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Pierre Carnac est le pseudonyme d'un

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Pierre Carnac est le pseudonyme d'un écrivain scientifique d'origine rou- maine. A la fois historien et ingénieur, universitaire, passionné de vieux ma- nuscrits et de livres anciens, il a déja publié, en 1966 et en 1969, deux ouvrages sur les relations entre l'An- cien et le Nouveau Monde avant Chris- tophe Colomb. Aujourd'hui fixé en France, Pierre Carnac travaille dans le domaine de la recherche scientifique.

Document de couverture : L'aventure de Brandon, contée par Piri Reis (B.N. Cliché Ed. Robert Laffont).

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LES ÉNIGMES DE L'UNIVERS Collection dirigée par Francis Mazière

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PIERRE CARNAC

L'HISTOIRE COMMENCE A BIMINI

ÉDITIONS ROBERT LAFFONT 6, place Saint-Sulpice, Paris-68

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Si vous désirez être tenu au courant des publications de l'éditeur de cet ouvrage, il vous suffit d'adresser votre carte de visite aux Éditions Robert Laffont, service « Bulletin J, 6, place Saint-Sulpice, Paris-VIe. Vous recevrez régulièrement, et sans aucun engagement de votre part, leur bulletin illustré, où, chaque mois, se trouvent présentées toutes les nouveautés — romans français et étrangers, documents et récits d'histoire, récits de voyage, bio- graphies, essais — que vous trouverez chez votre libraire.

@ Éditions ROBERT LAFFONT, S.A., 1973

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En hommage aux deux Hélène, ma mère, ma fille, que je n'aurai jamais assez aimées.

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SOMMAIRE

PROLOGUE 13 LA FIN D'UN MYTHE 15 L'HISTOIRE COMMENCE - T - ELLE A BIMINI? 19

Au commencement était la Fontaine de Jou- vence 19

... Puis il y eut le Jourdain 25 CABALE, COLOMB ET BIMINI 35

Qui a donné leur nom aux Bahamas?.... 35 Sur la carte de Colomb 37 D'étranges coïncidences 42

QUAND L'AVION VOLE A TRAVERS LES EAUX 45

La véritable exploration commence 46 Découvertes aux Bahamas 50 Harrisson s'en va-t-en guerre. 55

LA DEMEURE ENVAHIE PAR LES EAUX. 61 ... Portés par le Gulf Stream et le courant des

Caraïbes 63 L'homme fossile de Floride . . . . . . . . . 64

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LE MYTHE D'OSIRIS ET LE « LIVRE DES MORTS » 73

Un mythe qui traverse les âges 73 Le paradis du « Livre des Morts » 75 Le voyage des maîtres divins 84 Chronologie et Shemsou-Hor 92

PLATON A L'HEURE DE LA VÉRITÉ . . 95 Relire Platon 95 Repenser la catastrophe 99

LES CROISÉS DES FICHES DE PIERRE.. 103 Sur la carte des mégalithes 103 Les hommes du poulpe 113 A la recherche du temps perdu 129 Le cercle du mont Crow 138 Mégalithes et Eldorado 142

L'ESCALIER DU PARADIS 151 Ce Marcahuassi qui nous gêne 152 Quand et comment? 156 Qui et pourquoi? 157

UNE CERTAINE ÉCRITURE 161 Les « clics » des premiers astronomes . . . . 165 La preuve par les Balkans 168 Signes anciens au Nouveau Monde 170 Justice est faite 185

LA VAGUE EN RETOUR 189 UN PEUPLE FABRIQUÉ DE TOUTES PIÈCES : LES PÉLASGES 191

Gargantua le Pélasge 191 De la Carie aux Antilles . . . . . . . . . . 195

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LES PHÉNICIENS EN QUÊTE DU PARA- DIS 203

Sur les traces d'Hercule 203 Les Canaanéens se mettent à l'œuvre.... 207

LE VÉRITABLE SECRET DU ROI SALO- MON 223

Bible + imagination = Amérique 223 Typologie et Histoire 229

SUR LES TRACES DU RELAIS SANS FIN 235 Les Carthaginois débarquent en Amérique.. 235 Mystères étrusques révélés 240 Le secret de la flotte perdue 242 Les Celtes au pays du grand rêve 247 De Rome au Mexique 253

BRENDAN, LE SAINT DES HORIZONS PERDUS 261

La fuite de l'Éden 262 L'Évangile des brises marines 265 Moines, mitaines et icebergs 268 La Floride avant la Floride 270 Un Ulysse irlandais 273

RELAIS ANCIENS, NOUVELLE SÉRIE . . 277 Les drakkars traversent la brume 277 Le raid de la Grinçante 282 Madoc à la recherche de la paix 287 Des amiraux à louer 290 A la poursuite du hareng 293 L'expédition mixte 297 L'homme qui s'enfuit du paradis . . . . . . 302

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LES NOIRS DU NOUVEAU MONDE . . . 307 Sur les traces des migrations 307 Musa cherche le Gulf Stream 311

LA PREUVE A REBOURS 315 Les naufragés de Cornelius Nepos 319 Hurons d'occasion et Incas volontaires . . . 324

LA RÉALITÉ SORT DU RÊVE 335 COLOMB, 23e GRAND PROPHÈTE D'ISRAËL 337

La carte d'identité d'un inconnu 337 Les Voyages 348 « Porteur du Christ » entre Jakin et Boaz . . 352 Shadaï, Shadaï, Adonoï 354 Le Temple et le Paradis . . . . . . . . . 356

CONCLUSION 365 ÉPILOGUE . . . . . . . . . . . . . . . . . 369

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PROLOGUE

L'esprit rêve spontanément d'unité. Il rêve d'être lui-même l'ar- tisan triomphant de cette unité par- tout où il rencontre les variétés de l'existence, les apparentes discor- dances des choses et, pour finir, toute la gamme des conflits humains. La science est née de l'ardeur intellec- tuelle de ce rêve.

R. P. Dominique DUBARLE, Science et synthèse.

Ce livre repose sur une hypothèse qui nous a été suggérée par la découverte de structures englouties à caractère vraisemblablement artificiel, près de l'île de Bimini, aux Bahamas. A partir de là, il propose une explication. Pour y parvenir, il met en jeu des coïncidences, établit des liaisons entre des faits apparemment indépendants les uns des autres et se nourrit de toutes les interpré- tations et de toutes les hypothèses qui peuvent ren- forcer la sienne. Il doit néanmoins être bien entendu que nous ne prétendons parvenir qu'à une vérité partielle, relative, comme il en va le plus souvent de toute vérité historique. Ce livre, au bout du compte, ne se propose rien d'autre que d'être un moment de l'interrogation

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sur les premiers mouvements de l'humanité. Nous aurions largement atteint notre but s'il pouvait, à son tour, être l'objet d'analyses sérieuses et inciter à pour- suivre la recherche dans le sens qui est le sien.

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LA FIN D'UN MYTHE

« Dans ce miroir qu'est l'histoire, nous voyons par-delà l'étroit présent et discernons la mesure des choses. Sans elle, nous perdons le souffle de notre esprit. Si nous nous voilons notre histoire, elle vient nous sur- prendre à notre insu... »

Karl JASPERS Initiation

à la méthode philosophique.

Depuis toujours, l'homme s'est penché sur son propre passé avec autant de ferveur que la voyante qui cherche à lire l'avenir dans sa boule de cristal. Avant d'être une science, l'histoire fut longtemps tradition et, aujour- d'hui encore, les neuf dixièmes de cette histoire restent intégralement du domaine du mythe, ce qui explique que la science ne se soit intéressée qu'à la période pour laquelle nous possédons des & documents valables ». C'est ainsi que nous ne connaissons vraiment que 100 000 ans d'histoire des techniques, 50 000 ans d'his- toire de l'art et 6 000 ans à peine d'histoire politique. En outre, chaque discipline est le territoire de quelques spécialistes, qui n'ont ni le temps ni véritablement le souci de s'intéresser aux domaines voisins de la connais- sance.

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Avant de devenir une science susceptible de synthèse, l'histoire fut d'abord marquée du sceau du rationalisme le plus restrictif, sur l'autel duquel furent sacrifiés la mythologie et tout l'ensemble des traditions et des légendes. Dans ce mouvement, toute source qui n'était pas immédiatement authentifiable était aussitôt écartée. Dans le même temps, un certain nombre d'apriorismes, ou tout au moins de conclusions hâtives, étaient élevés au rang de dogmes. L'un des plus durables et des plus pernicieux de ces dogmes est évidemment celui qui se résume dans la célèbre formule Ex Oriente Lux, et se concrétise dans l'affirmation selon laquelle l'histoire commencerait à Sumer, ce qui revient à dire que toute la civilisation est le produit du seul Moyen-Orient. Autres perles de la même eau, les excès de la théorie du Croissant fertile, au nom de laquelle on a frappé d'interdit tout ce qui pouvait s'inscrire en faux contre ces constructions théoriques.

Les faits, pourtant, s'accumulent et parlent. Et il a bien fallu enregistrer la découverte d'écritures pré- sumériennes, comme celles de Tartaria en Roumanie, de Karanovo en Bulgarie, ou la « civilisation urbaine » de Lepenski-vir en Yougoslavie, vieille de plus de 7 000 ans. Au nombre de ces découvertes, s'inscrit aujourd'hui celle du site de Bimini, qui n'est pas la moins bouleversante comme en témoignent suffisamment les controverses qu'elle provoque.

Après avoir, pour notre part, étudié pendant de nombreuses années le problème des contacts entre l'Ancien et le Nouveau Monde avant Colomb, publié le résultat de nos travaux dans un livre paru à Bucarest en 1966 1 et procédé à des échanges d'idées avec de nombreux spécialistes, nous en sommes arrivés à formu- ler une hypothèse. Selon nous, la découverte du site

1. Spre America inainte de Columb (Vers l'Amérique avant Colomb), Éditions Scientifiques, Bucarest, 1966.

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de Bimini, s'il s'avère que c'est bien là une construction artificielle, est de nature à battre en brèche une fois pour toutes ce que nous appellerons, pour aller vite, le « mythe de Sumer ». L'histoire, nous le savons aujour- d'hui, ne commence pas à Sumer. A-t-elle vu le jour à Bimini? C'est la question que nous posons.

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L'HISTOIRE COMMENCE-T-ELLE A BIMINI ?

... Nassau (Bahamas). — U.P. Des structures archéologiques étranges ont été récemment identifiées à proximité de l'île de Bimini. Selon les premières informations reçues, il s'agirait d'une gigantesque muraille engloutie, dont les spécialistes consul- tés ne peuvent encore indiquer ni les constructeurs ni l'âge. Les investiga- tions sous-marines continuent.

Les journaux, printemps 1970.

De nombreux vieillards de race indienne parlaient de la très puissante île de Bimini, habitée par divers peuples, et des grandes vertus de sa fontaine dont l'eau avait le pouvoir de changer les vieillards en adoles- cents...

Juan de CASTELLANOS, Elegia de varones illustres de India.

AU COMMENCEMENT ÉTAIT LA FONTAINE DE JOUVENCE...

Bimini est une petite île de l'archipel des Bahamas située à quelque cent cinquante kilomètres au large de la Floride. Détail d'importance, elle est l'île de cet archipel la plus proche du continent américain.

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Découverte en 1512 par Ponce de Léon, lieutenant présumé de Colomb, au cours de l'un des voyages de ce dernier, elle lui valut le titre d' « administrateur colonial de Bimini et de la Floride ». L'importance du titre, l'ordre dans lequel sont énumérés les deux terri- toires ainsi que le qualificatif prepotente — très puis- sante — décerné à l'île par son premier poète, Castel- lanos, permettent de mesurer la renommée qui fut la sienne dès sa première heure d'existence officielle.

Des auteurs réputés comme les Anglais E. Wash- burn-Hopkins, E. B. Taylor, Gould ou le Français Eugène Beauvois ont entrepris des études approfondies sur la légende de la fontaine rapportée par Castellanos. L'inté- rêt qu'elle suscita est dû, avant tout, au fait qu'elle plaçait en Amérique, ou à proximité immédiate de ses côtes, l'un des principaux hauts lieux du mythe antique et moyenâgeux.

La tradition de la Fontaine de Jouvence, sous sa forme la plus pure de « fontaine de vie », était en effet connue de toute l'Europe du Moyen Age. Les spécialistes se sont depuis longtemps accordés pour souligner son ori- gine sémitique. Il devait s'agir d'une eau d'immortalité, laquelle ne pouvait jaillir que d'une source située au paradis ou qui devait être puisée dans une rivière le traversant.

Fontaine de Jouvence (Fontane des Jovants), Jung- brunnen chez les Germains, eau éternelle revivifiant les héros des anciens contes slaves orientaux, aqua vitae classique des Latins 1, apa vie (eau vivante et vivi- fiante) des contes et légendes roumains... cette eau trouve sa véritable source dans les traditions des peuples sémites de la haute Antiquité.

La tradition s'en est ensuite répandue vers l'est, en

1. Dans le langage courant, le terme eau-de-vie désigne aujour- d'hui une boisson alcoolisée, habituellement forte, qui reste pour certains une liqueur... paradisiaque.

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direction de l'Iran et de l'Inde, à travers la Mésopo- tamie, ainsi que vers les terres peuplées par les ancêtres des futures tribus de l'Arabie Pétrée qui l'ont léguée à l'Islam. Plus tard, dans le Ier millénaire du chris- tianisme, les nestoriens l'ont introduite en Chine, d'où elle a gagné l'Indochine, l'Indonésie et la Malaisie.

De même, les invasions et migrations des anciens peuples du bassin oriental de la Méditerranée en direc- tion de l'ouest l'ont fait passer en Italie, dans l'Atlas maghrébin, sur les côtes ibériques et, franchissant les colonnes d'Hercule, jusqu'aux îles britanniques, en Irlande et en Scandinavie.

Soulignons enfin que le mythe indien se conjugue avec le symbolisme égéen des premiers âges pour faire jaillir une ou plusieurs fontaines miraculeuses dans le paradis terrestre de l'âge d'or tel que le décrit Hésiode1, époque à laquelle l'homme, immortel, n'était pas encore sujet à l'infirmité et à la douleur.

La présence en Orient et l'origine apparemment asia- tique de ce mythe de la Fontaine de Jouvence sont si aisément démontrables que l'on ne peut que s'étonner de voir les Espagnols débarquer à Bimini, sous le pavil- lon de Juan Ponce de Léon, pour y découvrir une fontaine dont la tradition locale existait déjà. On s'est longuement efforcé, depuis lors, de chercher la clef de ce double mystère.

Examinons d'abord ce qui concerne l'expédition espa- gnole. Juan Ponce de Léon, futur explorateur de la mer des Caraïbes et du littoral nord-américain, passe avec le royaume d'Espagne deux contrats de découverte. Un premier traité fut signé à Burgos le 23 février 1512, le second à Valladolid le 26 septembre de la même année. Et si, dans aucun des deux textes, il n'est fait allusion à une quelconque Fontaine de Jouvence, les

1. Hésiode : Les Œuvres et les Jours, 113.

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historiens sont aujourd'hui persuadés que Bimini était bien l'un des buts secrets de l'opération.

L'historien de l'époque, Hernando d'Escalante Fon- taneda, qui, à la suite d'un naufrage, resta dix-sept ans prisonnier des indigènes de Floride (1551-1568), relate une chose à première vue fort étonnante. Il écrit, en 1574, que « Juan Ponce de Léon, se fiant aux récits des Indiens de Cuba ou à d'autres de Saint-Domingue, alla chercher la rivière Jourdain dans la Floride, soit pour en rendre compte, se faire valoir ou y perdre la vie, ce qui arriva en effet, soit pour se rajeunir en se baignant dans ses eaux, ce qui est conforme aux pratiques pieuses des Indiens de Cuba et de tous ces parages, lesquels rem- plissaient un devoir religieux en se rendant en Floride'... »

Il faut d'ailleurs ajouter que Ponce de Léon atteignit la terre ferme déçu, déjà, par les mois de navigation infructueuse, en quête non de la rivière, qui fait presque figure de succédané, mais véritablement de la fontaine, ainsi que le conte avec un grand luxe de détails un autre chroniqueur de la conquête, Francesco Lopez de Gomara. Selon ce dernier, Ponce « arma deux cara- velles et il s'en fut à la recherche de l'île de Boyuca, où les Indiens plaçaient la fontaine qui transformait les vieillards en adolescents; il erra six mois, égaré et affamé à travers une foule d'îles, sans trouver trace d'une telle fontaine. Il entra à Bimini et découvrit la Floride, en 1512, le jour des Pâques Fleuries. C'est pourquoi il la nomma ainsi 2 ».

Ainsi les choses seraient simples : les Espagnols cher- chaient l'emplacement de la fontaine fabuleuse en se rapportant aux dires des indigènes, qui l'avaient cher- ché eux aussi... avec les mêmes résultats. Ces « résultats », les Français, cartésiens avant la lettre, les ont raillés,

1. Memoria, in Collecion de documentos ineditos del archivo de Indias, Madrid, 1866, t. V, pp. 532 sq. 2. F. Lopez de Gomara : Historia de las Indias, p. 181.

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dès le siècle de la conquête espagnole, en un quatrain devenu célèbre :

Grand dommage est que ceci soit sornettes, Filles connais qui ne sont plus jeunettes A qui cette eau de jouvence viendrait en tout repos

Bien à propos 11

Une analyse sérieuse permet d'affirmer sans risque d'erreur que Ponce de Léon obéissait, en cherchant ces îles, à une inspiration européenne et, d'autre part, que l' « information » des indigènes de Cuba, des Antilles ou de la côte du Honduras sur la fontaine et la rivière était, elle aussi, d'origine précolombienne et non amé- ricaine.

L'inspiration européenne, le navigateur la tenait indu- bitablement de Colomb ou à travers Colomb. Elle ras- semblait un ensemble de traditions et de données his- toriques, mais aussi certains détails géographiques précis parmi lesquels le fait qu'il s'agissait d'eaux peu profondes très claires et de terres plus ou moins immergées. En témoigne la relation que fait Antonio Herrera de la navigation de Ponce : Le premier nom qu'eut la pointe de la Floride.

L'on ne put pas fçauoir au commencement le nom de la Floride felon le fentiment de ceux qui faifoientles defcouuertes ; parce que voyant que cette pointe de terre fortoit fi auant en mer ils la tenoient pour Ifle, & les Indiens pour terre ferme, & difoient les noms de chaque prouince. Mais les Caftillans s'imagi- noient qu'ils les trompoient. Enfin après beau- coup de conteftations fur ce fuiet, les Indiens dirent qu'elle s'appelloit Cantio, qui eft vn nom que les Indiens Lucayos donnerent à cette terre,

1. Cité par La Bruyère : Les Caractères, XIV.

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parce que les peuples qui l'habitoient couu- roient leurs parties honteufes auec des feüilles de palmier tiffuës comme de la natte de joncs. Ils fortirent le 25. de Iuillet de ces Ijlettes POUR ALLER A BIMINI, nauigeant entre deux Ifles qui fembloient eftre fubmergées, & eftant comme embour- bez ils ne fçauoient plus par où paffer auec les vaif- feaux. IEAN PONCE ENUOYA LA BARQUE POUR RECONNOIFTRE VNE IFLE QU'IL CROYOIT EFTRE FUBMERGÉE, & il fe trouua que c'eftoit c'elle de Bahàma 1.

Quant à la tradition locale, elle est triple. En premier lieu, une légende répandue parmi les indigènes de Haïti et de Cuba fait état d'une fontaine miraculeuse située dans l'île de Bimini. Une autre tradition affirme l'existence, sur la terre ferme — donc en Floride — d'une rivière aux eaux rajeunissantes, le... Jourdain, désigné sous ce nom avant l'arrivée des Espagnols. Ce sont, enfin, plusieurs légendes obscures affirmant toutes la présence, dans une île, d'un site miraculeux plein d'oiseaux merveilleux et de sources magiques, un authentique paradis terrestre.

Avant de nous interroger davantage sur l'origine de ces trois aspects de la tradition, il faut mentionner que leur cause première est incontestablement l'exis- tence, sur place, des eaux thermales de Warm Mineral Springs, en Floride 2, et celle de fontaines d'eau douce sortant de l'ordinaire à Bimini même 3. Ceci pourrait,

1. Antonio Herrera : Histoire Générale des Voyages et Conquestes des Castillans dans les Isles et Terres Fermes des Indes Occidentales, traduction française de 1659 par N. de La Coste. Voir aussi au siècle suivant, l'Histoire de Saint-Domingue de l'abbé de Charlevoix. 2. Dans le Sarasota County. 3. En raison de la proximité de la mer, le niveau de l'eau douce

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en apparence, suffire à réduire le merveilleux au naturel, mais examinons les aspects particuliers de ces traditions.

On l'a vu, Ponce de Léon s'efforce d'atteindre Bimini et son Jourdain avant qu'ils soient découverts par quel- qu'un d'autre. Fontaneda, Gomara et les autres chro- niqueurs sont formels sur ce point. Mais Fontaine de Jouvence, rivière aux eaux rajeunissantes et paradis terrestre, qui se confondent ici, constituent en réalité des étapes distinctes dans un ensemble de traditions forgées à des époques différentes, à la suite de relations géo-historiques directes entre l'Ancien et le Nouveau Monde. La première de ces traditions à s'épanouir fut, à n'en pas douter, celle du paradis terrestre.

... PUIS IL Y EUT LE JOURDAIN

Les Irlandais, qui avaient abordé le continent nord- américain longtemps avant les Vikings et y avaient fondé leur Ireland il Mikla — la Grande Irlande au- delà de l'Océan — furent les premiers à y répandre le christianisme. Baptisant les indigènes dans les rivières, ils donnèrent à celles-ci le nom de Jourdain, destiné à commémorer la tradition biblique.

D'ailleurs, au tout commencement, fuyant les Vikings et toujours harcelés par eux, les Irlandais se dirigèrent vers le nord-ouest. Ils arrivèrent ainsi aux îles Orkney. Les Vikings les poursuivirent et ils durent passer aux îles Shetland qu'il leur fallut quitter également pour se réfugier dans l'île d'Où, sur laquelle leur présence est décelable avec certitude vers 725. En 795, ils débarquent en Islande 1.

Ces Irlandais étaient des moines appartenant à la de ces fontaines suivait celui des marées. Le phénomène était insolite. 1. Orjan Olsen : La conquête de la terre, Paris, Payot, 1933, pp. 244-245.

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secte chrétienne des Ceilé Dé qui avait exercé une grande influence en Irlande bien avant l'évangélisation officielle du pays par saint Patrick. Prêtres séculiers vivant en communautés, les Ceilé Dé, célibataires et pratiquant la pénitence, avaient, sur la vertu et la morale, des idées qui se retrouvent étrangement dans la philosophie morale inculquée aux Toltèques de Tollan (Mexique) par leur célèbre roi-prêtre, le dieu Quetzalcoatl. Certains spé- cialistes voient même dans la personne historique de celui-ci un ancien moine irlandais arrivé jusque-là.

La doctrine des Ceilé Dé contenait de nombreux éléments païens de souche celtique qui entraînèrent leur condamnation par la papauté. Les missionnaires catho- liques prêchèrent leur anéantissement par toute l'Ir- lande, et c'est pour échapper aux persécutions que les moines s'embarquèrent pour des horizons qu'ils espé- raient accueillants — les terres insulaires du Nord et du Nord-Ouest.

Or, l'abbé Adamnan, supérieur du monastère irlan- dais de Saint-Jonas de 679 à 704, relate qu'un certain Cormac (521-597) avait déjà fait le voyage entre l'Ir- lande et l'Islande plus de trois fois. Dans ses descriptions de la mer du Nord, le moine irlandais Dicuil raconte que des religieux irlandais avaient séjourné plus de six mois dans la « grande terre de Thulé », dans le lointain Nord. Les Vikings y arrivèrent en 874. Après une vaine tenta- tive de résistance, les moines s'enfuirent vers l'ouest et abordèrent le Groenland. Les drakkars norvégiens devaient les y rejoindre cent huit ans plus tard.

De nouveau mis en fuite par les Vikings, les Irlan- dais longent la côte voisine du continent américain en direction du sud, avant de se diriger vers le sud-ouest en se laissant porter par les courants côtiers. Le Libel- lus Islandorum, rédigé par Ari le Sage (1067-1148), rapporte : « Les fondateurs des établissements norrois au Groenland (i.d. : Erik le Rouge et les siens) ont trouvé des habitations humaines dans le pays, tant vers

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l'est que vers l'ouest, des outils de pierre cassés, des restes d'embarcations, ce qui démontre qu'un peuple quelconque avait vécu là-bas... » Comme les Esquimaux n'étaient pas encore arrivés au sud du Groenland à cette époque et que la présence d'outils et de maisons en ruine ne concorde ni avec les coutumes ni avec le niveau de vie esquimaux, c'est bien des Irlandais qu'il s'agit.

Après avoir suivi les côtes de Terre-Neuve, les Irlan- dais se fixèrent dans ce qui est, de nos jours, la Nouvelle- Angleterre où ils fondèrent leur colonie de la Grande Irlande, dont les historiens et les géographes n'ont pas encore réussi à trouver l'emplacement exact. Ils ont, par la suite, pénétré beaucoup plus avant vers le sud.

Parmi les traces certaines de leur passage, figurent notamment les grottes de North Salem (New Hamp- shire) dont les souterrains ont un plan analogue à celui des premiers aménagements religieux irlandais du Moyen Age 1. On a également relevé des traces de sites irlan- dais à proximité des localités de Kingston et Raymond, dans le New Hampshire, près du fleuve Thames, ainsi qu'à Lowell, Watterford, Leominster, Harward, North Andover, Worcester, Hopkinton, Upton, Millis, Medway, Mendon, Hopedale, Webster, Martha's Wineyard, etc. Près du South Windham (Maine), on a découvert des escaliers sans commencement ni fin, taillés dans les rochers. Ces vestiges ont été attribués aux Irlandais par la plupart des spécialistes, de même que ceux de South Berwick (Maine), West Shawsheen (Massachu- setts) et Woodstock (Connecticut). On a même retrouvé, à Upton, une construction typique, en roche d'abeilles avec parvis de dalles à l'entrée, qui rappelle l'Irlande.

En 1960, les eaux de l'océan, soulevées par l'ouragan

1. Voir William D. Goodwin : The Ruins of Great Ireland in New England, Meador, Boston, 1940, et Hugh Hencken : « The Irish Monastery at North Salem, New Hampshire, New England fJ, in Quaterly, t. XII, no 3, septembre 1939.

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Donna, rejetèrent sur une place du New Jersey les restes d'une très ancienne embarcation de bois. Les méthodes radio-actives de datation ont évalué l'âge de ce bateau, de type irlandais archaïque, à un millier d'années. Peut- être avait-il appartenu aux moines irlandais de la région de North Salem. Lorsque après l'ouragan, Albert et Sal- vatore Marasinti, de Marascuan (New Jersey), ont hissé le bateau sur la falaise, les spécialistes accourus ont constaté qu'il présentait des traces de cuivre dans le bordage épais de vingt centimètres. La doublure de cuivre, constituée de feuilles minces appliquées au moyen de clous, servait de protection contre les parasites marins. L'embarcation, en théorie du moins, pouvait parfaite- ment tenir la mer.

Toutefois, lorsqu'il s'agit de déterminer la place de la Grande Irlande sur la carte de l'Amérique en confron- tant les vestiges aux données des traditions irlandaises et américaines précolombiennes, les spécialistes hésitent encore entre les territoires des Carolines et de la Georgie et celui de la Floride actuelle. Le géographe américain J. Johnston rapportait, en 1819, une légende qu'il avait recueillie chez les indigènes de Floride et de Caroline du Sud. Ceux-ci affirmaient — vers la moitié du XVIIIe siècle — que, des siècles plus tôt, leurs contrées étaient habi- tées par des Blancs qui se servaient d'armes et d'outils en fer.

Quoi qu'il en soit, l'explication irlandaise du person- nage historique se trouvant à l'origine de la légende de Quetzalcoatl semble se vérifier dans les faits. La tradi- tion et les sources authentifiées de l'histoire des Tol- tèques affirment que l' « Étoile du Matin », dit aussi le « Serpent à plumes », fut bel et bien leur chef au xe siècle. C'était un homme à la peau claire, formellement décrit comme blanc et barbu. Il régna à Tula entre 967 et 987, mais on rencontre aussi les dates 997-999 et 1010.

Venu de l'est, le « dieu » avait débarqué en compagnie de ses nonoalcas — hommes « muets et sourds », car ils ne

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parlaient ni ne comprenaient la langue des indigènes 1. Il « organisa » les Toltèques et leur imposa ses propres idées religieuses, lesquelles comportent de nombreuses traditions à coloration nettement chrétienne qui sont passées depuis lors dans les traditions amérindiennes. Quittant Tula, le dieu incarné entreprend la conquête de l'empire Maya et se fixe à Chichen-Itza, qui reçoit ainsi une forte empreinte toltèque. Les Mayas le divi- nisent à leur tour sous le nom de Kukulkan 2. Après vingt ans d'un règne paisible, les hommes « blancs et barbus » de Chichen-Itza repartent. Les traditions amé- rindiennes les font alors voyager, à travers l'isthme de Darien-Panama, jusque sur les côtes du Pérou...

La majorité des sources indique que le « chef-dieu » avait prêché l'existence d'un dieu unique et universel, constitué en fait d'une trinité. Quetzalcoatl parlait aussi d'un lieu de loisirs où les justes sont récompensés après leur mort — un paradis céleste — et d'un endroit d'ex- piation transitoire — un purgatoire présenté à la manière catholique qui, sur ce point, ne différait pas de celle des Ceilé Dé.

Les prêtres de Quetzalcoatl enseignaient en outre que l'homme était déchu à la suite du péché d'une femme- serpent. Quetzalcoatl recommandait la piété et les

1. R. H. Barlow : « The extent of the Empire of Culhua Mexico », in Ibero American Series, n° 28, Berkeley, University of California Press, 1949. 2. On a soutenu que Kukulkan signifiait chez les Mayas le serpent qui nage, variante du nom classique de serpent du matin. Hans Leip (Le Roman du Gulf Stream, Paris, Plon, 1956) se demande toutefois si c'est l'expression « serpent qui nage » qui a fourni le nom du dieu ou s'il ne s'agit pas plutôt d'un mot étran- ger traduit de manière à l'adapter à son synonyme classique l' « Étoile du Matin ». Cela parce que Kukulus Kaned signifiait en irlandais « celui qui est rejeté des ordres » (lo kan : rejeter et kukulus : couvre-chef monacal). Or les Ceilé Dé étaient tous Kukulus Kaned ou, par abréviation kukulkaned. D'où : kukul- kan = ex-moine irlandais.

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offrandes gratuites. Il soutenait même, chose étrange pour un Toltèque, qu'on peut pécher par simple inten- tion. C'est ainsi que, pour l'homme-dieu de Tula, regar- der une femme avec insistance était déjà forniquer avec elle, ce qui est une idée typiquement catholique des vie à xie siècles.

La paix, l'amour du prochain faisaient également partie de l'enseignement de Kukulkan, qui prêchait aussi un mystère religieux assez proche de celui de l'Incarnation dans le Nouveau Testament et pratiquait la communion, destinée à raccommoder l'homme avec Dieu, à l'aide de morceaux de pain bénit. Parmi les autres traditions léguées par Quetzalcoatl, figure celle du déluge dans sa variante de type chrétien, mettant en scène un Noé local nommé Cox-Cox. Enfin, l'idée de la résurrection de l'être divin et la légende de la vierge-mère sont partout présentes.

Mais le plus significatif, en dehors même de l'utilisa- tion de la croix comme objet de culte — ici nommée « arbre de vie » et sur laquelle aurait péri un homme « plus adorable que le soleil » — reste le fait que Quetzal- coatl ait institué, à Tula d'abord puis à Chichen-Itza, la cérémonie du baptême. Celle-ci ressemble à s'y méprendre au baptême chrétien. L'officiant la termine sur ces mots : « Reçois cette eau bénite, car sur la terre que tu habi- teras, où tu naîtras et tu t'épanouiras, c'est elle qui offre les principes nécessaires à la vie. Reçois donc cette eau. » En les prononçant, le prêtre asperge la tête de l'enfant avec l'eau bénite. Il en allait de même lors des cérémonies collectives pour lesquelles les baptisés entraient dans un petit cours d'eau.

Dans ces circonstances, la croix de marbre couronnée de fleurs et vénérée par les indigènes de Vera Cruz, qui a fourni le nom de l'endroit lors de la conquête espagnole, ne doit pas nous étonner. Comme ne doit pas nous étonner non plus l'existence, sur la côte est de l'Amé- rique, d'un Jourdain précolombien effectivement désigné sous ce nom.

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Le célèbre historien allemand du monde précolombien, W. Krikeberg, écrit, dans une étude consacrée aux contes et légendes des Aztèques, Incas, Mayas et Muiskas : « Il arrive fréquemment que le zèle religieux ou de fausses interprétations prétendent découvrir des traces de la doctrine chrétienne dans l'histoire ancienne des Indiens et qu'on cherche à revêtir arbitrairement les traditions indiennes de significations chrétiennes. Mais il ne faut tout de même pas rejeter totalement cette idée en tenant pour des inventions espagnoles — parce qu'elles se présentent sous des atours chrétiens — des légendes qui associent les héros des vieilles civilisations indiennes, tels Quetzalcoatl, Bochica ou Viracocha, à certains aspects des apôtres chrétiens...

« Les parallélismes frappants existant entre les tradi- tions primitives américaines et l'ancien christianisme, correspondent dans une grande mesure aux coïnci- dences existant dans d'autres domaines entre les civili- sations de l'Ancien et du Nouveau Monde et que de futures recherches expliqueront peut-être un jour. »

Voici donc pour l'eau d'immortalité et la rivière sacrée connues des Indiens des îles et recherchées par eux sur le sol de la Floride. De la même manière, Ponce de Léon et les autres, déçus de n'avoir point trouvé de fontaine, ont continué à chercher le Jourdain... Toutefois, leur erreur s'explique si l'on songe que la source — ou fon- taine — se confondait avec la rivière. Et la confusion tient à ce que les deux légendes avaient un fond commun, l'une se rapportant à la régénération du corps (la source) l'autre à la régénération de l'âme (baptême dans la rivière).

Si le mythe de la rénovation corporelle était connu de la haute Antiquité babylonienne, égyptienne et grecque, la tradition chrétienne de l'eau qui purifie ne fut, elle, qu'un complément qui contribua à forger la tradition commune. Celle-ci s'apparente à la fois à la légende des fruits d'or et des platanes de Lethé qui se trouveraient

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dans la fabuleuse Méropide transatlantique des Phéni- ciens, et à celle de pommes du jardin des Hespérides, ainsi qu'aux légendes celto-irlandaises des plaines des délices, le Mag Mell des anciens Gaëls.

Les spécialistes de l'histoire précolombienne et de l'ethnographie moderne discutent encore des nombreuses traditions enchevêtrées dans les légendes indigènes qui situent toutes la source miraculeuse dans l'île de Bimini. Il n'en demeure pas moins que la Fontaine de Jouvence reste le point de départ d'une recherche qui a toutes chances de la placer un jour à l'origine de ce que l'on appelle habituellement l'histoire.

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L' histoire commence-t-elle à Bimini ?

OCÉAN ATLANTIQUE

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CABALE, COLOMB ET BIMINI

« Ces noms qui désignent lesdites îles et littoraux, Colombo les a donnés pour qu'ils soient connus sous ces noms... »

Piri-Reis Pacha, 1513.

QUI A DONNÉ LEUR NOM AUX BAHAMAS?

Au cours de ses quatre voyages, il arriva fréquemment à Colomb d'attribuer un nom aux lieux qu'il découvrait. C'est pourquoi de nombreux auteurs considèrent que ce fut lui qui donna le leur aux Bahamas, lesquelles s'ap- pelèrent d'abord Lucayes, d'après leur nom indigène. Cela est certainement vrai pour l'île de Guanahani, rebaptisée San Salvador, mais ne saurait être admis dans le cas de Bimini, que l'amiral n'a même pas approchée.

La première carte représentant les Bahamas, encore que de façon très vague, fut rédigée par Juan de la Cosa. Y figurent, au nord de Cuba et de Haïti, quelques terres portant les noms assignés par Colomb 1. Il s'agit des îles Habacoa (Abaco), Yumey (Exuma), Guanahani (San Salvador), Manana (Rum-kay), Samana (Long Island),

1. Ces noms étaient généralement d'inspiration biblique, sauf emploi d'appellations indigènes, adoptées ou même adaptées selon le caprice du découvreur.

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Someto (Crooked Island) et Yucayo (Caicos). Nulle trace de Bimini. En revanche, on y trouve des îles « bapti- sées » par Colomb et qu'il n'a jamais abordées. La carte ajoutée en 1511 (donc avant la découverte de Bimini par Ponce de Léon) à l'ouvrage de Pierre Martyr, De Orbe Novo, ne donne plus de noms particuliers à ces îles. Par contre, une île aussi large que Cuba et désignée sous le nom de Isla de Buemeini y remplace l'actuelle Floride1.

Comme pour le « Jourdain » préhispanique, nous voici donc en présence de l'existence du nom Bimini avant la découverte proprement dite de l'île. Si l'on tient compte du fait que Ponce — qui se réclamait de l'amitié de Colomb — avait accompagné l'amiral lors du second voyage et débarqué à Haïti, on peut considérer qu'il avait déjà entendu prononcer le nom de l'île, à la Fon- taine de Jouvence dans ses conversations avec Colomb ou avec son entourage. Ce qui tendrait indirectement à prouver que ce fut tout de même Colomb qui donna à cette île le nom qui devait connaître une si prodigieuse carrière.

En outre, l'existence des Antilles était déjà tenue pour probable au Moyen Age. Encore que mal situées géogra- phiquement, elles figurent en effet sur de nombreux portulans dès le XIIIe siècle, désignées indifféremment sous les noms d'Antilha, Antilla, Antillas ou Anticha. On leur donnait aussi celui d'Isla de Siete Ciudades — île des Sept Cités — sur laquelle sept évêques portugais étaient censés s'être réfugiés en 711 pour fuir l'invasion arabe conduite par Taril el Mocsa.

A supposer même que ce dernier épisode soit pure légende, et qu'Antilla provienne d'Anti-Ile, donc du besoin logique d'opposer à celles de l'est de l'océan une terre située à l'ouest, le pressentiment de l'existence de ces îles n'en demeure pas moins.

1. Michael Craton : A History of the Bahamas, Londres, 1958, p. 45.

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SUR LA CARTE DE COLOMB

Le savant russe D. Tzukernik a récemment démontré l'existence d'une carte rédigée avant 1492 et qui avait permis à Colomb de contrôler son itinéraire1. On sait qu'immédiatement après son départ des Canaries, Colomb avait ordonné aux frères Pinson, ses subordon- nés directs, de naviguer de jour et de nuit 700 lieues vers l'ouest. Ce qui signifie que la navigation de nuit devait être abandonnée une fois ces 700 lieues parcourues. Pour prévoir ainsi la présence d'une terre à cette distance, l'amiral devait disposer d'une carte.

Lorsque, les 23 et 24 septembre 1492, les équipages, terrorisés par l'immensité de l'océan, en arrivèrent presque à se mutiner, l'amiral apaisa les esprits en mon- trant aux commandants des deux autres bateaux non seulement ses propres notes et calculs, mais aussi une carte. Le fait est relaté par Don Ferdinand Colomb, fils et biographe de l'amiral, et confirmé par l'historien Bar- tholomé de Las Casas, qui ajoute même qu'à cette occa- sion l'amiral aurait donné à Pinson une carte sur laquelle figuraient des îles.

Une discussion oppose à ce moment-là Martin Alonzo Pinson à Colomb. En se réconciliant, les deux hommes s'entendent pour calculer et déterminer en commun la position réelle des vaisseaux. Ils constatent alors qu'ils se sont écartés de la route des îles représentées sur la carte 2. A la fin septembre, Colomb donne l'ordre aux caravelles d'obliquer vers le sud-ouest, c'est-à-dire dans

1. D. Tzukernik : « Kakbyla Otkryla Amerika », in Novyi Mir no 12, Moscou, 1962, pp. 217-241. 2. S'agirait-il des îles dont parle l'Hexameron de Jacques le Syrien, évêque d'Ëdesse (633-708)? Se rapportant aux dimen- sions de la terre, cet auteur écrit en effet : « En face de l'Espagne et des colonnes d'Hercule jusqu'au pays des Chinois lequel est à l'Orient de l'Inde, il y a une terre inconnue et inhabitée. »

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les énigmes de l'univers � "L'histoire commence à Sumer..." On l'a dit et répété ; l'affirmation a pris valeur de dogme. Heureusement, il arrive que les dogmes soient battus en brèche par des chercheurs qui s'obstinent à aller toujours plus loin, à remettre en question les constructions universitaires, à poser des questions. Pierre Çarnac est de ceux-là. Pendant de nombreuses années, il a étudié le problème des contacts entre l'Ancien et le Nouveau Monde avant Colomb ; lorsque fut découvert et exploré, de 1968 à 1971, le site de Bimini - petite île des Bahamas au large de la Floride - avec ses étonnantes structures submergées, il entreprit de partir à la recherche des bâtisseurs. C'est cette aventure dans le temps et l'espace - on voit resurgir ici les mythes les plus anciens : le Paradis terrestre, la Fontaine de Jouvence - qu'il nous livre aujourd'hui dans un ouvrage d'une rare richesse... L'histoire a-t-elle commencé à Bimini ? C'est possible. Une chose, au moins, est certaine: elle n'a pas commencé à Sumer.

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