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Les plaintes cognitives sont fréquentes en vieillissant. Souvent, elles concernent la mémoire des souvenirs récents. On peut se plaindre également de difficultés de concentration ou encore de difficultés à trouver le mot juste. Une plainte cognitive est-elle un signe avant- coureur d’une maladie d’Alzheimer qui débute ? Quelle importance doit- on lui accorder ? Bien sûr, il importe de ne pas la minimiser. Les scénarios suivants aideront à y voir plus clair : Colette, 75 ans, est une dame énergique : elle pratique certains sports tels la natation et le ski de fond, aime la nature et se passionne pour les oiseaux. Depuis quelques années, elle note certains changements au plan cognitif. Il y a des petits oublis tel le nom d’un acteur de cinéma pourtant connu et sa fille doit parfois lui repréciser certains faits discutés il y a quelques semaines. Il suffit alors de lui rafraîchir la mémoire en lui donnant des indices et le souvenir lui revient. Dernièrement, elle a oublié de prendre son nouveau médicament prescrit pour son hypertension artérielle. Rapidement, elle a adopté un pilulier. Sa mère avait la maladie d’Alzheimer alors qu’elle était âgée de 80 ans. Voilà qu’elle s’inquiète et devient anxieuse. Claude, âgé de 63 ans, est professeur de littérature à l’université. Depuis quelques mois, il cherche plus souvent ses mots, cela lui prend plus de temps pour répondre aux questions de ses étudiants et il doit fournir un effort plus soutenu pour bien préparer les cours qu’il enseigne pourtant PLAINTES COGNITIVES ET VIEILLISSEMENT Auteure : Brigitte Gilbert, Ph.D. AQNP.ca AQNP.ca [email protected] PLAINTES COGNITIVES ET VIEILLISSEMENT 1

PLAINTES COGNITIVES ET VIEILLISSEMENTcapacités cognitives ne montrent guère de signes de vieillissement ! Ainsi, la plupart des connaissances acquises à l’école, au fil des lectures,

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Les plaintes cognitives sont fréquentes en vieillissant. Souvent, elles concernent la mémoire des souvenirs récents. On peut se plaindre également de difficultés de concentration ou encore de difficultés à trouver le mot juste. Une plainte cognitive est-elle un signe avant-coureur d’une maladie d’Alzheimer qui débute ? Quelle importance doit-on lui accorder ? Bien sûr, il importe de ne pas la minimiser. Les scénarios suivants aideront à y voir plus clair :

Colette, 75 ans, est une dame énergique : elle pratique certains sports tels la natation et le ski de fond, aime la nature et se passionne pour les oiseaux. Depuis quelques années, elle note certains changements au plan cognitif. Il y a des petits oublis tel le nom d’un acteur de cinéma pourtant connu et sa fille doit parfois lui repréciser certains faits discutés il y a quelques semaines. Il suffit alors de lui rafraîchir la mémoire en lui donnant des indices et le souvenir lui revient. Dernièrement, elle a oublié de prendre son nouveau médicament prescrit pour son hypertension artérielle. Rapidement, elle a adopté un pilulier. Sa mère avait la maladie d’Alzheimer alors qu’elle était âgée de 80 ans. Voilà qu’elle s’inquiète et devient anxieuse.

Claude, âgé de 63 ans, est professeur de littérature à l’université. Depuis quelques mois, il cherche plus souvent ses mots, cela lui prend plus de temps pour répondre aux questions de ses étudiants et il doit fournir un effort plus soutenu pour bien préparer les cours qu’il enseigne pourtant

PLAINTES COGNITIVES ET VIEILLISSEMENT

Auteure : Brigitte Gilbert, Ph.D.

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depuis longtemps. Il prend également davantage de notes et trouve plus difficile de se rappeler des nouvelles informations en lien avec son domaine d’expertise. Claude possède un cellulaire avec agenda électronique depuis plus de 5 ans. Pour son anniversaire, ses enfants lui ont acheté un nouveau téléphone possédant les mêmes fonctionnalités mais avec écran tactile. L’apprentissage est plus long qu’il ne l’aurait pensé ! Après plusieurs explications de sa fille, de la pratique et quelques erreurs commises, il maîtrise enfin son nouvel appareil. Claude est conscient de ses difficultés cognitives et se dit qu’il a peut-être la maladie d’Alzheimer.

VIEILLISSEMENT NORMAL DES FONCTIONS COGNITIVES

Ces deux scénarios illustrent, chacun à leur façon, différentes facettes du vieillissement. Ainsi, les études s’intéressant au vieillissement normal montrent que l’avancement en âge entraîne des changements au plan cognitif et que ceux-ci peuvent varier d’une personne à l’autre. Les principales modifications concernent la mémoire des faits récents. Ainsi, les détails d’un article lu il y a quelques jours nous échappent et il est parfois nécessaire de se faire préciser le contexte d’un souvenir pour nous rappeler l’épisode. D’autres modifications peuvent se présenter. Il faut parfois fournir plus d’effort pour gérer les activités qui ne sont pas routinières. La préparation d’un souper pour plusieurs convives est plus exigeante, faire deux choses à la fois n’est plus aisé comme avant et suivre une conversation dans un environnement bruyant nous fatigue maintenant davantage. Enfin, notre esprit n’est peut-être pas aussi vif qu’autrefois et le mot sur le bout de la langue nous agace. Ces changements sont perçus comme des irritants, pour lesquels il est possible de s’adapter. Le profil de Colette semble bien correspondre à cette description. Malgré certains changements notés, elle demeure indépendante et trouve des stratégies pour remédier à ses difficultés. L’achat du pilulier en est un exemple.

Fait important : les recherches rapportent également que certaines capacités cognitives ne montrent guère de signes de vieillissement !Ainsi, la plupart des connaissances acquises à l’école, au fil des lectures, lors de voyages ou en suivant des cours sont toujours présentes en mémoire. De même, les habiletés motrices (exemples : tricoter, jouer d’un

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instrument de musique, pratiquer un sport) ou cognitives (exemples : naviguer sur internet, jouer aux échecs) apprises au fil des années sont encore maîtrisées.

LE TROUBLE COGNITIF LÉGER

Certains changements au plan cognitif peuvent devenir plus importants en termes de fréquence d’apparition et d’intensité, suffisamment importants pour que cela inquiète la personne qui les vit et ses proches. On parle de «trouble cognitif léger» ou «MildCognitive Impairment» (MCI) lorsque les caractéristiques suivantes sont rencontrées :

- La personne se plaint de difficultés cognitives, donc il s’agit d’unchangement par rapport à son niveau antérieur, habituellementcorroboré par un proche.

- Élément important : ces personnes éprouvent effectivement plusde difficultés cognitives que des gens du même âge et descolarité comparable lorsqu’elles sont évaluées. Ces changementspeuvent être observés sur des épreuves de dépistage administréespar un médecin.

- Par ailleurs, la personne demeure autonome et les difficultés sontsans impact important dans la vie de tous les jours. Certainesactivités plus complexes, moins routinières peuvent prendre plus detemps qu’avant. Néanmoins, la personne demeure toujours capablede les faire.

Le trouble cognitif léger concerne souvent la mémoire des faits récents mais d’autres difficultés sont généralement présentes : des difficultés de concentration, des problèmes de planification et d’organisation, une tendance à chercher davantage ses mots en conversation. Les changements cognitifs peuvent avoir plusieurs causes. Il peut s’agir de l’effet d’un médicament, d’un diabète mal contrôlé, d’une anomalie de la glande thyroïde, d’un déficit en vitamine B12, d’un trouble du sommeil ou encore être relié à la présence d’une dépression. Lorsque ces différentes conditions médicales sont traitées, une amélioration est souvent observée

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au plan cognitif. Claude pourrait présenter un trouble cognitif léger. Plus récemment, la dernière version du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) réfère au terme « Mild Neurocognitive Disorder » notamment pour qualifier cet état.

Le trouble cognitif léger peut également être considéré comme un état intermédiaire entre le vieillissement normal et les premières manifestations d’une maladie qui affecte la cognition, la plus connue et la plus fréquente étant la maladie d’Alzheimer. En effet, il est maintenant admis que chaque année, un certain pourcentage de ces cas évoluera vers une maladie d’Alzheimer.

LE NEUROPSYCHOLOGUE PEUT VOUS AIDER

Il n’existe encore aucun traitement pour guérir une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer. Les traitements disponibles n’ont pour effet que Si vous avez des inquiétudes, si vous notez des changements au plan cognitif, la première étape consiste à en parler à votre médecin de famille. Comme il a déjà été mentionné, certaines causes médicales peuvent expliquer les difficultés (exemples : diabète, hypothyroïdie). Un bilan médical est donc important. Lors de votre visite, le médecin évaluera sommairement votre état cognitif à l’aide de tests de dépistage. Assez souvent, les difficultés exprimées sont subtiles et passent inaperçues avec de tels tests et ce, de façon plus marquée chez les personnes possédant un niveau de scolarité élevé. Le médecin pourra vous référer à un neuropsychologue du réseau public. Alternativement, vous pourriez consulter un neuropsychologue en clinique privée. Dans plusieurs cas, seule une évaluation neuropsychologique plus approfondie des fonctions cognitives permet de préciser ce qui relève du vieillissement normal ou du trouble cognitif léger. En effet, de par sa formation, le neuropsychologue possède les compétences pour interpréter judicieusement les résultats cliniques (les résultats aux tests et les observations en entrevues). De plus, il sera en mesure d’apprécier la contribution relative de certains facteurs (exemple : douleur chronique, maladie pulmonaire obstructive chronique, anxiété) en se référant aux études scientifiques pertinentes. Le tableau cognitif mettra également en

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lumière les capacités préservées ou peu touchées, ce qui permettra au neuropsychologue de préciser les stratégies cognitives à privilégier au quotidien.

VOUS AVEZ UNE PLAINTE COGNITIVE, QUE FAIRE ?

Les experts dans le domaine s’entendent sur l’importance d’adopter un style de vie plus sain. Ainsi, l’exercice physique pratiqué régulièrement, une alimentation de type méditerranéenne, avoir un bon réseau social ainsi que s’adonner à des activités stimulantes intellectuellement sont bénéfiques. Ces dernières peuvent prendre plusieurs formes selon vos intérêts. Il peut s’agir d’activités culturelles et éducatives (musée, cours de langue, conférences), de jeux de société (jeux de cartes, bridge), d’activités de loisirs (lecture, mots croisés). Il importe de se mettre au défi cognitivement ! Cela pourrait également être l’apprentissage de nouvelles technologies (appareil photo numérique), de se familiariser avec les réseaux sociaux (Facebook) ou de s’initier à un jeu vidéo. N’oubliez pas que, tout comme Claude, il vous faudra peut-être investir plus de temps. Enfin, il existe toute une panoplie d’outils précieux (agenda, calendrier, pilulier, GPS, téléphone intelligent) pour vous aider à gérer vos difficultés au quotidien !

Dernier point :. il importe de se donner des moyens pour contrer l’humeur dépressive : continuer à avoir des projets, toujours se sentir utile, se faire plaisir, apprécier les aspects de notre vie qui vont bien et savourer nos réussites

Après avoir consulté un neuropsychologue, Claude pense à diminuer sa charge de travail afin de consacrer plus de temps à ses projets personnels. Il a opté pour un style de vie plus sain et s’est notamment remis à la marche quotidienne. Colette, de son côté, est rassurée et a repris avec plaisir ses activités de loisirs.

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RESSOURCES

Guides et dépliants

- Faites travailler vos méninges – dépliant publié par l’Institutuniversitaire de gériatrie de Montréal (IUGM)

- Autres dépliants utiles de l’IUGM

- Capacités cognitives: garder l’esprit alerte. Protégez-Vous – Guide pratique de l’aide aux aînés, publié en partenariat avec l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (IUGM) en septembre 2011.

- Living with Mild Cognitive Impairment: A Guide to Maximizing Brain Health and Reducing Risk of Dementia. Anderson, N.D., Murphy,

K.J., & Troyer, A.K. (2012). Oxford University Press.

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ENTAUTEURE

Brigitte Gilbert, Ph.D., est neuropsychologue clinicienne, spécialisée en gériatrie. Elle travaille depuis plus de 20 ans à l’IUGM où elle est coordonnatrice professionnelle du service de neuropsychologie. Elle est également responsable de la formation clinique des internes en neuropsychologie. Dre Gilbert collabore à certains projets de recherche portant sur la prise en charge cognitive auprès des aînés. Elle est coauteure du Programme d’intervention MEMO.