ou du mécénat. Malgré la création de ces instruments politiques, ils n’ont pas réussis à jouer un rôle pendant cette période.

En 1995 Fernando Henrique Cardoso gagne les élections. Son gouvernement dure jusqu’en 2002. Il est basé sur une conception néolibérale de l’Etat. Ainsi, la relation entre l’Etat et la culture devient plus faible. Les discussions et propositions d’implantation et d’élaboration de politiques culturelles ont presque disparu. La période a été marquée par la mise en place et le renforcement des lois d’incitations et la privatisation d’entreprises de l’Etat. L’idée était de former une vision de business dans la culture, où les incitations seraient liées au marketing culturel et à l’engagement des entreprises privées avec la communauté.

Ainsi, en 1999 a eu lieu un changement dans la Loi Rouanet, par laquelle quelques secteurs artistiques, notamment la préservation du patrimoine culturel immatériel, ont obtenu un remboursement intégral de l’investissement sur l’impôt sur le revenu. Le critère d’approbation des projets par le gouvernement, qui était limité à la vérification de l’ajustement des objectifs du projet à ceux prévus par la lois, a fait que le marché finisse par obtenir le pouvoir de décision sur quels projets allaient obtenir l’investissement. De plus, les entreprises du pays n’ont jamais eu une relation d’engagement vers les communautés locales, puisque cela n’a jamais fait partie de leurs habitudes et de leurs besoins. La loi Rouanet et l’investissement culturel de ces entreprises a fini par se baser uniquement sur une logique commerciale où il devient alors plus avantageux de financer un spectacle et avoir son nom associé à des initiatives culturelles que de payer des impôts.

Néanmoins, le caractère néolibéral de la politique de l’époque, en 2000, a été institué par le Programme National du Patrimoine Immatériel (PNPI) qui impliquait la création du Registre des Biens Culturels de Nature Immatérielle et de L’Inventaire National des Références Culturelles (INRC). Le PNPI a pour but de rendre viable les projets d’identification, de reconnaissance, de sauvegarde et de promotion de la dimension immatérielle du patrimoine culturel. C’est un programme d’appui qui cherche à établir des partenariats avec des institutions du gouvernement fédéral, des états, des municipalités, des universités, ONG, agences de développement et organisations privées liées à la culture, à la recherche et au financement.

Pourtant, ces décrets n’ont pas eu un grand impact sur la réalité du pays pendant ses premières années d’existence. Cela est dû à différentes raisons, entre autres le manque de budget et la nature même des actions culturelles, qui demandent du temps et de la continuité pour que ses résultats commencent à être visibles. Le Registre et l’INRC, plus précisément, concernent le processus de reconnaissance des biens culturels comme patrimoine immatériel. Ils instituent le registre et, par conséquence, le compromis de l’Etat qui consiste à inventorier, documenter et appuyer la dynamique de ces pratiques socioculturelles.

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Nous pouvons quand même observer que malgré les difficultés rencontrées dans la relation entre Etat et culture, le Brésil était déjà sur le chemin annoncé par Eduardo Nivon Bolan et renforcé par Lia Calabre. Selon ces auteurs, « un des principaux éléments de différentiation de la fin du XXème siècle et début du XXIème est la perception de la politique culturelle comme une globalité par une conception qui articule des actions isolées, appliquées il y a longtemps à des secteurs culturels bien distincts. L’institutionnalisation de la politique peut être est une des caractéristiques basiques de cette période que l’on est en train de vivre » (CALABRE, 2009 : 10).

C’est dans ce contexte qu’en 2003 Lula arrive à la présidence du Brésil et nomme le musicien Gilberto Gil ministre de la culture. C’est aussi la première fois que le pays a un gouvernement de ´´gauche´´. Dans son premier mandat un grand effort a été fait pour recomposer et élargir la relation entre Etat et culture. Dans un discours de 2006, Lula a exposé de façon claire et résumée les bases sur lesquelles son gouvernement essayait d’établir cette relation :

“C´est une autre – et elle est nouvelle - vision que l´État brésilien a aujourd´hui de la culture. Pour nous, la culture est chargée d´ une importance stratégique, dans le sens de la construction d´un pays socialement plus juste et de notre affirmation de souveraineté dans le monde. Parce que nous ne la voyons pas comme un élément purement décoratif, ornemental. Mais comme la base de la construction et de la préservation de notre identité, comme l´espace de la pleine conquête de notre citoyenneté et comme l´instrument de surpassement de l´exclusion sociale – aussi bien par le renforcement de l´amour propre de notre population que par sa capacité à créer des emplois et d´attirer des capitaux pour le pays. C´est à dire que nous considérons la culture sous tous ses aspects, du symbolique jusqu´à l´économique ” (BRASIL, 2006).

Selon Isaura Botelho (2007) la première gestion du gouvernement Lula a dû faire face à trois défis en ce qui concerne la culture : reprendre le rôle constitutionnel de l’organisme qui formule, exécute et articule une politique culturelle pour le pays ; compléter la réforme administrative et la capacitation institutionnelle pour réussir à opérer cette politique ; et obtenir les ressources indispensables à l’implantation de la politique. Gilberto Gil a ainsi essayé de mieux distribuer les ressources et a investi dans un concept plus élargi de culture, qui considère comme fondamental l’articulation entre culture et citoyenneté et prend en compte le poids de la culture sur l’économie globale du pays.

Le rôle du Ministère de la Culture serait, ainsi, celui de « formuler et exécuter des politiques publiques de culture, articulées et démocratiques, qui font la promotion de l’inclusion sociale et du développement économique et qui concrétisent la pluralité qui nous rend singuliers entre les nations et aussi qui singularise, dans la nation, les communautés qui en font partie. Des politiques qui vont au-delà du fait culturel, de l’événement, du produit, et qui réalisent leur potentiel complet, devenant ainsi instruments de sauvetage de la dette sociale que le Brésil a avec la majorité de son peuple. » (GIL, 2003). Cette perspective essaie de rompre avec les idées sur lesquelles la culture (surtout la culture populaire) a été pensée par la gauche du pays

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jusqu’à ce moment, c'est-à-dire, la culture comme instrument pédagogique, comme publicité (moyen pour convaincre le peuple) et comme moyen de production d’un sentiment d’identification (la conscience de classe).

Ces manières d’envisager la culture peuvent être justifiées par les difficultés rencontrées par la gauche pour s’exprimer, comme défini par Marilena Chaui. Selon cette auteure, pour la classe dominante d’une société, penser et s’exprimer est une chose facile, puisqu’il faut seulement répéter les idées et valeurs qui forment les représentations dominantes de la société. Chaui affirme que pour la gauche, néanmoins, la difficulté est grande, puisque la pensée et le discours doivent réaliser quatre étapes : d’abord déconstruire le sens commun social ; puis, démonter l’apparence de réalité et véracité que les conditions sociales et les pratiques existantes semble avoir ; par la suite elle a besoin de réinterpréter la réalité, pour rendre possible la compréhension et qu’elle puisse expliquer les changements de la société et de la politique ; et, finalement, elle a besoin de créer une nouvelle parole, capable de montrer aux interlocuteurs les illusions du sens commun et, surtout, de transformer l’interlocuteur en partenaire pour le changement de ce qui a été critiqué (CHAUI : 2007).

Pourtant, même si le gouvernement de Lula a eu besoin de parcourir tout ce chemin, en ce qui concerne la culture, nous pouvons observer que ces quatre étapes étaient déjà en processus dans le contexte international, à partir des discussions mises en place par l’Unesco depuis les années 1980. Ainsi, le Ministère de Gilberto Gil a trouvé un terrain propice pour la construction d’une nouvelle idée de culture et de nouvelles politiques culturelles.

La politique mise en place par le ministre a eu comme effet le renforcement de l’économie de la culture et a réaffirmé le rôle fondamental que l’Etat a dans ce contexte : soit dans la promotion de son potentiel, soit dans la planification des actions, dans l’articulation des agents économiques et créatifs, dans la mobilisation de l’énergie sociale disponible, dans l’appui direct, dans la réglementation des relations entre les agents économiques, dans la médiation des intérêts des agents économiques et des intérêts de la société, ainsi que dans la fiscalisation des activités.

Néanmoins, il n’est pas question de considérer l’Etat comme producteur de culture. « Au contraire. Nous partons du principe que l’Etat peut et doit stimuler un environnement favorable au développement d’entreprises et créateurs, pour que le marché puisse élargir et réaliser son potentiel, non seulement d’auto-durabilité, mais de revenus sociaux » (emploi, inclusion à la consommation de biens culturels, impôts, etc.) (YODA, 2005). Le choix fait par le gouvernement de Lula en ce qui concerne la relation entre Etat et culture semble être celui du Conseil de l’Europe. Les politiques culturelles auraient ainsi comme thèmes principaux la formation de l’identité régionale ou nationale ; la promotion de la diversité culturelle et de la démocratie d’accès culturel ; le potentiel de la culture comme facteur d’inclusion socioéconomique, d’attraction du tourisme, de la promotion du flux d’informations et la construction de la conscience individuelle.

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Dans ce contexte, le patrimoine immatériel devient un fort élément dans la politique culturelle. Caractérisé par trois éléments essentiels – la reconnaissance, l’appropriation et la transmission – ce patrimoine a obtenu une reconnaissance mondiale comme facteur vital de définition de l’identité, de la promotion de la créativité et de la préservation de la diversité culturelle, jouant un rôle essentiel dans le développement national et international, pour la tolérance et pour une interaction harmonieuse entre les cultures. Le PCI est ainsi la nouvelle base du développement du tourisme et de l’inclusion économique et sociale des communautés porteuses de ces biens. En même temps il sert à la singularisation et à la caractérisation d’une Nation face aux autres. Ainsi, ces biens de caractère symbolique si fort commencent à être reconnus aussi par leur potentiel économique et gagnent encore plus de force dans la nouvelle politique culturelle brésilienne, basée sur des donnés qui font que le Brésil possède une vocation pour faire de l’Economie de la Culture un vecteur de développement, basé sur sa diversité culturelle et sa grande capacité créative.

Le pays a d’importants différentiels compétitifs dans ce secteur : la facilité d’absorption des nouvelles technologies ; la créativité et la vocation pour l’innovation ; la disponibilité de professionnels de haut niveau dans tous les segments de la production culturelle ; la haute qualité et la bonne acceptation de ses produits culturels dans différents marchés ; fort marché interne, dont la production culturelle nationale a la primauté sur la production étrangère. Dans le champ de la musique et de la télévision, cette prédominance des contenus nationaux arrive à 80%. De plus, la conjoncture internationale est aussi favorable, puisque le Brésil est une mode, tout comme le patrimoine immatériel et le tourisme culturel. Il se fait nécessaire, donc, que la culture intègre de façon vigoureuse la promotion des exportations.

Malgré toutes ces ‘facilités’, le gouvernement de Lula a eu besoin de faire face à de nombreuses contraintes. Une d’elles a été le manque de données sur la situation de la culture du pays. Jusqu’alors les données culturelles n’avaient fait l’objet d’aucune recherche au niveau national. Ainsi, le Ministère a établi un partenariat avec l’Institut Brésilien de Géographie et Statistique (IBGE) pour mener des recherches quantitatives sur le domaine culturel. Les résultats ont servi, ainsi, de base pour les politiques développées ultérieurement. A partir de ces recherches le Ministère a dû travailler surtout sur deux plans : le caractère informel de la culture (la majorité des entreprises et des employés du secteur culturel sont informels) et la concentration des équipements culturels qui rend plus difficile la circulation et l’accès aux produits et services. Nous n’avons pas eu accès à la méthodologie utilisée pour mener cette recherche. Nous ne pouvons pas, donc, savoir comment le domaine de la culture populaire et du patrimoine immatériel a été pris en compte. Néanmoins, il reste certain que ces activités culturelles sont en accord avec ces deux problématiques identifiées.

A partir de ces données le gouvernement a essayé de construire des espaces de participation directe en commissions, conseils, conférences et forums, développés sur différentes régions, états et municipalités. L’organisation du Conseil National de Politiques Culturelles (CNPC), composé par des représentants de différents ministères, de tous les états, des municipalités et des divers secteurs de la société civile, est un exemple d’action cherchant une plus grande

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démocratisation culturelle et reconnaissant la transversalité de la culture. La décentralisation des lieux de discussions et de prise de décision a rendu possible la présence constante des leaders traditionnels dans ce milieu. Cela a marqué un avancement vers la représentativité des communautés traditionnelles et de la culture populaire dans l’espace politique. Malgré ce progrès, une des critiques faites au gouvernement de Lula après huit années au pouvoir est que, même si ces communautés ont réussi à faire partie et à participer à ces espaces publics, elles n’ont pas encore été insérées économiquement et socialement dans la société. Leur situation demeure une réalité de pauvreté et de manque des droits fondamentaux.

C’est pendant le gouvernement Lula que les premiers fruits du Plan National du Patrimoine Immatériel (PNPI) commencent à apparaître : en 2003 le Brésil signe la Convention de l’Unesco pour la Sauvegarde du Patrimoine Culturel Immatériel. L’art graphique des indiens Wajapi est proclamée par l’Unesco comme Chef d’œuvre du Patrimoine Oral et Immatériel de l’Humanité. En 2004 est créé le Département du Patrimoine Immatériel de l’IPHAN (DPI), auquel a été ajouté le Centre National du Folklore et Culture Populaire (CNFCP). En 2005, le premier avis du PNPI est lancé. La Samba de Roda de Recôncavo de Bahia est proclamée Patrimoine Oral et Immatériel de l’Humanité. En 2006 le Brésil ratifie la Convention de l’Unesco sur la Sauvegarde du Patrimoine Culturel Immatériel.

Il est possible d’observer que les changements mis en place par le gouvernement de Lula dans le domaine de la culture ont acquis leurs bases dans le contexte international et même dans des politiques publiques nationales précédentes. Plusieurs avancées ont été faites9, cependant, ces huit années n’ont été que le début de la mise en œuvre d’une nouvelle relation entre l’Etat et la culture et de celle-ci avec le projet de développement du pays. Nous allons maintenant présenter quelques projets culturels qui ont été la base de la politique culturelle pendant ces dernières années, en essayant de souligner les façons dont la culture populaire et les actions concernant le patrimoine culturel immatériel peuvent être touchées.

1.3.1 La politique culturelle du gouvernement Lula

Nous venons de présenter un résumé de l’historique de la relation entre l’Etat et la culture au Brésil et la façon dont cette relation s’est établie dans le gouvernement Lula. Pour cela, quelques actions culturelles menées par l’Etat avant les élections de 2002 ont été citées, tel que le Programme National de la Culture (PRONAC), dont la Loi Rouanet fait partie, et le Plan National du Patrimoine Immatériel (PNPI), qui établit le Registre des Biens Culturels de Nature Immatérielle. Comme nous l’avons déjà observé, ces initiatives, même si elles ont été créées avant, ne se sont développées qu’à partir de 2003, pendant le mandat de Lula. Cela est dû, entre autres facteurs, à l’ensemble de la politique culturelle mise en place, qui a permis

9 Le gouvernement annonce des chiffres d’investissement dans la culture jamais observés dans le pays. Par contre, il faut être toujours méfiant face à ces données. D’abord parce qu’elles sont produites pour et par l’Etat. Deuxièmement, parce que des chiffres qui accusent l’augmentation des investissements n’arrivent pas à traduire le développement culturel produit, puisqu’ils ne comprennent pas les données sur les résultats obtenus à partir de ces investissements. Ainsi, à partir de ces chiffres nous n’avons aucune donnée sur l’efficience (quand avec quelques ressources données on arrive au meilleur résultat possible), ni sur l’efficacité (quand l’objectif est réussi) des projets financés.

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l’évolution et le progrès de ces initiatives. Les actions du gouvernement Lula ont signifié une vraie politique culturelle articulée et pas seulement des petits projets ou programmes séparés. Dans cette partie nous allons faire une brève présentation des principales politiques culturelles mises en place par le gouvernement Lula en essayant d’illustrer comment la nouvelle relation entre l’Etat brésilien et la culture s’établit en pratique.

1.3.1.1 Programme Culture Vivante

Un des programmes piliers institué par le ministre Gilberto Gil est la Culture Vivante. Ce programme implique cinq projets : les Points de Culture, les Agents de la Culture Vivante, la Culture Digitale, l’Ecole Vivante et Griôs-Maîtres des Savoirs. L’objectif est de promouvoir l’accès aux moyens de réalisation, production et diffusion culturelles, dans une pratique de coopération sociale. Cela consiste aussi en un travail de promotion de l´autonomie des communautés en garantissant que celles-ci puissent former leurs propres producteurs de culture. Le public ciblé est formé principalement par la population à faibles revenus, des habitants des régions peu concernées par les offres de services publics ; les groupes en situation de vulnérabilité sociale ; les étudiants du réseau des écoles publiques ; des professeurs et coordinateurs pédagogiques de l’enseignement de base ; des communautés indiennes, rurales et quilombolas10 ; les habitants des régions importantes pour la préservation du patrimoine historique, culturel et environnemental ; et des agents culturels, des artistes, des producteurs et chercheurs qui combattent l’exclusion sociale et culturelle au Brésil.

Les Points de Culture

Les Points de Culture gagnent, dans ce programme, une place de choix, représentant une base pour de multiples autres actions. Ces Points sont des initiatives qui impliquent les communautés dans des activités d’arts, de culture, d’éducation, de citoyenneté et d’économie solidaire. Des groupes ou des institutions locales qui travaillent dans le domaine de la culture, peuvent passer à un procès de sélection publique et devenir des Points de Culture. Les Points reçoivent un investissement de l’Etat allant jusqu’à R$ 185 mille11, échelonnés sur une période de trois ans. Au début, ce budget était repassé directement de l’Etat aux entités. Dorénavant, avec la croissance du projet, un réseau entre Etat National, états fédérés et municipalités a été mis en place. Ainsi, la sélection des entités a été décentralisée et le gouvernement au niveau des états contribue à hauteur de 30% du budget total.

Cet argent est alors administré par la communauté et est destiné à l´augmentation de ses espaces publics et à la structuration de ses activités. De plus, les groupes ont accès à un kit Multimédia numérique (ordinateur, caméras, software d´édition, accès internet) et à des bourses de capacitation en culture numérique et production culturelle pour les jeunes de la communauté. En outre, le Point de Culture devient membre d’un réseau national de Points de

10 Descendants des esclaves.

11 75 mille euros, à peu prêt.

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Culture qui échangent des expériences et articulent des actions ensemble. Actuellement, il existe presque quatre mille Points de Culture sur 1122 municipalités dispersées dans tout le territoire national12. Les Points de Culture deviennent des institutions mixtes, un endroit d´interaction et de coopération entre l’État, la société civile et les agents culturels, un vrai dispositif qui peut et doit atteindre une grandeur nécessaire pour accueillir des milliers de groupes.

Au-delà d’une initiative d’appui aux cultures locales, à l’autonomie des communautés et à l’insertion sociale et économique de ces groupes, le projet des Points de Culture montre un caractère innovateur à mesure qu’il établit une inversion du sens de l’action de l’Etat. Normalement, le gouvernement dessine un modèle (par exemple, un modèle de Points de Culture – en quoi ils devraient consister, les activités impliquées, la structure physique nécessaire, etc.) auquel les initiatives de la société doivent s’adapter pour obtenir les ressources de l’Etat. Néanmoins, la constitution des Points de Culture a fait le chemin contraire. La société civile, à travers ses entités culturelles, la plupart du temps informelles, qui sont nées de forme spontanée pour répondre aux besoins spécifiques d’une réalité précise, a établi les formes par lesquelles l’argent est investi. L’Etat se présente, dans cette perspective, comme un investisseur et non comme un producteur de culture.

L’Ecole Vivante

L’Ecole Vivante a pour but d’intégrer les Points de Culture et les écoles formelles objectivant la construction d’une connaissance réflexive et l’élargissement du capital culturel ayant la culture comme moyen. Comme annoncé sur le site du Ministère de la Culture, « l’intention de ce projet est le développement du savoir-faire et du savoir-être des diverses manifestations, langages esthétiques et culturels comme proposition d’action pour les sujets dans l’ambiance de l’école ». La culture et l’éducation deviennent, ainsi, des bases qui soutiennent la formation de la citoyenneté. De plus, cette initiative prévoit l’inclusion de la culture populaire et des patrimoines culturels immatériels dans l’éducation formelle. D’une part, cela représente la reconnaissance de l’importance de ces biens et expressions culturelles, et d’autre part montre le rôle que ces biens peuvent jouer dans la formation des citoyens.

L’Agent de Culture vivante

L’action Agent de Culture Vivante a pour objectif le développement de la conscience de soi, de l’auto-estime personnelle et sociale des jeunes qui participent à des Points de Culture et d’autres projets du Programme Culture Vivante. Ce projet est dirigé à rendre plus capable et à l’articulation des Points de Culture qui développent des projets ou qui appuient des actions culturelles auprès des groupes de jeunes. L’action permet la formation théorique et pratique, garantissant aux jeunes le savoir pratique des éléments de la culture locale et régionale, l’élaboration de nouveaux concepts de culture, avec la proposition de références au-delà de la

12 Donnés d’avril/2010 disponibles sur le site du Ministère de la Culture du Brésil : www.cultura.gov.br/

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culture de masse. Ces jeunes, la plupart du temps, ont une forte articulation communautaire. Ceci, lié au projet Agents de la Culture Vivante, potentialise la participation politique et l’activité dans des espaces publics de gestion et de prise de décision des politiques publiques. En 2009, le Ministère a lancé une bourse Agent de la Culture Vivante qui fournit une aide à quelques jeunes sélectionnés à partir des concours publics pendant douze mois. Ce projet, en plus de valoriser les cultures locales, crée un espace d’insertion économique et de formation professionnelle par le biais de la culture.

L’Action Digitale

L’Action Digitale apparaît comme promoteur de la dynamisation du réseau formé par les Points de Culture et est un élément transversal des actions du Programme Culture Vivante. Son objectif est de promouvoir, renforcer et développer des réseaux virtuels et personnels entre les Points de Culture. Ce projet rend plus facile l’appropriation et l’accès à des outils multimédia en softwares libres par les Points de Culture pour la génération de l’autonomie des communautés locales, à travers des rencontres et des ateliers. L’utilisation de l’internet et du software libre est perçue comme un moyen de créer des possibilités de démocratisation à l’accès à l’information et à la connaissance. Comme nous l’avons déjà observé, dans le contexte actuel, l’information devient un bien précieux, une base de la démocratisation et de la diversité culturelle. La technologie est perçue comme un moyen et non comme un but. Elle serait un outil pour la transformation des personnes en agents actifs dans la chaîne de création, production et circulation de l’information.

L’Action Griô Le mot griô est une version brésilienne du mot griot, en langue française, qui traduit le mot Djeli en langue bamanan, parlé dans plusieurs pays du Nord-ouest de l’Afrique. Ce mot signifie ‘le sang qui circule’ et est utilisé pour définir un poète, chanteur, ce qui raconte des histoires, artiste traditionnel de la communauté. Au Brésil le mot griô fait référence à tous les citoyens qui sont reconnus par sa propre communauté comme un maître des arts, de la cure, des savoir-faire traditionnels, des chefs religieux de tradition orale, des participants des expressions culturelles traditionnelles, un poète populaire qui valorisent le pouvoir de la parole, de l’oralité. Il devient la bibliothèque et la mémoire vivante de son peuple auquel il transmet ses savoirs.

L’Action Griô, finalement, est un projet dirigé vers la tradition orale et sa valorisation en tant que patrimoine immatériel et culturel afin d’être préservé. Cette Action est un grand défi pour les politiques culturelles, dû à l’inexistence d’un historique de valorisation de cette tradition. Néanmoins, plusieurs communautés et peuples ont l’oralité comme seule source de perpétuation de leur histoire. Le Griô est le gardien de la mémoire et de l’histoire orale d’un peuple ou d’une communauté. Ce sont des chefs dont la mission ancestrale est de recevoir et de transmettre les enseignements dans les communautés. A travers des concours publics l’Action Griô appuie des projets pédagogiques qui impliquent les pratiques de l’oralité, des savoirs et des savoir-faire des Maîtres et Griôs à partir du partenariat entre les Points de

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Culture et les écoles, à des universités et des entités du secteur tertiaire. Selon des données du Ministère, actuellement l’Action appuie 650 boursiers de divers groupes culturels13.

Nous pouvons observer que le Programme Culture Vivante essaye de mettre en place la conception plus élargie de culture, qui implique depuis les manifestations traditionnelles locales jusqu’aux nouvelles technologies, ayant pour but la promotion des trois dimensions de la culture.

1.3.1.2 Le Secrétariat de l’Identité et de la Diversité (SID) et le Prix des Cultures Populaires

Tout ce changement mis en place par le gouvernement Lula a exigé une réforme institutionnelle et physique du Ministère. Ainsi, un nouveau bâtiment a été construit pour héberger les nouveaux secrétariats créés. Entre eux, le Secrétariat de l’Identité et de la Diversité Culturelle (SID). Ce Secrétariat est responsable des actions qui assurent les espaces, valorisent, diffusent et font respecter des groupes historiquement marginalisés par leurs modes d´expression de leurs identités, traditionnels ou récents. Il implique des groupes et des expressions culturelles tels que la capoeira, les cultures indigènes, les cultures populaires, les étudiants, les travailleurs ruraux et les manifestations LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) et le hiphop. Pour la première fois, en vingt ans de Ministère, les cultures des peuples indiens sont contemplées par des politiques culturelles.

Ce Secrétariat vient de répondre à une demande nationale puisque beaucoup de contextes et modes de productions culturelles de secteurs mis en marge de la culture dominante présentent la quasi-inexistence d´organisation. Cela est un reflet du manque d´accès à l’information, aux mécanismes et aux codes d´appui, une exclusion perverse de l´usufruit et des bénéfices que l´État peut leur apporter. Nous pouvons remarquer que les groupes porteurs de patrimoines de nature immatérielle sont souvent rencontrés dans cette situation d’exclusion. En outre, ces biens, comme on l’a déjà observé, constituent un fort élément dans la promotion de l’identité et de la diversité culturelle. Il est possible, ainsi, d’établir un fort dialogue entre ce Secrétariat et les politiques de sauvegarde du PCI. A partir de cette perspective la SID a créé le projet Prix des Cultures Populaires.

Ce Projet semble prendre ses racines dans le programme Trésors Humains Vivants de l’Unesco, par lequel les maîtres reçoivent un soutien de l’Etat pour transmettre leurs savoir-faire. C’est ainsi que quelques pays occidentaux, comme la France, ont adopté un système similaire ayant pour but la motivation des maîtres à transmettre leurs connaissances aux jeunes élèves et d’encourager la réinsertion du produit de ces savoirs traditionnels sur le marché. Ces initiatives, néanmoins, ont comme base le modèle oriental, centrées sur la figure du maître comme moyen de transmettre les savoirs.

13 L’ONG Meio do Mundo, où le stage a été mené, fait partie de ce projet dans la ville de Joao Pessoa. Son rôle est d’aider à l’identification des maître Griôs et servir comme intermédiaire entre ces maîtres et les institutions d’enseignement. Néanmoins, jusqu’à maintenant le gouvernement n’a pas redistribué les bourses et les actions du projet n’ont consistés qu’en quelques réunions.

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Au Brésil, par contre, cette méthodologie plus personnaliste n’a été adoptée qu’en partie, il y a peu de temps, à travers le Prix Cultures Populaires, crée en 2007. Ce prix consiste à offrir un montant de R$10.000,00 (environ 4.500 euros) à un maître ou à un représentant d’un groupe de culture populaire (formel ou informel). Cet argent, en principe, doit être utilisé pour réaliser des actions de préservation et de manutention de ces expressions culturelles. Cependant, au moment de l’inscription au concours public, les participants ne sont pas obligés de présenter un projet précis spécifique de sauvegarde dans lequel cet argent sera investi. Les critères pour évaluer l’application de ce prix sont très flous, surtout en ce qui concerne les maîtres, puisque nombreuses fois l’investissement de cet argent au bien être personnel du maître peut être lié à la sauvegarde de l’expression culturelle.

Cela se fait puisque la majorité des fois ces personnes vivent dans des conditions très précaires, sont âgées et ont des problèmes de santé, alors qu’elles constituent des bases pour la culture populaire locale. De plus, il ne semble pas y avoir une fiscalisation très rigide sur l’application de ce budget. Il est possible d’observer ici le caractère d’assistance de cette initiative, qui finit par perdre l’intérêt de la politique publique du soutien au développement de la culture populaire pour devenir personnaliste, une aide économique à un sujet spécifique sans engagement à une contrepartie et sans suivi.

La sélection des bénéficiaires est faite à partir d’un concours public. La nouveauté de cette politique est la possibilité de l’inscription orale : le maître ‘remplit’ le formulaire oralement et enregistre une vidéo à envoyer au Ministère. Cette initiative montre la préoccupation à adapter les démarches administratives à la réalité de ces communautés porteuses de la culture populaire et des patrimoines culturels immatériels, qui souvent sont formées par une majorité analphabète. Cette difficulté représente souvent une barrière à l’accès aux politiques publiques. La sélection des maîtres est basé sur différents critères, tels que l’âge (la priorité est donnée aux plus âgées) ; la représentativité nationale et locale du bien culturel duquel ils sont maîtres ; la situation du bien culturel (s’il est en voie de disparition) ; l’arbre généalogique, qui montre le lien de cette personne avec l’origine de la pratique culturelle ; et l’Indice de Développement Humain (IDH) de la municipalité où l’expression culturelle se manifeste.

Il faut pourtant souligner que la culture populaire au Brésil a un caractère essentiellement communautaire. L’IPHAN, institution responsable des actions concernant le patrimoine culturel immatériel au niveau national, souligne la différence entre l’idée du maître au Brésil et celle défendue par l’Unesco, basée sur la conception orientale. Ainsi, « le maître est important non pas comme paramètre à être suivi, mais comme quelqu’un qui enseigne quelque chose qui va être adapté ou transformé tout de suite. Dans notre culture (ou cultures) le maître, en général, est un bon exécuteur ou un bon créateur » (IPHAN, 2006 : 17).

Cet Institut défend alors une politique nationale qui prenne en compte tous les aspects qui mettent le PCI et la culture populaire en danger et tous les acteurs concernés, incluant le public et les consommateurs de ces biens. Cela se fait parce que la transmission du savoir,

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même si elle est d’extrême importance, peut ne pas être le principal problème rencontré. Celui-ci peut être de nature économique, environnementale, de difficulté d’accès à la matière première ou le résultat d’un manque d’organisation communautaire. Cette initiative essaye ainsi de s’adapter à cette réalité multiple, en laissant au choix des groupes et des maîtres la forme d’utilisation de cet argent.

Les politiques qui sont consacrées uniquement au maître, ou même à un groupe spécifique, ont encore le risque de développer une relation de clientélisme ou d’aide. Autrement dit, ces politiques peuvent avoir un caractère d’assistance et finir par ne pas rendre la transmission du savoir durable ni autonome. De plus, cette distinction peut apporter des conflits au sein des communautés, puisque, même si elles reconnaissent la figure du maître ou du groupe bénéficiaire14, elles ont aussi la conscience que leurs pratiques culturelles ne sont pas possibles s’il n’y a pas la participation communautaire15. Ainsi, à l’inverse des cultures asiatiques, au Brésil le maître joue un rôle différent, du fait que c’est un pays de culture plus mélangé, marqué par la réappropriation. Comme nous pouvons l’observer, cette initiative du Secrétariat de l’Identité et de la Diversité, en plus de régler quelques problèmes rencontrés dans les communautés porteuses de biens culturels, pose de nombreuses autres contraintes. Le manque de suivi et d’appui aux bénéficiaires et aux communautés représente un grave faute de la part de ce Secrétariat.

1.3.1.2 Le Programme de Développement de l’Economie de la Culture (PRODEC)

Comme nous l’avons déjà remarqué, le gouvernement Lula a basé ses politiques culturelles à partir d’une perspective de l’Economie de la Culture. Ainsi, la dimension économique des biens culturels gagne de la force. Par contre, il faut toujours surveiller cette dimension, pour qu’elles ne finissent pas par avoir des effets pervers, comme l’augmentation de l’exclusion et des inégalités, dû à une monopolisation des chaînes de distribution et de divulgation des biens culturels par quelques grands groupes.

Ayant cette problématique en tête, le Ministère de la Culture a créé le Programme de Développement de l’Economie de la Culture (Prodec). Cette initiative consiste à créer des actions de business, de capacitation, de promotion et de recherches des chaînes productives. Elle vise aussi la création des indicateurs culturels et des diagnostiques. Pour cela, de nombreuses recherches sont prévues. La première étude réalisée dans ce programme a été sur les fêtes populaires, surtout au nord-est, et leurs économies informelles. Ces activités soutiennent une grande quantité de petits business et plusieurs moyens de survie financière pour les populations et les familles engagées dans ce réseau de circulation de produits.

14 Au moment de l’inscription au concours public il est nécessaire de présenter un document avec les signatures de plusieurs personnes de la communauté en reconnaissant le maître ou le groupe comme représentant de la manifestation culturelle locale en question et leur importance pour la communauté. 15 Pendant le stage j’ai pu observer ces effets dans deux communautés. Dans les deux situations les maîtres étaient en train de souffrir d’une exclusion par ses communautés. Leur légitimité comme maître a été mise en échec et les communautés demandaient le partage du prix entre tous les intégrants de la communauté. Cela pose de nombreuses problèmes, surtout parce que la relation des différents individus avec les manifestations culturelles n’est pas la même (il y a ceux qui participent uniquement comme spectateur ou danseur, il y a ceux qui organisent et encore ceux qui veulent profiter des bénéfices portés par ces biens culturels, sans un véritable engagement).

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Le Programme touche tous les secteurs qui impliquent la création artistique ou intellectuelle, individuelle ou collective, ainsi que les produits et services liés à la consommation et à la diffusion de la culture. Cela comprend : tous les secteurs artistiques (musique, audiovisuel, arts de la scène, arts visuels) ; la radiodiffusion et les télécommunications ; éditorial (livres et revues) ; art populaire et artisanat ; fêtes populaires ; patrimoine historique matériel et immatériel ; software de loisir ; design ; mode ; architecture ; et publicité (création) (BRASIL, 2006).

Le Prodec supporte des partenariats institutionnels avec des organismes gouvernementaux des trois niveaux (fédéral, étatique et municipal), des organisations internationales, des associations et d’autres organisations reconnues pour leur capacité d’agir directement avec les entrepreneurs du secteur et les communautés porteuses de biens culturels. Des partenariats avec des banques de développements sont aussi prévus. Le programme travaille dans la formulation et l’implantation de projets de développement et de dynamisation des principaux segments de l’Economie de la Culture au pays. Il cherche à articuler différents projets de façon à faire face aux goulots de diffusion et de consommation. L’action du programme, ainsi, ne se fait pas à travers l’appui aux projets isolés, mais à un ensemble de projets articulés qui impliquent depuis la production jusqu’à la divulgation et circulation des biens culturels, envisageant la garantie du bon fonctionnement de tout le cycle économique.

1.3.1.3 Programme National du Patrimoine Immatériel

En ce qui concerne le PCI plus précisément, le gouvernement Lula a donné une continuité au Programme National du Patrimoine Immatériel qui prévoit l’établissement d’inventaires et de plans de sauvegarde, comme a été énoncé auparavant. Même si ce programme n’a pas été institué par le gouvernement Lula, nous allons le traiter ici puisque c’est à cette époque qu’il a été vraiment mis en place. Ainsi, à partir de 2003 les actions d’inventaires et de registre du PCI ont été renforcées, consolidant une politique de reconnaissance, d´enregistrement et de protection de ce patrimoine. Le budget destiné aux politiques patrimoniales est passé de R$ 51,5 millions, en 2002, à R$ 124,7 millions, en 2005. Les actions dirigées vers le patrimoine de nature immatérielle se sont développés et ces biens ont gagné une place de choix dans la culture nationale. Ainsi, l’IPHAN a enregistré vingt-deux biens culturels, vingt procès de registre sont en cours, cinquante-huit inventaires ont été menés et d’autres vingt sont en cours d’exécution16. De plus, en voulant renforcer la décentralisation des actions de cet Institut, une plus grande autonomie a été donnée aux vingt-sept superintendances existantes (une dans chaque état). Malgré toutes ces initiatives, l’Institut n’a mené que quatre plans de sauvegarde de patrimoines immatériels.

1.3.1.4 Le Plan National de Culture (PNC) et le Système National de Culture (SNC)

Le domaine de la culture a une histoire d’instabilité. Elle a fortement souffert des discontinuités politiques, puisque le temps nécessaire pour que les résultats de ces actions

16 Données disponibles sur www.iphan.gov.br.

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commencent à être senti est long. Dans le contexte brésilien, cette instabilité a été très présente, puisque les nouveaux dirigeants ont eu toujours tendance à laisser de côté les actions mises en place par le gouvernement précédent pour recommencer à zéro. En voulant donner fin à cette pratique, ont été formulés, pendant les huit ans du gouvernement de Lula, le Plan National de la Culture et le Système National de la Culture, qui ont été approuvés à la fin de l’année 2010 et qui ont comme but de garantir la continuité de la politique culturelle mise en place. Ainsi, pendant que le PNC établit des objectifs et des directives pour la culture nationale pour les dix prochaines années, le SNC met en place une structure d’intégration entre les différentes actions menées aux trois niveaux de l’Etat (national, fédérations et municipalités).

Le Plan National de Culture (PNC) a pour but la planification et l’implantation de politiques publiques de longue durée tournées vers la protection et la promotion de la diversité culturelle brésilienne. Diversité qui est exprimée en pratiques, services et biens artistiques et culturels déterminants pour l’exercice de la citoyenneté, de l’expression symbolique et du développement socioéconomique du pays (MinC, 2010). En 2005, la formulation du PNC a été déterminée et le 5 décembre 2010 a été créée la loi qui institue sa mise en place, ainsi que celle du Système National de Culture (SNC). Le Système National d’Information et d’Indicateurs Culturels est compris dans le SNC. Nous observons ainsi une préoccupation du gouvernement de connaître la réalité de la culture, d’établir des paramètres de suivi et d’évaluation des projets culturels mis en place. Le PNC et le SNC ont pour base la décentralisation de la gestion culturelle, l’articulation entre les trois niveaux de l’Etat (municipalités, états et pays) et l’articulation entre ces niveaux et la société civile (ONG, banques, entreprises privées, etc.). Le rôle de l’Etat prévu dans ces documents est celui d’agent responsable de la planification, du suivi et de l’évaluation des actions culturelles.

Nous pouvons identifier quelques stratégies d’actions signalées dans ce document, telles que l’encouragement au tourisme culturel, aux initiatives en partenariats avec d’autres secteurs, tel que l’éducation, et l’incitation aux investissements de risque des entreprises privées dans le secteur culturel. Cela répond aux critiques déjà identifiées, faites aux lois d’incitation, tels que la Loi Rouanet. Ce document prévoit aussi la construction d’une législation qui prend en compte les droits collectifs sur la création des manifestations culturelles, ainsi que des moyens pour garantir les droits des communautés sur leurs biens culturels.

Nous pouvons aussi identifier dans le document du PNC tout un chapitre dédié à la diversité des expressions culturelles et qui porte, presque dans tous les paragraphes, sur la culture populaire et le patrimoine culturel immatériel. Entre les stratégies d’action présentes dans cette partie nous pouvons remarquer l’insertion de la culture populaire et des savoirs traditionnels de maîtres dans l’enseignement des écoles ; le soutien aux recherches et aux inventaires sur les cultures traditionnelles ; l’appui et l’articulation, en réseau, des musées communautaires, des musées locaux, des maisons du patrimoine culturel et d’autres centres de préservation et de la diffusion du patrimoine culturel ; ainsi que la formation des agents

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culturels locaux et la mise en place de moyens pour que les actions de sauvegarde (recherches, construction de projets pour répondre à des appels à projet, gestion culturelle, etc.) soient menées par des agents internes aux communautés porteuses de biens culturels. Toutes ces démarches, et particulièrement la dernière, ont comme but l’autonomie de ces communautés et la meilleure adéquation des projets aux besoins et aux demandes locaux.

Le Plan National de Culture et le Système National de Culture finissent par établir une homogénéité dans les actions culturelles sur les différentes sphères de l’Etat, en essayant d’éviter des répétitions, des compétitions ou de grandes inégalités au niveau local, puisque, jusqu’à maintenant, la réalité culturelle des municipalités et des fédérations était plus liée à la gestion du gouvernement local ou de l’état qu’aux politiques nationales.

Plusieurs activités ont précédé la formulation de ces textes, puisque la décision de sa formulation a été prise en 2005. Entre autres, nous pouvons citer la Première Conférence Nationale de la Culture (CNC), qui a eu lieu en 2005 et qui a présenté comme axes les thèmes suivants : gestion publique de la culture ; économie de la culture ; culture comme droit et citoyenneté ; communication et culture ; et patrimoine culturel (MINC, 2006). Ce dernier, selon le rapport présenté à la fin de la Conférence, est un axe matriciel de la politique culturelle mise en place par l’Etat brésilien depuis les années 1930. Ce document signale aussi l’importance d’articuler les politiques patrimoniales au développement. La première Conférence National de la Culture a été précédée de nombreuses rencontres au niveau des municipalités, des états et des régions du pays et, en 2010, a eu sa deuxième édition. La formulation du PNC et du SNC a suivi ainsi la logique de décentralisation, en essayant une plus grande représentativité des différents groupes culturels. Le SNC, néanmoins, est encore en phase de construction et les résultats du PNC demandent du temps pour être perçus.

Cette première partie a essayé de donner une vision élargie du contexte et des changements politiques que le Brésil est en train de réaliser dans le domaine de la culture. Nous avons aussi essayé de montrer comment les cultures populaires et le patrimoine culturel immatériel sont insérés dans ce nouveau contexte politique. Cette partie servira de base pour le développement du plan de sauvegarde des cocos présentés ultérieurement.

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Partie 2 : L’inventaire des cocos du Nord-est du Brésil

Comme nous avons déjà observé, dès les années 2000 le Brésil compte une législation spécifique qui porte sur le patrimoine culturel immatériel. Le Programme National du Patrimoine Immatériel (PNPI) a comme but la systématisation des documents et des références sur les biens culturels exprimant la diversité culturelle brésilienne, surtout celle relative aux cultures populaires ; il vise à décrire et localiser ces biens et leurs transformations dans leurs contextes, à partir de recherches ethnographiques. A partir de cela le PNPI essaye d’agir localement afin de mobiliser, orienter et articuler les institutions publiques et les entités des communautés pour l’appui à ces biens et activités. Le Plan a aussi comme objectif la disponibilité des connaissances et des données réunies auprès de différents publics, envisageant de donner des bases pour subsidier les politiques publiques développées dans ce domaine.

Le registre représente, alors, la reconnaissance par l’Etat de l’existence du bien, de sa valeur comme référence pour l’identité nationale. Cette reconnaissance peut signifier que l’Etat et la société assument la responsabilité de sa préservation, sans, néanmoins, assumer le rôle d’intervenants dans le processus créatif des groupes porteurs du bien. De plus, une fois enregistré comme patrimoine, le bien obtient les bénéfices prévus dans la constitution, c’est-à-dire, des appuis pour sa production et sa reconnaissance et la punition aux dommages et aux menaces faits à ces biens.

La méthodologie utilisée pour le registre d’un bien de nature immatérielle au Brésil est l’Inventaire National de Références Culturelles (INRC) qui à comme but l’inscription du bien dans un des quatre livres de registre : le Livre d Registre des Savoirs, où serons inscrits les savoir-faire de la communauté ; le Livre de Registre des Célébrations, où seront inscrits les rituels et fêtes plus importantes pour la vie collective du travail, de la religiosité, du divertissement et d’autres pratiques de la vie sociale ; le troisième livre est celui d Registre des Formes d’Expression, où les manifestations littéraires, musicales, plastiques, théâtrales et ludiques seront inscrites ; enfin le Livre de Registre des Lieux, où seront inscrits les marchés, les foires, les sanctuaires, les places et d’autres espaces où se concentrent et se reproduisent des pratiques culturelles collectives. La base unesquienne de la politique nationale devient claire à partir de la division des livres de registre, qui sont en fort dialogue avec les domaines dans lesquels, selon l’Unesco, le patrimoine immatériel se manifeste : les traditions et expressions orales ; les arts du spectacle ; les pratiques sociales, les rituels et événements festifs, les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ; et les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel.

Malgré les approches avec le procès de classement, les livres de registre ne cristalliseraient pas le contenu de la tradition, mais une étape de sa formalisation ainsi que sa valeur comme élément déterminant dans les processus d’institutionnalisation d’une narration. Ainsi, le

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registre ne serait pas une donnée fixe, source d’un savoir sur une tradition, mais plutôt un récit d’une expérience vécue pendant une certaine période et dans un contexte précis. Il est important de prendre en compte que le Registre est un portrait d’un moment spécifique, qui doit être repris périodiquement afin d’accompagner les adaptations et les transformations résultant du processus culturel. Cette réévaluation est également importante pour la surveillance et l’évaluation des impacts gérés par la déclaration de ces biens comme patrimoine culturel du pays. C’est pourquoi le décret qu’institue le PNPI détermine que le Registre doit être renouvelé tous les dix ans. Cette démarche essaie de renforcer l’idée que le PCI change au cours du temps, et que ces modifications ne sont pas synonymes d’une perte de la culture ou de la mémoire collective sur laquelle ce patrimoine est basé. A partir de cela, le renouvellement du Registre cherche à valoriser le bien au sein de la communauté en prenant en compte ses nouvelles formes de manifestation.

En voulant renforcer cette préoccupation avec le caractère dynamique des patrimoines immatériels, l’INRC, comme son propre nom l'explique, est basé sur le concept de référence culturelle. Ce concept vient remplacer celui de l’authenticité, basé sur l’idée d’originalité et de permanence. Dans le cas de processus culturel, les références sont les pratiques et les objets au travers desquelles les groupes représentent et modifient leur identité et localisent leur territorialité. Les monuments édifiés ou naturels sont référencés, tout comme les arts, les fêtes et les lieux auxquels la vie sociale attribue un sens différencié et spécial. Il est possible d’observer que l’identité et la territorialité sont deux éléments fondamentaux pour la définition de la référence culturelle (CAVALCANTI, 2008 : 15). A partir du concept de référence les sujets des différents contextes culturels n’ont qu’un rôle d’informateurs, mais aussi d’interprètes de son patrimoine culturel. Ainsi, l’INRC essaye de prend en compte les dimensions sociales du patrimoine et son contexte culturel, qui lui rend son significat.

Néanmoins, le concept de référence lui-même est une création extérieure aux communautés où ces biens culturels sont rencontrés. Pour essayer de contourner cette extériorité, l’INRC prévoit que la demande du registre doit être faite par la propre communauté porteuse, qui doit reconnaître l’importance du bien pour sa formation identitaire. Au même temps que cette manifestation culturelle doit avoir ce caractère local, d’être référence d’un groupe spécifique dans un lieu précis, elle doit aussi arriver à faire le lien entre cette réalité et la dimension nationale de cette référence. Ainsi, l’INRC représente un effort vers ce mouvement, qui part du local pour aller au global, puisque la nation brésilienne est fondée sur la diversité et sur la multiplicité des peuples et des cultures sur un même territoire national.

En prenant cela en compte, les politiques publiques du PCI menées depuis 2003 ont mis l’accent sur la réalisation d’inventaires de références culturelles dans toutes les régions du Brésil, en essayant de bien représenter toute l’extension territoriale du pays. La méthodologie utilisée pour donner la priorité aux propositions de Registre qui sont envoyées à l’Iphan est basée sur des critères qui prennent en compte les facteurs suivants : l’importance du bien comme référence culturel pour les groupes sociaux ou les communautés ; la situation de risque du bien ; la localisation en région lointaine et peu touchée par les politiques publiques ;

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la possibilité de l’élargissement de son utilisation sociale à partir de sa reconnaissance en tant que patrimoine, tout comme la possibilité de génération de travail et de revenu. Les inventaires menés jusqu’à maintenant ont ainsi donné la priorité aux aires occupées par des communautés traditionnelles, indiennes et afro-brésiliennes et aux biens culturels présents dans ces communautés17, dont lesquels les cocos font partie.

Ensuite nous allons essayer, à partir de l’analyse de quelques éléments de l’inventaire des cocos, de présenter les difficultés rencontrées pour la mise en place des principes défendus par la politique culturelle nationale face à la réalité si spécifique des biens culturels immatériels. Pour cela, tout d’abord, il est nécessaire d'établir la présentation de la méthodologie de l’INRC et la contextualisation des cocos dans le scénario des références culturelles. Ensuite, nous allons présenter et analyser quelques démarches préalables à l’inventaire, où les conflits et contradictions entre la logique de l’Etat et la logique des communautés porteuses de la culture populaire deviennent clairs.

2.1 L’Inventaire National de Références Culturelles (INRC)

Comme nous avons déjà remarqué, l’INRC est la méthodologie développée par le gouvernement brésilien pour mener des recherches pour le registre des patrimoines culturels du pays. Néanmoins, ce registre peut être demandé sans que les études préalables aient utilisées cette méthodologie. Pourtant, comme l’inventaire des cocos a été une initiative de l’Etat, l’ONG responsable a suivi les démarches établies dans ce document. Ainsi, cette partie sera consacrée à une présentation approfondie de cette méthode, de manière à présenter le chemin parcouru pendant l’inventaire des cocos du Nord-est du Brésil, ainsi comme les contraintes existante lors de l’utilisation de cet instrument de recherche dans la réalité locale.

Selon le manuel d’application de l’INRC, cette méthodologie a pour objectifs principaux: « identifier et documenter des biens culturels, de n’importe quelle nature, pour répondre à la demande de reconnaissance de biens représentatifs de la diversité et pluralité culturelles des groupes qui forment la société ; et comprendre les sens et significats attribués au patrimoine culturel par les habitants des aires recensées et classées, en les prenant comme de légitimes interprètes de la culture locale et comme des partenaires préférés pour sa préservation » (IPHAN, 2000 : 08). L’INRC se présente, ainsi, plus qu’un instrument de simple identification de biens culturels, mais aussi comme un moyen d’impliquer les populations cibles. Cette méthode veut mettre l’accent sur les communautés porteuses de biens culturels immatériels et pas seulement sur le patrimoine lui-même. L’objectif final est, ainsi, de développer des programmes portant sur la sauvegarde de PCI qui doivent nécessairement se construire en replaçant les protagonistes qui le produisent et le reproduisent au centre même de cette sauvegarde. Ils doivent faire partie de ceux qui se chargent des méthodes d’enregistrement, d’études et de divulgation.

17 Entre les vingt deux biens recensés jusqu’à 2010, trois sont présents dans la région centre-ouest, sept dans la région Nord-est, six dans la région Sud-est et quatre dans la région Nord. Deux biens ont été enregistrés au niveau national (la capoeira et le savoir des maîtres de capoeira). La région Sud présente trois procès de registre en cour. Tous les vingt deux biens font partie d’une culture populaire fortement lié à des traditions héritées des esclaves, des indiens ou même de rencontre entre ces deux cultures.

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L’INRC cherche alors à répondre aux besoins du patrimoine immatériel et de sa sauvegarde. Autrement dit, cette procédure d’identification cherche à être dynamique au niveau de la recherche et à attirer la participation des communautés en appelant à leur inclusion dans des programmes éducatifs, formatifs, de communication et divulgation. Les instruments légaux pour la gestion du processus de sauvegarde ont comme base l’idée que le patrimoine immatériel n’a pas besoin de protection ou de conservation, compris au même sens des notions fondatrices de la pratique de préservation des biens culturels matériels. La préservation de ces biens de nature immatérielle se rapporte plutôt à des actions d’identification, de reconnaissance, de registre ethnographique, de suivi périodique, de divulgation et de soutien. « Enfin, plus de documentation et de suivi et moins d’intervention » (SANDRONI in IPHAN, 2005 : 50).

Néanmoins, le propre processus d’identification et de production d’un savoir sur le patrimoine constitue une intervention. Il semble ainsi pertinent de penser que les interventions desquelles parle Carlos Sandroni sont celles considérées comme externes. L’inventaire et le conséquent plan de sauvegarde seraient donc un essai de susciter une ‘intervention interne’. Autrement dit, le processus d’inventaire et de registre ne sont pas une production de savoir qui a comme but le savoir en lui-même. Ils sont des instruments utilisés pour mener à une action et à un changement, en d'autre terme, une intervention. Pourtant cela doit partir de la propre communauté. Nous allons ici présenter cette méthodologie afin de mieux comprendre les contraintes rencontrées lors de sa mise en place dans le contexte de l’inventaire des cocos du Nord-est.

Selon Antonio Augusto Arantes Neto, l’INRC a du faire face à trois défis au moment de son élaboration :

- viabiliser l’identification et la documentation, dans les thématiques identifiées, des ensembles de références ou biens culturels qui soient significatifs pour les groupes sociaux spécifiques ;

- maintenir l’association de ces biens aux ensembles (systèmes) et aux contextes qui les rendent sens;

- éviter la production d’un type de registre qui congèle le processus social formateur de ces biens, sans prendre en compte leur historicité. (NETO in IPHAN, 2000: 24).

Pour faire face à ces difficultés le manuel recommande le suivi à moyen terme de la dynamique culturelle dans les aires répertoriées. Ce suivi doit aussi impliquer un « retour » des résultats produits, en les soumettant à la critique des populations cibles et en les enrichissant avec leurs contributions. De plus, la délimitation de l’aire répertoriée doit suivre des critères qui respectent la dynamique et l’ensemble auxquels le bien fait partie. Nous reviendrons sur ce sujet ultérieurement, lors de l’analyse du choix fait dans le cas de l’inventaire des cocos.

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En ce qui concerne l’équipe de travail responsable pour l’application de l’INRC, le manuel recommande un groupe technique qualifié, dû à la complexité et à la grande couverture de cette méthodologie. Cette équipe doit être toujours sous la supervision directe et permanente de l’IPHAN. Selon le document de cet Institut qui porte sur la méthodologie de l’INRC, les équipes de terrain doivent impliquer, au-delà des techniques et spécialistes, des acteurs locaux qui puissent figurer plus tard comme de possibles interlocuteurs de l’Institut dans le travail de manutention et d’actualisation des bases de données sur le bien enregistré.

Sur les équipes techniques, chargées du planning et de la coordination des travaux, la recommandation est qu’elles soient constituées par des personnes avec une connaissance de la thématique du patrimoine avec une formation dans les domaines des sciences sociales (emphase en anthropologie), histoire, lettre, archéologie, muséologie, géographie ou architecture, selon le cas du bien à être enregistré. A partir de la participation dans les études préalables, ces professionnels sont capables de pouvoir être les superviseurs du travail de terrain. Ils vont ainsi accompagner et systématiser les données obtenues par les autres chercheurs pendant tout le processus d’investigation. Les équipes de terrain devront avoir une personne responsable pour les registres audiovisuels et des interviewers qui aient une bonne capacité de rédaction. De plus, ces équipes doivent être formées par des personnes avec initiative et détermination, puisqu’ils sont toujours devant des situations qui exigent la prise de décision et des changements imprévus. La formation universitaire est désirable mais pas indispensable entre l’équipe de terrain, dès que la personne remplit le profil déjà cité. Les travaux de l’équipe de terrain sont coordonnés par un superviseur qui est aussi chargé de l’élaboration des Formulaires d’Identification des biens et du contact nécessaire avec le responsable de l’inventaire. Le superviseur doit remplir lui aussi le profil cité pour l’équipe technique et avoir de bonnes connaissances informatiques.

En ce qui concerne les connaissances spécifiques pour la mise en place de la méthodologie de l’INRC, l’Institut s’engage à faire la formation de l’équipe, quand la méthode est présentée et les démarches sont expliquées. Néanmoins, l’INRC doit être manipulé par des non-spécialistes et, pour cela, les procédures d’investigation doivent être simples, directes et complètes. « Elles doivent prévoir les principales variations dans les conditions dont la recherche sera développée, en laissant au chercheur du terrain la plus petite marge de doute et d'indécision ». (IPHAN, 2000 : 27).

Les recherches des inventaires prévoient alors trois étapes de niveaux de complexité croissante :

1. Etude préalable : réunion et systématisation des informations disponibles sur l’objet et le contexte à inventorier, en produisant, au final de l’étape, une carte culturelle qui peut être de caractère territorial, géopolitique ou thématique ;

2. Identification : description systématique et caractérisation des références culturelles importantes ; élaboration d’une carte des relations entre ces références et autres biens et

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pratiques ; indication des aspects basiques de ses processus de formation, production, reproduction et transmission ;

3. Documentation : développement d’études techniques et de droits d’auteur, de nature ethnographique, et production de documentation audiovisuelle ou autre adaptée à la compréhension des biens identifiés, menées par des experts, selon les normes de chaque genre et langage ; fait aussi partie de cette étape l’élaboration de la base du travail d’insertion des donnés obtenues dans les étapes précédentes, dans le banque de données de l’INRC.

L’étude préalable consiste, fondamentalement, à la prise de décision en ce qui concerne la délimitation de l’aire à être répertoriée, sa subdivision en localités et la réunion et systématisation des informations initialement disponibles sur le territoire considéré. Cette étape implique des recherches à des sources secondaires et à des documents officiels, ainsi qu’un voyage précurseur sur le terrain.

Pendant ce voyage des personnes qui ont une bonne connaissance de la réalité locale doivent être interviewées à propos des thèmes généraux liés à l’inventaire. Cette première expérience de terrain doit permettre aussi le contact avec des institutions pour l’obtention de documents et pour la vérification des conditions pratiques des terrains à être réalisés. Le manuel de l’INRC se tient plus longuement sur cette étape puisque c’est à partir de cette étude préalable que toute la suite du projet sera planifiée. De plus, elle permettra la visualisation des biens à être inventoriés dans leur ensemble, de comprendre le contexte historique et social dans lequel ils sont insérés et la sélection à priori de quelques éléments qui devront faire l'objet d’une investigation plus profonde ultérieurement. Ainsi, selon le document de l’IPHAN cette étape doit identifier les points suivants :

- Qu’est-ce que la communauté met en évidence comme bien de signification différencié en tant que marque de son identité ;

- Qu’est-ce que la connaissance sur l’aire inventoriée met en évidence ;

- Qu’est-il pertinent de prendre en compte en comparaison, soit par similarité ou contraste, avec ce qu’arrive dans la région autour de l’aire inventoriée ;

- La présence de la référence dans les pratiques sociales actuelles ou dans la mémoire.

Comme nous pouvons l'observer la base même de l’INRC est le territoire. Ainsi, d’abord il y a une définition de l’aire à être inventoriée. Pendant cet inventaire toutes les manifestations culturelles pertinentes pour la population locale doivent être identifiées et, entre elles, une référence doit être choisie (aussi ayant comme base les critères des communautés cibles). Néanmoins, comme il a été déjà signalé pendant l’introduction, dans le cas des cocos cette démarche n’a pas été suivie. Ainsi, dans ce cas la base de l’inventaire n’a pas été le territoire, mais le bien en lui-même. L’aire a été définie ayant comme base la présence des cocos. Cette

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inversion a créé de nombreux problèmes dans l’application de la méthodologie ici présentée. Nous reviendrons sur cette problématique.

La deuxième étape de l’inventaire concerne les interviews, les photos, les vidéos et d’autres matériels recueillis pendant les terrains et leur systématisation dans les formats prévus par l’INRC. Cette étape concerne la description systématique et typification des biens plus importants ; la cartographie des relations entre les biens identifiés ; et l’identification des aspects basiques de leur processus de formation, bien que de leurs participants, maîtres, publics, etc. Pour cela le manuel d’application de l’INRC prévoit que les interviews, au-delà d’être menées auprès des participants de l’activité ou des porteurs de biens, soient aussi faites auprès des chercheurs, des résidents de la région, des représentants des associations et entités locales et des institutions publiques et privées qui développent des activités importantes dans l’aire répertoriée.

Une fois de plus l’accent donné sur le bien au lieu du territoire dans le cas de l’inventaire des cocos a représenté des conséquences pour les démarches de cette deuxième étape. Ainsi, les chercheurs et techniciens, en voulant obtenir des données sur le bien culturel, ont concentré les interviews entre les participants de cette activité, surtout les plus âgés, qui ont un plus grand savoir sur l’activité et sur son évolution au cours du temps. Néanmoins, cela a abouti sur un manque d’information sur les relations entre les cocos, ses participants et les organisations et institutions locales. Aussi la perception que ces institutions et les nouvelles générations font de cette pratique culturelle n’a pas été prise en compte. Par conséquence, les données sur les problématiques rencontrées pour la protection et l’appui des cocos ont été affectées. Nous reviendrons encore sur cette problématique dans le dernier chapitre de ce mémoire.

La troisième partie de l’inventaire, par ailleurs, consiste en une documentation ethnographique produite par des spécialistes. Elle n’est pas, donc, figée par des formulaires ou des formats précis et doit suivre les critères stipulés par les auteurs face aux besoins du bien et des données obtenus pendant les étapes précédentes.

Pour les deux premières phases de l’inventaire les procédures doivent être uniformes, les instruments doivent avoir une large application et, surtout, les interviews doivent produire des informations valides et fiables. La recommandation est que l’investigation soit limitée à des aspects de la vie sociale qui soient immédiatement appréhensibles par des guides et formulaires normalisés. Ainsi, pour une meilleure organisation et développement des travaux a été créé un ensemble de formulaires (fiches d’identification, questionnaires et fiches de terrain). Les aires et localités inventoriées doivent être numérotées. Chaque formulaire a un code et un haut de page avec des informations qui doivent, ensemble, elles aussi constituer des codes. Ces codes servent à identifier les formulaires de chaque aire et de chaque localité. Malgré l’apparente simplicité, l’importance de cette démarche ne doit pas être négligée. Ces codes doivent être bien définis par l’équipe au début de l’inventaire puisque l’organisation de toutes les données doit suivre cet ordre. De plus, face à la grande quantité d’information

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recueillie pendant les recherches, la recommandation est que les données soient organisées au fur et à mesure. Tous ces formulaires ont, à la fin, une partie destinée aux documents annexés où les annexes et les autres fiches qui ont un lien avec ce formulaire doivent être identifiées. A partir de ce cadre nous voyons la relation entre toutes les fiches et annexes, qui se complètes. Ainsi, malgré la répartition des données de l’inventaire en différentes parties, l’INRC essaye de garder l’unité de ces informations comme un ensemble.

Nous avons ainsi trois formulaires et quatre annexes :

F10 : Fiche d’identification de l’aire inventoriée – ce formulaire fait référence à toute l’aire inventoriée. Si l’aire est constituée par différentes localités et/où différentes unités administratives le lien entre ces régions doit être explicité pour justifier le fait qu’elles soient considérées comme un ensemble. De plus, ce formulaire prévoit : l’identification des photos emblématiques de l’aire, prises pendant les terrains ; une liste et petite synthèse des biens culturels identifiés ; une description de l’aire (paysage, disponibilité de matière-première pour les activités inventoriées, ressources hydriques et ses états de conservation, sites archéologiques, architectoniques, existences des aires de préservation, etc.) ; formation historique de l’aire en tenant compte des changements juridiques, administratifs, démographiques, d’infrastructure ; et, finalement, la créations des politiques locales de préservation du patrimoine culturel.

Ce formulaire prévoit aussi une description du profil socioéconomique du territoire inventorié (population, qualité de vie, revenu familier et éducation) ; l’identification des instruments locaux de protection du patrimoine et de l’environnement ; et des cartes ou croquis qui soient intéressants pour la compréhension et la visualisation de cette unité. De plus, en ce qui concernent les biens culturels inventoriés, cette fiche conçoit des espaces pour les problèmes et possibilités identifiés, tels que des questions administratives, des actions et valeurs de la population (résidents, participants, institutions publiques et ONG) en relation au patrimoine culturel et en relation aux actions du gouvernement ; impacts ou autres problèmes dû à des entreprises publiques ou privées implantées dans l’aire ou dans les régions autour. Finalement, la fiche d’identification de l’aire inventoriée garde une place aux recommandations des techniciens qui portent sur la nécessité de l’implantation des actions de valorisation et d’information et l’importance des études plus approfondies ayant comme but le registre ou le classement des biens.

F11 : Fiche d’identification des localités : Chaque localité répertoriée doit avoir une fiche F11 qui suit la même logique que la F10. Ainsi, ce formulaire prévoit l’identification des photos de la localité ; l’identification des biens inventoriés ; une description géo-socioéconomique (population, frontières, relation avec les autres localités, etc.) ; une description du paysage ; l’identification des patrimoines matériels et des principales édifications présentes dans la région. De plus, il faut présenter un résumé de la formation historique de la localité ; la législation locale qui concerne les aspects culturels et de l’environnement. Finalement, les

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chercheurs doivent insérer dans ce formulaire les problèmes, possibilités et recommandations spécifiques à la localité.

FC1 : Fiche de terrain – étude préalable : Cette fiche doit établir des informations sur l’aire à être inventoriée obtenues dans les bibliographies et pendant la première analyse de terrain. Ainsi, elle prévoit l’identification de la législation locale, de la bibliographie consultée, des cartes, ainsi que des documents officiaux, tels que des statistiques, des recensements, etc. Aussi il doit être identifié dans cette fiche la localisation des contacts obtenus pendant l’étude préalable pour les interviews ultérieurs. Finalement, un chronogramme doit être élaboré et présenté dans ce formulaire

A1 : Annexe 1 – Bibliographie : Cet annexe consiste en l’identification des œuvres imprimées qui ont pour thématique l’aire inventoriée, les localités et/ou les biens culturels identifiés. Ces œuvres peuvent être de différentes natures, tels que des livres, des revues, des affiches, des textes inédits, des rapports techniques et des thèses.

A2 : Annexe 2 – Registres audiovisuels : Cet annexe consiste en l’identification des photos, des vidéos, des enregistrements de son, CD, DVD, CD-Rom et d’autres registres digitaux qui portent sur l’aire inventoriée, les localités et/ou les biens culturels identifiés. Les registres élaborés pendant les terrains doivent eux aussi être identifiés dans cet annexe à partir de leurs codes, sujets, descriptions et auteur/source.

A3 : Annexe 3 – Biens culturels inventoriés : Cette fiche doit présenter tous les biens culturels identifiés pendant l’inventaire. La fiche est ainsi partagée en célébrations, édifications, formes d’expression, lieu et savoir-faire. Pour chaque bien il doit avoir les informations suivantes : nom comme il est connu, condition actuelle (s’il est encore présent, en activité, s’il est présent qu’en mémoire ou, dans le cas des édifications, s’il est en ruine) ; époque et lieu où il peut être observé ; description du bien ; identification des codes des enregistrements faits (annexe 2) ; et identification des codes des personnes et/ou institutions comportant des informations sur le bien (annexe 3).

A4 : Annexe 4 – Contacts : Dans cet annexe les chercheurs doivent identifier les personnes et les institutions contactées pendant les recherches et celles qui ont été identifiées comme des possibles informateurs sur un bien culturel mais qui n’ont pas été forcement interviewées. Le nom, la date de naissance/fondation, l’adresse, le téléphone, l’activité principale, le lieu de naissance et le bien culturel auquel elle est liée, ainsi que la nature de cette relation, sont des informations qui doivent être présentes dans ce formulaire.

Jusqu’à maintenant nous avons présenté les instruments de l’INRC pour l’identification de l’aire et des localités inventoriées. Il faut encore ajouter les instruments prévus pour l’identification des biens culturels. Cette identification doit être faite à partir des questionnaires spécifiques et de l’enregistrement audiovisuel des interviews, des chansons, des prières, des poésies et des histoires, selon la nature du bien. Pour chaque bien il doit y

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avoir une annexe audiovisuelle et une annexe de contact. La quantité de personnes interviewées pour chaque activité culturelle identifiée n’est pas déterminée. Néanmoins, selon le manuel de l’INRC, dans le cas des activités exécutées en groupe, l’interview avec chaque participant n'est pas nécessaire. La recommandation est que l’équipe arrive à avoir le témoignage d’au moins un maître ou une personne spécialement qualifiée dans l’activité. L’INRC établit ainsi un questionnaire et un formulaire pour chaque type de bien culturel, divisés selon les livres de registre de l’IPHAN : Q20 et F20 – Célébration ; Q30 et F30 – Edifications ; Q40 et F40 – Formes d’expression ; Q50 et F50 – Lieux ; Q60 et F60 – Savoir-faire. Ces fiches doivent être remplies que pour les biens considérés comme références.

L’INRC prévoit ainsi la classification des biens répertoriés. Cela constitue une grande difficulté en ce qui concerne la culture populaire puisque dans ce contexte les biens se mélangent, ils sont interpénétrés et difficilement s'encastrent dans une seule catégorie. « Comment segmenter et identifier systématiquement les composants d’une réalité fluide, dynamique et non-directement observable ? » (IPHAN, 2000 : 29) Un point de départ de l’inventaire est de focaliser les dimensions concrètement appréhensibles de la culture, comme des documents écrits, audiovisuels, des objets et des témoignages. Dans ce contexte, puisque les cocos sont classés comme une forme d’expression nous allons présenter ici uniquement le questionnaire et le formulaire qui portent sur ce genre de bien, c'est-à-dire, le Q40 et F40.

Ces deux formulaires peuvent être traités ensemble puisqu’un (le Q40) est la base pour le remplissage de l’autre (F40). Les données prévues dans ces deux instruments sont donc les mêmes. Les informations présentes dans ces fiches sont constituées par la réunion des données obtenues auprès de toutes les personnes interviewées d’une localité. Ainsi, après l’identification de la localisation du bien (aire, localité et municipalité où il est rencontré) et de ses dénominations (puisque des nombreux pratiques de la culture populaire ont des noms différents dans chaque région), il y a une place destinée à l’identification des interviewés qui ont servi de source pour le remplissage de ces formulaires. Au-delà des informations de contact il faut aussi identifier la relation de cette personne ou institution avec le bien (quel est le rôle qu’il joue dans cette manifestation culturelle ; comment, quand et avec qui il a appris la pratique culturelle en question ; est-ce qu’il apprend d’autres personnes, ayant un rôle de maître) ; et d’autres données relevant sur les biographies de ces informateurs en relation avec le bien culturel en question. Finalement, en ce qui concerne l’identification des interviewés, ces formulaires prévoient la prise en compte de leur participation dans des coopératives et/ou associations locales où leur connaissances sur des institutions de ce genre dans la région. Il est intéressant d’observer cette relation prévue entre la participation dans une manifestation culturelle et l’intégration d’une forme politique d’organisation sociale.

Après la présentation des interviewés ces formulaires passent à la description de l’activité : périodicité ; dernières années quand cette activité a été présente dans la communauté ; les motifs de cette activité (moyen de vie, pratique religieuse ou autres) ; ses origines ; des histoires liées à cette activité (des mythes, des légendes, etc.) ; et des informations sur la

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préparation et la réalisation (qui fait quoi, quand, les principales étapes et les ressources nécessaires pour leur réalisation). En ce qui concerne ce dernier point l’INRC prévoit une description assez profonde. Ainsi, pour chaque ressource nécessaire à la réalisation de l’activité (financières, de capital, installations, matières premières, outils, boissons, nourritures, objets rituels, costumes, danses, musiques, instruments musicaux, etc.) les chercheurs doivent identifier la fonction, le significat et la personne ou institution responsable pour la provision. Les activités menées après l’expression culturelle inventoriée est aussi prise en compte, tel que le nettoyage du lieu où l’activité s’est déroulée, où et qui garde les instruments et objets utilisés, entre autres.

Nous observons aussi une préoccupation en ce qui concerne la dimension économique de cette activité culturelle. Ainsi ces formulaires cherchent l’identification des produits ou résultats de l’expression inventoriée, en déterminant la quantité produite ; le public, la clientèle et la relation qu’ils ont avec le bien ; et l’importance de l’activité pour le revenu de la famille de l’interviewé et pour la communauté dans l’ensemble (principale source de revenu ; source complémentaire ; ou si elle n’apporte aucun revenu). L’INRC prévoit aussi l’identification des changements inhérents à ce bien en ce qui concerne la façon de faire, les résultats, la matière-première et d’autres modifications. L’interviewé doit placer ces changement dans le temps et donner les motifs pour qu’ils soient concrets. Cette question met l’accent plus explicitement sur le caractère dynamique des biens culturels immatériels.

Ensuite, ce formulaire passe à la description du lieu où l’activité se déroule (où elle a lieu ; depuis quand elle se déroule dans cet endroit ; pourquoi ; qui est le responsable ou le propriétaire du lieu ; est-ce qu’il faut une autorisation ou est-ce qu’il faut payer pour avoir accès à cet endroit, etc.). D’autres biens culturels et informateurs peuvent être identifiés afin de placer la forme d’expression dans le contexte culturel où elle est née et où elle a son significat. Une liste des registres photographiques, audiovisuels et des bibliographies doit être présentée. Finalement, ces formulaires prévoient des espaces destinés aux recommandations des chercheurs par rapport à la nécessité d’un plus grand approfondissement des interviews, suivi de justificatifs ; un endroit destiné aux observations des chercheurs par rapport à l’interviewé et à d’autres observations. Ces parties doivent être remplies à partir des données obtenues hors de l’interview et à partir des observations personnels des chercheurs qui vont aider l’équipe à mieux comprendre les relations de l’interviewé avec l’ensemble de la communauté et avec le bien culturel répertorié.

L’organisation présentée ci-dessus est complémentée par l’insertion de ces informations dans une base de données spécialement projetée pour répondre aux besoins spécifiques de cette méthodologie et des biens sur lesquels elle travaille. Cette base de données est mise à disposition de la population. Ainsi, le langage utilisé dans les formulaires et dans les rapports doit être facile à comprendre, accessible à un large public (soit des chercheurs spécialisés, soit de simples curieux sur la thématique).

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A partir de cette présentation de l’INRC nous pouvons identifier la forte influence que cette méthodologie a de l’expérience du Centre National de Référence Culturel (CNRC), créé pendant la dictature militaire, en 1975. Ce Centre avait comme objectif la compréhension des références culturelles dans sa dynamique (production, circulation et consommation) et dans la relation avec les contextes socioéconomiques. Cette démarche a impliqué les sujets auxquels ces patrimoines étaient liés, d’abord à partir de l’idée de « retour » des résultats des recherches aux populations intéressées et, ultérieurement, avec leur participation en tant que partenaires. Malheureusement très peu de projets développés par ce Centre sont parvenus à cette étape. La majorité a vu leurs rapports gardés dans un tiroir. Les actions du CNRC sont menées sur un terrain bien délimité – une pratique spécifique dans une région définie – et dont le but de est de documenter et comprendre cette activité, pour fournir des bases à des éventuels projets d’appui. La nouvelle méthodologie élaborée par l’IPHAN semble aussi avoir hérité de la prétention du CNRC de vouloir croiser le monde avancé de la technologie et de l’industrie avec le monde des traditions populaires et le savoir-faire artisanal. L’INRC, ainsi que les actions du Centre National de Référence Culturel, cherche à utiliser les ressources des technologies modernes pour protéger les racines authentiques de la nationalité, ayant pour but de fournir des indicateurs pour un développement approprié.

Il faut prendre en compte que dû à la nature spécifique des biens culturels immatériels l’application de questionnaire tel que celui présenté par l’INRC ne semble pas la façon plus adaptée d’obtenir des informations. Les cultures orales ne suivent pas une logique directe et linéaire, comme ce genre d’instrument. La mémoire est disperse et les liens entre les faits suivent des chemins propres, difficilement appréhendables par un formulaire. De plus, le temps de l’interviewé doit être respecté. Autrement dit, l’interview doit être fluide, afin que les informateurs se sentent plus à l’aise face à cette intervention externe. La recommandation du manuel de l’INRC quant à l’utilisation d’ordinateurs pendant les interviews et les terrains, pour que le remplissage des formulaires commence sur place et que la pertinence des données obtenues puisse être vérifiée face aux demandes de l’INRC, ne nous semble pas être en accord avec une démarche qui porte sur une culture orale.

Dans le cas de l’inventaire des cocos, l’équipe a décidé que la meilleure façon d'adapter la méthode à la réalité des cultures populaires, était de ne prendre pas les questionnaires comme des modèles figés qui doivent être suivis de façon rigide, mais bien comme un guide, une base sur laquelle les interviews seront menées. Néanmoins, le fait qu’après les expériences de terrains les données obtenues doivent être insérées dans les fiches (F40) qui sont, à sa place, basé sur le questionnaire (Q40), pose une série de problèmes. D’un coté parce que les interviews n’ont pas toujours réussi à avoir toutes les informations prévues dans ces formulaires. D’un autre coté, plusieurs données obtenues n’ont pas été insérées puisqu’elles n’étaient liées à aucune question ou thématique abordées par le questionnaire ou par la fiche. Ces informations doivent donc être ajoutées au texte ethnographique résultant de la troisième étape du processus d’inventaire. Cependant, l’organisation et la systématisation des informations sont nécessaires. Les données prévues par le questionnaire peuvent être perçues

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comme des indicateurs par lesquels les spécialistes de l’IPHAN vont pouvoir analyser la pertinence d’une demande de registre. Alors, l’équipe ne doit pas se limiter aux informations prévues par cet instrument. Néanmoins elles doivent être la base des inventaires.

Nous pouvons alors observer quelques difficultés posées par la méthodologie utilisée par l’IPHAN. Pourtant, le manuel d’application de l’INRC reconnait ces problématiques, conséquences, surtout, de « la complexité présente au moment de l’application d’instruments de travail académiques à une problématique qui est configurée à partir de thématiques et problèmes qui leurs sont externes » (IPHAN, 2000 : 27). Malgré ses limitations l’INRC ne vise pas à fournir une réponse formatée, mais un chemin à suivre et aussi adapté. De plus, sa plus grande contribution est l’effort de construction d’une méthode qui essaie de s’adapter au sujet de recherche, dans un contexte où la tendance est justement le contraire. Néanmoins, comme nous allons le voir ensuite, les problématiques présentes dans un processus d’inventaire, tel que celui des cocos, ne sont pas uniquement liées à la méthodologie de l’INRC. Avant même la mise en place de cet instrument, de nombreuses contraintes se posent et ont des conséquences sur les démarches ultérieures de l’inventaire.

2.2 Les cocos comme référence culturelle nationale

Les cocos sont une manifestation culturelle qui comprend le chant, la musique et la danse et qui est très présente surtout dans la région Nord-est du Brésil. Comme pour toutes les manifestations culturelles populaires, pour les cocos aussi il est difficile de préciser ses origines. En général elles remontent à des traditions immémoriales, transmises de génération en génération et sans registres écrits. Toutefois, les traces identifiées pendant l’inventaire datent du XVII siècle. Il y a ceux qui défendent que cette manifestation a été apportée au Brésil par les esclaves africains et qu’elle existait déjà en Afrique. La théorie plus acceptée, néanmoins, est que les cocos sont un résultat de la rencontre entre des manifestations africaines et indiennes au Brésil.

José Aloisio Vilela, il y a cinquante ans, a précisé la ‘naissance’ de cette expression culturelle au Quilombo de Palmares, le plus grand groupement d’esclaves en fuite du Brésil (AYALA, 1999). Ce quilombo a existé entre 1605 à 1694, dans l’intérieur de l’état d’Alagoas, du Nord-est brésilien et qui hébergeait, dans les dernières années d’existences, plus de onze mille esclaves. Dû à son accès difficile, surtout au portugais, ces esclaves ont eu un grand contact avec les indiens de la région. Le nom cocos, selon cet auteur, vient du rythme que produisaient les esclaves quand ils cassaient les fruits cocos pour enlever la noix. Quant à elle, Maria Ignez Ayala, souligne dans un article de 1999 la précarité de cet argument qui manque de preuves et des indices historiques plus fort. Selon cette auteur les cocos peuvent être liés à la construction des maisons de boue. Les voisins étaient appelés pour aider à battre le sol de terre, ce qu’ils faisaient avec les pieds, en dansant. Le pas de base de cette expression culturelle rappelle, ainsi, ce mouvement. Cette coutume, considérée comme disparue, a été identifié par l’équipe de l’inventaire en plein XXIème siècle dans un petit village de l’intérieur de l'Etat de Pernambuco. Là bas, la danse est appelée tebei et est considérée comme un type

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de coco. Il n’y a pas d’instrument et l’accompagnement musical est produit par le son des pieds qui battent au sol et par le claquement des mains. Un autre facteur qui renforce la théorie qui lie les cocos à l’activité de construction de maisons de boue est le fait que jusqu'à aujourd’hui plusieurs paroles chantées dans cette manifestation culturelle évoquent cette activité, même si elle n’est presque plus présente actuellement. Pendant l’inventaire, néanmoins, plusieurs théories de différents participants des cocos ont été identifiées et aucune conclusion définitive n’a été rencontrée.

2.2.1 Les cocos : une expression culturelle plurielle

Le nom cocos est utilisé au pluriel depuis les années 1920, quand Mario de Andrade18, écrivain et chercheur sur la culture populaire brésilienne, a fait ses premières études sur le sujet et a observé l’existence de différents types et variations d’une même expression culturelle (AYALA (dir.), 2000). Cette multiplicité commence déjà dans les divers noms que cette manifestation peut avoir : coco, coco-de-roda, coco de tebei, coco de zambê, coco furado, coco de embolada, samba de coco, sambada et, dans quelques endroits, mazurca. Le nom samba, par contre, est synonyme de n’importe quel divertissement populaire avec musique et danse du Nord-est. Nous ne devons pas confondre donc la samba, genre musical qui tient son origine à Bahia, avec les cocos, même si les deux manifestations semblent dialoguer et avoir des origines très proches. Nous pouvons parler de la variété des cocos aussi sur l’angle géographique : les cocos du Maranhao, d’Alagoas, de Paraíba, du sertao, de la zona da mata etc., puisqu’il est présent dans tous les états du Nord-est et dans une partie du Nord, ayant des différences entre les expressions rencontrées dans les différentes régions et dans les différents états.

Nous pouvons encore faire la différentiation entre le coco dansé, plus connu comme coco de roda, et celui chanté, aussi appelé coco d’embolada. Ce dernier type de coco n’a pas de danseurs. Il est composé de deux chanteurs, accompagnés d’un tambourin, qui se lance des défis en chantant des vers. A travers ces vers le chanteur, appelé conquista, fait des plaisanteries et essaye de diminuer son rival. Le deuxième chanteur doit ainsi répondre à ces verses dans le même sens de moquerie. Parfois ils s’adressent aussi au public. Ce genre de coco a suivi les courants de migration et est, aujourd’hui, facilement rencontré dans les grands centres urbains du Sud-est du pays, où de nombreux conquistas du Nord-est essayent de gagner leur vie avec leur culture.

Malgré cette forte présence du coco d’embolada hors de la région où les cocos sont nés, cette manifestation est encore beaucoup liée à la danse. Ainsi, nous entendons souvent parler de la danse des cocos. Une fois de plus il faut utiliser le pluriel, puisque, comme nous l'avons déjà dit, les chorégraphies sont très variables. Nous pouvons parler de quelques types de danse des cocos, tel que le coco de roda, le coco solto, le coco furado et le coco de tebei, déjà cité. Dans le premier cas, le plus diffusé, les danseurs sont en cercle. La plupart du temps, les

18 Mario de Andrade a été aussi le responsable des premières réflexions sur le patrimoine immatériel dans les politiques publiques culturelles au Brésil, pendant les années 1930. Même si à l’époque le gouvernement a ignoré ses propositions et a mis en place un modèle dirigé uniquement vers le patrimoine de nature matérielle, ses idées ont été la base pour toutes les politiques patrimoniales ultérieures.

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danseurs tournent vers la personne à leur côté, à gauche et à droite. Parfois, le cercle doit être formé par un nombre pair de participants, pour que personne ne reste sans partenaire lors qu’ils tournent. Ils peuvent également danser main dans la main.

Dans de nombreuses manifestations des cocos de roda il y a une personne ou un couple qui dansent au milieu du cercle. Ces personnes au centre échangent leur place avec d’autres qui sont dans le cercle tout au long de la danse. Dans le coco solto, différemment, les participants dansent librement, les mains libres, sans être nécessairement en cercle. Des fois ils dansent en paires. Le coco furado, quant à lui, n’est pas très connu et n'est rencontré que dans très peu de communautés. Les participants forment un cercle. Ils accompagnent la musique avec des petits pas. Quelqu’un va au centre du cercle et propose un défi à un autre danseur. Celui-là doit aller au centre du cercle, faire quelques pas pendant quelques minutes et passer le défi à un autre danseur. Parfois les deux danseurs sont ensemble au milieu du cercle et la danse semble être mélangée avec la lutte. Cela évoque les pas de capoeira. Ce genre de coco est dansé plutôt par les hommes. Dans le dernier cas, le coco de tebei, les participants dansent en paires, mais ils ne sont pas en cercle.

Il y a encore des pas spécifiques rencontrés dans des régions ou dans des communautés précises, tel que le tropel, quand le danseur tape des pieds fortement sur le sol de façon très rapide, en faisant de petits pas ; et l’umbigada. Ce pas, d’origine africaine du peuple bantu, consiste à battre le nombril dans le ventre d’un autre danseur, comme signe d’invitation pour qu’il danse au milieu du cercle. Ce pas est très présent dans différents danses d’origine africaine. Toutes ces différentiations peuvent être pensées à partir de l’interdépendance entre danse et personnalité, développée par Kurath, qui défend que chaque culture a une manière spécifique de danser19. A partir de cette perspective nous pouvons penser que les différents groupes de cocos au Nord-est partagent une même identité commune, qui les rassemble autour d’une même manifestation culturelle. Par ailleurs, chaque groupe a des traces de différentiations, qui renforcent leur identité et leur singularité par rapport aux autres.

La danse des cocos est aussi accompagnée d’un groupe de musiciens et d’un chanteur. Ce chanteur, appelé conquista, chante un vers ou une strophe à laquelle le groupe de danseurs répond avec un refrain, appelé réponse, que le conquista leur apprend au début de la chanson. Ainsi, les cocos sont toujours structurés à partir de ce modèle de vers/réponses.

En ce qui concerne les instruments utilisés nous pouvons aussi observer des variations. Le tambourin, par exemple, est presque obligatoire dans le Pernambuco, puisqu’à Paraíba il n’est presque jamais présent. Néanmoins, la zabumba et le ganza sont souvent présents dans toutes les régions. Le premier est une sorte de tambour confectionné à partir de planches de bois collées avec des veines de métal cylindrique, plutôt rondes. Les deux extrémités sont couvertes avec du cuir tendu et la mise au point de la sonorité est faite par l’échauffement du cuir. Sa sonorité grave est utilisée surtout pour marquer le temps et le rythme des musiques.

19 ANDRIEU. Le spectacle des traditions : analyse anthropologique du processus de spectacularisation des danses au Burkina Faso, 2009 : 36.

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La ganza, d’autre part, est un instrument petit, une espèce d’hochet fait de métal et de format cylindrique. Ces deux instruments sont faits artisanalement, même si aujourd’hui des matériels pour les faire sont achetés dans des magasins, comme le cuir, qui est souvent acheté et non préparé maison. Dans le cas du ganza, qui possède une structure simple, les communautés se débrouillent souvent avec ce qu’ils ont en mains. La zabumba, de son côté, est plus complexe et demande un savoir précis pour sa confection. Pendant l’inventaire ont été identifié des communautés qui avaient arrêté de danser la danse des cocos du au manque de cet instrument, puisque le zabumbeiro20 était décédé et l’ancien instrument était cassé. Cela illustre un peu l’importance que la zabumba a pour cette manifestation culturelle. Il existe également d’autres instruments, comme le bumbo, qui est une espèce de zabumba, mais plus grand et plus grave ; et le tarol, qui est un tambour plus petit et plus fin. Dans certaines régions, nous observons encore un autre genre de coco, appelé coco de zambê ou coco de pau furado. Cette variation présente d’autres instruments, des tambours fabriqués à partir de troncs d’arbres creux à feu. Par contre, la fréquence de ce dernier genre de cocos est très rare.

Il n’y a pas de vêtements précis spécifiques pour danser ou pour participer à la brincadeira. Normalement les gens dansent pieds nus ou en sandales. Dans certaines présentations les femmes utilisent de longues jupes évasées et les hommes revêtent des pantalons avec une chemise. Les cocos sont une manifestation qui implique le peuple. Ainsi, pendant les présentations, le public est souvent invité à se joindre au cercle et au groupe de danseurs. Quand la personne ne sait pas danser, un des danseurs lui donne la main pour qu’elle puisse accompagner les pas et le rythme de la musique.

Il faut remarquer que, même si les musiciens dansent aussi, ils ont un rôle précis dans cette manifestation culturelle. Alors, chaque communauté ou chaque groupe possède son propre groupe de musicien et son conquista, qui est comme un chef. Au delà de connaître les chansons et de composer de nouvelles paroles, cette personne est souvent responsable de l’organisation des rencontres dans la communauté. Nombreuses fois les rencontres où les cocos on lieu se font chez le conquista. Traditionnellement les cocos sont dansés sur un terrain de terre battue devant la maison d’un participant. La personne qui offre la maison en général offre aussi à manger et à boire. Parfois ils vendent des boissons. La cachaça21 est presque obligatoire. Auparavant, la plupart des communautés avait une structure circulaire où plusieurs maisons étaient construites sur un terrain commun. Dans ce terrain il y avait le four à bois, aussi d’utilisation communautaire. Aujourd’hui une partie des communautés rurales et de banlieue maintiennent ce terrain et son caractère de lieu de rencontre. Cependant, et surtout dans le milieu urbain, cet espace a été remplacé par d’autres endroits communautaires, tels que des associations, des salons d'églises ou même dans la rue. Il faut prendre en compte que souvent les conquistas ou quelqu’un du groupe fait partie des associations communautaires qui sont dirigées vers la culture. À cette occasion, ils exercent la fonction de

20 Nom donné à celui qui sait confectionner la zabumba. 21 Alcool fait à partir de la canne-à-sucre qui est très consommé dans les fêtes populaires du Brésil.

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directeur de ces établissements. Le conquista est ainsi, là plupart des fois, le représentant du groupe de cocos et une figure forte dans la communauté en générale.

En ce qui concerne les paroles, elles peuvent avoir différentes thématiques. Normalement elles abordent des situations du quotidien : travail, religion, amour, des éléments de la culture populaire et de la vie dans la campagne, ainsi que la propre manifestation des cocos. Les paroles peuvent êtres longues ou très courtes, mais toujours suivant la structure citée avant, c'est-à-dire, vers et réponse. Les cocos sont une tradition orale et, par conséquent, les paroles des chansons sont transmises entre les générations par la pratique, à travers de la propre expérience et du contact entre le conquista et l’apprenti. Cette caractéristique fait que de nombreuses paroles aient disparues ou aient été oubliées, au même temps que permet qu’une même chanson ait plusieurs variations dans différents locaux.

Les cocos n’ont pas une date fixe pour être réalisés. Par contre, ils sont très liés aux fêtes des saints du mois de juin et juillet, tels que Saint Pierre, Saint Jean et Saint Ana. Même si la musique typique de ces fêtes est le forro, cette expression est toujours très présente. Il y a des communautés qui organisent un rituel le soir du 23 juin, quand les cocos sont dansés et chantés toute la soirée, jusqu’au matin, quand les participants vont se baigner dans une rivière, où ils lavent leur mal. Néanmoins, dans deux cas identifiés, soit le bain n’est plus présent dans ce rituel soit il ne se passe plus dans la rivière, mais dans une fontaine au centre du village, puisque ces sources d’eau sont polluées. L’inventaire a aussi identifié une relation entre les cocos et les neuvaines à différents saints de l’église catholique et aussi la présence de cette expression culturelle dans le paiement de promesses. Ils peuvent apparaître après ces rituels, comme partie de la fête que suivent ces rites religieux ou ils peuvent faire partie même du rite. La religiosité populaire est très présente dans les paroles dans toutes les régions où les cocos sont rencontrés.

Néanmoins, la relation des cocos avec la religion n’est pas réservée au catholicisme populaire. Cette expression culturelle a aussi une forte présence dans les religions de matrice africaine et indienne, tel que le candomblé, l’umbanda, la jurema22 et le toré23. Les entités qui descendent et incorporent pendant les rituels aiment bien s’amuser en dansant les cocos. Il est coutume offrir ce genre musical à ces esprits. Beaucoup de conquistas et de participants des groupes de cocos font partie de ces religions et de nombreuses paroles évoquent des éléments de ces cultes. Il y a même des cocos spécifiques pour quelques entités.

Aujourd’hui les cocos sont rencontrés dans différents endroits : dans les banlieues des grandes villes, dans les communautés quilombolas, des communautés indiennes, dans la campagne et dans les quartiers de quelques capitales. Malgré cette variété de lieu, les participants de cette expression culturelle ont un profil commun : ils sont majoritairement noirs ou des indiens,

22 La jurema est un rituel indien à la base, où les participants boivent une boisson faite à partir d’une plante du même nom. Actuellement cette activité est très liée à l’umbanda où des aspects religieux des rituels indiens se mélangent avec la religion afro-brésilienne. 23 Danse rituelle indienne typique des ethnies du Nord-est du Brésil, ayant un caractère mystique. Dès fois il se mélange avec la jurema.

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âgés, pauvres et de basse scolarité, dont une grande partie analphabète. Ce sont plutôt des groupes exclus socialement et économiquement.

Les cocos sont aussi rencontrés dans différentes situations : il existe des communautés où cette expression culturelle n'est présente qu’à travers de la mémoire des personnes plus âgées. Pourtant, dans de nombreux cas comme cela, nous pouvons trouver des personnes qui cherchent d’autres groupes dans les communautés voisines et qui participent à leur brincadeira24. Il y a des endroits où nous pouvons rencontrer un conquista et les musiciens, mais où il n’y a plus de danseurs. Dans ce cas, le groupe va jouer dans d’autres villages. Il y a des situations où les cocos sont devenus un compromis, où il y a des répétitions avec des jours et des heures fixés. Néanmoins, dans les cas observés, les répétitions ont un caractère de fête, de moment de partage, où le groupe renforce ses liens sociaux. Ainsi, le changement du caractère « spontané » de la brincadeira ne semble pas signifier forcément une modification dans son rôle et dans la manière dont la communauté conçoit cette tradition. Il y a encore des endroits où cette manifestation se maintient comme principale forme de divertissement dans différentes situations où la communauté se rencontre, comme étant une partie du quotidien du groupe. Le maintien du caractère informel de la réalisation des cocos dans ces communautés n’empêche pas qu’elles réalisent des présentations dans des fêtes et dans des festivals dans différentes villes.

Il est pourtant compliqué de parler d’un processus de mise en spectacle des cocos, même s’il y a des « délocalisations de cette manifestation culturelle sur une échelle plus vaste que dans le contexte villageois » (ANDRIEU, 2009). Cela est dû au fait que pendant les présentations les cocos maintiennent une certaine informalité, propre aux cultures populaires : une bonne présentation ne dépend pas de la mémorisation parfaite des pas ou des paroles, mais de la plus grande participation du public. Ainsi, pendant que le groupe de musiciens et le conquista sont placés sur scène, les danseurs sont toujours au sol, de façon à permettre que le public danse avec eux. Il faut remarquer que ces présentations se passent plutôt dans des places publiques, qui permettent cette disposition. Dans la seule présentation observée dans un théâtre le groupe a fini par descendre de la scène et le public s’est levé pour danser.

Il y a, quand même, des groupes appelés « para-folkloriques » dont l'objectif est la mise en spectacle des cocos pour un public étranger. « Les éléments originaux sont transplantés du contexte local et réorganisés scéniquement, par des sujets spécialisés qui ont le spectacle comme but professionnel. » (TEIXEIRA et al (dir.), 2004: 119). Ces groupes sont formés par des personnes qui ne font pas partie des communautés où les cocos sont rencontrés originellement, tels que des étudiants universitaires et des passionnés de la culture populaire. Cette pratique, de plus en plus courante à partir de la valorisation des cultures populaires dans les dernières années évoque plusieurs questions. Au-delà de l’opposition entre folklore et folklorisme, ou revivalisme, la problématique posée par ces groupes est d’ordre politique. Les

24 Le terme brincadeira est utilisé pour désigner la pratique de la danse des cocos. Elle fait référence à la danse, au chant et à la musique et aussi à toute l’ambiance autour qui fait partie de cette expression culturelle. Le verbe utilisé pour designer l’action de participer à cette manifestation est brincar et le nom donné à ceux qui participent de la brincadeira est brincante.

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participants des ces groupes, ayant un plus grand accès à l’information et à la technologie, finissent par avoir un plus grand accès aux aides du gouvernement à la culture populaire et aux contrats de présentations, face aux communautés porteuses de ces biens. Ainsi, à la place de constituer un moyen de renforcement de ces cultures, les groupes para-folkloriques figurent comme un rival auquel les communautés doivent faire face dans une dispute pour une place dans les politiques culturelles, dans le tourisme et pour la reconnaissance du public.

Néanmoins, selon Elizabeth Travassos, la présentation d’une manifestation culturelle populaire n’est pas une simple question d’apprendre les pas, la musique ou les paroles. « L’enjeu est l’absorption d’un ethos communautaire et festive qui est opposé au standard des relations présentes dans le monde professionnel des spectacles. » (TEIXEIRA et al (dir.), 2004: 112). Cet ethos communautaire ne serait pas « appris » ou absorbé à partir des répétitions. Nous ne voulons pas, néanmoins, faire une opposition entre ces pratiques, souvent considérées comme « inauthentiques » et les manifestations culturelles présentes dans les communautés, perçues dans cette perspective comme « danses ethniques pures », par rapport auxquelles les premières seraient des versions frelatées (ANDRIEU, 2009 : 46). Il faut quand même souligner les différences entre ces deux pratiques. Ainsi, au-delà des différences du profil des participants et du contexte dans lequel les cocos se déroulent, il faut souligner le différent rôle de cette expression culturelle dans la vie de ces groupes. Si d'un côté ils sont perçus comme un moyen de revenus ou même de recherche d’une identité, d’autre part ils sont un but en soit. Le renforcement identitaire et des liens sociaux représentent une simple conséquence, dérivée de son caractère symbolique.

Les cocos n’apparaissent ainsi pas seulement comme une danse accompagnée de chant et de musique. Cette manifestation culturelle est un ensemble et joue un rôle très important dans la vie communautaire. Plus que le moment de fête où ils sont présents, les cocos sont synonymes de moment de partage d’un savoir et d’une histoire commun au groupe. Ainsi, les enfants grandissent dans une ambiance dans laquelle les cocos font partie. C'est avec leurs parents ou leurs grands parents qu’ils vont commencer à apprendre à danser, à jouer un instrument et à chanter les paroles. Néanmoins, il y a des endroits où les cocos ne sont pas permis pour les plus jeunes. La danse a, dans quelques communautés, un caractère sensuel et elle est toujours accompagnée de beaucoup d’alcool.

2.2.2 Les cocos et l’identité nationale

L’importance des cocos dans la formation identitaire des différents groupes est aussi illustrée par le fait qu’ils se présentent souvent liés à d’autres manifestations culturelles. D’une part, cela peut être perçu par le fait que de nombreux participants des groupes de cocos font aussi partie d’autres pratiques de la culture populaire du Nord-est. D’autre part, les cocos ont souvent lieu dans des contextes tels que des rituels religieux, comme déjà cité. De plus, ils se trouvent presque toujours liés à la ciranda, une autre manifestation populaire qui implique la danse, la musique et la poésie et qui suit les mêmes principes que les cocos. La majorité des fois les conquistas mélangent ces deux genres qui ont comme principales différences le

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rythme (la ciranda est plus lente) et la façon de danser (la ciranda est dansée en cercle, mains dans les mains, avec un mouvement vers le centre du cercle). La ciranda est souvent associée à une pause, un moment de repos dans la brincadeira. Au contraire des cocos, la ciranda est perçue comme une danse ‘naïve’ où tout le monde, de tous les âges peut participer.

Pendant les années 1920 Mario de Andrade a élaboré la première recherche sur les cocos au Nord-est du Brésil. A partir de cela, plusieurs artistes, chanteurs, compositeurs et interprètes ont fait allusion à cette manifestation populaire dans leurs musiques. Le genre musical embolada est apparu dans le milieu urbain, mais il semble que, malgré le nom, il n’a pas de relation avec le coco d’embolada. Aujourd’hui le rythme des cocos est réapproprié par des groupes musicaux urbains, qui le mélangent avec d’autres genres. Des chants des conquistas sont enregistrés pour être remixé et intégré à des musiques électroniques. Comme nous pouvons l'observer, il existe une réappropriation de cette manifestation par l’industrie culturelle. Les cocos sont perçus par la classe moyenne des intellectuels et artistes comme une des racines de la culture brésilienne et de la musique populaire nationale. Néanmoins, les cocos présents dans les communautés, avec ses caractéristiques propres à la culture populaire, sont encore très liés à l’image d’une chose dépassée, de vieux, de noirs et de pauvres. r. Une image à laquelle les jeunes générations veulent échapper Nier leur culture devient ainsi un moyen de nier cette condition d’exclusion dans laquelle cette culture est née. Ainsi, dans de nombreuses communautés visitées pendant l’inventaire il a été observé une faible participation et un faible intérêt des jeunes vers les cocos.

Les cocos se présentaient, à l'origine, comme une danse traditionnelle tel que définie par Bouchon et Le Moal, c'est-à-dire : une danse diversifiée, chaque région développant ses propres formes. L'expression d’une communauté, elle concerne l’ensemble du groupe, même si elle peut, à l’occasion, « isoler » certains membres : jeunes gens, jeunes filles, hommes, femmes, couples. Elle est accompagnée de chant ou de musique jouée avec des instruments traditionnels. Étroitement associée aux divers moments de la vie quotidienne, elle n’exige pas de circonstance particulière, et revêt donc tour à tour diverses fonctions : divertissement, travail, rituel magique, élément d’une cérémonie voire spectacle. Elle est transmise directement d’une génération à l’autre, oralement ou par imitation. (ANDRIEU, 2009 : 48). Cette perspective, néanmoins, est très attachée à une idée de communauté isolée. Cela ne correspond plus à la réalité rencontrée dans les communautés porteuses des cocos qui sont, actuellement, en plein contact avec plusieurs facteurs de la modernité. Ces facteurs peuvent être perçus comme des obstacles ou même des menaces à la manutention de cette activité traditionnelle ou, comme défend l’actuelle politique culturelle du Brésil, peuvent être utilisés à son faveur. Pour cela, pourtant, il est nécessaire un changement de l’image que les nouvelles générations font des cocos. Pour que ce changement soit durable il faut une modification encore plus profonde, qu’arrive à enlever ces communautés de la position stigmatisée dans laquelle elles se trouvent.

A partir de cette brève description nous pouvons reconnaître la force nationale des cocos pour la mémoire, l’identité et la formation de la société brésilienne. Cela est dû à son importance,

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surtout, pour deux groupes formateurs de la nation du pays : les noirs et les indiens. Les cocos remplissent aussi les caractéristiques nécessaires pour être une priorité entre les inventaires, puisqu’ils sont rencontrés prioritairement dans des communautés descendantes de noirs et d’indiens, historiquement exclues, localisées dans des lieux peu touchés par les politiques publiques. En plus, même si actuellement il est difficile de dire que cette manifestation est en péril, il faut reconnaître qu’elle rencontre un mouvement d’affaiblissement en ce qui concerne sa présence au sein des communautés. Il existe également un mouvement de reconnaissance de cette expression culturelle en dehors des groupes où elle est rencontrée, à travers son insertion dans des présentations et festivals et de son appropriation par des artistes reconnus dans l’industrie culturelle. Pourtant, cela ne semble pas représenter une tendance pareille au sein des communautés, encore très marquées par le préjugé et par l’exclusion dont elles ont toujours soufferts.

Les cocos semblent, donc, remplir tous les critères nécessaires pour être considéré comme une référence culturelle nationale et être sujet d’un inventaire pour son registre conséquent comme patrimoine immatériel national. En 2009 l’IPHAN décide, alors, de mener les études nécessaires pour l’inscription des cocos dans le livre des expressions culturelles.

2.3 Une analyse des démarches préalables de l’inventaire des cocos du

Nord-est du Brésil

Dans cette partie nous allons présenter quelques décisions qui ont été prises avant la mise en place de l’inventaire des cocos, en essayant de faire une analyse critique sur les contraintes présentes pendant chaque décision et les conséquences des choix faits sur les démarches de l’inventaire du bien culturel immatériel. Avec cette réflexion nous essaierons de montrer les difficultés rencontrées lors du rencontre entre deux réalités : celle d’une politique culturelle basée sur l’idéal de démocratie culturelle, et le contexte pratique, fondé dans la bureaucratie, dans les inégalités et dans les relations personnelles. Nous pouvons alors identifier trois questions qui impliquent des décisions préalables au début de l’inventaire: le choix du bien à être enregistré, la délimitation du territoire où ce bien sera enregistré et le choix du partenaire local, responsable pour la mise en place de l’inventaire.

2.3.1 Les cocos comme patrimoine immatériel : un choix politique

Selon l’article de Jean-Yves Boursier présent dans l’ouvrage de Bonniol, la présentation des objets dans un musée illustre en réalité un propos sur le présent. La même chose peut être pensée sur les choix des biens de nature immatérielle qui seront objets de registre. Cette décision aussi cherche un passé utilisable, qui puisse légitimer des stratégies politiques ou identitaires (BONNIOL, 2004). La décision de mener un inventaire constitue ainsi une décision plutôt politique.

Comme nous avons déjà énoncé, le choix du gouvernement Lula en ce qui concerne le patrimoine immatériel est de le comprendre comme un ensemble. Autrement dit, les politiques de registre ont comme objectif d'inventorier le plus grand nombre de biens de

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nature immatérielle qui puissent être considérés comme patrimoine national dans les différentes régions du pays. Cette décision renforce l’idée de démocratisation de la culture, puisqu'elle cherche à insérer de façon active des régions et des communautés, jusqu’à maintenant éloignées des politiques publiques nationales, comme dans la région Nord et Nord-est et des groupes comme les indiens et les afro-brésiliens. Ces initiatives semblent avoir un caractère de compensation envers ces communautés qui ont vu leurs cultures opprimées pendant longtemps. Néanmoins nous ne pouvons pas tomber dans le piège d’une idée de politique culturelle faite pour ces groupes et par eux. D’abord parce que l’Etat lui aussi a des intérêts au registre de ces biens : la visibilité internationale, la reconnaissance auprès des organismes tels que l’UNESCO, de potentiels investissements dans le pays et l’incitation au tourisme sont quelques motivations que nous pouvons citer25. Deuxièmement, la participation de ces groupes dans les processus d’inventaire et du registre peut être relativisée, comme démontré par la suite.

Comme nous l'avons déjà remarqué, la prise de décision sur quel bien immatériel répertorier est basée sur le concept de référence. Pour que cela ne soit pas une imposition externe, il faut la reconnaissance des communautés de l’importance de ce bien pour sa construction identitaire. Néanmoins, dans le cas des cocos, ce choix a été fait par l’IPHAN. C’est donc cette institution qui, à partir des quelques donnés préliminaires, a décidé que cette expression culturelle serait une référence pour la nation brésilienne. A partir de cette décision l’Institut a cherché un partenaire local pour mener l’inventaire, qui a commencé en février 2009. C’est pendant les recherches de l’inventaire que les communautés cibles ont pris connaissance du processus et de ses conséquences. Face à ce contexte d’initiative externe et envisageant l’engagement des groupes porteurs du bien en question, une demande officielle a été élaborée par les responsables de l’inventaire avec le Département du Patrimoine Immatériel (DPI) de l’IPHAN. Cette demande a été lue et discutée avec des représentants des cocos de différents états du Nord-est, qui l’ont signée à l’occasion de la Première Rencontre des Cocos du Nord-est26, en décembre 2009. Ce document a été envoyé à l’IPHAN et a servie, ainsi, comme justificatif de l’inventaire, même si cela avait déjà commencé dix mois auparavant.

Nous pouvons observer une inversion dans les démarches de l’inventaire et du registre dans le cas ici analysé. Cette inversion a aussi été identifiée dans le registre de la samba de roda de Recôncavo de Bahia, mené en 2004, qui a été une initiative du Ministère de la Culture. Cette inversion implique de nombreuses conséquences dans les procédures d’inventaire, de registre et de sauvegarde. Tout d’abord, cela impose une extériorité du processus par rapport aux groupes cibles. Cette extériorité peut impliquer une vision de l’inventaire et du registre comme des actions propres à l’Etat, où ces communautés sont de simples bénéficiaires et non comme un acteur qui fait aussi partie de la construction de ces actions. A partir de cette conception l’Etat est perçu comme un « bénévole » qui a décidé de répertorier et sauvegarder 25 Il est intéressant de penser ici le fait que l’IPHAN demande une autorisation pour l’utilisation non-commerciale de sons et images de toutes les personnes et groupes participants aux inventaires. Ce matériel serait utilisé dans la promotion du bien. Par contre, une fois que cela est fait par une institution nationale, cette promotion est élargie à tout le pays. 26 Cette rencontre a été une initiative de l’ONG responsable de l’inventaire, en partenariat avec le DPI et l’IPHAN. Nous allons encore revenir sur son rôle dans l’inventaire des cocos.

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le bien culturel en question. Le caractère externe du processus de l’inventaire peut, ainsi, aboutir sur des problèmes dans l’appropriation des actions de sauvegarde par les communautés, qui peuvent acquérir une position passive devant le projet27. Cette possibilité est encore plus forte si nous prenons en compte le fait que le Brésil et la région Nord-est, plus spécialement, garde un fort héritage de politiques de faveurs, qui impliquent la présence de l’influence personnelle dans les décisions politiques.

Nous pouvons ainsi nous rapporter au début de la république brésilienne, à la fin du XIXème siècle, pour trouver les racines de cet héritage. A l’époque, le pays, encore essentiellement rural, avait une politique dominée par les grands propriétaires terriens. Ces propriétaires avaient de nombreuses familles qui travaillaient pour eux, surtout des noirs. Avec un salaire misérable, exclues des politiques de l’Etat et sans avoir leurs droits reconnus ces familles étaient obligées à compter sur la ‘bienfaisance’ de ces propriétaires pour avoir accès à l’éducation, à la santé, etc. Au delà de ses terrains, le pouvoir de ces propriétaires était renforcé par les autorités locales, puisque c’était à eux de décider les personnes qui allaient occuper les postes publics. Cette structure a été en partie surmontée, surtout avec l’urbanisation et l’industrialisation du pays. Néanmoins, de fortes traces sont encore présentes, soit dans la structure de l’Etat (il est encore récurrent d'indiquer certaines personnes pour tel ou tel poste public), soit dans la perception que les groupes historiquement exclus ont de l’Etat (des fois il semble que l’Etat a simplement remplacé le rôle de l’ancien propriétaire rural, puisque la structure de pouvoir et la position de ces groupes ne semblent pas avoir beaucoup changée). Ainsi, les groupes aujourd’hui reconnus comme principaux porteurs de la culture populaire du pays ont été, pendant des siècles, exclus des processus décisionnaires du pays et des politiques publiques28. Même si le pays est en train de passer par plusieurs changements dans ces dernières années, il est possible d'observer que cet historique est très récent et, aussi, très présent, surtout dans le contexte des cultures populaires29. Le procès d’inventaire, ainsi, doit être aussi un processus de citoyenneté, où les participants des biens culturels inventoriés prennent conscience de leurs droits et de leurs devoirs comme citoyens.

Dans le cas des cocos, une partie des visites des chercheurs aux communautés où ce bien est rencontré concernait la présentation de la décision de l’IPHAN de mener un inventaire et de faire le registre de ce bien. Les chercheurs ont expliqué, à cette occasion, les conséquences de ce registre, autrement dit, l’engagement du gouvernement et des communautés afin de sauvegarder cette expression culturelle. Dans ce contexte il est possible observer que ces groupes, principaux intéressés par les politiques de patrimoine immatériel, n’ont aucune connaissance sur le sujet. Comme nous avons remarqué dans la première partie de ce mémoire, dans le contexte actuel, l’information devient un bien précieux et fondamental pour

27 Plusieurs manifestations de participants des cocos pendant le Ière Rencontre des Cocos du Nord-est ont remercié les représentants de l’IPHAN et les coordinateurs de l’inventaire pour la reconnaissance de l’importance des cocos, comme si cela était un résultat que de l’action de ces agents officiels, dont ils ne faisaient pas partie. 28 Les analphabètes, qui constituent une partie significative de ces communautés, ont obtenu le droit de voter aux élections qu’à partir de 1985. 29 Maria Ignez Ayala, dans sont article « Les Cocos : une manifestation culturelle en trois moments du XXème siècle », signale que pendant les recherches menées en 1992 un des conquistas interviewé a dit la phrase « Monsieur … est notre propriétaire », en faisant référence au propriétaire du terrain où il habitait. (AYALA, 1999 : 36)

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la construction de la citoyenneté d’un groupe. Face à cette réalité de manque de connaissance, le rôle des groupes porteurs des cocos semble être celui de simple illustration, preuves d’une idée préconçue sur le bien par les gouvernants et les intellectuels. La demande signée pendant la Première Rencontre des Cocos du Nord-est devient ainsi une formalité bureaucratique pour ce qui est de l’Etat. Pourtant, pour les représentants des cocos, l’action de signer un document officiel qui porte sur l’importance de leur culture semble acquérir un significat symbolique d’une procédure rituelle qui change imaginairement les relations de subordination existant dans la vie courante (ANDRIEU, 2009 : 157). Cette signature symbolise pour eux, donc, leur reconnaissance comme des interlocuteurs capables de dialoguer avec le gouvernement – jusque là perçu comme un agent lointain – et de participer à la politique culturelle du pays.

A partir de ces deux perspectives sur un même fait (la signature de la demande du registre), nous pouvons alors nous questionner sur les bases sur lesquelles la participation des communautés se passe pendant les démarches préalables au registre. D’une part nous avons un gouvernement qui cherche à insérer les groupes de culture populaires dans les politiques publiques culturelles, de façon à rendre ces traditions durables. Pour cela, les institutions compétentes défendent la nécessité de la participation des communautés dans les processus de décision, pour qu’elles puissent s’approprier le projet (dans ce cas, l’inventaire et la conséquente sauvegarde des cocos). D’autre part, nous avons les représentants de communautés formées majoritairement par des personnes qui n’ont pas eu l’accès à une bonne éducation, une grande partie étant analphabète. Comme lien entre ces deux côtés nous avons un document écrit, rédigé par le représentant de l’Etat et signé par les représentants des communautés.

La propre nature bureaucratique et institutionnelle de l’inventaire et du registre semble rendre difficile des initiatives de la part des communautés, qui finissent la plupart du temps par ne pas avoir le rôle d’un agent actif, comme prévu par les directives des politiques culturelles du gouvernement Lula et par la propre méthodologie de l’INRC. Marilena Chaui, dans son livre sur la citoyenneté culturelle, affirme que la bureaucratie est, par nature, contraire aux pratiques démocratiques, puisqu’elle a comme base « la hiérarchie, le secret et la routine ». Ces principes sont, à la fois, contraires à l’égalité des droits, au non distinction hiérarchique, à la pleine circulation d’information et à la constante innovation, bases d’une démocratie (CHAUI, 2006). Il existe ainsi un conflit latent entre les démarches de l’inventaire et son principe d’insertion et de participation des communautés cibles. Cela sera encore plus clair au moment de l’analyse de la méthodologie de l’INRC, réalisée ultérieurement.

2.3.2 La délimitation du territoire des cocos

Le choix du bien à être répertorié, pourtant, n’est pas la seule décision prise à priori, avant la consultation aux communautés porteuses du bien. Comme nous avons remarqué avant, le concept de référence est fortement lié au territoire. Par le fait d’être un dénombrement, l’INRC se veut complet et, pour cela, il doit suivre le critère d’exhaustivité dans ses recherches. Il doit alors être systématique, c'est-à-dire, « cohérent critères déterminés sur

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l'inclusion et l’exclusion des éléments qui devront le constituer » (IPHAN, 2000 : 28). De plus, pour répondre au critère d’exhaustivité, l’inventaire doit, au-delà de porter sur des éléments identifiables, être référé à un univers qui puisse être social et spatialement délimité. Ainsi, le procès d’inventaire porte sur un bien précis, situé dans une aire délimitée. Cette délimitation implique de nombreuses conséquences pour la sauvegarde du bien immatériel, puisqu’exclu les manifestations présentes hors du territoire établi lors de l’inventaire.

Les aires inventoriées peuvent être délimitées en raison de critères juridiques (par exemple, une aire classée), des critères sociopolitiques (un territoire associé à une ethnie) ou encore des critères thématiques (l’aire où est rencontré un bien culturel déterminé).

« Ces aires ne sont pas des catégories strictement spatiales, au sens physique du terme, mais elles correspondent à l’implantation de moyens de vie, à la perception des frontières, à l’élaboration de règles de conduite et à la création de valeurs communes. » (IPHAN, 2000 : 33).

Ces terrains peuvent encore être subdivisés en localités. Les localités aussi ne suivent pas nécessairement des critères géographiques ou politiques. Cette subdivision est nécessaire quand l’aire à être inventoriée est très large ou hétérogène. L’aire délimitée est ainsi un réseau de localités reconnues par les acteurs sociaux comme une totalité culturelle et territorialement différenciée.

Le choix est, une fois de plus, fait sur le critère de référence, c’est-à-dire, le bien présent dans le lieu inventorié aurait un caractère exemplaire face à ceux d’autres localités. Il serait comme « la référence de la référence ». La plus part des fois ce choix est basé sur les critères d’ancienneté et d’ancestralité. Autrement dit, le lieu choisi est celui qui remonte à la formation historique de l’aire et des identités locales, présentant une plus forte liaison avec l’origine du bien à être enregistré. Néanmoins, comme il a déjà été signalé, dans le cas des cultures populaires il est compliqué d’identifier l’origine précise d’une expression culturelle. De plus, les traces d’une plus forte relation avec l’origine du bien ne signifie pas, nécessairement, que le bien dans cette localité soit plus important ou plus reconnu par l’ensemble des communautés porteuses de l’expression culturelle en question. Cependant, une fois de plus la décision est prise avant une consultation auprès des groupes cibles.

Dans le cas des cocos l’IPHAN avait décidé, au début, de limiter le registre de ce bien à l’état de Pernambuco. Les critères pour cette décision, néanmoins, ne semblent pas correspondre à la méthodologie de l’INRC, puisque ce choix semble ignorer l’existence et l’importance des cocos dans de nombreux autres états et régions. Pourtant, il nous semble intéressant le fait que cet état présent une des plus fortes politiques culturelles du pays dû à l’investissement des municipalités, surtout en ce qui concerne la culture populaire. Selon une recherche menée en 2005 par l’IBGE auprès des municipalités de tout le Brésil, Recife, la capitale de Pernambuco, est la seule ville du pays à investir jusqu’à 1% de sa recette fiscale dans le domaine culturel, en accord avec la recommandation de l’UNESCO (IBGE : 2007). Le tourisme dans la capitale et dans les villages autour de Recife est très développé. De plus, l’état compte déjà

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deux autres fortes manifestations culturelles déjà reconnues nationalement et internationalement : le frevo et le maracatu. Tout cela rend à cet état une très grande visibilité, duquel le gouvernement national doit vouloir en profiter.

Ainsi, selon la directrice de l’ONG responsable de l’inventaire en question, le siège de l’IPHAN à Brasilia a, d’abord, invité un chercheur, un ethnomusicologue de l’Université Fédéral de Pernambuco, pour mener les études pour le registre des cocos. Il a été le responsable de l’inventaire de la samba de roda de Recôncavo de Bahia, en 2004 et, encore selon la directrice de l’ONG, il a de fortes relations avec la coordination de l’IPHAN. Ce chercheur, néanmoins, connaissant le travail des responsables de l’ONG Collectif de Culture et Education Milieu du Monde sur le sujet, les a indiqués comme responsables de l’inventaire30. Ces deux professeurs développent des recherches sur la culture populaire, et notamment les cocos, à Paraíba et au Nord-est, depuis les années 1980. Ils ont un riche archive, avec des vidéos, Cds et photos, au-delà de quelques publications, comme le livre Cocos : alegria e devoçao, publié en 2000, où sont rassemblés quelques articles écrits à partir d’une recherche menée en 1992 sur la situation des cocos à Paraíba.

Ces deux professeurs, à partir des donnés recueillies pendant leurs recherches, ont présenté une nouvelle proposition d’inventaire aux représentants du siège de l’IPHAN, où l’aire inventoriée est élargie à toute la région Nord-est. Ce choix remplit le critère thématique, puisque les cocos sont rencontrés et disséminés dans toute la région. Un des arguments qu’illustre le caractère global de cette manifestation culturelle est la présence des mêmes paroles dans différents endroits, apparemment sans relation. Ainsi, il semble que les cocos ont suivi les courants de migration dans le Nord-est et ont été adaptés à mesure qu’ils étaient appropriés. Le contact entre différentes façons de chanter ou de danser a fini par créer une multitude de variations d’une même expression culturelle. D’autre part, cette délimitation répond à la méthodologie de l’INRC, qui a comme but de relier l’inventaire à des unités territoriales qui présentent un degré d’articulation interne en termes de dynamique culturelle, sans être nécessairement homogènes. Ces aires doivent, donc, présenter des thématiques et problématiques communes. La région Nord-est semble, ainsi, répondre à ces prémisses.

Il faut remarquer, pourtant, que même si ce changement dans le registre a signifié un élargissement de l’aire inventoriée et, en conséquence, un plus grand nombre de groupes et communautés impliqués, cette décision a aussi impliquée l’exclusion de tous les cocos rencontrés dans des autres territoires, tels que la région Nord, où l’existence de ce bien culturel est aussi connue. Ainsi, la délimitation de l’aire où le bien sera enregistré se montre aussi une décision externe aux communautés porteuses du bien et qui implique de nombreuses contraintes, influencées par des intérêts politiques.

30 Nous reviendrons sur le procès de choix de l’équipe et de l’institution responsable pour l’inventaire des cocos et les conséquences de ce choix.

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2.3.3 Le choix du partenaire local

Finalement, nous pouvons aborder le choix du partenaire local de l’IPHAN, responsable de la mise en place de l’inventaire. Nous avons déjà identifié et caractérisé l’ONG Collectif d’Education et Culture Milieu du Monde. Nous avons aussi présenté comment le premier contact entre les deux institutions (IPHAN et ONG) a été fait. Selon des donnés officielles le choix du partenaire local est fait à partir d’un appel public de l’IPHAN. Ainsi, l’institut lance un appel où il propose le travail à être réalisé, le budget disponible, le délai dans lequel le projet doit être mené et les compétences nécessaires aux organisations candidates (infrastructure, équipe, expériences précédentes, etc.). Celles là doivent donc présenter un terme de référence, en précisant les étapes du projet, les dépenses nécessaires et l’équipe mobilisée, au-delà d’une série de documents d’ordre bureaucratique et administratif et des preuves de ses compétences et expériences.

Nous pouvons observer que le document de l’IPHAN, malgré les spécifications sur l’équipe, ne contient aucune information sur le profil du responsable de l’inventaire, c'est-à-dire, de la personne responsable pour le projet auprès de l’IPHAN. L’Institut semble donner la préférence à des professeurs universitaires déjà reconnus pour leurs recherches dans le domaine de la culture populaire31. Le choix de l’ONG Collectif de Culture et Education Milieu du Monde semble donc être plus lié au nom de ses coordinateurs – Marcos et Maria Ignez Ayala – qu’à l’institution en elle même. En outre, comme nous avons déjà remarqué, même s’il a eu un concours public, cela a été une simple bureaucratie, pour répondre à une démarche administrative obligatoire, sans valeur empirique. Il semble que le choix sur qui allait mener l’inventaire a été pris lors de la décision sur le bien à être répertorié, puisque la décision tout au début a été d’inviter un chercheur déjà connu par l’Institut. Nous pouvons alors remarquer que malgré la tentative de rendre le procès d’établissement de partenariat avec une institution de l’Etat transparent, la démarche de concours n’est pas toujours libre d’influences personnelles et de relations de connaissances32.

L’ONG choisie comme partenaire local a été, en effet, le résultat du choix de deux chercheurs. Son statut comme organisation non gouvernementale ne semble pas, dans un premier moment, avoir eu un rôle important dans le procès de décision. Nous pouvons, néanmoins, nous demander quel est le rôle de ce partenaire local. Pourquoi actionner une organisation locale quand l’Etat a une représentation de l’IPHAN dans chaque état du pays ? Selon Fonseca, « Les intellectuels qui sont directement ou indirectement liés à une politique de préservation nationale ont le rôle de médiateurs symboliques » (FONSECA, 2005 : 22). Nous pouvons penser la position de l’ONG par ces mêmes termes, surtout parce qu’elle représente deux intellectuels. Comme médiateur elle doit donc servir de lien, d’interprète, entre le langage bureaucratique et les formalités administratives de l’Etat et la logique des communautés porteuses du patrimoine qui, dans ce cas, est basé sur la tradition orale. Pour

31 Cela est le cas de Marcos Sandroni, de Marcos et Maria Ignez Ayala. 32 Ce caractère personnel sera présent dans tous les niveaux de l’inventaire, comme a été signalé auparavant : entre les membres de l’équipe technique responsable de l’inventaire, entre ceux là et les groupes des cocos, entre l’ONG et la Fondation culturelle de Joao Pessoa, etc.

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cela, elle doit se positionner « au milieu », de façon à rendre possible le dialogue entre ces deux groupes. Le choix d’une ONG, ainsi, peut être lié à quelques facteurs : la tentative d’impliquer la société civile dans les politiques patrimoniales ; la recherche d’une reconnaissance majeure de ce processus par les communautés locales, puisque de nombreuses fois ces communautés ont une relation de méfiance par rapport à l’Etat, souvent perçu comme un ‘ennemi’ ; et la tentative de diminuer l’extériorité du procès de l’inventaire. L’ONG gagne ainsi une place de choix comme agent médiateur.

Néanmoins, cette place « au milieu » n’est pas possible. Ces médiateurs ont déjà un lieu préétabli comme intellectuels, ce qui les rend plus prêts de la logique de l’Etat. Dans le cas des cocos, à partir du concours public, un contrat a été établi entre l’ONG Milieu du Monde et l’IPHAN. Maria Ignez Ayala, comme représentante de l’ONG, a été nommée la responsable de l’inventaire, pendant que Marcos Ayala et Carlos Sandroni ont été les superviseurs des équipes de Paraiba et Pernambuco, respectivement. Il semble à propos de souligner le fait que ces trois chercheurs viennent de Sao Paulo et qu’ils ne sont pas, donc, du Nord-est du pays33. De plus, nous pouvons nous demander pourquoi une politique qui a comme but le renforcement et la valorisation des savoirs et des populations des régions peu favorisées par les politiques publiques, cherchent des « étrangers » pour mener ses actions. Ce choix sert à renforcer la position apparemment contradictoire du partenaire local, typique des médiateurs.

D’un côté le Collectif de Culture et Education Milieu du Monde et ses coordinateurs étaient perçus par l’IPHAN comme des agents du territoire où le bien sera enregistré (l’organisation est placée à Paraíba et les professeurs travaillent avec les groupes de culture populaire du Nord-est il y a déjà des années, ayant une relation avec eux). Au même temps ces acteurs s’approchent des représentants du siège de l’IPHAN par rapport à d’autres ONG locales, puisqu’ils ont eu une formation équivalente, dans des universités du Sud-est, reconnues nationalement. Ils partagent ainsi un même réseau professionnel et les mêmes références théoriques. Le même mouvement se passe dans la relation entre l’ONG et les groupes des cocos. Ainsi, si d’une part cette relation a un caractère personnel, de proximité et d’identification, puisque l’ONG est perçue de nombreuses fois comme une représentante de ces groupes face à l’administration de l’Etat34 sans, néanmoins, en faire partie ; d’autre part, elle est perçue comme un agent externe, qui ne partagent pas les mêmes références qu’eux. Ce genre de conflit, comme le démontre Gluckman, est toujours présent dans les relations entre différents groupes. Les critères de différentiation et d’approximation sont relatifs et varient selon le contexte et selon les sujets impliqués (GLUCKMAN, 1940). L’emplacement du partenaire local semble changer par rapport à l’intérêt en question et au point de référence.

33 São Paulo est l’état le plus riche et plus industrialisé du pays. Pour cela, il a été la destination de milliards d´immigrants d’autres états pendant des années, surtout des immigrants venus de la région Nord-est, une des plus pauvres du Brésil. Comme tous les processus de migration, celui-là a causé plusieurs problèmes et a fini par faire naître des préjugés qui sont présents en différents niveaux, des deux côtés. Ce conflit était perceptible nombreuses fois pendant l’inventaire. 34 Cette place de l’ONG de « représentante » des communautés face à l’Etat a été établie avant même le procès d’inventaire. Les groupes cherchent l’ONG pour faire des demandes qu’elle, à partir de son réseau, fait passer aux responsables des politiques culturelles au niveau des municipalités. L’inventaire a servi pour renforcer encore plus ce rôle.

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Le choix fait semble donc être lié surtout à l’expérience de recherche des coordinateurs de l’ONG sur la culture populaire et les cocos dans la région Nord-est. Néanmoins, cette décision, une fois de plus, ne semble pas être libre des influences personnelles, impliquant aussi des questions politiques. Il faut remarquer que l’établissement de partenariat avec une organisation locale n’est pas une démarche obligatoire. Dans le cas de l’inventaire du Tambor de Crioula du Maranhao, par exemple, les recherches pour le registre ont été menées par la représentation régionale de l’IPHAN. Il nous manque, quand même, des données pour interférer sur les différences probables entre ces deux inventaires en raison des différents statuts des institutions responsables : organisation non-gouvernementale et institut de l’Etat.

Le manuel d’application de l’INRC affirme que :

« la reconnaissance, d’un côté, de la diversité de contextes culturels, de la pluralité de

représentations de ces contextes, et du conflit des intérêts en jeux, et, d’autre par, la nécessité

de définir un consensus – qu’est-ce qui doit être préservé, avec quelle finalité, quel est le coût, etc. – présuppose la nécessité de créer des espaces publics, pas seulement pour l’usufruit de

la communauté, mais aussi pour la prise de décisions. (…) Dans ce contexte, tant l’autorité

du savoir (des intellectuels) comme du pouvoir (l’Etat et la société, à travers ses formes de

représentation politique), ont une participation fondamentale dans le processus de sélection de ce qui va être sauvegardé, mais ils ne constituent pas un pouvoir de décisions exclusives. » (IPHAN, 2000 : 15)

A partir de l’analyse des démarches préalables de l’inventaire des cocos il est possible d’observer l’importance de ces espaces publiques et les difficultés pour les mettre en place. Ces difficultés ont comme principale conséquence le renforcement du pouvoir de décisions des institutions de l’Etat et des intellectuels face à un affaiblissement de la participation des populations cibles.

Dans cette deuxième partie nous avons analysé la méthodologie de l’INRC et les démarches préalables de l’inventaire des cocos en essayant d’expliciter les difficultés rencontrées pour que cette procédure réussisse à atteindre son but : la production d’un savoir systématisé qui sert à expliciter et à justifier l’importance d’un bien culturel par les moyens légaux, au-delà de la mobilisation des communautés et l’amplification de la conscience de l’importance du bien culturel immatériel. A partir de ces données nous pouvons observer qu’une grande partie des problèmes et contraintes présents pendant l’inventaire des cocos sont dû, surtout, à l’inversion de la méthodologie de l’INRC. L’externalité du choix de mettre l’accent sur un bien culturel (les cocos) et non sur un territoire a impliqué un manque d’étude préalable35 et, par conséquence, une série de décisions aussi externes aux communautés cibles.

35 Une fois que la base de l’inventaire a été les cocos, l’équipe de l’IPHAN, ainsi que de l’ONG semblent avoir trouvé suffisantes les données existantes des recherches menées auparavant. La décision sur la délimitation du territoire a été prise ayant pour base ces informations. Néanmoins, ces recherches n’ont pas eu la même méthode ni la même systématisation exigée par l’INRC.

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Dans la partie que suit nous allons travailler sur la sauvegarde des cocos en prenant en compte les limitations de la méthodologie de l’INRC et les premiers résultats observables à partir des actions menées pendant l’inventaire.

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Partie 3 : La sauvegarde des cocos

À partir des chapitres précédents nous pouvons observer que l’importance de l’inventaire va au-delà du fait que cette procédure sert de fondement pour les registres des biens immatériels dans les livres de l’IPHAN. Il constitue aussi une base d’interlocution institutionnelle, mobilisation des communautés et des groupes au tour de l’organisation de ses demandes en ce que concerne la protection du patrimoine culturel. C'est-à-dire, « l’INRC sert à indiquer où sont, quels sont et comment sont les biens culturels qui, en ce moment, doivent être objets de politiques ; et quelles sont les politiques appropriées pour garantir la sauvegarde de ces patrimoines » (VIANNA, 2010 : 12). Pourtant, malgré leur importance, les instruments d’inventaire et de registre ne sont pas suffisants pour garantir la protection du patrimoine immatériel. Ainsi, le premier a un grand potentiel pour générer des connaissances sur les biens culturels et sur les demandes de la société ; et le deuxième constitue la reconnaissance publique, par l’État, de la valeur patrimoniale d’un bien culturel.

Pourtant, pour organiser les demandes du patrimoine immatériel et des communautés porteuses de ces biens il faut la mise en place d’une structure qui garantit le droit de ces communautés à leur bien en leur donnant les conditions pour le sauvegarder et le développer. Cette structure doit prendre en compte le caractère transversal de la culture, ainsi que ses trois dimensions – c'est-à-dire, sa dimension symbolique, économique et citoyenne. À partir de cette perspective, dans cette troisième partie nous nous proposons d’étudier le rôle de l’inventaire dans la construction de cette structure de sauvegarde ayant comme base l’analyse des actions et réactions au processus d’inventaire des cocos. Autrement dit, les premiers effets de cette procédure sur le bien inventorié. Ensuite, une proposition de plan de sauvegarde sera élaborée pour cette expression culturelle, envisageant de tracer un chemin d’insertion et de dialogue entre la politique de sauvegarde du patrimoine immatériel et les politiques culturelles développées par le gouvernement national.

3.1 Les actions et premiers résultats de l’inventaire des cocos du Nord-

est

Comme cela a déjà été énoncé, dans le cas des cocos, dû à la préexistence d’un matériel assez riche de l’archive des coordinateurs de l’ONG responsable de la mise en place de l’inventaire, le focus a été donné aux deuxième et troisième étapes. Néanmoins, au vu de la superficie prise en compte dans l’inventaire, les études techniques ont été partagées en deux phases. La première, comprenant l’élargissement des donnés secondaires sur le bien dans les différents états du Nord-est et des études exhaustives dans les états de Paraíba et Pernambuco, où il existait déjà une grande quantité d’informations ; et la deuxième phase, où ces études seront élargies aux autres états de la région, en donnant une plus grande attention aux espaces frontaliers et ayant comme base les données recueillies dans l’étape précédente. Pour la première phase deux équipes ont été formées : une à Paraíba et l’autre à Pernambuco, chacune ayant un superviseur. Les donnés ici présents portent que sur la première phase en ce que concerne l’équipe de Paraíba.

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L’équipe technique était formée de quatre personnes, dont deux étudiants de master en anthropologie, une étudiante en art plastique et une personne avec une formation en droit culturel. Ils remplissaient le profil exigé par le manuel d’application de l’INRC. Ils ont visités, pendant dix mois, vingt et une municipalités, identifiant un total de trente-sept groupes de cocos dans différentes régions de l’état de Paraíba. Le choix des municipalités a été fait à partir de données secondaires et des informations recueillies pendants les recherches menées par les coordinateurs dans les années précédentes. Les groupes identifiés sont rencontrés dans des communautés rurales, des groupes de périphérie urbaine, des communautés de descendants d’esclaves et d’indiens. Pendant les visites des informations sur d’autres groupes ont été recueillies. De même, de nombreuses photos ont été prises et douze CD d’enregistrements sonores ont été gravés. À partir du matériel obtenu, trois DVD ont été élaborés avec des parties sélectionnées des interviews et des brincadeiras dans les différentes localités. Finalement, un document d’autorisation de l’utilisation d’image et de son a été apporté par l’équipe et signé par les personnes qui ont participé aux recherches de l’inventaire.

Nous pouvons observer que les démarches de l’inventaire impliquent du temps, puisque cette procédure doit être exhaustive et doit comprendre aussi l’élaboration de moyens de présentation des données obtenues. C’est pourquoi le manuel d’application de l’INRC affirme qu’il ne doit pas être appliqué en cas d’urgence. Néanmoins, l’IPHAN établit des dates limites qui, dans le cas de l’inventaire des cocos, semblent avoir été influencées par le calendrier des élections présidentielles. Ainsi, tout le processus devrait être fini avant le changement de gouvernement. Le rapport final de la première phase de l’inventaire envoyé à l’IPHAN, par contre, signale la problématique du temps, puisque face à la grande quantité d’informations obtenues pendant les terrains, le temps disponible pour l’organisation des donnés selon les critères de l’Institute s’est avéré insuffisant, ce qu’a retenti sur la qualité de la présentation des donnés. Néanmoins, cela a été aussi le résultat du manque de suivi de l’IPHAN pendant le processus. La première version de l’inventaire présentait ainsi de nombreux problèmes en raison, surtout, d’une mauvaise compréhension de la méthodologie d’organisation des données par l’équipe de l’ONG. La formation offerte semble ne pas être suffisante, et un suivi s’avère nécessaire pendant tout le processus de l’inventaire.

Ce manque de suivi peut être lié à la désarticulation observée entre l’ONG, le siège de l’IPHAN à Brasilia et la représentation régionale de l’Institut. Ainsi, même étant basé dans la même ville que l’ONG, ce dernier organisme n’a interféré dans aucune étape du déroulement de l’inventaire. Le contact du Collectif de Culture a été donc fait directement avec Brasilia. Cette désarticulation est aussi identifiée en ce qui concerne le gouvernement de l’état de Paraíba et les municipalités où les recherches ont été menées. Ces acteurs, malgré leur intérêt d’avoir un bien culturel reconnu comme patrimoine immatériel (visibilité nationale et internationale, qui peut aboutir en obtention de financements et des entreprises et, en plus, l’augmentation du potentiel touristique) n’ont eu aucune participation pendant le processus d’inventaire.

En ce qui concerne les mairies des municipalités participant à l’inventaire, bien qu’elles possèdent la même structure institutionnelle, les politiques et priorités de chacune sont

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différentes selon le maire en exercice et selon les besoins de chaque ville. De manière générale, les mairies ont des difficultés avec leurs budgets, qui ne sont pas suffisants pour mener toutes les actions nécessaires dans tous les domaines. De plus, la majorité des maires n’a pas une bonne relation avec les groupes de culture populaire traditionnelle et les communautés où ces traditions sont perpétuées (danse des Cocos inclue) qui restent à la marge des politiques publiques locales. Cela peut s’expliquer du fait que la culture n’est pas toujours envisagée comme une priorité et la majorité du budget à cet escient est finalement orientée vers la promotion de la culture de masse ou de groupes déjà renommés d’autres localités. Par ailleurs, toutes les mairies sont marquées par des fortes relations d’amitié. C’est donc à ce niveau là que « la politique de faveurs » devient plus présente. Ces facteurs représentent de forts obstacles pour la mise en place de la politique culturelle nationale élaborée par le gouvernement Lula, qui est basée sur le dialogue et l’articulation entre les différents niveaux du gouvernement. Comme nous avons observé, cela apporte aussi des problèmes pour l’élaboration de l’INRC et, par conséquence, pour la mise en place du plan de sauvegarde, les deux ayant besoin de l’appropriation du projet par les agents locaux.

En décembre 2009, pourtant, a été réalisé la I Rencontre des Cocos du Nord-est. Cet événement a été une initiative de l’ONG Collectif de Culture avec le siège de l’IPHAN. La proposition a été de mener, pendant trois jours, des séminaires, conférences, discussions et des spectacles, en réunissant les différents acteurs impliqués dans le registre et dans la sauvegarde des cocos. Cette Rencontre a eu lieu dans une salle de conférence d’un hôtel de la ville de Joao Pessoa et a compté avec la présence de l’équipe de l’ONG responsable de l’inventaire, de plusieurs participants des cocos de différents états du Nord-est, de deux représentants de l’IPHAN (un du siège et l’autre de la représentation locale), ainsi que la participation d’un représentant du gouvernement de la ville de Joao Pessoa et d’une personne de la société civile, chercheur de l’Université Fédérale de Paraíba, un des responsables des archives de culture populaire de l’Université. Un public hétérogène, formé d’étudiants, de chercheurs et de passionnés de la culture populaire était également présent.

L’intervention du représentant du siège de l’IPHAN a eu comme objectif la présentation de la politique nationale du patrimoine culturel immatériel, l’importance de ce patrimoine et la présentation du document de demande du registre à être signé par les participants des cocos présents. Le délégué de l’IPHAN de Paraíba, pour sa part, a exposé les actions menées au niveau de l’état. Cette représentation régionale de l’Institut National a été créée en 2004 et est encore en phase de structuration. Ainsi, le délégué signale le retard de l’état de Paraíba en ce qui concerne la préservation du patrimoine culturel immatériel, surtout en comparaison avec l’état voisin de Pernambuco. La désarticulation entre l’IPHAN régional et les organisations locales devient encore plus claire lors de la description des actions élaborées au niveau local, qui rend évident la méconnaissance de cette institution par rapport aux travaux déjà menés par des ONG et des chercheurs locaux, comme la propre ONG Collectif de Culture et Education Milieu du Monde.

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Les deux autres intervenants ont présentés les activités des leurs institutions respectives (la Fondation de Culture de Joao Pessoa36 et le groupe de recherche de culture populaire de l’Université Fédéral de Paraíba) en ce qui concerne la culture populaire en général. Il est intéressant d’observer que les invités n’ont pas pu être présents et qu’ils ont, donc, envoyé des substituts. Une des questions récurrente pendant la Rencontre a été le rôle des gouvernements des municipalités dans la promotion des groupes de cocos. Selon le délégué de l’IPHAN de Paraíba, l’Institut encourage les municipalités à inviter les groupes de culture populaire locaux pour présenter dans les fêtes publiques et dans d’autres activités réalisées par les gouvernements locaux. Le représentant de la Fondation de Culture de Joao Pessoa signale que cette recommandation est déjà suivie par la ville de Joao Pessoa.

Néanmoins, les spectacles de culture populaire observés pendant le stage ont présentés de nombreux problèmes techniques, tels que le manque d’infrastructure (microphones, haut-parleurs, illumination, etc.), de divulgation et un manque de préoccupation par rapport à la qualité du son. Tout cela à été plus évident lors des présentations dans un festival où les spectacles de cocos et d’autres manifestations populaires se déroulaient à côté de concerts de groupes déjà reconnus de la culture de masse. Dans cette occasion, deux scènes ont été construites : une pour les présentations de culture populaire et l’autre pour les autres spectacles. Les différences entre les structures des scènes et les matériels utilisés dans chaque présentation ont dénoncé le rôle de la culture populaire pour les autorités locales : une curiosité, un divertissement secondaire que n’a pas besoin, ou ne mérite pas le même traitement des artistes déjà reconnus. De plus, la diffusion du festival dans les journaux, télévision et affiches n’a fait aucune mention aux présentations de culture populaire. La présence de ces manifestations dans les événements promus par les municipalités ne signifie pas donc la reconnaissance de leur importance et de leur richesse, puisque cela peut même renforcer l’idée qui lie ces expressions culturelles à la pauvreté et au manque de qualité technique. Pourtant, l’importance de ces efforts est incontestable et le fait qu’ils apportent quand même des résultats en ce qui concerne la valorisation de ces cultures.

La Rencontre des Cocos, même s’il a eu une programmation, n’a pas suivi un ordre figé, étant constamment adaptée au temps des participants des cocos. Ainsi, les conférences étaient souvent interrompues par des interventions et des réflexions des conquistas et des danseurs. Plusieurs fois ces interventions étaient suivies par le chant d’un coco. Entre autre, il y a eu un moment de discussion où les participants ont présentés les principaux problèmes rencontrés pour la manutention de cette expression dans ses communautés. Une fois de plus les discussions étaient mélangées avec des chants et des danses. Nous pouvons observer un essaie de construction d’un espace de dialogue et partage entre la logique bureaucratique et le temps propre de la culture populaire. Finalement, les journées étaient finalisées par des présentations de cocos ouvertes au public dans la plage à côté de l’hôtel.

36 Cette Fondation exerce le rôle du secrétariat de culture, puisque la ville ne compte pas avec cette structure administrative dans le domaine de la culture.

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La Rencontre a eu une forte répercussion entre les groupes des cocos. Pendant les visites faites à quelques communautés après l’événement souvent les participants ont cités l’initiative comme un moment important pour eux et pour leur culture. Le fait que cela a eu lieu dans un grand hôtel placé dans un des quartiers les plus riches de Joao Pessoa a aussi eu un fort poids symbolique. Cela a représenté l’insertion de ces groupes et de leur culture dans un espace jusque là inaccessible. Le choix du lieu a ainsi renforcé le but de valorisation de ces communautés et de cette culture, toujours relégués aux périphéries et à une exclusion sociale et économique. En outre, la Rencontre a été surtout un espace de dialogue et de partage d’expériences entre les divers groupes présents. Il s’est avéré un important élément dans le processus d’inventaire pour l’implication des groupes de cocos, l’éclaircissement des démarches et des conséquences de l’inventaire et du registre de cette expression culturelle et la construction d’un dialogue entre les groupes, fondamentale pour la sauvegarde du bien.

Selon José Reginaldo Gonçalves, les inventaires sont des textes ethnographiques et, en tant que tel, « arrangements narratifs à travers duquel une réalité ethnographique est produite ou inventée comme totalité cohérente » (GONCALVES, 1996 : 119). De cette façon, si on prend la conception du travail de l’ethnologue telle que cet auteur la conçoit, les inventaires seront un produit de l’observation de la formation d’une mémoire de la tradition dans son devenir, faite à condition que ce professionnel sache assumer son implication dans l’interaction ethnographique.

« Il doit en fait accepter non pas tant de retrouver des documents de la tradition mais de participer au discours sur les documents mêmes, c’est-à-dire sur l’activité mémorielle que son

travail d'enquête catalyse. En ce sens, sa pratique de savant en situation confère une cohérence collective écrite à la récolte des témoignages individuels et évoque l’expropriation (et la mise en

scène) des restes d’un passé à valoriser qui est propre à toute procédure de

patrimonialisation. » (Ibidem).

Dans le cas des cocos, pourtant, l’inventaire a surmonté cette construction textuelle ethnographique et a aussi compris des actions d’intervention directe telles que la Rencontre des Cocos du Nord-est. Cette procédure apparaît, ainsi, pas seulement comme un simple processus d’observation et de description, mais comme un réarrangement de la réalité ciblée. Si l’inventaire produit un impact sur cette réalité, sur les communautés et sur la façon dont elles perçoivent leurs biens culturels, à mesure qu’il « produit » des références37, la I Rencontre des Cocos du Nord-est s’est avérée comme un catalyseur de ces impacts. Elle a donc renforcé le caractère d’intervention de l’inventaire à partir de la création d’un espace où les différents acteurs se sont rencontrés en mettant en évidence leurs enjeux.

Nous pouvons ainsi observer quelques changements apportés par le processus de recherche et par la Rencontre des Cocos. Une des communautés visitées, appelée Livramento, où les cocos ne sont plus présent depuis trente ans, et la seule trace de cette manifestation était la mémoire des plus âgés, s’est motivée à renouveler la brincadeira à partir de la visite de l’équipe de chercheurs 37 Le terme ‘référence’ dans ce contexte reprend la conceptualisation utilisée en 1975 par le gouvernement brésilien et utilisé jusqu’à nos jours, où références sont des objets, des pratiques et des lieux appropriés par la culture dans la construction de sens d’identités.

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de l’inventaire. N’ayant plus d’instruments, le groupe des anciens danseurs et musiciens ont demandés à l’équipe un bumbo emprunté. Pendant une deuxième visite l’équipe a amené un instrument prêté par une autre communauté. Lors de cette occasion les habitants de Livramento se sont réunis pour danser, chanter et jouer. La brincadeira était une nouveauté pour les nouvelles générations qui, par contre, ont participé. La communauté a démontré un intérêt à donner une continuité à cette manifestation culturelle et cherche à avoir des instruments propres, ce qui n’est pas évident vu la difficulté d’accès et la distance de cette communauté du centre du village. Le chef de police local a donc fait un document officiel de demande d’instruments à la mairie. La coopération du chef de police démontre, au-delà de l’implication de la société et des autorités locales, un changement dans la perception de cette expression culturelle, qui pendant des siècles a été interdite ou a souffert des représailles, surtout par la police.

Un autre exemple de changements apporté par le processus d’inventaire a été identifié dans une communauté indienne où les cocos n’étaient plus pratiqués depuis six ans. La fin de cette manifestation a été due à la conversion du chef de la tribu à la religion évangélique. A partir de cela il a laissé les cocos de côté puisqu’il s’agit d’une « chose du monde »38, qui n’était pas bien perçue par l’église. Néanmoins, à partir de la visite de l’équipe et du Rencontre des Cocos le chef de la tribu a « négocié » avec le pasteur qu’a reconnu l’importance de la danse pour leur culture. Ainsi, la brincadeira a été reprise. Le groupe s’est réuni et ils ont déjà fait quelques présentations en dehors du village. Avec l’argent reçu ils ont achetés des nouveaux instruments et ont confectionné des vêtements pour les spectacles.

« Dans ce cadre, la distinction entre religion et culture semble prendre consistance : la diffusion des monothéismes, par exemple, n’impliquerait pas l’abandon des références propres à la

tradition. La « pérennisation » des valeurs ancestrales devrait permettre, comme on l’explicite

dans la conclusion des travaux, une adhésion équilibrée aux changements historiques ». (CIARCIA, 2001 : 110)

Cet exemple rend clair l’existence dans le processus d’inventaire des notions d’interaction, syncrétisme et négociation, telles qu’elles sont défendues par Olivier de Sardan (OLIVIER DE SARDAN, 1995), ainsi que la notion de conflit travaillée par Gluckman (GLUCKMAN, 1940). D’un côté nous avons une démarche qui a comme but la sauvegarde et la préservation de la culture populaire, de ses croyances et de ses pratiques traditionnelles. D’autre part, un contexte de modernisation et de croissance du contact entre les différentes cultures. La négociation et le syncrétisme semble être des solutions rencontrées pour la résolution de conflits qui se posent à partir de l’interaction entre deux groupes distincts. Le processus d’inventaire et la conséquente reconnaissance de l’Etat de l’importance des cocos pour la culture nationale semblent avoir joués un rôle de médiateur dans le cadre présenté : il a apporté plus de légitimité aux arguments du chef de la tribu et, ainsi, a aidé dans les négociations avec le pasteur de l’église.

38 Interview réalisé pendant l’inventaire des cocos en 2009.

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Ces deux exemples nous semblent être très représentatifs des effets que les recherches menées pour l’inventaire peuvent avoir sur la réalité du bien à être registré. Il constitue ainsi un nouvel élément dans une réalité où différents acteurs sont présents, dans un procès d’échange.

« Toute innovation est un métissage, une hybridation, un syncrétisme. Il n’y a jamais

innovation pure. Le produit d’une greffe inédite est imprévisible. (…) Les deux mondes en

confrontation ont des normes différentes, des registres très contrastés et qui varient de façon non négligeable à l’intérieur de chacun. (…) Toute innovation prend place dans une arène

locale où se confrontent divers groupes stratégiques » (OLIVIER DE SARDAN, 1995 : 94).

A partir de ce cadre, le rôle de l’inventaire et du registre d’un bien culturel immatériel dans cette arène peut être considéré comme un lien entre ces divers groupes stratégiques. Ils rassemblent les différents acteurs en même temps qu’ils essaient de rendre la confrontation plus équitable. D’un autre côté, l’inventaire et le registre eux-mêmes se présentent comme une innovation, dans la mesure où ils sont élaborés à partir de concepts extérieurs, nés au sein d’une société globalisée. Ainsi, l’action de préservation peut modifier elle aussi le bien qu’elle cherche à préserver, en constituant déjà le début de processus de sauvegarde. Ensuite nous allons traiter de l’élaboration du plan de sauvegarde plus précisément. Puisqu’après les élections présidentielles le processus de registre des cocos a été bloqué, l’inventaire n’a pas pu continuer pendant l’année 2010. Le stage et les données obtenues font donc référence à la première étape en ce qui concerne les recherches menées à Paraíba.

3.2 Identification des demandes

L’élaboration d’un plan de sauvegarde doit avoir comme acteurs principaux les communautés porteuses du bien à préserver. Ainsi, il ne doit pas être basé sur une conception externe des besoins de ces communautés, souvent influencée par une conception moderne de l’histoire qui guide la majorité des actions de préservation et qui considère la modernité comme un processus inexorable de destruction, où les valeurs, les institutions et les objets associés à une culture, tradition, identité ou mémoire nationale ont tendance à se perdre. Le concept de sauvegarde est, dans cette perspective, fortement lié aux idées de menace et danger. Pour éviter que les politiques de sauvegarde ne soient basées sur une vision où le présent est considéré comme une situation de perte progressive, soit par la disparition du bien culturel lui-même, soit par la déformation de sa signification, il est nécessaire de procéder à l’identification des demandes des communautés cibles et la compréhension de leur réalité.

Comme nous avons signalé avant, les formulaires remplis par l’équipe de l’inventaire des cocos n’ont pas réussi à bien expliciter les demandes des participants des cocos et les difficultés rencontrées par eux pour la mise en œuvre de cette expression culturelle. Alors, au-delà des observations faites sur le terrain, les enregistrements vidéo de quelques interviews et la Rencontre des Cocos du Nord-est seront aussi utilisés comme base d’analyse. Les demandes ici présentées sont apparues dans les paroles des participants des cocos. Il faut quand même remarquer que ces informations ne sont pas toujours explicites dans les discours

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et ne se présentent pas souvent formulées comme des demandes. Des fois elles sont implicites dans des réclamations, dans des éloges à un temps passé ou, encore, dans la propre réalité observée pendant les terrains (carence matériel, difficulté d’accès à la communauté, conflits internes, etc.). Tenant cela en compte nous allons d’abord présenter les principales difficultés et principaux problèmes posés par les interviewés pour, après, formuler ces donnés comme demandes. C’est à partir de l’analyse de ces informations obtenues auprès des participants des cocos que le plan de sauvegarde sera élaboré.

Comme nous avons déjà remarqué l’inventaire a été mené dans plusieurs communautés qui sont très hétérogènes, soit par leur localisation, soit par leur historique ou soit par leur propre statut devant l’Etat. Les peuples indiens, par exemple, sont considérés comme le premier groupe à composer la société brésilienne. Ils ont toujours eu leur présence en tant que population différenciée marquée dans la scène politique nationale. L’Etat brésilien prévoit ainsi le « droit indien » dans la Constitution de 1988, au-delà d’une large législation infra-constitutionnelle. Les droits reconnus sont basés sur la reconnaissance et le respect aux différences sociales et culturelles, sur la formalisation de droits territoriaux particularisés et, surtout, sur la reconnaissance de ces peuples de vivre en adéquation avec des principes culturels, sociaux et historiques qui définissent leur différenciation par rapport au reste de la société.

Les communautés quilombola, d’autre part, ont la reconnaissance définitive du territoire qu’elles occupent garantie par la loi. L’Etat doit alors leur fournir les titres respectifs. Cette législation, élaborée en 2003, prévoit les procédures administratives pour l’identification, la reconnaissance, la délimitation, la démarcation et la concession du titre de propriété définitive des terrains occupés par des descendants de quilombos. Cette loi et les études menées, même s’ils ne concernent que la question de la propriété de la terre, ont eu une forte répercussion sur la valorisation et la reconnaissance de la culture des communautés noires qui ont le statut de quilombola. Ces deux groupes ont, alors, une plus grande attention de l’Etat, surtout en ce qui concerne la sauvegarde de leurs cultures, par rapport à d’autres communautés où les cocos sont aussi rencontrés. Toutes ces différences font que les demandes elles aussi ne sont pas toujours les mêmes.

Néanmoins, lors de l’identification des attentes, de la situation des cocos et des conditions de vie des participants de cette manifestation culturelle, il est possible d’observer une certaine homogénéité entre ces nombreuses communautés. Ainsi, nous pouvons énumérer les difficultés rencontrées par l’ensemble des groupes pour la mise en œuvre de la pratique des cocos:

- Difficulté dans la transmission des savoirs entre les générations : l’inventaire a identifié le manque de musiciens et/ou de conquista comme raison de la fin des cocos dans certaines communautés, puisque les anciens sont décédés et personne n’a pris leur place. Le manque d’intérêt des jeunes est une remarque récurrente dans les discours des participants des cocos. Selon eux, les jeunes ne s’intéressent qu’à « la musique de la radio ». Il y a même ceux

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qui font la relation entre l’affaiblissement de cette manifestation culturelle traditionnelle à partir de l’arrivée de l’électricité.

- Manque d’appui des gouvernements des municipalités : les remarques identifiées concernent surtout le manque d’invitations pour des présentations dans des événements réalisés par les mairies, qui donnent préférence aux groupes déjà reconnus par l’industrie culturelle ou des groupes « para-folklorique »39 ; le manque d’aide pour le transport des groupes lors d’une présentation hors de la communauté ; et le manque de continuité des actions de soutien lors du changement de gouvernement après des élections. Quelques mairies fournissent des cars propres pour amener le groupe jusqu’au lieu des présentations, surtout quand cela se passe dans une autre ville. Néanmoins cette initiative semble être perçue comme une ‘aide’, hors des compétences de l’administration des municipalités, ce qui fait que les groupes se rencontrent dans une situation de dépendance, n’étant jamais sûrs de pouvoir compter sur cet appui40. De plus, ce caractère informel fait que ces initiatives gardent une forme personnelle sans garantir leur continuité politique lors du changement du maire. Au-delà de l’aide avec le transport, quelques participants trouvent que les mairies doivent aussi fournir un appui pour l’obtention d’instruments et de vêtements pour les présentations. Il est possible de remarquer ici une tendance des participants des groupes des cocos à vouloir une plus forte participation de l’Etat dans la culture. Il y a même ceux qui arrivent à défendre la position de l’Etat comme producteur de culture, comme signale le discours d’un des conquistas, pendant la Rencontre des Cocos du Nord-est, qui fait l’éloge de l’initiative d’une mairie qui a produit des CD de quelques groupes de cocos locaux. Selon lui, « si tous les maires étaient comme celui là, la situation des cocos serait beaucoup mieux ».

- Conflits et méfiances au sein des communautés : ces conflits peuvent être le résultat de plusieurs facteurs. Néanmoins le travail ici présent n’a pas comme but de porter sur des questions personnelles et se limitera aux conflits et méfiances conséquents d’actions du gouvernement. Ainsi, nous pouvons identifier deux situations spécifiques qui finissent par provoquer des réactions adverses dans ces groupes : le paiement des présentations réalisées dans des événements des municipalités et le prix de culture populaire offert par le gouvernement national. Dans les deux cas la question qui se pose est celle de la représentation des groupes. Ainsi, dans le cas du prix de culture populaire, comme nous avons observé au premier chapitre de ce mémoire, le choix d’une personne cause de nombreuses contraintes, puisque ces pratiques ont comme base leur conception communautaire et impersonnelle. Dans le cas des paiements des présentations, les mairies exigent qu’un représentant du groupe soit nommé. C’est lui qui va répondre légalement pour le groupe et qui reçoit l’argent. Les raisons déjà citées, plus le délai des paiements, qui peuvent prendre jusqu’à un mois pour être

39 Les participants des cocos font références à ces groupes comme étant « sans racines ».

40 Pendant le stage, il est arrivé d’observer deux fois un groupe attendre le car de la mairie au lieu de rendez vous pour aller à une présentation, mais le car n’est jamais arrivé. Ces groupes ont raté les spectacles et perdu l’argent qu’ils allaient gagner. De plus, cela renforce l’image de manque de professionnalisme à laquelle ces groupes doivent faire face.

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prélevés, finissent par créer un climat de méfiance et de conflit, puisque de nombreuses fois ces représentants sont accusés de prendre l’argent en bénéfice personnel.

- Manque d’accès à l’information et aux politiques culturelles : cette difficulté est le résultat, entre autres, du manque d’éducation et du grand nombre d’analphabètes dans les communautés porteuses des cocos. Cela rend plus difficile l’accès de ces groupes aux politiques d’appui menées aux trois niveaux de l’administration publique (municipalités, états et national). Cette condition les laisse dans une position d’exclusion sociale de laquelle ils n’ont pas les moyens de sortir, puisque, selon une conquista, « analphabète n’est personne, analphabète est qu’un vivant ». Ainsi, les participants des groupes des cocos parlent de la bureaucratie présente dans les appels d’offre des institutions du gouvernement pour l’insertion dans ces politiques et même pour pouvoir se présenter dans des événements réalisés par les organismes publiques41.

- Manque d’instruments : cela peut être dû au manque de ressources pour en acheter ou encore au décès de la personne qui maitrisait le savoir faire, comme le zabumbeiro. Pendant plusieurs interviews de l’inventaire, l’interviewé a utilisé une casserole ou même la table pour montrer sa façon de battre le rythme, puisqu’il n’avait aucun instrument. En outre, dans quelques communautés la fin de l’activité des cocos est liée à cette difficulté. Cela, néanmoins, peut être observé plutôt dans les communautés rurales où l’accès et le transport ne sont pas évidents. Dans les communautés urbaines le contact avec d’autres groupes et la facilité d’accès à des magasins où les matériels pour la confection des instruments sont rencontrés font que cette difficulté n’est pas souvent présente.

- Déstructuration des communautés : dans les communautés plus urbaines ou plus près des centres urbains, un autre facteur qui affecte cette expression culturelle concerne les changements que la modernité est en train d’apporter. L’élargissement des villes et la conséquente spéculation immobilière est en train de changer la constitution de plusieurs communautés à partir de l’entrée dans leur territoire de personnes et de structures qui ne font pas partie de ces groupes. Quelques communautés sont en train de vivre un moment de désarticulation, où plusieurs familles déménagent pour donner place à des magasins ou à la construction d’immeubles42. De plus, les drogues et la croissance de la violence sont deux facteurs cités par des participants des cocos comme ayant une forte influence sur l’actuelle situation de cette expression, puisque cela finit par décourager les rencontres où la brincadeira a lieu.

41 Nous pouvons identifier une loi, au niveau national, selon laquelle les groupes et artistes qui veulent être embauchés par les organismes de l’Etat, incluses les mairies, doivent prouver leur reconnaissance comme artistes à travers la présentation de reportages de journaux, documents qui montrent leur participation dans d’autres événements, etc. La municipalité de Joao Pessoa exige encore, en cas de la présence de mineurs dans le groupe embauché, l’autorisation des deux parents. En voulant éviter des problèmes comme la favorisation de groupes et artistes par des critères personnels et le travail d’enfants, ces lois ignorent la réalité singulière des groupes de culture populaire qui n’ont pas une reconnaissance des médias et n’ont pas toujours les documents nécessaires, soit pour prouver leur reconnaissance, soit pour prouver la filiation. De plus une grande quantité de famille ne compte pas avec la présence du père. La législation constitue ainsi, elle-même, un obstacle à l’insertion de ces groupes et communautés dans la politique culturelle.

42 Cette réalité n’est pas rencontrée au sein des communautés indiennes et quilombolas reconnues par l’Etat puisque, comme nous avons déjà remarqué, elles ont leurs territoires protégés par une législation spécifique.

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Nous pouvons ainsi observer que la situation des communautés porteuses des cocos est marquée par une « réalité de manque ». Cela dénonce leur exclusion sociale et économique. A partir des difficultés énumérées ci dessus nous pouvons formuler les demandes suivantes :

- Plus grande valorisation des cocos, surtout auprès des nouvelles générations ;

- Garantie de moyens pour la transmission des savoirs et savoir-faire, comme l’accès aux matières premières ;

- Renforcement des échanges entre les groupes et les communautés porteuses des cocos ;

- Reconnaissance de cette expression culturelle par les autorités locales, ainsi que l’implication de ces autorités dans les actions de protection et sauvegarde ;

- Garantie d’accès aux politiques culturelles publiques ;

- Insertion des cocos dans l’industrie culturelle à partir de présentations et enregistrements de CD et DVD et garantie du respect à leurs droits lors de cette insertion.

Ces demandes serviront de guide pour les actions proposées ensuite.

3.3 Plan de Sauvegarde : quelques considérations préalables

Avant de passer à la présentation du plan de sauvegarde des cocos, il est nécessaire de préciser quelques questions sur les méthodologies, les objectifs et les prémisses qui guident l’élaboration d’un Plan de Sauvegarde. Les plans de sauvegarde peuvent être définis comme un ensemble « d’actions qui contribuent pour l’amélioration des conditions socio-environnementales de production, reproduction et transmission de biens culturelles immatériels. » (IPHAN, 2006 : 25).

Comme cela a été souligné précédemment, ces documents sont basés sur le savoir produit sur le bien culturel pendant les processus d’inventaire et de Registre. Les actions prévues dans ces plans doivent être réalisées en court, moyen et long terme. Pendant toutes ces étapes la proposition est d’établir un dialogue permanent entre les communautés cibles, les institutions locales et l’Etat. Ainsi, ces plans impliquent des procédures comme le soutien à la transmission du savoir aux nouvelles générations ; la promotion et divulgation du bien culturel ; la valorisation des maîtres et des participants ; l’amélioration des conditions d’accès aux matières premières et au public consommateur ; et l’organisation d’activités communautaires. Tout cela, en tenant en compte des demandes des communautés cibles. Nous pouvons identifier trois directives suivies par les plans de sauvegardes :

- La reproduction et la continuité des biens culturels vivants dépendent de ses producteurs et de ses porteurs. Pour cela ils doivent toujours participer activement au processus d’identification, de reconnaissance et de soutien ;

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- La garantie des conditions sociales et de l’environnement nécessaires à la production, reproduction et transmission de ces biens est essentielle. Ainsi, les projets qui ont comme but l’amélioration de ces conditions doivent être promus et soutenus.

- La connaissance de l’univers du patrimoine culturel est fondamentale pour l’implantation des actions de registre et de soutien. La réalisation d’une carte, l’inventaire et la documentation de références culturelles du territoire national sont ainsi prioritaires.

Ces directives doivent, pourtant, avoir comme prémisses la notion que la continuation et la valorisation des biens de nature immatérielle ne sont possibles qu’à partir de son insertion dans la société moderne. Ainsi, ces plans n’ont pas comme but d’éviter l’interaction entre les cultures dites traditionnelles et la modernité (même si cela est inévitable). L’objectif serait plutôt de fournir les conditions propices pour que cette rencontre se fasse de façon plus juste, en permettant un échange et pas une ‘acculturation’, où un bien se perd pour laisser place à une homogénéité globale. Cette perspective gagne encore plus de force dans le cas des cocos, puisque cette manifestation a, depuis son origine, la caractéristique d’être un processus en constante transformation.

En prenant cela en compte, le plan ici présenté a comme principal objectif l’intégration des actions de sauvegarde dans l’ensemble des politiques culturelles, en favorisant le dialogue et l’interaction entre les trois niveaux de l’Etat et entre ceux là et les communautés cibles. Le plan de sauvegarde des cocos est donc basé sur l’idée que la valorisation et la manutention de ce bien n’est possible qu’à partir de la reconnaissance et du développement de ses trois dimensions en tant que bien culturel (symbolique, économique et de citoyenneté). Pour cela il faut que ce processus se fasse aussi bien au sein des collectivités dont cette expression est issue qu'en dehors d'elles.

La modernité et la globalisation gagne une nouvelle place dans cette perspective : au lieu d’être perçues seulement comme des obstacles ou des ennemies, ces éléments seront incorporés au processus de sauvegarde et utilisés comme moyen de promouvoir le bien culturel en question. Il n’est pas question de nier les effets négatifs que ces événements ont sur les patrimoines immatériels, mais de reconnaître leurs possibilités et d’essayer de les utiliser en faveur de ces biens. La globalisation tient ainsi un double rôle : considérée, en même temps, comme responsable de la détérioration et de l’homogénéisation des cultures, elle est aussi le moteur de la mise en évidence des différences culturelles. Ainsi, le dilemme crucial qui se pose aujourd'hui est la nécessité de « préserver le passé sans cesser de construire l'avenir, de concilier développement et culture » (MAYOR, 1996 : 2).

Ce chemin est en accord avec la Convention de 2003 de l’Unesco qui constate elle aussi que le processus de mondialisation, facilité par l’évolution rapide des technologies de l’information et de la communication, en même temps qu’il représente un défi pour la diversité culturelle, crée les conditions inédites d'un dialogue renouvelé entre les cultures et les civilisations, ce qui renforce l’interaction entre les cultures (UNESCO, 2003). De ce fait,

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le cadre présenté actuellement, surtout avec le développement des études patrimoniales, est la coexistence du traditionnel et du moderne, avec le renforcement des interactions entre ces deux mondes.

À partir de cette réalité et de la constatation que les cocos sont une manifestation culturelle complexe, qui implique danse, chant, musique et poésie étant, donc, un bien passible d’être divulgué à travers des spectacles et des produits comme des CD et DVD, nous présentons un plan de sauvegarde des cocos qui vise l’accès aux moyens qui rendent possible son insertion dans l’industrie culturelle. Puisque la valorisation de la culture traditionnelle et autochtone est la condition indispensable à la promotion et à la sauvegarde du patrimoine immatériel, intégrer le concept de diversité culturelle à travers ces industries, se présente, dans le contexte actuel d’un monde globalisé et capitaliste, comme un important élément de soutien au maintien de ces biens.

C’est à partir de cette intégration que ces cultures, considérées comme en danger, vont pouvoir faire face à l’homogénéité et à la marchandisation imposées par les moyens de communications de masse. Cela est possible grâce aux spécificités qui différencient l’industrie culturelle de l’industrie telle qu’on la conçoit dans le contexte capitaliste, comme nous avons déjà présenté au premier chapitre de ce mémoire. Ces produits sont des biens et services culturels, dès lors qu’ils sont considérés du point de vue de leur qualité, de leur usage ou de leur finalité spécifiques. « Ils incarnent ou transmettent des expressions culturelles, indépendamment de la valeur commerciale qu’ils peuvent avoir. » (UNESCO, 2005 : 06).

Néanmoins il faut faire attention aux questions des droits intellectuels et d’auteur, fondement de cette industrie et qui ne correspond pas à la logique communautaire des groupes de culture populaire. Malgré le fait que les mécanismes de politique de sauvegarde prévoient aussi l’importance d’assurer les droits intellectuels individuels et collectifs des groupes porteurs d’un bien immatériel (IPHAN, 2006), il faut encore un long chemin pour que les législations sur ce sujet arrivent à bien représenter la réalité de ces communautés. Le plan de sauvegarde alors élaboré pour les cocos défend l’idée de l’accès à l’information comme principale forme pour que ces droits soient respectés. Autrement dit, pour que cela soit possible, il faut d’abord que les groupes cibles aient conscience de ces droits et des instruments disponibles pour les défendre.

Dès lors, le plan pour nous développé est fondé sur les idées de Laurent Aubert et de François-Pierre le Scouarnec. Selon le premier la sauvegarde d’un patrimoine est aussi la préservation d’une mémoire. Pour obtenir les résultats attendus, les actions de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel doivent donc agir sur la société. « Pour qu’une action sur le PCI ait des chances d’être efficace, elle doit nécessairement se développer selon trois axes complémentaires : la préservation, la transmission et la diffusion. » (DUVIGNAUD (dir.), 2004 : 116). Ces trois axes peuvent être directement liés aux trois caractéristiques propres du patrimoine immatériel identifiées par F-P. le Scouarnec : la reconnaissance, l’appropriation et la transmission.

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Cet auteur identifie ces caractéristiques comme les trois étapes par lesquelles doit passer la sauvegarde. Selon lui la reconnaissance s’établit à plusieurs niveaux : conscience même de la personne qui vit en fonction de son savoir/ savoir-faire ; le niveau de la communauté qui doit pouvoir reconnaître ses pratiques et ses traditions afin de les approprier et de les transmettre ; et le niveau des Etats et des organisations internationales, dans lequel s’articulent les politiques et les instruments d’appareils pour promouvoir le PCI et sa préservation. La documentation, l’ampliation des espaces institutionnels de sauvegarde et la défense des droits de l’image et de propriété intellectuelle collective, se présentent comme des actions fondamentales dans cette étape, en reconnaissant l’importance du patrimoine culturel immatériel au plan national.

Dans le cadre du plan de sauvegarde, l’inventaire et l’ultérieure divulgation des informations réunies sont considérées comme une possibilité d’introduction de ces produits et de ces biens culturels sur le marché. La visibilité, dans ce cas, est désirée pour créer l’intérêt et la demande en relation aux biens culturels et, en conséquence, de nouvelles perspectives d’augmentation du revenu des groupes producteurs de ces biens.

L’appropriation, d’autre part, peut être individuelle ou collective. Cette deuxième étape ne peut se manifester que par la reconnaissance et la valorisation. Elle est un processus dynamique qui doit tenir compte de l’apport des nouvelles générations qui peuvent réinterpréter leur patrimoine. Cette étape reconnait la possibilité d’enrichir le patrimoine tout en se l’appropriant. C’est au niveau de l’appropriation que se posent les plus grands défis du maintien du PCI.

La transmission, quant à elle, consiste dans le maintien du patrimoine à travers du temps passé dans la communauté et en dehors du contexte où ce patrimoine culturel est expérimenté. Autrement dit, la diffusion de ce patrimoine pour d’autres groupes qui ne partagent pas les mêmes expressions culturelles. Cette dernière étape est basée sur le champ symbolique et expressif du patrimoine culturel immatériel, où les pratiques ludiques, esthétiques, éthiques et linguistiques présentent un potentiel instrumental pour la diffusion culturelle.

Ces prémisses nous aident à penser des actions de sauvegarde qu’impliquent le patrimoine immatériel et les communautés porteuses de ces biens de manière plus générale. Néanmoins il ne faut pas négliger les obstacles présents lors de l’élaboration d’un projet à être mis en place dans différents localités en impliquant divers groupes hétérogènes. En outre, il faut encore prendre en compte le fait que le but même de l’INRC et de la formation offerte par l’IPHAN à l’équipe responsable pour l’inventaire est justement d’éviter l’encadrement de différents contextes et réalités à une même méthodologie. L’effort est justement de faire le mouvement contraire, en adaptant la méthodologie à chaque contexte rencontré. Le plan de sauvegarde doit aussi suivre ce sens. En même temps, comme nous avons déjà observé, le choix du territoire délimité pour l’application de l’inventaire a été fait en prenant en compte une unité thématique et sociopolitique partagée par les différents groupes identifiés au sein de cette zone. Ainsi, il y a une réalité partagée par les différents acteurs en ce qui concerne le bien

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culturel en question. C’est sur cette base que le plan de sauvegarde doit s’établir. Les actions proposées, pourtant, trouveront différentes formes de mise en place selon le contexte local.

Lors d’une action de sauvegarde il faut encore faire attention de ne pas tomber dans le piège d’une vision « anticolonialiste », telle que Marshall Sahlins le décrit. Selon cet auteur, les visions colonialiste et anticolonialiste, apparemment en opposition, s’approchent puisque les deux analyses des événements considèrent les étrangers européens comme seuls responsables des changements qui se déroulent depuis leur arrivée – soit les bons changements (vision colonialiste), soit les mauvaises transformations (vision anticolonialiste). Dans ces deux perspectives, le peuple natif semble être seulement spectateur, victime ou bénéficiaire des actions des européens (SHALINS, 2007).

En transposant cette perspective au contexte des cocos il faut prendre en compte le fait que les communautés elles mêmes ont déjà une conscience de l’importance de leur culture et qu’elles développent déjà des moyens pour la sauvegarder. Elles ne sont pas passives devant les processus de changement qui sont en train de se dérouler. Une conquista, pendant la I Rencontre de Cocos du Nord-est a raconté l’initiative des femmes de sa communauté pour ne pas laisser la Nau Catarineta – une autre expression populaire très présente dans quelques régions du Nord-est – disparaître. Traditionnellement la Nau n’est formée que par des hommes. Néanmoins, selon cette conquista, ceux-là « préféraient boire à danser ». Ainsi, devant le danger que cette manifestation disparaisse, les femmes de la communauté se sont réunies et ont formé un groupe. Face à cette initiative, les hommes aussi ont restructuré la brincadeira. Aujourd’hui la communauté compte deux groupes. En ce qui concerne les cocos nous pouvons identifier des initiatives communautaires face au manque d’instruments, des musiciens ou d’un conquista, comme l’invitation ou l’embauche d’un groupe de musiciens de cocos d’autres communautés pour jouer pendant une fête spécifique.

Ces initiatives, les relations déjà établies entre quelques communautés et même la relation des cocos et de ses participants avec d’autres manifestations de la culture populaire doivent ainsi être prises en compte lors de l’élaboration du plan de sauvegarde. A partir de ces remarques nous allons, ensuite, présenter des propositions d’actions de sauvegarde pour les cocos. Il faut quand même souligner le caractère de suggestion, d’un plan ouvert à la discussion et aux modifications qui veulent servir de base pour des réflexions ultérieures. Le but premier est de penser des chemins pour une insertion du patrimoine culturel immatériel dans l’ensemble des politiques culturelles et dans le monde de l’économie créative de façon plus équitable.

3.4 Plan de Sauvegarde des Cocos

Objectif général

L’objectif général du plan de sauvegarde des cocos est d’établir les conditions nécessaires pour que les communautés porteuses de cette manifestation culturelle puissent produire, reproduire et perpétuer cette tradition à longue terme. Pour cela le plan est basé sur la

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sauvegarde du savoir traditionnel des praticiens plus âgés et la transmission de ce savoir aux nouvelles générations. Il essaie ainsi d’agir comme un contrepoids face aux tendances d’affaiblissement de la brincadeira.

Objectifs spécifiques

- Créer un réseau entre les différents groupes et communautés où les cocos sont rencontrés en contribuant avec le processus d’auto-organisation des participants de cette expression culturelle ;

- Entraîner des jeunes des localités inventoriées à représenter leurs communautés dans le marché culturel et à reconnaître le patrimoine immatériel et son importance;

- Elaborer des projets qui ont comme but la sauvegarde et le développement culturel des communautés, par l’initiative des jeunes participants du cours de formation, de façon à chercher la défense des droits de leurs communautés et de promouvoir une amélioration dans la vie des porteurs de savoir-faire et des participants des groupes de cocos, en créant des actions culturelles communautaires et durables ;

- Créer des conditions pour la transmission des savoir-faire et savoir jouer des instruments utilisés dans les cocos;

- Promouvoir les cocos dans la Paraíba et en dehors de cet état en créant des moyens pour sa diffusion.

- Créer une association des participants des cocos.

Actions prévues

- Création du Musée Vivant des Cocos ;

- Formulation et réalisation d’un Cours de Formation de Jeunes Agents Culturels ;

- Réalisation d’ateliers menés par les maîtres et d’autres participants de cette expression culturelle pour l’apprentissage des techniques traditionnelles de fabrication d’instruments musicaux utilisés dans les cocos et pour l’apprentissage du savoir jouer ces instruments.

- Création d’un site d’internet du Musée Vivant des Cocos ;

- Création d’un catalogue du Musée Vivant des Cocos ;

- Exposition photographique itinérante.

Nous pouvons observer que les objectifs et les actions ici identifiés n’ont pas un caractère d’urgence. Ainsi, ils sont prévus à moyen terme. Cela se fait puisque les cocos, comme nous

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avons déjà remarqué, n’est pas une expression culturelle en danger de disparition, malgré les croissantes difficultés auxquelles cette manifestation a dû faire face. La seule action à court terme est donc des ateliers de transmission du savoir-faire et savoir-jouer les instruments utilisés.

À partir de l’identification des demandes des participants des cocos et des politiques culturelles développées par le gouvernement Lula, les actions ici présentées ont comme but l’articulation entre ces deux dimensions. Ainsi, la proposition est de mettre en place un seul projet (Le Musée Vivant des Cocos) qui implique différentes activités. Le délai pour la mise en place de ce plan de sauvegarde est de cinq ans, en tenant en compte un suivi périodique après la fin de l’intervention directe de l’Etat. Le but est, donc, de rendre les initiatives durables à partir d’une gestion interne des propres communautés après cette période.

Le concept de patrimoine immatériel fait référence aux savoirs populaires d’une communauté déterminée qui les préserve et qui partage un même système de langage et d’expression, transmis à travers l’oralité, de façon à maintenir ce bien vivant, en le transformant à travers des générations. Ainsi, la sauvegarde de ces expressions culturelles à partir de l’utilisation du format traditionnel de musée devient inviable, puisque ce concept est très lié à un modèle figé de conservation, basé sur l’idée d’un patrimoine immuable. Néanmoins, face aux nouvelles technologies et au développement d’un nouvel idéal de patrimoine, l’idée de musée est en train de s’élargir. La 20ème Assemblée Générale de Barcelone définit le musée comme une « institution permanente, sans fin lucrative, au service de la société et de son développement, ouvert au public et qui acquiert, conserve, étudie, diffuse et expose les témoignages matériels de l’homme et de son environnement, pour l’éducation et le plaisir de la société. » (ICOM, 2001). Ce concept est déjà plus malléable et peut être utilisé dans un contexte où le bien à conserver a comme principale caractéristique le changement.

Le choix d’un Musée Vivant comme forme de plan de sauvegarde essaie de minimiser la dichotomie établie par les termes utilisés, entre patrimoine matériel et immatériel, puisqu’ici ils sont compris comme complémentaires et indissociables. Le patrimoine immatériel ne peut exister qu’à travers des objets, des lieux et d’autres éléments matériels. La collection du Musée des Cocos doit ainsi être constituée de personnes, lieux, histoires, festivités, objets et d’autres expressions culturelles liées à ce patrimoine. La finalité est de présenter la matérialité de cette culture sans la dissocier de son caractère immatériel. Autrement dit, à la place de déplacer les biens à un lieu qui leur est externe, le Musée Vivant prévoit une exposition dans le contexte où ces biens gagnent en signification. Cela implique un chemin contraire à celui connu dans le format traditionnel de musée : ce ne sont plus les biens qui sont adaptés au public, mais le public qui doit s’adapter au bien.

La présentation de ce projet peut être faite à partir d’une carte avec la localisation des groupes, communautés et activités identifiées, illustrant le réseau de personnes, lieux et objets de référence pour cette pratique culturelle. Ainsi, le projet ici présenté vise la création et le renforcement d’un réseau d’institutions, groupes et personnes liés aux cocos à travers la

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création d’un circuit de visite avec de nombreux attraits culturels dans les localités inventoriées dans l’état de Paraíba. Le Musée n’a pas un siège unique, mais des points de référence distribués dans les villes, dont les maisons des maîtres, d’importants participants des cocos et de fabricants d’instruments ; des endroits où la brincadeira a lieu ; des associations liées à cette manifestations culturelle ; des magasins ou d’autres genres de points de vente d’artisanats locaux ; des centres culturels, des bibliothèques et des archives existantes dans ces localités, où les groupes des cocos peuvent mettre à disposition des livres, photos, CD, DVD et d’autres sources/produits liés à leur culture.

Pour que le projet soit approprié par la population locale et pour les différents acteurs concernés, nous proposons la réalisation de diverses réunions avec ces agents. Ainsi, les participants des cocos, les communautés en général, les agents locaux de culture, tourisme et éducation ; et le pouvoir public des municipalités et de l’état de Paraíba doivent être impliqués pendant tout le processus de mise en place du plan de sauvegarde. Le Musée doit donc être géré par une Association qui implique des participants des cocos, des représentants des institutions culturelles partenaires et de la gestion publique locale. A partir de cela le Musée doit créer un réseau permanent de personnes et d’actions qui permet la mise en place d’une structure et d’une organisation nécessaire à la durabilité du projet. Pour cela, il faut aussi la formation d’une gestion interne qui devienne indépendante des interventions de l’Etat. Le Musée Vivant des Cocos est donc fondé sur la formation d’Agents Communautaires de Culture.

- La formation des Agents Communautaires de Culture : nous proposons pour le plan de sauvegarde une formation des jeunes des localités où les cocos ont été identifiés. Cette formation, développée à partir d’ateliers, a deux objectifs précis : susciter l’intérêt des jeunes par rapport au patrimoine immatériel et à la pratique des cocos plus précisément et former des agents culturels locaux. Ces agents doivent être capables de gérer les actions mises en place par le plan de sauvegarde et de représenter et défendre les intérêts des communautés et des groupes de cocos face à des acteurs externes, surtout dans un contexte d’insertion de cette manifestation dans l’industrie culturelle. La formation des agents locaux peut aider à l’appropriation du plan de sauvegarde ici proposé par les acteurs des localités cibles, puisque elle rend plus légitime la représentation de ces groupes face aux actions menées. Cette appropriation et cette légitimation sont fondamentales pour la durabilité de ces actions.

Le choix d’avoir comme groupe cible de cette action les jeunes essaie de garantir la transmission des cocos aux nouvelles générations. En même temps, ce choix doit prendre en compte les principales difficultés rencontrées par les communautés porteuses de la culture orale face à la bureaucratie exigée pour son insertion dans les politiques publiques culturelles (langage écrite et technique, utilisation de l’ordinateur, etc.). En outre, ce choix a aussi comme but l’exploration des potentialités économique de la culture. Ainsi, cette formation peut constituer un chemin d’insertion de ces jeunes dans le marché de travail.

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L’importance sociale du cours de formation ici proposé devient claire à partir de la vérification de la nécessité de stimuler l’autonomie des manifestations communautaires. Cette action vise à mettre à la disposition des acteurs culturels des techniques et méthodologies utiles à la réalisation des actions culturelles que les intégrants de ces communautés comprennent comme indispensables aux réalités auxquels ils appartiennent. Le projet ici proposé cherche donc à développer la durabilité des activités culturelles à travers la préparation des jeunes pour le marché culturel et le contact avec les mécanismes de sauvegarde du patrimoine immatériel.

De plus, cette activité peut aussi servir à la création et au renforcement d’un réseau d’institutions et de personnes liées à la culture. La formation des jeunes agents culturels peut ainsi être pensée à partir d’un partenariat avec les points de culture ou d’autres institutions locales liées à la culture. Ces partenaires peuvent fournir les espaces pour le développement de ces activités (qui peuvent aussi se dérouler dans des écoles), mais aussi peuvent contribuer avec la mise à disposition de matériels, tels que les ordinateurs ; et l’appui à la formation de ces agents. Les institutions éducationnelles peuvent aussi être impliquées dans les ateliers, surtout en ce qui concerne la langue portugaise. L’idéal serait que cette initiative soit reconnue et incorporée par des projets du gouvernement national tels que L’Agent de Culture Vivante, L’Action Digitale, L’Action Griô et l’Ecole Vivante.

Les ateliers peuvent se dérouler en trois phases : le premier cycle implique des ateliers de portugais, d’éducation patrimoniale et d’informatique ; le deuxième prévoit un approfondissement des deux premiers ateliers et une introduction au droit culturel. Ce dernier atelier a comme but la présentation de quelques instruments législatifs de protection à la culture populaire, aux communautés traditionnelles et l’étude des principales lois de soutien à la culture, tel que la loi Rouanet et le système établi par le PRONAC. Finalement, la troisième étape prévoit la continuation des ateliers de langue portugaise et d’éducation patrimoniale, en ajoutant des cours d’introduction à l’économie culturelle et d’élaboration de projets. En ce qui concerne l’économie, l’atelier a comme but d’éclaircir des questions de taxation exigées lors de l’élaboration d’un projet pour l’obtention de financement, au-delà de donner des bases pour la compréhension de ce qu’est une économie de la culture et les moyens pour la développer. L’atelier d’élaboration de projets, par ailleurs, a comme principal objectif l’autonomisation de ces jeunes à élaborer des projets pour répondre aux appels des institutions publiques et privées.

Ces ateliers visent à fournir les éléments basiques pour l’insertion de ces jeunes, de leurs communautés et des cocos dans les politiques culturelles et dans le marché de la culture. Nous comprenons que la langue portugaise et l’éducation patrimoniale sont deux sujets transversaux aux autres ateliers et que, pour cela, ils doivent être présents pendant les trois cycles. De plus, le cours de portugais a aussi comme but de compléter l’éducation formelle, puisque dans la majorité des cas la qualité des écoles publiques dans ces régions est très basse. Finalement, à partir de l’ensemble des cours ici proposés ces jeunes doivent avoir une notion

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des éléments théoriques et techniques nécessaires pour représenter les intérêts de la culture populaire de leurs communautés.

Cette initiative essaie de répondre aux principaux problèmes identifiés auparavant auxquels les participants des cocos doivent faire face. C'est-à-dire : la difficulté posée par le langage utilisé par les institutions publiques et par elles exigées lors d’un appel à projet ; la problématique du manque d’information et de connaissance technique, surtout en ce qui concerne l’utilisation de l’ordinateur, principal moyen de divulgation d’informations de nos jours ; et la valorisation des cocos et de la culture populaire dans ces aspects symbolique, citoyen et économique. Comme résultat des ateliers chaque jeune doit présenter un projet de promotion culturelle pour sa communauté, ayant comme sujet les cocos et/ou d’autres expressions culturelle liées à cette pratique, en prenant en compte les spécificités rencontrées dans sa localité. Ce projet doit répondre au format stipulé par les appels à projets de la loi Rouanet, envisageant la future captation de financement.

- Ateliers d’instruments : ces ateliers ont comme but la transmission du savoir-faire et du savoir-jouer des instruments utilisés dans les cocos. Cette action s’avère nécessaire lorsque l’inventaire a identifié le manque d’instruments comme la principale cause de la fin de la brincadeira dans quelques communautés. Ces ateliers peuvent être ouverts au public en général, envisageant une plus grande diffusion de cette expression culturelle et des savoirs liés à elle. De plus, cette initiative constitue un moment de partage et d’échange entre les générations et entre les communautés porteuses de ce bien culturel, au-delà de promouvoir la valorisation des savoirs traditionnels des personnes plus âgés présentes dans ces groupes.

- L’exposition photographique : un des produits du projet est une exposition photographique itinérante d’images prises pendant l’inventaire et d’autres prises pendant le développement du plan de sauvegarde. Le photographe responsable de la prise de ces photos doit être accompagné par les jeunes de chaque localité qui serviront de guide, pas seulement pour le déplacement de ce professionnel, mais aussi pour la découverte de la pratique des cocos et de ses aspects les plus importants. Les photos exposées seront sélectionnées par les jeunes agents culturels, selon les critères abordés dans l’atelier d’éducation patrimoniale. Cette exposition doit parcourir toutes les communautés impliquées dans le plan de sauvegarde et peut, encore, être placée dans des musées et galeries de différentes villes de l’état de Paraíba, surtout dans la capitale, Joao Pessoa.

- Le site internet du Musée Vivant des Cocos : à partir des ateliers d’informatique, de portugais et d’éducation patrimoniale, les jeunes participants du projet devront, en partenariat avec un technicien informatique et avec le suivi des coordinateurs du projet, élaborer un site d’internet pour le Musée Vivant des Cocos. Ce site servira de moyen de diffusion des recherches menées pendant l’inventaire, des actions et suivi du plan de sauvegarde et de la propre expression culturelle. Sa structure doit ainsi impliquer : une carte en identifiant les lieux où les cocos peuvent être rencontrés et les points de visite du Musée; la version digitale du catalogue du Musée ; les rapports de l’inventaire des cocos et du suivi du plan de

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sauvegarde ; un espace de diffusion des dates de répétitions, célébrations et de festivités où cette expression culturelle peut être observée ; diffusion de photos et de petites vidéos sur les cocos ; un espace pour les publications déjà réalisées sur le sujet (articles, livres, thèses, etc.); diffusion de produits des groupes de cocos (CD, DVD) ; contact des groupes de cocos ; lien pour des sites de partenaires. Ce produit devient très important dans le contexte moderne, où la diffusion virtuelle gagne de plus en plus de place. De plus, ce site peut représenter un lien entre les communautés, les chercheurs et les institutions publiques et privées. Les publications ici présentées peuvent être utilisées comme preuves de notoriété des groupes de cocos, comme exigées par les municipalités lors de l’embauche d’un artiste pour des présentations dans des événements publics.

- Catalogue du Musée Vivant des Cocos : ce catalogue vise à créer un circuit de visite en rassemblant les adresses de lieux et des personnes de référence pour cette expression culturelle. Il sera composé de textes sur la culture populaire et les cocos, plus spécifiquement, dans l’état de Paraíba et dans les différentes localités inventoriées. Ce catalogue doit fournir une brève description des cocos de chaque localité, l’identification des groupes, des dates de festivités quand cette expression peut être observée43, aussi bien que l’identification d’autres biens culturels liés à cette manifestation. Au-delà des textes il doit aussi être illustré par quelques photos présentées dans l’exposition itinérante. Chaque lieu de visite du Musée doit avoir un exemplaire. Le catalogue doit aussi être mis en disposition dans les institutions liées à la culture et au tourisme dans chaque localité. Il sera aussi diffusé en version digitale sur le site internet du Musée Vivant des Cocos.

Tous ces produits seront réalisés par les jeunes participants du plan de sauvegarde en partenariat avec les participants des groupes des cocos et les coordinateurs du plan. Ainsi, ces agents culturels doivent jouer un rôle d’intermédiaires entre les demandes et attentes des communautés et groupes des cocos et le produit final élaboré. La relation entre ces agents et les communautés cibles doit donc être très forte. Elle commence lors de la sélection de ces jeunes qui doivent être indiqués par les groupes des cocos. Chaque localité peut avoir, au moins, deux participants dans les ateliers, envisageant un dialogue entre eux, le partage d’expériences et la meilleure représentation des différents groupes rencontrés dans chaque localité.

A partir de l’indication des groupes de cocos une sélection sera faite suivant des critères tels que l’engagement de l’individu vers les cultures populaires ; la responsabilité ; l’intérêt ; et la représentativité que ce jeunes ont par rapport à leurs communautés. Les adhérents de l’Association qui gérera le Musée Vivant seront les responsables pour cette démarche. Ce processus de sélection est très important puisqu’il va influencer la légitimité des actions menées ultérieurement par cet agent culturel. Alors, cette décision sera prise à partir d’un consensus entre les maîtres des cocos, les principaux participants de cette expression

43 Sur le site ces dates peuvent être actualisées plus facilement que sur le catalogue. Ainsi, que les dates principales doivent être présentées sur le support imprimé, en tant que toutes les activités menées dans les communautés peuvent être diffusées sur le site.

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culturelle de chaque localité et les coordinateurs du plan de sauvegarde. Il est nécessaire que le plus grand nombre de groupes soient représentés lors de cette sélection.

La reconnaissance d’un patrimoine immatériel n’a pas de sens si l’importance de ce bien n’est pas perçue par les propres individus qui le détiennent. La reconnaissance et le respect aux savoirs des communautés traditionnelles, des ressources aux formes d’appui à la participation politique et la promotion de l’accès aux politiques publiques – présupposés basiques de l’exercice de la vraie citoyenneté – font que le Musée Vivant des Cocos se présente comme un moyen de réelle utilité sociale.

Ce projet vise la valorisation de la tradition orale, basée sur les savoirs populaires des personnes plus âgées. En même temps, en prenant comme public-cible les jeunes de ces communautés, le plan de sauvegarde finit par promouvoir un changement du regard des nouvelles générations sur l’importance et sur le rôle de ces savoirs dans le contexte actuel. Plus que ça, le plan ici développé vise la promotion de l’autonomie et de la visibilité d’une manifestation culturelle peu valorisée. Le but principal de ce projet est, ainsi, de permettre que les participants des groupes des cocos soient les protagonistes du développement de leur culture. Pour cela les activités prévues ont comme but la promotion de l’égalité d’accès à la réalisation des actions culturelles et la capacité d’une production culturelle autonome.

Nous pouvons observer que le plan de sauvegarde ici présenté est basé sur les projets culturels qui constituent le programme Culture Vivante mis en place par le gouvernement Lula présenté auparavant. Ainsi, ce plan vise aussi l’intégration de la sauvegarde du patrimoine immatériel dans ces actions culturelles plus larges développées, surtout, par les Points de Culture. Pour cela, le développement des activités ici prévues doivent compter sur un partenariat entre les points de culture des localités impliqués (s’il y en a), les écoles publiques et les groupes de cocos. Le but est que ces organismes participent à la formation des Agents Culturels Communautaires et au suivi des actions du plan de sauvegarde. En utilisant des structures de promotion sociale, culturelle et de citoyenneté déjà établies, le projet ici présenté vise leur renforcement et leur dynamisation, aussi bien que l’établissement d’un réseau stable, qui puisse garantir la durabilité et l’autogestion des activités mises en place par le plan de sauvegarde. Le plan de sauvegarde répond, ainsi, aux deux principales directives de l’Unesco et de l’Iphan: la participation active des communautés dans les décisions et dans les actions menées et la durabilité du bien en question, à partir d’une auto gestion des nouvelles structures mises en place à partir du plan de sauvegarde.

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Conclusion

En guise de conclusion, il nous semble intéressant de rappeler que ce travail nous a permis de dresser plusieurs constats concernant les politiques de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel au Brésil, et les nombreuses contraintes lors de la mise en place de ces politiques. A partir de la relation entre la culture, le développement et l’Etat, nous avons démontré comment le gouvernement Lula s’est présenté comme un agent de développement dans le domaine de la culture, en stimulant ce secteur et en le considérant aussi comme facteur de dynamisation du développement national. Le patrimoine immatériel, dans ce contexte, joue un important rôle, puisqu’il est en accord, par sa propre nature, avec le principal principe de la politique culturelle actuelle du pays, c'est-à-dire, la démocratisation. L’Etat se révèle ici fondamental, celui-ci étant le principal agent en ce qui concerne l’identification et le financement des projets de sauvegarde.

Si la liaison entre l’Etat et le patrimoine culturel a été toujours très forte, celui-ci étant un des principaux pilaire de la construction de l’Etat National, aujourd’hui cette relation gagne de nouvelles formes, surtout dans le contexte brésilien. Ainsi, au-delà d’être un moyen d’unification, de stimuler le sentiment d’appartenance à une unité nationale, le patrimoine, en spécial ce de nature immatériel, est devenu une façon de garantir la diversité culturelle et le développement des différents groupes sociaux. Etant liée à des communautés historiquement exclues, la sauvegarde de la culture populaire se présente comme un chemin d’insertion économique, politique et sociale, contribuant pour un développement durable. Néanmoins, lors que ces actions sont misent en place par un agent externe, tel que l’Etat, qui s’en sert des instruments légaux et bureaucratiques qui ne sont pas forcement reconnu par ces groupes, de nombreuses contraintes se posent.

Au travers de l’analyse de l’inventaire des cocos au Nord-est du Brésil, projet dans lequel le stage du Master Professionnel en Anthropologie et Métiers de Développement Durable c’est déroulé, nous avons observé les conflits existants entre une démarche qui se veut démocratique, et qu’est, au même temps, basée sur les principes de la bureaucratie et appliquée à une réalité d’inégalité et d’exclusion. L’interaction entre ces différentes réalités a comme résultat un décalage entre les actions prévues, la pratique et les résultats observés.

Ainsi, dans un processus d’inventaire, chaque décision a des importantes conséquences. Dans un mouvement où les traditions s’approprient de la modernité et où l’Etat moderne s’adapte aux cultures populaires, nous observons un mélange des questions politiques, économiques, publiques et privées. Au même temps, les recherches et d’autres actions menées par l’inventaire impliquent déjà, comme nous avons observé, des changements dans le bien culturel, de façon à rendre au procès même un caractère d’action de sauvegarde.

La réalité de cette démarche implique des différents acteurs et des nombreux enjeux. Un contexte si complexe semble être difficilement appréhensible par une méthodologie basée sur

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des formulaires, telle que l’INRC. Même si cette méthode accomplit son but de production de connaissance sur le bien culturel immatériel, nous nous demandons si cela serait suffisant lors qu’un inventaire vise donner les bases pour des actions d’intervention dans la réalité où ce bien est présent.

En prenant cette question en compte, nous avons essayé au travers de ce mémoire de contextualiser les biens immatériels et les politiques qui les concernent, dans l’ensemble qu’est la culture. De ce fait, les actions de sauvegarde doivent agir sur cet ensemble, en cherchant une insertion égalitaire des cultures populaires dans le contexte des politiques publiques culturelles. Pour cela nous considérons le caractère tridimensionnel de la culture (dimension symbolique, économique et citoyenne), en tenant en compte leur complémentarité.

Nous défendons ainsi le rôle de l’inventaire et du conséquent plan de sauvegarde comme des moyens de promotion d’un mouvement d’intégration, d’insertion et de syncrétisme dont les communautés porteuses du bien culturel doivent être au centre des décisions. Dans cette perspective le premier instrument, au-delà de servir à l’identification du bien, doit aussi identifier les moyens nécessaires pour la promotion de cette culture, ainsi que ceux qui sont déjà existants. La prise en compte des structures préexistantes est fondamentale, puisqu’au moment qu’elles sont ignorées, les initiatives locales les sont aussi. La politique de sauvegarde est ainsi perçue comme seule chemin de protection et de développement de ces cultures et gagne une dimension colonialiste, l’Etat étant le porteur du bien être et de la conscience de l’importance de cette culture. Dans cette même perspective le plan de sauvegarde a comme principal objectif la mis en place de structures et de moyens qui permettent les porteurs des biens culturels inventoriés de maintenir leur tradition. Cependant, la façon comme cela va se passer doit être un choix des participants de l’expression culturelle.

Alors, dans le contexte des cocos, où les recherches ont permit l’identification de demandes liées à une plus grande divulgation du bien, à la promotion de spectacles, d’enregistrement de CD et d’un échange entre les différentes villes, nous avons proposé un plan de sauvegarde basé sur la promotion touristique. Au même temps ce plan vise mettre à la disposition des participants de cette manifestation culturelle les moyens pour qu’ils puissent faire face aux effets pervers de ces actions, en jouant un rôle actif face à ce processus. Le but n’est donc pas de déterminer les chemins par lesquels ces biens serons traités à partir de leur registre comme patrimoine national, mais de rend possible plusieurs chemins. A partir de cette initiative, la vision fataliste de la fin des traditions ou d’une nécessité de protection de ces patrimoines ou de ces communautés face à la société moderne n’a plus de sens.

Finalement, à partir de ce mémoire nous avons démontré l’importance de la culture et du patrimoine immatériel pour la mis en place d’un développement durable. Au même temps, à partir de l’analyse des contraintes apparues lors du rencontre de la logique bureaucratique de l’Etat avec la réalité dynamique et complexe présente dans le contexte local des communautés porteuses des cocos, nous avons essayé de travailler quelques pistes pour que ces conflits soient résolus. Avec ce mémoire nous avons donc essayé de contribuer à la réflexion si chère

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à nos jours, sur la mis en place d’un développement durable basé sur la démocratisation, la diversité et le respect sans, pourtant, ignorer la réalité existante, c'est-à-dire, d’un système capitaliste, fondé sur le marché et la monnaie.

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