60
PASICRISIE BELGE RECUEIL GÉNÉRAL DE LA JURISPRUDENCE DES COURS ET TRIBUNAUX ANNEE 1945 W PARTIE. - ARRÊTS DES COURS D'APPEL ET JURISPRUDENCE ÉTRANGÈRE €OUR D'APPEL DE BRUXELLES 5 février 1945 OBLIGATIONS. - CRÉANCE. - PREU- VE. - BILLET OU PROMESSE. - POR- TANT LES MOTS ((BON POUR)), - Survis D'UNE SOMME INDIQUÉE EN TOUTES LETTRES ET DE .LA SIGNATURE DU SOUSCRIPTEUR. ·- . EXISTENCE D'UN LIEN DE DROIT. ---'ENTRE LE PORTEUR ET LE ·souSCRIPTEUR. - PAS ÉTABLIE « IPSO FACTO » - BILLET OU PROMESSE. - QUAND CONSTITUE UN TITRE AU PORTEUR. - TRANSMISSIBLE. - PAR SIMPLE TRADITION MANUELLE. - CoM- MENCBMENT DE 0 PREUVE PAR ÉCRIT. CONDITIONS REQUISES. - POUR QU'UN BILLET. - LIBELLÉ ET SIGNÉ COMME CI-DESSUS. - CONSTITUE UN COMl\OEN- CEMENT DE PREUVE PAR ÉCRIT. - REN- DANT ADMISSIBLE LA PREUVE PAR TÉ- l\IOINS OU PAR PRÉSOMP'fIONS. - VRAI- SEMBLANCE. - CONFÉRÉKPA,R L'ÉCRIT. - Au FAIT ALLÉGUÉ. - ELÉMENTS D'APPRÉCIAT,ION. Le billet portant les 11wts (( Bon po1ir )) suiv·is d'une somnie indiq·uée en toutes lettres, ainsi que de la si gn atitre du so·uscripteitr, n'établit pas par lui-niême l'(}.xistence d'un lien de dr'o'Ît entre le pôrteiw clii billet et le souscriptewr. Il ne constùu,erait mi titre au. porteitr, transmissible par simple traditfon rna- niwlle, que s'il contenait, de façon non éqitivoqioe, l' engagernent· du souscripteitr de payer la somme y énoncée à toiite personne qioelle qu'elle soit qui en sera détentrice ait mmnent de l'échéance. Bien disposition n'exige qite pm·eil engagement soit f ornwlé en tennes sacr.amentels, encore ne suffit-il pas, pour établir son existence, qiie le bûlet ne contienne ni le nom du .béné- ficiai-te ni la clanse à ordre .• PASIC., 1945. - 2e PARTIE. Quand nulle mention de l'acte ne 1·évèle la volonté dit. souscr-ipteiw de payer la somme y énoncée à quiconque aura la possession d1J: billet au moment de l'échéance et qi1,e certaines particularités démontrent que telle n'a pas été la volonté dit soi1,scripteitr, la simple pos- session d·u billet ne suffit pas pom· éta- blir l'existence de la créance au cas où, celle-ci est contestée. Un tel bùtet ne constitite un commencement de p1'eirne par écrit, rendant admissible la preuve par téJno·ins oit par présonip- tions, qite s'il rend vraisemblable l'e:ris- tence de c1·éance dont le payement est réclamé en justice. Dans l'appréciation de la vraisemblance conférée par l'écrit ait fait allégué, il y a lieit de tenir compte non seulement du texte dit docunient produit, mais cmssi des circonstances de la caitse. . (ROETENS, C. HÉRITIERS DE BROUX.) ARRÊT. Attendu· que l'appel a été interjeté clans les forme et délai prescrits par la loi et que sa recevabilité n'est pas con- testée ; Attendu. que la 'demande tend au paye- ment d'une somme de 50.000 francs à concurrence de laquelle l'appelante, de- manderesse originaire, se prétend créan- cière de la succession d 'Auguste De Broux, auteur des intimés; En ce qui concerne la recevabilité de l'action : Attendu que devant le premier juge les intimés ont contesté la recevabilité de la demande formée contre eux sur ce que la demanderesse n'a pas· divisé son action ni indiqué la part de chacun d'eux dans la dette commune, alors qu'aux termes de l'article 870 du Code civil, les cohéritiers c.ontribuent entre eux au

PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

  • Upload
    others

  • View
    9

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

PASICRISIE BELGE

RECUEIL GÉNÉRAL DE LA JURISPRUDENCE

DES COURS ET TRIBUNAUX

--~<(j}---·

ANNEE 1945

W PARTIE. - ARRÊTS DES COURS D'APPEL ET JURISPRUDENCE ÉTRANGÈRE

€OUR D'APPEL DE BRUXELLES

5 février 1945

OBLIGATIONS. - CRÉANCE. - PREU­VE. - BILLET OU PROMESSE. - POR­TANT LES MOTS ((BON POUR)), - Survis D'UNE SOMME INDIQUÉE EN TOUTES LETTRES ET DE .LA SIGNATURE DU SOUSCRIPTEUR. ·- . EXISTENCE D'UN LIEN DE DROIT. ---'ENTRE LE PORTEUR ET LE ·souSCRIPTEUR. - PAS ÉTABLIE « IPSO FACTO » - BILLET OU PROMESSE. - QUAND CONSTITUE UN TITRE AU PORTEUR. - TRANSMISSIBLE. - PAR SIMPLE TRADITION MANUELLE. - CoM­MENCBMENT DE

0

PREUVE PAR ÉCRIT. CONDITIONS REQUISES. - POUR QU'UN BILLET. - LIBELLÉ ET SIGNÉ COMME CI-DESSUS. - CONSTITUE UN COMl\ŒN­CEMENT DE PREUVE PAR ÉCRIT. - REN­DANT ADMISSIBLE LA PREUVE PAR TÉ­l\IOINS OU PAR PRÉSOMP'fIONS. - VRAI­SEMBLANCE. - CONFÉRÉKPA,R L'ÉCRIT. - Au FAIT ALLÉGUÉ. - ELÉMENTS D'APPRÉCIAT,ION.

Le billet portant les 11wts (( Bon po1ir )) suiv·is d'une somnie indiq·uée en toutes lettres, ainsi que de la si gn atitre du so·uscripteitr, n'établit pas par lui-niême l'(}.xistence d'un lien de dr'o'Ît entre le pôrteiw clii billet et le souscriptewr.

Il ne constùu,erait mi titre au. porteitr, transmissible par simple traditfon rna­niwlle, que s'il contenait, de façon non éqitivoqiœ, l' engagernent· du souscripteitr de payer la somme y énoncée à toiite personne qiœlle qu'elle soit qui en sera détentrice ait mmnent de l'échéance.

Bien qu'âu~une disposition ~égale n'exige qite pm·eil engagement soit f ornwlé en tennes sacr.amentels, encore ne suffit-il pas, pour établir son existence, qiie le bûlet ne contienne ni le nom du .béné­ficiai-te ni la clanse à ordre .•

PASIC., 1945. - 2e PARTIE.

Quand nulle mention de l'acte ne 1·évèle la volonté dit. souscr-ipteiw de payer la somme y énoncée à quiconque aura la possession d1J: billet au moment de l'échéance et qi1,e certaines particularités démontrent que telle n'a pas été la volonté dit soi1,scripteitr, la simple pos­session d·u billet ne suffit pas pom· éta­blir l'existence de la créance au cas où, celle-ci est contestée.

Un tel bùtet ne constitite un commencement de p1'eirne par écrit, rendant admissible la preuve par téJno·ins oit par présonip­tions, qite s'il rend vraisemblable l'e:ris­tence de là c1·éance dont le payement est réclamé en justice.

Dans l'appréciation de la vraisemblance conférée par l'écrit ait fait allégué, il y a lieit de tenir compte non seulement du texte dit docunient produit, mais cmssi des circonstances de la caitse.

. (ROETENS, C. HÉRITIERS DE BROUX.)

ARRÊT.

Attendu· que l'appel a été interjeté clans les forme et délai prescrits par la loi et que sa recevabilité n'est pas con­testée ;

Attendu. que la 'demande tend au paye­ment d'une somme de 50.000 francs à concurrence de laquelle l'appelante, de­manderesse originaire, se prétend créan­cière de la succession d 'Auguste De Broux, auteur des intimés;

En ce qui concerne la recevabilité de l'action :

Attendu que devant le premier juge les intimés ont contesté la recevabilité de la demande formée contre eux sur ce que la demanderesse n'a pas· divisé son action ni indiqué la part de chacun d'eux dans la dette commune, alors qu'aux termes de l'article 870 du Code civil, les cohéritiers c.ontribuent entre eux au

Page 2: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

2 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

. payement des dettes et charges de la succession, chacun dans la proportion de ce qu'il y prend ;

Attendu qu'à bon droit et pour des motjfs que la cour adopte, le premier jug·e a rejeté comme non fondée. la fin de non-recevoir opposée par les intimés;

Au fond : Attendu que ]'existence de la créance

dont litig·e est contestée ; Atténdu que l'appelante produit à

l'ap1rni de sa de man de un écrit éonstitué pai' une formule. imprimée de lett:;e. de change portant, dans l'angle supeneur droit, la date du '1er avril '1935, clans la partie gauche, le mot «Accepté l>, ainsi que la signature cl' Auguste De Broùx, · dans la partie inférieure droite, les mots «Bon pour cinquante mille francs ))' écrits de la main d' Auguste De Broux et suivis de la signature de celui-ci ; _ Attendu que .ce billet n'établit pas par· lui-même l'existence d'un lien de droit entre le porteur et le souscripteur; qu'il ne constituerait un titre au porteur, transmissible par simple tradition ma­nuelle, que s'il contenait, de façon non équivoque, l'engag'ement du souscripteur de payer le montant de la somme y énoncée à, toute personne; quelle qu'elle soit, qui en sera détentrice au moment de l'échéance;

Attendu que, bien qu'aucune disposi­tion légale n'exige que pareil engagement soit formulé en termes sacramen te.ls, encore ne suffit-il pas pour établir son existence que le billet ne contienne ni lEl nom du bénéficiaire, ni la clause à ordre;

Qu'en l'espèce nulle mention de l'acte ne révèle la volonté du souscripteur de payer la somme de 50·.000 francs à celui, quel qu'il soit, qui aura la possession du billet au moment de l'échéance; que, bien au contraire, le fait que ce «Bon pour )) a été écrit au bas d'une formule imprimée de le.ttre de change démontre que feu Auguste De Broux a entendu s'engager au payement, non pas .envers quiconque présenterait l~ bill~t au pay~­ment, mais envers cel\n qm· en serait nommément désigné c<~ 1mme le bénéfi-ciaire·

Que' dès lors la simple possession du billet dont se préva1;:1" l'appelante ne suffit pas a établir l'existence du droit de créance dont litige ;

Attendu que· l'appelante soutient en­core que si l'écrit qu'elle produit à l'ap­pui de la demande ne fait pas la preuve, complète de la oréance alléguée, elle con­stitue tout au moins un commencement de preuve par é,crit_ rendant ad~issible la preuve par temorns et par presomp­tions; · Qu'elle articule, avec offre de preuve, une série de faits dont, prétend-elle,

résulterait l'existence de sa créance à charge des héritiers De Broux;

Attendu que, dans l'appréciation de la vraisemblance conférée par l'écrit au fai'l allégué, il y a lieu de tenir compte, non seulement du texte du document produit, mais aussi des circonstances 'de la cause, notamment : '1° du fait que l'appelante a été l'amie intime et a habité durant i)lusieurs a,.nnées avec une dame v .. :, à laquelle le '13,janvier '1937 Auguste De Bronx a donné une somme de 497.9'19 fr. 90 contre l'assurance donnée par cette dame que De Broux ne lui avait remis que les deux traites de 50.000 francs chacune, payées antérieu- · rement et qu'aucune autre traite de De ·Broux ne se trouvait entre les mains de tiers; 2° du fait qu' Auguste De Broux avait par testament olographe, en date du '14 janvier "1932, légué à la dite dame V ... une somme de 350.000 francs, legs qui fut révoqué par un testament par acte public le 22 décembre '1.936, circon­stance qui ne fut connue de la dame V ... qu'à la ·fi~ de l'année '1939 ou au début de l'année '1940; 3° du fait que, quelques jours après que la dame V ... eut eu con­naissànce de la révocation du legs qui lui avait été fait, l'appelante qui, jusque­là, n'avait fait aucune démarche pour obtenir le remboursement de la créance qu'elle prétend posséder depuis le '1er avril '1935 à charge d'Auguste De Btoux, en exigea brusquement le paye­ment des héritiers de, ce dernier ;

Attendu qu'en cet état des ·faits, l~ billet produit par l'appelante ne pent, d'après son contexte et d'après les cir­constances de la cause, rendre vraisem­blable le fait allégué ; qu'il ne constitue donc pas le ,commencèment de preuve par écrit :requis par l'article '1347 du Code civil i:Jour que soit admissible la preuve offerte par l'appelante;

Par ces motifs, la cour, êcaJ•tant comme non fondées toutes conclusions plus am­ples ou contraires, reçoit l'appel comme régulier en la forme ; dit l'appelante sans griefs, conséquemment met l'appel au néant et con firme le jugement attaqué; condamne l'appelante aux dépens à)ap­pel.

Du 5 février '1945. - Cour d'appel de Bruxelles (3 8 ch.). - Prés. M. J. Simon, président. - Pl. MM. Van Keerberghen, J. Pholien, Delhaye et Gilson de Rou­vreux.

COUR D'APPEL DE BRUXELLES

13 décembre 1944

COMPETENéE ET RESSORT. - RÉ­QUISITIONS MILITAIRES. - LOI DU '12 MAI '1927. - ARTICLES '15 ET '16. -

Page 3: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL

RÈGLES DU DROIT COMMUN SUR LA COMPÉTENCE. -r DÉROGATION Y A,PPOR­T~E PAR LA LOI DU 12 MAI 1927. -'­ÉTENDUE. ~ DEMA,NDEUR. ---'- CON~ CLUSIONS SUBSIDIAIRES. - CONTESTA:­TION -SUR LA; CAUSE JURIDIQUE DES PERTES ET DÉGRA,DATIONS. - CONTES• TA'rION. -. SORTANT DU CA,DRE DE LA MISSION CONFIÉE AU JUGE DE P.A,IX PAR LA, LOI DU 12 MAI 1927. - DROIT COMMUN EN MATIÈRE DE COMPÉTEN.CE. -,APPLICA,BILITÉ.

En deniandant, fût-ce en t(mnes de con­clitsions subsidiaires, qu'ü soit dit pour droü que les dommag(!s dont il poursitit la réparatiori sont la conséqitence d'une · ·1·équisition niilitafre, le 1demandeur défère (lit jitge une contestation élevée entre parties sur le caractère jii1·idiqite de la caitse des pe1'tes et dégradations dont a s'agit au. litige.· .

Seniblable contestation s01't du cad·1·e étroit de la mission' confiée ait· ju.ge de pœix

. par la loi dit 12 mai 1927. sur les réqu.i­sit·fons militaires en ses a1'ticles 15 et 16, lesqitels ne dérogent (füX règles d'it droù commun siw la 'co?npétence que dans le éas où le prestataire d'.une réqitisition refiûe l'indeninité fixée par le départe­ment de la défense nati01iale et moyen­nant l'accomplissem.ent par le boitrg­m.éstre et le 11iinistr'e de la· défénse na­tionale des fornialités préalables à l'in-te1·vention dii ju.ge de paix. ·

Ces . dispositions exceptionnelles ne font aiicune allitsion aitx règles· . de co11ipé­tence swivant lésquelles doit êtte (ranchée · .toitte contestq,tion née d'ime réqib'isition militaire, mais soulevant im problème autre que celui dit qirnnhrni de l'·indem­nité qiii doit être allaitée au prestataire.

(MAST DE MAEGHT, C .. 'ÉTAT [FINANCES].\

ARRÊT.

Vu, produit en expédition régulière, le jugement rendu le .21 décembre ·! 942 par l~ tribunal de première instance de Bruxelles;

Attendu que l'appel a: été interjeté dans les formes et délai ]égaux; . Vu l'acte du palais signifié en date du

'1er mai '1943 aux fins de reprise, par Robert Mast de Maeght, fils adoptif et seul ayant droit de .James Mast de Maeght, décédé, de l'instance pendante entre ce dernier et l'intimée ;

Attendu que l'action, mue par .assi-' gnation signifiée à requête, notamment., de James Mast de Maeght; le 4 juin '1942, tendant, en .ordre principal, à faire dire · par Justice que certaines transactions, avenues en 1941, entre parties, pour la liquidation .d'indemnités dues par l'in­timée du chef de pertes et dégradations résultant de réquisition militaire, sorti-

PASIC., 1!l-!5. - 2" PAR'rIE.

ront leurs .pleins effets; en ordre subsi diaire, à faire dire que les dommages invoqués sont la conséquence de la .ré­quisition militaire, et à, dans les deux cas, faire ·condamner l'intimée au payeJ ment, au . demandeur originaire, · du chef de dommages résultant de réquisi­tion militair.e, d'une somme totale de '135.296 fr. 75;

Attendu que le jugement dont appel a ·déclaré «les demandeurs non fondés en leur action >>; qu'il ressort, cependant, des motifs de cette décision, que le rejet de l'action n'a été déterminé que par la circonstance que la validité des accords arrêtés entre parties était· .subordonnée à l'agréation de .la Cour des comptes, laquelle refusa son visa; qu'il appert ainsi que le premier juge n'a statué que sur la demande principale, ou bien et pour le cas o-ù le débouté de l'action devrait s'entendre dans le sens d'un débouté de l'ensemble des . fins de l'assignation, que le jugement n'est pas motivé en ce qui concerne le rejet de la demande for­mulée en ordre subsidiaire ;

Quant à la demande principale : Attendu que l'appelant ne conteste

pas que les offres de transaction faites par l'intimée en '194'1, et acceptées par· l'auteur de l'appelant, comportaient la réserve expresse du visa de la Cour des c.omptes; que ce visa n'ayant pas été obtenu, l'appelant ne peut trouver dans les dites offres et dans leur acceptation par son auteur, le titre de la créance dont il poursuit le. recouvrement ;

. Quant à la demande formulée en ordre subsidiaire :

Attendu qu'il. ressort des documents produits que la Cour des comptes refus.il son visa. parce que, à son sentiment,. il s'agissait en l'espèce non de dommages consécutifs à des réquisitions militaires·, mais de dommages de guerre ;

Attendu qu'en postulant, en termes de conclusions subsidiaires, qu'il fût dit pour droit que les dommages invoqués sont la conséquence de la réquisition mili­taire, James Mast de Maeght déférait au premier juge la solution d'une contesta­tion élevée entre parties sur le caractère juridique de la cause des pertes et dé~ gra,dations pour lesquelles il était ··de, mandé réparation;

Attendu que semblable contestation sort du cadre étroit de la mission confiée au juge de.paix, par la loi du 12 mai '1927 sur les réquisitions miJita:1res, en ses arti­eles 15 et '16 (voir aussi les articles H 5 à 1'17, '120 et '12'1 de l'arrêté royal du 3 mai 1939, réglant l'exécution de la dite loi; arrêté publié au J\!Ionîteut du '10 sep-tembre '1939) ; · · · Qu'il appert, en effet, de ces. disposi­tions; qu'elles ne dérogent aux règle,-; de droit commun sur la compétence que

1.

Page 4: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

4 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

1 o· dans le cas où le prestataire d'une ré­quisition refuse l'indemnité fixée par le département de la défense nationale et 2° moyennant l'accomplissement, par le bourgmestre et le ministre de la défense nationale, des formalites préa­lables à l'intervention du juge de paix;

Attendu que ces dispositions excep­tionnelles ne font aucune allusion aux règles de compétence suivant lesquelles doit être tranchée toute contestation, née .d'une réquisition militaire, mais sou­levant un problème autre que celui du quantum de l'indemnité qui doit être allouée au prestataire ;

Attendu que le premier juge était, en conséquence con1pétent pour prononcer sur le ·caractère de la cause génératrice des dommages invoqués;

Attendu que l'intimé déclare, quant à ce, se référer à justice;

Attendu que les circonstances dans lesquelles les pertes et dégradations van­tées se sont produites et les divers élé­ments et documents dont il a été fait état devant la cour, démontrent que ces dommages sont en relation directe avec la réquisition dont la propriété de l'au­teur de l'appelant a été l'objet en aoùt 1940;

Attendu, en ce qui concerne la fixa­tion du montant des indemnités devant advenir à l'appelant, que,, sur ce point, l'intimé a, devant le premier juge, con­testé la compétence de celui-ci; que le tribunal était donc incompétent pour prononcer (art. 8 de la loi du 25 mars 1876; modifiée par l'article 1er de la loi du 15 mars 1932) ;

Attendu que la demande de l'appelant formulée in fine de ses conclusions et tendant à ce qu'il soit ordonné à l'intimé de faire au bourgmestre d'Aeltre notifi­cation de son refus d'indeniniser l'appe­lant du chef des dommages litigieux, ne trouve aucun fondement dans les di5po~ sitions de la loi du 12 mai 1927' en tant que cette loi règle les formalités à rem­plir ·pour la fixatiori et le payem!?nt des indemp.ités ; · ·

Par ces motifs, la cour, vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935, entendu en son avis conforme donné en audience publique, le conseiller comte Rennequin de Villermont, conseiller faisant fonc­tions d'avocat général, statuant dans les limites de l'appel et rejetant, pour non fondées, toutes conclusions plus amples ou contraires, confirme le jugement en­trepris ên tant qµe celui-ci a débouté l'auteur· de l'appelant de sa demande principale fondée sur une prétendue trailsaction avenue entre partjes en 1941 et en tant qu'il a statué sur lès dépens ; met, quant au surplus, ce jugement à néant; réformant et statuant su~· la de­maiide formulée en ordre subsidiaire,

dit pour droit que les dommages invo­qués par l'appelant sont la conséquence de la réquisition militaire ; dit que le premier juge. était incompétent pour prononcer sur le montant de l'indemnité revenant au prestataire de la requisition, du chef de ces dommages; dit n'y avoir lieu d'ordonner à charge de l'intimé, la signification dont il est question in fine des conclusions de l'appelant; condamne l'appelant aux, deux tiers, l'intimé au tiers, des dépens d'appel.

Du 13 décembre 1944. - Cour de Bruxelles. P1·és. M. De Ridder, pré­sident. - 11/lin. publ. comte He:r:mequin de Villermont, conseiller faisant fonctions d'avocat général. - Pl. MM. De Beer et Hendrickx.

COUR D'APPEL DE BRUXELLES 28 février 1945

APPEL. - MATIÈRE CIVILE. - DÉFA,UT. .DE L'INTIMÉ. DEVOIR DU JUGE

D'A,PPEL. - APPELANT. DÉFAUT FA,UTE DE CONCLURE. - JUGE. PAS TENU DE VÉRIF,IER LE BIEN-FONDÉ DE

·LA, DÉCISION A,TTA,QUÉE. - CONTESTA­TION INTÉRESSA.NT L'ORDRE PUBLIC. -ARTICLES 154, 434 ET 470 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE. - NON_-A,PPLI­CA.BILITÉ. - CONSÉQUENCE.

L'article 470 du Code de procédui·e civile rend applicàbles en appel les disposi­tions des a1'ticles 154 et 434 é/,e ce Code. Il s'en déduit que le juge d'appel ne doit vérifier la demande avant d.e l' adjiiger que dans le cas où l'intimé fait défaut.

Dans ie cas où l'appelant ne concluJ pas; le juge d'appel doit se borne1· à constate?' le déf aiit · et à prononcer la clôture de l'instance, sans avoir à apprécier le bien-fondé de la décisi.on attaqiiée (1 \.

Ces principes reçoivent exception lo1'sqite la contestation dévolue pm• l'appel à la ju1·idiction du second deg1·é intéresse l'ordre public.

Saisi par l'effet dévolutif de l'appel de toits les élérnents des ·contestations dont le premier juge avait à connaîtPe, parmi lesquelles figurent nécessairement non seulement celles qui ont fait l'objet des débats en première instance, et sur les-

(1) A consulter. : DALLOZ, Jii1·isp1"udence génémle, v 0 Jiigement pm• défaut, n ° 18 ; cass. fr., 5 mai 1885, 2e espèce, D. P., 1885, 1, 341 et la note p. 340; 23 .octobre 1889., D. P., 1890, I, 397, la note et le rapport du conseiller, Féraud-Gil'aud; la note du D. P., 1905, I, 77, sous cass. fr., 9 janvier .1905; la note de la PASICRISIE, 1936, I, 228, sous l'arrêt de la. co-lu· de cassation du 30 a;vril 1936.

Page 5: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 5

queltesî 'le JJre?11Ù1' juge a stat'/,fé, niais enco1·e1•hes moyens qui, pa1·ce qu'ils inté­ressent' ,l'ordre public, eussent dû être, d'offic,e, soulevés p,ar le p1·ernie1· juge, ie juge du second deg1·é d?it, rnême en l'absence de toutes conciusions des par­ties sur te f and, vé1•i fie?' ·si la décision dont appel, lo1·squ'elle a stattié en matière intéressant l'o1·dre public, est confotme au droit. Il en 1·ésiûte qiie' la cour d'appel saisie de l'appel d'un jugern~nt décla­ratif de f aWite est tenue de vérifier si . les conditions légales de la déclaration de faillite sont réunies.

(ROBERT, C. SOCIÉTÉ ANONYME NORMES ET Me VAN DER KERCKHOVE QQ.)

ARRÊT.

Vu le jugement prononcé le 20 décem­bre 1943 par le tribunal de commerce de Bruxelles, déboutant l'appelant de son opposition au jugement par défaut de la même juridiction, en date du 27 nove:rn­bre 1943, déclarant ouverte· 1a faillite de l'appelant;

Attendu que ·l'appel a été interjeté dans les formes et délai légaux ;

Attendu que M0 Dries, constitué pour l'appelant, ne conclut pas;

Attendu que i'abstention de Vune ou l'autre des parties engagées dans un pro­cès, à comparaître ou f). cunclure, impose au juge. saisi une mission dont l'étendue est variable, suivant que c'est le défefü deur ou le demandeur qui fait défaut ;

Que, dans la première éventualité, le juge ne peut adjuger à la partie dem::i.n­deresse le bénéfice de ses conclusions qu'après avoir constaté que celles-ci se trouvent justes et bien vérifiées (Code de proc. civ., art. 150 et 4:34, al. 2}, tandis que lorsque c'est ce demandeur qui s'abstient de conclure, le juge peut, en principe, et sans examiner le fond de la contestation, donner défaut-congé et renvoyer le défençleur de la demande (Code de proc. civ., art. 154 et 434, al. 1er) ;

Attendu que l'article 470 du même Code rend applicables à la procédure à suivre par la cour d'appel les diSpo<;i­tions de l'article 434 ;

Qu'il s'en déduit qu'en principe, la cour d'appel, dans le cas où l'appelant ne conclut pas, doit se borner à constater le défaut et à prononcer la clôture de l'instance, s.ans avoir à apprécier le bien­fondé d.e la décision attaquée par l'appel;

Attendu que l'appelant est, dans l'in­stance mue par lui, démandeur en réfor­mation de la décision que son recours entreprend; qu'il doit, à. ce titre, for­muler et défendre s'es griefs ; que le juge d'appel ne pourrait, en principe, réfor­mer d'office le jugement, sans statuer au delà de ce qui lui est demandé, puis-

qu'il n'est saisi d'aucune demande pré­cise, l'acte d'appel ne détaillant pas les griefs;

At~endu, d'ailleurs, que l'abstention de l'appelant à conclure, peut, sauf cir­constances spéciales dont' celui-ci pourra faire état à l'occasion d'une éventuelle opposition, être considérée comme un désistement d'instance et un acquiesce­ment à la décision dont appel;

Attendu, cependant, que les principes susénoncés ne peuvent recevoir applica­tion lorsque la contestation dévolue par l'appel à la juridiction du second degré intéresse l'ordre public; ·

Attendu qu'en pareille matière un acquiescement est inopérant;

Attendu que l'effet dévolutif de l'appel remet en ques~ion devant lp. cour tous les éléments des contestations dont le pre­mier juge avait à connaître,;

Attendu que, parmi ,ces contestatïons, figurent nécessairement, non seulement celles qui ont fait l'objet des débats en premièr,e instance, et ·sur lesquelles le premier juge a statué, mais encore les moyens qui, parce qu'ils intéressent l'or­dre public, eussent dû être,.d'office, sou­levés par le premier juge; . · . ·

Attendu que les moyens d'ordre pu­blic, pouvant être soulevés en tout état de la cause, et devant être soulevés. d'of­fice par le juge d'appel, au 'cas où le premier- juge se serait abstenu de les examiner, il incombe à la cour d'appel, même en l'absence de toutes conclusions des parties sur le· fond, d'apprécier si la décision dont appel, lol'squ'elle a statué

·en matière intéressant l'ordre public, est conforme au droit ;

Attendu qu'en l'espèce, la cour èst saisie de l'appel d'un jugement décla-rant l'état de faillite ; .

Attendu que les conditions légales de la déclarà.tion de faillite sont d'ordre public;

. Attendu que la décision dont appel est réguliere; qu'elle est également juste et bien vérifiée ; qu'il appert que l'appe­lant, commerçant, est en état de cessa­tion de payement et que son crédit se trouve ébranlé ; ·

Par ces motifs, la cour, vu l'article 24 de la loi du 15 -juin 1935; entendu en son avis conforme le conseiller comte Rennequin de Villermont, faisant fonc­tions d':wocat général, statuant à l'égard de !'-appelant par défaut, faute de con­clure, renvoie l'intimé de l'appel; con­damne l'appelant aux dépens d'appel.

Du 28février1945. - Cour de 1,3ruxelles. - 1re ch. - P1'és. M. De Ridder, pré­sident. - Min. publ. comte Rennequin de Villermont, èonseiller faisant fonc­tions d'avocat général. - Pl. MM. Grégoire et Van, de Kerckhove.

Page 6: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

JURISPRPDEN"CE· DE BELGIQUE

COUR MILITAIRE

4 mai 1945

GUERRE. :.___. CRIMES coNTnE LA SURETÉ DE L'ÉTAT. - TRANSFORMATION PAR L'ENNEMI 'D'INSTITUTIONS. - AVOIR

. SERVI LA, POLITIQUE DE L'ENNEMI. ~ CONDITIONS. DOL GÉNÉRAL. APPLICATION DE L'ORDONNANCE ALLE· MANDE DU 7 MARS 1941. - POLITIQUE DES GRANDES AGGJ',OMÉRAT.IONS.

Les · préverit:ions d'avoir participé à la transforniation pm' l'.ennenii d'institii­t·ions O'U d'organisations légales, d'avoir, en temps de giierre, ébranlé . la fidélité des citoyens en1)ers le Roi et l'Etat . et d'avoir sciemment se,rv-i la pol-itique de l'ennemi, ne nécessitent que le dol générnl, c'est-à-dire la sùnzJle volonté de commettre l'acte inc.riminé, quel qiie .soit le mobile de l'a gent..

Ces ptéventions son.t établies .dans le chef d'U'l.i. gouverneiw de province et de son chef de cabinet~ nommés au coii1·s de l'occupation ennemie, qili, mettant .en œiivre ime politique .de nomination de bourgmestres et d'échevins, i,nsisth·ent pour l'application de l'ordonnance alle­mande dii 7 mars 1941 mettan.t à la

, 1;etrnite les fonctionnaires âgés de soixante ans ·et qiii, d' aiitre part, contrib1Û1'ent activement à la création d'ilne grande agglomératie1n.

(MINISTÈRE PUBLIC [AUDITEUR MILITAIRE ' PRÈS LE CO.NSEIL D.E GUERRE DE LIÉGE]',

Ç • . PETIT ET STEVART.) ,

ARRÊT.

Vu l'instruction faite à l'audience de la cour;

Attendu qu.e la faute initiale des pré­venus a consisté dans leur accession pour Petit aux fonctions de gouverneur et pour Stevart à celles de chef de cabinet ; ·

Qu'à défaut de titres spéciaux les dési­gnant pour des emplois publics de cette importance, il est certain· que leurs attaches au parti rexiste ont été une cause déterminante de ce choix;

Qu'est caractéristique, à cet égard, la requête adressée par Petit au secrétaire général Romsée, le '12· juin 1942, par lequel, tout en vanta'f\t sa préférence pour un pouvoir centralisé, il citait entre autres références,. à l'appui de sa candi­dature, le sieur Streel, dont l'activité l'existe était bien. 'connue ;

Que, suivant sa propre déclaration, Stevart devrait sa. nomination à l'in­tervention d'un autre rexiste notoire, le sieur Delvaux, attache au cabinet du secrétaire général qui lui offrit la place ; . Que si les prévenus avaient eu, comme

ils le prétendent, l'unique intention de servir leur pays, sans compromissions

d'aucune sorte, ils se seraient d&fiés de la facilité avec· laquelle· ils accéda~t\lnt à ces hautes charges, particulièrement mal­aisées à assumer penda11 t l'occupation, même par des fonctionnaires expéd­mentés ·et indépendants;

Qu'ils dèvaient se douter qu'on atten­drait d'eux un certain zèle et certaines complaisances, pour la réalisation d'·un ordre dit nouveau,· favorisé par l'auto­rité occupante avec le , concours des rexistes;

Attendu qu'il convient d'observer cependant que, malgré ces circonstance.s défavorables, les prévenus se sont, la plupart du temps, comportés comme de bons Belges et ont mêine opposé à l'acti­vité de l'autorité occupante une résis-tance méritoire ; ·

-Qu'on peut citer dans ce sens leur atti­tude dans 'les questions de distribution de timbres aux' réfractaires, du creuse­ment de tranchées, le refus de livrer la liste des fonctionnaires provinciaux, l'é­chec infligé à la commission culturelle wallonne, etc.;

Qu'ils ont l'un et l'autre rendu de très nombJ'eux services à · des concitoyens emprisonnés et menacés de déportation ;

Que des témoins dignes de foi, dont le patriotisme et la respectabilité furent au­dessus de tout reproche ont, en diffé­rentes occasions qu'il est superflu d'énu­mérer, rendu hommage à .leur attitude et a leur indépendance ;

Attendu que l'ensemble de leur activ.ité et la bonne volonté dont ils ont souvent fait preuve, permettent d'écarter d'em­blée la prévention reprise à l'article 11 Sbis ancien du Code pénal; d'avoir avant le 29 janvier 1943, méchamriient servi la politique de l'ennemi ;

Que le dol. spécial, . c'est-à~dire, le dessein de nuire à la Belgique, dans llile pensée de trahison, ne peut être retenu à leur charge ;

Attendu, par contre, que l'examen de certains faits retenus par le ministère public, envisagés à l'aide des considéra­tions d'ordre général, ci~dessus 'reprises, établit à leur· charge les préventions sui­vantes, qui ne nécessitent que le dol géné­ral, c'est-à-dire la simple volonté de com­mettre un acte culpeux quel que soit le mobile de l'agent, à savôir : 1'0 en 1942 êt 1 %3, tant avant qu'après le 29 jan­vier 1943, avoir partièipé à la transfor­mation par l'ennemi d'institutions ou d'organisations 'légales, d'avoir en temps de g'uerre, ébranlé la fidélité des citoyens envers le Roi et l'Etat; 20 en ~ 943, après. le 29 janvier '1943, sciemment servi la politique de l'ennemi ;

Que ces préventions sont caractérisées par les faits suivants : ,

I. Attitude de Petit et de son bras droit Stevart dans .la politique des nomiL

Page 7: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 7

nations d'échevins et de bourgmestres : Attendu que l'un et. l'autre, dans des

instructions datées de 1942, insistent poùr l'application de . l'ordonnance alle­mande du 7 mars 1941, mettant à la retraite les fonctionnaires âgés de soixante ans; et pei'mettant ainsi l'entrée d'hom­mes nouveaux dans les administrations;

Que doit être particulièrement blâmée l'attjtude adoptée par Petit envers le commissaire d'arrondissement Holloye, qui s'efforçait de freiner dans la mesure du possible la nomination d'indési­rables·

Que' Petit lui ayant reproché des re­tards dans la transmission d'un dossier relatif au rexiste Ramioul, candidat bourgmestre à Forêt et le commissaire d'arrondissement ayant, dans une sévère réponse du H décembre 1942, exposé les motifs patriotiques de ce retard inten­tionnel, Petit n'hésita pas à saisir le secrétaire général Romsée de l'incident et à demander la révocation de l'inté­ressé ; que dans cette l_ettre il faisait notamment valoir que les opinions rexistes reprochées à ce candidat par M. Holloye ne constituaient pas une raison suffisante pour refuser ses services;

Que le 24 avril 1942 une lettre rédigée par Stevart et sign~e par Petit invitait le même commissaire d'arrondissement à faire diligence pour la présentation du dossier du l'existe Verdin, candidat bourgmestre à Lixhe, d.ont la candida­ture était agréée par l'Oberfeld komman­dantur dèpuis le 17 février;

·Que le 29 juin 1942, le même fonction­naire était l'objet des instances des pré­venus pour l'envoi de divers dossiers en retard dont celui de la commune des Awirs o'ù le rexiste Crimon était candidat bourgmestre ;

. Que le 10 juin 1942, Petit, tout en reprochant à M. Paul de Barchifontaine, commissaire d'arrondissement à Huy, de ne pas avoir trouvé de candidats bourgmestres pour la commune d:om­bret-Rawsa,' lui annonçait que, plus heureux que lui, il en avait découvert un, le rexiste Fernand Gillet ;

Attendu qu'on peut ég·alement signaler l'attitude de Stevart, qui en 1942 mena­cait de révocation M. Londot, échevin de Bierset, qui refusait de siéger avec un collègue rexiste et enjoignait au secrétaire ·communal de Forêt, M. Julémont, avec un ton arrogant et menaçant, de donner au sieur Ramioul le titre de bourgmestre ;

Que ce secrétaire communal n'avait consenti à inscrire ce Ramioul, étranger à la commune, sur les registres de la popu­lation de celle-ci que sur les ordres de Petit; ·

II. Politique des prévenus dans le problème du Grand-Liége :

Attendu que cette réforme illégale et

d'inspiration allemande qui devait avoir pour effet de supprimer de nombreuses communes et de confier à un collège éche­vinal particulièrement souple l'adminis­tration d'un territoire étendu, reçut l'approbation et l'appui des deux pré-venus; ·

Que Petit, avec la fraètion rexiste de la députation permanente émit un avis favorable à la création de cette agglo­mération;

Qu'il s'occupa tout particulièrement de la formation du collège;

Que, de son côté, Stevart tenait soi­gneusement au courant les sieurs Del­vaux et Boulang·er, attachés au cabinet du secrétaire général Romsée, de l'atti­tude hostile adoptée contre cette réforme par les bourgmestres de l'agglomération liégeoise;

Qu'il fait même allusion à l'attitude « pour le moins provocante i> de certains bourgmestres dont certains « manquent de la compréhension ii nécessaire à des administrateurs des temps pr,ésents (sic) !

Dans des communications des 8 et 24 octobre 1942, Petit avait nettement pris position en faveur de la création du Grand-Liége et insisté auprès du secré­taire général Romsée, pour que la réforme ne tardât plus 'et que « la popùlation de, notre province soit aussi mise au courant de l'ordre nouveau (sic) par la création totale de la réforme et non par de timides travaux d'approchè >i. Il ajoutait que le <<nouveau bourgmestre, s'il est nommé seul, se trouvera aux prises avec une administration dont l'hostilité patente ne craindra pas de se manifester alors que, si elle se trouvait en présence d'un collèg'e complet (par conséquent d'une manifestation d'autorité évidente) elle courberait promptement la tête ii. Enfin il déclarait posséder une liste complète des échevins dans laquelle il avait la. nette impression que l'accord général pourrait se faire très rapiderrient; qu'il donnait son accord sur la liste lui remise par Gérnrd Willems, candidat bourg­mestre, etc ... ;

Que plus tard, dans une lèttre du 5 décembre 1942, il protestait vig·oureu­sement contre la démission de deux éche­vins et proposait que celle-ci leur fût signifiée d'office;

Attendu que d'autres faits peuvent être reprochés aux prévenus :

A Petit.: Le 1er juin 1942 le faisant fonctions de

gouverneur Petit assistait à l'église Saint­Denis à un service solennel, -célébré par un militaire allemand pour des légion­naires liégeois tombés au front de l'Est;

Que les excuses qu'il fait valoir à ce sujet : désir de faire plaisir à un ami, promesse lui faite qu'aucun soldat en

Page 8: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

8 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

uniforme ne serait présent ne peuvent être admises ;

Que la pr~sence officielle du plus haut fonctionnaire de la province à une céré­monie de ce genre était intolérable et de nature à ébranler· 1a fidélité des citoyens envers le Roi et l'Etat;

Qu'on peut cependant noter, en faveur du prévenu, que cet acte fut sans lende­main et que, pendant toute la durée de son mandat, il s'abstint soigneusement d'assister à toute :réunion de ce genre malgré les invitations pressantes dont il fut l'objet,;

Qu'on peut lui reprocher encore d'avoir, en mars 1943, demandé par lettre au colonel commandant le groupe de gen­darmerie de la province de Liége de bannir des procès-verbaux de gendar­merie, les termes « déportation d'ou­vriers en Allemagne ii pour les :remplacer par une expression équivalente (sic) ;

Qu'il y, a également lieu de lui faire grief de l'approbation par lui donnée, tant comme président de la députation permanente que comme gouvernem', à la révocation par le collège échevinal C(u Grand-Liége d'employés du ravitaille­ment de Herstal, ce en septembre et novembre 1 943 ; .

Que si ces enl.ployés avaient manqué ~1 des règles de forme dans la pro Lesta­tion qu'ils avaient émise ·contre les instructions données par le collège éche­vinal, et s'ils avaient manqué' de défé­rence envers le gouverneur, il est certain que le mobile qui les avait fait agir était exclus~vement dicté par une idée patrio­tique et la crainte de voir des réfractaires au travail forcé privés des timbres de ravitaillement;

Qu'il n'est cependant pas établi, comrne l'a soutenu le ministère public dans l'exposé des faits devant le conseil de guerre, que Petit se soit soumis à une consigne domiée, soit par le secrétaüe général Romsée, soit par le bourgmestre Dargent;

A Stevart : Il résulte du dossier que de fréquentes

réunions avaient lieu à l'administration provinciale entre Stevart et les trois députés permanents rexistes Chavanne, Richir et l'ex-légionnaire J,;izen qui, suivant le député permanent Deghaye, avait été le candidat de Petit lorsqu'il avait accédé à ces fonctions ;

Stevart, autrefois rexiste ardent, avait quitté CB parti lors de la 'mobilisation, mais eut le grand tort de s'y réinscrire en août 1942 et de payer une cotisation de soutien de 300 francs pour le troisième trimestre;

Qu'il faut constater cependant qu'il démissionna en fin 1942, mais ·qu'on ne peut considérer comme une excuse suffi­sante à ce geste, le fait qu'il se serait,

avec quelques amis, bercé de l'iJlusion que leur intervention -pourrait réformer la · politique pro-allemande de Léon Degrelle;

Stevart demanda et obtint de l'auto-. rité occupante, à l'interventioo. de Petit, l'autorisation de porter une arme, mais celle-ci ne lui fut, paraît-il, jamais remise;

Qu'il convient de reprocher particu­lièrement à Stevart les propos qu'il tint aux agents de police Quaedvlieg et Ravet, tous deux candidats aux fonctions de commissaire de police de Grivegnée; qu'à l'un et l'autre il fit subir une sorte d'examen pour connaître leur opinion sur la politique des secretaires généraux et sur les attentats commis, dans le pays;

Qu'on peut également signaler la lettre adressée à Dargent, bourgmestre du Grand-Liége, le 20, mai 1943, à la suite d'une communication du commandant de gendarmerie Van Coppenolle, lettre rédigée par Stevart et signée par Petit, dans laquelle une enquête et des sanc­tions étaient derhandêes contre les poli­ciers de Beyne-Heusay qui n'avaient pas fait usage de leurs armes, lors d'une tentative de vol de timbres de ravitaille­ment;

Attendu que cet exposé de l'activité des deux prévenus dans leurs fonctions suffit à faire reteni,r à leurs charges les préventions dans les limites déterminées par les précédents motifs;

Qu'.il existe· en faveur des deux pré­venus des circonstances atténuantes ré­sultant de leurs bons antécédenfa; du peu d'importa,nce relative des faits cul­peux retenus à leurs charges et de l'atti­tude souvent correcte qu'ils ont eue dans l'exercice de leur mandat ainsi que des nombreux services rendus à leurs conci-toyens; ,

Qu'une différence notable dans l'ap­plication de la peine doit être faite entre Petit, gouverneur, et Stevart, qui n'exer­çait ,que des fohctions de Slthalterne ;

Qu'il faut également retenir en faveur de Stevart les bons services militaires attestés par ses compagnons d'armes lors de,la mobilisation et de la campagne 1940, à laquelle il participa vaiHamment comme officier de réserve des chasseurs arclen­nais;

Attendu, que la peine prononcée par les premiers juges est légale mais dépasse les limites d'une juste répression, eu égara à l'ensemble ded circonstances de la cause;

Par ces motifs, la cour, vu les dispo'Ü­tions légales visées au jugement et celle de l'article 24 de la loi du 15 juin '1935, indiquées à l'audience par M. le président, statuant contradictoirement sur pièces en présence des inculpés, reçoit les appels; émendant le jugement frappé

Page 9: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 9

d'appel : condamne Petit 'à cinq ans de détention ordinaire; prononce contre lui la destitution des titres, grades, fonc­tions, emplois et offices publics dont il est revêtu; constate que le prévenu est de plein ,droit frappé à perpétuité dP l'interdiction des d;oits énumérés à l'article 123sexies du Code pénal; con­damne Stevart à deux ans d'emprison­nement; constate que le prévenu est frappé de plein droit pour une durée .de vingt ans de l'interdiction de vote, d'èlection et d'.éligibilité et pour une durée de dix ans des autres droits énu­mérés à l'article 123sexies; condamne les deux prévenus chacun à la moitié des frais d'appel et d'instance, liquidés pour le tout à la somme de 566 francs.

rfu · 4 mai 1945. - Cour militaire. ·Chambre séant à Liége. - Prés.

M. Scheurette, président. - Min. piibl. M. Kellens, substitut de l'auditeur , général. Pl. MM. Desert, Mallue, Lohest, Stassen et Haversin- de Lexhy.

COUR D'APPEL DE GAND

17 janvier 1942

MARQUES DE FABRIQUE. - DROIT DE LES APPOSER. - APPOSITION PAR UN TIERS D'UNE MARQUE RÉCENTE SUR

(1) Tmdiiction.

Au point de vue correctionnel : Considérant que l'inculpée a été trouvée en

possessio:µ, lors d'une perquisition opérée le 11 avril 1940 dans sa boutique, de trois ma­chines à coudre Singer qu'elle offrait en vente;

En ce qui con.cerne les deux machin.es dans lesquelles la navette originale a été remplacée par une autre qui n'est pa.s de la provenan.ce de la partie civile ;

Considérant que l'inculpée reconnaît avoir réparé ces deux machines, les avoir repeintes et réémaillées et y avoir appliqué la marque de fabrique Singer par décalcographie;

De plus, dans deux des trois machin.es une pièce essentielle, à savoir la navette, a ét~ rem­placée par une navette d'une autre marque d'après la constatation du témoin Rillaert, mécanicien de la partie civilé (pièce 20);

Que le susdit témoin Rillaert a déclaré sous la foi du serment au juge d'instruction, que les fleurs d'ornementation. et le nom Singer n'ont qu'une certaine ressemblance avec les fleurs d'ornementation qui sont appliquées sur les nouvelles machines Singer ;

Considérant qu'il n'est pas coiitesté que ces deux machines sont vieilles de quarante à cinquante ans ;

Con.sidérant que l'inculpée les avait mises en vente co1nme machines d'occasion:

DES PHODUITS ANCIENS DU MÊME FA­BRICANT. - CONTREFAÇON. CON-FISCATION. CONDITIONS.

La niarque de fabrique est un signe servant à dis tin giie1' les vrodiiits inditstriels ou commerciaux. Seul celiii qiii a dévasé cette nia1'qite vossède le drnit de la placer sm' ses prnduits.

Se rend coupable de contrefaçon de marque de fabrique celui qui, après avoir reveint des machines à coudre anciennes de la conipagnie Singer, appose sur celles-ci par décalcogrnphie la marque de fabriqiie dont sont revêtues les machines 1'écentes de la dite compagnie.

Il n'y a pas lieu pour le juge de confisquer les machines dont s'agit. Il suffit qu'il ordonne qu.e les marqiies cont1·ef ai tes soient complètement effacées aitx frais dii contre{ acte.ur.

( OPENBAAR MINISTERIE EN NAAMLOOZE VENNOOTSCHAP SINGER, T. VANDEPUTTE.)

ARREST (1).

Op strafrechterlijk gebied : Overwegende dat beklaagde tijdens

een huiszoeking op 1 ~ April 1940 in haar winkel, in bezit gevonden werd van drie naaimachienen Singer welke zij aldaar te koop stelde ;

Wat betreft de twee machienen waarin .11et oorspronkelijk spoel vervangen werd

Mais que les acheteurs à la vue de la marque de fabrique toute fraîche, du repeinturage et du réémaillage de la machine devaient avoir l'im­pression d'acheter des machin.es qui, bien que vendues comme articles d'occasion., étaient relativement neuves, de sorte qu'elles se trou­vaient sous la garantie d'une marque de fabrique Singer récente, alors qu'ils achetaient en ~'éalité une vieille machhw ne répondant plus à la qualité des machines Singer mo­dernes;

Considérant que, suivant l'article 1er de la loi du 1er avril 1879, la marque de fabrique est un signe servant à distinguer les produits industriels ou commerciaux ; que seul celui qui a déposé cette marque possède le droit de la placer sur son produit et qu'aucune tierce personn~ ne peut placer cette marque sur un produit du propriétaire de la marque qui peut seul décider si cette marque peut être placée sur ses produits; que toujours la marque garantit le produit tel qu'il sort de la fabrique et doit servir de preuve de son origine ; que la· réapposition de la marque de fabrique sur le produit rendrait cette garantie illusoire vu que la tierce personne pom'rait changer le produit;

Considérant que l'inculpée invoque en vain sa bonne foi; qu'eUe produit un écrit du ministère des affaires économiques disant qu'elle a le droit de vendr.e des machines répa-

Page 10: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

10 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

door een ander dat niet afkomstig is van de fa1rgerlijke partij : .

Overwegende dat betichte hekent deze twee naaimachienen te hehben hersteld, herschilderd, opnieuw geeemailleerd, en er het fabriekmerk Singer terug opge­bracht door decalcographie ;

Dat daarenboven in deze twee der drie naaimachienen, een hoofddeel, te weten het spoel, vervangen was door een spoel van een ander merk, dit volgens de vast­stelling van getuige Rillaert, mekanieker der burgerlijke partij (stuk 20) ;

Dat voormelde getuige Rillaert, onder eed v66r de heer onderzoekrechler, be­vestigt dat de versieringsbloemen en de naam Singer, maar een zekere gelijkenis vertoonen, met de versieringsbloemen in voege op de nieuwe naaimachienen Singer;

Overwegende dat het niet betwist werd, dat deze twee naaimachjenen wel veertig tot .'vijftig j aar oud zijn ;

Overwegende dat beklaagde ze te koop stelde als occasiemachienen ;

Doch dat de aankoopers op zicht van het ververscht fabriekmerk, van de her­schildering en de reeemaillering, in den waan moesten verkeeren, naaimachienen te koopen welke alhoewel occasiearti­kelen betrek,kelijk nieuw waren zoodat zij onder de waa~borg van een versch fabriekmerk Singer, een oude naaima­chiene kochten, niet meer be an tyvoor­dende aan de kwaliteit van 'de tegenwoor­dige naaimachienen Singer ;

Overwegende dat, luidens artikel 1 der

rées pour autant que les machines ne soient pas reconstituées en un.e autre ;

Qu'il résulte cependant des raisons exposées plus haut qu'elle a apposé une marque de fabrique fraîche var décalcograp+üe sur les machines qui étaient des inachines anciennes de valeur minim.e et ceci sans le consentement du propriétaire de la in.arque ;

Qu'elle recou.naît encore avoir été ~wertie par exploit d'huissier signifié à la requête de la partie civile qu'elle ne pouvait plus conti­nuer à falsifier la marque de celle-ci (pièces 4 et 14) mais qu'elle ajoute que JYI. D'Hoe, directeur de la Compagnie Singer à ·qui elle avait montré une décalcographie lui avait donné la permission de l'employer;

Attendu cependant que cette affirmation est démentie de la façon la plus formelle et sous la foi du serment par le sieur D'Hoe précité, et par le témoin Michiels ainsi que par M. l'huissier Vanderhaeghen, qui déclarent que pendant la visite de l'huissier aucune autorisation n'a été donnée par M. le direc­teur d'employer cette décalcographie et que cette décalcographie n'a même pas été pro­duite (pièces 14 et 19) ;

Que l'huissier Vanclerhaeghen ajoute que c'était précisérn.ent parce que l'inclùpée avait promis de ne plus utiliser cette décalcomanie

wet van 1 April 1879, het ·fabriekmerk een teeken is dienende tot het onder­scheiden van nijverheidsprodukten of handelsvoorwerpen ; dat hij alleen wie het merk gedeponeerd heeft, het recht heeft dit te plaatsen op zjjn produkt dat geen derden persoon dit merk mag plaatsen op een · produkt van den eige­naar van het merk; eigenaar. die alleen te oordeelen heeft of het mer k op zijn pro­d ukt dient geplaatst te worderi ; dat immers het merk het produkt waarborgt zooals het uit de fabriek komt en dienen moet tot bewijs van oorsp'rong dat het voortbrengen van het fabriekmerk op het produkt, deze waarborg. waardeloos zoude maken, daar de derde persoon de produkten kan veranderd hebben ; <

Overwegende dat · beklaagde vruchte­loos haar g·oede trouw inroept ; dat zij een schrijven voôrlegt van het minjs­terie van economische zaken, meldende dat zij herstelde machienen . mag· ver.­koopen, wodra het ·machien niet herscha­pen -vverd in een .ander ;

Doch .dat het voortspruit uit boven­gezette beweegredenen, hoe zij een versch fabriekmerk, door decalcographie ge­pracht heeft op machienen, Welke ouder waren en van min del' . waarde, en dit zonder toestemming van den eig;enaar van het merk; . .

Dat zij nog bekent door de· burgerlijke partij voorheen .per deurwaarder aange­maand te zijn het merk niet meer te ver­valschen (stukken <±en 14) docherhijvoegt,

qu'un procès-verbal de constat .n'avait pas été rédigé (pièce 24) ;

Considérant qu'il résulte des éléments ·ci-dessus que les faits tels qu'il~ out été repris par la citation et recou,nus par le premier juge, restent établis par l'enquête et par l'instance devant la cour ;

Con.sidérant que l'amende infligée par le premier juge est en rapport avec la .gravité du cas mais que c'est à tort que l'application de la con.damnation conditionnelle a été· faite parce que, d'après son casier judiciaire,· il est établi que l'inculpée avait déjà subi une peine correctionnelle en 1925, 'qui l'avait condamnée à une amende de 1 OO francs ;

Considérant cependant qu'il n'existe pas de i·aison pour déclarer con.fisquées les deux machin.es (voir article 12 de la loi du 1er avril' 1879), qu'il suffit d'ordonner ql!-é le mot Singer qui a été appliqué par l'inclùpée au moyen de décalcographie sur le bras de deux: de ces machines, sera effacé complète­ment aux frais de la prévenue ;

En ce qui concerne les machin,es dont le mécanisme n'est pas entièrement d'origine :

Considérant que par le jugement la confisca­tion de la machine n'a été ordonnée que pour ce qui concerne les deux machines dont il a été question ci-dessus, ce qui prouve qu'en

Page 11: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

. COURS D~APPEL 11

·dat de heer D'Hoe, bestuurder der Com­pagnie Singer, aan wien zij de. calco­graphie vertoonde, haar de toelatmg gaf deze te gebruiken ;

Overwegende echter dat deze bewe­ring, op de stelligste wijze en onder eed, geloochenstraft werd door voorn;i.elde heer D'Hoe, en door getuige Michiels, alsook door den heer deurwaarder Van­derhaeg·en, dat zij verklaren hoe tijdens het bezoek van den deurwaarder geen toelating werd gegeven voor den heer bestuurder dit merk van decalcographie te gebruiken en dat deze decalcographie zelfs niet vertooncl -vverd (stukken H en 19); • .

Dat de heer deurvrnarder Vanderhae­ghen .er bijvoegt dat het juist was om reden dat beklaagde, beloofd had dit afdruksel niet meer te gebruiken dat geen procescverbaal van vaststelling opgesteld werd (stuk 24) ;

Qverwegende dat het voortspnüt uit bovenstaande beschouwingen dat, wat betreft deze twee machienen de feiten zooals zij in de dagvaarding omschreven zijn en door de eerste rechter ·weerhou­den werden bewezen zijn gebleven door het onderzoek en door de behandeling der zaak v66r het Hof ;

Overwegende dat de door de eerste rechter opgelegde geldhoete in evenredig­heid is met de ernst van het gepleegde, <loch dat ten onrechte de gunst ·der voor­waardelijke veroordeeling toegepast werd, daar luidens uittreksel van haar straf-

ce qui concerne la troisième, le tribunal a été d'avis que l'inculpée ne s'est pas rendue cou­pable d'un, délit prévu et punissable par l'ar­ticle 8 de la loi .du 1er a.vril 1879, par le fait . que pas une seule des pièces intérieures ni extérieures n'a été changée;

Au point de vue civil : Considérant que la partie civile a incontes­

tablement été préjudiciée; que des vieilles machines, de qualité inférieure ont été mises en vente revêtues de la marque Singer ren,ou­

·velée et pour leur donner l'aspect de machines neuves alors qu'elles .ne possédaient que les qualités de machines vieilles de quara.nte à cinquante ans;

Que le préjudice subi sera in,contestable­ment réparé par la. condamnation de l'inculpée à un franc de dommages et intérêts ;

Qùe vu la publicité très restreinte. de l'offre de ven,te, des insertions de jugemen.ts ne seraient pas en rapport avec le préjudice commis;

Par ces motifs, la cour, rejetant toutes con-clusions autres où contraires, vu les disposi­tions de la loi rappelées dans le jugement et indiquées encore un,e fois par M. le président au cours de l'audience, ainsi que les articles 24 de la loi du 15 juin 1935, 194 et 211 du Code

. de procédure correction,nelle; faisa.nt droit con-

'register beklaagie reeds voorheen in 1925, verwezen werd m een correctioneele straf .y;rn 1 bo frank boete ;

· Overwegende echter dat geen gronden bestaan om die twee machienen verbeurd te verklaren; dat, g·elet op artikel 12 der wet van 1 April 1879, het zal volstaan te bevelen dat het woord « Singer >> dat do or betichte, en do or middel van d ecal­cographie, op den arm van die· twee ma­chienen gebracht werd voor goed onzicht­baar zal gemaakt worden op kosten van betichte; .

Wat hetreft de machienen waarvan het mekanisme gansch het 'oorspronkelijk g·ebleven is :

Ovenvegende dat bÙ het vonnis:· de telastlegging maar hewezen verklaard werd ; wat betreft de twee machienen waarvan hierboven sprake is, en dat enkel die twee verbeurd · verklaard werden vrnt wel aantoont dat, wat de derde be~ treft, de rechtbank van oordeel is ge­weest, dat betichte zich niet schuldig gemaakt -heeft aan een der vier wanbe­d~~jven. omschreven en strafbaar gesteld b1J arhkel 8 der wet van 1 April 18 7 9, op grond en terecht dat .geen enkel deel

. van het binnen en buitenwerk van die machine ge-w'ijzigd werd; ·

Op burgerlijk g·ebied : Overwegend~. dat de burgerlijke partij

on tegensprekelIJ k do or de wanbedrijven van beklaagde benaadeeld werd; dat immers oudè machines ·van mindere kwa­liteit waarop het merk Singer hernieuwd

tradictoirement, déclare l;inculpée, la partie civile et le ministère public recevables pour l'instance introduite ;

Au point de vue correctionnel : Confirme le jugement dont appel en ce qui

concerne la. peine appliquée et la condamna­tion de l'inculpée aux frais de la première instance ; décide cependant et à l'unanimité des voix en ce qui concerne la peine prononcée par le jugement, que celle-ci ne sera. pas sus­pendue conditionnellement ; ordonne que la ma.chine dont le mécanisme est resté entière­ment d'origine sera. restituée à l'iÙculpée; met à néant les dispositions du jugement par lesquelles les deux autres machines ont été déclarées confisquées ; ordonne que le mot Singer qui a été apposé sur le bras. de deux des machines au ni,oyen de décalcoma~ie, sera effacé et gratté et rendu complètement invi­sible, aux frais de l'inclùpée et qu'après cela ces deux machines seront restituées à l'in­culpée; confirme les dispositions du jugement se rapportant à la demande de la partie civile; déboute la partie civile pour le surplus · évalue les frais envers le ministère publw'. à 108 francs, les fr::üs d'appel de la partie civile nor compris et condamne la prévenue

• A, payer ces frais; décide que la' partie civile supporter11. elle-même les frais d'appel.

Page 12: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

12 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

· werd te koop gesteld 'jp·den alsof zij betrekkelijk,nieuw waren en alhoewel zij enkel de kwaliteit hadden van machines van voor veertig of vijftig j aar ;

Dat de berokkende schade voldoende zal hersteld worden door de veroordee­ling van heklaagde en. door het toe­kennen van een frank schadevergoeding;

Dat gelet op de kleine ruchtbaarheid van het aanbod tot verkoop inlasschingen niet in evenredig·heid zouden zijn met de berokkende schade ;

Om die redenen, alle verdere of tegen­strijdige conclusies. als' ongegrond afwij­zende ; gelet op. de wetsbepalingen bij het vonnis aangehaald en door den heer voorzitter, op deze terechtzitting nog­maals aangeduid, alsook artikels 24 der wet van ~5 Juni 1935, 194 en 211 van het vVetboek van strafvordering;

COUR D'APPEL DE BRUXELLES

10 novembre 1943

1° TRANSPORT. - INEXÉCUTION TO­TALE. - RESTITUTION DU PRIX DE TRANSPORT (1).

2° GESTION D'AFFAIRES.- ABSTEN-TION. ABSENCE DE FAUTE.

1° Le. fait de force niajeiire, en 1·endanc ùnpossible la prestation dii transpo1·­teur, a mis fin ait contrat de trnnspm·t (Code civ., art.' 1284) et oblige le. trans­porteu.r à la 1'est'Ïtiition du p1'ix du, transport (1).

2 ° La gestion d"a ff aire.s est volontaire; ne cornmet pas de f(titte celui qui, 11o'iivant gérer l'affaire d'aut.rm'., s?en abstùnt.

(SOCIÉTÉ ANONYME ACIÉRIES ET MINIÈRES DE LA SAMBRE, C. Sf N. C. F. B.)

ARRÊT.

Het hof, rechtcloende op tegenspraak, verklaard beklaagde, de burgerlijke partij alsmecle het openbaar ministerie ontvan­kelijk in het door hen ingestelde heroep ;

Op sfrafrechtelijk gebied : Attendu qu'il est constant que les Bevestigt het beroepen vonnis wat 102.870 kilos de billettes d'rwier que l'in­

betreft de opgelegde straf en de verwij- timée .s'était engagée à transpo11ter à zing van betichte in de kosten van eer- Dunkerque pouc le compte de l'appelante sten aanleg; vei'staat echter dat. de ont été saisis danf' la station de Morrceau­tenuitvoerlegging van het vonnis, wat ·Usines par l'armée allemande à titre de de straf betreft, niet voorwaardelijk zal · butin de guerre ; opgeschorst hlijven, dit met eenparig·e Attendu que les wagons avaient été· stemmen; beveelt \_cat de naaimachine chargés le 9 mai 1940; qu'il n'est point waarvan het mechanisme gansch het dénié et qu'il n'est point déniable que les oorspronkelijk gebleven 'is, aan betichte événements militaires en ont empêché zal teruggegeven worden ; vernietigt de l'expédition en temps utile ; beschikking van het vonnis waarbij de Attendu qu'il s'ensuit. que la perte de twee andere naaimachinen verbeurd ver- la marchand1se est la conséquence d'tme klaard worden; beveelt dat het ·woord force majeure et que l'intimée ne saurait Singer, dat op den arm van die twee être tenue de la répare1·; machinen aangebracht werd, door middel Attendu que la demande en l'assigna­van decalcomanie zal uitgevaagd, uit- tion est basée uniquement sur le contrat geschrabt of althans voor goed onzicht- de tl•ansport ; qu'en conclusion l'appe­baar gemaakt worden op kosten van lante lui donne une autre cause et avance betichte en dat beide machinen daarna que l'intimée a commis une faute en. ne ook aan: betichte zullen teruggegeven la mettant pas au courant de l'embBrgo vvorden ; bevestigt de heschikkingen van et en se désintéressant de la marchandise' het voplîis v.relke op den burgerlijken qui lui avait été confiée; , eisch hetrekking hebben ; ontzegt de bur- Attendu que le fait de force majeure gerlijké partij het meer gevorderde ; en rendant ··impossible la prestation de begroof de aan de zijde van het openbaar · l'intimée a mis fin au contrat de transport ministerie, op het hoog>er beroep gevallen (Code civ., art. 1234) et obli'gé la dite gerechtskosten op 108 frank, de lrnsten int~mée à la restitution du prix, ce dont van het beroep van de burgerlijke partij elle convient ; que l'intimée ne· saurait niet medegerekend en verwijst betichte davantage être tenue en vertu d'un can­in dat bedrag; verstaat dat de .burg'er- frat de dépôt; qu'il n'est nullement lijke partij haar kosten van beroep zelf · établi qu'elle fût dépositaire des billettes ; dragen zal. que, l'eût-elle été, il est manifeste que

l'intimée aurait dù conserver le dépôt Du 17 janvier 1942. - Çour de Gand. non poùr le compte de l'appelante, mais 3e ch. - Prés. M. Langerock, .conseiller pour le compte . de l'armée allemande,

faisant fonctions de président. - Niin. détenteur du butin; pitbl. M. Van Durme, avocat général. Pl. MM. Poll et Deval.

(1) Cet arrêt confirme le' jugement clu 16 novembre 1942 du tribunal de commerce de Bruxelles (Bnll. ass., 1943, p. 266). ·

Page 13: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL J3

Attendu qu'il s'ensuit que l'intimée n'a pu encourir vis-à-vis de l'appelante aucune responsabilité contractuelle ; qu~ dans la :réalité l'appelante reproche a l'intimée de ne pas s'être souciée de 1.a sauvegarde de son intérê.t et de n: _l'avoir pas mise. à -même de fane les diligences qui lui auraient permis,. pense-t-elle, ,de récupérer la marchandise c?n[.1sq~e~; que de fait elle imp,ut,e à fau!e a 1 mtimee de n'avoir pas gere le debut de son affaire ; . , . .

Mais que gère l'affaire d autrm qm le veut, et que nul n'a commis de f~ute pour s'en être abstenu, le pouvant ~aire i qu'au surplus, il n'est nullement ~ta?l~ que l'intimée en l'occurr~nce aurait et,e en état de faire ce que 1 appelante pre­tendait attendre d'elle ;

Attendu en conséquence qu'il appert que l'intimée est exempte de toute esnèce de faute dans les événements qui 01Ît précédé ou accorrwagné _l'e:X~rcic~ de la force majeure qu'il est etabli qll. elle a dù subir;

Attendu que l'une et l''.lutre d~s parties concluent à la confirmat10n du Jugement a quo pour le. dem~uran t de son dispositif, sauf quant aux depens; ·

Attendu que fo premier juge a équita­blement réparti les dépens;

Par ces motifs, la cour, vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935, reçoit l'appel; le dit non fondé; confirme le jugêment a qiw · déboute l'appelante de son appel; la co~damne aux dépens d'appel.

Du 10 novembre 1943. - Cour de Bru­xelles. - 4e ch. - P1'és. M. Connart, }îrésident. - Pl. MM. Ferrier et Valentin.

C01.JR D'APPEL DE BRUXELLES

13 décembre 1944

DIVORCE. - - REMARIAGE APRÈS DI­VORCE DE L'ÉPOUX COUPABLE AVEC SON COl\ŒLICE. - RECEVAI}ILITÉ DE LA REQUÊTE EN ABRÉVIATION DE DÉLAI. - LI.MITATION DES MOTIFS GRAVES SUSCEPTIBLES D'ENTRAINER L'OCTROI DE L' AB~ÉVIATION DU DÉLAI.

8i . aux tennes de l'article 298, alinéa 3, ~lit Code civ'Ïl il senible que la reqitête en abréviation du délai de trois ans prévil par cette disposition, doive être pl'é­sentée à za fois par l'époiix coupable et son complice, il suffit cependant, poitr

' que cette requête soit recevable, . qu'elle ait été· présentée par l'époitx coupable seill. .

Les seills 11wt1fs graves poitvant faire admettre l'abréviation clit délai envisagé sont à titre limitatif; l'intérêt des enfants nés de l'imion-adultérine ou 'à naître dit concit binage prolorigé.

PASIC., 194 5. - 2ll PARTIE.

(A ... ET V ... , C. C .... )

ARRÊT.

I. Attendu que le premier appelant a seul déposé requête aux fins d'obtenir du premier juge l'abréviation du d,élai de trois ans .pour contracter mariag'e avec sa complice, seconde appelante, prévu par l'article 298 d-q Code civil modifié par la loi du 16 avril 1935; que, dès lors, l'appel de la seconde appelante, qui n'a pas été partie en la cause en première· instance, n'est pas recevable ;

Attendu que, si aux termes de l'article prérappelé, il semble que toute req.uête doive. être présentée au nom des inté­ressés, l'époux coupable et son complice, il faut cependant admettre, comme c'est le cas de l'espèce, que la demande ainsi formulée doit être considérée comme valable~

Attendu qu'en effet, si la demande de réduction de délai est faite lors de l'ad­mission du divorce, elle- l'est sans l'inter­vention du complice, par l'époux cou­pable seul; que l'_on doit en déduire que le véritable demandeur en abréviation de délai est ce dernier ;

Attendu, dès lors, que l'on ne voit pas la raison pour laquelle il faudrait déclarer non recevable une demande de ce genre présentée après le prononcé du divorce pour le motif qu'elle n'émane pas de' l'époux coupable et de son complice ;

Attendu, au surplus, qu'admettre que le véritable demandeur est l'époux cou­pable facilite la détermination de la com­pétence spéciale prévue par l'article 298, alinéa 4, du Code civil;

Attendu que l'appel du premier appe­lant est régulier en la forme;

II. Attendu qu'il n'existe en la cause aucun motif grave de la nature de ceux envisagés par le législateur de la loi du 16 avril 1935, à savoir l'intérêt des enfants nés de l'union adultérine ou à naître du concubinage prolongé;

Par ces motifs, la cour, rejetant toutes autres conclusions et en conformité de l'~vis don:hé en chambre du conseil par M. le conseiller Hennequin de Villermont, faisant fonctions d'avocat général, dit l'appel de là seconde appelante non rece­vable et la demande du premier appelant recevable, mais non fondée; confirme en conséquence le· jugement dont appel ; condamne les appelants chacun à la_ moitié des dépens cl' appel.

Du 13 décembre 1944. - CoUX' de Bl'u­xelles. - Jre ch. -- Prés. M. De Ridder, président. - Niin. publ. M. Hennequin de Villermont, conseiller faisant fonctions d'avocat général. - Pl. MM. Len1.t et Franço~s Moreau.

2

Page 14: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

14 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

COUR MILITAIRE 15 mai 1945

10 GUERRE. - CRIME D'AVOIR SERVI LA POLITIQUE OU LES DESSEINS DE L'ENNEl\II. - ADHÉSION AU PARTI V: N.V. - ACTE DE COMPLICITÉ.

20 LOIS. - ARRÊTÉ-LOI. - PUBLICA­TION AU « MONITEUR BELGE ll A LON­DHES. - APPLICABILITÉ EN BELGIQUE.

'1 o Constitile iln acte de complicüé d,u Cl'Ùne d' avoi'I' servi la politiqiie, oil les desse-ins de l' ennenii, le fait cl' rwoir adhéré d'une manière consciente · et réfléch·ie cm part·1: V. N. V. cforant les années 194-1, 1942 et 1943, cette adhé­sion se numifestant par le payenient de cotisatfons et par la prése~nce à certaines réwnions dil parti.

2 o La .1m blication ré gillière d' im a_rrêté­loi dans le Moniteur belge parn·1.ssant à Londres et l'expiration dil délai fixé après lequel il est répilté con1w des (i'toyens, réalisent , 1rn1· elles·mêmes le nwde de 1mblfoité constit,u.tif de la pnblication légale, qiâ rend les lois obz.igatoires dans toiit le royaunie.

(MINISTÈRE PUBLIC, C. D,ESEYN.)

ARRÊT.

Attendu que les app'els sont réguliers en la forme et qu'ils ont été interjetés dal'ls le délai légal ; :

Attendu que le prévenu avait, au moment des faits, la qualité de militaire en congé illimité; · Attendu que, sans retenir aux débats

allégations relatives au compor­tement prévenu en sa qualité de fonc­tionnaire, il échet de tenir pour constant qu'il a été membre du mouvement V.N.V. au cours des années 1941, 1942 et 1943 ; que notcnnmept il a reconn~i R:roir payé, en décembre 19!±2, ses cotisations pour les exercices 1942 et 1943 et ne s'être retiré de ce parti qu'en juin 1943 ;

Attendu que, par l'exercice de sa pro­fession, le prévenu a été en contact presque quotidien avec des membres actifs, même <lirigeants du parti V. N. V.; qu'il a connu, tant au moment de son 2fi1lialion, en juin 194'1, qu'en clécem­br(? 1942 - lors du payement des coti­sations, - le programme et les buts du mouvement V. N. V., officièllement re­connu par l'ennemi et dont la politique, cadrant avec celle poursuivie par l'occu­pant, visait à la désintégration de l'Etat constitutionnel belge et à la rupture de l'unité nationale de la Belgique; que ces buts avaient d'ailleurs été proclamés dè;; novembre 1 940 pal' le chef d\'.l ce parti, pm' la voie de la presse rendant compte C:e réunions publiques ; qu'en consé-

quence le p1;évenu ne peut avoir ignoré que le mouvement V. N. V. auquel il adhérait, servait la politique de l'ennemi:

Attendu que la participation à cette po~ litique qu'implique nécessairement l'adhé­sion consciente et réfléchie à un parti qui n'a d'autre mission qu,e de la servir, n'apparaît toutefois pas comme essen­tielle, lorsqu'elle se borne - comme en l'espèce - au rôle. de membre étranger à toute direction même secondaire ; que l'assistance relative tant matérielle que morale, apportée par le prévenu durant son affiliation et notamment pendant les cinq pl'emiers mois de 1943, ainsi que sa présence à certaines réunions du parti,

_ apparairnent comme constitutives d'un acte de complicité, par lequel, en con­naissance de cause, le prévenu a aidé ou assisté, mais d'une manièl'e non essen

-tielle, les auteurs du crime d'avoir servi la politique ou les desseins de l'ennemi, clans les faits qui ont préparé, facilité ou consommé ce crime ;

Attendu que, pom échapper à toute répression, le prévenu se prévaut, mais vainement, des libe.rtés d'opinion et d'association garanties par les articles 14 et 20 de la Constitution, en soutenant que l'adhésion à un pal'ti 'politique, quel qu'en soit le but, et la manifestation d'opinion qu'implique cette adhésion - ét?:nt l'une et l'autre le simple usage de ces libertés - ne sont poirit consti­tutives d'infraction ; , ,

Attendu, en effet, que la Constitution rése1·ve expressément la répression des crimes et délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés ; qu'au surplus, l'acte incriminé n'est point la simple manifestation d'une opinion, mais le versement, sous forme de cotisations, d'une somme d'argent, utile à la réalisa­tion de la politique ou des desseins de l'ennemi;

Attendu que le prévenu ne peut davan­tage invoquer l'ignorance de la_ loi -étant en respèce l'article H8b'ÎS du Code pén2l complété par l'anêté-loi du 17 décembre 1942 ; que cet anêté-loi a été publié à Londres, siège provisoire du gouvernement belge, dans le I\ioniteur belge des 28-29 décembre 1942 ;

Attendu que la publication régulière d'une loi ou d'un arrêté-loi dans le l\ionùeilr et l'expiration du délai fixé après lequel ils sont réputés. connus des citoyens, réalisent par elles-mêmes le mode de publicité constitutif de la publication légale qui rend les lois obli­gatoires dans tout le royaume (cass. h., 6 novembre 1944, PA.SIC., '1945, I, 23);

Attendu qu'il est sans intérêt de rechercher à ·quel mobile d'intérêt per­sonnel le prévenu a obéi, en sollicitant et en réalisant son adhésion au mouve­ment V. N. V;.

Page 15: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 15

Attençlu d'autre part que le prévenu, membre volontaire du V. N. V. dont il n'ignorait ni le but général pomsuivi, ni la qualité de parti collaborateur avéré de l'ennemi, ne peut raisonnablement soutenir - à l'encontre de l'attitude qui fut la sienne au cours de son affiliation' -n'avoir pas été en con11nunauté d'idées.

. a,,vec ce groupement dont il ne s'est déso­lidarisé qu'en juin 1943, parce qu'il avait estimé alors, devant les tendances de plus en plus pro-allemandes de· ce mou­vement, que le maintien de son adhésion devenait incompatible avec sa qualité de fonctionnaire ; ·

. Attendu qu'il ressort de ces divers él.éments de faits que le prévenu a :

A. Soit en aidant ou assistant, hors le cas prévu au § 3 de l'article 66 du Code pénal, avec connaissance l'auteur ou les auteurs du crime clans les faits qui l'ont préparé 0u facilité ou clans ceux: qui l'ont consommé; à Bruxelles, en 1943, après le 29 janvier 1943, sciem­ment servi la politique ou les desseins de l'ennemi;

B. A Bruxelles, de juin 1941 à juin 1 %3, en contravention à l'article 1er de la loi du 22 mars 1940 relative à la défense des institutions nationales belges, fait acti­vement partie d'un groupement, d'une association ou d'une organisation qui poursuit la destruction de l'indépen­dance de la Belgique, des libertés ou des institutions constitutionnelles du peuple belge, en l'espèce le Vlaamsch Nationaal Verbond; avec la circonstance que le prévenü était militaire en congé illimité, en ce qui concerne la prévention A;

Attendu que les faits constitutifs de ces préventions procèdent d'une même intention criminelle; qu'il échet de les réprimer par une seule peine, la plus forte·

Attendu qu'il existe en favéur de l'in­culpé des circonstances atténuantes résul­tant de ses bons antécédents, quant à la prévention A;

Attendu que la peine prononcée par le premier juge est proportionnée à la gravité des faits ;

Attendu que la prescription a été suspendue par l'article 1er de l'arrêté-loi du 29 avril 1 %3 ·

Par cès motifs, '1a cour, vu les disposi­tions légales visées au jugement, -vu en outre les articles 7 de l'arrêté-loi du 26mai1%4; 24 de la loi du 15 juin 1935; 15 et 16 du Code pénal militaire ; 4 et 5 de la loi du 15 juin '1899; 1er de l'arrêté­loj! du ;rn avril 1943; 65, 66, 67 et 69 du Code pénal, indiqués à l'audience par M. le président; jugeant sur pièces et statuant en présence de l'inculpé, reçoit les appel~ et y faisant droit, confirme le jugement a qiio, mais en tant que les condamnations qu'il prononce s'

1

appli-

quent aux faits tels qu'ils sont précisés aux motifs du présent arrêt; condamne l'inc,ulpé aux frais de la procédure d'appel liquidés jusqu'ores à 105 francs; l'ac­quitte du chef des autres préventions mises à sa charge ; et entendu le minis­tèl'e public en ses réquisitions quant à l'arrestation immédiate du condamné entend}1 le cond.amné ·en ses dire-s quant à ce, assisté de son conseil, Me Eerebout, loco Me Dautrebancle, attendu qu'il y a lieu de craindre que le condamné tente de se soustraire à l'exécution de sa peine vu l'article unique de la loi du 9 µiai 1931 modifiant l'article 21 de la loi du 20 avril 1874, dont la disposition à été indiquée par M'. le président, la coul' ordonne l'ar­restation immédiate de Ferdinand ·De-s.eyn.

Du 15 mai 1945. - Cour militaire. Chambre française séant à Bruxelles. Prés. M. Loppens, président. __:_ Nlin. piibl. M. Van den Eynde de Rivieren, substitut de l'auditeur général. - Pl. M. Dautrebande.

COUR D'APPEL DE BRUXELLES

26 février 1945

RESPONSABILITÉ. - LOI SUR LES ACCIDENTS DlJ TRAVAIL. - OUVRIER BLESSANT .VOLONTAIREl\ŒNT UN DE SES COMPAGNONS DE TRAVAIL. - RESPON­SABILITÉ DU DROIT COJ\IMUN. - LI­MITES. DOMMAGE NON RÉPARÉ CO.MJ\IE ACCIDENT DE TRAVAIL.

La loi di~ 24 décembre 1903 sii1' les acci­dents cfo · travail n'a pas wppri?né la responsabilité civile dii droit conùnun en matiere de crùnes et de délits, à laqiwlle reste soimiis, quant à la partie cfo cloniniage 1w1i réparée en exéciit·ion de la prédite loi', l'ouvrier oii le prépose cfo chef d' ent·reprise qni, dans l' exéw­tion de son trnvail, tiie oii blesse im de ses compagnons.

. (MINISTÈRE PUBLIC ET SANDRAP, C. BES IN.}

ARRÊT.

Attendu que les appels ne tendent qu'à la réformation du jugement a qiio en ce qui concerne les intérêts civils;

I. Sur la recevabilité de la partie civile :

Attendu que la seule question que pose utilement le débat est celle de savoir si, en admettant que la partie civile fût assujettie à la loi du 24 décembre 1903, celle-ci ferait obstacle à la recevabilité de son action telle qu'elle est délimitée par la demande ;

Qu'en effet dans l'hypothèse contraire, la partie civile est manifestement rece-

Page 16: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

16 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

vable puisqu'elle n'appal'aîtrait alors que comme un tiers ordinaire relevant du droit commun ;

Attendu que le prévenu prétend que . les faits dont réparation est demandée se seraient passés au cours de l'exécution du contrat de travail et qu'en consé­quence la partie civile n'aurait droit qu'aux indemnités forfaitaires édictées par la loi du 24 décembre 1903 sur les accidents de travail;

Qu'il invôque à l'appui de son sou­tènement les arrêts de cassation des 30 juin et 8 décembre 1913 ;

Attendu ·que par son anêt du 23 mai 1935, la cour de cassation modifie cette jurisprudence, qui créait une classe, de délinquants privilégiés en permettant aux ouvriers ou préposés du chef d'en­treprise de frapper, blesser ou tuer l'ouvrier travaillant avec eux sans en­courir d'e ce chef aucune responsabilité civile ;

Que se fondant tant sur les travaux préparatoires que sur les débats parle­mentaires lors du vote de la loi, elle déclara que la législation nouvel.le sur les accidents de travail n'avait nulle­ment abrogé la responsabilité civile du droit commun en matière de crimes et de délits, à laquelle reste soumis qua11t à la partie du dommage non réparée par la loi de 1903 l'ouvrier ou le préposé du chef d'entreprise qui, dans· l'exécution de son travail, tue ou blesse un de ses compagnons ; ·

Attendu qu'à bon droit le premier juge .s'est rallié à cette jurisprudence plus conforme à l'équité;

Attendu. que le prévenu tente vaine­ment de déduire du texte du § 3 de l'article 21 de la loi du 24 décembre 1903, que la partie civile ne peut se prévaloir des règles du droit c.ommun qu'à l'égard des personnes autres que le chef d'entre­prise ou ses ouvriers et préposés, donc ne le pourrait en l'espèce envers hü, qui est un ouvrier du chef d'entreprise ;

Attendu en effet que la disposition invoquée n'a nullement le sens que lui donne le prévenu ; que ses premiers mots. en précisent la portée « indépen·damment de l'action résultant de la présente loi )) ;

Que le législateur, envisageant ·la situation juridique nouvelle que Cl'éait 12. loi en établissant l'action forfaitaire quand le dommage était dù à la faute du patron, de l'ouvrier Ol1i à une cause inconnue, a voulu marquer expressé­ment qu'inclépendainrnent de cette ac­tion, subsistait l'action de. droit com­mun contre le tiers responsable (que la loi appelle les personnes autres que le chef cl'entl'eprise, ses ouvriers ou pré~ posés), que l'on n'avait aucune raison d'exonérer, afin qu'il fût bien entendu que leur responsabilité fùt maintenue,

mà'.is qu'il n'est nullement question dans ce texte pas plus qu'il n,e le fut lors des travaux parlementaires, d'exonérer de la responsabilité civile l'auteur du fait dommageable ; .. .

II. Sur le fond : (sans intérêt ... ) Par ces motifs, la cour, statuant con­

tradictoirement et rejetant toutes con­clusions plus amples, autres ou con­traires, vu les dispositions légales visées au jugement a qiw et en outre les arti­cles 24 de la loi du 15 juin 1935 et 211 du Code d'instruction criminelle, rap­pelés à l'audience 1rnr M. le président, dit les appels recevables mais non fondés, en conséquence, dit la partie civile rece­vable ··à tous égards· et fondée en son action dans les limites admises par le premier juge; confirme le jugement entre­pris; condamne le prévenu aux dépens d'appel tant envers la partie publique, taxés à 23'1 francs, 'qu'envers la partie civile; dit que les frais d'appel dus à la partie civile seront récupérables par la voie de la contrainte par corps. dont la durée a été fixée par le premier juge.

Du 26 février 1945. - -Cour de Bru­xelles. - 9e ch. - Prés. M. Desoil, con­seiller faisant fonctions de président. ::__ l\!Iin. pitbl. baron E. Verhaegen( avocat g'énéral. Pl. MM. Romheaux et Seghin.

COUR D'APPEL DE BRUXELLES

2 juin 1944

ACTION PUBLIQUE. - INFRACTION COMMISE EN BELGIQUE PAR UN ÉTRAN­GER. - DÉNONCIATION A L'AUTORITÉ ÉTRANGÈRE. - PRÉVENU CONDAMNÉ A L'ÉTRANGER ET Y ·AYANT SUBI SA PEINE. - ACTION PUBLIQUE EXERCÉE ULTÉRIEUREMENT EN BELGIQUE EN RAISON DES lYIÊi\IES FAITS. - RECEVA­BILITÉ.

En dénonçant des faits constitutifs d'in­fraction à l'autorité étrnn gère, le 1m:nü­tère pitblic ne renonce, ni e;cplicitenient, ni ·irnplic'Ïtenient, à poitrsg1:vre leitrs auteiirs devant les jiwidictions nat1:0-nales, en répara.t'ion dit .. l'l'ottble. apporté à l'9rdre public belge, pas pl·us qn'il n'est en son poiivoir de déléguer l'ëxer­cice de ces poursitites à ime autre cmto-rùé. ·

Cette dénonciation est tellement dütincte de !:'action répress·1'.ve, dont le niinistère public a la charge, qit'elle peitt cwofr lieii alors que les faits ont déjà été ,iiigés en Belg·iqit.e et qiie cette action y est épidsée.

La dénonciation à l' cmtorité étrangère ne fait 1ws obstacle à l'exercice de l' act·ion pitbliq·ue en Belgiqiie, même si le pré-

Page 17: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 17

venu a été condaniné à l' étran ge'I' en raison des faits dénoncés et a siibi sa peine.

(ROLANDE ABONNEAU.)

ARRÊT.

Vu l'ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de première instance séant à Bruxelles, en date du 10 mai 1944, disant qu'il n'y a pas lieu au maintien de la détention de l'inculpée et que celle-ci sera immédiatement mise en liberté si elle n'est détenue pour autre cause; ' Vu l'appel interjeté contre cette ordon­nance par M. le procureur du roi à Bru­xelles, en date du 10 mai 1944 ;,

Attendu que cet appel est régulier en la forme;

Vu l'interrogatoire de l'inculpée en langue française, en date du 5 mai 1944;

Attendu que l'ordonnance entreprise refuse de confirmer le mandat d'arrêt en raison de ce que l'action publique serait irrecevable, motif pris de ce que les faits. dont la prévenue est inculpée auraient été dénoncés aux autorités judiciaires françaises à l'initiative du/ procureur général près cette cour et qu'à la Stlite de cette dénonciation la prévenue aurait été poursuivie en France et condamnée à une peir:e d'emprisoyrnement qu'elle aurait subie; i

Attendu que, a souveraineté étant territoriale, les décisions des tribunaux étrangers n'ont en Belgique, sauf les exceptions limitativement admises par l'article 13 de la loi du 17 avril 1878, au cas où les faits délictueux ont été commis hors du territoire du royaume - ni l'au­torité ni les effets qui s'attachent à la chose jugée et n'y font pas obstacle à de nouvelles poursuites en raison des mêmes faits (SERVAIS, Rev. de droit belge, t. Jer, p. 603 et 6_05; H'AUS, n° 1271~et la note 4; B RAA s, Traité élénientaire d' inst1'uction criminelle, p. 56; ScHUIND et GAILLY, t. II, p. 84, n° 5; Pand. belges, v° Chose jiigée en matière criminelle, nos 118 et suiv. ; Répert. prat. du droi.t belge, v° Chose jitgée, nos 76 à 78; cass., 31 octobre 1859, PASIC., 1860, I, 166; 16 décembre 1919, 1:bid., 1920, I, 10 ; 20 mars 1944 en cause Hintjes ; Bruxelles, 3 juillet 1914, Belg. jiid., 1919, col. 657 ; ch. des mises en ace. Bruxelles, 9 juillet 1942, en cause Cataire) ;

Attendu qu'il n'en est pas autrement lorsque le ministère public a dénoncé les faits à l'autorité étrangère et que celle-ci a donné suite à la dénonciation ;

Que Faction publique, librement in­tentée par cette autorité, n'est assuré­ment pas l'action publique belge, mais une action distincte trouvant sa cause dans le préjudice particulier occasionné à l'ordre public de ce pays et ayant pour objet l'application de sa loi pénale (TRA-

VERS, Le droit pénal international, n°1544 ;1 Bruxelles, 23 novembre 1861, PASIC., 1862, 2, 409);

Qu'en dénonçant les faits, le minis~ tère public, qui n'a pas la disposition de l'action répressive, ne saurait renoncer ni explicitement, ni implicitement à poursuivre leurs auteurs devant les juri­dictions nationales. en réparation du trouble apporté à l'ordre public belge, pas plus· qu'il n'est en son pouvoir de déléguer( l'exercice de ces poursuites à une autre autorité ; -

Que cette dénonciation est tellement distincte .de l'action répressive, ,dont le· Ministère public a la charge, qu'elle peut avoir lieu alors que les faits ont déjà été jugés en Belgique et que cette action y est épuisée ;

Attendu que les faits dont la prévenue est actuellement inculpée n'ont, au de­meurant, nullement eté dénoncés aux autorités judiciaires françaises et que le département de la justice s'est borné à transmettre à ces autorités deux com­missions rogatoires par lesquelles le magistrat instructeur leur donnait délé­gation aux fins de procéder, en ses lieu et place, à certains devoirs d'instruction ;

Attendu que, fût-il constant que la prévenue a été condamnée en France, en raison des mêmes faits, à une peine de trois mois d'emprisonnement, qu'elle aurait subie, ainsi qu'elle le prétend, l'action publique n'en resterait pas moins recevable, sauf à avoir, éventuellement, tel égard que de raison à cette détention dans l'exécution de la peine ; 1

Attendu que Jes motifs du mandat d'arrêt sont fondés et subsistent;

Vu les articles 1er, 4, 19 et 20 de la loi du 20 avril 1874, 11 à 13, 16, 24, 31 à 37 et 4'1 de la loi du 15 juin 1935;

Requiert qu'il plaise à la cour, cham­bre des mises en accusation, recevoir l'appel et, statuant à l'unanimité, le déclarer fondé, mettre à néant l'ordon­nance dont appel, <Confirmer le manda{ d'arrêt décerné à charge de l'inculpée, le 5 mai 1944, par M. le juge d'instruc­tion de Bruxelles, du chef d'émission de faux billets de ,banque qu'elle s'est pro­curés avec connaissance ;

Fait à Bruxelles, au parquet général, le 22 mai t 944,

Pour le procureur général, (Signé) MAHAUX.

Entendu l'inculpée en ses moyens, développés par Me Remacle, avocat;

Vu les dispositions du Code d'instruc­tion criminelle sur les mises en accusa­tion et statuant' de conformité, ]a cour' chambre des mises en accusation, ayant délibéré, donne acte au ministère public de ses réquisitions et adoptant les motifs y énoncés;

Page 18: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

18 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

Vu les articles 1er, 4, 19 et 20 de la loi ·du 20 avril 1874, 11 à 13, 16, 24, 31 à 37 et 41 de la loi du 15 juin 1935, la cour, statuarlt à l'unanimité, reçoit l'appel, le déclare fondé, met à néant l'ordon­nance dont appel; confirme le mandat d'arrêt décerné à charge. de l'inculpée, le 5 rriai 1944, par M. le juge d'instruc­tion de Bruxelles, du chef d'émission de faux billets de banque qu'elle s'est pro­curés avec connaissat1ce ; il a été fait usage uniquement de la langue française.

Du 2 juin 1944. - Cour de Bruxelles. - Chambre des mises en accusation. -P1'és. M. Van der Heyde, président. -Min. pilbl. M. Mahaux, substitut du procureur général. - Pl. M. M. ~emacle.

COUR D'APPEL DE GAND

30 sept~lllbre 1943

"1° ORDRE ENTRE CRÉANCIERS. CONTESTATION. ,- DEMANDE DE RÉ­DUÇTION. - RECEVABILITÉ EN APPEL.

2° OBLIGATIONS. - OBLIGATION SOLI­DAIRE. - DROITS DU CRÉANCIER. -R.EiVIISE DE LA DETTE A L'UN DES DÉBI­TEURS. - TRANSACTION. - ARTI­CLE 2051 DU CODE CIVIL. - lNAPPLI­CA,BILITÉ. ~ CLAUSE D'INDIVISIBILITÉ. - EFFETS ENTHE DÉBITEURS. - RE­MISE DE DETTE A L'UN DES DÉBITEURS. - CALCUL DE LA PART A DÉDUIRE (AHT. 1285 DU CODE CIVIL). - PART CONTRIBUTIVE PAR P.APPORT AU CHÉAN­CIER. - PART VIRILE, SAUF PREUVE CON.TRAIRE.

'l 0 Le créa:ncùr hypothécaire 1'.nscrit en second 1'ang est recevable à postiiler en degré d'appel la réditclfon de la créance procliiite par le créanci.e1· inscrit en vremier rang, cette prétention consti­tirnnt, non ilne demande rioitvelle oii im appel incùlent, ·rda'is i1.ne déf ensP noil­

velle opposée à la âenwncle de colloca­t·z:on dii créanc1'.er' prem·iéi' inscrit.

2° L'art·icle :l216 dii Code civû concerne exclu.sivement les rapports des débitem·s. solidœires entre eu.x et ne 11wdi fie en ri:en les droits du créancier dans ses rapports avec les codébùe·wrs, tels qiie ces droits sont déterniinés par l' m·ticle :f 285 cfo Code civil.

La règle consacrée par l'art·icle 2051 du Code civil cesse d'être applicable qiiancl elle est en conffü avec les ·règles orga­m:ques des obligations i:iolùlaires; elle ne peilt donc fcâre échec à l' àpplication de l' al·inéa 2 de l'article .:f 285 dit. Code c·i·vi.l, car il n'appartient pas à qi1.elqnes­iLnes des parties qiti ont SO'llSC'l'Ït 'Un engagement solidaire de mocl1>fier, fût-ce sous le coiivert d'ime transaction. concliie

entre elles, cm détriment des aiitres J)(tr­ties, et sans. leiir consente11ient, les droùs qiie le régùne lfgal de la. solidarité pas­sive niénage, à chacwn des coobl·igés solidaires.

L'adjonction de la clcw.se d'indiv1:s1:bûùé à celle de la sol·idarité :n'a 1rn.s poitr e ff'et d'affaiblir les garanties établies par la loi en faveur de chacun des codébüei1:rs solidaires.

En 1Jrescrivant dans l'article 1285 dil Code âvil la déductiori cfo la part dil débitrnr libé1·é, sans cmt1·e précision ni quali­fication, le législateil1' s'est_ 1·éfé1·é, 1wur la détermination de cette part, ai1. dro·it commun, siiivant leqiiel l'obligcf.t·ion contractée solidairenient envers le c'l'éan­cier se dùiise de plein drnit entre les débiteiws. En conséqilence, le c1·iancier qui a consenti une ·remise . de dette à l'im des débiteurs solidaires do 1it 1'éd1.1.1:re sa créance de la part virile de ce débi:­teiw, ét non de sa part dans la cont1·1:b11-tfon à la dette, les arrnngenients part1:­culiers qiLi cmraient été conclus entre les codébiteil1'S, et auxqiiels le créancier est denieiiré étranger, ne poi1.vant êt1'e i ni10-

qii~s par lu.i ni lit.i être opvosés. En admettant même qiie la part à déçl11,?°J·e

par le créa:1wù1· en vértii de l'a1·ticle 1285 d·u Code civil soit la part contributi·ve, enc01·e est-il certain qu.e, par rappo'rt an créancier, les coclébitem's solùlaires doi­vent être considérés' saiif prei1.ve con­traire, comme étant tenits de la dette, les ims vis-à-vfa des aiitres, chaciin 110iir ime part VÙ"z'.le.

(SOCIÉTÉ BELGE DE CRÉDIT MAHITJllIE, C. CHÉDIT FONCIER D'ALGÉHIE ET DE" TUNISIE ET CONSORTS.)

ARRÊT.

Vu l'arrêt Cle .renvoi du 18 septem­bre 1%1 (1);

Ouï les parties de Me He])helynck et Crnyt en leurs moyens et conclusions ;

Attendu que les parties Société ano­nyme Agence maritime Van Hemell'ijck, Ackers, Van Schoonbeke et Caisse de secours. et de prévoyance, quoiqu\:) dù­ment réassignées, n'ont pas cons,tii.ué avoué;

Vu les pièces; . Attendu que le seul point qui demeure

en litige est la détermination du montant de la créance pour laquelle l'appelanLe, là Société belge de crédit nrnritime, créancière hypothécaire première inscrite, peut être colloquée en premier rang dans la procédure d'ordre consécutive à la vente du s'. s. Sierra Blanca; '

Que les débats sont limités au seul point de savoir si les anangements con-

(1) PASIC., 1941, I, 343.

Page 19: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 19

·clus entre la créancière et trois de ses coobligés solidaires peuvent avoir une répercussion sur la créance produite ;

Sur la recevabilité du moyen opposé en appel par l'intimée, Société de crédit foncier d'Algérie et de Tunisie, créan­cière hypothécaire .seconde inscrite, et tendant à la réduction de la créance d'un montant de 7 .200.000 francs :

Attendu que l'appelante conteste que la dite intimée soit recevable à soutenir devant la cour que le principal de la créance susvis~e doive être réduit du montant précité, par suite des remises de <let.te consenties. par la créancière à trois de ses codébiteurs solidaires, les sieurs Seghers, Nagelmaeckers et Bessonneau;

Qu'à l'appui de cette. contestation l'appelante se prévaut de ce que le jugement dont appel a fait droit aux conclusions· de l'intimée en décidant que la créance de l'appelante, d'un montant de 14.996.5,±0 fr. 3·0 plus les intérêts, serait réduite cl'une somme de 2.354.044 fr. 56, montant des payements e.ffectivemBilt reçus des dits obligés soli­daires;

Attendu qu'à tort l'appelante sou­tient que la demande de réduction de 7.200.000 francs postulée devant la cour, constitue un appel Ïllèident, qui n'est pas recevable à défaut d'intérêt, le jugement querellé ayant été rendu sur ce point conformément aux conclusi01\s prises en première instan.ce par la So.ciété de Crédit foncier d'Algérie et de 'Tunisif?;

Qu'en effet, la prétention émise en deg1·é d'appel par la dite société tend eh réalité à faire admettre l'extinction par­tielle de la créance produite par l'appe­lante; que cette prétention constitue une défense nouvelle, O})posée à la de-

1

mande de collocation de l'appelante; Que pareille défense peut être opposée

pour la p1·emièTe fois en degré d'appel, en tout état de la cause;

Que, dè3 lors, l'appelante est mal fondée à vouloir faire application en l'espèce des principes régissant l'intro­duction et la recevabilité des appels inci­dents et des demandes nouvelle.s;

Au fond : Quant à la nature de l'engagement des

trois coobligés solidaires Seghers, Nagel­maeckers et Bessonneau :

Attendu qu'en ordre principal, l'ap­j)elan te, afm d'éluder l'application de l'alinéa 2 de l'article 1285 du Code civil, prétend que les .trois coobligés susvisés, qui ont obtenu remise de leur dette moyennant éertains payements partiels,. n:étaient pas des codébiteurs solidaires, mais bien des cautions solidaires de la dette contractée par la Société trans­océanique de transports ;

Que cette prétention est en contradic­tion aveè l'arrêt <Je la cour de Bruxelles

i

du 14 juin 1939, qui a admis que les coobligés do.nt il s'agit s'étaient engagés au titre de codébiteurs solidaires et non au titre de cautions;

Que vainement l'appelante soutient que l'arrêt précité n'a pas décidé, dans son dispositif, que ces personnes étaient des codébiteurs solidaires ;

Qu'il résulte des con~lusions des parties devant la cour de Bruxelles que celle-ci a été appelée à juger si les coobligés de la Société . trnnsocéanique . de transports étaient ou non des codébiteurs solidaires;

Que du rapprochement des motifs et du dispositif de l'arrêt, il appert que la cour d'appel de B.ruxelle's a vidé cette contestation en admettant que les co­obligés étaient tenus comme codébiteurs solidaires et non comme cautions soli-

_daires; ' Attendu que le dit arrêt n'a pas été

entrepris de ce chef; qu'il a été attaqué par un moyen considérant comme ac­quise la qualité de codébiteur solidàire des coobligés et qu'il n'a été cassé que partie.llement, en tant seulement qu'il avait autorisé, en violation de l'arti­cle 1285 du Code civil, la Société belge de crédit maritime à répéter la' dette sans la réduire du montant des i'>arts des trois codébiteurs solidaires déchargés de leurs obligations, soit des trois cinquièmes de la dette ;

Que la 'cause ayant été ainsi délimitée par l'arrêt de renvoi il s'ensuit que le surplus de l'arrêt de la cour de Bruxelle~,, notamment la partie de cette clécisio11 qui a reconnu aux trois coobligés précités la qualité de codébiteurs solidaires, subsiste, et a acquis force de chose jugée; que, dès lors, il est interdit à l'appelante de contester cette qualité devant la juri­diction de renvoi ; , ,

. Attendu, a'u surplus, ,que tout aussi vainement l'appelante objecte à l'appui de sa prétention, gue les codébiteurs Seghers, Nagelmaeciœrs et Bessonneau ren tl'ent dans la catégorie des 'codébi­teurs dont traite l'article 12'16 du Code civil; qu'elle allègue que l'affaire pour laquelle la dette a été contractée soli­dafrement ne· concernait que l'un des clébiteuf·s solidaires, savoir~ la Société Transocéanique, et que celle-ci était seule tenue- de la totalité de la dette vis-à-vis des autres codébiteurs, qui, eux, ne peuvent être considérés par rapport à elle que comme des cautions ;

Attendu que l'article 12'16 du Code civil concerne exclusivement les rapports des débiteurs soliclah·es entre eux, et 118 modifie en rien les droits du créancier clans ses rapports avec les codébiteurs, tels que ces droits sont déterminés par l'article 1285 du Code civil; ·

Que, partant, les conditions prévues par l'art1cle 1285 du Code civil, sont

Page 20: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

20 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

réunies, et que, contrairement à la pré­tention de l'appelante, il .r:i'Y a pas lieu de faire application de la· disposition de l'alinéa 2 d\'l l'article 1287 du Code civil, relative aux cautions ;

Attendu qu'en ordre subsidiaire, )'ap­pelante soutient que les conventions conclues avec les sieurs Seghers, Nagel­maeckers et Bessonneau sont des tran­sactions, et que l'alinéa 2 de l'article 1285 du Code civil ne leur est pas applicable, vu l'article 2051 du Code civil qui dispose que la transaction. faite par l'un des inté­ressés ne lie point les autres intéressés et ne peut être opposée par .eux ; .

Attendu que la règle consacrée par l'article 2051 du Code civil cesse d'être applicable quand elle est en conflit avec les règles organiques des obligations soli­daires; qu'elle ne peut. donc faire échec à l'application de l'alinéa, 2 de l'arti­cle 1285 du Codq civil;

Qu'en effet, il n'appartient pas à quel­ques-unes des parties ayant souscrit un engagement solidaire de modifier, fût-ce sous -le couvert d'une transaction con­clue entre elles, au détriment des autres parties et sans leur consentement, les droits que le régime légal de la solidarité passive ménage à chacun des coobligés solidaires ; · ·

Attendu, enfin, que l'adjonction de la clause d'indivisibilité à celle Q.e la soli­darité n'a pas davantage pour effet 'd'af­f<1iblir les garanties établies par la loi en faveur de chacun . des codébiteurs soli­daires;

Quant à la réduction de· la créance, à effectuer en conséquence des remisés de dette consenties à trois des codébiteurs solidaires : ,

Attendu que l'appelante conteste que le montant de la créance pour laquelle elle peut être colloquée en premier rang d'hypothèque, doive être réduit des trois cinquièmes de la créance, soit de la somme des parts viriles des trois codébi­teurs solidaires auxquels la remise de la dette a été consentie ;

Que l'appelante prétend que le mot << part ?> dans l'alinéa 2. de l'article 1285 du Code civil désigne; non p,oint la part virile· des codébiteurs solidaires,. mai" bien l'intérêt qu'ils ont dans l'affaire pour laquelle la dette a été ,con tractée, c'est-à-dire la part réelle dont il doit être tenu compte pom régler la contribution des débiteurs de la dette ; 1

Att~ndu que cette prétention ne trouve aucun appui dans le texte de l'article 1285 du Code civil;

Que rien ne permet d'attribuer au mot « part l> dans cet article un sens autre que ceJui qu'il a dans l'article 1213 du Code civil, Qù l'on admet que la part est la même pour chacun des codébiteurs soli­daires, pour le motif que ceux dont 10

part eùt été moindre auraient eu soiri de le décl0rer au contrat;

Qu'en prescrivant dans l'article 1285 du Code civil la déduction de la part du débiteur libéré,' sans autre précision ni qualification, le législateur s.'est référé , au droit commun pour la détermination de la dite part ;

Qu'il est de droit que ]'obligation con­tractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entreles débiteurs;.

Que, d'autre part, les arrangements particuliers qui peuvent avoir été con­clus entre ces derniers, et auxquels fo créancier est demeuré . étranger, ne peu­vent être invoqués par lui ni lui être opposés;

Que, d'ailleurs, en admettant même· que la part à déduire par le créancier. en vertu de l'article 1285 du Code civil est la part contributive, encore faudrait-il qu'il soit établi qu'en fait les codébiteurs auxquels la remise fut accordée, étaient sans intérêt dans l'affaire pour laquelle la dette a été contractée ou qu'une répar­tition inégale dè la dette était stipulée entre les coobligés ;

Qu'en e.ffet, par rapport au créancier, les codébiteurs solidaires doivent être considérés, sauf preuve contraire, comme étant tenus de la dette, les uns vis-à-vis des autres chacun pour une part virile ;

Attendu que, dans l'espèce, pareille preuve contraire n'est pas fournie;

Que l'appelante, demanderesse en col­location, reste en défaut d'établir l'exis­tence de faits et circonstances ou de sti­pulations de naturè à justifier sa préten­tion de réduire, au préjudice des codé­biteurs non libérés, les parts des autres débiteurs auxquels elle a consenti la remi.se de la dette ;

Que, dès lors, la part de chacun de ces derniers doit, à régard de la créancière, être déterminée par le droit commun, et partant fixée à une part virile ;

Qu'il échet d'autant plus d'en décider ainsi que l'appelante, d'après les élé­me'nts de la cause, entendait bien que ses cinq codébiteurs fussent engagés au titre de codébiteurs solidaires, et que, par rapport à elle, aucun d'eux ne pùt être considél'é comme caution au sens de l'article 1216 du Code civil;

Que, de plus, il n'est pas prouvé que les codébiteurs libérés, qui étaient tous trois administrateurs de la codébitrice Société anonyme transocéanique de trans­ports, n'ont pas, en souscrivant l'enga-. gement litigieux, poursuivi un intérêt personnel et ne se sont pas personnelle­ment engagés en raison de cet intérêt ; ·

Qu'il s'ensuit que l'on ne peut accueillir le soutènement de l'appelante aux termes duquel sa créance devrait être reduite~ non des trois cinquièmes, mais seulement ' à Qoncurrence Cles sommes qu'elle a effec-

Page 21: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 21

Hvement reçues des trois codébiteurs solidaires qu'elle a libérés ;

Attendu que, par une disposition de l'arrêt de la cour de Bruxelles du 14 juin 19,S9, passée en force de chose jugée, les intimés Gatte q. q., le Crédit français et la société Banque Varin-Ber­nier ont été déclarés forclos par applica­tion de l'article 756 du Code de procé­dure civile ;

Que, par suite .de cette forclusion l'ap­pelante est fondée à contester la receva­bilité des conclusions prises par les dits intimés pour adhérer aux conclusions de la société Crédit foncier d' Algérte et de Tunisie; · . ' Que, toutefois, l'on ne peut faire grief à celle-ci d'avoir mis en cause devant la cour de renvoi les 1di.ts intimés ainsi que les créanciers privilégiés, qui tous de­meurent parties intéressées à la procé­dure d'ordre ;

Par ces motifs, la cour, vu l'article 68 dè la loi du 15 juin 1935, ouï l'avis .con­forme de M. le premier avocat général de Bie; statuant par arrêt réputé con­tradictoire à l'égard de toutes les parties; écartant comme non recevables les con­clusions prises par les intimés Gatte q. q., Crédit français et Banque Varin-Bernier, et comme non fondées toutes conclusions contraires et toutes autres exceptions de fion-recevabilité, statuant sur le mérite de l'appel du 29 août 1936 du jugement du tribunal d'Anvers du 13 juillet 1936, dans la mesure où la cour de cassation en a saisi la cour de renvoi, et notamment sur le seul point resté en litige, savoir la 'détermination du montant pour lequel la créance de l'appelante peut être collo­quée eu égard aux remises de dette con­senties à trois des codébiteul's solidaires ; dit pour. droit : que par application des articles 1213 et 1285, alinéa 2, du Code civil, la créance de l'appelante s'élevant en principal, à l'origine, à 12 millions de francs, s'est trouvée réduite, par l'effet des remises de dette consenties aux co­débiteurs solidaires Seghe1's, N agelmaec­kers et Be~sonneau, à 9.600.000 francs le 27 janvier 1922, à 7 .. 200.000 francs le 29 janvier 1925, à 4.800.000 francs le 9 mars 1928; que l'appelante ne peut plus être colloquée que pour ce montant. de 4.800.000 francs, et que les intérêts éventuels sur sa créance ne pourront être calculés qu'en tenant compte des époques et des montants de_ ces réduc­tions successives ; ordonne que pour le règlement définitif, à dresser pàr le ma­gistrat qui sera désigné à cet effet par M. le président du tribunal de première instance d'Anvers, en exécution de l'arrêt de la

1cour de Bruxelles du 14 juin 1939,

ainsi qu'en exécution de la présente déci­sion, il ·séra tenu compte des bases et des données, telles que celles-ci ont été modi-

fiées ci-dessus; condamne l'appelante aux dépens d'appel sur lesquels il n'a pas été statué; ordonne la distraction des dépens au profft de Me Cruyt, avoué, qui déclare avoir fait l'avance de la majeure partie des dépens.

Du 30 septembre 1943. - Cour de Gand. - ire et 2e chambres civil.es réunitis. - Prés. M. Jouret, conseiller faisant fonctions de premier président. - Min. publ. M. de Bie, premier avocat général. - Pl. MM René Marcq, Maurice Hermans .(tous deux du barreau de cassa­tion), Eugène Van den Bosch (du barreau d'Anvers), . Henri Simont (du barreau de ,cassation)· et J. Van Ryn (du barreau de Bruxelles).

COUR D'APPEL DE BRUXELLES

16 février 1944

1° FAILLITE. - CONCORDAT PRÉVEN­TIF DE LA, F.AILLITE. -:-- ACTIONS JUDI­CIAIRES. - RECEVA,BILITÉ.

2° SOCIETÉ. - SOCIÉTÉ EN COMMAN­DITE SIMPLE. - COMMANDITAIRE. -ACTION DES TIERS. - RECEVABILITÉ ..

1 o Le débitem· concordatade co1iserve . la propriété et l'administration de ses biens , et n'est point p1·ivé de sa capacité jiwi­dique.

C'est en sbn nom que doivent être inten­tées les actions judiciaires qui le con­cernent;

Le liquidatwr désigné JJOur liqiiide'I' et réaliser l'actif dii. débiteiir est dès lors sans qiuilité pou1· agfr en justice co1nme représentant dit débitenr con­cordataire ( 1).

2° Le bénéfice de l'action préviw contre les com11uind'Îtafres par l' m·ticle 21 des lois coordonnées sur les sociétés est réservé cm,'C tiers créancie1·s de la soc·iété et non point aux associés.

Le ciirateur a la succession vacante de l'associé conimtmdité n'est donc pas recevable à l'ùitenter.

L'action dii. tiers créancier contre le corn­manditaire ne peiit être e.'Cercée par liâ dans son propre intirêt et à son singiilie1' pro fit. , ,~ ·

Sa demande ne pwt tendre qii' à faire rentrer dans la masse sociale cm p1·0 fit de toiis les créanciers, les sommes qui, selon liii, en sont sorties (2).

(1) Outre les références citées à l'arrêt,. voyez Révm·t. prat. du droit belge, v° Con­cordat vréventif de la faillite, n°8 416 et suiv ..

(2) Voy. sur cette question comm. Bru­xelles, 14 juillet 1937, Rev. p1·at. soc., 1938,. n° 3761 et la note d'observations.

Page 22: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

,(JULES DETOIT, C. JULES WILlVIUS ET LA . SOCIÉTÉ ANONYME 'FILATURE DE LAINES

PEIGNÉES.)

ARRÊT.

Attendu que les faits de la cause peuvent se. resume:r comme suit :

Sous la date du 2? mars 1930 fut con­sÙtuée entre : 1° Lucien Canon; 2° Jules Detoit tous deux demeurant à Quevau­camps: et 3° Jules Wilmus, de~rnur::i.nt à ,Belœil une société en commandite simple sous l~ x·aison sociale : «Lucien Canon et C0 >>;

Par convention 'du 31 juillet 1933 entre ces assoçiés l'un des commanditaires, ,Jules Detoit, renonça à sa participation (B0.000 fr.) et la céda à ses coassociés pour la somme de ~40.000 francs,, en ce compris le montant de deux creances, d'un import total de 18.500 francs -sur la société « Lucien Canon et C0 >> ;

Canon et V\Tilmus s'engageaient per­sonnellement et solidairement à payer le prix de cette cession en versements échelonnés ; Detoit reconnaît qu'à ce jour il a touché 25.000 francs; .

Le 2 7 mai 193 7 sur la de man de de la société « L. Canon et C0 ll, un concordat préventif lui fut cons.ent~ ;, le tribunal .d~ commerce d~ Tourn m design a en quahte de liquidatem Me Frison" avo:a~-avoué à Tournai « avec pouvou general de liquider et 'réaliser .l'actif du débiteur J> ;

L. Canon étant décédé le H novem­bre 1937 et ses héritiers ayant renoncé à sa succesiOion, c'est Me Frison qui est désigné comme curateur de sa Eucces­sion vacante ;

ALLendu qu'agissant en la double qualité -de ci - devant liquidateur du concordat de la société L. Canon et co et de curateur à la succession vacante de Lucien Canon, Me Frison et « pom autant que de bes~in >>la s.oci~té anonyme Filatures de lames pe1gnees ont fait donner assignation à l'appelant

exploit enregistré du 20 septem-1939 aux fins d'entendre dire que la

converition cfo 31 juillet 1933 est inexis­tante au regard des tiers, et de s'entendre condamner à restituer au premier requé­rant (Me Frison, la somme de 40.000 fr. réduite en conclusions à celle de 25.000 fr., avec les intérêts· C'ompensatoires depuis

. le jour· qu'il a to~1ché, ou ~out au n~?ins subsidiairement a payer a la deuxieme requérante (S. A. Filatures des laines peig'nées) la somme de 22.028 fr. 20 dont elle ::"e dit créancière à l'égard de la société L ... Canon et C0 ;

Attendu que par exploit enregistré du 25 septembre 1939 l'appelant, défm,1d~ur origii1aire, a fait appeler vVilmus, en mt.er­vention ou tout au moins en declarat10n de jugement commun ;

Sur la recevabilité de l'action princi-pale : .. .

Attendu qu'à tort le premier juge n'a point jugé utile de statuer sur le moyen de non-recevabilité que l'appelant a opposé à l'action en tant, dit-i~, qu'elle est intentée par Me Frison qu.alitate qirn, et qu'il a d.éclaré' l'action . de la s.oci~té anonyme Filature des lames peignees recevable en prêtant à cette action une fin qu'elle n'avait pas en réali~é, ?o.r~ant ainsi des limites du contrat Jud1cia1re ;

Attendu qu'il est de principe que le déhiteul' concordataire conserve la pro­priété et l'administration de ses biens et n'est pôint privé de sa capacité juridique (FREDERICQ, t. III, p. 762-763; Bru­xelles, 20 février 1932, PASIC., 1932, II, 226);

Qu'en conséquence c'est en son nom que doivent être intentées les actions judiciaires qui le concernent;

Attendu, dès lors, qu'à supposer que sa mission ne fût pas terminée au mo~ ment de l'intentement de l'action, puis~ qu'il se déclare « ci-devant liquidateur >>

Me Frison était sans qualité pour agir en. justice comme représentant la débi­trice concordataire ;

Attendu qu'en sa qualité de curateur à la succession vacante de Lucien Canon, Me Frison n'est pas plus recevable à intenter une action basée sur l'article 21 des lois coordonnées sur les sociétés, le bénéfice de paréille action étant réservé aux tiers créanéiers de la société. et non point aux associés ;

Attendu qu'ainsi qu'il a été ci-dessus rappelé l'exploit introductif d'instance a pour fins de faire condamner Detoit ou à restituer à Me Frison q. q. la somme de 40.000 francs réduite en conclusions à 25.000 francs, ou tout au nioins à payer à la société anonyme Filature des laine~ peignées la somme de 2~.f28 fr. ,20 qm est le montant de sa creance pretend ue et non pas la partie de capital qui a~müt été ristournée illégitimement à Detoit;

Attendu qu'en sa qualité de créancière de la débitrice concordataire la Filature des laines peignées avait s.eu~e le ~roit d'ao'ir contre le commanditan·e qm ne ren~plissait pas ~.es , ob~igations, m_ais qu'elle ne pouvau 1 act10nne1~, ~0:11me elle l'a fait, dans son propre mteret et à son singulier _profit ; que sa demande ne pouvait tendre qu'à faire rentrer dans la masse sociale et au profit de tous les créanciers les sommes qui, selon elles, en sont sorties ; . .

Attendu que, telle qu'ellè est intentée, l'action de la société anonyme Filature des laines peignées n'est donc point non plus .recevable ; . . .

Sur la demande en mtervent10n : Attendu qu'en. l'état de la cause cette

demande apparaît sans objet ;

Page 23: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 23

Attendu que la demande de dom­ïUages-intérêts de vVilmus n'est cepen­dant point justifiée; qu'il y a lieu de faire ·supporter par les parties de Me Du­quesne, demandeul's originaires, les dé­pens de première instance et d'appel entraînés par cette intervention ;

Par ces motifs, la cour, vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935, ouï en audience publique M. l'avocat général Bayot en son avis conforme, écartant toutes con­clusions contraires, reçoit les appels tant principal qu'incident; déclare le pre­mier seul fondé ; en conséquence met le jugement dont appel à néant; émendant et statuant sur l'action principale, dé~ clare non recevable l'action intentée par Me Frison q. q. et par la société anonyme Filatme des laines peignées, les con­damne aux dépens1 des deux instances ; dit la demande en intervention sans objet ; déboute · 1a partie Vlilmus de sa demande de dommages-intérêts; met à charge des parties de Me Duquesne, les dépens de première fostance et d'appel nécessités par la demande en interven-

. tion. Du 16 février 1 %4. - Cour de Bru­

xelles. - 4e ch. - Prés. M. Connar1", pré­sident. - 1\!Iin. publ. M. Bayot, avocat général. - Pl. MM. Alfred Bernard, Doyen et Moens (ce du barreau de Tournai).

COUR D'AP.PEL DE LIÉGE 22 mars 1945

PATERNITÉ ET FILIATION. - DE­MANDE EN DIVORCE. - REQUÊTE INDI­QUANT QUE LES ÉPOUX VIVENT s·É­PARÉS. - DÉSIGNANT LA HÉSIDENCE DE L'ÉPOUSE. - ÜRDONNANCE DU PRÉSIDENT. - CONSTATANT LA co:M­PARUTION ET LA NON~CONCILIATION

DES ÉPOUX. - PERMETTANT LA CON­TINUATION DE LA PROCÉDURE. - RÉ­SIDENCE DE L'ÉPOUSE. - NON EXPRES-

. SÉi\ŒNT DÉSIGNÉE DANS L'AUTORISA­TION. - ORDONNANCE. - IMPLIQUE AUTORISATION A L'ÉPOUSE DE CON­SERVER SON DOMICILE SÉPARÉ. FAIT COURIR LE DÉLAI DE TROIS CENTS JOUHS PRÉVU PAR L'ARTICLE 313, ALINÉA 2 (LOI DU 20 MARS 192'7) DU CODE CIVIL.

Lorsqu.e la reqitête en divorce attri bii.e à· l' époitse 11.ne résidence d1:stincte de celle

· dit rnar1:, l'ordonnance par laquelle le pr.ésùlent du tribitnal civil, en pleine connaissance de la séparation de f a.it des époi1.:c et de . fours résidences dis­tinctes, constate la compa1"1.ttion âes part1:es, la non-reprise de la v·ie comniirne et permet la continirntfon de la 1J,rocéd1ire, ùnpliqiie cmtorisa.tfon à l' époiise à con-

server le don1ùile séparé qu'elle possédcât . ii .ce moment, sans qu'il soit besoin, à

cet effet, d'une désignation expresse de r cette résidence.

Cetie ordonnance f a.it, conséquemment, coiirfr le délai de trois cents .i oiirs, prév11. par l'art1'.cle 313, alinéa. 2, clii' Code ci·vil (modifié pm' la loi clii 20 mars 1927).

(D ... , C. C ... ET R ... )

ARRÊT.

Vu en expédition régulière la décision attaquée;

Attendu que l'appel est rég·ulier en la forme et recevable ;

Atteridu que l'action dictée par l'appe­lant par exploit en date du 11 mars 1944 · tend au désaveu de l'enfant du sexe féminin né de l'intimée C ... le 15 fé­vrier 1944 et ü1sGrit sur les registres de l'état civil de B ... sous les noms de Lau­rette-Madeleine, enfant auquel il a été désigné comme tuteur a.cl hoc l'intimé R ... ;

Attendu que les intimés· n'ont pas con­stitué avoué;

Attendu que c'est à bon droit que le premier juge a repoussé l'action en tant que basét:; sur l'alinéa 1er de l'article 313 du Code civil;

Attendu que s'il est établi par les élé­ments de la cause que l'intimée s'est ren­due coupable d'adultère pendant la pé­riode légale de conception, il n'est point démontré que l'épouse aurait caché la naissance de l'enfant ;

Attendu que les présomptions invo­quées par l'appelant à cet égard ne sont point suffisantes; que les changements de résidence de l'intimée ont pu être réalisés pour d'autres motifs que -ceux de céler sa grossesse ;

Attendu que la requête en divorce attril)uait à la f emrne une séparée savoir à Liége, rue ... ;

·Attendu que c'est à' cette adresse que copie Cj.e l'ordonnance fut, conformément à l'article 238 du Code civH, adressée à l'intimée en vue de comparaître pour la tentative de réconciliation ;

Attendu que les parties au jour indiqué, soit le 1942, un procès-verbal de non-conciliation fut dressé et la poursuite de la procédure autorisée;

Attendu que c_ette ordonnance r.endue

(1). Da.ns le sens cle la. décision rapportée, voy. Bru..-::elles, 29 mars Hl39, PAsrc., Hl3\.J, Il, 117 ; Liége, 12 novembre 1937, P ASIC.,

1938, II, 107 et, e11, matière cle divorce par çon,se11tement inutuel : Bruxelles, 22 avril 1942, PA.SIC., 1942, II, 50. - Voy. confra : PLANIOL et RIPERT, t. II, n° 811 ; AUBRY et RAU, t. IX, n° 545, note 6.2ter.

Page 24: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

24 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE/

en pleine connaissance de la séparation de fait des époux et de leurs résideuç,~s distinctes, a, en constatant la non-reprise de la vie commune et en permettant dans ces conditions la continua.tion de la pro­cédure, autorisé pal' le ,fait même l'inti­mée à avoir le domicile séparé qu'elle possédait à ce moment; qu'une désigna­tion expresse de la résidence de l'épouse s'avérait inutile en l'absence de toute discussion ou contestation '.sur ce point ;

Attendu que cette ordonnance du 1'± février 1942 constitue donc la décision d'où résulte l'autorisation de la femme d'avoir un domicile séparé et dont fait état l'article 313 du Code civil en son alinéa 2; ·

Attendu qu'il est constant par le rap­prochement des dates, 14: février 1942 et 15 février 1944, que l'enfant désavoué est né plus de trois cents jours .après la séparation de fait judiciairement auto­risée des époux ;

Attendu que l'appelant ayant par exploit du 26 février 1944: signifié à l'in­timée le désaveu de l'enfant dont celle-ci s'est accouchée le 15 février précé~en t et les intimés n'ayant point rapporté la preuve d'une réunion de fait entre les époux ni même allégué ce rapprochement, iJ y a lieu de faire droit à la demande de désaveu; ..

Par ces motifs, la cour, ouï le chevalier de Longrée, substitut du procureur géné­ral, en son avis conforme donné en langue française à l'audience publique, donne défaut faute de constituer avoué contre les intimés; ce fait, confirme le jugement entrepris en tant qu'il a repoussé la demande sur la base de J'alinéa 1er de l'article 313 du Code civil; le réformant sur l'application de l'alinéa deuxième du même article, déclare recevable en la forme et justifié au fond le désaveu formé par l'appelant; en conséquence, ordonne que Laurette-Madeleine D ... ne pourra porter le nom de 1'appelant qui n'est pas son père et à .la famille duquel. elle ne peut appartenir; ordonne que le présenL arrêt sera transcrit sur les registres cou­rants de l'état civil de B ... par l'officier de l'état civil compétent aussitôt que l'expédition lui en aura été remise. et que mention en sera faite en marge de l'acte de naissance , du 15 février 1944 ainsi qu'aux tables; condamne les intimés aux dépens des deux instances.

Du 22 mars 1945. - Cour de Liége -1 re ch. -- Prés. M. Goossens, président.

NI.in. publ. M. de Longrée, substitut du procureur général. - Pl. M. Georges Hody: ·

COUR D'APPEL DE BRUXELLE/:.\

13 avril 1945

PROSTITUTION. - ARRÊTÉ DU 3 JAN­VIER 1941. ~ MODIFIE DES DISPOSI­TIONS ~ LA LOI COMMUNALE. - CoN: SÉQUENCE : NULLITÉ ABSOLUE.

L'a1Têté ·du 3 janvier 1941 revisant Pl coordonnant les dispositions relatives à la prost-itiition déroge à l'article 96· de la loi co1nmitnalo, et en modifie les dispo­sitions tant en ce qui concerne la régle­mentatiori qit' en ce qui concerne les sanctions.

Cet arrêté est conséqitemment frappé de niûlité absolue par t' arrêté-loi du 5 n'iœi 1944, article 1er, A, 1 o.

.· (T ... )

ARRÊT.

... Attendu que l'a:urêté du 3 janvier 1941 revisant et coordonnant Jes disposi­tions relatives à la prostitution, déroge à l'article 96 de la loi communale et en modifie les dispositions tant en ce qui conc~rne la réglementation qu'en ce· qui concerne les sanctions ;

Qu'il s'ensuit que cet arrêté est frappé de nullité absolue par application de l'article 1er, A, 1°, 'de l'arrêté-loi du 5 mai 1944:; qu'aux termes de cet a1{ticle en effet, sont déclarés nuls Jes arrêtés ·qui de façon expresse ou tacite ont modifié des dispositions de la loi provinciale, de la loi communale ou de la loi organique de l'assistance publique ou ont dérogé à des dispositions de ces lois ;

Attendu qu'il n'existe d'aube part aucun arrêté-loi pris en vertu de l'arti­cle 4 de l'arrêté-loi du 5 mai 1944, qui remette .. en vigueur certaines dispositions des arrêtés sur la matière pris par l,es secrétaires généraux.

Par ces motifs, la cour, statuant par défaut,. .. met à néant le jugement dont appel; émendant, acquitte la prévenue ...

Du 13 avril 1945. Cour de Bru-xelles. ge ch. Prés. M. Marcoux,. président. - 11/lin. publ. M. Willems.

GOUR D'APPEL DE BRUXELLES.

1er juillet 1 944

INSTRUCTION (EN MATIÈRE RÉ-· PRESSlVE). - CHA,MBRE DU CONSEIL. - 0RDONNA,NCE DE RENVOI. - PAS· DE NON-LIEU IMPLICITE. - JURIDIC­TION D'INSTRUCTION. RÉQUISITOIRE DE RENVOI. FAITS CONNEXES A D'AUTRES AYANT DÉJA FAIT L'OBJET D'UN 'JUGEMENT DE CONDAMNA,TION. -

Page 25: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 25

UNITÉ D'INTENTION. - IRRECEVABI­LITÉ DE L'ACTION PU

1BLIQUE.

L'ordonnance de renvoi de la chanibre du conseil ne comporte pas itne décision implicite de non-lieii en ce qui concenie des faits qui, bien qu'inspirés par le même 1no bile que ceitx qiti ontf ait l'objet dit renvoi, n'ont cependant donné lieu à auciine inciilpation à charge du pré­

'venit, ni de la part dit p1'ociireur du roi, ni de celle dit juge d'instruction.

La jitridiction d'instniction a qitalité pour déclarer l'action publique non recevable lorsqite les faits poiwsuivis constituent man.if estement l' exécittion de la m~me résolution délictiieiise qite celle qiH a JJrésidé à la perpétration d'infractions déjà réprimées pa1' une décision coitlée en force de chose jitgée.

(POZETTI, C. SOCIÉTÉ ANONYME ..., « CA,TTANEO >>.)

ARRÊT.

Vu le réquisitoire de M. le procureur ·du roi près le tribunal de première instance de Mons à la chambre du conseil de ce tribunal, en date du 7 novem­bre 1943;

Vu le procès-verbal en date du 28 dé­cembre 1943 contenant constitution de partie civile, devant la chambre du con­seil du dit tribunal, de Me Joseph Plaitin, avoué à Mons, pour ~t au nom de la soci~té anonyme « Cattaneo l>, ayant son siège social à Molenbeek-Saint-Jean, chaussée de Gand, n° 52, inscrite au registre du commerce de BruxeVes, sous le n° 3829; .

Vu l'ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de première instance de Mons, en date du 6 janvier 1944, ·disant : ·

1° Que le jugement du tribunal cor-1'ectionnel de Mons, en date du 1er juin 1943, constitue la chose jugée en ce qui concerne les faits visés par la prévention d'escroquerie;

2° Que l'ordonnance de la chambre du conseil du 16, février 1943 constitue pré­sentement la chose jugée, en dehors de la ·procédure pour charges nouvelles,

ce qui concern1e les faits visés par la 1wévention d'usage de faux;

3° N'y avoir lieu à suivre quant à pré­sent à charge de l'inculpé en raison des faits repris au réquisitoire précité ; .

4° Condamnant la partie civile aux dépens de sa constitution ;

Vu l'appel interjeté contre cette ordon­nance, le 6 janvier '1944, par Me Plaitin, avoué, pour et au nom de la société anonyme « Cattaneo l>, partie civile ;

Attendu que l'appel est régulier en la forme;

Attendu qu'ensuite du 1;équisitoire

d'informer de M. le procureur du roi près le tribunal de première instance de Mons, en date du 3 décembre ~ 943, M. le juge d'instruction près ce tribunal a été chargé d'instruire sur les faits rapportés aux pièces jointes au dit réquisitoire ;

Que ces faits et ceux auxquels l'in­struction fut étendue ensuite, étaient relatifs à la falsification et à l'utilisa­tion par .Pozetti et des tiers de nom­breuses autorisations d'approvisionne­ment en pâtes alimentaires et farine et notamment celles faisant l'objet des pré­sentes poursuites;

Attendu que, par ordonnance de la chambre du conseil en date du 16 fé­vrier 1943~ Pozetti fut renvoyé devant le tribunal correctionnel de Mons pour y être jugé du chef d'usage à Baudour ou ailleurs dans l'arrondissement judiciaire de Mons ou dans l'arrondissement judi­ciaire de Bruxelles, en 1941, de quarante­quatre fausses autorisations d'approvi­sionnement et d'escroquerie à Bruxelles ou ailleu:rs en Belg'ique, à. plusieurs reprises en 1941, de pâtes alimentaires au préjudice des firmes Cattaneo, Pax, et autres et de farine au ·préjudice du Moulin de Callenelle ;

Attendu que la circonstance que les six autorisations actuellement incriminées n'étaient mentionnées ni dans le réqui­sitoire de renvoi de M. le procureur du roi en date du 23 janvier 1943, ni dans l'ordonnance du 16 février 194:3 qui y a fait droit ne permet pas de considérer qu'elles auraient ihlplicitement fait l'objet d'une décision de non-lieu, alors surtout qu'elles n'ont donné lieu à aucune incul· pation à charge de Pozetti ni de la part du procureu:r du roi, ni de celle du juge d'instruction ( cass., 12 octobre 1909, PASIC., 1909, I, 389; 27 mai 1935, Rev. droit pr}nal 1935, p. 830; 6 juin 1939, PASIC., 1939, I, 290; Gand 10 novem­bre 1915, PASIC., 1915-1916, II, 196; Bruxelles 1'1 janvier 1929, PASic:, 1930, II, 108; 23 octobre 1934, Rev. droit pénal, 1934, p. 1050 ; Répert. prnt. du drnit belge, v 0 P1·océdiire. pénale, nos 416 et 4'1 7) ;

Que c'est, dès lors, à tort que l'ordon­nance entreprise dit que l'ordonnance précitée de la chambre du conseil en date du 16 février 1943 constitue pré­sentement chose jugée en l'absence de charges nouvelles pour ce qui concerne les faits d'usage de faux visés à la pré­vention A;

Attendu qu'il existe des charg·es suffi­santes tant pour les faits repris à la vention A que pour ceux repris à la pré­vention B;

Attendu, toutefois, que par jugement du tribunal correctionnel, en date du 1er juin 1 %3, coulé en force de chose jugée, Pozetti a été condamné à quinze mois d'emprisonnement et 2.000 francs

Page 26: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

26 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

d'amende· augmentés des décimes légaux, du chef d'usage de dix-neuf fausses auto­risations d'approvisionnement retenues à sa charge et du chef d'escroquerie de flâtes alimentaires à . concurrence des fausses autorisations dont il fit usage en connaissancè de cause ;

Attendu que l'application d'une· seule peine était expressément f01~dée sur l'uni­té d'intention délictueus'e, dont, le tribu~ nal a souverainement constaté l'existence dans le chef de l'inculpé;

Attendu que les faits visés aux pré­sentes poursuites, commis à la même époque et dans des circonstances absolu­ment id en tiques, constituent man if este­men t l'exécution de la même résolution délictueuse que celle qui a présidé à la perpétration des infractions ayant donné lieu au jugement prémentionné;

Qu'ils· constituent ainsi, de toute évi­dence, des éléments, d'ailleurs connus du tribunal, d'un seul et même fait pénal, définitivement jugé (cass., 21 octobre 1940, PASIC., '1940, l, 265; 27 janvier 1943, ibùl., 1943, I, 32);

1 Attendu que l'action publique doit, pm·tant, être déclarée inecevable (Répert. prnt. du droit belge, v° Chose fngée, n° 8 103 et 104o; ch. du conseil Bruxelles, l er juillet 1938. en cause H. Ba:rmat, P .. Gyseling et M. Lowenstein);

Vu les articles 135, 136, 217 et sui­vants du Code d'instruction criminelle, la loi du _19 aoùt 1920, les articles 1er, H à 14, 24, 31 à 37 et lio'l de la loi du 15 juin 1935;

Requiert qu'il plaise à la cour, cham­bre des mises en accusation, recevoir l'appel et, statuant sur son fondement, mettre à néant l'ordonnance entreprise, rnuf en tant qu'elle a dit que le jugement du tribunal correètionnel de Mons, en date du 1er juin 19li:3, constitue la chose jugée en ce qüi concerne les faits visés

la prévention d'escroquerie; émen-dire que ce jugement constitue

également la chose jugée en ce qui con­cerne les faits visés par la prévention d'usage de faux; en conséquence : dé­clarer l'action publique non recevable du chef des faits viséB par les dites préven­tions ; condamner la partie civile à tous les dépens, tant de première instance que d'appel; et à tels dommages-intérêts que de conseil au profit de l'inculpé. ·

Fait à Bruxelles, au parquet général, le 9 mai 1 944,

Pour le procureur général, (signé) MA.HAUX.

Entendu la partie civile en ses décla­rations développées par Me Poirier, avocat;

Entendu l'inculpé en ses moyens déve­loppés par Me J ottrand, avocat ; le tout à l'audience du 1 7 juin 1944, date à

laquelle la cause fut tenue en clélibéré­et remise au 1er juillet 1 944 ;

Vu les dispositions du Code d'instruc­tion criminelle sm les mises en accusa­tion et statuant de conformité, la cour, chambre des mises en accusation, ayant délibél'é, donne acte au ministère public de ses réquisitions et adoptant les motifs y énoncés;

Vu les articles '135, 136, 217 et suivants du Code d'instruction criminelle, la loi du 19 aoùt 1920, les articles 1er, 11 à 14, 24, 31 à 37 et 4t de la loi du 15 juin 1935, la cour reçoit l'appel et statuant sur son fondement, met à néant l'ordonnance entreprise, sauf en. tant qu'elle a dit que le jùgement du tribunal correctionnel de Mons, en date du 1er juin 1943, constitue la chose jug'ée en ce qui concerne les faits visés par la prévention d'escroquerie;: émendant, dit que ce jugement constitue également la chose jugée en ce qui con­cerne les faits visés par la prévention d'usage de faux; en conséquence, déclaJ'e l'action -publier.ne non recevable du chef des faits visés par les . dites préventions ;. condamne la partie civile à tous les dépens liquidés à la somme de 74 francs ; condamne à paye.r à l'inculpé, à titre de dommages-intérêts, la somme de 50 fr.

Du 1er juillet 1944. - CoUl' de Bl'll­xelles. - Chambre des mises en accusa­tion. - Prés. M. Van der Heyde, pré­sident. -'-. .LVI·in. 1mbl. M. Mahaux, sub­stitut du procureur général. Pl. MM. Pofrier et J ottrand.

COUR D'APPEL DE LIÉGE

7 mai 1945

AJOURNEMENT. - EXPLOIT. - IN­TRODUIS.'\,NT DEUX ACTIONS. - DIS­TINCTES L'UNE DE L' A,UTRE. -- NUL­LITÉ. - INHÉRENTE A LA SUBSTANCE MÊl\IE DE L'ACTE. - ARTICLE 173 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE (MODIFIÉ PAR L'ARTICLE 10 DE L'ARRÊTÉ ROYAL N° 300 DU 30 :MARS 1936. - NON APPLI­CABLE.-

Est vicié de niûlité l'exploit qiii 'introdu-i denx aci-1'.ons dis.tinctes l' ic.ne de l' a-ufre par le11•rs ccmses et lenrs part-ies et qiii dès lors e·u.ssent âû faire l'objet d' assi­gnations séparées ( 1).

Cette nullité n'est vas iine nu.llité de forme, 1nais une nullité inhérente à la s'l.lb­stance niême de l'acte.

Conséqiiemment l'art1'.cle 173 dit. Code de

(1) Dans le mêrne sens voyez : cass., 14 ma:ii 1903 (PAsIC., 1903, I, 212); Liége, 30 jan­vier 1925 (J,iir. Liége, 1925. 67) ; trib. Liége, 27 juillet 1905 (PAsrc., 1906, III, 149).

Page 27: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 27

procéd~lre civile rnodifii ]Jar l'article 10 de l'arrêté rnyal n.0 300 dtt 30 mars 1936 ne lui est pas applicable.

En fût-il cmtrement, encore l'exploit de­Vl'ait-il être déclaré niil, l'frrégulatité éU1.nt de natiire à niiire cmx JHl1'ties défenderesses, · dont chaci1.ne risqne de vofr im pr~jiigé défavorable se créer contre elle à ccmse d'éléments qiâ de­vraient liii rester étTan gers. ·

(LIÉGE()IS, C. DEBRY ET CONSORTS.)

ARRÊT.

Attendu que par leur exploit d'ajourne­ment les consorts Debry poursuivaient d'une part vis-à-vis des intimés Debry et Huwart la mainlevée d'une inscription hypothécaire prise sur un immeuble sis à Genval en sùreté d'un prêt consenti le 2.2 novembre ,1927 par Gustave Debry à Théodule Debry, d'autre part vis-à-vis ùe l'appelant Liégeois la mainlevée d'une inscription prise sur le même immeuble en sùreté d'un prêt consenti par lui à Théodule Debry le 16 mai 1930;

Attendu qu'avec raison les défendeurs originaires devant le premier juge ont conclu à la nullité d'un tel exploit; qwen effet il réunit deux actions bien distinctes par leurs causes et leurs parties et qui dès lors auraient c1û faire l'objet d'assi­gnations séparées;

Attendu que le jugement a qiw déclare à tort cette nullité couverte par l'arrêt.é n° 300 du 30 mars 1936; qu'il s'agit en effet non d'une nullité de forme mais d'une nullité .inhérente à la substance même de l'acte qui ne peut bénéficier de cet arrêté;

Attendu que si même il en était autre­ment l'exp1oit devrait encore être dé­claré nul parce que l'irrégularité était de nature à nuire aux parties défenderesses ; qu'en effet chacune d'elles risquait de voir un préjugé défavorable se créer con­tre elle en raison d'éléments qui devaient lui rester étrangers ;

Par ces motifs, la cour, ouï M. l'avocat général de Froidcourt en son avis sur la compétence donné en audience publique et en français, rejetant toutes conclusions autres plus amples ou contraires, reçoit les ap:Jrnls et réformant le jugement a. qiw, dit l'action non recevable telle qu'elle a été introduite; condamne les consorts Dehry demandeurs originaires ici appelants et intimés à tous les dépens des deux instances. ·

Du 7 mai 1945. - Cour de Liége. -3e ch. - P1·és. M. Mons, président. -I\!Iin. piibl. M. de Froidcourt, avocat général. - Pl. MM. Depresseux, Sou­dan, Cassart et de Halleux.

COUR D'APPEL DE BRUXELLES

29 j an'Zier 1944

1° TRANSPORT. - PRÉSOi\lPTION DE FAUTE A CHARGE DU TRANSPORTEUR. -PREUVE CONTRAIRE. - TRAMWAY. -EXCÈS DE VITES6E. - DIFFICULTÉS DE FREINAGE. - SIÈGE SPÉCIAL. -PRIORITÉ DES vfancuLES SUR I-1.AIL. -Lii\IITATION. .

2° RESPONSABILITÉ. - DoMMAGES·­INTÉRÊTS. - ACCIDENT. - ARCHI­TECTE. - CONSÉQUENCES. - PRÉJU­DICE MATÉRIEL. - TAUX DE CAPITA­LISATION. - PRÉJUDICE i\lORAL.

1° La loi dit 21 août 1891 sitr le contrat de trnnsport, établit, en son atticle 4, à c!wrge dii transpor.te.m', im~ présonip­twn de responsabûité qn'û ne peiit renverser qii'en établissant, soit que liti on ~es préposés n'ont conimis aiwnne faiite, soit. qiie l' accùlent est dû à iin cas [orti1.it oii exclusiv.ement à ime faute ou. 1mipriulence de la victime oit d'wn tiers (Résolu par le jugement).

Le transporteii,r, qiii ri'a ]Yll établir qiie l' accî'.clent provenait dans tau.tes ses con­séqitences d'ime ccmse étrangere qui ne peilt lui être ùnpiitée, et ayant par con­séquent manqiié à l'oMigation contrae­tu.elle lui imposée par le contrat de transport, est tenii de réparer dans son · entièreté le donimage sitb·i par la victime, sans préjiulice à ses droùs à l'éqard d' cmtres res1rnnsables éventuels de l' ~lcci­dent (1 ). (Résolu par l'arrêt.)

Raille à iine alliire excess'ive, imp11,table a fcmte cm wattnian OH à la société explo1:­tante e:n rœison , de l' alJsence de moyens de freinage adeqirn.ts, le. trnmway qi~e son co nducteit'1' ne pent amener à l' mTfit qiw S'WI' nne dùtance de pres de 70 mètres à partir cfo manient où û a 1m se 'l'endre compte de l' intentfon dit ch ait ffenl' d' um. CŒ'm:ion de liti co11.per la ronte.

Les diffiwltés de fl'einage, par .rnite cle l' lmm:idité clii sol .et des feil'illes mortes qil'Î le recoiwl'aient, son't des circon­stances' dont iin wattnian doit ten:ir c?mpte et ne siiffisent pas à sa J

0

1tstifica­twn.

Il fcmt entendre par siège spécial une voù

(1) STEVENS, Le contrat de trmwpori, ii,os 902 et 937; Liége, 28 juillet 1920, (PAsIC., 1922, II, 138) ; trib. Bruxelles, 7 août 1942 (Rev. ass .. et resp., n° 3084) confirmé par Bruxelles, 14 uovembi·e 1942; ge ch., inédit.

L'arrêt ci-dessus rectifie, en, ce qui concerne l'étendue de l'obligation de réparer du tram­porteur, une erreur conunise par le prem.ier juge qui avait a,ppliqué, en matière de cqntrat de transport, les principes de la resp.onsabilité in solidiwn admis eu matière de responsabilité quasi délictuelle.

Page 28: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

28 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

fer1'ée établie de manière telle qu'elle est sé1?arée · des voies de co1nm1mication, soit par iin accident siirélevé, soit en dehors des voies de co1nm,-iinications.

'Tel n'est pas le cas lorsqiie la voie dii trarn est établie le long de la voie carrossable ordinaire, au niême niveau. qu.e celle-ci et n'est pas soustrétite à la circiilation ordinaire.

La priorité des véhicic.les siir rails, JJ'!'évue . par l'arrêté royal dii 1er février 1934, ne

compo1·te 1jas le droit de s'abstenir des règles de priidence dictées, par la loi et les circonstances zn'OJJ1'es à atté-i1.iier les consequences d' iine collision ( 1).

2° L'fo.capacité per?nanente partielle d'im architec,te ayânt eu leJJoiice droit arraché et itne, double fractit?'e dii bras dro'Ït, incapable en cette qirnlité de faire des plans; des épu.res, des dess·ins et des lavis, et, comme condiicteur civil, de planter des jalons sur le terrœin, peiit .être fixée à 55 p. c.

La victime', agée de 60 ans cm moment de l'accident, a encore itne du.rée de vie probable d.e treize ans, 1nais il ne p,eiit êt1·e soutenii que sa capacité serait restée identiqiie pendant toitt ce tenips ,' cm contm.ire le cinirs normal de la vie hmnctine révèle im fléchissernent dans la proditction de· sorte qiie, dans toits les cas, la victùne eût été contrainte de se faire aider, de plus en plit.s, dans ses travaux et ses revenus professionnels nets eiissent diminiié, à niesiwe qu'elle avançait en âge.

La perte anniielle siibie par la victime doit être capitalisée ait taiix de 4 p. c.

La victinie, blessée dans des conditions extrêmement pénibles, qiii a endiiré pendant toitt le temps qu'elle est restée à l'hôpital et en cli??.iqiie de graves soiif­frances, qui sera obligée d'avoir recoit1~s à mi tiers JJO'Ur les besoins de la v'Ïe coii~ rante à la suite de l' a11ipi1.tation du poiice droit et de la di fficitlté qii' elle éprou.ve à son âge à se réadapter, à qiti la nwtilat·ion de la niain droite ne pei1.t manquer de, donner le sentiment d'ime déchéance phys·iqiw qii·1: constitiie poiir elle ime caiise de préjudice nwral, ·a droit, de ce chef, à une ·indemnité de 60.000 francs.

(o ... , C. TRAMWAYS BRUXELLOIS.)

Le tribunal de vrem1'.ère instance de Bnt­xelles avait, le 10 m.ars 194.3, rendit le jitge­ment suivant :

Attendu que la présente action mue par exploit. enregistré de l'huissier Ba­ratta de Bruxelles en date du 2 6 mai '1 %2, tend à obtenir la réparation du préjudice

(1) Cass., 7 novembre 1938 CPAsrc., 1938, I, 344).

subi par le demandeur à la suite de la collision qui s'est produite le 11 octo­bre 1941, à 7 h. 45 du matin, boulevard Brand vVhitlock, à hauteur de l'avenue Henri Dietrich et de l'avenue de Woluwe­Saint-Lambert entre un tramway e~. un camion, automobile, appartenant à la Fahrschule de l'armée allemande, alors que le dit demandeur se ~rouvait sur la plate-forme avant de la voiture remor­quée;

Attendu que l'information commencée par le parquet de M. le procureur du roi fut poursuivie par l'autorité occupante; que le wattman conduisant le tramway, le soldat au volant du camion ainsi que l'officiel' instructeur assis à ses côtés, furent renvoyés devant le tribunal mili­taire allemand, qui, en son audience du 12 février 1942, acquitta tous les pré­venus;

Attendu que l'action actuelle est basée sur la présomption de responsabilité que crée à charge de la société défenderesse la loi du 21 aoùt 1891 sur le contrat de transport, qui, en son article 4, stipule que le voiturier est responsable des acci­dents survenus aux voyageurs, s'il ne prouve pas, que ces accidents proviennent d'une cause éh'angère qui ne peut lui être imputée;

Attendu qu'il existe donc à charge du transporteur une pl'ésomption de respon­sabilité qu'il ne peut renverser qu'en établissant, soit que lui ou ses préposés n'ont commis aucune faute, soit que l'accident est dù · à un cas· fortuit, ou exclusivement à une faute ou imprudence de la victime ou d'un tiers ;1

Attendu, en ce qui concerne l'accident litigieux, qll'il doit être considéré comme établi : .

1. Que le tram n ° 90. et le camion alle­mand, suivaient tous deux le boulevard Brand vVhitlock, en direction du rond point Saint-Michel;

2. Que le camion, empruntant la i'oute circulait à droite du tramway et

précédait; 3. Que lorsque le témoin ,Vanhaele­

wijn,,. qui se tenait sur la plate-forme du tram eut son attention attirée .. sur le véhicule automobile celui-ci avait une avance de 25 à 30 mètres ; · ·

4;, Qu?à ce moment ce témoin put se rendre compte que le camion voulait s'engager dans la traversée du boulevard, donnant, 'à gauche, accès à l'avenue ·de vVoluwe-Saint,-Lambert et à cette fin s'était approché des voiès dn tram;

5. Qu'à ce moment également le watt­man sonna à coups répétés, freina au­tant qu'il put, sans toutefois pouvoir éviter la collision avec la voitme alle­mande;

6. Que l'officier de police verbalisant constata sur les rails du tram des traces

Page 29: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 29

de freinage et de sable sur une longueur de 39 mètres, ainsi que des traces de freinage de la roue gauche du camion sur une distance de 24 m. 85, les traces allant du milieu du pavage jusqu'à 50 centi­mètres du rail droit sur lequel circulait le tramway ; que ce véhicule était arrêté d'avant à hauteur de la traverse;

Attendu qu'il· a été déclaré au cours ·de l'information par le wattman, inter­pellé par l'officier de police immédiate­ment après l'accident, que le conducteur du véhicule automobile avait fait fonc­tionner son clignateur, alors qu'il se trou­vait à environ 15 mètres du tramway ; que le mêm.e wattman toutefois, réin­terrogé huit jours plus tard, déclara 11 'avoir vu faire par le chauffeur alle­mand aucun signal de la main, ou du dignateur, pour marquer son intention .de virer à gauche ;

Que sa motrice avait heurté le camion .:à hauteur de la i:oue avant-gauche .de manière telle que la partie arrière .du camion tamponna la remorque du tramway;

Attendu que de ces constatations et témoignages, il est permis de conclure que le camion, alors qu'il se trouvait -encore à près de 40 mètres de la traverse se préparait à virer à gauche en obli­quant vers les voies du tram ; que pro­bablement, quelques mètres plus Join, il .alluma son clignateur afin de prévenir de sa manœuvre les véhicules qui le sui­vaient j mais que. le wattman, eu égard ·à la vitesse à laquelle il roulait à ce moment, et vu l'état du sol, ne réussit _pas, malgré tous ses efforts, à s'arrêter;

Que, toutefois, le chauffeur de l'auto .ayant eu l'attention attirée par les coups 0de sonnette répétés d'un tramway ou s'étant aperçu tardivement, dans son rétroviseur, de l'approche du tram, Talentit pour éviter la collision et arrêta autant que possible sa manœuvre vers ]a g;mche, mais qu'arrivé déjà à quelque 30 '•i:fu 40 centimètres des rails, l'avant­.droit du tram heurta le garde-boue ou le marchepied gauche du camion, dont la ;partie arrière ensuite, vu la. vitesse rela­tive des deux véhicules, heurta la remor­·"que arrivée entretemps à sa hauteur;

Attendu qu'il résulte de ces circon­stances que le wattman, en ce qui le con­cerne, ne fut pas maître de sa vitesse à J'approche d'urre bifurcation où il ne pouvait être question. de siège spécial du tramway, alors qu'il avait, à temps, pu se rendre compte qu'un camion qui bénéficiait de la priorité lui ré3ervée aux termes de l'article 1er de l'ordonnance .allemande du 9 décembre 1940, allait lui couper la rou \e ;

Attendu, dè' lors, que, sous réserve de la faute commise par le conducteur du

.. camion, mais dont le tribuaal n'a pas à PASIC., 1945. - ~ PARTIE,

connaître, le préposé des Tramways bru­xellois a commis une faute génératrice des dommages subis par le demandeur et que la défenderesse, en vertu des dis.;. positions de l'article 1382 du Code civil, est obligée à réparer intégralement;

Attendu, en effet, que lorsque le dom­mage est le résultat. de fautes distinctes mais qui ont concouru à le produire dans son intégralité, chacun de ceux auxquels l'une de ces fautes concurrentes est imputable, est tenu envers la victime à la réparation entière du préjudice, sauf à régler entre eux la question de la con­tribution à la dette ;

Que ce principe vaut même si le coau­teur responsable échappe au recours de l'auteur poursuivi par la victime, soit parce qu'il est inidentifiable, soit parce

. qu'il échappe à toute poursuite (cass., 2 avril 1936, PASIC., 1936, 1, 209; 14 juil­let 1941, ibid., 1941, 1, 303; 1er avril 1940, ibid., 1940, 1, 98; 28 janvier 1942, ibid., 1942, 1, 25) ;

Attendu qu'au cours de l'accident du 11 octobre 1941, M. O ... , eut le pouce droit arraché et une double fracture du bras droit; qu'il fut transporté à l'hôpital d'Etterbeek, où il séjourna pendant douze jours; qu'il fut transféré ensuite à la clinique de l'avenue J uies Malou, où il resta en traitement jusqu'au 22 décem­bre et suivit, enfin, des séances de massages et un traitement physiothéra-pique; ,

Attendu que par jugement en date du 5 juin 1942, le Dr Marcel Héger fut dési­gné aux fins de procéder à l'examen de M. O... et de déterminer la durée des incapacités totale et partielle dont il a été et restera atteint;

Attendu que, selon les conclusions du rapport du docteur Héger, le demandeur a été atteint de nombreuses lésions trau­matiques dont la consolidation doit être fixée au 1er septembre 1942; qu'il a subi une incapacité de travail totale (100 p. c.) jusqu'au 1er septembre 1942 et subira une incapacité permanente de 55 p. c.; que, comme architecte, il est incapable de faire des plans,: des épures, des dessins et des lavis; que, comme conducteur, il ne peut plus planter des jalons sur le ter­rain;

1. En ce qui concerne l'incapacité per· manente de 55 p. c. : ·

Attendu qu'il résulte des renseigne­ments fournis par le demandeur que ses revenu3 professionnels pendant les années 1938, 1939 et 1941 (sans retenir l'année 1940, qui ne peut être considérée comme régulière) s'élèvent re.~pecürn­ment à 186.184 fr. 65; 98.973 fr. 30 et 145.050 francs;

Attendu que le demandeur, âgé de soixante ans au moment de l'accident, a encore une durée de vie probable de

3

Page 30: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

30 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

treize ans, mais qu'il ne peut être sou­tenu que sa capacité de travail serait restée identique pendant tout ce temps; qu'au contraire le cours normal de la vie humaine révèle un fléchissement dans la production, de sorte qu'en tout état de cause, le demandeur a été contraint de se faire aider de plus en plus dans ses travaux et que ses revenus profession­nels nets eussent diminué, à mesure qu'il avançait en âge;

Attendu qu'il y a lieu de tenir compte de cet élément dans le calcul de ses revenus moyens et qu'il est équitable ,.de fixer ceux-ci à 120.000 francs par an;

Attendu que l'incapacité permanente du demandeur ayant été évaluée à 55 p. c., celle-ci correspond à une perte annuelle de .66.000 francs, qui, capitalisés à 4 p. c., fixent le montant du préjudice de ce chef à 66.000 X 9.985.648, soit 659.052 fr. 75;

Attendu que cette indemnité couvre les frais extraordinaires que M. O ... est appelé à faire par suite de l'incapacité partielle dont il souffre; que toutefois rien n'indique que, malgré son infirmité, il se trouve dans l'impossibilité totale d'encore conduire une automobile; qu'il n'y a donc pas lieu .de tenir compte, dans le présent calcul, de ce chef de sa de­mande;

II. Quant à l'incapacité totale·: Attendu que le demandeur a subi une

incapacité totale du 11 octobre 1941 au 1er septembre 1942, soit pendant en­viron un an;

Attendu, pour calculer le montant du dommage que M. O ... a subi pendant cette période, qu'il y a lieu de remarquer que c'est au cours de celle-ci, à s'en référer à ses propres chiffres, qu'il eut les revenus professionnels les plus élevés (2.082 fr. 62 pour les dix premiers mois);

Attendu qu'il avait, en effet, de nom­breux travaux en cours, qui lui sont restés confiés, mais dont il a dû charger son fils et son neveu ;

Attendu que s'il est normal d'indem­niser le demandeur des appointements qu'il eut à payer à ceux qui, pendant son immobilisation, effectuèrent sa propre besogne, un architecte et un surveillant de travaux, il ne se conçoit pas que le tribunal lui alloue les sommes qu'il dépensa pour rétribuer d'autres colla­borateurs, tels une dactylo supplémen­taire, une secrétaire, un délégué à Enghien ; qu'il ne se conçoit pas, en effet, qu'un homme aussi occupé que M. O ... prétend l'être, eût effectué lui-même en temps normal le travail de ceux auxquels il a fa,it appel;

Attendu, dès lors,. qu'il y a lieu d'al­louer au demandeur, du chef de dépenses professionnelles supplémentaires, pen­dant cette période d'incapacité totale :

55.000 francs (appointements d'archi-· tecte) plus 33.000 francs (appointements d'un surveillant de travaux)t mit 88.000 francs ;

III. Attendu que les frais médicaux et pharmaceutiques exposés jusqu'à pré­sent et établis par pièces justificatives s'élèvent à 15.949 fr. 20; qu'étant encore en traitement à l'heure actuelle, il y a lieu de donner acte au demandeur de ce qu'il se réserve de réclamer ultérieure­ment le remboursement de nouveaux frais de traitement consécutifs à l'acci­dent;

IV. Attendu que les vêtements portés par le demandeur au moment de l'acci­dent ont été complètement mis hors d'usage; qu'il y a lieu de lui allouer de· ce chef la somme de 3.460 francs qu'il réclame;

V. Quant au dommage moral : Attendu qu'il ne peut être contesté·

que le demandeur. a été blessé dans des conditions extrêmement pénibles et a~ enduré pendant tout le temps qu'il est resté en traitement à l'hôpital et à la clinique de graves souffrances ;

Attendu qu'amputé du pouce droit, et éprouvant, à son âge, une difficulté pluS' grande à se réadapter, il sera obligè d'avoir recoùrs à un tiers pour les besoin~' de la vie cour an te ;

Attendu, enfin, que M. O... a été· atteint dans son intégrité physique; que la mutilation de sa main droite ne peut manquer de lui donner le sentiment d'une déchéance physique qui constitue pour lui une cause de préjudice de carac-· tère moral;

Attendu qu'eu égard à ces considéra­tions, l'indemnité à .Jui allouer de ce chef peut être évaluée à 50.000 francs ;

Par ces motifs, le tribunal, vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire; statuant contra-­dictoirement; rejetant toutes autres conclusions plus amples ou contraires, déclare le demandeur recevable et fondé en son action; en' conséquence, con­damne la défenderesse à lui payel', à. titl'e de dommages-intérêts,. les sommes suivantes : Pour incapacité permanente fr. 659.052, 75 Pour incapacité totale. . . . . . . . 88.000,00 PoUl' frais médicaux et phar-

maceutiques ............. 15.949,20 Pour vêtements . . . . . . . . .. . . 3.460,00 Pour dommage moral ........ 50.000,00

Soit au total ... fr. 816.461,95 Condamne la défenderesse aux inté­

rêts compensatoires depuis le 11 octo­bre 1941 et aux intérêts judiciaires depuis l'ajournement, sur le montant ci-dessus; condamne la défenderesse aux frais et dépens de l'instance, en ce compris ceux_

Page 31: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 31

de l'experfüe, taxés en totalité à la somme de 1.520 fr. 25 pour M0 De Smet et à 1.110 francs pour M0 Max; donne acte au demandeur de ce qu'il rn réserve expresEément de réclamel' ultérieurement le remboursement des frais de traitement consécutifs à l'accident dont il a été vic­time, de même que la réparation du dom­mage rnbi pal' lui en cas d'aggravation de son incapacité permanente ; déclare le présent jugement exécutoire par provi­sion, nonobstant appel, et sans caution.

Du 10 mars 1943. - Tribunal civil de Bruxelles. - 12° ch. - Prés. M. Suetens, vice-président. - Pl. MM. A. Bernard et J. Van Parys.

S'ltr appel, la cou1· d'appel de Bruxdles rendit le 29 janvier 1944 l'arrêt 5'1Ûvant :

Vu les pièces de la procédure, notai:n­ment l'expédition de la décision entre­prise rendue le 10 mars 1943 par le tri­bunal de première instance de Bruxelles, ainsi que l'acte d'appel du 22 :mars 1943 contre le prédit jugement;

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée ;

Attendu qu'il est constant que l'ac­tion originaire mue à la requête de l'in­füné tend à obtenir réparation du pré­judice causé à sa personne le 11 octo­bre 1941, à la mite d'un contact entre le tram conduit par un préposé de l'appe­lante et un camion de l'armée occu­'pante;

Attendu qu'il rérnlte des constatations matérielles de la police, faites le jcur même de l'accident, que des traces de freinage étaient perceptibles rnr une longueur précédant de 39 mètres le point de contact entre les drnx véhicules et que la voiture remorquée ne s'est arrêtée qu'à une distance de 13 m. 60 après le contact; qu'un eEpace de près de 70 mètres fut den c n écesEaire au watt­man pour amener rn voiture à l'arrêt à partir du moment où il a pu rn rendre co:mpt e de l'intention du chauffeur du camion alleman cl de lui couper la route ;

Attendu que cet excès de vitesrn, imputable à faute au préposé de l'appe­lante ou à cette dernière en raiE:on de l'absence de moyens de freinage adé­quats, a contribué dans une certaine mernre - sous réserves des fautes qu'aurait connnirns le chauffrnr au camion, et dont la cour n'a pas à con­naître - à aggraver les mites fâcheuses d8 la collision ; que si l'on pouvait pré­tendre que le contact se rnrait produit même si le tram avait roulé à une allure normale, il est incontedable que i::'est la, violence du choc qui est en partie la cause de l'atteinte grave à l'in, égrilé phyi::ique de l'intimé et que la· vitesse

excessive a aggravé les conséquences de l'accident;

Attendu que les difficultés de freinage par mite de l'humidité du sol et des feuilles mortes qui le recouvraient sont des circonstances dont un wattman dait tenir compte et ne suffisent pas à sa justification ;

Attendu que l'appelante fait valoir que le tram roulait sur un siège spécfal · et que l'accident se produisit avant la traverse, c'est-à-dire à un endroit où le camion n'avait pas le droit de se trouver;

Attendu que par sjège SJ.lécial il faut entendre une voie ferrée etablie de manière telle qu'elle est séparée des voies de communications soit par un accident surélevé, soit en dehors des voies de com­munications ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, la voie des tramways au boule­vard' Brand Whitlock étant établie le long de la voie carrossable ordinaire, a:u même niveau que celle-ci et n'étant donc pas soustraite à la circulation ordinaire (arr. roy. du 27 janvier 1931);

Attendu au surplus que les fautes imputées au conducteur du camion ne pourraient exonérer l'appelante de sa faute ou de celle de rnn préposé et Jui . attribuer un droit au sinistre, étant acquis que le wattman a pu se rendre compte de la manœuvre peut-être fau­tive du chauffeur du camion à une dis­tance de plus de 39 mètres du point de contact et que par suite de son excès de vitesse il a aggravé les conséquences du contact ; ·

Attendu que le soutènement de. l'appe­lante suivant lequel le camion empiétait da.ns le sens de là longueur sur la pa:rtie de la chaussée réservée au tram et qu'il n'aurait pas tenté de traverser les rails est démenti par les déclarations des témoins Van Haelewijn et par le watt­man lui-'.rnê:me, qui déclare : «,ter hoogte van de Georges Henri lei wilde. de camion plots links afsteken over de tram­sporen )) ;

Attendu que l'acquittement du watt­!llan par la juridiction allem~nde ne peut irfluencer le sort de la presente action pour le motif que cette décision. n'a pas de force de chose jugée au regard de Ja loi belge; qu'è. suivre l'appelante daris son arg·umentation il faudrait conclure de l'acquittement général des parties en cause dans cette instance pénale qüe le chauffeur du camion et rnn inshuc­teur n'ont aucune faute à se reprocher; que l'accident serait dû à un cas fortuit ou de force majeure, ce qui ne rnmhle pas être l'avis de l'appelante;

Attendu que l'intimé ne conteste pas que l'ordonnance de l'autorité occupante accordant une priorité aux camions alle­mands ne s'incorpore ni dans la législa­tion ni dans les institutions du pays mais

Page 32: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

32 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

fait remarquer à juste titre que cette ordonnance crée une situation de fait dont il y a lieu de tenir compte;

Qu'au surplus la priorité des véhicules sur rails prévue à l'article 26 de l'arrêté 1:oyal du 1er février 193li: ne comporte pas le droit de s'abstenir des règles de prudence dictées par la loi et les circon­stances propres à atténuer les consé­quences d'une collision ;

Attendu que l'appelante offre de prouver une série de faits, gui, établis, consti­tueraient peut-être des éléments utiles d'appréciation pour déterminer le degré de responsabilité des conducteurs du camion et du tram, mais ne seraient pas de nature à exonérer l'appelante de toute faute, celle-ci consistant pour le moins, comme dit précédemment, à avoir con­couru à l'accident et d'en avoir aggravé les conséquences par un excès de vitesse de son préposé ou par une absence de moyens de freinage adéquats du tram ;

Attendu que, n'ayant pu établir que l'accident provenait dans toutes ses con­séquences d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, et ayant par con­séquent manqué à son obligation, con­tractuelle lui imposée par le contrat de transports, l'appelante. est tenue de réparer dans son entièreté le dommage subi par l'intimé, sans préjudice à ses droits à l'égard d'autres responsabilités éventuelles de ,l'accident;

Attendu que la décision entreprise, par des considérations que la cour fait siennes, a sainement apprécié la hauteur du pré­judice tant matériel que moral subi par l'intimé;

Attendu que l'intimé postule un mon­tant de 3. 7 85 francs du chef de frais de traitement médicaux par lui exposés postéi:ieurement à la date à laquelle les parties ont conclu devant les premiers juges; ·

Attendu que ce montant n'est pas contesté; ·

Par ces motifs, la cour, vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire, écartant toutes autres conclusions plus amples ou contraires, statuant tant sur l'appel prin­cipal qu'incident, les déclare non fondés; confirme en conséquence la décision entreprise; condamne, en plus des in­demnités allouées par le jugement a quo, la partie Evrard à payer à l'intimé la somme de 3.785 francs, avec les intérêts judiciaires; la condamne en outre aux dépens d'appel.

Du 29 janvier 1944:. -- C'Jur de Bru­xelles. - se ch. - Prés. M. Vander Heyde, pr@sident. - Min. publ. baron Vanden Branden de R3th, substitut du procureur génél'al. - Pl. MM. Marcq, Van Parys, G. Gheude et A. Bernard.

COUR D'APPEL DE LIÉGE

28 avril 1942

PREUVE. - PREUVE CONTRAIRE DE DROIT. - ACTION INTÉRESSANT L'OR­DRE PUBLIC. - JUGE. - NE PEUT STATUER. - SANS ÊTRE EN POSSES-

1'. SION DU PROCÈS-VERBAL DE L'EN­.. QUÊTE CONTRAIRE. - DIVORCE. -

PROCÈS-VERBAL DE L'ENQUÊTE CON­TRAIRE. - ÉGARÉ PAR LE GREFFE. -NOUVELLE ENQUÊTE. - NÉCESSITÉ. -NOUVEAUX TÉMOINS. - NE PEUVENT ÊTRE ENTENDUS.

La preuve cont1·afre est de dro.it. Le juge, alors surtout que l'action dont il est saisi intéresse au prernier chef l'ordre public, cornrne par exernple une action en d1:v01·ce, ne peut statuer sans être en possession du procès-ver.bal de l'enquête contraire.

Lorsque le procès-verbal de cette enquête, régulièrernent em·egistré, a été égaré par le greffe, it irnpot'te, dans l'intùêt de la bonne adrninistratwn de la justice, d'o1·­donner à la partie défenderesse de recomrnencer l'enquête contmfre pre­sc1·ite par décision judicfoire.

Seuls les térnoins e1iten dus au cours de l'enquête, dont le procès-verbal a été égaré, peuvent êt1·e entendus à cette nouvelle enquête.

(D ... , C. M .... )

ARR~T.

Attendu que la dame M ... appelante demanderesse en divorce et en garde d'enfants, a fait tenir l'enquête directe ordonnée par arrêt interlocutoire de cette chambre en date du 18 mars 194:1; c:i;.ue l'intimé D ... a fait procéder à l'enquete contraire le 9 janvier 1942, mais que le procès-verbal de cette enquête, d'ailleurs régulièremen~ enregistré, ne peut actuel· lement être reproduit par le greffe qui en a la garde;

Attendu qu'il ne peut être fait droit . à la demande de la dame M... ten­dant à ce qu'il soit néanmoins ordonné aux parties de conclure au fond et qu'il soit fixé jour pour conclure et plaider;

Attendu que la preuve cont.,.aire est de droit; que la cour ne peut, surtout lorsqu'elle est saisie d'un litige in téres­san t au premier chef' l'ordre public comme une demande en divorce, statuer sans être en possession du procès-verbal de l'enquête contraire;

Attendu que la non-reproduction du procès-verbal d'enquête contraire étant due à la force majeure, il importe, dans l'intérêt de la bonne administration de la justice, d'ordonner à l'intimé de recom­mencer l'enquête contraire prescrite pa:r

Page 33: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 33

l'arrêt interlocutoire du 18 mars 1941, seuls les témoins ayant déposé le 9 Jan­vier 1942 pouvant être entendus;

Par ces motiis, la cour, écartant foutes conclusions autres, plus amples ou con­traires. entendu en audience publique et en langue française M. Delwaide, avocat général en son avis confo1 me, ordonne à l'intimé D... de reccrnmencer l'en­quête contraire prescrite par l'arrêt inte!'­locutoire du 18 mars 1941, seuls les témoins ayant déposé le 9 janvier 1942 pouvant être entendus; ccmmet pour autant que de besoin à nouveau M. le conseiller Fettweis pour tenir l'en quête; met les frais de l'enquête reccrnmencée à charge du greffier en chef de la cour dépositaire -du procès-verbal d'enquête non reproduit; dépens ·réservés;

Du 28 avril 1942. -'-Cour d'appel de Liége. - Prés. M. Fettweis, conseiller faisant fonctions de président. - Pl. MM. de Schmidt et Buisseret.

COUR D'APPEL DE GAND 9 avril 1945

IMPOTS. - IMPOT SUR LE REVENU PRO­FESSIONNEL. - SOCIÉTÉ DE PERSONNES A RESPONSABILITÉ LIMITÉE.-AMENDE. - INFLIGÉE PAR L'AUTORITÉ OCCU­PANTE. - PAYÉE AVEC LES REVENUS PROFESSIONNELS DE L'EXERCICE EN COURS OU AU MOYEN D'UN PRÉLÈVE­MENT SUR LE CAPITAL OU LES RÉSERVES.

(1} Suivant une jurisprudence constante les amendes prnnoncées par les juridictions belges ne peuvent être déduitEs des bénéfices assu­jettis à la taxe professionnelle.

Dans l'espèce, ce principe avait été appli­qué par le directE.ur des contributions de Gand, dans la décision que l'arrêt a~noté réfo1me.

(2) Traduction.

Attendu que Je recours est l égulier en la forme;

Attendu que, au cour.s de l'occupation du pays par l'armée allemande, le « Stadtkom­mandant >> de la ville de Gand, SchiEffer, a infügé, le 16 septEmbre 1940, à la société requérante une amende de 100.000 francs, pour avoir augmenté ses prix, sans autori­sation;

Attendu que, en l'absence de documents, il est impossible d'examiner si cette condam­nation était arbitraire, comme le soutient la requérante, et de déclarer avec elle qu'elle a été la victime d'une retenue · opérée par contrainte ;

Attendu que la condamnation dont il s'agit ne peut être assimilée à celle prononcée par un tribunal national régulier ; que la

DÉPENSE PROFESSIONNELLE DÊ­DUCTIBLE. - MOTIF.

Une société de personnes à responsabilité lfoiitée, c'est-à-dire une personne morale qiti ne dispose qite de son pat1·imoine social, a le dro-it d'affecter les gains et les profits de l'exercice social en cours au payement de l'amende qui lui a été in (li gée pa1' l' aittorité occitpante et, en cas d'insuffisance de ses revenus profes­sionn.els, celiti de prélever le montant de l'amende su1· son capital ou ses réserves.

Le non-payement de l'amende en f3 ffet eût entraîné fatalement soit la mise sous séquestre, soit la liquidation des affafres sociales et, en tout cas, l'expropriation de. la société.

Par le payement de l'amende, la société a s1'mplement cherché à sauve1· sa vie sociale et à assure?' la cont1:nuat1'.on de sa profession à son propre pro fit, en sorte qiie ce payement apparaît comme une dépense professionnelle faite pendant la période imposable, en vue de réalise?' et de conserve1' les autres bénéfices tant de l'exercice en cours que des exercices suivants. Cette dépense était en outre nécessaire pou1· l'exercice de la prof es­sion de la société ( 1).

(OOSTERLINCK, C. ADMINISTRATION DES FINANCES.)

ARREST (2).

Gezien het verhaal regelmatig naar den vorm;

jurisprudence, invoquée dans le litige par l'administration, ne peut s'appliquef, à défaut de concordance;

Attendu qu'il est constant que la dite amende n'a pas été imposée aux administra­teurs de la société requérante, mais bien à celle-ci, en· conséquence, à la personne civile ;

Attendu qu'une personne civile, telle une société de personnes à responsabilité limitée, ne possède pas d'autre patrimoine que le patri­moine social et ne peut disposer d'un avoir privé; qu'il s'ensuit que les amendes infligées à une personne civile ne pourraient être payées qu'au moyen des propres deniers de celle-ci, c'est-à-dire de son capital, de ses réserves, ou de ses revenus professionnels ; que le paye­ment de l'amende constitue une diminution de l'avoir social et, comme telle, une dépense faite pendant l'exercice au cours duquel elle a été réellement effectuée ;

Attendu que, lorsqu'une société subit, par la diminution de son avoir social, une perte dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de son commerce, cette perte présente un carac­tère professionnel ; que la société a dès )ors le droit d'affecter les profits et pertes de l'exercice à l'acquittement de l'amende;

Page 34: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

34 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

0 verwegende da t tij dens de b ezetting van het land do or het Duitsch leger, de « Stadtkommrndant >> der stad Gent, Schieffer, op 16September1%0, de requi­rante firm'l een geldstraf groot 100.000 fr. oplegde, op grond van een niet goedge­keurde prijsoverschrijding;

Overwegende dat bij gebrek aan voor­gebrachte bescheiden het onmogelijk. is het aangehaald willekeurig karak.ter van gemelde veroordeeling te onderzoek.en en eens te zijn met requirante om te ver­klaren dat deze het slachtoffer is geweest van een afhouding uitgevoerd met ge­weld;

Overwegende dat de betwiste veroor­deeling niet kan vergeleken worden met een veroordeeling door een regelm3.tige nationale rechtsm1cht uitgesproken, dat de rechtspraak ter zake door het beheel\ ingeroepen niet dien t toegep ast, daar er geen overeenstemming bestaat;

Overwegende dat het vaststaat dat bedoelde geldstraf niet aan de beheer­ders der requiran te firrn3. opgelegd werd maar wel aan de firm:i zelve aldus aan een rechtspersoon ; · . Overwegende dat een rechtspersoon

zooals een personenvennootschap met beperkte aansprakelijkheid geen ander dan het maatschappelijk vermogen bezit en over geen privaat vermogen kan be­schikken; dat hieruit vloeit dat de geld­straffen aan een l'echtspersoon opgelegd enkel kunnen betaald worden met zijn eigene penningen, hetzij aldus zijn kapi­taal, zijn reserven of zijn hedrijfsin­komsten; dat de betaling der geldboete een vermindering van het maatschap­pelijk vermogen uitmaakt en als dus­clanig een uitgave daarstelt tijclens het

Attendu que, si les revenus professionnels de fa société étaient insuffisants au payement de !'amendé, la société serait contrainte de prélever le montant de l'amende sur ses réserves ou sur son capital et qu'en toute hypothèse la diminution de ses réserves ou de son capital constitue pour elle une perte ;

Attendu qu'à défaut pour la requérante de payer l'amende lui infligée, son abstention aurait eu nécessairement pour elle la consé­quence que le pouvoir occupant aurait agi par voie de contrainte, soit en plaç·aut l'éta­blissement sous séquestre, qui aurait entraîné l'exploitation au profit de l'ennemi, soit en liquidant les affaires sociales, soit en tout cas en expropriant la requérante ;

Attendu qu'en payant l'amende, la société requérante a simplement sauvé sa vie sociale et assuré la continuation de sou activité à son propre profit; qu'à cet égard le payement d.e l'amende litigieuse doit être considéré co;mme une dépense professionnelle faite pen­dant la période imposable, en vue de réaliser et de conseryer les autres revenus de l'exer-

boekjaar waarover zij werkelijk werd gedaan;

Overwegende dat wanneer door de verminclering van haar maatschappelijk. vermogen een vennootschap eeh verlies ondergaat in de uitoefening of ter oor­zaak van de uitoefening van haar handel dit verlies een bedrijfskarakter aanbiedt; dat de vennootschap dientengevolge ge­rechtigd is de winsten en profi,jten van het hoekjaar ter k.wijting der geldboete te besteden ;

Overweg.ende dat in geval de hedrijfs­inkomsten van de vennootschap onvol­doende zouien zijn om tot de betaling· der geldboete over te gaan, clan zou cle vennootschap gedwongen zijn het hedrag der boete van haar reserven of haar kapi­taal vooraf te nemen en clat de vermin­clering van de reserven of van het kapi­taal, in alle opzichten voor haar een ver­lies zou uitmaken ;

Overwegende dat indien requirante de haar opgelegde boete. niet had betaalcl, dit verzuim nooclzakelijk voor gevolg zou hebben gehad het gedwongen op­treden van de bezettencle nncht hetzij door de onder sekwester stelling van cle inrichting en dien ten gevolge de· uitba­ting dezer ten voordeele van den vijand, hetzij door de vereffening der m<:tatschap­pelijke zaken in alle geval de onteige­ning van requirante;

Overwegende dat met de opgelegcle boete te betalen de requirante füma niets anders heeft gedaan dan haar maatschap­pelijk leven te redden en de voortzet­ting ten haar profijt van haal' bedrijvig­heicl te verzekeren; dat in dit opzicht de hetaling der betwiste geldboete als een be:lrijfsuitgave client aangezien welke

cice en cours et ceux des exercices suivants ; qu'en outre cette dépense était nécessaire à la profession de la société ;

Attendu qu'à bon droit dès lors la société requérante demande la réformation de la décision entreprise et que son recours était fondé;

Par ces motifs, la cour, entendu, à l'au­dience publique, lVI. Je président Verbeke, en son rapport, et lVI. l'avocat général Vermeulen en son avis se référant à l'appréciation de la cour, reçoit le recours, le déclare fondé, met à · néant la décision entreprise ; statuant à noµveau : déclare la requérante déchargée de l'imposition dans les impôts cédulaire,s de l'exercice 1941, en raison d'un revenu profes­sionnel comprenant la somme susmentionnée de 100.000 francs; ordonne la revision cle l'imposition; condamne l'Etat, belge (admi­nistration des finances), à restituer à la requé­rante les somnies perçues en trop, avec les intérêts légau.....:.; condamne J'Etat belge (même adminjstration), aux frais du présent recours.

Page 35: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D~APPEL 35

,gedurende den belastbaren tijd werd gedaan om de andere inkomsten van het boekjaar en deze der volgende boekjaren te verkrijgen en te behouden; dat ter· :zelfder tijd de uitga:ve tot het oef enen van het bedrijf noodzakelijk was;

Overwegende dat derhalve het met recht is dat requirante de hervorming van de bestredene beslissing aanvraagt en dat haar bezwaarschrift gegrond was;

Om deze redenen, het Hof, gehoord in openbare terechtzitting, het verslag van den heer voorzitter Verbeke en het advies van den heer advocaat generaal Vermeulen die zich aan het oordeel van het Hof heeft gedragen, ontvangt het verhaal, verklaart het gegrond, doet te niet de bestredene beslissing en opnieuw wijzende; verklaart requirante ontslagen van den aanslag waarbij ten hare laste cedulaire belastingen geheven, werden over het dienstjaar 1941, op grond van een bedrijfsinkomeri, dat hooger gemelde .som groot 100.000 frank heeft begrepen; beveelt de herziening van den aanslag ; verwijst den Belgischen Staat (beheer van financiën) aan requirante terug te betalen de te veel geïnde sommen met de wettelijke intresten; verwijst den Bel­gischen Staat (zelfde beheer) in de kosten van het ver haal.

Du 9 avril 1945. - Cour d'appel de Gand. - P1·és. M. Verbeke, président. -Min. publ. M. Vermeulen, avocat géné­

:ral. - Pl. MM. Verhelst et Boddaert.

COUR D'APPEL DE BRUXELLES

16 novembre 1945

COMPTE COURANT. - EFFET DE COMMERCE. - REMISE AU BANQUIER. - EFFETS JURIDIQUES. - INSCRIP­TION EN COMPTE COURANT. - CRÉANCE DU REMETTANT. - NOVATION. - CON­SÉQUENCE. - CONTRE-PASSATION. -PROMESSE RETENUE. - MALGRÉ LA <CONTRE-PASSATION. - RÉCEPTEUR. -CONSERVE TOUS SES DROITS CONTRE LES -COOBLIGÉS. - Du REMETTANT EN FAIL­LITE. - MOTIF. - PROMESSE. -CRÉÉE POUR MOBILISER LE DÉCOUVERT. -EXISTANT DANS LES LIVRES DU BAN­QUIER. - A CHARGE DU CRÉDI'rÉ. -CAUTIONS DES ENGAGEMENTS NÉS DU COMPTE cobRANT A CHARGE DU CRÉ­DITÉ. __;A VALISE URS DE L'EFFET REMIS AU BANQUIER. - BANQUIER. - PEUT AGIR CONJOINTEMENT. - CONTRE LES CAUTIONS ET LES AVALISEURS.

La remise de l'effet au l:anquie1· récepteur transfère à celui-ci la propriété de l'effet et rend le remettant créancier . du récep­teur. C'est cette créance qui est insc1·ite

en conipte cournnt et novée. Il en résulte que le 1·emettant ne peut plus réclamer ait 1·écepteur la valeu1· de l'effet, celle-ci étant devenue im simple article dit compte.

Resté prop1·iétafre de la p1·omesse, le 1·écep­teiw conserve tous ses droits contte les coobligés dit remettant malgré la contre­passatiO'li qu'U a effectuée apTès la faillite dit Temettant, tout en Tetenant la pTomesse.

La cont1·e-passation, en effet, a pom" seule portée que l'article du crédit passé lo1·s de la remise de l'effet, est annulé par suite de la réalisation de la condition résolutoire dont était implicitement a ff ec­tée la dation de crédit, à savofr l' encais­sement de l'effet.

Lo1·squ'une promesse a été c1·éée dans le swl bitt de mobiliser le découvert exis­tant dans les lim·es du banguiM' à chm·ge, du remettant failli, l'obligation 1'ésul­tant de l'aval se confond en fait avec l'o bligatio:n de 1·églet le solde du compte courant, d'où, il suit que le banquier peut pou1·suim·e conjointement ceux qui ont cauti01iné solidairement tous les engagements du C'rédité en compte cou­rnnt enve1·s le banqitiM· et ceux qui ont avalisé 'les effets 1•emis à ce dernie1· par le ci·édité.

(SOCIÉTÉ ANONYME « CRÉDIT COMMER­CIAL DE MONS », C. VEUVE ALLARD ET CONSORTS.) '

En cette caitse le tribunal de com:merce de Mons avait rendu le 7 juin 1943 le jitgement siiivant :

Vu les exploits d'assignation enre­gistrés les 29 et 30 septembre 1942 ;

Vu les conclusions des parties dépo­sées à l'audience du 31 mai 1943 ; .

Attendu que l'action tend à faire con­damner solidairement et indivisiblement les défendeurs à payer à la demanderesse, société anonyme Crédit commercial de Mons, la somme de 113.878 fr. 05, rame­née en conclusions à 109.678 fr. 05;

Attendu que la société anonyme Crédit commercial de Mons assurait le service financier de la société coopérative Chaus­sures Allard; qu'entre banquier et client il existait un contrat de compte courant;

Attendu que le Crédit commercial, se trouvant dans un découvert important; recourut à la mobilisation de ce décou:. vert au moyen de billets à ordre escomp­tés et passés au crédit de la société Chaus-i sures Allard, puis contre-passés à chaque échéance faute de payement et remplacés par du nouveau papier;

Attendu que la promesse litigieuse: a été ainsi souscrite le 25 avril 193 7 par la' société Chaussures Allard, et avalisée par' les défendeurs Blanquet, Allard et Heu~

Page 36: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

36 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

gnies; qu'elle fut escomptée le 14 mai et portée au crédit du compte de la société Chaussures Allard pour la somme de 164.915 fr. 10;

Attendu que le 31 mai 1937, la société Chaussures Allard fut déclarée en état de faillite ; que la promesse n'ayant pas été payée à l'échéance, la banque la contre­passa le 28 juillet et porta au débit du compte la somme de 165.000 francs;

Attendu qu'à la suite de réalisations diverses et de. recours, la dette :finale fut ramenée à 109.678 fr. 05, somme faisant l'objet de la demande ;

Attendu qu'outre les avals donnés par Blanquet, Allard et Beugnies, le Crédit commerciàl est nanti d'engagements de caution solidaire à concurrence de 125.000 francs, souscrits par les défen­deurs Augustine Urbain, Blanquet et .Bracq;

Attendu que la demanderesse déclare se désister de son action contre le sieur Bracq, désistement accepté par les dé­fendeurs, qui demandent toutefois qu'acte leur soit donné de ce que le désistement ne porte que sur l'action et non sur le droit; .

Attendu tout d'abord que le défendeur Blanquet conteste l'exactitude du solde de compte réclamé par la demanderesse ;

Attendu que le montant de la créance du Crédit commercial a été fixé par juge­ment coulé en force de chose jugée, l'admettant au passif de la faillite Allard pour une somme de 164.549 fr. 05, à titre chirographaire ;

Attendu que la caution est l'ayant cause du débiteur principal et que le créancier pèut opposer à la caution le jugement qu·il a obtenu contre le débi­teur principal, sauf le droit de la caution de former tierce opposition au jugement passé .en force de chose jugée entre le créancier et le débiteur ;

Attendu que le solde déterminé au jugement d'admission demeure en l'es­pèce opposable aux cautions ;

Attendu que les opérations qui ont suivUe jugement d'admission de créance et qui ont eu pour effet de ramener la dette à la somme postulée, sont établies par les documents versés aux débats; que le solde réclamé aujourd'hui est juste et bien vérifié ; "

Attendu qu'Antoinette Allard et Louis Beugnies plaident que le billet à ordre litigieux a été intégré dans le compte courant de la société Chaussures Allard; que, par le jeu de la novation, il a perdu son individualité pour devenir un simple article de crédit et de débit, et qu 'ainsi il n'est plus dû in sp(Jcies ni par la dé~itrice principale, ni par les personnes qui l'ont avalisé; qu'en outre, _P,ar le jeu de là contre-passation, le Credit commercial a perdu la propriété du billet, et ne peut

plus exercer les recours qui y sont attachés;

Attendu que l'effet novatoire du con­trat de compte courant ne rnpprime en aucune manière la créance cambiaire;

Attendu que la novation, d'ailleurs· toute particulière, qui intervient, porte non pas sur la créance née de l'effet, mais bien sur celle qui existe dans le chef du remettant contre le récepteur, par la remise de l'effet ;

Attendu qu'en remettant l'effet au banquier récepteur, le remettant aliène la propriété de cet effet et, de ce faitt devient créancier du récepteur; que c'est cette créance qui est inscrite au compte courant et qui est novée, de telle sorte que le remettant ne peut plus réclamer au récepteur la valeur de l'effet qui est devenue un simple article du compte;

Attendu qu'il suit de là que l'obliga­tion du débiteur principal de l'effet et l'obHgation subsidiaire du remettant et des autres signataires ne sont pas affec­tées par la novation de la créance née dans le chef du remettant contre le récepteur par le fait de la renüse de l'effet ;

Attendu que les défendeurs ne peuvent tirer argument non plus de la contre­passation du montant du bHlet au mo­ment de l'échéance ;

Attendu que la contre-pasrntion au débit du compte courant d'un effet im­payé n'est qu'une opér.ation de compta­bilité; qu'elle est uniquement destinée à établir la sH uation exacte du compte entre parties, en annulant le crédit qui n'avait été accordé au moment de la remise de l'effet· que sous la condition résolutoire << sauf bonne fin »;

Attendu que l'inscription au débit du montant d'un effet impayé ne traduit l'existence d'une novation que dans le cas où le tiers porteur renvoie l'effet impayé contre-passé; que c'est le· des­saisissement de l'effet qui implique, dans ce cas, renoncement à l'exercice de l'ac­tion cambiaire ;

Attendu qu'en l'espèce le Crédit com­mercial a conservé l'effet après sa contre­passation, marquant ainsi sa volonté de conserver son recours contre les cosign a­taires;

Attendu au surplus qu'en l'absence de disposition légale réglant les conventions de compte courant, celles-ci doivent être interprétées suivant l'intention présumée des parties; qu'il est impossible œad­mettre que Je banquier qui a accordé crédit moyennant la remise d'effet et à raison de ses recours contre tous les signataires de cet effet, soit considéré comme abandonnant ces mêmes recours,' par le seul fait d'avoir annulé, par la

' contre-passation, le crédit accordé aupa­ravant, et cela au moment même où

Page 37: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 37

l'effet revient impayé et où les conditions du jeu des gaianlies viennent précisé­ment à être réunies;

Attendu enfin que la contre-paErntion, simple opération d'anriulation d'un cré­dit, ne fait pas perdre au récepteur la propriété des effets acquis par la TEmirn, alors rnrtout que, ccmme en l'eEpèce, le compte est déficit aire au moment de l'échéance ;

Attendu qu'il découle des prindpes ei-desrns exposés que le Crédit ccmmer­cial a conservé ses recours contre les pen:onnes qui ont avalisé la promesse litigieuse ;

Attendu qu'à -tort, Beugnies invoque rapplication de l'article 203? du Code civil;

Attendu que le Crédit commercial ne pouvait rnbrcger le défen dEur dans ses hypo-thèques, celles-ci n'ayant pas é-té fournies par le débiteur principal, mais bien par un tiers; d'où il mit que Beu­gBies n'avait aucun titre à exiger la. subrcgation ;

Attendu que les défendeurs Allard et Beugnies plaident encore que, ce· qui fait l'objet de la demande, c'est un solde de compte, et non pas le mon1ant de l'effet;

Attendu qu'il y a lieu d'observer que la pratique dont ont mé les par-lies con­sistait à faire garantir par le moyen d'un billet à ordre avafüé, le découvert du compte entre le Crédit commercial et la Société Allard; que l'intention des par­ties, toutes administrateurs, actionnaires ou intéressés à titres divers à la Société Allard n'est pas un instant douteurn;

Attendu que le montant de la somme pour laquelle le Crédit commercial a été admis au passif, correEpond au montant de la dernière promesse impayée;

Attendu que les promesses qui ont été renouvelées, jusqu'à la promesrn liti­gieuse, n'avaient pas d'autre came que le solde déficitaire du compte; qu'ainsi il n'y a pas deux dettes distinctes, celle du solde de compte et celle née de la pro­mesee, mais une seule et même dette, garantie ici par le jeu des cautions rnli­daires, et mobifü:ée sous forme de pro­messe avafüée ;

Attendu que la dette cambiaire et la dette du solde ne sont distinctes que par des différences de modalités, rµais que ces obligations sont identiques dans leur objet et leur cause ;

Attendu que les obligations de garantie des défendeurs portent sur une même chose; qu'ils sont, quoique à des titres divers, responsables envers le Crédit com­mercial de l'intégralité du payement de la même dette;

Attendu qu'il suit de là que raction, telle qu'elle a été intentée, est recevable et fondée;

Par ces motifs, le tribunal, vu les arti-

cles 1er, 30, 34, 36 et B? de la loi du 15 juin 1935 dont il a é-té fait application statuant con-tradictoinment, donnant acte aux parties de lrnrs dires, der, éga­tions et rernrves, les débcu1ant de tèutes conclusions plus amples eu contraires reçoit l'ac-tion; dcLne acte à la deman~ derei:rn de wn déi:isiEment de !',action dirigée contre le sirnr BI acq; dit l'action for dée; con damne Augmtine Urbain veuve Allard, Lcuis Blar, quet, An toi~ ~et~e. ~llard et Lcuis ~EU~T1ies, à payer m d1v1ablement et sohdanEme11t à la dEman derei:rn la i:omme pos-tulée de 109.6?8 fr. 05; les cor; damne dans les mêmes condiUons aux in-térêts judiciaires et à tcus les frais et dépens de l'instance ceux-ci t,axés à ce jcur à la i:omme d~ 6?3 francs; ordonne l'exécution provi­soire du jugement, ncnobstant tout recours et sans caution.

Du 'J juin 1943. - Tribunal èe com­merce de Mons. - Prés. M. Gilbert, juge fajrnnt fondions de président. - Pl. MM. Alphonrn Servais, Jacquemotte, Franeau et Cavenaile.

· Sur appel, la cour d'appel de Brux~ïles a rendu l'arrêt suivant :

(LOUIS BEUGNIES, C. SOCIÉTÉ ANONYME « CRÉDIT .COMMERCIAL DE MONS. >l)

ARRÊT.

Vu, produit en forme régulière, le juge­ment a quo, rendu le ? juin 1 %3 par le tribun al de commerce de Mons;

Attendu que l'intimée avait ouvert un compte courant à la Société coopérative Chausrnres Allard, qui a été déclarée en faillite;

Attendu que la dame Urbain, veuve Allard, et les sieurs Blan quet et Bracq, s'étaient portés cautions solidaires de tous les engagements de la dite so.ciété envers l'intimée ; ·

Attendu que, d'autre part, l'appelant, le sieur Blanquet et la dame Allard, veuve Bcugaert, avaient avalisé un billet à ordre d'un import de 165.000 fr. souscrit par la société faillie au profit de l'intimée; que cet effet a été escompté par celle~ci, qui en a porté la valeur nette en crédit du compte rnsvisé et qui en a contre-passé le montant après l'ouver­ture de la faillite ;

Attendu que l'action de l'intimée tend à faire condamner solidairement et indi­viduellement toutes personnes précitées, à payer le solde du compte courant, soit 109.6?8 fr. 05, dans l'état ac-tuel de la cause; que le jugement a quo a fait droit à cette demande et que seul l'appelant attaque cette décision; .

Attendu que l'appelant oppose vaine­ment qu'il n'a pas cautionne. toutes les

Page 38: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

38 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

obligations de la société faillie envers l'intimée et qu'il ne s'est créé dans son chef aucune obligation de payer le solde <lu compte courant; · .

Attendu, en effet, que l'action est fondée non seulement sur la convention de compte courant et sur le cautionnement illimité, mais aussi sur l'effet que l'appe­lant a avalisé et dont copie est donnée en tête de l'exploit introductif d'in­stance;

Attendu que l'appelant, en tant qu'ava­liseur de cet effet, est tenu solidairement avec la société faillie de payer à l'intimée le montant fixé da•1s ce titre, montant qui est supérieur à la somme actuelle-ment réclamée ; .

Attendu qu'en réalité la promesse liti­gieuse a été créée dans le seul but de mobiliser le découvert existant dans les livres de l'intimée à charge de la société faillie; qu'ainsi l'obligation née de l'aval se confond en fait avec l'obligation de régler le solde du compte courant; qu'il se conçoit que l'intimée ait poursuivi conjointement l'exécution de ces deux obligations, qui ont le· même objet;

Attendu qu'à bon droit, et pour des motifs que la cour adopte, le premier juge décide que l'inscription, ·au débit de l'in­timée et au crédit de la société faillie, de la créance née de la remise de la promesse litigieuse, n'entraîne pas l'extinction des garanties qui assurent le payement de cet effet ;

Attendu, en effet, que la créance qui est passée en compte et novée, est la créance acquise par le remettant du chef de la remise; que l'obligation du débi­teur principal de l'effetJ et l'obligation subsidiaire des autres signataires ne sont pas affectées par cette novation (PIRET, Compte coiwant, n° 58) ;

Attendu que l'intimée, restée proprié­taire de la promesse litigieuse, a donc cons~rvé le droit d'agir en payement contre les avaliseurs parmi lesquels l'appelant;

Attendu que c'est également à juste· titre que le premier juge admet que, par la contre-passation qu'elle a effectuée après la faillite du remettant, tout en retenant la promesse litigieuse, l'intimée n'a pas perdu son recours contre l'appe­lant;

Attendu que cette opération a pour seule portée que l'article du crédit passé lors de la remise de l'effet se trouve annuJé, par suite de la réalisation de la condition résolutoire dont était implicite­ment affectée la dation de crédit, à savoir le non-encaissement de l'effet, que le récepteur conserve néanmoins la qualité de porteur, avec toutes les conséquences juridiques qui en découlent;

Attendu qu'ainsi la contre-passation n'enlève pas au récepteur la propriété de

l'effet et ne porte pas atteinte à ses droits contre les coobligés du remettant en faillite (cass. fr., 17 octobre 1900, J. R., 1901, 1, 43; cass., 17 juin 1909, p. '1307; PIRET, loc. cit., 206 et suiv.; 220 et suiv.);

Attendu que c'est dès lors avec raison que l'action a été déclarée recevable et fondée à l'égard de l'appelant;

Attendu que le montant à allouer à l'intimée est établi à suffisance de droit par le jugement qui l'a admise au passif de la faillite de la société Chaussures Allar.d, et par les éléments produits en ce qui concerne les opérations ultérieures, lesquelles ont d'ailleurs éu pour résultat de réduire le solde débiteur du compte courant; que l'appelant, obligé par son aval à concurrencè de 165 .000 francs, conteste vainement l'exactitude de ce solde, qui comprend légitimE)ment les intérêts résultant de la convention de compte courant ;

Attendu, toutefois, que la solidarité et l'indivisibilité admises par le premier juge à l'égard de tous les défendeurs ne sont pas justifiées ;

Attendu que l'intimée invoque à tort les décisi~ns prises le '~ ~r mars 1931 P,a~ l'assemblee des associes de la societe Chaussures Allard ; que ces décisions ne lient pas les associés entre eux et ne peuvent pas former un titre en faveur de l'intimée;

Attendu que l'appelant n'est dès lors tenu qu'en vertu de son aval; que, dans les limites du présent débat, la solidarité n'existe qu'entre lui et ses avaliseurs;

Par ces motifs, la cour, vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935, écartant toutes autres conclusions, reçoit l'appel, con­firme le jugement a quo, sauf en tant qu'il a condamné l'appelant solidairement et individuellement avec toutes les autres personnes assignées; émendant sur ce point, dit que l'appelant est tenu des condamnations prononcées par le premier juge solidairement avec le sieur Blan­quet, et avec la dame Allard, veuve Bougaert, à l'exclusion de tous autres ; condamne l'appelant aux dépens d'appel.

Du 16 novembre 1945. - Cour d'appel de Bruxelles. - Prés. M. Daubresse, pré­sident. - Min. publ. M. de le Court,. substitut du procureur général.

COUR D'APPEL DE LIÉGE

12 juillet 1945

DENRÉES ALIMENTAIRES. - SAISIE PRATIQUÉE PAR LES AGENTS DES SER­VICES DE CONTROLE. - TRANSPORT DES OBJETS SAISIS A LA GENDARMERIE.

CONTREVENANT ASSIGNANT LES

Page 39: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 39

CONTROLEURS EN IlÉFÉRÉ. - DE­:!VIANDE TENDANT A CE QUE LES OBJETS SAISIS SOIENT REPLACÉS AU DOMICILE DU CONTREVENANT. __:_ ?NCOMPÉTENCE DU JUGE DES RÉFÉRÉS.

}L? jiige d3s riférés est inco1npitent pour ordonne/' anx; agents des services de contrôle, qni ont pratiqui une saisie par applicatfon de l'article 7, 7°, de l'anêté-loi du 22 janvier 1945 et ont transporté à la gendann?-l'ie les ob}ets saisis, de replace/' ceiix-ci au domicile du contrevenant, avec défense de pro­céder à leur i·éalisation avctnt tau.te déci­sion au fond.

(JEUNlAUX ET GUESSE, C. THYS.)

ARRÊT.

Vu en expéditio:i régulière, avec les })ièces de procédure lui annexées, l'or­donna:ice rendue en la cause le 26 mars 1 %5 par laquelle M. le Président du tribunal de première instance de Dinant, siégeant en référé, a ordonné aux défen­deurs de repla~er au domicile du deman­deur les marchandises reprises à l'exploit introductif d'instance et leur a fait défense de procéder à leur réalisation ava'lt toute dé:;ision au fond;

Vu l'appel réguliel', parta'lt recevable, interjeté par les défendeurs;

Attendu que la dema'lde tendait à faire défense aux appela'lts de procéder à la vente de nombreuses paires de chaus­sures, vêtements, tissus saisis chez l'in­timé pa1~ les appelants suivant procès­verbaux en date des 19 et 20 février 1 %5 et à faire ordonner que ces marchan­dises soient restituées à Thy3, à son domicile;

Attendu que l'article 7, 7°, de l'arrêté­loi du 22 janvier 1945, concernant la répression des infractions à la réglemen­tation relative à l'approvisionnement du pays, autorise les agants cités à l'ar­ticle 6, ainsi que les officiers de police judiciaire, notammént à saisir les mar­chandises ou les animaux qui font l'objet de l'infraction ainsi que ceux du même genre qui sont en p'.)ssession du contre­venant, à constituer gardien sur place ou en tout autre lieu désigné par eux et à. mettre en vente les dits animaux sai­sis;

Attendu que cette disposition est direc­tement inspirée de l'article 7, so, de l'arrêté-loi du 27 octobre 1939, com­plétant les mesures prises pour assurer l'approvisionnement du pays et pour prévenir et réprimer les abus dans le commerce de certaines denrées ou mar­chandises, dont il renforce la rigueur, la disposition ancienne ne permettant de saisir que les denrées et marchandises dont la confiscation peut être prononcée

et n'autorisant les agants verbalisants à mettre en vente, à tout moment de la procédure, les marcharrdises autres que celles qui ne p:mvent se conserver que sur ordre du procureur du roi;

Attendu qüe si, aprè> la libération du territoire, le législaLeur a cru devoir prendre des m3sures aussi draconiennes, contraires aux principes et à l'esprit de notre droit pénal et à la sauvegarde des intérêts légitimes de ceux auxquels procè3-verbal a été dressé, c'est pour obéir aux exigences impérieuses qu'im­posent le ravitaillement du paya et la répartition des produits de première néce3sité entre tous les citoyens;

Que la non-déclaration régulière des bêtes et marchandises et le stockage de ces dernières, dans un intérêt exclusive­ment personnel, apparaissent comme éminemment contraires au but poursuivi par le g.:mvernement, dans l'intérêt général, et comm3 heurtant en outre l'équité qui doit présider à la répartition des obligations de fournir exigées de chaque producteur ;

Que c'est pour ces motifs que le légis­lateur a cru devoir permettre aux agents verbalisants de vendre les choses et arrimaux saisis, voula1t ainsi faire rentrer sa1s délai dans la circulation, non seule­m3n t les marcharidises périssables, mais encore toutes les autres dont la carence affecterait sérieusement la satisfaction des be3oins primordiaux de la nation ;

Que c'est ainsi qu'il a pensé pouvoir, sans encourir de risques aussi graves que ceux auxquels il voulait parer en légi­férant, renoncer à la garantie que consti­tuait p:mr les contrevenants l'interven­tion d'un magistrat lorsqu'il s'agissait d'autoriser la vente de marchandises et d'animaux non périssables saisis ;

Qu'en procédan.t au transpe>rt à la g·en­darm3rie et, éventuellement, à la réali­sation des marchandises saisies, les appe­lants n'ont commis et ne commettraient pas une voie de fait, mais useraient sim­plement des pouvoirs abandonnés par la loi à leur appréciation di5crétionnaire ;

Qu'il n'y a pas non plus urgence en l'espèce, aucun élément de la cause ne perm3ttant de présumer que les appe­lants se proposent de procéder à la vente que l'intimé demandait au juge des référés de leur interdire;

Qu'en transportant les marchandises litigieU3es à la g·:indarmerie, les appelants peuvent n'avoir eu en vue que d'en assurer la conservation jusqu'à ce qu'in­tervienne la décision du fond ;

Mais attendu que Thys, l'intimé, sou­tient qu'en vendant sans nécessité les marchandises .saisies, les appelants abuse­raient de leur droit, puisqu'ils l'exerce­raient sans aucun intérêt lég·itime ;

Qu'il ne peut appartenir au juge, qui

Page 40: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

46 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

n'est appelé à statuer que dans des cas d'espèce, de se subsüluer à l'adminis­tration, qui possède des vu.es d'em.emble dans l'appréciation de l'utilii é des me­sures <lue requiert la réalisation de fins d'intéret général;

Que, de plus, une telle appréciation supposerait l'examen préalable du fond, ce qui est in 1er dit au juge des référés ;

Par ces motifs, ia cour, ouï M. l'avocat général Delwaide en son avis conforme, donné en audience publique et en largue fr an çairn, rejei ant toutes conclmions autres, plus amples ou contraires, reçoit l'appel et, siaiuant rnr son fondement, dit que le premier juge éi ait inccmpé­tent pour connaître de la demande; réforme en conséquence l'ordonnance entreprirn; condamne l'intimé aux dé­pèns, tant de première instance que d'appel.

Du 12 juillet 1945. - Cour de Liége. _, 2e ch. - P1'és, M. Le Rc,ux, président. ......,- Min. publ. M. Delwaide, avocat gé­néral. - Pl. MM. Depress-eux et P. Tschoffen.

COUR D'APPEL DE LJÉGE

5 nove:rnbre 1945

RESPONSABILITÉ. - EN:FANT MINEUR RÉSiDANT CHEZ SA GRAND'MÈRE AVEC LE CONSENTEMENT DE SON PÈRE. -AèTE MÉCHANT DE L'ENFANT AYANT CAUSÉ . PRÉJUDICE A UN TIERS. -RESPONSABILITÉ DU PÈRE. ARTI­CLE 1384 DU CODE CIVIL.

Lorsqu'un dommage est causé par l'acte méchant d'un enfant mineur résidant momentanément chez sa grand'mère, avec l' autorùation de son père, la 'res­ponsabilité de ce dei'nie1' est engagée par application de l'atticle 1384 du Code civil. Il appm'tient, en effet, œu, père, qui connaît les défauts et les pen­chants de son enfant, de ne 1'elâchet sa surveillance qu'à bo't1. escient et de rie faire con fiance à son fils que si celui-ci est digne de cette faveu1'.

(RAYMOND OGER, C. RASE, ET RASE C. RAYMOND OGER.)

ARRÊT.

Vu, en expédition régulière, Je juge­ment du tribunal de première instance de Namur en date du 8 novembre 1943;

Vu les appels interjetés, d'abord par la partie Oger, le 11 février 1944, ensuite par la partie Rarn, le 21 mars 1944 ;

Attendu que ces appels sont connexes et qu'il échet de statuer sur leur mérite par un seul et même arrêt ;

Attendu que les actions introduites les 15 décembre 1942 et 15 avril 1943 devant les prEmiers juges par le sieur Rarn, 1ant en nom perEcnnel que comme admi­nistrai rnr h'gal des biens de son fils mi­neur, Lcuis Rarn, aimi qu'au nom de son épom:e, dame Marie Herc, et ierdant à oblenir réparation du préjudice camé par un accident rnrver:u à Namêche, le 20 juillet 1942, au cours duquel leur fils Louis fut blessé à l'œil droit; qu'il est constant en fait et d'ailleurs non dénié, qu'en ces lieu et <laie, l'enfant Rarn qui, pendant la récréation, jouait avec ses camarades dans la cour de l'école libre de Namèche, fut g·ravement blessé par une pierre lancée par le jeune Jean Oger - alors âg·é de dix ans et quatre mois -qui, du jardin voisin, prenait plaisir à jeter des projectiles divers dans le groupe d'écoliers ·

Que l'e;1quête pratiquée par la gen­darmerie révèle qu'avant d'atteindre la victime, il avait qéjà lancé sur l'épaule d'un des écoliers u:ce boîte à rnrdines;

Attendu que, judiciemement, les pre­miers juges ont admis la re~pomabilité penonnelle de l'auteur de l'accident;

Que le fait commis par le jeune Oger apparaît en effet, non seulement comme une jmprudence bien caractérisée et, par­tant, rnsceptiple d'être discernée même par un enfant de son âge, mais en outre, ccmme un acte méchant, notion qui ne pouvait <lavant age échapper à son au­teur;

Qu'il ne s'agit pas du geste d'un gamin qui, jouant avec des camarades, ramasse étourdiment une pierre et la lance au risque de bles-ser quelqu'un, mais bien du comportement d'un garnement qui, systématiquement, harcèle un groupe d'enfants _qui lui sont étrangers dans le seul but d'atteindre l'un d'entre eux et de lui faire nrnl, ce qui advint;

Qu'à son âge, Louis Oger était capable de comprendre parfaitement qu'il com­mettait un acte illicite et méchant; que notamment rn fuite pour s-e dérober aux conséquences de son action prouve qu'il avai.t une notion nette . de sa faute ;

Quant à la respomabilité civile de Oger Raymond, père de l'auteur des blessures :

Attendu qu'il est constant que le fils Oger séjournait à Namêche chez rn grand'mère, à l'occasion des grandes vacances, quand il commit l'acte lui reproché;

Attendu que l'article 1384 du Code civil rend le père responsable et la mère après le décès du père, du dommage causé par leur fils «habitant avec eux»; qu'au point de vue de l'application de cet article, le mineur d'âge est censé habiter avec ses père et mère, à moins qu'il ne soit établi que, pour une raison légitime

Page 41: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 41

quelconque, il doive avoir une habitation séparée;

Qu'en l'espèce, l'enfant Oger habitait chez son père, à Marcinelle, qui a pu, €Il connaissance de caus~, l'autoriser à se rendre quelque temps chez sa grand'­mère;

Qu'en donnant cette autorisation, le père de l'enfant agissait dans l'exercice de la puissance paternelle ;

Que l'enfant ne s'etait pas soustrait à la surveillance de son père et n'était pas passé sous celle de l'une ou l'autre per­sonne énumérée par la loi, tels un insti­tuteur ou un artisan ; que le père avait consenti à son fils la faculté de s'absenter m,omentanément; que, collnaiss;rnt les defauts et les penchants de son enfant, il lui appartenait de ne relâcher sa surveil­lance qu'à bon escient et de ne faire con­fiance à son fils que si celui-ci était digne de cette faveur, ce qu'il devait connaître pour être le principal éducateur de son enfant;

D'où il suit que c'est à tort que les premiers juges ont cru devoir écarter l'application de l'article 1384, § 2, du Code civil pour le motif que Louis Oger ne se trouvait pas habiter chez son père au moment de l'accident;

Attendu en outre que le fait dont le jeune Oger s'est rendu coupable implique une éducation déplorabl_e ; que si son père avait, par des mesures de correction appropriées, mis un frein à ses mauvais penchants, le malheur à l'origine du litige ne. serait pas à déplorer;

Que, partant, toute enquête à ce sujet s'avère dès à présent irrelevante ;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, la cour, écartant comme non fondées toutes conclusions autres, plus amples ou coRtraires, ouï en audience publique et en langue fran­çaise, M. l'avocat géneral de Froidcourt en son avis confo nme, joint les appels inscrits sous les n°8 8916 et 8932 dù rôle général; confirme la décision 'entreprise en tant qu'elle joint les causes et qu'elle déclare l'enfant Jean Oger personnelle­ment responsable des suites domma­geables de l'accident enve-rs les consorts Ra'3e, de même quant à l'expertise médi­cale ordonnée pour fixer la nature et le degré de gravité des lésions dont est att.ei:lte la viJtime; émendant pour le surplus, dit Raym)nd Oger père respon­sable des sui es dommageables de l'acci­dent survenu à Li:mi3 Ra1e, ta11t en vertu de l'article 1382 du C:Jde civil que par application de l'ar icle 1384 du même CJde; condam"le la partie Oger, en-telles quali.tés que de droit, aux dépens, tant de première instance que d'appel exposés jusqu'à ce jour; renvoie l'affaire et les parties en prosécution de cause devant

le tribunal de première instance de Namur autrement composé.

Du 5 novembre 1945. -Cour de Liég~. - 36 ch. - Prés. M. Van de Kerkhove président. - Min. publ. M. de Froidcourt' avocat général. - Pl. MM. Bertrand et Michel.

COUR D'APPEL DE LIÉGE

5 novembre 1945

RESPONSABILITÉ. - COMMUNE. ACCIDENT SURVENU A UN PASSANT ET DU AU MAUVAIS ÉTAT DE LA VOIE PUBLIQUE. - LOI DES '16-24 AOUT 1 ?90. - ARTICLE 90 DE LA LOI COM­MUNALE. - CAS OU LA RESPONSABI· LITÉ DE• LA COMMUNE EST ENGAGÉE. - FAUTE DE LA VICTIME. - RESPON­SABILITÉ PARTAGÉE.

La loi des 16-24 août 1790 et l'atticle 90 de la, lo~ communale de 1836, modifié pat l article 18 de la loi du 30 décembre 1887, en chargeant spécialement le bourgmestre de l'exécution des lois et règlements de police, n'ont pas eu pour effet de décharger la cornrnij,ne du soin de veille1' à tout ce qui intéresse la sûrete et la commodité du passage dans les q'lfm;s, place.s et ~oies P,Ubliques, sans distinguer si ces lieux lui appartiennent en propre ou à d'autres administrations piibliques.

Dans les lirnites de ses attî·ibutions, la commune prend souverainernent les déci­sions de sa compétence, particulièrement en ce qui conceme la situation et l'état des voies de communication. Mais sa décision étant p1"Îse, elle ne peut laisser les usagers dans une fausse sécurité lorsqu'un événement quelconque ·vient comprornettre la sûreté et la commodité du. passage. En négligeant d'intervenir, elle lèse les droits civils des victimP,s et donn,, ainsi ouverture à contestation judi­ciafre (1).

La victime commet également une faute lorsque, connaissant la situation dange­reuse des lieux, elle néglige de veiller à sa propre sécurité.

{LA VILLE DE LIÉGE, C. KUYPERS, ET KUYPERS C. ÉTAT BELGE . [MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS].)

ARRÊT.

Vu, en expédition régulière avec les piè?e? y annexées, le jugement rendu· 1e 13 Jmllet 1944 par le tribunal de première instance de Liége ; ·

(1) 'Voy. DE PAGE, Traité de dr. civil belge, t. II, n° 1067.

Page 42: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

42 JUR~PRUDENCE DE BELGIQUE

Vu les appels interjetés contre le dit jugement, le 31 août 194:4, par la ville de Liége contre Lambertine Kuypers et, le 16 avril 1%5, par celle-ci contre l'Etat belge (Ministère des travaux publics) ;

Attendu que la recevabilité de ces appels n'est pas contestée;

Attendu que l'action introduite par assignation du 23 octobre 1945 est basée sur l'obligation imposée à la ville de veiller à la sécurité des usagers de la voie publique et postule l'application de l'ar­ticle 1382 du Code civil et des lois spé­ciales sur la matière, notamment la loi des 16-24 août 1790 ;

Qu'elle tend à la réparation du dorn­mag·e subi par l'intimée Kuypers, en suite de la chute mortelle que fit le sieur Hubert y, son époux, le 1er novem­bre 1940, vers 22 heures, à l'emplacement du pont du commerce à Liége, détruit par l'armée belge le 11 mai 1940;

Attendu que, pour échapper à toute responsabilité, l'appelante prétend que les devoirs de police imposés par fa loi de 1790 incombent au seul bourgmestre en sa qualité de chef de la police admi­nistrative et à ce titre organe de l'Etat et non de la commune, qui devrait être mise hors cause; que le fondement de cette exception pérernptoire se trouverait dans l'article 90 de la loi communale de 1836, modifié par l'article 18 de la loi du 30 décembre 1887;

Attendu que ces disposi1ions légales, en chargeant spécialement le bourg­mestre de l'exécution des lois et règle­ments de police, n'ont pas eu pour effet de décharger la cornmune du soin de veiller à tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les quais, places et voies publiques, sans dis­tinguer si ces lieux lui appartiennent en propre ou à d'autres administrations publiques (grande ou petite voirie) ;

Attendu en effet que l'article 90 de la loi communale, modifié par l'article 18 de la loi du 30 décembre 1887, d'une part charge le bourgmestre « de l'exécution des lois et arrêtés de l'administration générale ainsi que des arrêtés et règle­rnents du conseil provincial ou de la députation permanente, à moins qu'elle ne soit formellement attribuée au con­seil échevinal ou au conseil comrnunal (disposition finale) et, d'autre part, chai ge le collège des bourgmestre et échevins de l'exécution des arrêtés de même nature lorsqu'elle lui est spécia­lement confiée J> (même article, 1°), il en résulte que le dit article 90 n'a pas modifié les dispositions de la loi des 16-24 août 1790;

Attendu que, suivant les conclusions de l'appelante, le principe de la sepa­ration des pouvoirs ferait échapper à la

censure des tribun aux les décisions de l'administration ;

Attendu que, dans la limite de ses attributions, la commune prend souve­rainement les décisions de sa compé­tence, partkulièremen t en ce qui con­cerne la situation et l'état des voies de communication, mais sa décision étant prise, elle ne peut laisser les usagers· dans une fausse sécurité, lorsqu'un événe­ment quelconque vient compromettre la sûreté et la commodité du passage ; qu'en négligeant d'intervenir, elle lèse les droits civils des victimes et donne ainsi ouverture à contestation judiciaiJe ;

Attendu que l'autorité occupante au­rait pris possession des abords de l'ancien pont du commerce et y aurait établi un chantier pour la récupération des maté­riaux du pont détruit; que ces circcn­stances de fait auraient mis la ville dat1s l'impossibilité de clôturer la voie d'ac'<'ès en soustrayant les lieux à sa vigilance ;

Attendu que ces faits, s'ils sont établis, ne diminuent en rien la négligence de l'appelante ; les connaissant, elle avait pour devoir de faire en sorte que chaque jour, à la tombée de la nuit, le passage soit empêché par une clôture contilîue ou tout au moins qu'un dispositif de signalisation y soit établi;

Attendu que ces considérations démon­trent la faute de l'appelante, mais que celle de la victime est non rnoins évidente: instruite par l'usage des lieux qu'ellé traversait chaque jour, elle devait veiller à sa propre sécurité et faire preuve d'attention ; que des éléments de 'la_ cause, il résulte que sa responsabifü é est engagée pour moitié, l'autre part étant à la charge de l'appelante ;

Quant à la responsabilité de l'Etat belge :

Attendu que la demanderesse origi­naire n'articule contre lui aucune faute, mais déclare l'avoir mis à la cause parce que la ville de Liége en ses conclusions d'appel soutient qu'il ne serait pas établi qu'elle serait propriétaire de la partie de la voirie empruntée par la victime, ni qu'elle en aurait la garde ;

Attendu que ce soutèneh1ent de la ville ne peut être retenu; qu'en effet, l'accident n'a pas eu lieu sur la part,ie pavée du boulevard Frère-01ban lcn­geant la Meuse et appartenant à la grande voirie, mais sur la voie donnant accès au pont communal;

Qu'il convient dès lors de mettre â charge de la ville de Liége les frais de la mise en cause de l'Etat devant la cour en confirmant la décision déclarant non fondée cette partie de l'action ;

Quant aux dommages-intérêts : Attendu que le premier juge a saine­

ment apprécié l'importance du préjudice dans ses divers éléments; que s'il est de

Page 43: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL

principe que celui-c~ e.st fixé. dès le m~­ment où il se produit il y a heu de tenu compte néanmoins de la majoration du coût de la vie et de celle des salaires qui aurait affecté la rémunération de la victime dans les années suivantes comme le fait la cl écision querellée ; .

Par ces motifs et ceux non contraires du premier juge, la cour, ouï en son avis conforme donné en audience publique et en langue française, M. l'avocat général de Froidcourt, écartant toutes conclu­sions plus amples ou contraires, reçoit les appels et, y faisant droit, joint les causes inscrites sous les n°8 9154 et 9241 du rôle général; confirme le jugement en ce qu'il a déclaré non fondée l'action envers l'Etat et condamné la deman­deresse originaire aux dépens de première instance; le confirme en ce qu'il déclare fondée l'action· mue contre l'appelante ville de Liége ; réformant pour le sur­plus, dit que celle-ci ne doit supporter que la moitié des conséquences domma­geables de l'accident ; e? conséq:ii,ence_, condamne l'appelante ville de Liege a payer : 1 o à l'intimée Kuypers, à titre personnel, les sommes de. 82.560 : 2, soit 41.280 francs (quarante et un mille deux cent quatre-vingts) du cl~ef de pré­judice matériel, perte de salaire, et. de 30.000 : 2, soit 15.000 francs (qumze mille) du chef de préjudice moral ; 2° à la même en qualité de tutrice légale et administrateur légal des biens de son enfant mineur les sommes de 125.000 : 2, soit 62.500 f;ancs (soixante-deux mille cinq cents francs) du chef de préjudice matériel et de 15.000: 2, soit 7.500 francs (sept miÙe cinq cents ~ra~cs), pour préj_u: dice moral· 3° aux mtimes en quahte d'héritiers l'es sommes de 5.578' ·: 2, soit 2. 789 francs (deux mille sept cent quatre­vingt-neuf francs) pour frais médicau_x et funéraires, et de 25.000 : 2, soit 12.500 francs (douze mille cinq cents francs), représentant les souffrances de la victime; total général : 141.5?9 francs (cent quarante et un mille cmq cent soixante-neuf francs) ; la condamne en outre aux intérêts légaux sur ces sommes à ·compter du jour de l'accident, aux inté­rêts judiciaires et aux déper:is ~es ~eux instances, en ce compris les frais neces­sités par l'appel contre l'Etat.

Du 5 novembre 1945. - Cour de Liége. - 3e ch. - Prés. M. Van de Kerkhove, président. - Mùi. publ. M. de Froidcourt, avocat général. - Pl . .MM. Fincœur ~t Dehousse, Vouillaume, Robert et Loms Boseret.

COUR D'APPEL DE LIEGE

19 novembre 1945

GUERRE. - OCCUPANT CONTRAIGNANT LE PROPRIÉTAIRE D'UN VÉHICULE A LUI VENDRE CELUI-CI. - NATURE DE L'OPÉRATION. - NI VENTE, NI RÉQUI­SITION. - VÉHICULE VENDU PAR L'OCCUPANT A UN TIERS. - DROIT DU PROPRIÉTAIRE DE .LE REVENDIQUER ENTRE LES MAINS DE CE TIERS.

Ne constÜU15 ni un cont1·at de vente au sens du droit civil, ni une réquisition régu­lière, l'opération par laquelle l'occupant. après avofr saisi un cam.ion automobile,, l'achète à son propriétaire, moyennant un prix iniposé, et le revend peu, après à itn tiers.

La Convention de La Haye (art. 52 et 53) n,P tolère que la réqitisition des m.oyens de transport destinés aitx besoins de l'armée d'occupation, dans le pays occupé, ce qui n'est pas le cas lorsque,, aussitôt en possession du véhicule, l'occupant s'en dessaisit au profit d'wi partiwl1'er. . · ·'

De plus, la Convention de La Haye stipule que le niatériel réquisitionruf doit être restitué par l'occupant à la fin des hostilités, ce qui im.pl1'.que qite seule la jouissance de la chose est attribuée à l'occupant, qui ne peut, dès lors, vendre le m.até?'iel réquisitfonné à itn tiers, puisqu'il n'en possède pas la propriété.

Le propriétaire dépossédé est, en consé­quence, en d1·oit de revendiquer ·le véhi­cule entre les m.ains d11. tiers auquel -l'occupant l'a cédé, sans avoir à 1·em.-bourser à ce tiers le prix qu'il a payé (article 3 de l'arrêté-loi du 10 janvier 1941 relatif aux mesures de dépos­session effectuées par l'ennemi).

(LUCIEN DELVILLE, C. SERVAIS.)

ARRÊT.

Vu, en expédition régulière, avec les pièces y annexées, le jugement rendu pa1· le tribunal de commerce de Liége, en date du 4 mai 1945 ;

Vu l'appel interjeté contre le dit juge­ment par le sieur Delville, le 1 O juil., let 1945;

Attendu que la recevabilité de cet appel n'est pas contestée;

Attendu que, par l'action qu'il a intro."' duite devant les premiers juges, l'appei lant revendique - en se fondant sur les dispositions de l'arrêté-loi du s10 jan­vier 1941 - la propriété d'un camionj type Reo, modèle 1934, qu'il a trouvé vers novembre 1944 - postérieurement à la libération du territoire en possession de l'intimé Servais, qui a reconnu l'avoir acquis de l'autorité militaire allemande ;

Page 44: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

44 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

qu'il résuÜe en effet des documents de la cause, que le camion appartenant à Delville fut, dès le 30 décembre 1941, consigné par l'occupant ; qu'à la date du 16 avril 1942, l'autorité militaire allemande ordonnait à Delville de repro­duire le véhicule, qui fut alors « repris et acheté dans l'état où il se trouvait » par cette autorité pour le prix imposé par elle de 25.000 francs ;

Que quatre jours plus tard, le camion fut rétroçédé par la dite autorité mili­taire au sieur Servais pour la somme de 25.520 francs, ainsi qu'il conste du reçu du prix lui délivré le 20 avril 1942 ; · · Attendu, qu'ainsi que le pratiquait l'occupant, dans la généralité des cas de l'espèce (cf. arrêt de la cour du 14 juin 1945, 20 chambre, en cause Joassin contre Corbusier), la dépossession du pro­priétaire légitime du véhicule était cou­verte par un titre affectant les appa­rences d'un contrat de vente-achat;

Qu'en réalité, ce n'est là qu'un subter­fuge destiné à masquer une atteinte por­tée à la propriété privée, puisque la dépossession ne rentrait pas dans le cadre des cas où les conventions inter­nationales l'autorisent;

Qu'il n'est en effet que trop évident que Delville ne désira.it aucunement se voir privé de son camion, surtout pour le prix .désavantageux. qui lui était imposé; qu'aucun contrat dans le sens -civil du terme ne pouvait donc prendre naissance entre l'occupant et le proprié­taire du véhicule, à défaut d'accord sur le principe de la cession de la chose et sur son prix ;

Attendu que la tractation envisagée ne· peut dava1tage être retenue comme con­stituant une réquisition de matériel de transport,. puisque, d'abord, elle n'en revêt pas les formes et, qu'au fond, elle -contrevient aux règles édictées à l'an­nexe de la convention de La Haye {art. 52 et 53), laquelle ne tolère que la réqüisition des moyens de transport destinés aux besoins de l'armée d'occu­pation en Belgique, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque, aussitôt entrée en possession du véhicule litigieux, l'auto-

. rité militaire allemande s'en est dessaisie au profit de l'intimé Servais;

Attendu en outre que si la convention de La Haye prévoit la saisie par l'occu­pant des moyens de transport de per­sonnes ou de choses appartenant à des personnes privées, encore est-il qu'elle stipule que ce matériel doit être restitue par l'ocieupant à la fia des hostilités, ce qui implique que seule la jouissance de la chose est attribuée au pouvoir occu­pant, qui ne peut, dè3 lor.s, vendre le matériel à un tiers, puisqu'il n'en pos­sède point la propriété;

Qu 'il suit de· ces considérations que la

tractation avenue entre l'autorité alle­mande et l'intimé, le 20 avril 1942, n'offre aucun des éléments essentiels à l'existence d'un contrat de vente-achat et qu'on doit la considérer comme un· acte dépourvu d'effets juridiques;

Attendu qu'il s'ensuit qu'il est indif­férent en l'espèce actuelle que le pouvoir occcipant ait agi ou non avec un but de lucre lors de ces tractations, lorsque le juge constate, en fait, qu'il se trouve en présence d'un acte de spoliation rentrant dans les termes de l'arrêté-loi du 10 jan­vier 1941;

Attendu q1 e l'on ne peut davantage tirer argument de ce que l'appelant, irrégulièrement dépossédé de son camion, ait accepté de toucher la somme placée à sa disposition par l'autorité occupante;

Qu'en réalité, la victime de la violence, loin de percevoir le prix d'une vente, était contrainte de s'incliner et d'en­caisser ce qu'on voulait bien lui offrir pour atténuer la perte qu'on lui faisait subir;

Qu'à raison de la violence. faite à l'ap­pelant, est sans relevance et sans signi­fication aucune, la signature apposée par Delville sur le document constatant la prétendue vente-achat;

Attendu qu'en vain on tenterait de tirer argument de l'article 43 de la con­vention' de La Haye, qui impose à l'oc­cupant l'obl~gation d'assurer l'ordre et le ravitaillement dàns' les territoires soumis à sa juridiction, pour conclure que le camion appartenant à Delville a ëté saisi pour être placé à la disposition de Servais, qui était chargé d'un service de ravitaillement et que, partant, l'autorité militaire. allemande n'a agi qu'en vertu de droits lui conférés par le dit article dans le but de satisfaire aux devoirs qu'il lui impose; ·

Attendu que les dispositions de l'ar­ticle 43 ne permettent pas de déroger aux règles préçises édictées aux arti­cles 52 et 53 d,~ la Convention; qu'au surplus, Servais s'est servi du véhicule lui rétrocédé aux fins purement person­nelles de son commerce de charbon ;'

Attendu qu'il suit de ces considérations que la restitu'ion du camion doit être ordonnée à l'appelant;

Attendu que, par dérogation à l'arti­cle 2280 du Code civil, l'article 3 de l'arrêté-loi du 10 ja wier 1941 stipule que la revendicalion des biens visés aux articles 1er et 2 est ouverte contre tout possesseur sans que le propriétaire soit tenu, en aucun ca-;, de rembJur3er le prix qu'ils lui ont coû~é, le possesseur con­servant seulement son droit contre celui duquel il les tient ;

Qu'ainsi l'appela'.l.t ne doit rien rem­bourser au sieur S3rvais p:mr rentrer en possession du ~véhicule, libre à ce dernier

Page 45: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 45

à prendre contre son vendeur tel recours qu'il jugera utile ;

Quant aux dommages-intérêts solli­cités par l'une et l'autre partie :

Attendu que l'intimé prétend avoir apporté au camion litigieux certaines améliorations qui donneraient ouverture à une indemnité en sa faveur en vertu du principe que nul ne peut s'enrichir aux dépens d'autrui;

Qu'il échet de recourir à une expertise pour rechercher si ces améliorations ou modifications ont accru ou non la valeur marchande actuelle du camion ;

Attendu que l'appelant fait valoir que l'utilisation du véhicule pendant bientôt quatre ans par l'intimé, doit avoir en­t~aîi;ié une usure, partant, une dépré­ciation;

Que seule l'expertise pourra éclairer la religion de la cour sur ce point comme sur le précédent;

Attendu qu'il échet de réserver le prin­cipe et la hauteur éventuelle de l'indem­nité à consentir à l'appelant pour priva­tion de jouissance, la question des indem­nités à liquider entre parties formant un tout indivisible ;

Par ces motifs, la cour, écartant comme non fondées toutes conclusions autres, plus amples ou contraires recoit l'appel et, y faisant droit, réfo~me

0

la 1

décision attaquée; condamne l'intimé Servais à restituer à l'appelant Delville dans les vingt-quatre heures de la signi~ fication du présent arrêt, le camion liti­gieux, type Reo, modèle 1934; et, avant faire droit pour le surplus, désigne en qualité d'expert M. Fernand Imhauser, rue des Champs, 5, à Liége, qui, en se conformant aux formalités et règles im­posées par la loi, aura pour mission : d'examiner le camion litigieux, d'en fixer la valeur actuelle, de dire, en s'inspirant de.tous renseignements utiles, quelle serait la valeur vénale actuelle du dit camion s'il se trouvait aujourd'hui dans l'état où il était le 16 avril t 942 ; de dire si les transformations y apportées par l'in­timé ont ou non accru la valeur mar­chande actuelle du camion et, éventuel­lement, chiffrer cette augmentation; dire éventuellement s'il existe des réparations à faire au camion pour le remettre en état et en fixer le coùt ; évaluer la dépré­ciation que pourrait avoir subie le camion par l'usage qu'en a fait l'intimé depuis le jour où il s'en est servi; du tout faire rapport motivé ; réserve à statuer sur l'indemnité sollicitée par l'appelant pour perte de jouissance ; condamne l'intimé aux dépens d'instance et aux dépens d'appel exposés jusqu'à ce jour.

Du t 9 novembre 1 945. - Cour de Liége. - 3e ch. - Prés. M. Van de Kerk-

PASIC., 1945. - 28 PARTIE.

hove, président. - Pl. MM. Delfosse, Kaisin et Laurent-Neuprez.

COUR D'APPEL DE LIÉGE

13 novembre 1945.

t 0 IMPOTS. - .LOIS FISCALES. - INTER­PRÉTATION. - ARRÊTÉ DES SECRÉ­TAIRES GÉNÉRAUX DU 2 MARS 1942. -ARTICLES 9 ET '15. - CRÉATION D'UN IMPOT RÉTROACTIF.

2° POUVOIR JUDICIAIRE. - ARRÊTÉ DES SECRÉTAIRES GÉNÉRAUX. - CON­STITUTIONNALITÉ. - POUVOIR DES TRI­BUNAUX. - INCONSTITUTIONNALITÉ. -POUVOIR DES COURS ET TRIBUNAUX.

1° Les lois fiscales sont de st1"Îcte application et ne permettent aucune ·inte1·prétation ~ar <l:n'!logi~. Il n'appartient pas à l administrntion de créer un lieu d'im­position autre qiie celiii qiie le législa­teur a p1·évii.

Les art'Îcles 9 et 15 de l'arrêté des secré­taires généraux du 2 rnars 194.2 créent 1Hi impôt rétroactif, ce qui est contmfre à l'article 111 de la Constitiition.

2° .Les ~ecrétaires géndraiix n'étant pas in_vestis du pouvfir' ~égi~latif, les coiirs et tnbii1.iau~ ont _l ?bhgatwn de vùifier la constitutwnnalite de leurs an·êtés et de ref'iiser d'appliquer celles des dispositions des dits arrêtés qiii sont contrnires à la Constüut·ion.

(SOCIÉTÉ ANONYME DES CHARBONNAGES D'ESPÉRANCE ET BONNE FORTUNE, C. DIRECTEUR DES CONTRIBUTIONS DI­RECTES DE LA PROVINCE DE LIÉGE.)

ARRÊT.

Vu le recours introduit, le 16 mars 1942, par la société anonyme des Char­bonnages d'Espérance et Bonne Fortune établie à Montegnée, contre la décisio~ rendue le 6 mars 1942 par M. le Direc­t~ur des co~~ributio?s ~irect.es de la pro­vmce de L1ege, qm reJette sa réclama­tion tendant au remboursement de la somn~e d~ 1.691. francs, représentant la contr1~ut10n nat10nale de crise supplé- · mentaue afférente à l'exercice 1940 sur le revenu d'immeubles qu'elle possède dans les communes de Grâce-Berleur Jalhay, Les Tailles, Hollogne et Saint~ Nicolas·

_Yu ég·alement la requête de M. le Directeur des contributions en date du 29 décembre 1943, signifiée le 7 janvier 1,944 ~ .la so:iété précitée, par laquelle 1 admm1stration postule la valida· ion par la cour d'une cotisation sub.:>idiaire au même impôt et de même import

4:

Page 46: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

46 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

établie par application de l'article 74bis, § 2, des lois coordonnées;

Attendu que la requête de l'adminis­tration n'est introduite que pour l'éven­tualité où la cour ordonnerait le rem­boursement de la somme payée à la suite de l'avertissement du 19 mars 1941.

Attendu que, suivant l'article 4 de la loi du 17 juin 1938, le ,supplément est réglé dans la commune d'imposition à l'impôt complémentaire personnel ou à Bruxelles s'il s'agit de redevables établis à l'étranger;

Attendu que la société requérante, per­sonne morale, n'est pas assujettie à l'im­pôt complémentaire personnel; que, d'autre part, son siège social est établi en Belgique ;

Qu'elle ne se trouve donc dans aucun des cas prévus par la loi ;

Attendu néanmoins que l'administra­tion, se basant sur l'intention du législa­teur d'assujettir tous les contribuables au supplément établi et sur l'article 6 de la loi du 17 juin 1938, qui rend appli­cables à la contribution nationale de crise les prescriptions légales,et réglementaires relatives à l'assiette, à la perception et au 'recouvrement des impôts sur les revenus, a cru pouvoir fixer le lieu d'im­position dans la commune où la société a son siège social ;

Attendu que cette interprétation est abusive; qu'en effet, l'article 6 précité ne dispose que «pour autant qu'il n'y soit pas dérogé par les dispositions qui précèdent »;

Qu'en l'espèce la loi a déterminé le lieu d'imposition ; que les lois fiscales étant de stricte application et ne permet­tant aucune interprétation par analogie, l'administration s'est, en fait, substituée au législateur en créant un lieu d'impo­sition que celui-ci n'avait pas prévu;

Attendu que le Ministère des finances s'est tellement bien rendu compte de cette situation qu'il s'est empressé de la faire modifier par l'arrêté du 16 juin 1941 et par l'article 15 de l'arrêté du 2 mars 1942, rendant applicable, pour déterminer le lieu où se règle le supplé­ment de contribution nationale de crise, l'article 50 des lois coordonnées, modifié par l'article 9 de l'arrêté du 2 mars 1942 ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède qu'en 1940 le supplément à la contribu­tion nationale de crise querellé n'avait pas de base légale à défaut d'un élément essentiel de l'imposition, à savoir le lieu d'imposition;

Attendu que, faisant état des arrêtés précités, l'administration demande à la cour de valider une cotisation supplé­mentaire au même impôt et de même import pour l'exercice 1940 ;

Attendu que l'article 9 de l'arrêté de8

secrétaires généraux du 2, mars 1942 est applicable dès le lendemain de sa publi­cation au Nlaniteu1', quel que soit l'exer­cice d'imposition ;

Que l'article 15 s'applique pour la pre­mière fois aux impositions de l'exer­cice 1940;

Attendu que l'arrêté-loi du 5 mai '1944 a déclaré « temporairement valables )) certains arrêtés des secrétaires généraux. mais que cette validité tempol'aire, qui a pour but de permettre de contim1er l'application de certaines dispositions promulguées durant l'occupation du ter­ritoire national pour éviter que leur abrogation pure et simple soit intem­pestive et n'entraîne des difficultés et des mécomptes ,dans l'administration du pays, ne peut avoir pour effet de donner aux articles 9 et 15 de l'arrêté des secré­taires généraux du 2 mars 1 942 une valeur qu'ils ne possédèrent pas lors de leur promulgation ;

Attendu que ces dispositions créent incontestablement un impôt rétroactif, ce qui est contraire aux dispositions de l'article 111 de la Constitution;

Attendu, il est vrai, qu'il n'appartient pas aux cours et tribunaux d'apprécier la constitutionnalité des lois, mais que, par contre, ils ne peuvent appliquer les arrêtés et règlements genéraux provin­ciaux et locaux qu'autant qu'ils seront conformes aux lois (Constit., art. '10'7);

Attendu que les secrétaires généraux n'étaient pas investis du pouvoir légis­latif, mais pouvaient uniquement pren-· dre des mesures d'administration (cf. cass., 30 mars '.1942, Pas., 1942, I, 82) :

Attendu que dans ces conditions la cour est dans l'obligation de constater que les dispositions du dit arrêté sont contraires à l'article 111 de la Consti­tution, qui stipule que les impôts au profit de l'Etat sont votés annuellement: que les lois qui les établissent n'ont de for ce que pour, un an si elles ne sont renouvelées ;

Qu'il en résulte que ces dispositions des lois fiscales n'ont pas d'effet rétroac­tif.

Par ces motifs, la cour, écartant toutes autres conclusions ou plus amples ou contraires comme non justifiées, entendu M. l'avocat général de Froidcourt en son avis conforme donné en langue française à l'audience publique du 15 octobre 1 %5, reçoit le recours de la Société anonyme des Charbonnages d'Espérance et Bonne Fortune ; le déclare fondé; dit pour droit que la cotisation payée par la requé­rante était sans base légale, le lieu d'imposition n'ayant pas été déterminé par la loi ; annule en conséquence la décision du directeur des contributions de la province de Liége et ordonne· le remboursement à la Société requérante

Page 47: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 47

de la s01nme de 1.691 francs indûment payée à l'Etat ; dit pour droit que la cotisation supplémentaire dont l'admi­nistration demande la validation ne peut davantage être admise, car elle se fonde sur un arrêté des secrétaires généraux non conforme à la loi ; condamne l'Etat aux dépens.

Du 13novembre1945. - Cour de Liége. --:--- 3e ch. - Prés. M. Van de Kerkhove, président. - Nlin. publ. M. de Froidcourt, avocat général. - Pl. MM: Renard, Ha­versin-de Lexhy et Henusse.

COUR D'APPEL DE LIÉGE

4 juillet 1945.

APPEL. - JUGEi\ŒNT NON EXÉCUTOIRE FRAPPÉ D'APPEL. - EXÉCUTION SANS RÉSERVES. ACQUIESCEMENT. APPEL IRRECEVABLE. SORT DE L'APPEL INCIDENT.

L'exécution sans réserves d'un jugernf!,nt non exécittoire frappé d? appel empo'l'te acquiescement ait dit jugenient et 1·enon­ciation à l'appel.

Il n'en , pour-l'ait être aittrement que s'il était démontré que l'appelant a agi par er1·eur ou sous l'empire de la violence ou, à la suite de rnanœuvres dolosives.

La non-recfvabilité de l'appel principal entraîne celle de l'appel incident lorsque, aii rnoment où. l'appel p1·incipal lui fut signifié, la partie 'intirnée se trouvait forclose dit droit d'interjeter elle-rnême appel principal. ,

(DINAUX, VEUVE LOUETTE, C. LOUETTE.}

ARRÊT.

Vu en expédition régulière avec les pièces de procédure lui annexées le juge­ment rendu contradictoirement en la cause par le tribunal de première instance de Namur le 12 mai 1942;

Vu l'appel principal interjeté par la veuve Herman Louette, défenderesse originaire, et l'appel incident de Edgard Louette;

Attendu que Me de Beco avoué de l'appela,nte déclare être sans instruc­tions; '

Attendu que le jugement entrepris prononce contre elle la déchéance pour abus de jouissance de l'usufruit de l'im­meuble qu'elle habitait à Sombreffe à charge pour l'intimé de lui payer une rente annuelle et viagère de 6.000 francs et ordonne à la crédirentière de déguerpir endéans le mois de la signification du jugement;

Attendu que l'intimé se prévaut du fait que l'appelante a volontairement

quitté le dit immeuble pour conclure à l'irrecevabilité de l'appel auquel, par son attitude, la défenderesse originaire a renoncé;

Que, par son appel incident, la partie Edgard Lc;mette renouvelle devant la cour la demande de dommages et inté­rêts dont le tribunal l'a déboutée ;

Sur la recevabilité de l'appel principal : Attendu que la signification du juge­

ment a été faite à personne sur ordre du demandeur originaire ainsi qu'il conste de l'exploit enregistré de l'huissier Michel de Gembloux en date du 17 juillet 1942 ;

Qu'il résulte d'autre part du procès­verbal de constat, également enregistré, dressé· le 23 mars 1944 par le même officier ministériel, qu'à cette dernière date les lieux litigieux avaient été aban­donnés par l'appelante qui était entrée à l'hospice de Tongrinne ;

Attendu que cet abandon de l'im­meuble considéré, consécutif au juge­ment ordonnant son déguerpissement, sans qu'aient été formulées des réserves quànt à l'appel interjeté le 17 septem­bre 1942 et sans que le jugement eût été déclaré exécutoire par provision, doit être considéré comme constituant dans le chef de l'appelante l'exécution volüntaire du jugement a quo, emportant acquiesce­ment à celui-ci et renonciation à l'appel; qu'il ne pourrait en être autrement que s'il était démontré que l'appelante a agi par erreur ou sous l'empire de la violence ou à la suite de manœuvres dolosive!:l .(Code civ., art. 1109 et suiv.);

Que cette interprétation se fortifie encore du fait de son abstention à sou­tenir son recours devant la cour;

Attendu qu'il suit de là que le moyen soulevé est fondé et doit être accueilli ;

Sur la recevabilité de l'appel incident : Attendu que se pose la question de

savoir si la non-recevabilité de l'appel principal n'entraîne pas celle de l'appel incident;

Que pour .résoudre cette . question il y a lieu de rechercher, conformément à la distinction proposée par ':I'ISSIER, sous Alger, 18 décembre 1906 (Sirey, 1908, II, 57; Répe1't. p1·at., v 0 Appel en rnatière civile et corn11ie1·ciale, n° 403} si, au moment où l'appel principal lui était signifié, la partie intimée était encore en droit d'impugner elle-même le juge­ment par un appelprincipal, ou bien si, ·ayant acquiescé ou laissé expirer les délais d'appel, cette partie se· trouvait forclose du droit d'interjeter appel prin­cipal;

Dans le, premier cas, en effet, l'appel principal est sans influence sur l'appel incident, le fait que celui-ci se réalise sous la forme simplifiée admise par l'arti­cle 443, § 3, du Code de procédure civile ne pouvant avoir pour portée de lui

Page 48: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

48 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

donner un caractère de dépendance vis­à-vis de l'appel initial; ·

Dans le second cas l'appel de la partie intimée doit disparaître avec l'appel principal puisque c'est uniquement par l'effet de l'appel principal que }-ette partie se trouve relevée de la déchéance (voyez observations sous arrêt de Liége du 9 novembre 1923, Belg. jud., 1929, col. 249-251 et étude Belg. jud., 1920, col. 567 et suiv.) ;

Attendu qu'il conste de la procédure produite que l'appel de la partie Edgard Louette intimée sur l'appel du 1 7 sep­tembre 1942 a été formé par . voie de conclusions signifiées par acte du palais du 23 décembre 1943, soit plus de dix-sept mois après la signification du jugement remontant au 17 juillet 1942 et plus de quinze mois après l'appel prin­cipal, donc en dehors du délai légal ;

Que par ailleurs cette signification ayant été faite sans réserve quant au droit du requérant de se pourvoir lui­même, celui-ci est censé acquiescer au jugement pour autant que la partie signifiée y acquiesce également;

Qu'ainsi, au moment où a été formulé l'appel incident de l'intimé, ce dernier était forclos du droit d'introduire un appel par exploit tant à raison de l'expi­ration des délais qu'à raison de son acquiescement au jugement;

Qu'en l'occurrence l'on se trouve dans la situation envisagée dans la seconde hypqthèse d'un appel formé conformé­ment à l'article 443, § 3, sans vie propre, conditionné par l'appel principal sur lequel il est enté, la disparition de celui-ci entraînant nécessairement la déchéance de celui-là;

Attendu qu'il suit de ces considéra­tions que l'appel incident doit être déclaré non recevable ;

Par ces motifs, la cour, sans avoir égard à toutes autres conclusions, ouï à l'audience publique M. Delwaide, avocat général, en son avis conforme donné en lang·ue française sur l'irrece­vabilité de l'appel principal, donne défaut contre l'appelante et son avoué non con­cluant et pour le })rofit déclare les appels tant principal qu'incid~nt non recevables; condamne chacune des parties aux dépens de leur appel.

Du 4 juillet 1945. - Cour de Liége. -28 ch. - Prés. M. F. Le Roux, président. - Pl. M. Bribosia (du barreau de Namur).

COUR D'APPEL DE LIÉGE. 19 novembre 1945.

PREUVE. - ACTE sous SEING PRIVÉ NON RECONNU. - ABSENCE DE FORCE PROBANTE. - VÉRIFICATION D'ÉCRI-

TUHE. - INITIATIVE INCOi\IIB,ANT A CELUI QUI SE PRÉVAUT DE L'ACTE. -COPIE PHOTOGRAPHIQUE DE L'ACTE. -FOHCE PHOBANTE.

L'acte sous seùig p1"ivé non reconnu par celui auquel on l'oppose, ne constitite pas itn titre et est dépoitrvu de force pro­bante.

Il incombe à celui qui se prévcmt de l'acte de prnvoquer la vérification d' écritit1·e ( 1).

La copie photographique d'un acte sous seing privé ne peut servir de base à itne procédure en vérification d' éc1·itu1·e. Niais cette copie peut constititer une présomption de l'existence de l'o bliga­t·ion, s·i le créancier établù préalable­nient œvofr été dépqssédé dii titre 01·iginal dans les conditions préviœs par l' art·i­cle 13/i.8 dii Code civil.

(SENY, VEUVE POHTA, C. COUIN.)

ARRÊT.

Vu en expédition avec les pièces annexes, le jugement du tribunal civil de Huy en date du 25 janvier 1943 régu­lièrement frappé d'appel par les défen­deurs originaires ;

Attendu que l'acte sous seing privé dont l'intimé fait état n'étant pas reconnu par les appelants auxquels il l'oppose, ne constitue pas un titre et est dépourvu de valeur probante (Code civ., art. 1322};

Qu'il ne peut donc, contrairement au jugement a qito être imposé aux appe­lants d'en démontrer la fausseté par le recours à la procédure du faux incident civil;

Qu'il appartiendrait au demandeur originaire de tenter de donner valeur à l'acte par vérification de l'écriture en justice ;

Que toutefois cette voie ne lui est pas ouverte en l'espèce, car il ne produit pas l'ol'iginal de l'acte, mais une simple copie photographique, dépourvue de toute valeur in tririsèque, car le législateur n'a prévu pareil moyen de preuve que pour les actes ayant un caractère d'authen­ticité ;

Attendu que cette copie pourrait cepen­dant constituer une présomption de l'existence de l'obligation si le créancier établissait préalablement avoir été dé­possédé du titre original dans les condi­tions prévues par l'article 1348 du Code civil;

Attendu que l'intimé allègue que les appelants et leur auteur auraient abusé de sa confiance en conservant l'original mais qu'il n'offre aucune preuve de ce fait ; que les réponses faites par les appe-

(1) DE PAGE, Traité e'lém. de droit civil belge, t. III, 11° 747, B, 1°.

Page 49: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 49

lants lors d'un interrogatoire sur faits et articles ne sont nullement concluantes à cet égard;

Que l'intimé est donc en défaut de justifier ses prétentions;

Attendu que l'intimé réclame égale­ment le payement de 2.'174 francs pour fournitures faites en '1938, mais ne fournit aucune justification à ce sujet ;

Par ces motifs, la cour, écartant comme non fondées toutes autres conclusions, reçoit l'appel,, le déclare fondé et réfor­mant la décision entreprise, dit l'intimé non fondé en son action ; l'en déboute et le condamne aux dépens des deux in­stances.

Du '19 novembre 1945. - Cour de Liége. - 38 ch. - Prés. M. Van de Kerckhove, président. - Pl. MM. Thi­rifays et Dijon (du barreau de Huy).

COUR D'APPEL DE LIÉGE

26 novembre 1945.

VENTE. - LICITATION. - CAHIER DES CHARGES NON SIGNÉ. LECTURE DONNÉE PAR LE NOTAIRE. -- PRÉ­SENCE DES INTÉRESSÉS. - CAHACTÈRE OBLIGATOIRE DU CAHIER DES CHARGES.

Dans ime vente par licitation, il y a l'ieit de considérer conime o bli gatoù·es, pour les coparta;geants, les clauses d'un cahier des charges non signé, nrnis dont lec­t'ure a été donnée par le notafre avant l' adjudicatfon, en présence des inté-1'essés. Il en est. ainsi nJ;Jtaniment d'une clause dit cah1:er des charges stipidant que la vente ne serait définit,ive que moyennant con fîrmation exzn'esse des vendeitrs.

(FHANÇOIS CREiVIERS, C. CREiVIERS ET AUTRES.)

ARRÊT.

Vu, en expédition avec les pièces annexes, le jugement du tribunal civil de Liége en date du 31 mai '1944, régu­lièrement frappé d'appel par Fra~çois Cremers; ·

Attendu que le 26 septembre 1942 le même tribunal ordonnait, aux fins de partage, la vente d'un immeuble et com­mettait deux notaires pour y procéder ;

Qu'il est acquis et non dénié qu'après une certaine publicité, la vente fut réalisée en deux séances les 25 novem­bre et 9 décembre '1942 ;

Que l'immeuble fut adjugé 31.000 fr. au plus fort enchérisseur, l'intimé Joseph Cremers, mais que l'appelant refusa de confirmer la vente;

Attendu que les parties ont reconnu,

lors d'une comparution personnelle de­vant le tribunal, et reconnaissent encore devant la cour que, pour toute formalité, les notaires s'étaient bornés à donner connaissance des conditions de la vente par la lecture publique d'un projet de cahier des charges non revêtu de la signa­ture des copartageants ;

Que, parmi les conditions figurait une clause stipulant que la vente ne serait définitive que moyennant confirmation expresse des vendeurs ;

Attendu qu'en vertu des articles 819 et 827 du Code civil et 953 du Code de procédure, lorsque les intéressés, comme en l'espèce, sont majeurs, le partage et la vente des immeubles leur appartenant peuvent être réalisés de la manière dont ils conviendront dans la forme et par tel acte qu'ils jug·eront convenables ;

Que la seule question litigieuse est clone celle de savoir s'il y a eu accord entre parties sur la réserve de confirma­tion dont l'appelant a fait usage ;

Attendu que les intimés le contestent et font valoir le défaut de signature du cahiel' des charges, le manque d'accord explicite sur une clause portant atteinte aux droits qu'ils tenaient du jugement ordonnant la vente;

Attendu que ce soutènement retenu par le premier juge ne peut être admis, car il est établi que lecture de la clause a été donnée en présence des intéressés ;

Qu'ils ont taciternent admis la manière sommaire de procéder qui a été utilisée pour faire connaître les conditions de la vente;

Que la réserve de confirmation était stipulée dans l'intérêt commun des

·copartageants; qu'ils doivent s'en prendre à eux-mêmes si, n'ayant pas souscrit de cahier des charges, ils ont prêté à la lec­ture une attention tellement distraite qu'une clause aussi importante ait pu leur échapper ;

Qu'en fait le prix d'adjudication était inférieur à la valeur réelle de l'immeuble, puisque l'intimé offrit ensuite le paye­ment d'un supplément de prix;

Qu'il importe peu, quant à la solution à donner au litige, que l'appelant ait eu personnellement l'occasion de sur­enchérir;

Attendu que les intimés objectent vainement qu'une nouvelle adjudication se traduirait encore pal' le refus de con­firmation de l'appelant, car celui-ci demande que la vente soit désormais réalisée sans cette réserve ;

Par ces motifs, la cour, écartant comme non fondées toutes autres conclusions ; réformant la décision entreprise sauf en ce qui concerne la désignation de M. le juge Dumoulin, ordonne qu'il soit pro­cédé par le ministère des notaires déjà commis à deux nouvelles séances d'adju-

Page 50: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

50 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

dication dont la dernière sera définitive sans qu'il y ait besoin de confirmation des vendeurs; dit que ces séances auront lieu dans les deux mois au maximum de la signification du présent arrêt ; et vu la parenté des parties, père et enfants, frère et sœur, compensant les dépens tant d'instance que d'appel, dit que ceux-ci seront considérés comme frais de vente et payés par les acquéreurs en sus de leur prix.

Du 26 novembre 1945. - Cour de Liége. - 3° ch. - Prés. M. Van de Kerkhove, président. - Pl. MM. Ma­lerm et Duquenne.

COUR D'APPEL DE LIÉGE

29 novembre 1945.

PATERNITÉ ET FILIATION. - DÉ­SAVEU DE PATERNITÉ. - ARTICLE 313, ALINÉA 2, DU CODE CIVIL. - DÉLAI DE TROIS CENTS JOURS. - POINT DE DÉPART.

N!ênie lorsqu' aucime décision n'a formelle-1nent aittorisé la femme à avofr ir,n domicile séparé, le fait pm' les époux de continuel' la procédU're en divorce après la tentative de conciliation, con­st,itue l'impossibilité mO?'ale de cohabi­tation et la date de cette tentative (Code civ., art. 239) doit êt1'e considé1'ée comme point de dévart du délai spécial de tt'ois cents jout'S prévit pa1' l'article 313 du, Code civil (loi du 20 mars 1927) su1' le désaveu de paternité ( 1).

(T ... , C. G ... )

ARRÊT.

Attendu que les intimés ne compa­raissent pas ;

Vu l'exposé que contient le jugement dont appel quant aux faits de la cause et à la procédure en désaveu de pater­nité;

Attendu que la loi a entouré de condi­tions strictes la preuve contraire à la présomption de l'article 312 du Code civil, qui attribue au mari de la mère la paternité de l'enfant conçu pendant le mariage; que cette preuve ne peut résul­ter à suffisance de droit de l'abandon du domicile conjugal et de l'adultère ;

Attendu que l'article 313, alinéa 2, du Code civil, loi du 20 mars 1927, pré­voit le désaveu de l'enfant né trois cents jours après qu'une décision de justice aura ··autorisé la femme plaidant en

(1) Voy. DE PAGE, T1•aité éléni. cle cfroit C'ivil belge, t. rer, n° 1090.

divorce ou en séparation à avoir un domi­cile séparé ;

Attendu qu'en l'espèce la naissance de l'enfant étant du 5 octobre 1942, la période légale de .conception s'étend du 9 décembre 1941 au 8 avril 1942 ; que c'est pendant cette période - le 30 jan­vier 1942 - qu'eut lieu la comparution prévue par l'article 239 du Code civil, laquelle n'amena aucun rapprochement entre les époux; que la procédure suivit son cours jusqu'au jugement par lequel le 23 mars 1943 l'appelant obtint le divorce de plano aux torts et griefs de son épouse;

Attendu que si, au cours de la dite procédure en divorce, aucune déci~ion n'a autorisé la défenderesse à avoir un domicile séparé, ce qu'observe le juge­ment ici entrepris, c'est à tort cependant que le tribunal en a déduit que la loi du 20 mars 1927 ne pouvait être applicable à la demande actuelle; qu'en effet il faut admettre que du jour où le deman­deur en divorce fut autorisé à continuer sa procédure, un domicile distinct fut virtuellement reconnu et assigné à son épouse au lieu de la résidence qu'elle avait alors à Namur, chemin de Plom­cot, 29; qu'en fait c'est là qu'elle habi­tait lors du dépôt de la requête en divorce et c'est à la même résidence qu'assigna­tion lui fut donnée, parlant à elle-même le 20 octobre 1942, puis que lui fut signifié le 5 mai 1943 le jugement con­tradictoire autorisant le divorce au profit de son mari ;

Attendu que le fait par les époux de continuer la procédure en divorce après la tentative ele conciliation constitue l'impossibilité morale de cohabitation et doit. être considéré comme point de départ du délai spécial de trois cents jours prévu par la loi du 20 mars 1927 ;

Mais attendu que l'échec de toute con­ciliation date, en l'espèce, du 30 janvier 1942,soitmoinsde trois cents jours avant la naissance de l'enfant; que l'impossi­bilité morale de cohabitation n'a donc pas existé pendant toute la période légale de conception; qu'au début de celle-ci, pendant . cinquante-deux jours, du 9 décembre 1941 au 30 janvier 1942, si même elle était adultère, l'épouse a pu avoir des relations intimes avec son mari ; que cette possibilité que le mari soit le père de l'enfant suffit pour empê­cher le désaveu de paternité vu les condi­tions rigoureuses auxquelles il est soumis ;

Par ces motifs et ceux du premier juge, hormis celui qui concerne l'inapplicabi­lité de la loi du 20 mars 1927, la cour, statuant par défaut à l'égard des inti­més, ceux-ci n'ayant pas constitué avoué, rejetant comme non justifiées toutes autres conclusions, ouï M. Del­waide, avocat général en son avis con-

Page 51: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 51-

forme donné en français à l'audience publique ; confirme la décision entreprise et condamne l'appelant aux dépens d'appel.

Du 29 novembre '1945. - Cour de Liége. - 'tre ch. - Prés. M. Franchi­mont, président. - Pl. M. Close. - Nlin. piibl. M. Delwaide, avocat général.

COUR D'APPEL DE BRUXELLES

3 juillet 1945

HOMICIDE INVOLONTAIRE. - OPÉ­HATION CHIRURGICALE. - CHIRURGIEN SE TROUVANT SOUS L'INFLUENCE D'UN STUPÉFIANT. - PAS DE FAUTE OPÉRA­TOIRE PROUVÉE. - ABSENCE D'IN­FRACTION.

La circonstance qii'iin chiriirgien, au mo­ment d'une opération siiivie de la ·mort du patient, se trouvait sous l'infiuence d'un stiipéfiant, ne compm•te pas néces­sairement la preiive d'mie faitte opéra­toire.

Lorsqu'il s'agit d'un praticien .averti, il faut, en eff'et, tenir conipte ~de l' autonia­tisme qui peia siirvivre à l'ivresse oit à l'intoxication.

Cr.lle-ci étmit proiivée, il incombe nùm­mo'Îns ait ministè're public de dénwntrer l'existence de la faute opératoire, qiii a cau,sé la mort dii patient.

(lIINISTÈRE PUBLIC ET CONSORTS, C. R ... )

Le tribunal co1Tectionn.el de Bmxelles avait rendit, le 3 fém·ie1· 1945, le jiigement sn-ivant :

A. Au point de vue pénal : L Les préventions : Attendu que le lundi 6 septembre '1943

le prévenu pratiquait sur le sieur S ... l'opération de la gastrectomie; que trente heures après cette intervention le malade mourait;

Attendu qu'à l'autopsie du cadavre une perforation du foie par un drain fut constatée; que, cette blessure étant attri­buée par le collège des experts du parquet à une faute opératoire, le prévenu est inculpé d'homicide involontaire (préven-tion A); .

Attendu que, son état s'étant avé1'é avant, pendant et après l'opération, pro­fondément anormal, le prévenu est pour­suivi du chef de détention ou d'acquisi­tion de stupéfiants sans autorisation offi­cielle préalable, sans prescription médi­cale et en dehors des limites de ses be­soins professionnels, avec la circonstance. qu'il exerce une des branches de l'art de guérir (prévention B).

II. Quant à la prévention B. Attendu que, le '13 mai 1943, la

chambre du conseil du tribunal de ce siège déclarait établi le fait mis à charge du docteur R... de s'être procuré des stupéfiants au moyen d'une fausse ordon­nance et prononçait son internement immédiat pour une durée de cinq ans; qu'au lendemain même de cette décision, la commission de l'annexe psychiatrique ordonnait son élargissement à titre d'essai aux fins de lui permettre de faire une cure de rééducation au sanatorium de Bou­chout; qu'il séjourna à cet institut du '15 mai au 17 août '1943;

Attendu que, trois mois après son élargissement, le prévenu pratiquait sur S ... la gastrectomie dans des conditions de déficience physique et mentale telles que le collège des experts leur attribue . la faute opératoire à laquelle il conclut ;

Attendu qu'arrêté le 23 août 1943, par l'autorité allemande, le prévenu fit un court séjour au camp de prisonniers poli­tiques de Breendonck; qu'à son retour le 27 août '1943 il parut à ses proches dans un état psychique normal (p. 49): que, pendant les jours qui précédèrent

. l'opération, son attitude devint « épou­vantable >> et présenta les symptômes de l'intoxication par l'eucodal à laquelle il s'était antérieurement adonné (p. 48): que sa surexcitation était telle qu'il se lançait contre les murs, dormait à terre dans son bureau et dans la salle de bains et donnait à son entourage immédiat la certitude morale qu'il faisait usage de stupéfiants (p. '15) ;

Attendu que, l'opération étant fixée à 9 heures, le prévenu n'arriva à la clinique que vers 1 'l h. 20 ; que son état parut à son assistant, le docteur C ... , présenter un degré modéré d'incoordina­tion motrice (p. 14) ; qu'ayant remis à l'infirmière, aux fins de préparation anes­thésique, deux ampoules d'une boîte d'eucodal qu'il avait chargé son assistant d'acheter, il conserva la boîte (p. 25) et s'isola loin de tout contrôle; qu'au retour de cette éclipse, il surprit le docteur C ... par son état amélioré et nettement diffé­rent de son précédent état d'incoordina­tion musculaire (témoin C .. ., feuille d'au­dience du 28 décembre '1944) ;

Attendu qu'au cours de l'opération cette amélioration persista; qu'en fin d'intervention, cependant, au moment de poser le drain, le prévenu se trouva à nouveau clans un état d'incoordination motrice et de fatigue extrême (témoin C ... , L. .. et G ... , p. 25, 95 et feuille d'audience du 28 décembre 1944) ; que le docteur L .. ., à son arrivée à la clinique vers trois heures, fut averti de l'état cc effrayant >>

du praticien, et, assistant au dernier temps opératoire, constata que le prévenu titubait, se laissait tomber sur ses instru-

Page 52: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

52 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

ments et son malade, faisait machinale­ment deux ou trois fois le même nœud et paraissait être dans un état grave d'ivresse alcoolique ou morphinique (p. 3) ;

Attendu que, le soir de l'opération, le prévenu demeurait dans un état de surexcitation inaccoutumée (p. 15) ; que cet état se manifestait encore clans la soirée du mercredi 8 septembre lorsque la veuve de S... reçut du prévenu la déclaration de responsabilité actuelle­ment contestéé (p. 36b);

Attendu que, pour justifier son état de déficience, le prévenu prétend que, accablé par de lourds soucis domestiques, il absorba à son retour de Châtelet, le samedi li septembre, deux grammes de véronal dont il neutralisa les effets dans la nuit du samedi au dimanche, le di­manche et le lundi matin, jour de l'opé­ration, par des injections de strychnine et de caféine ;

Attendu que le collège des experts psychiatres constate que les signes obser­vés chez le prévenu sont évidemment dus à une perturbation toxique de son état normal; que, de leurs constatations per­sonnelles comme de l'étude rétrospective des témoignages, ils ne peuvent conclure. à une rechute de toxicomanie ni dire fo_rmellement si l'état du prévenu est dù plus à l'absorption cl'eudocal qu'à celle de véronal ;

Attendu que le professeur L ... déclara à l'audience que les deux hypothèses se conçoivent fort bien dans le processus des états psychiques du prévenu : incoor­dination motrice à son arrivée à la clini­que, amélioration subite après son isole­ment et rechute en fin d'opération; que cet expert ajouta que le prévenu pouvait, au moment des faits, se trouver sous l'influence du véronal dont les effets étaient de longue durée eu ég·ard tant à la qùantité absorbée qu'à l'action de courte durée des antidotes injectés (feuille d'audience du 29 décembre 19M) ;

Attendu que, plus catégorique, le pro- · fesseur L .. ., consulté par le prévenu, estime que les symptômes décrits par les témoins correspondent d'une façon très frappante à ceux qui sont classiques dans l'intoxication aiguë par le véronal (rapport du 20 juillet 19M) ;

Attendu qu'en présence du désaccord des hommes de l'art, i il appartient au tribunal de mesurer la· précision, la gra­vité et la concordance des présomptions tirées, en faveur de l'une ou de l'autre hypothèse, des divers éléments du dossier qui, en dehors du processus des états psychiques les justifiant toutes deux, n'ont pu amener le collège des psychiatres à se prononcer avec toute la rigueur scientifique de leur art;

Attendu que, aux affirmations du pré­venu, l'hypothèse de l'absorption de vé-

ronal trouve quelque appui dans la pré­sence à son domicile d'une boîte de véronal contenant encore six cachets. dans l'emploi, postérieurement à l'opéra­tion S .. ., de buit ampoules d'eucodal pour le traitement du témoin A .. ., dans la constatation par le docteur Jacques L ... de traces récentes d'injections hypoder­miques, enfin dans l'absence de signes apparents de sevrage toxique (rapport des experts psychiatres du 13 janvier 19H, p. 6);

Attendu que l'absence de symptônws de sevrage ne fut constatée que lors de l'incarcération du docteur, soit près de trois semaines après l'intervention opéra­toire; qu'il n'est pas exclu que les traces récentes sur le prévenu d'injections hypo­dermiques ne soient celles d'injections d'eucodal; que le témoin A ... est hésitant quant à la réalité d'une quatrième visite du prévenu (p. 3?); qu'eu égard à l'habi­tude précédemment reconnue par le pré­venu de se réserver une partie des stupé­fiants qu'il prescrivait (dossier joint, p. 31), les ampoules injectées à ce témoin peuvent ne pas provenir de la boîtA cl'eucodal achetée par le docteur C ... ; que les ·présomptions tirées de ces élé­ments et celle née de la présence d'une hoîle de véronal ne comportent pas le caractère précis et grave requis par la loi;

Attendu que les conditions clans les­quelles l'hypothèse de l'absorption de véronal fut présentée au cours de l'in­struction inclinent le tribunal à la cir­conspection ;

Attendu que le mandat d'arrêt du chef de détention ou acquisition de stupéfiants est daté du 28 septembre 19!!3; qu'inter­rogé le 30 septembre sur cette prévention, le docteur R ... qui, depuis le 25 septembre, se trouve sous mandat d'arrêt du chef d'homicide involontaire, dénia s'être trou­vé clans l'état décrit par le docteur L .. ., et attribue sa fatigue extrême aux suites de son séjour à Breendonck (p. 10) ; que, le 3 novembre 1 %3, soit cinq semaines après sa première comparution devant la chambre du conseil et pour la première fois, il entend justifier son état par l'ab­sorption d'une forte dose de véronal; que cette justification apparaît anormale­ment tardive;

Attendu que, vers l'époque du retour du prévenu de Breendonck, la présence d'ampoules vides d'eucodal à son domi­cile fut constatée à diverses reprises ; que l'un des derniers jours qui précédè­rent l'intervention, deux ampoules vides furent trouvées dans les vêtements de nuit du prévenu ainsi qu'une boîte vide cl'eucodal dissimulée derrière le linge clans la salle de.bain (p. li8);

Attendu qu'au cours de l'instruction (p. 10) et de son examen par les médecins

Page 53: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 53

psychiatres, le prévenu fixa au vendredi 3 septembre 1948 au lieu du vendredi 27 aoùt '1 %3 la date de son retour de Breendonck; que cette indication in­exacte était de nature à énerver la charge résultant de la surexcitation de son état psychique pendant la semaine qui pré­céda l'opération qu'elle frappa les experts par la persistance qu'il mit à la répéter (rapport du 13 janvier 1944, p. 7) et ne peut s'expliquer par quelque absence de mémoire, le prévenu gardant le souvenir le plus concret de son inter­vention et de son comportement durant les jours qui la précédèrent;

Attendu que la justification anormale­ment tardive de son état par l'absorption de véronal, la persistance de l'agitation extrême le surlendemain de l'opération, la présence d'ampoules vides cl'eucodal dans les vêtements intimes du prévenu, celle dissimulée d'une boîte vide d'eucodal à son domicile, la manifestation de symp­tômes analogues à ceux des intoxications antérieures par cette drogue, l'inexacti­tude répétée quant à la date du retour de Breendonck, enfin un lourd passé de morphinomane créent un ensemble de présomptions précises, graves et concor­dantes qui emportent la réalité de la détention ou l'acquisition régulière de stupéfiants prévue au réquisitoire;

Attendu qu'en conséquence la j>réven-tion B est établie ;

III. Quant à la prévention A. a) Les fautes. I. Attendu que la gastrectomie prati­

quée sur S ... était une opération précise, astreignante et nécessitait une attention soutenue (rapport des experts du 25 jan­vier 1944) ; qu'elle ne présentait aucun caractère d'urgence;

Attendu que le prévenu ar1•iva à la clinique avec plus de deux heures de retard et dans un état d'incoordination musculaire; que, connaissant son état et l'attribuant à l'absorption de véronal, suivie d'injections d'antidotes, il ne recula pas devant les risques d'une opération qu'une gastro antérostomie subie anté­rieurement par la victime rendait plus délicate encore; que pareille attitude qui, à l'avis du collège des médecins psychia­tres, accuse un réel trouble de jugement, constitue, sans que cette appréciation soit téméraire, une faute déontologique grossière;

II. Attendu qu'à l'autopsie du cadavre la perforation du foie par un drain de caoutchouc fut constatée;

Attendu que le collège des cinq ·experts commis par le parquet conclut : 1° que le foie a été traversé par un drain guidé au moyen d'une pince ; 2° que cette per­foration s'est produite en cours d'opéra-

tion; 3° qu'elle constitue une faute opéra­toire (rapport du 15 avril 1944);

Attendu· que les experts de la défense ont émis l'hypothèse d'une perforation produite après l'intervention à la suite de vomissements ou de manœuvres d'en~ sevelissement (p. 108 et 108bis); que le professeur D ... estime qu'en tout cas il ne peut être affirmé d'une manière absolue que le drain a été placé au travers du foie en cours d'opération (p. 108} ;

Attendu que ces observations furent soumises au collège des cinq experts et discutées contradictoirement avec le pré­venu et ses conseils tecl)niques; qu'en­suite de ces débats le collège rejette for~ mellement l'hypothèse d'une blessure du foie à la suite de contractions musculaires ou de manœuvres post mortem (rapport du 15 avril 1944}; qu'à l'audi.ence le professeur N ... , confirma catégorique­ment ces conclusions et leur caractère absolu en précisant que l'effraction que présentait le tunnel du drain et les éro­sions à son pourtour ne pouvaient êb'e produites que par un instrument (feuille d'audience du 29 décembre t 944) ;

Attendu que le professeur V ... formule ·son hypothèse d'une perforation posté­rieure à l'opération parce que, d'une part, à son avis, la perforation qualifiée par le collège des experts de faute opératoire suppose que le drain de caoutchouc fut guidé au moyen d'une pince et qu'un effort manifeste dut ètre exercé et que, d'autre part, une manœuvre opératoire aussi insolite et brutale n'eût pas échappé à l'attention des assistants (p. 108 bis) ;

Attendu que les éléments du dossier repoussent cette hypothèse;

Attendu qu'en effet le prévenu est seul à affirmer que le drain fut posé avec les doigts à ventre ouvert sans le secours d'un instrument; que cette affirmation est controuvée par la déclaration du témoin L ... qu'une pince courbe fut em­ployée (p. 98), par les expériences du professeur R ... , qui tenta vainement de transpercer un foie décapsulé au moyen d'un drain non guidé (feuille d'audience du 29 décembre 1944), par la taille à angle droit des extrémités du drain;

Attendu qu'en fin d'intervention lt:) prévenu se trouvait dans un état d'en­gourdissement tel qu'il titubait, tombait sur ses instruments et sur son malade (p. 3) ; qu'il n'est dès lors pas exclu que, dans un pareil état, le prévenu ait pu, par quelque réflexe malencontreux et dans un effort incoordonné, blesser le foie mortellement; . Attendu qu'à l'appui de l'hypothèse d'une perforation postérieure à l'opéra­tion le professeur D ... invoque le ramollis­sement des tissus dù à la putréfaction et à l'extrême friabilité du foie;

Attendu que ce ramollissement et cette

Page 54: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

54 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

friabilité ne peuvent expliquer la présence <le l'effraction constatée au tunnel du drain ni celle du sillon qui constitue sur le foie la trace même du frottement de la pince (déclaration du professeur N ... , à l'audience du 29 décembre 1944) ;

Attendu qu'à la lumière de ces éléments du dossier les observations des conseils techniques du prévenu n'ébranlent pas les c.onclusions formelles du collège des cinq experts du parquet quant à l'exis­tence d'une faute opératoire ;

b) Le rapport causal nécessaire. Attendu que le collège des experts

attribue le décès de S... à des facteurs multiples, qui, étroitement liés l'un à l'autre, s'additionnent et ag'issent concur-1~emment; qu'il range, parmi ces facteurs, outre le choc opératoire et la déficience physique et mentale du praticien, l'hé­morragie à double origine : la gastrecto­mie et la perforation du foie; que, cette perforation étant opératoirement fautive, une faute apparaît au nombre des causes qui, s'additionnant et se conditionnant, ont concouru au décès; ·

Attendu que les experts de la défense énumèrent comme causes de la mort : re choc opératoire, la désunion des sutures et l'hémorragie; qu'ils contestent que la perforation du foie puisse être l'une des causes du décès; qu'à leur avis l'hémor-1·agie provient de la désunion des sutures, du suintement des adhérences décollées et, pour une part, de la blessure du foie ; •que, consistant en la perforation minime du bord antérieur du foie, cette lésion n'était pas mortelle parce que )e drain, adhérent au tunnel, formait tampon et devait réduire l'hémorragie à presque rien (feuille d'audience du 21 décembre 1944) ;

Attendu qu'en fait la relation causale entre le dommage et l'hémorragie fautive est contestée; que cette contestation fut soumise au collège des cinq experts qui persiste en son avis qu'eu égard à l'hé­morragi~ constatée dans la .cavité péri­toneale le placement d'un drain au tra­vers du parenchyme était fautive et constituait une des causes de la mort ;

Attendu que la discussion de la relation causale se poursuit en droit;

Attendu que le collège des experts estime que, agissant séparément et sans intervention ultérieure, l'une ou l'autre l1émorragie, la fautive ou la non fautive, eùt à la longue entra:îné la mort; qu'il précise que toute intervention ultérieure eùt été fatale (feuille d'audience du 29 dé­cembre 1944) ;

Attendu que cette proposition des experts, d'ailleurs purement théorique eu égard à l'interpénétration des causes du décès, n'implique nullement que, sans l'hémorragie fautive, le dommage eût également été réalisé et qu'il n'existerait

dès lors entre l'héni.orragie fautive et le décès aucun rapport causal nécessaire ;

Attendu que, pour apprécier ce carac­tère de nécessité, il échet de qualifier le dommage in conc1·eto par la somme des éléments qui le constituent; que ces élé­ments sont : la perforation du foie et l'hémorragie qui en est résultée, les souf­frances pendant trente heures dues à cette blessure et le décès dans les trente heures de l'opération ;

Attendu que l'hémorrag'ie due à la perforation du foie, conditionnée par celle due à la gastrectomie, par le choc opé­ratoire et par la déficience mentale et physique du praticien, a causé le domma­ge ainsi précisé; qu'elle l'a causé néces­sairement en ce sens que ni cette hémor­ragie ni l'hémorragie due à la gastrecto­mie, l'une et l'autre agissant séparément, n'eussent entraîné le décès dans les condi­tions de temps et de souffrances qui ont qualifié le dommage ùi concreto ; que, tout au plus, elles eussent emporté la mort à la longue sans qu'il soit possible, leur rythme n'étant pas connu, de préciser

1 davantage la longueur de ce temps; Attendu que l'existence du rapport

causal nécessaire entre l'hémorragie fau­tive et le dommage étant en fait comme en droit établi, la responsabilité du pré­venu est certaine ; que cette certitude se trouve corroborée par les présomptions tirées tant de la déclaration faite par le prévenu à la veuve de S... que de son comportement après l'opération;

Attendu qu'au lendemain du décès le prévenu fit à la veuve de S .. ., en ces termes, une déclaration étonnante : « Je suis un assassin, un bandit; j'ai tué ton mari )) et lui· offrit ainsi qu'à son fils la gratuité de ses soins en mémoire de la victime (p. 36) ; que le prévenu conteste avoir fait pareil aveu et lui substitue une déclaration plus nuancée : « Les médecins sont tantôt des dieux, tantôt des assas­sins )) ; que cette dernière version n'ex­plique pas la réaction de la partie civile G... qui, prenant le prévenu par les épaules, le secoua violemment; qu'elle ·est en outre peu compatible avec le don de la gratuité de ses soins ;

Attendu que, dans son comportement après l'op~ration, le prévenu apparaît s'être désintéressé de l'évolution d'une intervention délicate et douloureuse; que les appels téléphoniques au soir même de l'opération restèrent vains bien que le prévenu, sauf de courtes absences, n'eùt pas quitté son domicile (p. 115) ; que tard dans la soirée, il se borna à une prescrip­tion par téléphone ; que la nécessité de pratiquer le lendemain à Châtelet des · opérations urgentes ne justifie pas ce comportement;

Attendu qu'il résulte de ces considéra­tions que la prévention A est établie;

Page 55: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 55

IV. Quant à la démence et au déséqui­libre mental :

Attendu qu'appelé par le réquisitoire en date du 16novembre1943, à dire si le prévenu se trouve dans un état de dé­mence ou d'anormalité le collège des experts psychiatres conclut qu'au mo­ment des faits et au 13 janvier 1944 (date du dépôt du rapport) le prévenu était dans un état grave de déséquilibre mental le rendant incapable du contrôle de ses actions; qu'il précise que son argumentation ne prend sa valeur qu'au cas où le tribunal tient pour vrais les éléments sur lesquels elle s'appuie;

Attendu que les préventions A et B ont précédemment été déclarées établies;

Attendu que, pour apprécier l'exacte portée dudit réquisitoire e_t de ces conclu­sions, il échet d'observer que, au cours des travaux préparatoires de la loi du 9 avril 1930, le législateur a nettement distingué la démence de l'anormalité; qu'il a entendu que la démence fût com­prise dans le sens doctrinal et jurispru­dentiel lui donné antérieurement et com­portant l'exclusion de la volonté crimi­nelle (Pasinomie, 1930, p. 82; cass., 12 octobre 1912, Pas., 1912, 42);

Attendu que l'état grave de déséqui­libre mental auquel conclut le collège des experts exclut l'état de démence entendu au sens strictement pénal ; qu'il appar­tient au tribunal d'analyser, quant à leur incidence sur la responsabilité, cet état de déséquilibre qui rend le prévenu in­capable du contrôle de ses actions et l'intensité du trouble de l'intelligence qu'il comporte ;

Attendu que le rapport du collège des experts ne constitue qu'une interpréta­tion psychiatrique des témoignages et des autres éléments du dossier; que les témoins ont comparé l'état du prévenu à un état d'ivresse morphinique ou alcoo­lique; qu'il fut précisé à l'audience que les effets des deux ivresses sont ana­logues;

Attendu que cet état d'ivresse morphi­nique ou alcoolique èst qualifié par les psychiatres de déséquilibre mental grave rendant le prévenu incapable du contrôle de ses actions ; qu'au cours des débats le professeur D ... , se ralliant à l'avis du professeur L... consulté par le prévenu, estima, dans le cadre des effets stupéfiants des deux ivresses, qu'au moment des faits la volonté du prévenu était annihilée (feuille d'audience du 29 décembre 1944);

Attendu que, même dans la thèse du prévenu, cette interprétation ne fut pas confirmée par le professeur L ... , expert en pharmacologie adjoint aux experts psychiatres, qui précisa qu'un individu sous l'influence du véronal peut présenter des troubles del.a volonté sans que, toute-

fois, ces troubles l'obnubilent (feuille d'audience du 29 décembre 1944) ;

Attendu qu'en outre ce prétendu état d'anesthésie ou d'inconscience ne se con­cilie pas avec l'opération délicate et re­quérant une extrême dextérité du place­ment des agrafes Michel à l'aide du revolver Michel ni avec le souvenir fort précis que garde le prévenu des divers temps opératoires ni avec la réponse pleinement consciente qu'il donna à l'in­terdiction lui faite par le docteur L ... d'opérer à la clinique;

Attendu que le ,prédit état d'ivresse morphinique qualifié de déséquilibre men­tal grave par les experts n'est pas exclusif de la volonté; qu'il ne peut, de par l'in­clination persistante du prévenu à pren­dre de l'eucodal, être considéré comme purement accidentel ou fortuit;

Attendu que cet état constitue la mani­festation volontaire d'une habitude vi­cieuse contractée à l'occasion d'un traite7 ment thérapeutique antérieur; qu'il com­porte, eu égard tant à l'origine de cette accoutumance qu'au déséquilibre consti­tutionnel du prévenu (rapport De C ... , p. 9, dossier joint), quelque atténuation de sa responsabilité ;

V. Quant à l'interdiction de l'art de guérir.

Attendu que le législateur a prévu la faculté pour le tribunal de frapper le prévenu de l'interdiction de l'exercice de l'art de guérir; qu'il a justifié cette sévérité par l'extrême gravité du trafic de substances particulièrement nuisibles (loi du 24 février 1921, Exposé des motifs, Pasinomie, 1921, p. 96);

Attendu que l'examen des antécédents du prévenu révèle une inclination cons­tante pour les stupéfiants qui l'entraîne à la fausse ordonnance médicale, des me­sures d'internement et des rechutes après élargissement à titre d'essai; que, trois mois après une décision d'élargissement prise pour faciliter une curé de rééduca­tion, le prévenu commet une faute opéra­toire grossière que, sans cette inclination, son habileté de chirurgien expérimenté démentirait;

Attendu qu'après sept mois de déten­tion préventive, le prévenu fut mis en liberté sous la c.ondition de ne pas prati­quer son art jusqu'à décision de justice; que, depuis son élargissement mais privé de l'exercice de la médecine et accablé par l'actuelle procédure, il n'a fait l'objet d'aucune mesure de sûreté: que le collèg'e des experts psychiatres estime au 3 mai 1944 qu~ sa désintoxication physique est sans nul doute totalement accomplie (rapport du 3 mai 1944) ;

Attendu que cependant la constance de la passion du prévenu et de ses rechu­tes ne permet pas de considérer la pré­sente épreuve comme suffisante; que des

Page 56: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

56 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

soucis d'ordre intime et l'extrême rigueur que comporte pour un chirurgien de son talent la privation de l'exercice de son art ne peuvent détourner le tribunal du devoir de protéger les malades qui solli­citeraient une intervention;

Attendu que cette protection s'impose en présence de la déclaration du profes­seur D ... à l'audience que le prévenu est et demeure un déséquilibré mental et de la constatation du collège des experts psychiatres que jusqu'à présent le préve­nu n'a pas pu ou voulu organiser sa vie professionnelle d'une manière conforme à sa résistance physique et mentale (rap­port du 3 mai 1944) ;

Attendu que pareil devoir s'avère ac­tuellement d'autant plus impérieux que le prévenü s'est engagé, sans attendre la fin de ces débats, au service médical de l'armée et que, dans l'ordre des choses militaires, tout contrôle efficace s'avère difficile sinon illusoire ;

B. Au point de vue civil : Attendu que le décès de S ... est dù

à une faute opératoire conditionnée par le choc opératoire, l'état déficient du praticien et l'hémorragie pr·ovenant d'une gastrectomie dont la victime a accepté tous les risques ; qu'il échet dès lors de distinguer le dommage né de la faute opératoire des suites mêmes de l'inter­vention et d'opérer, dans l'appréciation des intérêts civils, une ventilation adé­quate;

I. Dommage moral de la victime. Attendu que pendant trente heures la

victime a souffert atrocement; que, les douleurs dues à la faute opératoire devant être appréciées indépendamment de celles dues à la gastrectomie, le dommage moral de la victime peut être évalué ex aeqiw et bono à 10. 000 francs ;

Attendu que cette somme doit être répartie entre les ayants droit de la victime étant sa mère, sa sœur et sa femme pour une part de l'usufruit, dans la proportion déterminée au dispositif ci-après;

II. Dommage moral de la mère de la victime.

Attendu que la mère de la victime est âgée de 7 8 ans, que. le dommage moral né de la perte de son fils et de la privation de son affection peut être évalué e:c aeqiw et bono à 5.000 francs:

III. Dommage réclamé par la partie civile G ... , veuve de la victime.

A. Dommage matériel. I. Perte de salaire. a) Quant à la vie probable de la

victime : Attendu que la victime avait subi en

1942 une gastro-entérestomie pour ulcère pylorique; que l'amélioration de son état

ne fut que passagère et que la réappari­tion de douleurs, leurs caractères et leurs localisations firent poser le diagnostic d'ulcère peptique; que la radiographie pratiquée par le docteur G ... montre un ulcère pylorique et un ulcère peptique sur la bouche anastomique, les deux lésions paraissant évoluer;

Attendu que la gastrectomie compor­tait une résection gastrique et une ré­section pour ulcère pylorique et ulcère peptique;

Attendu qu'il échet en l'état de la cause de faire déterminer par l'expert quelle pouvait ètre la survie probable de la victime eu égard tant aux prédispositions pathologiques et h'otamment à la gastro­entérestomie subie antérieurement qu'au risque de mort qu'entraîne une gastrecto­mie pratiquée clans des conditions n9r­males;

Attendu qu'une indemnité provision­nelle de 40.000 francs peut être allouée;

b) Quant aux préjudiciés : Attendu que la réparation du dommage

résultant de la perte de salaire est pour­suivie par la veuve tant en son nom personnel qu'au nom de son enfant mi­neur·

.Attenclu que l'enfant de la partie civile est issu d'un précédent mariag·e; qu'il fut aceueilli au foyer de la viëtime devenu son cotuteur légal comme son enfant et profita de son salaire;

Attendu qu'eu égard aux liens qui unissaient la mère de l'enfant à la victirne et à la probabilité de vie commune de la victime et de l'enfant que ces liens sup­posent, la perte de salaire constitue un dommage certain; que, bien qu'aucune action contre le tuteur légal ne garantisse ces avantages, leur privation fait naître au profit de l'enfant une action contre le prévenu qui par son fait illicite a porté atteinte à une situation de famille s'impo­sant au respect des tiers (cass., 16 janvie1· l 939, Pas., l 939, I, 25) ;

II. Frais funéraires · Attendu que le montant des frais funé­

raires n'est pas contesté; B. Dommage moral de la veuve et de

l'enfant mineur : Attendu que la partie civile G ... , veuve

avec un enfant retenu d'un précédent mariage, a épousé S ... le 14 septembre 1942, qu'elle connaissait l'état maladif de son mari qui en 194.2 subissait une gastro-entérestomie pour ulcère pylori­que; qu'elle assista à la réapparition des douleurs qui décidèrent S... à accepter les risques d'une intervention plus impor­tante; qu'après l'opération elle fut témoin des souffrances de son mari et se rendit au domicile du prévenu· pour qu'il les apaisât; qu'à 41 ans elle se retrouve veuve avec un enfant de 11 ans après

Page 57: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COURS D'APPEL 57

avoir eu l'espoir, fragile il est vrai, de retrouver la constance d'un foyer; qu'eu égard à ces divers éléments, son dommage moral peut être évalué ex' aequo et bono à 30.000 francs;

Attendu que le prévenu ne conteste pas le principe du dommage moral de l'enfant mineur;

Attendu que la victime se comportait €nvers l'enfant de sa ,femme comme un père et lui prodiguait la même affection ; qu'âgé de 11 ans l'enfant pouvait attendre de son cotuteur conseil et direction ; que son dommage moral peut être évalué f;:c aequo et bono à 10.000 francs;

Attendu qu'il ·échet d'ordonner l'exé­cution provisoire pour partie de ce juge­ment (Code instr. crim., art. 203, com­plété par arr. roy. du 24 mars 1936, .art. 3) ;

Par ces motifs, statuant contradictoi­rement, la cour condamne R ... du chef des préventions : a) à cinq mois d'empri­sonnement et 1 OO francs d'amende; b) à trois mois d'emprisonnement et '1.000 fr. d'amende, et aux frais du procès envers la partie publique· taxés en totalité à la somme de 14.387 francs; fixe à quatre mois la durée de la contrainte par corps pour le recouvrement des frais au profit de l'Etat; dit que le prévenu sera interdit de l'exercice de l'art de guérir pendant un délai de dix ans. - Au point de vue civil : 1° dommage moral de la victime : évalue à 10.000 francs le dommage moral de la victime du chef des soùffrances ; en conséquence : condamne le prévenu à payer: à la partie civile V ... , veuve S ... , la somme de 2.500 francs en pleine pro­priété ; à la partie civile S ... , épouse L ... , la somme de 3.750 francs, dont 1.250 fr. en pleine propriété et 2.500 francs en nue propriété; à la partie civile S ... , la somme de 3.750 francs dont 1.250 francs en pleine propriété et 2.500 francs en nue propriété; à la partie civile G ... , veuve S ... , l'usufruit sur la moitié de la somme allouée, sôit 5.000 francs; dit que la somme de 5.000 francs devant revenir en usufruit à la partie civile G ... , veuve S ... , sera placée à la Caisse générale d'épargne et de retraite ; 2° dommage moral de la mère de la victime : condamne le prévenu à payer à la partie civile V ... , veuve S ... , la somme de 5.000 francs en réparation de son dommage moral personnel; 3° dom­mage réclamé par la partie civile G ... , veuve S ... : Dommage matériel: condamne le prévenu à payer à la partie civile G ... , la somme de 3.016 fr. 10, du chef de frais funéraires. Avant faire droit sur le dommage matériel résultant de la perte de salaire, désigne en qualité d'expert, M. le docteur Enderlé, médecin légiste à Bruxelles, lequel serment préalablement prêté devant M. le Président .de cette chambre ou du magistrat qui le remplace-

rait avec la mission ci-après : << Détermi­ner, en s'entourant de tous éléments utiles, la survie probable et la survie professionnelle probable de la victime eu égard notamment aux prédisposi­tions pathologiques (en particulier à la gastro-entérestomie subie en 1942) et au risque de mort qu'entraîna une gastrectomie pratiquée dans des condi­tions 'normales; )) pour, le rapport dépo­sé, par les parties conclu et par le tribunal statué comme il appartiendra; réserve les dépens ; condamne le prévenu à payer à la partie civile G ... , veuve S ... , agissant tant en son nom personnel qu'au nom de son enfant mineur, sur le montant du pré­judice matériel résultant de la perte de salaire de la victime une indemnité pro­visionnelle de 40.000 francs; dommage moral : condamne le prévenu à payer à la partie civile G... agissant comme il est ci-avant: la somme de 30.000 francs à titre de réparation de son dommage moral per­sonnel; la somme de '10.000 francs à titre de réparation du dommage moral de l'enfant mineur; 4° intérêts compensa­toires et exécution provisoire: condamne le prévenu aux intérêts compensatoires sur les montants alloués (sauf ceux pour frais funéraires) à partir du 7 septembre 1943 et à partir de leur déboursement sur le montant des frais funéraires ; ordonne l'exécution provisoire à concurrence d'une somme de 20.000 francs.

Du 3 février 1945. - Tribunal correc­tionnel de Bruxelles. - 2oe ch. - Prés. NI. Vullers, juge faisant fonctions de prési­dent. - Min. piibl. M. Bondue, premier substitut du procureur du roi.

AHRÊT.

Sur la prévention A : Attendu, en droit, que cette prévention

ne sera établie que s'il est prouvé que le prévenu a commis une faute et qu'il existe un lien de cause à effet entre elle et la mort de S ... ;

Attendu qu'il résulte des éléments de l'instruction que le prévenu n'était pas, au moment de commencer l'intervention et à sa fin, dans un état d'équilibre normal; que tout au moins, il admet 1ui-mème qu'il avait,· clans une période de temps précédant l'opération, absorbé une dose sérieuse de véronal dont il avait dù corriger les effets excessifs par des injections de strychnine;

Attendu toutefois, qu'en lui-même, l'état du prévenu, au moment de l'opé­ration, même en admettant l'hypothèse la plus défavorable pour lui, qu'il se serait trouvé sous l'influence, non du véronal, mais d'un stupéfiant, ne com­porterait pas néce~sairement la démon­stration de la faute opératoire;

Page 58: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

Attendu, en effet, que le prévenu est un praticien averti, qu'il faut tenir comp­te de l'automatisme qui peut survivre à l'ivresse ou à l'intoxication; qu'il faut retenir ici la déclaration du docteur L ... à l'audience où il s'exprime comme suit : << A la fin de l'intervention, le docteur a dù placer les agrafes Michel à l'aide du revolver Michel, opération requérant une grande dextérité et l'attention d'un hom­me dont la volonté n'est pas annihilée mais qui peut se trouver dans l'état d'ivresse précisée ci-avant : il suffit que ce geste soit coutumier à l'opérateur. >>

Attendu que dans le domaine du fait, il est établi qu'au moment de l'autopsie, le foie de S ... était, sur son extrême bord, perforé par un drain ;

Attendu que, sùivant les éléments de la cause, l'usage du drain était justifié;

Attendu qu'il doit être admis que, contrairement à l'affirmation du prévenu qui déclare avoir usé uniquement de la main, le drain a été placé à l'aide de la pince; qu'en effet, la déclaration de Mlle L ... à l'audience est formelle; qu'elle déclare avoir vu le prévenu prendre la pince; qu'elle ajoute qu'elle n'a d'ailleurs jamais vu poser de drain sans pince;

Attendu qu'ainsi, ni l'usage de drain, ni sa pose à la pince n'apparaissent en eux-mêmes comme culpeux; ·

Attendu, quant à la perforation, qu'il n'en existe aucune preuve directe;

Attendu, en effet que, malgré l'atten­tion que les témoins ont portée à l'exé­cution de l'opération, attention qui a dù être stimulée vers la fin, à raison de l'état du prévenu, aucun témoin ne rap­porte quoi que ce soit à ce sujet;

Que, particulièrement Mlle L ... , qui a vu prendre la pince et l'a vu employer, ne dit rien au sujet de la perforation; que pourtant, de l'avis du docteur D ... , conseil technique du prévenu, l'accident devait être aperçu des témoins;

Attendu que, dans l'ordre des consta­tations m·atérielles post nwrtem, le doc­teur H.-G ... , à l'audience, déclare que le pourtour du tunnel creusé dans le foie, par le drain, présentait des érosions qui, selon lui, démontrent que le drain avait été conduit par un instrument; que le docteur V ... réplique qu'un drain enfoncé dans le foie à l'aide d'un instrument aurait causé, non des érosions, mais des déchirures ;

Attendu qu'un élément eût été décisif : soit l'existence d'une réaction vitale du foie, puisque celle-ci se serait immanqua­blement produite dans le cas de lésion d'un organe vivant;

Attendu que ce renseignement capital fait défaut; que le docteur G ... , dans son rapport, déclare qu'à raison de l'état de putréfaction du foie lors de son examen,

aucune constatation du genre n'était possible; - Attendu qu'ainsi, les seuls éléments dont dispose la cour pour déterminer la cause de la perforation du foie de S .... par un drain « placé >> clans une position qui· ne correspond à aucune nécessitô « technique >> (docteur D ... ), sont lt·s constatations faites après la mort, sur un cadavre fortement putréfié et les conclusions qu'en tirent différents prati­ciens, compte tenu de la circonstance que postérieurement à l'opération, S ... a eu des vomissements; que de plus, son corps a subi les manipulations ordinairPs de l'ensevelissement; ·

Attendu que les praticiens entendus tant à la requête du minis.tère Jlllblir: qu'à celle de la défense, sont tous réputé pour leur science, leur technique, l1, u valeur d'opérateurs; que sur les rntn'e éléments, ils aboutissent à des conclusion contradictoires;

Attendu que, si donc le jugement a q11n peut dire avec raison qt:l'il n'est pas exdu que, dans l'état où se trouvait le prévenu, il ait pu, par quelque réflexe malencon­treux et dans un effort incoordonni:"·, blesser le foie mortellement, on peu L avec autant de motifs, admettre que la faute opératoire n'a pas été commise. soit parce que le prévenu avait conserv1~ un contrôle suffisant de lui-même, soit qu'un heureux automatisme l'ait pré­servé· Att~ndu que la conclusion qui s'impose

ainsi, est qu'il existe, quant à l'existence de la faute, un doute dont le prévenu doit bénéficier;

Attendu que, dans ces conditions, l'exa­men de la question de causabilité devient superflu;

En ce qui concerne la prévention B : Attendu que, certes, les antécédents du

prévenu sont lourdement chargés; qu'ils ne peuvent toutefois constituer une preu­ve directe en la cause ;

Attendu qu'il y a lieu de distinguer deux groupes de faits quant à la détention illégale de stupéfiants : 1° l'eudocal acquis au. moment de l'opération S ... ; 2° des stupéfiants, et notamment de l'eucoclal, détenus antérieurement par le prévenu;

Attendu, en ce qui concerne le premier groupe, que l'instruction a pu déterminer l'emploi régulier du plus grand nombre d'ampoules; qu'un certain doute subsiste au sujet de certaines d'entre elles; que, toutefois, la preuve n'est pas rapportée contre le prévenu qu'il ait indûment conservé celles-ci ;

Attendu, en ce qui concerne le second groupe, que, certes, des ampoules vides: d'eucodal ont été trouvées chez le pré­venu, mais que tout est ignoré de leur

Page 59: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

COUR.S D'APPEL 59

origme, de leur emploi, des conditions dans lesquelles elles furent acquises;

Attendu que la prévention B n'est pas ainsi demeurée établie ;

Attendu, toutefois, qu'au point de vue social, une considération s'impose au juge; que s'il se doit de constater l'ab­sence de preuve légale des faits reprochés au prévenu, il se doit aussi de constater, chez celui-ci, une fragilité psychique qui peut l'expo;,rnr et exposer les tiers à de graves dangers; qu'il apparaît de toute nécessité que, pour consolider et main­tenir toute amélioration acquise, le pré­venu « se décide à régler définitivement sa vie professionnelle d'une manière con­forme à sa résistance physique et men­tale )) (rapport d'expertise mentale) ;

Attendu, quant aux intérêts civils, que la prévention n'étant pas établie, la cour est incompétente pour en connaître.

Par ces motifs, la cour, statuant con­tradictoirement, vu les articles 1, 11, 12, a, 16, 24, 31 à 37 de la loi du 15 juin 1935, 191, 211 et 212 du Code d'instruc­tion criminelle, met à néant le jugement a quo,' tant en ce qui concerne l'action pénale que l'action civile~ émendant quant au pénal, acquitte le prévenu et le renvoie des fins des poursuites sans frais; sur l'action civile, se déclare in­compétente pour connaître de cette ac­tion ; condamne la partie civile à tous ]es frais des deux instances taxés en

(1) Traductfon.

Considérant que par a.rrêté du 9 juin 1945, le Ministre du ravitaillement a ordonné la fermeture de la boucherie de l'appelant Walter Vl}n Gassen; que cet arrêté avait été pris en vertu de l'article 3, deuxième alinéa, de l'arrêté-loi du 22 janvier 1945 donnant au Ministre du ravitaillement le pouvoir de fermer une entreprise s'il estime s9n activité nuisible;

Considérant que l'arrêté attaqué est motivé par une raison semblable, notamment que :

Vu la conduite de l'appelant pendant l'occu­pation, le maintien en activité de l'entreprise commerciale qu'il gère pourrait provoquer des troubles dans la connnune de Beveren-Waes et què pa.r conséquent la firme est nuisible à la bonne marche du ravitaillement;

Considéra.nt que le bourgmestre de la com­mune de Beveren-Waes avait été chargé de signifier l'ar1:êté précité et de prendre toutes mesures utiles en vue de son exécution ; que cette mission, prévue par les articles 6, § 1er et 7, 8°, de l'arrêté-loi du 22 janvier 1945 a été remplie par ce fonctionnaire ;

Considérant que dès lors l'appelant prétend à tort que sa boucherie a été fermée en vertu d'une pure voie de fait de la part du Ministre du ravitaillement ou du bourgmestre de la commune de Beveren-Waes;

appel et envers la partie publique à 297 francs.

Du 3 juillet 1945. - Cour de Bruxelles. - 9e ch. - Prés. M. Ernst de la Graete. président. - IVIin. publ. Baron E. Ver­haegen, avocat général. - Pl . . MM. Ver­schelden et de Locht.

COUR D'APPEL DE GAND

20 août 1945

RÉGLEMENTATION DE L'INDUS­TRIE ET DU COMMERCE. -ARRÊ­TÉ-1,01 DU 22 JANVIER 1945. - FERME­TURE D'ENTREPRISE ORDONNÉE PAR DÉCISION i\IINISTÉRIELLE. - ABSENCE DE RECOURS DEVANT LES TRIBUNAU:X.

La déc'Ïsion m·inistérielle portant f ernieture d'une entreprise par application de l' aY­ticle 3 de l'arTêté-loi du 22 janvie1' 194/5 conce1·nant la répression. des infractions à la ?'églementatio'n -relative à l' app1·0-visionnernent dit pays n'est pas suscep­tible de recoitrs devant les tribiinait:r

(VAN GASSEN, C. ÉTAT BELGE).

ARREST (1).

Overwegende dat bij besluit dd. 9 Juni 1945 de Minister van ravitailleering de

Considérant que l'arrêté-loi du 22 janviei· 1945 ne prescrit pas que la décision ministé­rielle, portant fern1eture d'une entreprise en Aertu de l'autorisa,tion accordée par l'article 3. alinéa 2, est susceptible d'appel, de recours ou d'opposition ;

Considérant qu'en l'occurrence il ne doit pas ou il n'est fait application de l'arrêté­loi du 14 avril 1945 et que c'est sans raison que l'appelant invoque la disposition de l'ar­ticle 1er de cet a.rrêté-loi pour contester la validité de l'arrêté ministériel attaqué;

Considérant que la . décision ministériell.: prend une mesure du pouvoir administratif, qui ne peut être soumise à l'appréciation du pouvoir judiciaire,. mêl\ie si ce n'était que pour expliquer, comme il conviendrait en l'occurrence, dans quels cas en matière d'ap­provisionnen_;J.ent du pays, une entreprise est réputée nuisible, ou pour examiner si ln raison ayant motivé l'arrêté de fermeture ne dépasse pas l'intention du législateur de ja'n­viei· 1945;

Considérant que dès lors le premier juge s'est déclaré à bon droit incompétent;

Pour ces motifs, la cour, vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935, entendu :M:. l'avocat général Lepage en son avis, reçoit l'appel; le déclare non fondé ; confirme la décision attaquée; condamne l'a.ppelant aux fra.is de l'instance.

Page 60: PASICRISIE BELGE · pasicrisie belge recueil gÉnÉral de la jurisprudence des cours et tribunaux --~

60 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

sluiting van de beenhouwerij van appel­lant ·walter Van Gassen bevolen heeft; dat dit hesluit getroffen was krachtens artikel 3, tweede alinea van de hesluitwet van 22 J anuari '1945, waarhij de Minis ter van ravitailleering· gemachtigd is een bedrijf te sluiten indien hij het behoud van het hedrijf schadelijk acht;

Overwegende dat het bestreden besluit met een zooclanige reclen bekleed is name­lijk dat;

<< Gezien het gedrag van appellant tijdens de bezetting het in werking hou­den van de handelsonderneming welke cloor hem beheerd wordt onlusten in de gemeente Beveren-Waes zou kunnen ver­oorzaken en dat derhalve de firma scha­delijk is voor het goed verloop van de ravitailleering »;

Overwegende dat de burgemeester der gemeente Beveren-Waes g·elast is geweest voormeld hesluit te heteekenen en al de noodig·e maatregelen te tJ;'eff en voor de uitvoering ervan; dat deze opdracht voorzien bij artikelen 6, § '1 en 7. 8° van de besluitwet van 22 J anuari '1945 door dezen ambtenaar volbrach t werd ;

Overwegende dat het aldus ten on­rechte is dat appellant beweert dat zijn beenhouwerij gesloten werd krachtens een loutere feitelijkheid van wege den Minister van ravitailleering of den burg·e­meester der gemeente Beveren-Waes;

Overwegende dat de hesluitwet van 22 J anuari '1945 niet voorschrijft dat de ministerieele beslissing waarbij een be­drijf gesloten is krachtens de machtiging bij artikel 3, alinea 2, verleend voor

hooger heroep, verhaal of verzet vatbaar is;

Overwegende dat in het onderhavig geval geen toepassing van de besluitwet van H April 1945 client of wordt ge­maakt en dat zonder grond appellant de beschikking van artikel 1 dezer besluit­wet inroept om de geldigheid van het bestreden ministerieel besluit te betwis­ten

Overwegende dat de ministerieele be­slissing een maatregel van de administra­tieve macht treft, die aan de beoordeeling van de rechterlijke macht niet onder­worpen kan worde·n, al ware het slechts om uit te leggen, zooals het hier zou passen, in welke gevallen in zake van de hevoorrading van het land, een hedrijf schadelijk word t geacht, of te oncler­zoeken indien de reden waarmede het hesluit van sluiting bekleed is, de hedoe­ling van den wetgever van .T anuari '1945 niet overschrijdt;

Overwegende dat de eerste rechter aldus met recht zich onhevoegd heeft verklaard;

Om deze redenen, het hof, gelet op artikel 2"1 der wet van 15 J uni 1935; gehoord de heer advocaat generaal Lepage in zijn advies; ontvangt het hooger heroep; verklaart het ongegrond; hevestigt d.e bestreden beslissing.

Du 20 aoùt 1945. - Cour de Gand. -Chambre des vacations. - Prés. M. Ver­beke, président. 1\!Iin. pnbl. M. Lepage, avocat général.