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Numéro 8 Mai 2009 / www.pigemag. com PIGÉeurope Les petites mains de l’Europe Page 8/9 PIGÉsport Des podiums aux bancs de la fac Page 26/27 Les jeunes à l’assaut de la démocratie… PIGÉenquêté Grenoble berceau de Big Brother ? Page 4/5 Les jeunes à l’assaut de la démocratie… Pages 11 à 19 É Le journal de l'IEPG PIG magazine

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Numéro 8 M a i 2 0 0 9 / w w w . p i g e m a g . c o m

PIGÉeurope • Les petites mains de l’Europe Page 8/9

PIGÉsport • Des podiums aux bancs de la fac Page 26/27

Les jeunesà l’assaut

de la démocratie…

PIGÉenquêté • Grenoble berceau de Big Brother ? Page 4/5

Les jeunesà l’assaut

de la démocratie…Pages 11 à 19

É Le journal de l'IEPGPIGmagazine

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Olivier Bertrand voit vert !Le site d’Olivier Bertrand,conseiller général de l’Isèreet conseiller municipal del’opposition à Grenoble,n’est pas vert. Il est gris.Mais la couleur n’a guèred’importance car les idéespriment. N’ayant pas peurde gêner et de dire ce qu’ilpense, c’est sur un blog

actualisé régulièrement que l’élu Vert donne ses points de vuesur l’actualité politique grenobloise et parfois même nationale.Que l’on soit du même bord politique ou pas, ce site a le mérited’être clair sur ses positions et propose un avis alternatif sur certains dossiers parfois sensibles.olivierbertrand.org

Grenoble c’est mieuxDu chauvinisme à la sauce grenobloise ? Peut-être. Un site pour les passionnés de la ville ? Un peu. Mais Grenoble c’est mieux,c’est plus que ça… On y trouve toutes les infos sur ce qui s’est passé, se passe, ou se passera dans l’agglomération : despersonnages historiques, des lieux uniques, des innovations scientifiques, du sport, de la gastronomie et bien d’autreschoses encore. Des petites anecdotes insignifiantes aux grands moments historiques, tout est dit. Et tous les amoureux deGrenoble peuvent participer, pour ajouter de nouvelles raisons de penser que… Grenoble, c’est mieux ! www.grenoblecmieux.com

Diocèse de Grenoble VienneAllelujah ! L’Église catholique enIsère s’est mise à l’heure d’internet !Un site très riche et très documenté,pour les croyants ou simplementpour ceux qui s’intéressent à l’histoire et aux orientations dudiocèse. On y trouve des informationspratiques pour s’informer ou seformer. Mais le site est avant toutun outil de communication à l’intention des membres de lacommunauté ou des chercheursen théologie. Des dons en lignepeuvent également être effectuéspour soutenir les activités de l’Église iséroise. Qui a dit que lescatholiques ne vivaient pas avecleur temps ? w w w. d i o c e s e - g r e n o b l e -vienne.fr

Under-grePour ceux qui se sentent l’âme d’un rockeur, ceux qui aimentles sons de guitares électriques et mettent les basses à pleine puissance pour refaire le concert, Under-Gre est le siteparfait. Dédié au rock grenoblois, Under-Gre propose les datesdes prochains concerts qui auront lieu dans l’agglomération.Ne se limitant pas aux grandes figures du rock, il est facile d’ytrouver aussi toutes les manifestations de la scène locale.Des articles et des photos viennent parfaire votre culturemusicale, pour les initiés et les novices. Il est également possible d’écouter à volonté les meilleurs morceaux du site.www.under-gre.com

Le site du FC GrenoblePour les amateurs de rugby ou les fervents supportersde l’équipe du FC Grenoble, le site est incontournable.Résultats, évènements, calendrier, les informationspratiques ne manquent pas, et s’ajoutent aux nombreuses photos et résumés de rencontres.Forums, matchs en direct et pronostics : ici, on metun point d’honneur à l’interactivité. Majoritairementdestiné aux supporters du club, il permet aussi se

retrouver autour de « la buvette », forum où les sujets sportifs, politiques et sociaux sont abordés sans tabou.www.fcgrenoble.com

Dis-nous tout !Bien que son apparence soit très simpliste et la navigation peu aisée, lestock d’informations sur chacune desdix villes proposées par ce site est suffisamment complet pour prévoiravec sérénité un séjour ou un week-end.Au-delà d’un passage par Grenoble,les habitants peuvent s’inspirer dansles rubriques du site pour sortir, secultiver, se restaurer… Mis à part lessorties, il est possible de trouver desbons plans et de nombreuses astucespour mieux vivre Grenoble, comme despetites annonces, des « infos pratiques »ou encore un annuaire des associations.Et si vous pensez connaître votre villepar cœur, tentez le quizz !www.dinoutoo.com

Marion Sevenier et Julien Tilmant

PIGÉweb Sur la toile grenobloise

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- On parle beaucoup ces derniers temps de l’avenir de la jeunesse. Que l’on dépeintcomme bien sombre. Je voulais savoir ce que vous en pensiez.- « L’avenir de la jeunesse… c’est la vieillesse ». Vous connaissez la boutade ? Elle estd’un philosophe en 1968 pour écailler la rhétorique emphatique de son époque. La formulepourrait être reprise tant la notion de jeunesse est devenue, aujourd’hui, une véritable prisonmentale. Les « jeunes » ne sont-ils pas assimilés à un monde à part, à la fois fermé surlui-même et pétri de stéréotypes ? Un monde traqué par les techniques commerciales etles politiques publiques. Lorsque d’autres époques valorisaient surtout les rituels qui permettent de sortir de cette condition…- C’est le syndrome mis en scène par le film d’Etienne Chatiliez : Tanguy. A 28 ans, il habitetoujours chez ses parents.- C’est surtout un constat sociologique : la crise des successions (patrimoniale et générationnelle) tend de plus en plus à marginaliser les « jeunes ». D’où l’allongement decette classe d’âge jusqu’à 30 voire 35 ans. D’où surtout une situation d’attente pourentrer dans l’âge adulte… Si l’on en croit les chiffres de l’INSEE, les dépendances familialesmarquent plus longtemps les jeunes générations. Avec le recul de l’âge moyen d’arrivéedu premier enfant, d’accés à un appartement distinct, d’autonomie financière....De même que se développe une précarisation des jeunes des milieux populaires, unesituation qu’ils subissent de plein fouet.- Est-ce pour cela que les jeunes inquiètent aujourd’hui ? - Le mot fétichisé de jeunesse a depuis longtemps été associé à une forme de dangerosité.Pensez au juvenes médiéval évoqué par l’historien Georges Duby. Hier sans sacrement(le jeune, c’était le non-marié), celui-ci est peut être d’abord de nos jours un sans-droit.Marginalisé sur le marché du travail (avec plus de 23% de moins de 25 ans au chômage),enfermé dans un particularisme fait de compassion et de défiance, notre juvenes moderneest condamné à une forme d’impuissance.- Difficile dans ces conditions de rêver d’indépendance et de liberté.- C’est là tout sauf un hasard : faire des « jeunes » le synonyme de la transgression oude l’infantilisme, c’est un bon moyen de réserver aux plus « vieux » la notion de sagesseou de compétence. Et, avec elle, les privilèges qui en sont la contrepartie.- Décidément, la jeunesse n’est pas qu’un mot…

Olivier IHL,directeur de l’IEPG

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PigéwebSur la toile grenobloise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .2

PigéenquêtéGrenoble berceau de Big Brother ? . . . . . . . . . .4/5Humains de laboratoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6/7

PigéeuropeLes petites mains de l’Europe . . . . . . . . . . . . . . .8/9

PigérencontréCaroline, infirmière en psychiatrie . . . . . . . . . . . .10

DOSSIERLes jeunes à l’assaut de la démocratie… . . .11 à 19Des pavés aux urnes, la jeunesse en politique . . . . . . . . . . . . . . .11/12/13Les bambins de la République . . . . . . . . .14/15/16La “ démocratie étudiante ” fonctionne-t-elle ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17/18/19

PigécampusDîner au coin du FEUÀ la rencontre des étudiants évangélistes . . . . .20/21

PigéreportageTapis rouge... Quand la République célèbre ses nouveaux citoyens . . . . . . . . . . . . .22/23

PigéopposéFaut-il rendre les transports en commun gratuits ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .24/25

PigésportDes podiums aux bancs de la fac . . . . . . . . . .26/27

PigécultureNouvelle donne dans le paysage cinématographique grenoblois ?

Projet Méliès 2 : ce qui va changer . . . . . . . . .28Vous avez dit cinémathèque de Grenoble ? . .29

Avec la mode la musique se porte bien . . . . . . . .30La fabrique des petites utopies . . . . . . . . . . . . . .31Escapade sonore à Lyon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .31From New-York to Grenoble ! . . . . . . . . . . . . . . . .31

A lire aussi sur Pigemag.comGraines de rebelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .32JO 2018 à Annecy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .32

Forum « Réinventer la démocratie » ! . . . . . . . . . .32

Sommaire

PIGÉ Magazine, journal d’information édité par Sciences Po Grenoble (IEPG).Directeur de la publication : Olivier Ihl, directeur de l’IEPG.Rédaction en chef : Laurent Rivet.Comité éditorial : Yvan Avril, Gilles Bastin, Aurélie Billebault, Jean-Luc Coppi, Olivier Ihl,Séverine Perrier, Laurent Rivet, Emmanuel Taïeb.Coordination : Julien Tilmant.Secrétariat de rédaction : Clément Girardot, Raphaël Lizambard, Pierre Boisselet.Rédaction et photos : Juliette Cottin, Marion Sevenier, Pierre Boisselet, Clément Girardot,Antoine Laurent, Raphaël Lizambard, Erwan Manac’h, Clément Repellin, Julien Tilmant.Relecture : Annie Rouyard.Graphisme/mise en page : GAILLARD Infographie 06 09 87 66 69.Tirage : 3000 exemplaires.Impression : Imprimerie du Pont-de-Claix.N° ISSN 1777-71-6 XIEP de Grenoble, BP 48 • 38040 Grenoble cedex 9 - www.iep-grenoble.frPrix de vente : 1€

Tel. 04 76 82 60 00 / Fax. 04 76 82 60 70 / [email protected] Pigé Magazine sur www.pigemag.com, le site d’information du master journalisme de l’IEP.

La jeunesse n'est pas qu'un mot...

Edito

Les médias Ecole du master journalisme sont réalisésavec le soutien du Conseil régional Rhône-Alpes.

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PIGÉenquêté

DDes caméras qui savent lireles images comme deshumains…Nous n’y sommes pas encore,mais les technologies d’analysed’images automatisées sedéveloppent. Avec une équipede recherche spécialisée àl’Institut National deRecherche en Informatique et Automatique (INRIA) et plusieurs startups, Grenobleest en pointe dans ce domaine.Mais ces innovations soulèvent des questions.

Vous entrez dans son bureau. A peinequelques politesses échangées, avecson fort accent américain, qu’il vousbraque avec son iPhone trafiqué. Tousvos faits et gestes sont enregistrés envidéo. Dès qu’il appuie sur le boutonde fin, la séquence se retrouve sur unserveur Internet. Cette application-là,Apple ne l’a pas encore développée.Mais puisque la machine en a la capacité, ce féru de technologie s’estamusé à la créer…Bienvenue chez le professeur JamesCrowley, directeur de recherche àl’INRIA (Institut National de Rechercheen Informatique et en Automatique) àGrenoble. L’équipe de chercheurs qu’ildirige est spécialisée dans l’analysedes images vidéo.

Innombrables applications« Regardez ce qu’on peut faire avecles techniques que nous développons,dit-il en ouvrant une vidéo sur sonordinateur. Ces images ont été prisespar un système de caméras intelligentessur un carrefour. La caméra est capablede détecter quand le feu passe aurouge, et si une voiture le franchit à cemoment-là, elle peut lire sa plaqued’immatriculation et transmettretoutes les informations. »Analyser des images prises par unecaméra sans avoir recours à l’homme :ce principe ouvre des perspectivesd’applications innombrables, dontcertaines sont déjà commercialisées.Étude des flux de clients dans lesgrands magasins ou les aéroports,analyse des réactions des passants enfonction de la disposition des vitrines,veille médicale des personnes âgéesseules chez elles… James Crowley adéjà créé trois startups, à Grenoble.L’une d’elles, Blue Eye Video, dont il acédé ses participations depuis, venddéjà ses services aux aéroports deParis pour la gestion de leurs filesd’attente, ou encore à la société Thales,pour la détection d’attroupementsdangereux à la Mecque pendant les pèlerinages. D'autres secteurs,comme ceux de la sécurité sont déjàintéressés.

Une expérimentation à La Villeneuve

Pendant un an, la ville de Grenoble a testé un dispositif de caméra intelligente pour la surveillance d’une zone,à La Villeneuve. Mais le projet a fait long feu.

En 2005, la ville de Grenoble passe un contrat avec la société Blue Eye Vidéo, éditrice de logiciel d’analyse d’images,co-fondée par le professeur James Crowley. Cet accord portait sur l’installation d’un système de surveillance automatisé,avenue Constantine. « Nous avons mis en place des caméras capables de reconnaître les comportements suspects,notamment pour les vols dans les voitures » indique Pierre De La Salle, directeur de la société à l’époque.« Les vols à la roulotte sont une des infractions les plus courantes » indique Cyrille Jacob, directeur prévention et sécuritéde la ville de Grenoble, qui suivait cette expérimentation. Le schéma est simple : une personne s’approche d’une voiture,jette un lourd objet contre une vitre et s’empare des objets de valeur. « On a voulu voir si des caméras intelligentes pouvaientnous aider à résoudre le problème. » Quand une personne restait trop longtemps près d’une voiture, une alarme sedéclenchait, et les images du suspect en action étaient envoyées à la police.Le projet a valu à la ville et à Blue Eye Vidéo une nomination aux « Big Brother Awards », une distinction ironique, décernéechaque année au système de surveillance le plus novateur. L’actuel directeur de la start-up grenobloise, Pierre-JeanRivière, embarrassé par cet épisode, souligne le changement de cap de sa société depuis. « Quand j’ai pris la directionen 2006, j’ai mis fin aux activités de notre société liées à la sécurité. » Le système était-il efficace ? Est-il toujours enplace ? « Là-dessus, c’est à la ville de Grenoble de vous répondre. C’est du passé. Je ne souhaite pas revenir dessus »conclut-il.Le projet n’a duré qu’un an, et son arrêt ne semble pas s’être décidé sur des questions éthiques. « En fait, le type devol que l’on cherchait à détecter ne dure que quelques secondes, commente Cyrille Jacob. A aucun moment les réglagesn’ont été faits convenablement pour parvenir à les détecter. L’alarme ne se déclenchait pas, ou se déclenchait quand ilne fallait pas. Nous avons mis fin à l’expérience parce qu’elle n’était simplement pas concluante. »

Grenoble berceau de

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PIGÉenquêté

« Plus on regarde, moins on voit »Le 16 février dernier, le ministre del’Intérieur, Michèle Alliot-Marieannonçait sa volonté de tripler lenombre de caméras de surveillancesur la voie publique en France d’ici àla fin de l’année. Mais l'efficacité descaméras traditionnelles est discutable.Quand elles sont utilisées a posteriori,dans le cadre d’une investigationsuite à une plainte, la police consulteles films de la scène pour identifier lesauteurs. Ce type d’utilisation, le plusrépandu, n’empêche pas les infractionsde survenir. D’après le sociologueTanguy Le Goff, auteur d’une étudesur la vidéosurveillance, les effets dissuasifs des caméras de surveillancesont faibles, voire nuls sur les atteintesaux personnes. L’autre utilisation possible, c’est la surveillance en direct,

avec des opérateurs derrière lescaméras, pour une intervention rapideen cas d’infraction. Une telle utilisationcoûte cher, et atteint vite à ses limites.Un rapport de l’Institut National desHautes Études en Sécurité (INHES)estimait, en juillet 2008, qu’un opérateur ne pouvait pas contrôlerplus de 10 à 15 caméras sans perdreson efficacité.« Dans les villes qui ont décidé d’utiliser ce système, comme Nice ouStrasbourg, entretenir une équipe de10 ou 12 personnes coûte souventaux alentours de 300 000 euros par an,rappelle Cyrille Jacob, directeur prévention et sécurité de la ville deGrenoble. Et comme, dans la plupartdes cas, ces équipes ne grossissentpas dans les proportions des nouvellesinstallations de caméras, on arrive

vite à un paradoxe : plus on regarde,moins on voit. Quand on reçoit tropd’informations, on ne parvient plus àles traiter correctement. »En assistant les opérateurs, en leursignalant par des alertes les compor-tements suspects, les dispositifs dits« intelligents » pourraient permettrede résoudre ce problème. La ville deGrenoble a d'ailleurs tenté l’expérienceen 2005 (voir encadré page 4).

Traçage des citoyens« J’ai décidé de ne pas développerd’applications dans le domaine de lasécurité », affirme James Crowley.Pourquoi ? « Cela peut mener à desdérives sur la question du respect dela vie privée. Un grand nombre d’organisations vont être tentées parl’utilisation de ce genre de technologiespour le traçage de leurs employés oude leurs administrés. » « Ma position sur le sujet est uneconviction personnelle, poursuit-il.Mais vous savez, partout où il y a unmarché, il y a des sociétés prêtes àdévelopper les produits. »En Grande-Bretagne, pays en pointedans la surveillance, l’utilisation descaméras intelligentes pour suivre lescitoyens britanniques à la trace existedéjà. Avec le programme AutomaticNumber Plate Recognition (ANPR),

des caméras détectent les plaquesd’immatriculation et les informationssur la localisation des véhicules sontenvoyées à un fichier central (jusqu’à50 millions d’identifications par jour,dont les données sont conservéespendant 5 ans, d’aprés The Guardian,sept. 2008), rendant possible lareconstitution des trajets d’une personne sur une longue période.A en croire un rapport du HomeOffice, le ministère de l’Intérieur britannique, la prochaine étape sera,peut-être, l’application de ce principeà la reconnaissance des visages.« C’est, pour l’instant, très compliquéd’identifier les visages avec ces logiciels : il faut avoir une image debonne qualité, de face, et puis il y unnombre de visages considérable, jugele professeur Crowley. Le débat sur lasurveillance des personnes doit avoirlieu dans la sphère publique. Il n’y a pas de limites à ce que peut faire la technologie en la matière, ce n’est qu’une question de temps et d’investissement. »

Pierre BoisseletCrédits photos : Pierre Boisselet

« Un grand nombre d’organisations vont être tentées par l’utilisation

de ce genre de technologies pour letraçage de leurs employés ou de

leurs administrés. » James Crowley.

James Crowley à mis au point un système qui détecte les plaquesd'immatriculations des voitures qui franchissent les feux rouges.

A l'Institut National de la Recherche en Informatique et Automatique, à Montbonnot,on développe les technologies d'analyse d'images.

Big Brother ?

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Humainsde laboratoirePIGÉenquêté

LLes tests cliniques sur des humains font partie intégrante de la recherche médicale et du processusde commercialisation des médicaments.Garants de la sécurité des malades et de la conformitédes médicaments avec les normes sanitaires, ils sontméconnus. La présence du centre de tests Optimeddans l’agglomération grenobloise est l’occasion de se pencher sur cette activité.

La crise est là. Une situation qui augmentera sûrement le nombre delecteurs s'attardant sur certaines

annonces, que l'on trouve au détour desjournaux gratuits deGrenoble :« Optimed ClinicalResearch recherche desvolontaires pour participerà des études [...]Indemnités forfaitairesjusqu'à 4500 euros. »Ces quelques lignes proposent de participer àdes tests cliniques de médicaments. Les volontaires vendent leur

corps, certes, mais pour une bonnecause… la recherche médicale. C’estl’activité d’Optimed, qui, avec un totalde 75 lits et un chiffre d'affaires avoisinant les 10 millions d'euros, estl'une des trois plus grosses entre-prises de tests de médicaments enFrance. Un de ses centres est basé àGières, en bordure du campus deSaint-Martin d'Hères.

Pourquoi des tests sur deshumains ?La recherche médicale est soumise àdes règles strictes(1) de contrôle, quiobligent les entreprises de l'industriepharmaceutique à faire passer à toute

molécule destinée à servir de médicament une série de tests, avantd'être commercialisée. Ces tests sontd'abord réalisés sur des animaux, lors dela phase « pré-clinique », et ensuitesur des volontaires humains.Pour chaquemédicament qu'elles développent, lesentreprises sont tenues de s'adresserà un centre comme Optimed, afind’élaborer un protocole de tests cliniques. L'Agence Française deSécurité Sanitaire des Produits deSanté, l'AFFSAPS, dépendant duministère de la Santé attribue,d'abord, des autorisations généralesaux centres de tests, qui doivent dis-poser d'un matériel et d'un personneladéquats. Elle se prononce égalementsur le protocole de chaque test cliniquequi lui est présenté pour l'autoriser ounon, en fonction des risques encouruspar les volontaires. En région, leComité de protection des personnes(CPP) émet un avis, favorable ou non,sur le volet éthique des tests destinésà se dérouler dans un centre sur sonterritoire. La procédure d'élaborationdes tests est donc très encadrée.

Des tests suspects ?La réputation des tests cliniques de médicaments est assez sulfureuse.En témoignent le scandale des testsdu Trovan, réalisés illégalement parl'entreprise pharmaceutique Pfizer au

Nigeria en 1996, avec des consé-quences mortelles pour la population(2),ou l'accident de Londres, en 2006,qui avait vu six volontaires sombrerdans un état de santé très critique,après le test d'un immunodépresseur.L’analogie entre volontaires etcobayes animaux, les indemnitéspouvant aller jusqu'à 4500 euros parétude, sont aussi une source importanted’interrogations et de rumeurs promptesà décourager les éventuels volontaires.A Grenoble, ces derniers sont soi-gneusement informés lors de réunionset de visites médicales, des risquesd'effets secondaires éventuels, et descontraintes liées aux tests. Cescontraintes justifient le montant del'indemnisation des volontaires, quiprennent leur décision en touteconnaissance de cause, avec la possibilité à tout moment d'interrompreleur participation. Le risque est toujoursprésent, et chaque volontaire doit êtreconscient que « les effets secondairesde certains traitements peuvent êtredésagréables, parfois graves, voireexceptionnellement menacer la vie dupatient », même si tous les accidentséventuels sont couverts par une assurance souscrite par le promoteurdu test. A ce propos, la seule inquiétudede Xavier Pelletier, responsable qualité chez Optimed, concerne lesmotivations des volontaires. Il est bien

Chaque volontaire doit être conscient que « les effets secondaires de certains traitements

peuvent être désagréables,parfois graves,

voire exceptionnellementmenacer la vie du patient »

Annonce parue dans le gratuit “ Grenoble et moi “ en avril 2009.

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PIGÉenquêté

« Hormis le stress du risque zéro qui n'existe pas, c'est uneexpérience psychologique intéressante. »

François, 27 ans, technicien de maintenance informatique àQuiberon (56), a participé à une étude Optimed à Grenoble, en2007. Depuis, il a changé de région et d'activité. Il revient surson expérience.

Pourquoi avez-vous participé à une telle étude ?C'était un moment de ma vie où j'étais intérimaire, sans formation.J'étais pas passionné par mon travail, ça payait pas assez pour réalisermon projet du moment : m'acheter un paramoteur ! [ndlr : un parapenteéquipé d'un moteur, qui permet donc de voler à partir de n'importequel point de décollage] Donc, entre deux missions d'intérim, je mesuis inscrit comme volontaire chez Optimed.Pour quel type d'étude ?Si je me souviens bien c'était une étude concernant des traitementshormonaux pour les femmes enceintes. Ils cherchaient plutôt deshommes je crois, pour pouvoir observer les effets des produits « en terrain neutre » !Comment s'est déroulé le recrutement ?Une petite réunion d'information générale, avec une projection devidéo, suivie d'une inscription dans le fichier national des volontaires,pour vérifier qu'on ne fasse pas plusieurs études en même temps, ouqu'on n'en fasse pas trop par an. Ensuite, rendez-vous plus spécifiquesur l'étude elle-même, avec un médecin. C'est là qu'on signe lecontrat, avec des explications, et la possibilité de poser des questions.La dernière étape, c'est le bilan médical général, pour voir si on rentredans les critères physiques de l'étude.Et concrètement comment s'est déroulée l'étude ?Elle s'étalait sur trois périodes d'hospitalisation, assez courtes, de troisou quatre jours, assorties de quelques visites médicales. Le trucmédical le plus lourd était une perfusion, et je n'ai pas ressenti d'effetssecondaires particuliers.Donc tout s'est bien passé ?Eh bien, hormis le stress lié au risque zéro qui n'existe pas, oui.Reste que l'enfermement hospitalier est quand même une chose trèsparticulière, surtout quand on est en bonne santé. Il faut aussi biens'entendre avec les gens que l'on côtoie 24h sur 24, ce qui n'était pasmon cas. Je résumerais cette étude à une expérience psychologiqueintéressante. Aller aux toilettes à heures fixes, le désœuvrement total,les prélèvements, tout est noté et observé : une sorte de retraite, unmoment de recueillement un peu forcé qui met la volonté à dureépreuve.Vous le referiez ?Maintenant j'ai un emploi, et surtout, j'ai acheté mon paramoteurdonc... Non, je préfère gagner mon argent de manière plus classique.

conscient que leur principale motivation est financière.Lors de la procédure de recrutement, les volontaires signentun contrat de « consentement éclairé », une informationsur les risques encourus, sur le médicament testé, et surtoutsur l'importance de la démarche pour la recherche médicale.« Les gens savent ce qu'ils font lorsqu'ils viennent cheznous, et on met quand même bien en avant le côté aideà la recherche clinique. Au final, s’ils se fichent du risque,ou s'ils n'en sont pas conscient et qu'ils correspondent ànos critères, on ne peut pas vraiment les dissuader departiciper à une étude...» Pour éviter que la participationà ces tests ne devienne un métier, la loi française plafonneles indemnités reçues à 4500 euros par an. Au delà, lesvolontaires, tous répertoriés dans un fichier national, nepeuvent plus participer à ces études.

Antoine Laurent

(1) Au niveau international, les essais cliniques sont encadrés par unedirective européenne, et par la Loi Hurriet-Sérusclat.

(2) Pour plus de précisions, voir l’article du Washington Post (7 mai 2006)exposant les conclusions d'un panel d'experts nigérians à la suite detests illégaux réalisés sur des enfants sur :www.washingtonpost.com

" Vous êtes curieux? "

Le portail d'information international des entreprises pharmaceutiques sur les tests cliniques :www.ifpma.org/clinicaltrials

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Les petites mains PIGÉeurope

IIls exercent un métier de l'ombre, passionnant etindispensable au bon fonctionnement du Parlementeuropéen. Les élections arrivant bientôt, voilà unebonne raison d’entrer dans les coulisses de ce pouvoir en découvrant le travail des assistants parlementaires.

La pièce est impersonnelle. Une télévision retransmet en direct lesdébats de l'hémicycle strasbourgeois,un ordinateur, une banquette qui peutfaire office de lit lorsque les séancesse prolongent tard et un téléphone quiinterrompt sporadiquement notreentretien. C'est dans le bureau deFrançoise Grossetête, député européenUMP du Sud-Est, qu'a choisi de nousrencontrer François-Xavier Vauchelle.Comme lui, ils sont 4060 à être enregistrés en tant qu’assistantsauprès du Parlement et 1416 sontaccrédités à Bruxelles et Strasbourg(où se déroulent une semaine parmois les séances plénières), lesautres restent souvent dans les terri-toires d'élection. Chaque député peutengager de un à trois assistants selonsa volonté et les fonctions qui lui sontconfiées, direction d'une commissionparlementaire, par exemple.

Le réseau est souvent décisifpour le recrutementFrançois-Xavier est assistant depuis 2 ans. Âgé de 27 ans, il est militant del'UMP, diplômé de Sciences Po Grenobleet titulaire d'un troisième cycle de droiteuropéen. Il a mis le pied dans l'arèneeuropéenne par l'intermédiaire d'unstage au Parlement.Le cursus scolaire et bien sûr l'engagement partisan peuvent jouerpour le recrutement mais c'est avanttout le réseau au sein des institutionseuropéennes qui est primordial. Ceréseau peut se construire au cours dedifférents stages, comme c'est le caspour Magalie Jurine, 27 ans, assistantede la présidente de la sous-commissiondes Droits de l'homme, Hélène Flautre

(Verts, liste Nord-Ouest). Elle n'appartientpas au parti écologiste. Elle est titulaired'un master spécialisé dans les Droitsde l'Homme et d'un autre de SciencesPolitiques. Après deux stages pour unservice de recherche travaillant pourla sous-commission, elle retourne àses études, quand l'ancien assistantdécide de partir : « ils cherchaient àrecruter quelqu'un d'autre et lemonde des Droits de l'homme bruxelloiss'est mis en branle, c'est un réseauqui fonctionne un peu en vase clos etdonc on fait appel aux gens qui sontpassés par là ».

La technicienne et le militantMagalie et François-Xavier sontreprésentatifs des deux grands profilsrencontrés chez les assistants, d'uncôté les techniciens spécialistes desinstitutions et des questions euro-péennes, et de l'autre les militantsencartés pour qui cette fonction estun moyen de s'aguerrir au jeu politique;même si les profils sont souventhybrides : « j'ai toujours été passionnépar les questions européennes, j'aisuivi de nombreux cours sur l'Europe,affirme François-Xavier. Je travailleparticulièrement sur les enjeux environnementaux ».Être assistant ne signifie pas porterl'attaché-case et faire des photocopies,c'est un travail qui demande unegrande polyvalence : répondre à descentaines de mails, préparer les discours et les rapports, gérer l'agendade l'élu ... « J'ai rencontré pas mal dedifficultés au début devant l'ampleurde la tâche, sa diversité, avoueMagalie, avoir les bons réflexes aubon moment, tout ça toujours dans

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François-Xavier Vauchelle,assistant de Françoise Grossetête (UMP).

Magalie Jurine,assistante de Hélène Flautre (Verts).

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PIGÉeurope de l’EuropeQuelques données sociologiques D'après une étude de Sébastien Michon(1), lesassistants ont une moyenne d'âge de 30 ans, sontissus des classes moyennes ou supérieures,appartiennent de manière égale aux deux sexes,sont plurilingues et fortement diplômés : au moinsMaster en droit ou sciences politiques. Le métierest marqué par un turn-over important, la plupartdes assistants restent en poste entre trois et cinq ans.

Du scandale à la régulationPour la rémunération des assistants, il n’existe, nigrille de salaire, ni salaire minimum. Chaque députédispose d'une enveloppe de 15500 € par moispour rémunérer ses collaborateurs. Il est possiblede donner une fourchette de salaire allant de 1300 € à 3800 € pour les assistants. Révéléfévrier 2008, un rapport confidentiel d'audit internesur la rémunération des assistants a mis au jour unsystème opaque : des assistants cumulant plusieurspayes, des détournements par des sociétés deprestations, de nombreuses irrégularités dans leversement des salaires et le paiement des notes defrais. L'enjeu est de créer un réel statut pour cetravail, de contrôler et d'harmoniser les conditionsau niveau européen. Ce statut garantirait une protection sociale et la retraite. Les élections dejuin 2009 devraient régler cela puisque tous lesassistants auront droit au statut de fonctionnairecontractuel européen.

Les élections européennes de juin 2009Les élections européennes sont encore pour beaucoup un mystère. Vingt sept pays pour unrésultat : renouveler l’instance législative de l’UnionEuropéenne. Les Français sont appelés aux urnesle 7 juin, 72 députés seront élus. Chaque pays a lapossibilité de choisir son mode de scrutin. La Francea opté pour la « proportionnelle » par grande région.Il faudra voter pour des listes dans chacune des 8 circonscriptions. En fonction du score obtenu auxélections, un certain nombre de députés sont éluspour chaque liste. Le mandat des députés est decinq ans. Étant donné que 80% des lois nationalessont décidées d'abord à Bruxelles, les eurodéputésont une importance cruciale.

(1) Sébastien Michon, Les assistants parlementaires des députéseuropéens : étude d’un groupe d’auxiliaires au Parlement européen ", Études européennes, n°4, avril, 2004, 20 p., Revue enligne du Centre des Études Européennes de Strasbourg (CEES).

l'urgence, il m'a fallu pas mal detemps pour prendre mes marques ».Quatre charges principales incombentaux assistants : le secrétariat, la communication, le travail législatif etles activités partisanes qu'ils remplissentsuivant leur spécialisation : « Mon collègue s'occupe surtout du travailplus politique de relation avec le groupe,poursuit-elle. Il fait le lien avec lesVerts au niveau local, régional etnational en France, mais aussi avec leparti Vert européen. » Les qualités relationnelles sont primordiales, que ce soit pour préparerles rapports ou les prises de position :« Sur les dossiers on reçoit pas malde parties prenantes, les lobbies,déclare François-Xavier, ça a uneconnotation négative en France, maisce sont eux qui nous apportent aussil'expertise sur certains sujets car l'élun'est pas censé tout connaître ». Ilfaut aussi répondre aux sollicitationsdes citoyens et rester en contact avecla base. « Si on passe tout son tempsdans ce petit vase clos, dans ce petitmonde bruxellois des institutions,on ne perçoit plus la réalité des gens », met en garde la collaboratrice d’Hélène Flautre.

Un tremplin vers une carrièreeuropéenne« C'est beaucoup de travail mais c'estpassionnant », affirme l'assistant UMP.Pourtant, le monde de l'assistanat n'estpas tout rose. La nature de certainestâches (secrétariat, logistique) qui necorrespondent pas à leur qualification,ainsi que la précarité du statut (voirencadré) peuvent nourrir des frustrations.L'assistant se doit de rester dansl'ombre, il effectue un travail colossalmais n'obtient de reconnaissancequ'à travers le député, un carcan quipeut être étouffant pour les plusambitieux :

« Moi, je n'en souffre pas, avoueMagalie, mais c'est vrai que certainsdéputés ont des personnalités marquantes, et les assistants qui sontpeut-être beaucoup plus politisés quemoi voudraient revendiquer un peuplus leurs idées ».Tous les deux pensent qu'il s'agit d'untravail très formateur et ils sont prêtsà continuer si leur député est réélu enjuin prochain. Si ce n'est pas le cas, lepassage par le Parlement ouvre denombreuses portes, que ce soit dansla fonction publique européenne,dans les groupes d'intérêt ou dans le secteur privé : « Quand on a été dansle fonctionnement interne du Parlementeuropéen, c'est vraiment une valeurajoutée, indique François-Xavier, on aun réseau important, on sait commentse prend la décision et à quel momentil faut intervenir. »Et devenir un jour député européen ?« J'aimerais bien, répond-il, mais leproblème c'est qu'actuellement,n'étant pas sur le terrain, n'étant pas dans ma circonscription, c'estcompliqué. »

Clément Girardot, Julien TilmantCrédits photos : Clément Girardot

Le Parlement européen à Strasbourg.

Pour une visite multimédia du parlement européen :

rendez-vous sur pigemag.comoù un diaporama sonore

vous ouvre les portes de l'hémicyclestrasbourgeois.

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Caroline,infirmière en psychiatriePIGÉrencontré

AA 24 ans, Caroline Dubruelh est infirmière en pédopsychiatrie, dans une structuredépendante de l’hôpital de Saint-Egrève. Après le meurtre d’un étudiant de 26 ans,en novembre dernier, par un patient en fuite, et les nombreuses polémiques quiont suivi, elle revient sur son parcours, et sur les problèmes rencontrés dans lemilieu psychiatrique aujourd’hui.

Pouvez-vous me résumer votre parcours ?Je travaille depuis trois ans pour l’hôpital psychiatrique de Saint-Egrève. Quandje suis sortie de l’école d’infirmière, j’ai d’abord travaillé au sein même de cethôpital, dans le DPED (Département Patients à Expression Déficitaire).Aujourd’hui, je travaille dans une structure en pédopsychiatrie, Petite Enfance, unhôpital de jour, qui accueille des enfants atteints d’autisme ou de troubles psychiatriques importants. Cela consiste davantage en un suivi régulier et prolongé par une structure psychiatrique, mais sans séparer les enfants de leurmilieu familial.

En quoi votre travail consiste t-il concrètement ?Ce qui m’intéresse dans la psychiatrie, c’est la maîtrise d’un savoir-faire plusrelationnel, moins technique que dans les soins généraux. Le travail se situedavantage dans le dialogue. Ici, en pédopsychiatrie, mon activité se rapprocheplus de l’éducatif. On est là pour rassurer les enfants, les aider à surmonter leursdifficultés, en s’adaptant à chacun, parce que les situations sont toujours très différentes. On travaille sur différents supports, comme le dessin, la pâte à modeler,les sorties extérieures, la balnéothérapie… L’objectif, c’est généralement de lesouvrir à la relation. Dans la psychiatrie adulte, c’est très différent, on est quandmême beaucoup plus confrontés à la violence, et il y a beaucoup plus de soinsmédicamenteux, de prises de sang, etc.

On se rappelle de l’épisode dramatique de novembre dernier.La polémique se fait de plus en plus forte autour du fonctionnement dusystème psychiatrique. Qu’en pensez-vous ?Actuellement il y a vingt postes infirmiers à pourvoir à l’hôpital de Saint-Egrève,cela représente quand même un service entier ! En pédopsychiatrie, je trouvequ’on n’est pas trop lésés. Un infirmier s’occupe de deux enfants au maximum.Lorsque je travaillais au DPED à Saint-Egrève, il arrivait qu’il y ait seulement deuxinfirmiers pour quinze patients. C’est un cercle vicieux. La psychiatrie, c’est difficile,et ça n’intéresse pas beaucoup… Sur 50 élèves de ma promo, on est seulementcinq ou six à avoir choisi de faire ça. Du coup, les conditions de travail sont deplus en plus difficiles, mais c’est surtout dû à un manque d’intérêt pour le secteurde la part des étudiants en école d’infirmière. Et pour revenir à ce qui s’est passéen novembre dernier, je pense que les médias sont largement responsables dufait que les gens finissent par faire l’amalgame entre malades et individus dangereux.Les médias ne mettent l’accent que sur les évènements dramatiques. Ils necherchent pas à savoir comment ça se passe vraiment. La plupart du temps, lespatients sont surtout dangereux pour eux-mêmes, pas pour les autres.

Propos recueillis par Marion Sevenier

Le centre hospitalier de Saint-Egrève, créé en 1812, a la spécificité d’être un hôpitalpsychiatrique. Cette structure est l’unique centre pour l’ensemble des 650 000habitants de son aire géographique.L’établissement dispose d’environ 100 médecins et 1300 agents hospitaliers.Aux alentours de 20 000 personnes y sont soignées chaque année. Trois typesd’hospitalisations sont pratiqués, le patient intègre le centre soit de sa propre décision, soit à la demande de la famille et des proches, soit encore en cas denécessité absolue pour les malades les plus atteints. Enfin, il existe une unité spécifique pour les jeunes avec une structure « parents-bébés », une autre pourles jeunes autistes et pour les adolescents malades.L’hôpital était au cœur de l’actualité en novembre dernier, après le meurtre d’unétudiant de 26 ans par un patient qui s’était enfui. Les débats sur la prise en chargede ces malades se sont multipliés. Le directeur de l’établissement psychiatrique deSaint-Egrève avait été mis à pied, ce qui avait créé une forte indignation dans lemilieu hospitalier.

Caroline Dubruelh,infirmière en pédopsychiatrie dans lastructure « Petite Enfance » dépendant de l’hôpital psychiatrique de St Egrève.Crédit photo : Pigé

« La plupart du temps, les patientssont dangereux pour eux-mêmes,

pas pour les autres »

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Des pavés aux urnes, la jeunesse en politique

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Pour Pierre Bréchon, politologue et professeur à l’Institut d’Études Politiques deGrenoble, depuis mai 68, les jeunes se mobilisent ponctuellement, selon leurintérêt pour la cause à défendre. On l’a vu en 2002, 2005, 2006 et 2009, lesjeunes se réunissent contre des réformes ou lors d’événements politiques précis,mais il n’existe pas d’engagement massif permanent. Bien entendu, une minoritéde jeunes milite régulièrement dans des syndicats ou des partis politiques, maisils ne représentent qu’une petite partie de la jeunesse : selon la sociologue AnneMuxel, 1% de jeunes ont adhéré à un parti politique et 7% à une association .Leur faible taux de participation aux élections est symptomatique : en 2002,32% des 18-24 ans s’étaient abstenus au premier tour des présidentielles et 52%au premier tour des législatives (TNS Sofres). Le mouvement massif qui a suiviles présidentielles de 2002 était une réaction à l’accession au second tour deJean-Marie Le Pen. Ces mobilisations sporadiques montrent que les jeunes sontengagés et intéressés par la vie politique, mais de façon irrégulière.

Manifestation du 18 novembre 2008 contre la réforme du lycée. Crédit photo : Pigé

Forum Réinventer la démocratie / La République des Idées

Si notre dossier vous met l'eau à la bouche, et que vous avez soif de réflexion politique, la MC2 à Grenoble vous ouvre ses portes pour réinventer la démocratie.La République des Idées, association présidée par Pierre Rosanvallon, organise, avecSciences Po Grenoble, les 8, 9 et 10 mai, un forum sur le thème des défis de la démocratie. Au menu : débats et de conférences mêlant chercheurs, journalistes,intellectuels, hommes politiques et responsables associatifs.

C'est gratuit, rendez-vous en dernière page pour connaître le programme.

Barricades, pavés, étudiants en colère, police impuissante, De Gaulle déstabilisé : mai 68 a marqué les esprits. 40 ans après, les pouvoirs publics craignent toujours qu’un tel désordre sereproduise. Psychose ou réelle possibilité ? Dans un contexte de crise économique et sociale internationale,lycéens et étudiants ont de quoi être inquiets. Selon une enquête Ipsos réalisée en mars auprès de 5000 jeunesâgés de 15 à 30 ans, 39% d’entre eux n’ont pas confiance dans leur avenir professionnel. Pas étonnant alorsqu’une partie de la jeunesse s’engage et descende dans la rue. Pour comprendre cet engagement, quoi demieux que d’aller directement sur le terrain interroger ces jeunes… Qui sont ces lycéens et étudiants quis’impliquent et essayent de mobiliser leurs pairs ? Comment s’organisent les syndicats et partis étudiants ?Ont-ils un réel impact, un véritable pouvoir ? A travers une série d’articles et une galerie de portraits,regard sur ces jeunes acteurs du mouvement social.

Depuis l’automne, les grèves se succèdent. Des lycéens aux salariés, en passant par les enseignants-chercheurs et les étudiants, une grande partie desFrançais manifeste bruyammentson mécontentement. Avec plus 1,2 million de manifestants selon lapolice, la mobilisation massive du19 mars l’a démontré. Dans cesmouvements, les jeunes ne sont pasen reste. A l’automne, les lycéenssont parvenus à faire plier le gouvernement. En effet, dès le 16 décembre, Xavier Darcos,ministre de l’Éducation, s’avouaitvaincu : « Nous allons repartir àzéro, nous ne ferons pas cetteréforme sans la jeunesse. »

Dossier

Les jeunesà l’assaut de la démocratie...

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Les jeunes Français sont-ils politisés ?

• Les Français se situent un peu en dessous de lamoyenne européenne (37%) en ce qui concernel’intérêt pour la politique. Ils sont 36% à se déclarerintéressés. C’est plus que la Slovaquie (28%),mais loin de l’Allemagne (51%).

• 62% des jeunes disent voter en France. Encoreune fois, ils sont dans la moyenne, mais sont largement distancés par les Italiens (95%), bienqu’ils devancent les jeunes Britanniques (47%).

• Le taux d’adhésion à un parti politique ou à unsyndicat est très faible chez les jeunes Français,à hauteur de 1%. Ils se classent ainsi bons derniers.En Autriche, 6% des jeunes sont inscrits dans unparti, et 7% dans un syndicat.

• Contrairement à l’idée reçue, les jeunes ne sontpas beaucoup plus contestataires en France quedans les autres pays d’Europe. Ils font plus lagrève que leurs homologues européens (17% desjeunes interrogés en France disent avoir déjà participé à une grève, contre seulement 1% auRoyaume-Uni), mais restent derrière les Italiens(34%). En matière de manifestation, la France,avec 20% de jeunes affirmant avoir déjà manifesté,se classe sur la troisième marche du podium seulement, devancée par l’Allemagne (23%) etl’Italie (32%).

Sources : Fondation nationale des sciences politiques etEuyoupart. Sondage réalisé entre 2003 et 2005 auprès de8.030 jeunes âgés de 15 à 25 ans.

Les jeunes existent-ils vraiment ?

« La jeunesse n’est qu’un mot. » Cette simple phrasede Pierre Bourdieu illustre parfaitement le flou quientoure la notion de « jeunesse », que le sociologuequalifie d’artefact statistique et de leurre idéologiqueutilisé pour « produire un ordre où chacun doit setenir ». La classe d’âge cohérente pour la désignerest ainsi contestée car « construite socialement » defaçon « arbitraire », dans la « lutte entre les jeuneset les vieux » pour le pouvoir et le patrimoine. Lacatégorie englobe ainsi tantôt les 18-25 ans, tantôtles 16-30 ans. Elle est néanmoins très souvent utilisée,dans le marketing ou au niveau politique. Les « jeunes » semblent en effet avoir besoin de s’identifier à cette classe sociale pour se mobiliser.Pourtant, la jeunesse n’a pas toujours existé. Cettenotion est apparue progressivement au cours del’histoire. Auparavant, comme c’est encore le casdans certaines sociétés, on passait directement del’enfance à l’âge adulte, après avoir subi un rite initiatique.

Clément Repellin

Nouveau mai 68 : les craintes sont-elles fondées ?En France, le mécontentement fort des derniers mois est lié à la crise internationale et au rythme cadencé des réformes imposées par le gouvernement.Est-ce suffisant pour donner lieu à un « nouveau mai 68 » ? Ewa Bogalska,sociologue des mouvements sociaux, et Pierre Bréchon sont d’accord sur cepoint : les conditions sociales sont réunies, mais un mouvement global estimprévisible et improbable. Le politologue souligne : « Depuis 1968, les conditions ont souvent été réunies, mais ça ne prend pas forcément. » Et pourlui, le mouvement de 2006 était beaucoup plus fort, et donc plus propice à unsoulèvement général, que celui de cette année. Aujourd’hui, si les conditionssont favorables, Ewa Bogalska ne croit pas non plus en la capacité des jeunesà se rassembler pour créer un nouveau mai 68. Selon elle, la fragmentationde la jeunesse (IUT, écoles de commerces, universités, grandes écoles…) ne favorise pas « l’émergence d’un intérêt commun ». Outre un émiettementdes étudiants, il existe aussi deux pôles aux préoccupations et aux revendicationstrès différentes dans la jeunesse française : le pôle « défavorisé » des banlieueset celui « privilégié » des étudiants. Ainsi, la mobilisation des quartiers populaires en octobre et novembre 2005 et le mouvement anti-CPE, quelquesmois plus tard, ne se rejoignent pas faute d’intérêts convergents à défendre.Pour la sociologue, la réunion des deux mouvements, qui pourrait être explosive,n’est pas près de se produire. Les craintes du gouvernement de ce presquemythique désordre incontrôlable qui déstabiliserait la société semblent releverdu fantasme. D’autant qu’une majorité de la jeunesse reste silencieuse.

Imposant cortège sur les grands boulevards lors de la manifestation du 24 janvier 2009. Crédits photos : Pigé

Dossier

Les jeunesà l’assaut de la démocratie...

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Dossier

« Un militantisme assez tardif »Anthony, 22 ans, militant du MJS.

C’est l’image d’un jeune homme révolté et pourtant sereinque donne Anthony, probablement car il ne se reconnaîtplus dans le monde dans lequel il évolue. Il incarne, malgrélui, le combat d’une génération de gauche déçue par lasituation actuelle et pourtant mobilisée politiquement. Âgéde 22 ans et étudiant en Master de Droit International etEuropéen, il est, depuis décembre 2008, animateur du groupede Grenoble du Mouvement de Jeunes Socialistes (MJS).Alliant engagement politique et militantisme syndical auxcotés de l’UNEF (Union Nationale des Étudiants de France),il a décidé de faire de sa vie un combat permanent pour lajustice sociale. Né d’un « militantisme assez tardif, suite àl’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’électionprésidentielle », il s’est, depuis, bien rattrapé. Montant aucréneau anti-CPE (Contrat Première Embauche) quand ilétait à Tours puis, lors des manifestations anti-LRU (Loi relative aux Libertés et Responsabilités des Universités) àGrenoble jusqu’aux révoltes sociales du premier trimestre2009, Anthony s’impose en meneur. En total désaccordavec le capitalisme, il cherche des solutions alternatives ets’interroge sur l’avenir. Son militantisme l’occupe et fait delui un « working-boy » de la rose socialiste. Préparer desréunions politiques, mettre en place des formations sur lacrise, organiser les prochaines échéances électorales etassister aux divers conseils auxquels il siège (Conseil de laVie Universitaire et Conseil de la fac de droit), rythment sonquotidien en ce début de printemps.

Julien Tilmant

Anthony, 22 ans...S’engager, c’est pas si facile !Malgré l’engagement, ponctuel ou régulier, d’une partie de la jeunesse, unegrande majorité ne se mobilise pas ou peu. Sur 2 millions d’étudiants inscritsdans le supérieur, entre 50 000 et 100 000 participent aux manifestations, leratio est donc très faible. Et ce n’est pas par manque d’intérêt. Ewa Bogalskaévoque un « hyperréalisme qui frôle le cynisme » et une paupérisation de lajeunesse française. De plus en plus d’étudiants sont contraints de travaillerpour financer leurs études (19 % selon l’INSEE*). Par ailleurs, selon OlivierGalland (Les jeunesses face à leur avenir, une enquête internationale, 2008),les jeunes Français ont une « très faible confiance dans l’avenir et dans lespossibilités d’orienter le cours de leur vie dans un sens favorable. » Dans cesconditions, difficile de s’engager dans un parti ou un syndicat de façon régulière et de croire en l’efficacité des mobilisations. Cependant, si l’engagement politique des jeunes Français est moins important que dansd’autres pays d’Europe, la participation protestataire des jeunes est l’une desplus élevée (troisième pays d’Europe, derrière l’Allemagne et l’Italie).Certains jeunes se mobilisent malgré tout contre la crise sociale et lesréformes du gouvernement. Dans la suite du dossier, Pigé Magazine est alléà la rencontre de ces jeunes qui s’engagent et qui, parfois, effrayent les gouvernements.

*Institut National de la Statistique et des Études Économiques.

Juliette Cottin

Enchaîné à la précarité, action coup de poing contre le CPE, printemps 2006. Crédit : libre de droits

Crédit photo : Julien Tilmant

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Les bambinsde la République

« Ce qui me motive, c’est les injustices.Je ne me sens pas de rester sans rien faire »Françoise, 30 ans, squatteuse.

2002 : Françoise(1) arrive à Grenoble pour commencerses études de sociologie. Deux ans plus tard, elleredouble et perd ses bourses. Avec un père maçonet une mère femme au foyer, la famille ne roule passur l’or. Elle doit se débrouiller. La solution lui vientd’amis squatteurs avec qui elle organisait des activités(débats, projections, repas…) : ils lui proposent unechambre. Pour elle, « si la démarche est idéologi-quement très intéressante, derrière, il y a toujoursune nécessité financière. » Depuis quatre ans, ellesquatte et s’implique dans cette vie qu’elle aime :« Aujourd’hui, une colocation ne me conviendraitpas, j’aime le mode de vie des squats, la vie à plusieurs, les activités qu’on organise… C’est uneexpérience très forte en termes de vécu. » Elle vit deson RMI, travaille parfois à temps partiel ou au noirdans des chantiers du bâtiment et se garde dutemps pour ses activités militantes. Son idéal ? « Travailler dans une association dans le secteursocial, mais avec une idéologie qui lui convient. »Sous-entendu, pas dans une association institutionnelle. Pour l’instant, elle milite bénévolementdans le collectif « Défend toit » : « Ce qui me motive,c’est les injustices, les expulsions. Je ne me senspas de rester sans rien faire. Entre personnes engalère, il faut se soutenir et essayer de changer leschoses. »

(1) Françoise est un nom d’emprunt.

Juliette Cottin

Françoise, 30 ans...

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PPas une année scolaire ne s’écoule sans que grondent les cortèges lycéens.Les jeunes qui battent le pavé ont parfoisune conscience politique déjà bien acérée.Mais la foule est très hétéroclite : du jeune politisé qui trouve une premièreexpérience de lutte à l’adolescent quitrompe l’ennui du lycée dans les cortèges festifs. Une constante persistedans la confusion des revendications,la volonté de s’affirmer comme citoyenet de s’approprier les valeurs enseignées au long de leur scolarité.

« Le racisme, l’exclusion, le chômage :les inégalités se creusent de plus enplus ». Ségolène Béthune, lycéenne àMoirans, porte des aspirations globaleset ambitieuses. Comme beaucoup ellesouhaite s’engager, mais se considèretrop jeune pour intégrer un parti. Loïc,au lycée Champollion à Grenoble, estlui aussi conscient du poids que peutreprésenter cet l’engagement : « Je saisde quel côté je suis, mais je préfèreattendre, parce qu’on peut se faireinfluencer facilement dans les partis ».

Pour cette jeunesse qui s’indigne, lesmouvements lycéens sont des instants d’apprentissage. Des épisodesconviviaux et intenses qui ouvrent unevéritable prise de conscience politique.Pour Olivier Toulouse, proviseur chargéde la vie lycéenne au rectorat deGrenoble, ces mouvements sont des « rites initiatiques ». « L’engagementdans un syndicat apporte une expérience citoyenne », assureClémence Abri-Durand, secrétairenationale de l’UNL (Union NationaleLycéenne), scolarisée à Chambéry.« Prendre des responsabilités, gérer uneéquipe, gérer des conflits. On se sentdavantage acteur de quelque chose ».

Les argumentaires sont utopistes,ambitieux. Une fraîcheur que les jeunesmilitants entendent bien conserver,loin des institutions traditionnelles dumouvement social.« Je pense que dans quelques annéesj’irai dans un parti, estime Ségolène,qui a officié l’an passé pour la FIDL(Fédération indépendante et démocra-tique lycéenne). « Mais un vrai parti,pas un lieu qui se déchire pour le pouvoir.Le parti dont je suis le plus proche, lePS, n’est pas ouvert sur les jeunes »ajoute-t-elle.

Revendications lycéenne lors de la manifestation du 24 janvier.

De quoi rêvent et comment s'organisentces lycéens qui envahissent les rues ?

Dossier

Les jeunesà l’assaut de la démocratie...

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« Une école de la vie. »François Bourguignon, 21 ans,en charge du marketing aux Jeunes Démocrates,et vice-président des JD.

Pour François, la politique, c’est conte de fées etcompagnie. À l’écouter, il y aurait pris goût dèsl’âge de 7 ans, lorsqu’il croise avec son père « par hasard » Jacques Chirac et que celui-ci luifait un signe de la main. Dès lors, c’est un déclic,la politique le fascine et n’en démordra pas : ilveut être président de la République. Dès samajorité, il s’engage, s’encarte et décide d’agir.Son credo, une phrase d’Albert Einstein qu’ilnous rappelle de mémoire : « Le monde danslequel nous vivons est dangereux, non pas tant parceux qui font le mal, mais par ceux qui le regardentet le laissent faire ». Avant la présidence, il occuperad’abord un poste au niveau local, en Moselle, « unvéritable travail de gestion des ressourceshumaines, une école de la vie. À l’échelon local,la politique mobilise moins, les gens sont moinsmotivés. En fait, ce qui prend du temps, ce sontles autres : relancer, motiver les gens ». Maisdepuis deux mois, il est également déléguénational chargé du marketing. Même s’il admetque les « ambitions sont parfois malsaines » auniveau national, son nouveau statut le satisfait.Alors, qu’est-ce qu’un jeune au Modem ? « Il y aune limite d’âge, 33 ans. Le Modem comprendenviron 40 000 adhérents, dont 13 000 jeunes.Mais si nous avons un poids en terme d’effectifs,je considère qu’on ne nous écoute pas assez. »François déplore une sorte de droit d’aînessepas toujours légitime, lui pour qui la politique estun « combat jamais acquis ».

Raphaël Lizambard

François, 21 ans...

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Les cortèges juvéniles attirent aussipour leur ambiance de carnaval.L’atmosphère entraînante parfoismêlée à l’alcool, les dénouementsviolents de fin de parcours qui procurenttoujours une adrénaline inhabituelle :les défilés lycéens offrent un joyeuxdésordre qui contraste avec la scolaritémonochrome. Mais pour Ségolène,ces manifestants festifs ont consciencede la portée politique de ces défilés,« ils ne sont pas moins dans unedémarche de contestation ».

Soubresauts démocratiquesL’orientation préoccupe et globalementl’avenir est envisagé avec un mélanged’appréhension et d’impatience. « Il fautaméliorer les conditions d’enseignementpour préparer au supérieur » résumeSégolène, preuve le lycée devrait donnerplus de place à l’autonomie.Ces mouvements traduisent unbesoin d’affirmation d’une jeunessenourrie aux valeurs démocratiques,autour desquelles s’articule toutel’instruction civique à la française.Longtemps, le droit à la parole estresté l’une des revendications pharesdes mouvements lycéens. L’État s’estdonc concentré à faire éclore la « démocratie lycéenne ». Les Conseilsde la Vie Lycéenne (CVL) sont créésen 1985 et généralisés à tous les établissements en 2000. Entretemps, les conseils académiques etnationaux sont mis en place. « LeConseil Académique de la VieLycéenne (CAVL) est un exercice dedémocratie » résume Olivier Toulouse,responsable de l’instance dans l’académie de Grenoble. « Les élusportent des questions politiques ausens large du terme, au sens de s’occuper des autres. »Les CAVL, pourtant, ne sont que desinstances consultatives. Leur notoriétéest quasi nulle et leur légitimité à parlerau nom des lycéens n’est même pasrevendiquée par la plupart des élus.

Il en faudrait plus pour neutraliser lasoif démocratique des primo-militants.C’est dans les listes publiques desélus lycéens que la FIDL et l’UNL vont piocher leurs membres.

Les mouvements s’organisent dansune grande spontanéité. Comité demobilisation, coordination lycéenne :les regroupements de lycéens secréent au gré des réseaux que tissentles militants.Cette fraîcheur reste pourtant à relativiser. Pour Bastien, qui a participéaux mouvements de ces trois dernièresannées, « Il y a un réflexe d’indépen-dance mais dans les faits les mécanismes sont assez similaires aufonctionnement syndical ».A croire que la culture contestatairefrançaise relève du réflexe. « Ils sonttrès formatés », confesse OlivierToulouse, « ce sont des jeunes qui ontété pendant des années à l’école,ça laisse forcément des traces ».A quand les cours d’insurrectionpublique du CP à la terminale ?

Marion Sevenier, Erwan Manac'hCrédits photos : Pigé

Les lycéens battaient déjà le pavé au printemps 2005 contre lesréformes Fillon.

“ Comité de mobilisation,coordination lycéenne :

les regroupements de lycéensse créent au gré des réseaux

que tissent les militants. “

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Assemblée Générale étudiant sur le campus de Saint-Martin-D’Hères lors du mouvement anti-CPE en 2006.

Petits mouvements lorgnés par lesgrands.Si beaucoup de jeunes organisateursdes mouvements lycéens sont fils oufilles de militants, l’influence des partisd’opposition est plus directe qu’uneobscure tradition contestataire. « Mêmes’il y avait la volonté d’être indépendant,observe Bastien, qui a participé à plusieurs collectifs lycéens, je pensequ’il y avait quand même des connexionsassez évidentes avec certains organismes et certains syndicats ». Danschaque ville les comités indépendantsfonctionnent avec les conseils pratiquesou logistiques de militants plus âgés.L’influence qu’ils exercent sur les décisions doit toujours s’accommoderd’une volonté d’indépendance bien harnachée.

La maîtrise des velléités contestataireslycéennes est un enjeu important pourbeaucoup de mouvements politiques.En 1998, des lycéens de SOS Racismefondent la FIDL, Fédération IndépendanceDémocratie Lycéenne. « La création dela FIDL vient du constat qu’il y avait unréel manque de mouvement de jeunesse »explique Ségolène Béthune. Ce n’estpourtant pas le mouvement qui manque,mais bien plutôt la structure capable decapitaliser des forces politiques sur l’engouement des lycéens. La gauchesocialiste a besoin d’un mouvement dejeunesse, c’est la famille des « potes »de SOS Racisme qui lance donc la première initiative.

L’Union Nationale Lycéenne (UNL) estcréée en 1994 par des élus lycéens,avant de s’ouvrir au plus grand nombre.Elle est plus proche du Mouvement desJeunes Socialistes. « On est un syndicatde gauche, assure Clémence, on a desliens privilégiés avec les organisationsde jeunesses de gauche mais il n’estpas question qu’il y’ait des gens du MJSqui assistent à nos congrès ».

Ces deux syndicats lycéens, auxquelss’ajoutent SUD Lycée (extrême-gauche)ou même l’UNI Lycée pour la droite, sontdes associations. Elles perçoivent dessubventions publiques. L’UNL et la FIDL,les deux principales organisations,fonctionnent grâce à des permanents,qui ne sont plus lycéens. Impossibledans ces conditions de fonctionner sansl’appui de militants aguerris.Parallèlement les mouvements s’organisentpar des coordinations lycéennes. Cesréseaux locaux ou nationaux construitssur un principe d’indépendance pourorganiser la lutte souffrent aussi d’unegrande opacité. « C’est très compliqué,tempère Bastien, mais en gros, les différentes organisations vont inciter leslycéens à aller dans les organes où ilssont influents, où ils ont la main misesur l’assemblée générale. »

Marion Sevenier, Erwan Manac'hCrédits photos : Pigé

« Oh ! Je vous parle ! »Marion Faitg, 21 ans, élue au CEVU de l'Université Pierre Mendès France.

Cela fait un mois et demi que le mouvement a commencé à la fac d’Histoire, l’une des plus mobiliséesdu campus. En ce 17 mars, c’est la première fois quele président de l’Université Pierre Mendès Francevient s’expliquer devant ces étudiants. Marion selance, sur un ton peu révérencieux, comme d’habitude.« Pourquoi avez-vous attendu si longtemps avant devenir nous recontrer ? Quand est-ce que vous allezenfin porter notre voix au niveau national ? » Le président Alain Spalanzani, habitué à sesattaques, détourne le regard, discute avec lesmembres de sa délégation. « Oh ! Je vous parle,lance-t-elle. Je vous parle toujours ! » envoie-t-elleune deuxième fois, ne le voyant pas réagir.La verve de cette étudiante en Master d’Histoire et dephilosophie est connue dans les conseils étudiantsoù elle siège : quatre au total. Pour le Conseil desÉtudes et de la Vie Universitaire (CEVU), Marion a étéélue sur la liste « Bouge ton Campus », dont elle s’esttrès vite désolidarisée. Pourtant, elle dit « détester lapolitique politicienne. » « Si j’ai fait ça, c’est pour quema sensibilité soit entendue à l’Université. » Déjàactive contre la réforme des lycées de François Fillon,alors ministre de l’Éducation, elle fait réellement sesarmes pendant le mouvement contre le CPE. Ellemilite ensuite brièvement pour le syndicat SUD etpour la LCR. Une expérience qui l’a « dégoûtée » despartis, mais pas de la politique. « Je me bats pour lesconditions d’études et contre la précarité des étudiants, mais aussi plus largement contre le racisme,les injustices, et lutter contre le capitalisme et tousles systèmes oppresseurs. »

Pierre Boisselet

Marion, 21 ans...

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Une pancarte dansla manifestation du 24 janvier.

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Les jeunesà l’assaut de la démocratie...

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« J’ai mes idées,mais je reste assez neutre… ».Emeric, 22 ans, président du BDE de Polytech’Grenoble.

Étudiant en deuxième année dans la filière « matériaux » de Polytech’ Grenoble, une écolequi délivre un diplôme d’ingénieurs, Emeric estprésident du Bureau Des Élèves. Le BDE est uneassociation d’étudiants qui remplit de nombreuxrôles, allant de la promotion de l’image demarque de l’école à la médiation entre étudiantset administration, en passant par l’organisationd’évènements festifs ou sportifs.« J’ai mes idées, mais je reste assez neutre »,Emeric se veut à l’image de l’association qu’ilpréside, dont la charte interdit tout lien avec unquelconque parti ou syndicat. Il se réjouit del’absence de dissensions de ce type au sein deson équipe : « Il y a des étudiants de droite et degauche et ça s’engueule parfois quand ils parlentde politique, mais lorsqu’il s’agit de travailler, onlaisse nos idées de côté, et on travaille dans unebonne ambiance. » Et même si le rôle qu’il occupe aujourd’hui tient plus d’un concours decirconstances que d’une véritable vocation,Emeric est bien conscient de la nature de sesengagements, qui se situent dans une actionassociative bien ciblée : « je ne considère pasque mon travail soit un engagement politique…On peut considérer à la limite que c’est un engagementdémocratique, mais qui se limite aux étudiantsde Polytech, parce que je pense qu’on a uneaction importante pour les élèves de l’école. »

Raphaël Lizambard,Marion Sevenier

Emeric, 22 ans...

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CConseils d’UFR, Conseils de Master,Conseil des Études et de la VieUniversitaire, Conseils Scientifiques,Conseil d’Administration… Partout, ou presque, à l’Université,les étudiants sont représentés.

Mais leurs élus sont-ils représentatifs ?Ont-ils vraiment du pouvoir ?

La “ démocratie étudiante ”fonctionne-t-elle ?

Alain Spalanzani est sans aucun doute un des hommesforts du campus grenoblois. Président de l’UniversitéPierre Mendès France (UPMF), la première université del’académie de Grenoble en nombre d’élèves, il est aussile président de Grenoble Universités, une organisation quichapeaute les cinq établissements présents sur le campuset qui n’en feront peut-être qu’un, après le plan campus.Grâce à la loi LRU (« Libertés et Responsabilité desUniversités ») le budget qu’il gère, ou encore son pouvoirsur le personnel de l’Université sera considérablementétendu. Pourtant, en 2008, sa reconduction à la tête del’UPMF ne tenait qu’à un fil, dont les étudiants tenaient unbout. Par trois fois, le vote du CA (conseil d’administration)sur la liste des personnalités extérieures qu’il présentait adonné une égalité, empêchant de désigner le Président.Parmi les votants, les élus étudiants étaient eux aussidivisés, chacun d’eux pouvant faire basculer le résultat enchangeant de camp. Finalement, ce sont les élus du personnel de la liste “Nouvelle gouvernance” qui, ens’abstenant, ont ouvert la voie à une large réélectiond’Alain Spalanzani, par 19 voix contre 7.Les élus étudiants siègent donc dans un conseil au pouvoirimportant, côtoient des personnalités de premier plan de lapolitique locale (le premier adjoint de la ville de Grenobleou encore un député-maire de l’Isère), mais leur mandatsemble se dérouler dans l’indifférence de leurs camarades.

Assemblée générale sur le campus,dans l'amphi Weil, en février dernier.

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L’UNI, un « syndicat » pas comme les autres.L’U.N.I. (Union Nationale Interuniversitaire) est une organisationétudiante dont les valeurs et idées sont directement issues dugaullisme. C’est en 1969 que ce « syndicat » de droite a été créépour permettre aux étudiants, pour qui les révoltes sociales de1968 ne signifiaient pas grand-chose, de se regrouper. « Le rôlede l’UNI sur le Campus, c’est d’apporter un point de vue différent,atypique, souligne Anthony Perez, le responsable de l’U.N.I. Isère.Ce n’est pas un syndicat étudiant comme les autres. On existepour défendre des valeurs : le mérite, le travail, la famille ». Pourles militants, pas question de participer aux assemblées généralesni de faire du prosélytisme provocateur : être de l’U.N.I c’est êtreprêt à agir dans l’ombre et employer d’autres méthodes. « Il fautessayer d’abord de se mobiliser et d’informer les étudiants pourlutter contre la désinformation dans les facs avec des tracts oumême des groupes Facebook » explique Anthony Perez.

UNI – UMP : même combat ?L’image, clairement de droite, de l’organisation étudiante lui colleà la peau. La plupart de ses militants appartient aussi aux JeunesPop’, mouvement de jeunesse de l’UMP. En 2007, un de ses slogans n’était autre que : « Les étudiants avec Sarkozy ». Maisce sont les gênants rapports qu’elle entretenait avec l’extrêmedroite qui lui font le plus de tort. Plusieurs élus étudiants faisaientpartie du Front National, comme à Brest où la représentante del’U.N.I au conseil de l’UFR de droit, entre 1991 et 1993, n'étaitautre que la présidente des jeunesses du Front National. Ses dirigeants actuels tentent de faire table rase de ce passé embarrassant.

Julien Tilmant

Participation extrêmement faibleLors des dernières élections étudiantesau CA en 2008, le taux de participationn’était que de 18,1% à l’Université dessciences sociales, 10,3% à l’Universitédes sciences et même 6,2% àl'Université des lettres. Dans ce derniercas, les élections ont été organisées mi-mai, une période où certains étudiantssont déjà partis. « C’est vrai qu’on adu mal à mobiliser, témoigne VincentLebrun, élu au CEVU pour fac verte. Etpeut-être même plus encore, ici, àl’UJF. » Dans cette Université, on peineà recruter des candidats pour siégerdans les conseils d’UFR. Pour cesélections qui se sont tenues en 2009,une seule liste se présentait, dans laplupart des cas. A l’UFR de Mécanique,les élus ont même été désignés par…un seul votant.

Baisse de l’influenceParallèlement, la représentation desétudiants dans les assemblées déci-sionnelles s’érode. A l’UPMF, seulscinq sièges leurs sont réservés, surles 30 du CA. C’est peu, comparé aux14 élus des différents enseignants etaux 8 « personnalités extérieures » àl’Université. Surtout, cette proportiona beaucoup baissé depuis la loi LRU.A l’UPMF, les étudiants représentaient auconseil d’administration encore presque30% (12 sièges sur 43) en 2007,contre moins de 17% aujourd’hui.Leurs élus restent toutefois nombreuxdans un conseil : le CEVU (Conseil desÉtudes et de la Vie Universitaire).Seize étudiants y siègent sur un totalde 36 membres. Mais il ne rend quedes avis consultatifs. A titre d’exemple,le 10 février dernier, le CEVU del’UPMF a été amené à se prononcersur la mise en place des Mastersd’enseignement, qui doivent remplacerles IUFM dont l’abandon était une desrevendications de la mobilisationd’étudiants et d’enseignants. Cinqheures de débats, sur ce sujet etd'autres, pour finalement rendre unavis négatif à une courte majorité. Endépit de ce vote, et malgré la présence

de plusieurs élus du Parti Socialisteen son sein, le CA vote leur mise enplace à une nette majorité quelquesjours plus tard. « Déni de démocratie ! »s’exclamait un étudiant, face au présidentde l'UPMF, lors d’une réunion à l’ARSH(Art et Sciences Humaines). « Je nefais qu’appliquer la réglementation »aura beau jeu de rétorquer AlainSpalanzani. Ces masters ne seront, detoute façon, pas proposés à la rentréeprochaine. Le 22 mars, le ministre del’Education, Xavier Darcos décidait, eneffet, de ne pas modifier les concours del’enseignement avant la session 2011.

Mobilisation non-conventionnelleQuelques que soient les raisons réellesdu recul de Xavier Darcos, la mobili-sation des étudiants et enseignantss’est poursuivie, comme en témoignaitl’immense pile de chaises amasséesdans le grand hall de l’UniversitéStendhal. « Le printemps des chaises »empêchait les cours de se tenir enprivant les étudiants d’un accessoireessentiel.Les élus étudiants eux-mêmes, nesont pas absents de ces mobilisationsinformelles. Ils y voient souvent unsoutien pour faire avancer leursrevendications. Marion Faitg (voir sonportrait en page 16) ou encore VincentLebrun de Fac Verte, qui siègent tousdeux au CEVU de leur université respective, sont parmi les plus actifsdans les fameuses « AG », où les décisions se prennent lors de votes àmain levé. L’UNEF y est aussi systé-matiquement présente. « Je pensequ’il faut savoir agir sur les deux fronts,explique Marie-Charlotte Pierre, élueau CA de l’UPMF et présidente de l’UNEFà Grenoble. A certains moments, c’estnécessaire d’en passer par des actionscomme les grèves, les manifestationsou les débrayages d’amphi… pourmettre la pression. Mais il faut aussiêtre présent dans les conseils parceque c’est là que les décisions seprennent. »

Pierre Boisselet

« A l’UFR de mécanique, lesélus ont même été désignés

par... un seul votant »

Dossier

Les jeunesà l’assaut de la démocratie...

Crédit photo :Flickr/Jahovil.

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« J'ai déjà pas le temps de voir ma famille. »Mehdi, 25 ans, intérimaire.

25 ans, intérimaire, et pas assezd'argent d'avance pour voir venirles choses. Entre les missions quise terminent prématurément et lespériodes sans propositions, il fauttoujours être à l'affût de la moindrerentrée d'argent. Et ce n'est passon BTS en électronique qui l'aide,pas assez d'expérience pour êtreembauché. Donc la principale préoccupation, le quotidien, c'estla recherche d'emploi, la galère, etsurtout l'anxiété. Tout ça dans uncontexte de grosses journées detravail, ça ne laisse pas beaucoupde place aux loisirs, et encoremoins à la politique. Et c'est pasune question d'information, devolonté ou d'intérêt ; c'est unequestion de temps, et d'argent.Au quotidien, pas le temps de s'intéresser. Ok pour les électionsy'a les tracts, les brochures, etMehdi va même voter parfois.Mais au quotidien, la politique, ladémocratie n'existent pas pour lui,aucune réalité, pas le temps.« M'engager, militer le week-endou le soir, alors que le boulot mesaoule, n'est même pas régulier,et que j'ai déjà pas le temps devoir ma famille ? »

Antoine Laurent

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Dossier

Elections à l’UPMF : la pomme de discorde des procurations.Les dernières élections étudiantes (avril 2008) qui ont désigné les représentants auxconseils centraux ont vu la large victoire d’organisations peu connues jusqu’alors,comme « Bouge Ton Campus » et « Pour la valorisation des filières technologiques ».Pour leurs opposants, le scrutin est entaché d'irrégularités. Leur contestation est alléejusqu’à un recours devant la commission de contrôle des opérations électorales del’UPMF (Université Pierre Mendès France) porté par l'association « Aide JuridiqueÉtudiante ». Ils y ont dénoncé des irrégularités sur les procurations : signatures surles copies de certaines cartes d’étudiants alors que les originaux en étaient dépourvus,le nom du mandataire effacé puis réécrit, fautes d’orthographe... L’accusation laplus grave concerne certains cas de refus du droit de vote pour des étudiants dufait d’un précédent vote par procuration. C’est ce qui serait arrivé à une étudianteaveugle, la signature n’était pas la sienne, d’après les plaignants.La commission électorale de l’Université a rejeté ce recours, mais cette affaire apesé pendant près d’un an sur les conseils étudiants, tant les tensions entre les élusde la nouvelle majorité et ceux de l’ancienne, évincée, étaient palpables lors desconseils. Plusieurs syndicats, dont l’UNEF, continuent d’avoir des soupçons.

Julien Tilmant

Le Printemps des chaises à l'Université Stendhal,

mars 2009.

Détournement de l'affiche " Stop la grève " lors del'occupation de l'UPMF,printemps 2006.

Dis moi où tu étudies……et je te dirai pour qui tu votes. Sur le campus, l’appartenance à une UFR, voireune université, semble influencer considérablement le vote : on n’élit pas lesmêmes représentants selon que l’on est étudiant en médecine ou en sociologie.Ainsi la carte politique du campus issue des élections aux conseils d’administrationde 2008 (consultable sur www.pigemag.com) dessine les aires d’influence des différents syndicats. A Sciences Po, par exemple, c’est la liste fac verte qui a rafléla mise avec plus de 36% des voix. Le bastion de l’UNI est quand à lui la fac de droit,où elle réalise plus d’un tiers de l’ensemble de ses voix sur le campus (mais la listen’arrive qu’en deuxième position dans cette fac), alors que ce syndicat n’arrivemême pas à 4% à l’université Stendhal. Dans cette université, c’est plutôt l’UNEFqui est chez elle avec plus de 43% des voix l’année dernière. L’UNEF moins à l’aise sur les terres de l’IAE, où elle récolte moins de 5%. Chez les scientifiques del’université Joseph Fourier, c’est un rassemblement moins idéologique qui prend latête des votes : Interasso Bouge Ta Fac récolte près de 44% des voix. Enfin, pourl’Université Pierre Mendès France en général, c’est la liste Bouge Ton Campus quiréalise le plus beau coup : elle se place en tête toutes UFR confondues, avec despointes jusqu’à 68% en économie et gestion, qui semble bien être le cœur de cettemajorité étudiante. Rendez-vous aux prochaines élections aux conseils centraux,dans trois ans, pour voir si les lignes ont bougé.

Mehdi, 25 ans

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Les sources de financement du FEULe Foyer Évangélique Universitaire estune association loi 1901 créée dans lesannées 1970 par l’Église ProtestanteÉvangélique de Grenoble. Les sourcesde financement sont multiples et segèrent souvent de manière autonome.Le FEU est soutenu par plusieurs églisesprotestantes de l’agglomération. Maisd’autres moyens sont utilisés pour récolter des fonds, comme la locationd’un appartement et de deux chambresindépendantes de la maison, ainsi quel’organisation d’une braderie deux foispar an.

Question à Mathilde Dubesset,professeur d’histoire à l’Institut d’Études Politiques de Grenoble :Qui sont les Évangéliques ?Les évangéliques sont des protestantsappartenant à des Églises indépendantesde l'Église réformée de France. Ils sontorganisés en petites communautés et ontsouvent une pratique religieuse régulièreavec des solidarités fortes entre eux.Sans que l’on puisse généraliser, ils sontsouvent plus traditionnels dans leurmode de vie.

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Dîner au coin du FEUPIGÉcampus

TTrois ou quatre soirs par semaine, le Foyer Evangélique Universitaire (FEU)de Grenoble organise des soirées autour d’un repas gratuit.Le FEU accueille de nombreux étudiants et jeunes travailleurs qui s’y retrouventpar conviction religieuse, pour tisser des liens avec des membres de la mêmecommunauté, ou pour apaiser une détresse sociale ou financière.

Il est 19h00, dans une petite rue ducoté du campus de Saint-Martin-d’Hères.Il fait sombre et le chemin est maléclairé. Une maison laisse échapperune faible lumière. C’est le « FEU »,comme l’appellent ses habitués.A l’intérieur, tout est fait de bois,comme dans un chalet. De faibleslampes et de nombreuses bougies, decouleurs rouge, jaune et orange,donnent à la pièce principale uneambiance chaleureuse. Une grandetable est dressée et semble attendreune trentaine d’invités pour dîner.

Julie, jeune stagiaire sur le pointd’être diplômée de l’Institut Bibliquede Genève, se charge d’accueillirceux qui passeront la soirée ici. Ilsarrivent au compte-goutte. Comme lecouple résidant dans la maison, Juliea pour vocation de devenir missionnaire.

A 19h30, la salle principale, au rez-de-chaussée de la maison, est comble.Près de vingt-cinq personnes s’yretrouvent et la discussion s’anime.

La plupart des jeunes présents seconnaissent déjà très bien : ils passentsouvent plusieurs soirées par semaineau sein de ce foyer. Et puis il y a ceuxqui découvrent les lieux pour la premièrefois, se présentent, et se sociabilisentavec les habitués.

Sous le signe de la religion.« C’est tellement grand ce qu’il afait… », s’exclame Clément avantd’entamer une série de chants, qu’ilaccompagne à la guitare, et dont lesparoles sont affichées sur grand écran.Malgré une ambiance relativementfestive, et des éclats de rire nombreux,cela n’empêche pas des hommages àDieu constants tout au long de la soirée.Les prières collectives et le recueillementponctuent chaque activité. Chacunremercie Dieu pour ce qu’il lui offre,avant le repas, mais aussi avant leschants, qui reprennent les textesbibliques, et dont l’amour de Dieu et seslouanges constituent la composanteessentielle.

Pour finir la soirée, une méditation enpetits groupes est organisée, sur unthème toujours défini à l’avance.Cette fois, Julie propose une réflexionsur l’au-delà : « Dieu nous a donnétout ce qu’il faut, tout ce qui estnécessaire, à savoir sur le paradis,pour pouvoir avancer dans cette vie ».Des groupes de travail de trois ouquatre personnes se forment pourréfléchir sur les textes bibliques.L’objectif : casser les clichés sur leparadis pour retrouver la versionbiblique, dans un « brainstorming »auquel chacun prend part.

Clément accompagne les chants à la guitare.

Dîner aux bougies : L'atmosphère est chaleureuse.

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À la rencontre des étudiants

évangélistes

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PIGÉcampus

Une gestion participativeQuelques étudiants, comme Clément,occupent une fonction de responsable,mais le foyer n’a rien d’une associationautoritaire ou hiérarchisée. « C’estsurtout parce que je suis censé resterà Grenoble pendant cinq ans pourmes études que je suis responsable,et que c’est quand même bien qu’il yait de la continuité… Rien que pour lefait d’accueillir les nouvelles personnesqui viennent ici… ». Les soirées sontgérées par les étudiants qui viennentle plus régulièrement au FEU.Préparation du repas, conduite deschants et préparation des méditationssont des responsabilités que chacunpeut choisir d’assumer, alors que lesrôles tournent au fil des semaines etdes nouveaux arrivants.« Je suis là pour regarder ce qui sepasse, mais ils se débrouillent bien,ils n’ont pas vraiment besoin de moi »admet Ralph, le pasteur, bien conscientdu côté participatif du FEU. Il prendmême son rôle avec dérision : « J’aiquelquefois des questions théologiques,

mais on me demande plus souventcomment marche le magnétoscope ! »,ajoute-t-il, amusé.

Une vocation socialeLe Foyer Evangélique Universitairen’est pas un cercle fermé, et nombreuxsont ceux qui s’y rendent via le bouche-à-oreille. Et même si les activités possèdent une dominante religieuse,le FEU se livre aussi à des gestes charitables. Le repas gratuit proposéquasiment tous les jours de la semainen’est pas la seule action sociale del’association. Elle possède aussi unfonds afin de venir en aide à certainsétudiants en difficulté, et a déjà offertun hébergement temporaire à certainsd’entre eux. D’ailleurs, le Centre deSanté Universitaire oriente régulièrementles étudiants les plus en difficultéfinancière vers eux.Le foyer permet également de procurerun lien social fort pour les personnesen détresse ou dans la solitude.Armel, 23 ans, originaire de Nîmes età Grenoble depuis trois semaines

pour un stage au Commissariat à l’Énergie Atomique, est venu ce soirpour la première fois, et déclare vouloir « rencontrer des gens ».Julie est bien consciente de ce rôle :« Il y a beaucoup d’étrangers qui viennent ici pour voir des gens, pourcréer des amitiés. Ici, tout le mondeest accueilli ».

Marion Sevenier, Pierre BoisseletCrédits photos : Pierre Boisselet

Ralph, pasteur dans une église évangélique de Grenoble.

« Holy Bible » :le FEU accueille

de nombreux étudiants étrangers.

Lecture devant le poêle :la soirée s'achève par une étude de la Bible.

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Tapis rouge...Quand la République PIGÉreportage

CPour un naturalisé, il y a un avant et un après-cérémonie, cet instant où d’étranger,il passe au statut de Français… Une petite heure dans les coulisses de la République,une petite heure qui change la vie de plus de cent mille personnes chaque année.Comment se déroule une cérémonie de naturalisation ? Comment en arrive-t-on là ?Que ressent une personne qui obtient la nationalité française ?

Mercredi 4 février 2009, 10h00. La cérémonie va bientôt débuter. Une centainede personnes ont pris place sur les sièges dorés du salon de la préfecture quileur est aujourd’hui spécialement ouverte. Le directeur de cabinet du préfet de l’Isère,David Coste, arrive par l’arrière et se dirige vers le pupitre. Il prononce un brefdiscours durant lequel les murmures de la salle ne s’éteignent pas complètement.On sent poindre l’un des paradoxes de ces cérémonies : le moment est trèsimportant et se devrait d’être solennel pour les futurs naturalisés, mais la distractionn’est jamais très loin.Les applaudissements sont timides et très succincts, comme si chacun, le représentant du préfet comme les autres, voulait en finir au plus vite. Un courtfilm commence : « Devenir Français n’est pas une simple formalité. C’est unmoment important pour chaque citoyen et pour la république ». Sur fond bleu-blanc-rouge, les images de la France dans toute sa splendeur défilent. Unevoix-off rappelle les principes fondamentaux de la république française, les évènements les plus importants, ainsi que les trois valeurs clés, « liberté, égalité,fraternité ». En ce qui concerne la notion d’égalité, on insiste sur les relationsentre hommes et femmes, comme si cela n’allait pas forcément de soi pour ceuxqui allaient bientôt devenir Français : « L’égalité, c’est l’égalité des hommes etdes femmes. Les femmes ont les mêmes droits que les hommes dans leur viepersonnelle, familiale et professionnelle. » Une part du film est également consacréeà la laïcité, mot que l’on sait souvent intraduisible en langue étrangère. Au boutde six minutes, le film s’achève : « La France est désormais votre patrie. Vouspouvez être fier d’être Français. La France est fière de vous accueillir. » Cettefois-ci, pas d’applaudissements.

« Les naturalisés viennent souvent en famille.L’ambiance est bon enfant dans un cadre très solennel. »

La cérémonie de naturalisation, késako ?

Pendant longtemps, les naturalisations se sont faites de manière individuelle et anonyme,dans l’ombre de l’administration. À partir des années 80, certaines préfectures ont eu l’idée de les organiser collectivement. La préfecture de Grenoble organise cescérémonies depuis une dizaine d’années, et celles-ci ont évolué de manière significative. Au départ, il n’était pas question de projection de film ou de Marseillaiseet les cérémonies étaient tout à fait informelles. Puis, petit à petit, des éléments nouveauxsont arrivés pour rendre le symbole toujours plus fort.L’idée d’institutionnaliser ces cérémonies vient d’un rapport remis le 18 avril 2006 parJean-Philippe Moinet, ancien secrétaire général du Haut Conseil à l’Intégration (HCI),à Catherine Vautrin, alors ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Depuislors, les quelque 135 000 naturalisations annuelles se font lors de ces cérémonies.Celle du 4 février à Grenoble a remis 84 décrets de naturalisation pour 22 nationalitésdifférentes. La préfecture en organise une petite dizaine chaque année.

Raphaël Lizambard « Après la remise des 84 décrets, un buffet est proposé aux participants, tenu pardeux employés de la préfecture. Champagne et petits fours version petit-déjeuner. »

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PIGÉreportage célèbre ses nouveaux citoyens

Des parcours particuliersAziz a quitté son Algérie natale il y ahuit ans. À 17 ans, il rejoint la Francegrâce à un visa touristique qui expiredans les 30 jours et se retrouve seulà Grenoble sans papiers. « J’ai ététrès soutenu à mon arrivée en France,témoigne le jeune migrant, le jugepour enfants m’a orienté vers unefamille d’accueil pour les demandeursd’asile, les associations m’ont beau-coup aidé ». Il obtient rapidement lestatut de demandeur d’asile et destitres de séjours annuels. Au troisièmetitre de séjour de un an, la préfecturelui délivre un titre de 10 ans, ultimecondition permettant de déposer unedemande de naturalisation.Pour lui, malgré l’attente, la nationalitén’as pas été dure à obtenir, notammentparce qu’il a un emploi. « Le tout estde ne pas faire de bêtise », confie-t-il.« Maintenant, je me sens Français,mais toujours Algérien ; un peu des

deux en fait. En Algérie, j’ai ma famille,mes amis… Mais ici, j’ai mon boulotet ma copine. » Avec la remise de lanationalité française, ce matin, c’estaussi pour Aziz une tragi-comédieadministrative qui prend fin. Il vadésormais « pouvoir voyager librement ».Il redevient un citoyen de droit.Même tonalité dans le discours deJoseph, 25 ans, d’origine libanaise.Arrivé en France il y a 7 ans pour étudieraprès l’obtention de son bac, Josepha d’abord connu les cartes de séjourqu’il devait renouveler chaque année.Du fait de sa bonne maîtrise de lalangue française et ayant trouvé unemploi juste après ses études, il n’apas eu de problème pour obtenir lanationalité, comme Aziz. Mais Josephnuance son sentiment d’appartenanceà la communauté française : « J’ai ladouble nationalité, mais si j’avais eu àchoisir, je serais resté Libanais.Depuis la cérémonie, je me sens un

« Avant la remise des décrets, la Marseillaise retentit dans le salon de la préfecture.David Coste, le sous-préfet, prend la pose. »

peu Français, mais je garde ma propre identité. » De son point de vue, la cérémonie « valorise le fait d’obtenir la nationalité mais ça fait un peu artificielquand même ». Notamment le film de cinq minutes qui n’apporte rien, selon lui,à tout ce qu’il a appris en sept ans.Seul changement important depuis qu’il a obtenu la nationalité : « Je ne fais plusla queue pour obtenir la carte de séjour. Je vais pouvoir voter et voyager librementen Europe. » La très grande majorité des ressortissants étrangers demandent, eneffet, la naturalisation pour mettre fin aux démarches administratives.Cela dit, ce n’est pas forcément le cas de tout le monde. Kossi, par exemple, arrivéen 2002 depuis le Togo, et pour qui « être Français a toujours été un rêve.Chez nous en Afrique, il n’y a pas la démocratie, c’est la raison du plus fort quil’emporte. » Après avoir obtenu le regroupement familial, sa femme et ses deuxenfants le rejoignent. « Pour le moment, tous mes centres d’intérêts sont ici et jecompte rester longtemps. J’attends, je ne sais pas si les choses vont changerdepuis que la cérémonie a eu lieu. Pour l’instant, je suis en France et je suis attaché à la France. »

Cérémonie, acte 2Les naturalisés, sur invitation du sous-préfet, passent dans un salon annexe danslequel la cérémonie prend son véritable sens. C’est, en effet, ici que les invitésvont recevoir le document qui leur permettra d’obtenir une carte d’identité, ledécret de naturalisation. Avant cela, l’hymne national retentit, puis une employéede la préfecture entame l’énumération, par ordre alphabétique, des noms deceux qui vont devenir Français. Un peu moins de 30 secondes par personne :avec 84 décrets de naturalisation à remettre, il s’agit de ne pas s’éterniser.Chaque décret est applaudi. Mais à mesure que la liste des noms approche dela lettre Z, la concentration se dissipe et les applaudissements sont moins soutenus. Les nouveaux Français rejoignent petit à petit les bancs adjacents dela salle. Puis lorsque le dernier décret a été remis, le buffet proposé est pris d’assaut par les participants. Petits-fours, viennoiseries et jus d’orange sont làpour achever la fête dans la bonne humeur. Chacun veut sa photo auprès deDavid Coste, le sous-préfet qui ne rechigne d’ailleurs pas à l’exercice. Il sait tropbien l’importance de ce moment pour les naturalisés. Ceux-ci veulent tousimmortaliser cet instant d’une petite heure qu’ils ont pour la plupart attendu pendant de nombreuses années. Le buffet presque achevé, tout le monde rejointla porte de sortie. Certains traînent encore dans le salon. Des parents courentaprès leurs enfants qui s’amusent comme dans une cour de récréation.Il est 10h45, la cérémonie se termine et les participants sortent dans la rue.Ils sont Français, enfin.

Raphaël Lizambard,Erwan Manac’h

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POUR24

Faut-il rendre les transports PIGÉopposé

DDans la nuit du 22 au 23 février dernier, des autocollants annonçant la gratuité des transports en commun dans l’agglomération étaient collés surles composteurs le long des lignes de tramway.Le SMTC n’a pas apprécié le canular et a porté plainte.L’occasion de relancer le débat.

STÉPHANE GEMMANI, élu Modem au conseil municipal de Grenoble « Pour un Grenelle des transports en commun »

Lors de la campagne législative de 2007, vous proposiez d’instaurer la gratuité des transports en commun…Quand je l’ai dit, on n’était pas encore en crise. L’idéal serait la gratuité, mais, aujourd’hui, ce serait ubuesque à cause des problèmeséconomiques. J’aimerais tout de même qu’on étudie vraiment cette question, qui n’a jamais vraiment été mise sur le tapis jusqu’àprésent. Je ne suis pas un ayatollah de la gratuité, mais on pourrait au moins en parler. On parle beaucoup de développementdurable et de réduire les transits dans les centres-villes. La gratuité pourrait être une solution. Moi, je voudrais un Grenelle destransports en commun où l’on mette toutes ces questions sur la table.

Comment s’organiserait cette gratuité ?On pourrait commencer par une zone, comme le centre-ville, pour éviter d’avoir des personnes qui prennent leur voiture defaçon abusive. La gratuité les inciterait à délaisser leur véhicule. Il faudrait faire un test sur une « zone-échantillon ».

Comment financer le manque à gagner pour le SMTC ?Pour l’instant, les considérations économiques occultent la question du développement durable, c’est dommage. Je ne suis pas favorable à une nouvelle augmentationdes impôts locaux. Mais on peut peut-être trouver d’autres financements. L’État se désengage de tout, il pourrait mettre un peu sur le tapis. On a fait le Grenelle del’environnement, on a recherché l’effet d’annonce mais ça n’a pas eu les résultats escomptés. L’État s’est engagé sur cette thématique des transports plus respectueuxde l’environnement, il doit amener des financements.

Quels types de financement, concrètement ?Plusieurs solutions pourraient être envisagées, comme des allègements fiscaux au niveau des charges sur les salaires des employés. L’argent économisé pourrait,ensuite, être réinvesti par les collectivités pour tester la gratuité.

DOMINIQUE MEYER, président de Linéa, syndicat des transports en commun “ gratuits “ de la ville de Gap

« Un bilan positif »La gratuité s’inscrit dans une démarche vertueuse dans le cadre de notre plan de déplacements urbains. Notre objectif était dedévelopper les modes doux pour limiter les déplacements individuels en voiture et ainsi protéger l’environnement et favoriserl’activité économique. Le bilan aujourd’hui est positif : les Gapençais en sont très contents, et on a constaté une augmentationd’environ 30% de la fréquentation de notre réseau. La gratuité a notamment eu un impact sur les trajets domicile-travail, pourlesquels de nombreuses personnes ont abandonné leur voiture. Parallèlement à cette gratuité, nous avons renforcé lescadences sur toutes les lignes. Le problème est qu’aujourd’hui tout le monde veut son bus gratuit devant chez lui. Nous sommesen quelque sorte victimes de notre succès. »

MARYVONNE BOILEAU, élue écologiste au Conseil municipal de Grenoble.

« Pour une gratuité totale les jours de pic de pollution »Dans l’absolu, la gratuité serait intéressante. Mais on ne peut pas se permettre ce luxe pour le moment, compte tenu de l’étatdes finances publiques. Néanmoins, il serait intelligent d’investir avec une très grande force dans les transports en commun.Les jours de pic de pollution, il faudrait instaurer une gratuité totale, pour tous, même si cela coûte de l’argent. On ne devraitmême pas se poser la question pour ces jours-là. Le reste du temps, il faudrait des tarifs beaucoup plus attractifs et incitatifs.

Crédit photo : Dauphiné Libéré

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PIGÉopposé en commun gratuits ?

MARC BAÏETTO, président du Syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération grenobloise

La gratuité est-elle un débat qui agite l’espace public grenoblois ?Non ! La gratuité est une fausse bonne idée. Le service public a un coût. Laisser entendre qu’on peut rendre du service gratuitementest, sur le plan de la conscience citoyenne, quelque chose qui me choque. Il faut payer les personnels, le matériel, les coûts defonctionnement. Donc la question qui se pose est « l’impôt doit-il tout payer, ou alors l’usager participe » ? Le choix qui est faitest que l’usager paye un peu, et l’impôt paye beaucoup. On est dans une proportion de 17,3% du budget du SMTC payé parles ventes de billets. C’est très faible. Surtout que le prix plein tarif d’un titre de transport est le même que le coût de deux kilomètresen voiture !

Mais que répondez-vous aux usagers, notamment étudiants, qui se plaignent du prix élevé des transports en commun ?Avec le projet de tarification sociale qui est à l’étude, ce coût va encore être réduit. La proposition est qu’on prenne en compte

les quotients familiaux en dessous de 575 euros par mois. En gros, les boursiers devraient bénéficier de cette tarification sociale. Et encore une fois, le coût payé parl’usager est très en dessous du coût réel de son déplacement.

La ville de Gap a mis en place la gratuité des transports en commun, et a constaté une forte augmentation de la fréquentation de son réseau.De nombreuses personnes ont même abandonné la voiture pour leurs trajets domicile-travail. Est-ce que ce n’est pas ça l’objectif du SMTC ?Premièrement, le réseau de Gap n’est pas celui de Grenoble. Le coût pour la collectivité du réseau de transport est incomparable. Deuxièmement, nous avons touteune gamme d’offres en direction des salariés, notamment le Plan de déplacement entreprises (PDE), qui permet aux salariés de ne payer que le tiers du coût de déplacement.Enfin, mon objectif premier est d’assurer une solidarité entre les territoires et les personnes. Est-ce qu’il faut courir le risque de ne plus pouvoir desservir des quartierssous prétexte de faire une gratuité ? Je ne suis même pas certain que nous gagnerions beaucoup de monde par la gratuité. L’usager moyen considère que le déplacementen voiture est supportable, donc il est prêt à payer un prix, et même à payer plus cher !On atteint aujourd’hui les plafonds du financement par les collectivités territoriales. Le département a doublé le budget transport en sept ans, et on ne pourra pas ledoubler dans les sept ans qui viennent. Toute la ressource supplémentaire est allée sur le transport. Mais malgré cet effort sans précédent, aujourd’hui on a des difficultésà boucler notre budget !

L’argent semble exister pourtant, puisqu’on va injecter au moins 600 millions d’euros dans la Rocade nord…Ce ne sont pas les mêmes choses ! Même si on investit dans de nouvelles lignes de tram, avec quel argent on couvre les frais de fonctionnement ? Avec la Rocade nord,ce coût de fonctionnement est couvert par les recettes provenant du péage qui sera mis en place. La Rocade, en réduisant le temps de circulation dans l’agglomération,va booster les transports publics en faisant gagner de la vitesse commerciale et réduire les gaz à effet de serre. J’ai fait beaucoup pour les transports publics, avec les voiesspécialisées pour les bus sur autoroute ou la réduction de la part autoroutière au profit du vélo à l’échangeur du Rondeau. Que ceux qui ont fait mieux lèvent le doigt !

Propos recueillis par Clément Repellin

ANTOINE JAMMES, vice-président de l’ADTC Grenoble, association pour le développement des transports en commun

« Une fausse bonne idée »La gratuité est une fausse bonne idée, qui en réalité nuirait au développement des transports en commun. À Grenoble, cela augmenteraitla fréquentation, c’est sûr, mais à quel prix ? On manque déjà d’argent pour développer l’offre et les collectivités souffrent financièrementpour couvrir les simples coûts d’exploitation. La gratuité risquerait de faire exploser les impôts locaux, car il faudrait payer lemanque à gagner pour le SMTC. Ce qu’il faut, c’est une tarification attractive, simplifiée et proportionnelle aux revenus. En cesens, la « tarification sociale » envisagée par le SMTC est une bonne chose.

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Des podiumsPIGÉsport

Apprendre que la skieuse françaiseMarie Marchand-Arvier, vice-cham-pionne du monde de super-G à Vald’Isère en février dernier, est inscrite àl’UFRAPS (fac des sports) de Grenobleen a surpris plus d’un. Pilier de l’équipede France de ski alpin, elle passe, eneffet, une bonne partie de son tempssur la route pour participer auxgrandes compétitions internationales.De quoi s’interroger sur sa capacité àpoursuivre normalement son cursusuniversitaire. « Marie a un doigt depied dans les études », nous expliqueChristophe Massit, responsable dessportifs de haut niveau à l’universitéJoseph Fourier.Comme trois cents autres étudiantsgrenoblois, « MMA » bénéficie du dispositif d’accompagnement desétudiants sportifs de haut niveau misen place communément par les universités Stendhal, Mendès-France(UPMF) et Fourier (UJF), ainsi que parl’Institut National Polytechnique deGrenoble. Il permet aux élèves sélectionnés par le ministère de lajeunesse et des sports d’aménagerleur cursus scolaire pour qu’ils puis-sent continuer à s’entraîner, sansmettre en péril leurs études. Une aideappréciable, à en croire Alixe Auvray,24 ans, quatrième perchiste françaiseet étudiante en psychologie : « ce dispo-sitif nous aide vraiment à réussir nosétudes ». Avec un entraînement tousles soirs et des compétitions le week-end, elle a été contrainte d’étaler son

master sur quatre ans, au lieu de deuxnormalement. « L’aménagement dutemps scolaire est le point fort du dispositif », explique-t-elle. « Grâce àça, j’ai pu passer mes examens endifféré et reprogrammer des cours ».Certains poussent ces opportunitésd’aménagement à l’extrême. C’est lecas notamment de skieurs inscrits àl’UJF. Après quatre ans à l’UFRAPS,Marie Marchand-Arvier est en deuxièmeannée. Elle ne suit aucun cours jusqu’enavril et ne passe qu’une ou deuxmatières par an. D’autres étudiants,notamment en droit ou en économie-gestion, suivent un enseignement àdistance et ne sont présents sur lecampus que deux ou trois après-midipar mois.Parallèlement, on constate chez lessportifs de haut niveau des taux élevésde réussite aux examens, à hauteurde 85% à l’UPMF et 86% à l’UJF, contre50% en moyenne pour l’ensembledes étudiants. De quoi alimenter le mytheselon lequel les athlètes bénéficieraientde passes-droits à l’université etobtiendraient un diplôme sans effort.« Les cours ne sont pas sacrifiés ! »s’insurge Michel Fabre, responsablede la filière haut niveau à l’UPMF. « Ilsne disposent pas de conditions plusfaciles. Au contraire, cela leur demandedavantage d’organisation, d’engagementet d’investissement que pour lesautres étudiants ».

Quelques performances d’étudiantsgrenoblois :

• Alixe Auvray, championne deFrance espoir de saut à la percheen 2007. Étudiante en Master depsychologie à l’UPMF.

• Thomas Servian, rugbyman pro enAustralie après trois saisons en ProD2 au FC Grenoble. Champion deFrance Universitaire 2008 avecl’UPMF. Étudiant en Master 2d’économie du sport à l’IAE.

• Océane Pozzo, Championne dumonde junior de bordercross.Vainqueur de la coupe d’Europe en2008. Étudiante en STAPS.

• Marie Marchand-Arvier, vicechampionne du monde de Super Gen 2009. Étudiante à l’UFRAPS.

• David Maitre, nageur, vice champion d’Europe du relais 4x50en 2006. Étudiant en Master économie européenne à l’UPMF.

Erwan Manac’h

EEmplois du temps surchargés, difficultés financières,voyages incessants… le quotidien des étudiants sportifs de haut niveau n’est pas de tout repos.Les facultés grenobloises ont pourtant mis en placeun dispositif spécifique pour leur permettre d’allierpratique sportive et études, au risque d’être accuséesde favoritisme.

Alixe Auvray

Océane Pozzo

Marie Marchand-ArvierCrédit s photos : DR

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PIGÉsport aux bancs de la fac

Un enjeu important pour l’imagede l’universitéÊtre sportif de haut niveau peut néan-moins s’avérer être un atout majeurquand il s’agit de postuler à l’entréed’un cursus sélectif, comme à l’Institutd’Administration des Entreprises, àl’Institut d’Études Politiques ou encoredans certains IUT. Si aucune placen’est officiellement réservée pour cesétudiants pas comme les autres, onexplique en « off » que leurs dossiersfont l’objet d’une étude « particulière ».C’est-à-dire qu’à moyenne égale, unsportif sera favorisé par rapport à unétudiant ordinaire. Une décision quipeut paraître surprenante quand onconnaît le coût que représente l’accueilde ce public très particulier pour lesuniversités.Mais l’enjeu est ailleurs. Posséderdans ses rangs un étudiant qui brilledans un sport permet à la fac de « donner une image d’excellence et deperformance, en profitant de l’imagede marque des sportifs de haut niveau »,selon Muriel Jakobiak, chargée decommunication pour l’Université JosephFourier. Les facultés grenobloisespublient ainsi des communiqués depresse rappelant les prouesses deleurs étudiants sportifs en directiondes médias locaux, mais aussi despouvoirs publics et autres partenaires.Une occasion de montrer que les subventions accordées sont utiliséesà bon escient, et de « légitimer laplace du sport dans l’enseignement »,

explique Olivia Wendling Carcassonne,professeur à l’UPMF.La valorisation des étudiants sportifsde haut niveau devient ainsi un enjeupromotionnel particulièrement importantdans le cadre du rapprochement desuniversités grenobloises, visant àdonner une visibilité internationale aucampus. « La présence de sportifs de haut niveau va faire partie desarguments présentés par GrenobleUniversités » affirme Pédro Olivas,responsable de la communication deGU. « Même si on n'investit pas enpriorité dans les équipements sportifspour des raisons promotionnelles, cetargument sera inclus dans une communication globale pour démontrerque la pratique sportive est un despoints forts de nos universités, et ainsiattirer des étudiants » confie-t-il.

Vers un système à l’américaine ?On reste cependant encore loin d’unsystème à l’américaine, où les facs sebattent pour attirer les meilleurs sportifsdu pays, en couvrant l’intégralité de leursfrais de scolarité et de vie quotidienne.Les fins de mois restent ainsi difficilespour la plupart des étudiants sportifsde haut niveau en France. « J’ai dû,en plus de mes entraînements et demes cours, travailler dans un collègepour faire face au niveau financier »regrette Alixe Auvray, qui ne toucheaucune rémunération pour ses perfor-mances au saut à la perche.Il est vrai que les budgets des universités

étasuniennes et hexagonales n’ontrien de comparable. La faculté deUCLA (Los Angeles), pourtantpublique, annonce un budget total deplus de 4 milliards de dollars pour2009, dont près de 50 millions rienque pour le sport ! Difficile pour lesuniversités françaises, même si ellesle souhaitaient, de faire mieux.D’autant plus que les systèmes sportifsdes deux pays sont très éloignés.Outre-atlantique, les compétitionssont organisées dans le cadre scolaire :on défend les couleurs de son universitéet non d’un club, comme c’est le casen France.Enfin, il n’existe pas de véritable stratégie coordonnée sur le campusgrenoblois visant à le faire évoluervers le modèle américain. L’UJFsemble plus encline que l’UPMF àcommuniquer sur les résultats de sessportifs, afin d’en faire un véritableargument promotionnel. Cette dernièremise davantage sur une logique demasse, avec le sport rendu obligatoirepour tous. Cette différence de politique se traduit notamment sur leplan budgétaire (voir encadré). Uneindécision sur la stratégie à adopterqui s’avère symptomatique des rapportspeu clairs entre sport scolaire, pratiqueen club et sport professionnel enFrance.

Clément Repellin

Les différents statuts.Il existe deux catégories de sportifs de haut niveau.

Niveau 1 : internationaux et pensionnaires des « pôles France ».Ils sont inscrits auprès du ministèrede la Santé et des sports.

Niveau 2 : à l'appréciation dechaque université.Par exemple, l’UPMF distingueun deuxième niveau pour lessportifs de division 3 ou 4, et untroisième niveau pour les catégoriesinférieures.

Quelques chiffres :Le campus grenoblois compte300 sportifs de haut niveau,dont une centaine sur la liste ministérielle de niveau 1.Sportifs de haut niveau par université :UJF : 199UPMF : 129 INPG : 24Stendhal : 11

Budgets des universités (eneuros/an) pour les sportifs dehaut niveau.UPMF : 5000UJF : 44000Grenoble Universités (Comitéinteruniversitaire du sport dehaut niveau, financé par les universités grenobloises) : 96000

L’équipe de rugby de l'UPMF,championne de France universitaire en 2008.

Pierre Ochs skieur de bosses sélestionné aux JO de Turin. Credit photo : agence Zoom

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« Projet Méliès 2 : une nouvelle donnePIGÉculture

LLe monde du cinéma grenoblois est en pleine ébullition. L'arrivée du complexe d'art et d'essaiMéliès 2 l'année prochaine pourrait bousculer lesautres cinémas. Du nouveau pourrait aussi arriver du côté de la Cinémathèque, une institution historiquemais en perte de vitesse.

Projet Méliès 2 : ce qui va changerLe projet de déménagement du Méliès dans le quartier de Bonne a fait couler beaucoup d’encre au moment des électionsmunicipales et en avril dernier lorsque la ville de Grenoble a entériné le projet. Depuis, c’est le silence radio. Pourtant, leprojet aura des conséquences pas forcément positives pour tout le monde. Retour sur un déménagement qui va bouleverserle paysage cinématographique grenoblois.

Avec un coût de 2,4 millions d’euros et une ouverture prévue pour fin 2010, le Méliès 2 n’est pas un petit chantier. Devantinitialement bénéficier d’une subvention du Centre National de la Cinématographie de 400 000 euros, refusée en avril dernier(1),le projet repose aujourd’hui en partie sur les épaules de la ville de Grenoble, du Conseil Général et du Conseil Régional.Subventionné à hauteur de 30%, le reste des travaux sera financé par des fonds propres et des emprunts de l’association« La Ligue de l’enseignement » qui gère le Méliès. Actuellement confinés dans des locaux contraints, une seule salle de 96 fauteuils, le Méliès jongle avec la programmation et restreint ses activités. En 2000, à peine un an après son arrivée àla direction du Méliès, Bruno Thivillier lance un projet de développement. Après avoir constaté l’impossibilité d’agrandir leslocaux existants, il envisage la délocalisation… Le quartier de Bonne est rapidement évoqué avec la mairie. En 2008, aprèsdes années d’études de marché et de démarchage auprès des collectivités, le projet est enfin sur les rails. Objectif :atteindre l’équilibre financier en attirant 130 à 140 000 spectateurs par an (contre 60 000 aujourd’hui).

Ce qui va changer pour les Grenoblois...Les évolutions apportées par le projet : meilleur accueil du public, développement des programmes pour enfants, lieu de détente.Pour Bruno Thivillier, il s’agit d’offrir aux Grenoblois « une salle d’art et essai avec un vrai lieu d’accueil et des fauteuilsconfortables. Il y a aussi une volonté de fidéliser le public et d’attirer de nouveaux cinéphiles. » Avec 3 salles et 524 places,un café, un hall d’accueil et un pôle d’éducation à l’image, le Méliès 2 « aura pour vocation de proposer aux familles et auxétudiants, un lieu convivial ». Côté mairie, Christelle Mazel, en charge du dossier, confirme ces objectifs : « le projet a séduitcar il a une vocation éducative et qu’il va développer l’offre cinématographique à Grenoble. » Meilleur confort, diversificationde la programmation, accueil du jeune public, tarifs avantageux : le projet est très attractif. Mais les autres salles aurontprobablement à subir le revers de la médaille…

... Et pour la Nef et le ClubLes rumeurs, récurrentes depuis dix ans, de l’imminente fermeture du Club ont repris de plus belle avec l’annonce de lamise en route du projet. Et même si Christelle Mazel déclare qu’il « s’agit d’une offre complémentaire et non concurrentielle »,Patrick Ortega, le directeur du Club, estime tout de même à 20% la perte de fréquentation(2). Pourtant, pour Bruno Thivillier,« le Méliès n’est qu’un bouc émissaire, car le groupe Europalace (propriétaire du Pathé Chavant et du Club) mène lui-mêmeune politique de VOST et ne fait pas l’effort de rénover le Club. C’est Pathé qui décide de ne pas le faire, pas le Méliès. »Selon lui, le projet Méliès 2 écarte au contraire le risque d’un monopole des grands groupes dans l’agglomération, et garantitla diversité des films. Au détriment peut-être du Club et de la Nef. La fin justifierait-elle les moyens ? C’est en tout cas ce quecroient la mairie et le directeur du Méliès : l’intérêt du public avant tout. Et tant pis pour les éventuels dommages collatéraux.Contactés à de nombreuses reprises, les directeurs du Pathé et de la Nef n’ont pas souhaité répondre à nos questions.

Juliette Cottin

(1) Nicole Delaunay, chargée de l’examen des demandes de subvention au CNC, a estimé le projet exemplaire mais trop cher en l’état. Le CNC a doncdemandé une révision du projet avec des coûts à la baisse, ce que le Méliès n’a pas souhaité faire.

(2) Si le Méliès 2 obtient à partir de 2010 la distribution des films sur lesquels les deux cinémas sont en concurrence.

Crédits photos : Pigé

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PIGÉculture pour les cinémas grenoblois »

La cinémathèque de Grenoble est, enquelque sorte, la petite sœur de lacinémathèque française du célèbreHenri Langlois créée en 1936. Bonami du cinéphile, Michel Warren fonde,à son tour, sa cinémathèque, toutjuste âgé de 20 ans, en 1962. Portantd’abord le nom de « cinémathèquefrançaise de Grenoble », sa missiond’intérêt général est précisée dansl’article 2 des statuts de l’association :elle a pour but « la diffusion des films,l’organisation et l’animation cinéma-tographiques dans une perspectived’action culturelle, ainsi que laconservation du patrimoine cinémato-graphique ».Financée par la ville, le département, larégion et la DRAC (Direction régionaledes affaires culturelles), la cinémathèqueoffre une programmation culturelledifférente du secteur commercialclassique. Où peut-on voir un hommageà Werner Herzog, une rétrospective del’acteur italien Toto ou encore « Une tropbruyante solitude » de Vera Caïs ? À lacinémathèque de Grenoble, et nullepart ailleurs. Mais la cinémathèque nese contente pas de diffuser des films.Elle met régulièrement en place desateliers (lecture de films, écriture descénarios), propose des cours d’histoiredu cinéma, des colloques et des rencontres avec des professionnels,des expositions, des soirées-débats…En parallèle, une deuxième associationégalement présidée par Michel Warrenorganise le festival de court-métragede la ville de Grenoble, qui a lieu tousles ans à la mi-juillet depuis 31 ans. Ilattire environ 8 000 personnes en cinqjours. Ce festival est aussi l’occasionde promouvoir de nouveaux talentsavec divers concours tous dotés deprix permettant l’aide à la création.

Encore un peu de travail…Il reste néanmoins quelques lacunes àcombler. L’un des principaux défautsde la cinémathèque est, sans doute,son manque de notoriété au regarddes moyens dont elle dispose.

Ne serait-ce que d’un strict point de vuefinancier : les quatre principaux bailleursde fonds subventionnent, chaqueannée, la cinémathèque à hauteur de172 000 euros. De plus, les locauxprêtés par la mairie représentent unesurface totale de presque 570 m2

pour un loyer annuel de 59 000 euros(dont 2 000 pour le festival). Une subvention qui paraît importante auregard du petit nombre d’entréesannuelles réalisées : 1344 pour 120séances payantes et une recette de5377 euros.Autres exemples. La cinémathèquepossède une impressionnante collectionde « non-film » (plus de 10 000 affiches,des pièces de collections, de l’outillagede cinéma…), mais n’a toujours pasde salle exclusivement dédiée pour enfaire un musée du cinéma. Le siteInternet lancé en janvier 2009 n’esttoujours pas terminé. L’associationn’a entrepris l’inventaire informatiséde ses documents qu’à partir de la finoctobre 2008 et l’opération durera « cinqans au minimum », selon Michel Warren.Problème : le financement de l’inventairen’est assuré que jusqu’à fin 2009 ; lecontrat de l’employé chargé de ce travailne court quant à lui que jusqu’àfévrier 2010. Enfin, la cinémathèquene profite que d’une seule salle deprojection, la salle Juliet Berto, dontelle n’est pas propriétaire, ce qui limitesa programmation à 120 séances paran, pas vraiment à la hauteur desambitions affichées.C’est principalement pour ces raisonsqu’a été nommée Barbara Muller ausecrétariat général de l’association,en mai 2008. Objectif : moderniser lacinémathèque et entreprendre leschangements nécessaires à sa survie.À l’heure où nous publions ce numérode Pigémagazine, l’assemblée généraledu 20 avril a élu un nouveau bureauqui reconduira ou non Michel Warrenà la présidence de la Cinémathèque. Ladécision sera prise à la fin du mois d’avril.

Raphaël Lizambard

Du haut de ses 47 ans,la cinémathèque deGrenoble occupe une place à part sur la scène culturellede la ville. Pour autant,sa notoriété est-elle à lahauteur de ses moyens et de ses ambitions ? Gros plan sur un lieu dédié àla culture, trop méconnu desGrenoblois.

Vous avez dit cinémathèque de Grenoble ?

« Un agrandisseur photo et un projecteur vidéo. Du matériel de collectionque la Cinémathèque possède en quantité mais ne peut pas exposer dansson intégralité, faute de lieu dédié. »

Vous avez dit cinémathèque de Grenoble ?

Le siège de la cinémathèque,4 rue Hector Berlioz.

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Le magasin April77 rue de Saintonge, 3° arrondissement, Paris.

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Avec la mode, la musique se porte bien PIGÉculture

HApril77 Records porte un nom imprononçable,certes, mais c’est surtout un concept en soi.Alliant musique et mode, la marque surfe sur unevague lucrative : créée en 2002, April77 pèse aujourd’hui dix millions d’euros en chiffre d’affaires.Les jeans et T-shirts April77 ont été portés par FranzFerdinand, The Kills, Iggy Pop, Pete Doherty, Mika ouencore Amy Winehouse… Retour sur les recettes d’un concept original.

De l’époque yéyé à la tecktonik, en passant par le mouvement punk, musique etstyle ont toujours été étroitement liés. C’est en partant de ce constat que BricePartouche a eu l’idée d’associer sa ligne de vêtements à un label de musique. En2002, il crée à Grenoble la marque April77. En 2005, il monte à Paris et décideen 2007, en pleine crise du support musical, de parier sur un concept inédit : vendreles vêtements de sa ligne accompagnés d’un code permettant le téléchargementen ligne d’un « single » produit par le label associé, April77 Records. En seulementquatre ans, le créateur a su se positionner sur un créneau très particulier : le style« punk rock indé ». La marque est aujourd’hui distribuée dans 28 pays, 500 boutiquesmultimarques, et elle emploie une vingtaine de salariés en France.

Concept inéditDepuis 2007, April77 Records cherche et produit des groupes qui pourraient correspondre à l’image de la marque April77. Chaque mois, le label sélectionneun artiste dont un titre inédit et exclusif sera téléchargeable en ligne pour l’achatd’un vêtement de la marque. L’idée est simple mais elle fonctionne. Du Japon àl’Italie et à la Scandinavie, le public en redemande. Pour Sébastien Dos Santos,membre du groupe grenoblois Firecrackers qui travaille pour le « publimarketing», « l’image de la marque a été longue à mettre en place, mais aujourd’hui unerelation de confiance est établie et la clientèle est fidèle à la marque. » Elle necraint donc pas vraiment la concurrence puisque « le public visé sait que April77a inventé ce concept. » Et les groupes produits par le label profitent de cetteimage de marque auprès de leurs fans.

Stratégie marketing originaleApril77 Records fait partie intégrante d’une stratégie marketing novatrice :la marque ne se fait pas connaître par la voix des campagnes publicitaires habituelles, mais par des outils marketing originaux. Sébastien Dos Santosexplique : « La promotion de la marque repose principalement sur le placementde produits : on propose nos vêtements à des gens connus qui ont un impact surla clientèle visée, comme Franz Ferdinand, Iggy Pop ou The Kills. Après, il arriveque des personnalités nous fassent de la publicité gratuite en apparaissant dansdes magazines vêtus de nos jeans, c’est arrivé avec Amy Winehouse et Mika. »Par ailleurs, April77 se fait connaître grâce à l’organisation d’événements : dessoirées avec des groupes et DJ produits par le label qui collent à l’image de lamarque. Ainsi, chaque mois, le lancement des titres inédits vendus avec les vêtements est organisé par April77 Records, qui sponsorise également des festivalsde rock en France, mais aussi en Italie, en Suède, aux Etats-Unis…

Business et authenticitéMême si le côté marketing est évidemment présent, la marque et le label jouissent d’une image très positive auprès de leurs acheteurs. Fondée par unmusicien, employant des personnes venant aussi du milieu artistique, April77 et April77 Records forment un couple assorti qui plaît à leur cible. Le label bénéficie d’une marge de manœuvre artistique dont il ne pourrait pas disposersans le succès de la ligne de vêtements. Le choix des artistes marche au coupde cœur et n’est contraint par aucun critère particulier, hormis la qualité musicale.Entre crise du support musical et crise économique, il serait peu probable que lelabel subsiste sans le soutien financier d’April77.

Juliette Cottin

“ Chaque mois, le label sélectionne un artiste dont un titre

inédit et exclusif sera téléchargeableen ligne pour l’achat d’un vêtement

de la marque. “

La chemise à carreau,un classique de la collection April77

La nouvelle ligne April77Crédits photos : April77

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PIGÉculture

La fabriquedes petites

utopies

« Petit à petit,la petite utopie… »

Bruno Thircuir est le directeur artistiquede la compagnie de théâtre itinérante« La fabrique des petites utopies ».

Pourquoi parler d’utopie ? « Il s’agitd’amener le théâtre dans des endroitsoù il ne va jamais, des coins reculés,abîmés… » Et pourquoi petite ? « Petite, car il nefaut pas tomber dans la prétention devouloir changer le monde. »

Créée en 2000, cette compagnie n’estdécidément pas comme les autres.Itinérante donc, elle a déjà voyagé surle front de Sarajevo, lorsque là-bas ilpleuvait des bombes. Elle est égalementallée dans les quartiers populairesd’Alger, ou encore dans les villages lesplus reculés du Bénin. Cela grâce à uncamion-théâtre que la troupe a conçuelle-même. En sept saisons, 355représentations, 37 000 spectateurset 9 pays d’Europe et d’Afrique, lacompagnie s’est faite une large placesur la scène culturelle grenobloise.Actuellement en préparation au quartierMistral de Grenoble, elle construit etfabrique ses nouveaux projets pour lessaisons à venir. Notamment « Tour Babel »qui sera présenté en avant-premièrele 12 juin 2009 dans ce quartier.

En allant vers les gens, la compagniesouhaite donner une dimension politiqueà ses projets. « Notre démarcheamène à réfléchir à ce qu’est l’artpopulaire. L’intérêt est de répandre cetart fragile et précaire », assure Bruno.Petit à petit, l’utopie fait son nid etfinalement, n’est plus si chimérique…

www.petitesutopies.com

Raphaël Lizambard

Si la Fête des Lumières est devenue une escapadehivernale appréciée des Grenoblois, il existe unautre événement lyonnais qu'il serait dommage demanquer : les Nuits Sonores. Bien plus qu'unsimple festival électro, les folles soirées sontrelayées partout dans la ville par de nombreusesanimations, diurnes et nocturnes, dans des lieuxsouvent insolites.Au fil des années, les Nuits Sonores sont devenuesun rendez-vous incontournable des noctambules,qui viennent parfois de très loin pour assister auxsets des meilleurs DJ mondiaux.Pour la septième édition, du 20 au 24 mai, le plateausera encore très relevé : Laurent Garnier, Carl Craig, Ricardo Villalobos, ainsi que les Grenoblois

Miss Kittin & The Hacker seront présents aux côtésde dizaines d'autres talents. Un petit regret, le prix desplaces : 25 € chacune des trois soirées principales,mais d'autres concerts sont plus abordables.Comme chaque année, le jeudi soir est consacré au« circuit électronique », qui permet de déambulergratuitement à travers une dizaine de lieux différents,dont le grand temple de Lyon. Et pour bien commencerla journée, la « All day long » de Gilles Peterson,éminent DJ jazz, qui pose ses platines à la piscinedu Rhône.

Plus d'infos sur www.nuits-sonores.com

Clément Girardot

Né à Brooklyn, Sly est le leader du groupe « dance punk »grenoblois Sly and the Gayz. Voici quelques années, il achoisi de quitter les États-Unis pour Grenoble : « NewYork c'est bien pour l'urbain, confie-t-il, mais j'ai besoinde grands espaces ». Il aime pratiquer l'alpinisme etquand il ne manie pas le piolet, il empoigne le micro auxcôtés de ses acolytes guitaristes Richy Love et DavidJonathan... Tout ce beau petit monde s'est rencontrédans une rave party en Ardèche en 2005. Brian Lee

Rock, au clavier, les a rejoints il y a un an et demi.Sly and the Gayz est actuellement en pleine préparation de son premieralbum, dont la sortie prévue pour septembre ou octobre sera suivied'une grande tournée. Textes inspirés par l'actualité : la démocratie,les drogues, l'environnement, et musique influencée par la newwave et le hard rock des années 80-90, le cocktail devrait êtredétonnant.Sur scène, les Gayz donnent tout ce qu'ils ont : « c'est une performancephysique et artistique, affirme Brian Lee, c'est comme une explosionde saveur dans la bouche d'une jeune fille en fleur ».En attendant les étoiles, Sly se concentre sur les cimes avec commeobjectif l'ascension prochaine du pic des Drus*.

* 3754 m, un des sommets les plus difficiles du massif du Mont-Blanc.

Plus d'infos sur www.myspace.com/slyandthegayz

Clément Girardot

Laurent Garnier embrase la foule lors de la dernière édition. Crédit photo : Nicolas Dartiailh

Les Gayz au grand complet.Crédit photo : Gérard Bedeau

Crédit photo : Eyeshot

Escapade sonore à Lyon

From New-York to Grenoble !

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Loïc Blondiaux, politologue, auteurdu livre « Le nouvel esprit de ladémocratie » paru à La Républiquedes idées en mars 2008, inter-viendra dans la cadre du forum « Réinventer la démocratie ». Il nousprésente quelques particularitésrégionales en matière de démocratieparticipative.

Grenoble, ville de la démocratieparticipative ?C’est vrai que dans les annéessoixante, il y a eu un mouvementd’initiatives citoyennes issu du milieuassociatif et militant (les groupesd’action municipaux, ndlr) quirevendiquait des contre-pouvoirsaux institutions classiques. En1965, l’élection à la mairie deGrenoble d’Hubert Dubedout, quiétait issu de cette mouvance, afait de la ville un symbole enmatière de démocratie participative.Il y a eu aussi cette expériencedes comités de quartiers qui préfiguraient les conseils de

quartiers d’aujourd’hui, un peu plusen prise avec la société civile.Mais ensuite, dans les années 80,Alain Carignon, opposant de lamairie socialiste, a pris appui surces conseils de quartiers pour saprise de pouvoir municipal, il y adonc eu une instrumentalisationpolitique de ces conseils.

Avec des évènements commele forum « Réinventer la démo-cratie », peut-on parler d’unrenouveau de la démocratieparticipative ?Non, ce forum, c’est surtout del’éducation populaire, un lieu d’information, de réflexion, un lieude confrontation entre des déci-deurs, et des citoyens. De là a direqu’il y a à Grenoble la réémergenced’un mouvement en faveur de ladémocratie participative, c’est assezcompliqué. Disons qu’en Rhône-Alpes, au niveau de Grenoble, del’agglomération lyonnaise et ausein du Conseil régional, on sentun intérêt assez fort pour ladémocratie participative. Il y a unesorte de microclimat régional,

favorable à l’institutionnalisationde la participation des citoyens.

Et la démocratie participative,c’est quoi aujourd’hui enFrance ? Que pensez-vous desdébats publics, par exemple ?Il est impossible d’en avoir unevision angélique, il ne faut pas seleurrer sur ce que la démocratieparticipative a accompli jusqu’àprésent, ou sur ce qu’elle peutproduire potentiellement. Maisma position, c’est que si on nepense pas que la révolution est leremède à tous les maux de ladémocratie représentative, on nepeut pas faire l’économie d’uneréflexion dans le sens de ladémocratie participative. Pour moi,les débats publics, par exemple,sont une avancée démocratique.Ils imposent un travail de justification de la décision, enconcertation avec des citoyens,qui me paraît intéressant, et troppeu pris au sérieux.

Propos recueillis par Antoine Laurent

Organisé par La République des idées et Sciences Po Grenoble, avec le soutien de la ville de Grenoble et de laRégion Rhône Alpes, le forum se tiendra à la MC2, les 8, 9 et 10 mai. Au programme, plus de 30 conférences-débats pour « Réinventer la démocratie ».

A noter plus particulièrement :• « Crise du capitalisme et avenir de la démocratie », avec Jean-Paul Fitoussi, professeur des Universités,

IEP de Paris, le 8 mai à 14h30.• La controverse « Citoyenneté et intégration », avec Robert Castel, sociologue, directeur d'études à l'EHESS, et

Dominique Schnapper, sociologue, directeur d'études à l'EHESS, menbre du Conseil Constitutionnel, le 9 mai à 11h30.• La controverse « Démocratie mondiale et institutions internationales », avec Pascal Lamy, directeur

général de l'Organisation mondiale du commerce, le 9 mai à 16h30.

Entrée gratuite (réservations sur le site internet de la MC2 : www.mc2grenoble.fr ).Plus d’infos sur www.repid.com/Reinventer-la-democratie.html

Florilège de Pigémag.com, site internet d'information des étudiantsdu master de journalisme de l'Iep deGrenoble. Chaque semaine, un webJT couvrant l'actualité du campus,mais également :

Grainesde rebelles

Huit reportages vidéo sur le thème de larébellion, où se croisent des squatters,des militants pour les sans-papier, desactivistes anti-néons, Che Guevara, unmilitant royaliste, un rebelle du tramway,des enseignants en lutte et des maladesayant la rage de vivre.

JO 2018à Annecy

L'annonce en directde Paris, de la villecandidate pour laFrance aux JO d'hiver de 2018 :

Annecy écrase la concurrence, coup durpour Grenoble. Un reportage riche enémotions, mais aussi un dossier completd'analyse du résultat.

Découvrez aussi l'émission radio hebdo le Labo, à écouter sur Pigémag.com,émission d'entretien diffusée tous les lundisà 13h30 sur radio campus 90,8 Mhz.

www.pigemag.com

Les 8, 9 et 10 mai Participez au Forum « Réinventer la démocratie » !

Et sur internet,l’équipe dePigemag.comn’est pas enreste…

É Le journal de l'IEPGPIGmagazine