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Aix-Marseille Université Ecole Doctorale des Sciences de la Vie et de la Santé Thèse de Doctorat d’Université Mention Microbiologie Clément AUSSIGNARGUES Optimisation du métabolisme énergétique du soufre chez la bactérie hyperthermophile Aquifex aeolicus Soutenue le 17 Décembre 2012 devant le jury: Pr. Frédéric BARRAS Dr. Laurent COURNAC Dr. Bruno FRANZETTI Dr. Marie-Thérèse GIUDICI-ORTICONI Dr. Anne GODFROY Dr. Marianne ILBERT Laboratoire de Bioénergétique et Ingénierie des Protéines Centre National de la Recherche Scientifique

Optimisation du métabolisme énergétique du soufre chez la bactérie

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  • Aix-Marseille Universit

    Ecole Doctorale des Sciences de la Vie et de la Sant

    Thse de Doctorat dUniversit

    Mention Microbiologie

    Clment AUSSIGNARGUES

    Optimisation du mtabolisme nergtique

    du soufre chez la bactrie hyperthermophile

    Aquifex aeolicus

    Soutenue le 17 Dcembre 2012 devant le jury:

    Pr. Frdric BARRAS

    Dr. Laurent COURNAC

    Dr. Bruno FRANZETTI

    Dr. Marie-Thrse GIUDICI-ORTICONI

    Dr. Anne GODFROY

    Dr. Marianne ILBERT

    Laboratoire de Bionergtique et Ingnierie des Protines

    Centre National de la Recherche Scientifique

  • Aix-Marseille Universit

    Ecole Doctorale des Sciences de la Vie et de la Sant

    Thse de Doctorat dUniversit

    Mention Microbiologie

    Clment AUSSIGNARGUES

    Optimisation du mtabolisme nergtique

    du soufre chez la bactrie hyperthermophile

    Aquifex aeolicus

    Soutenue le 17 Dcembre 2012 devant le jury:

    Pr. Frdric BARRAS

    Dr. Laurent COURNAC

    Dr. Bruno FRANZETTI

    Dr. Marie-Thrse GIUDICI-ORTICONI

    Dr. Anne GODFROY

    Dr. Marianne ILBERT

    Laboratoire de Bionergtique et Ingnierie des Protines

    Centre National de la Recherche Scientifique

  • Sommaire

    Sommaire

    IInnttrroodduuccttiioonn 22

    Chapitre I- Mtabolismes nergtiques du soufre 4

    I) Le soufre, un lment essentiel aux multiples facettes 6

    II) Le soufre utilis comme compos nergtique 9

    A) Oxydation des composs du soufre 10

    1. Oxydation du sulfure dhydrogne H2S 10

    a) La Sulfure Quinone Oxydorductase (SQR) 10

    b) La flavocytochrome c sulfure dshydrognase (FCSD) 13

    2. Oxydation du thiosulfate (S2O32-

    ) 14

    a) Thiosulfate : accepteur oxydorductase (TAOR) 14

    b) Le systme Sox 16

    3. Oxydation du sulfite (SO32-

    ) 20

    a) Sulfite : accepteur oxydorductase (SAOR) 21

    b) Voie de lAPS 23

    4. Oxydation du soufre stock dans les globules 26

    B) La rduction du soufre : soufre/polysulfure rductase 29

    C) Un cas particulier : la dismutation du soufre (SOR) 33

    1. Ractions catalyses 34

    2. Structure et architecture 34

    a) Le monomre 34

  • Sommaire

    b) La protine entire 36

    3. Vue gnrale du fonctionnement de la SOR 38

    III) Complexit des mtabolismes nergtiques du soufre : quelques exemples 39

    A) Les arches thermoacidophiles : Acidianus ambivalens 39

    B) Les bactries sulfureuses phototrophes 41

    C) Les bactries acidophiles et msophiles du genre Acidithiobacillus 43

    IV) Rflexions sur les modles des mtabolismes nergtique du soufre 46

    Chapitre II- Les rhodanses 48

    I) Caractristiques des rhodanses 51

    A) Organisation en domaines 51

    B) Squence protique 55

    C) Site actif 56

    D) Structure tridimensionnelle 57

    E) Catalyse et mcanisme catalytique 60

    II) Fonction des rhodanses 62

    A) Les protines domaine rhodanse associ 62

  • Sommaire

    B) Rhodanses un ou plusieurs domaines 65

    1. Chez les eucaryotes 66

    2. Chez les procaryotes 67

    III) Vue densemble de la superfamille des rhodanses 69

    Chapitre III- Aquifex aeolicus 72

    I) Les Aquificales 74

    II) Prsentation de notre modle dtude : Aquifex aeolicus 78

    A) Morphologie, motilit et adhrence 79

    B) Gnome 80

    C) Physiologie 81

    III) Mtabolisme nergtique du soufre chez Aquifex aeolicus 83

    A) Voie H2S/O2 83

    B) Voie H2/S 86

    C) La SOR 88

    D) Les rhodanses 89

    E) NADH dshydrognase (complexe I) 90

  • Sommaire

    F) Vision globale du mtabolisme nergtique du soufre chez

    Aquifex aeolicus 92

    Chapitre IV- Objectifs du travail 94

    MMaattrriieell eett mmtthhooddeess 9988

    I) Culture bactrienne 100

    A) Aquifex aeolicus 100

    B) Escherichia coli 101

    II) Obtention du matriel biologique 102

    A) Aquifex aeolicus 102

    1. Fractionnement cellulaire 102

    2. Solubilisation des protines membranaires 103

    3. Globules de soufre 104

    B) Escherichia coli 104

    III) Mthodes de purification des protines 105

    A) Chromatographie dadsorption 105

  • Sommaire

    B) Chromatographies dchange dions 105

    1. Chromatographie basse pression 105

    2. Chromatographie haute pression 105

    C) Chromatographie dexclusion 106

    D) Protocoles de purification 106

    1. La SQR 106

    2. Supercomplexe hydrognase/soufre rductase 106

    3. La SOR et Aq-477 107

    IV) Techniques danalyses biochimiques 111

    A) Dosage protique 111

    B) Electrophorse sur gel dacrylamide 111

    1. Condition dnaturante : Tris-glycine SDS-PAGE 111

    2. Condition native : Tris-glycine PAGE 111

    3. Gel Bleu Natif 112

    4. Gels Bleu Natif pores larges (BNPL) 113

    5. Transfert sur membrane 113

    C) Techniques de rvlation aprs lectrophorse 114

    1. Colorations 114

  • Sommaire

    2. Immunodtection 115

    3. Dtection dactivits enzymatiques 116

    a) Activit Sulfure Quinone Rductase 116

    b) Activit hydrognase 116

    c) Activit cytochrome c oxydase 117

    d) Activit NADH-dshydrognase (complexe I) 118

    e) Activit thiosulfate : cyanure soufre transfrase (rhodanse) 118

    V) Mesures dactivits enzymatiques au spectrophotomtre 119

    A) Transfert dlectrons de lhydrognase la soufre rductase 119

    B) Activit Soufre Oxygnase Rductase (SOR) 121

    C) Activit thiosulfate : cyanure soufre transfrase (rhodanse) 121

    VI) Etude dintractions protine-protine 122

    A) La rsonance plasmonique de surface (BIAcore) 122

    1. Principe de fonctionnement 122

    2. Interface utilise 123

    3. Fixation du ligand et mesure de linteraction 123

    B) Pontage covalent in vitro 124

    C) Gel retard 124

    VII) Analyses protomiques 125

  • Sommaire

    A. Identification des protines par squenage N-terminal 125

    B. Identification des protines par spectromtrie de masse 125

    1) Maldi-TOF 126

    2) Trappe ions 126

    3) Orbitrap 126

    C. Analyse de protines entires par spectromtrie de masse 127

    VIII) Microscopies 127

    A) Microscopie optique 127

    B) Microscopie lectronique 127

    IX) Analyses in silico 128

    A) Recherches de protines homologues et alignements multiples de

    squences 128

    B) Prdiction de localisation et de structure secondaire 128

    C) Modlisations 129

    RRssuullttaattss eett ddiissccuussssiioonn 113300

    Chapitre I- Mtabolisme nergtique du soufre chez

    Aquifex aeolicus 132

  • Sommaire

    I) Une rhodanse au cur du trafic 134

    II) Une source potentielle de substrat: les globules de soufre 138

    A) Influence des conditions de culture 138

    B) Tentative disolation des globules de soufre 141

    III) Mtabolisme nergtique du soufre chez Aquifex aeolicus : un nouveau

    Modle 143

    A) Identification de systmes potentiellement impliqus dans le mtabolisme

    nergtique du soufre chez Aquifex aeolicus 144

    1. Oxydation du thiosulfate 144

    2. Oxydation de lH2S 146

    3. Oxydation du soufre 149

    4. Oxydation du sulfite 150

    a) Voie de lAPS 150

    b) Aq_979 150

    B) Construction dun modle du mtabolisme nergtique du soufre chez Aquifex

    aeolicus 153

    Chapitre II- Recherche dun niveau dorganisation suprieure dans

    larchitecture des voies respiratoires chez Aquifex aeolicus 155

    I) Introduction : Organisation des complexes protiques membranaires 157

  • Sommaire

    II) Dveloppement et optimisation de gels natifs pour la visualisation de

    mgacomplexes 163

    III) Prparation et optimisation des chantillons pour la dtection de

    mgacomplexes 166

    IV) Dveloppement des gels natifs larges pores pour la visualisation des

    mgacomplexes 169

    V) Impact des conditions de culture sur la prsence des superdifices 174

    VI) Discussion 176

    Chapitre III- Mise en vidence dun nanocompartiment protique et de sa

    ferritine atypique chez la bactrie hyperthermophile

    Aquifex aeolicus 178

    CCoonncclluussiioonnss eett ppeerrssppeeccttiivveess 119977

    RRffrreenncceess bbiibblliiooggrraapphhiiqquueess 220033

  • Introduction

    1

  • Introduction

    2

    IINNTTRROODDUUCCTTIIOONN

  • Introduction

    3

  • Introduction

    4

    Chapitre I

    Mtabolismes nergtiques

    du soufre

  • Introduction

    5

  • Introduction

    6

    Mtabolismes nergtiques du soufre

    I) Le soufre, un lment essentiel aux multiples facettes

    Le soufre, lment connu depuis lAntiquit, a depuis toujours intress les hommes.

    Il tait connu pour loigner la vermine selon Homre, utilis dans la prparation de la

    poudre canons par les chinois au XIe sicle et toujours utilis dans divers processus

    industriels (dont la vulcanisation du caoutchouc) de nos jours.

    Le soufre a galement un impact environnemental trs important, justifiant les

    nombreuses tudes qui lui sont consacres : le dioxyde de soufre par exemple, rejet dans

    latmosphre par la combustion du ptrole et du charbon ou lors druptions volcaniques, se

    combine avec leau dans les nuages pour donner de lacide sulfurique. Ce dernier est

    notamment responsable des tristement clbres pluies acides, mais il a galement un effet

    refroidissant sur la partie infrieure de latmosphre terrestre en rflchissant le rayonnement

    solaire. Cest ainsi quune diminution de la temprature de 0,5C a t mesure en 1992 aprs

    lruption du Pinatubo en 1991. Linjection de particules de soufre dans latmosphre comme

    solution durgence au rchauffement climatique a galement t discute dans la communaut

    scientifique, notamment par le prix Nobel de chimie Paul Crutzen (Crutzen, 2006).

    La chimie du soufre, tant organique que minrale, est trs riche, puisquon le retrouve

    des degrs doxydation varis selon les lments avec lesquels il est combin. Ainsi, le

    soufre du sulfure dhydrogne (H2S) est son plus bas degr doxydation (-2), alors que celui

    du sulfate (SO42-

    ) est +6 (Table 1 formes du soufre). Cette large gamme dtats doxydation

    place le soufre au centre dun ventail de ractions doxydorduction : la thorie du monde

    fer-soufre propose ainsi limplication de composs du type sulfure de fer (FeS, Fe2S) comme

    permettant la formation des premires molcules organiques lorigine de la Vie (Drr et al.,

    2003; Wachtershauser, 2000).

  • Introduction

    7

    Composs Formule Etat doxydation

    Sulfate SO42-

    + 6

    Sulfite SO32-

    + 4

    Dioxyde de soufre SO2 + 4

    Ttrathionate S4O62-

    + 2,5 (0 pour les soufres internes , + 5

    pour les deux soufres externes )

    Thiosulfate S2O32-

    + 2

    Soufre lmentaire S0, S8 0

    Polysulfure -S-S(n)-S

    -

    0 pour les soufres internes , - 1 pour

    les deux soufres externes

    Pyrite FeS2 - 1

    Monosulfure de fer FeS - 2

    Sulfure dhydrogne H2S - 2

    Tableau 1. Degrs doxydation des composs soufrs. Ltat doxydation de latome est celui de latome de

    soufre de la molcule. S8 reprsente le cyclo-octasoufre.

    Lincorporation du soufre dans des biomolcules telles que les protines, les

    vitamines, les cofacteurs est connue depuis bien longtemps, ce qui en fait une brique

    fondamentale, lun des lments essentiels de la Vie au mme titre que le carbone, loxygne,

    lazote ou lhydrogne.

    Enfin, cest cette versatilit du soufre du point de vue redox qui explique son

    utilisation des fins bionergtiques par les micro-organismes. En effet, des bactries et des

    arches qui utilisent le soufre comme base de leur mtabolisme nergtique colonisent des

    environnements riches en molcules soufres, quelles soient sous forme de solide (soufre

  • Introduction

    8

    lmentaire), de gaz (sulfure dhydrogne) ou dissoutes dans leau (thiosulfate, polysulfures)

    (Figure 1).

    Figure 1. Reprsentation de certaines formes du soufre. A, le cyclo-octasoufre S8 est un solide quasiment

    insoluble (19-30 nM 25C, 478 nM 80C ; (Kamyshny, 2009)) ; B, le ttrathionate S4O62- (loxygne est

    reprsent en rouge, le soufre en jaune) est soluble tout comme C, polysulfure S(n)2-.

    Lensemble des recherches sur le soufre, quels que soient leurs domaines dtudes,

    pointent toutes vers lexistence dun vritable cycle biogochimique du soufre, faisant

    intervenir des ractions abiotiques aussi bien que des micro-organismes qui y jouent un rle

    absolument prpondrant (Figure 2). Les mtabolismes nergtiques quils mettent en jeu sont

    trs diversifis, et cette varit trouve son reflet dans le grand nombre de protines qui les

    constitue. Les parties suivantes seront essentiellement consacres la description des

    enzymes jouant un rle prpondrant dans le mtabolisme nergtique du soufre des micro-

    organismes. Nous replacerons ensuite ces enzymes dans le contexte global du mtabolisme

    dorganismes modles, dont ltude a permis de mieux comprendre ces processus

    nergtiques.

  • Introduction

    9

    Figure 2. Reprsentation schmatise du cycle du soufre dans la nature (ressource internet)

    II) Le soufre utilis comme compos nergtique

    Comme nous lavons vu, le soufre peut tout aussi bien tre incorpor dans les

    biomolcules quutilis en tant que ressource nergtique par les micro-organismes. Dans

    cette perspective, il faut distinguer les processus doxydation (donneur dlectrons) et de

    rduction (accepteur dlectrons) du soufre. Ce dernier cas a t extensivement tudi chez les

    bactries sulfato-rductrices qui couplent des chanes respiratoires anarobies la synthse

    dATP, en utilisant le sulfate comme accepteur terminal dlectrons (Barton and Fauque,

    2009; Muyzer and Stams, 2008). A linverse, de nombreux micro-organismes extraient les

    lectrons des composs rduits du soufre qui sont alors le point de dpart de leurs chanes

    respiratoires. Nous allons tout dabord nous intresser ces derniers.

  • Introduction

    10

    A) Oxydation des composs du soufre

    Les composs rduits du soufre offrent des degrs doxydation variant entre -2 pour

    lH2S et +4 pour le sulfite. Dans le cadre de leur mtabolisme nergtique, les micro-

    organismes ont dvelopp des enzymes, ou des systmes enzymatiques oxydant

    spcifiquement une forme donne du soufre auxquels nous allons maintenant nous intresser.

    1. Oxydation du sulfure dhydrogne H2S

    Le sulfure dhydrogne a t dcouvert en 1777 par Carl Wilhelm Scheele. Il est

    considr comme un vritable poison cause de sa grande ractivit vis--vis des ponts

    disulfures ou des centres mtalliques par exemple mais aussi pour les organismes arobies

    chez lesquels il interfre avec la phosphorylation oxydative par raction avec loxygne.

    Paradoxalement, ce gaz est absolument indispensable bien des gards : il a t identifi

    comme un gazotransmetteur chez les eucaryotes (Wang, 2002), et est utilis par nombre

    de micro-organismes comme donneur dlectrons pour leurs chanes respiratoires grce

    deux enzymes principalement, la Sulfure Quinone Oxydorductase (SQR) dune part, et la

    flavocytochrome c sulfure dshydrognase dautre part.

    a) La Sulfure Quinone Oxydorductase (SQR)

    La SQR fait partie de la grande famille des disulfure rductases flavine : cest une

    flavoprotine denviron 50 kDa retrouve dans toutes les branches du vivant, mis--part les

    plantes (Shahak and Hauska, 2008). Elle catalyse la rduction dun pool de quinones grce

    loxydation de lH2S en chane de soufre. La nature du produit soufr est dailleurs discute

    dans la littrature : certaines tudes chez Rhodobacter capsulatus lidentifient comme tant du

    polysulfure (Griesbeck et al., 2002) alors que la rsolution rcente de la structure de la SQR

    dAquifex aeolicus suggre plutt un cyclo-octasoufre (Marcia et al., 2009). Ainsi le terme de

    polysoufre est employ pour faire rfrence cette chane de soufre dont la nature exacte

    nest gnralement pas dfinie (Cherney et al., 2010).

    Lutilisation dun pool de quinones comme accepteur dlectrons implique

    ncessairement une localisation membranaire de la protine. Il a t montr que la SQR est

  • Introduction

    11

    une protine monotopique lie un seul ct de la membrane et que cet ancrage peu profond

    (seulement 12 ) est d deux hlices amphipathiques (Marcia et al., 2009). De plus,

    lorientation priplasmique de la SQR a t dmontre chez Rhodobacter capsulatus bien

    quaucun peptide signal nait t dtect dans la squence N-terminale de la protine. En

    revanche, les 38 acides amins en C-terminal sont ncessaires sa translocation (Schutz et al.,

    1997) (Schutz et al., 1999).

    Les membres de la famille des disulfure rductases sont principalement retrouvs sous

    forme dimrique, mais dans le cas de la SQR, la question nest pas rsolue de manire claire.

    En effet, si elle a bien t cristallise sous forme de dimre chez Acidithiobacillus

    ferrooxidans et Acidianus ambivalens (Brito et al., 2009; Cherney et al., 2010), on la retrouve

    trimrique chez Aquifex aeolicus, que ce soit au cours de sa cristallisation ou lors dtudes

    biochimiques (Marcia et al., 2009; Marcia et al., 2010), et monomrique en solution chez

    Acidianus ambivalens (Brito et al., 2009).

    La protine elle-mme est compose de deux domaines similaires prsentant un

    repliement de type Rossmann : le domaine N-terminal est celui qui lie le cofacteur FAD. Ce

    dernier constitue avec trois rsidus cystine le site catalytique de lenzyme. De manire

    intressante, la liaison du FAD la protine est covalente mais labile chez Aquifex aeolicus et

    Acidianus ambivalens, mais pas chez Acidithiobacillus ferrooxidans. Ceci est mettre en

    rapport avec la nature hyperthermophile des deux premires espces chez lesquelles la liaison

    covalente pourrait intervenir dans laugmentation de la stabilit et de la conformation native

    de la protine, comme cela a t propos auparavant pour dautres flavoprotines (Nandigama

    and Edmondson, 2000). Le site de liaison des quinones est une cavit proche du FAD et du

    contact protine-membrane, accessible travers un canal hydrophobe (Figure 3).

  • Introduction

    12

    Figure 3. Structure tridimensionnelle du monomre de la SQR dAquifex aeolicus (PDB 3HYW). La

    quinone est reprsente en bleu, et le FAD en jaune.

    La rduction du pool de quinones se fait via le cofacteur FAD. En effet, ce dernier

    est le relai lectronique qui va dans un premier temps capter les lectrons issus de loxydation

    des sulfures avant de les transfrer aux quinones. Il faut noter quoxydation des sulfures et

    rduction des quinones sont spars dans lespace puisquayant lieu de part et dautre du

    FAD.

    Le rle des SQR est assez vari suivant les espces. En effet, son implication, tant

    chez les micro-organismes que dans les mitochondries, a t par exemple dmontre dans la

    dtoxification de lH2S (Shahak and Hauska, 2008), la tolrance aux mtaux lourds (Vande

    Weghe and Ow, 2001) et probablement la signalisation (en contrlant les concentrations du

    neurotransmetteur H2S chez les mammifres). Lune de ses fonctions les plus importantes

    concerne cependant les processus bionergtiques : rcemment dcouvert dans la

    mitochondrie (Yong and Searcy, 2001), ce rle avait dj t propos et dmontr ds les

    annes 1990, notamment chez les bactries photosynthtiques utilisant lH2S comme donneur

    dlectrons (Shahak et al., 1992) (Reinartz et al., 1998).

  • Introduction

    13

    b) La flavocytochrome c sulfure dshydrognase (FCSD)

    La raction catalyse in vitro par la FCSD nest pas sans rappeler celle ralise par la

    SQR : lH2S est oxyd en une chane de soufre, et les lectrons issus de cette raction sont

    transfrs un accepteur. Dans le cas de la SQR, il sagit dun pool de quinones, alors que

    des cytochromes de type c jouent ce rle pour la FCSD. Ces derniers peuvent leur tour

    transfrer ces lectrons une cytochrome c oxydase ou un centre ractionnel

    photosynthtique suivant les organismes (Brune, 1995a). La nature de laccepteur dlectrons

    est en accord avec la localisation de lenzyme, la FCSD tant le plus souvent soluble et

    priplasmique. Cependant, des cas de FCSD ancres dans la membrane cytoplasmique par un

    peptide signal non-cliv ont galement t rapports (Kostanjevecki et al., 2000; Vert et al.,

    2002).

    Cette protine est en ralit constitue de deux sous-units distinctes : FccB est une

    flavoprotine au repliement trs similaire celui des SQR de 40-47 kDa qui lie lH2S, et FccA

    est un cytochrome de type c. Ce dernier peut comporter un seul ou deux hmes c, pour une

    masse molculaire de 10 et 21 kDa respectivement. Par exemple, FccA dAllochromatium

    vinosum et de Termochromatium tepidum (dont les structures sont connues) possdent deux

    hmes (Chen et al., 1994; Hirano et al., 2012) (Figure 4).

    Figure 4. Structure de la flavocytochrome c sulfure dshydrognase (FCSD) dAllochromatium vinosum.

    FccA est reprsente en bleu, et FccB en gris. Les cofacteurs sont reprsents sous forme de btonnets, le FAD

    est en jaune et les hmes de type c sont en rouge. Lidentifiant PDB est 1FCD.

  • Introduction

    14

    Le rle in vivo de cette protine nest pas vraiment clair : sil ne fait aucun doute sur la

    raction quelle catalyse, des souches mutantes dAllochromatium vinosum dficientes en

    FCSD, cultives en prsence dH2S, prsentent un phnotype identique celui de la souche

    sauvage, que ce soit au niveau de la croissance ou des taux doxydation de lH2S (Reinartz et

    al., 1998). Ceci indique la prsence dun systme alternatif qui ralise lessentiel de

    loxydation de lH2S, probablement la SQR. Il a en revanche t propos que la FCSD soit

    plus avantageuse dans certaines conditions de croissance non encore identifies, par exemple

    dans le cas de concentrations en H2S bien plus faibles que celles couramment utilises en

    laboratoire (Brune, 1995a).

    2. Oxydation du thiosulfate (S2O32-

    )

    Le thiosulfate est une molcule stable et abondante dans lenvironnement, et peut tre

    rduit ou oxyd par nombre de micro-organismes. Deux voies principales doxydation du

    thiosulfate sont prdominantes : la condensation oxydative de deux molcules de thiosulfate

    en ttrathionate (S4O62-

    ) par les thiosulfate : accepteur oxydorductases (thiosulfate

    dshydrognase, EC 1.8.2.2), et loxydation complte en sulfate en plusieurs tapes par le

    systme Sox (Sulfur Oxidizing system).

    a) Thiosulfate : accepteur oxydorductase (TAOR)

    La formation de ttrathionate partir de thiosulfate est bien documente chez des

    bactries utilisant le thiosulfate comme substrat supplmentaire (mais pas unique), telles que

    les Pseudomonas et les Halomonas (Sorokin et al., 1999), ainsi que chez Allochromatium

    vinosum, lune des rares bactries phototrophes sulfureuses possder un tel systme. Chez

    cette dernire, la protine TsdA oxyde le thiosulfate en ttrathionate avec le ferricyanure

    comme accepteur artificiel dlectrons. Cest un monomre de 25,8 kDa, prsent dans le

    priplasme, et contenant deux hmes de type c (Denkmann et al., 2012; Hensen et al., 2006).

    Elle est assez semblable la thiosulfate dshydrognase dAcidithiobacillus thiooxidans, un

    cytochrome de type c de 27,9 kDa (Nakamura et al., 2001). Cependant, la plupart des autres

    protines de cette famille sont assez diffrentes les unes des autres, ce qui a t interprt

    comme une volution convergente plutt que divergente (Visser et al., 1996).

  • Introduction

    15

    Chez Acidianus ambivalens, une thiosulfate : quinone oxydorductase (TQOR)

    membranaire a t caractrise (Mller et al., 2004). Ce complexe est compos de quatre

    protines : deux copies de la sous-unit DoxA (28 kDa), et deux copies de la sous-unit DoxD

    (16 kDa) (Figure 5). Ni lune ni lautre ne comporte de cofacteur, mais des quinones ont t

    retrouves lies de manire non-covalente au complexe purifi. Ainsi, le pool de quinones

    est identifi comme laccepteur physiologique des lectrons issus de loxydation du

    thiosulfate en ttrathionate. Cette dcouverte a son importance, puisque cet accepteur est

    diffrent de ce qui avait t caractris jusque l chez les autres organismes (ferricyanure ou

    cytochrome c), rvlant ainsi un tout nouveau mcanisme nergtique doxydation du

    thiosulfate. Il faut noter que DoxA et DoxD avaient tout dabord t identifies comme des

    sous-units faisant partie de la quinol : oxygne oxydorductase (cytochrome aa3) au cours de

    sa purification (Purschke et al., 1997). Les travaux mens en 2004 par Mller et

    collaborateurs (Mller et al., 2004) montrent ainsi quil sagit en fait de deux complexes

    indpendants, mais fonctionnant en synergie, puisque la rduction de loxygne a t mesure

    sur des membranes quand le thiosulfate tait ajout au test. Pour la premire fois, il avait ainsi

    t montr une nouvelle voie bionergtique associant loxydation du thiosulfate et la

    rduction du pool de quinones par la TQOR, la rduction de loxygne par loxydase

    terminale (Figure 5).

    Figure 5. Modle de la TQOR (DoxAD) dAcidianus ambivalens et lien avec la rduction de loxygne

    (DoxBC) (Mller et al., 2004). CQ et CQH2 reprsentent respectivement la caldariella quinone oxyde et rduite.

    a, hme de type a ; a3, hme de type a3 ; CuB, centre cuivre B.

  • Introduction

    16

    Le devenir du ttrathionate ainsi form nest pas clair. Il a t propos que le

    ttrathionate soit rduit chimiquement en prsence dH2S pour donner du thiosulfate et du

    soufre lmentaire (Kletzin et al., 2004) (Figure 6), une raction possible in vitro qui est de

    plus favorise haute temprature (Xu et al., 1998) (Xu et al., 2000) comme cest le cas chez

    larche hyperthermophile Acidianus ambivalens. A noter toutefois quune ttrathionate

    hydrolase a t isole partir du pseudo-priplasme dAcidianus ambivalens cultive sur

    ttrathionate, protine absente lorsque les cellules sont cultives sur soufre. Cette protine

    nest donc pas le partenaire de recyclage du ttrathionate produit par la TQOR (Protze et

    al., 2011).

    Figure 6. Cycle hypothtique thiosulfate / ttrathionate (Kletzin et al., 2004). Le thiosulfate est oxyd en

    ttrathionate par la TQO (=TQOR), et le ttrathionate ragit chimiquement avec lH2S pour donner du soufre

    lmentaire S et du thiosulfate.

    b) Le systme Sox

    Le systme Sox priplasmique (aussi appel TOMES pour Thiosulfate Oxidation

    MultiEnzymes System) est constitu de plusieurs enzymes, et est responsable de loxydation

    du thiosulfate en sulfate, un cytochrome c jouant le rle daccepteur dlectrons. Il a t isol

    pour la premire fois chez Paracoccus versutus (Lu et al., 1985) et Paracoccus pantotrophus

    (Friedrich et al., 2001; Rother et al., 2001). Chez cette dernire, il est essentiel loxydation

    in vivo du thiosulfate, et catalyse in vitro la rduction de cytochrome de type c couple

    loxydation du thiosulfate, du sulfure, du sulfite et du soufre lmentaire.

    Quinze gnes codant pour des protines Sox, organiss en groupe, sont retrouvs chez

    Paracoccus pantotrophus. Lactivit de ce systme repose sur le produit de sept gnes codant

    pour quatre protines priplasmiques (SoxAX, SoxB, SoxYZ et SoxCD) reprsentant le cur

    du systme. Si SoxY et SoxZ ne possdent pas de cofacteurs, SoxX comporte un hme de

  • Introduction

    17

    type c, SoxA en compte deux (dont un est redox-inactif et lautre directement impliqu dans

    la catalyse) (Reijerse et al., 2007), de mme que SoxD, alors que SoxC est une

    molybdoprotine (Quentmeier et al., 2000). Enfin, SoxB est monomrique et contient un

    centre binuclaire manganse (Epel et al., 2005). Un modle de mcanisme catalytique a t

    propos (Friedrich et al., 2001) dans lequel le complexe SoxYZ peut tre vu comme une

    plateforme liant le soufre sur lequel les autres acteurs vont agir (Figure 7). En effet, SoxY

    possde une cystine conserve (Quentmeier and Friedrich, 2001) sur laquelle SoxAX fixe

    une molcule de thiosulfate, puis SoxB ralise le clivage hydrolytique du groupement

    sulfonate (-SO3) du thiosulfate en librant une molcule de sulfate (SO4). Sox(CD)2 agit

    ensuite comme une soufre dshydrognase en oxydant le dernier atome de soufre encore li

    SoxYZ, le transformant en un nouveau groupement sulfonate. SoxB libre alors une dernire

    molcule de sulfate, rgnrant ainsi SoxYZ en sa forme de dpart. La participation de

    SoxYZ toutes les tapes de loxydation du thiosulfate en fait un pivot du systme Sox : sa

    cystine, situe sur un bras flexible, permet aux intermdiaires soufrs daccder aux sites

    actifs des autres partenaires du systme (Sauv et al., 2007).

    Figure 7. Mcanisme catalytique du systme Sox (Kappler and Maher, 2012). SoxYZ est reprsent par les

    formes gomtriques (rond et triangle). Le soufre de la cystine de SoxY est galement reprsent.

  • Introduction

    18

    Le rle des autres protines du systme Sox de Paracoccus pantotrophus nest pas

    clairement tabli, et seule lappartenance une famille protique, ou un phnotype obtenu

    aprs mutation du gne considr, ont pu tre tablis. On sait notamment que les protines

    SoxR (rpresseur de la famille ArsR) et SoxS (thiordoxine) sont impliques dans la

    rgulation du systme Sox (Rother et al., 2005). La protine membranaire SoxV et la

    thiordoxine priplasmique SoxW interviendraient dans une tape de rduction ncessaire la

    pleine activit in vivo du systme (Bardischewsky et al., 2006a), et SoxF est une flavoprotine

    monomrique possdant une activit sulfure dshydrognase (Quentmeier et al., 2004) dont

    linactivation entraine une diminution de lactivit doxydation du thiosulfate in vivo

    (Bardischewsky et al., 2006b).

    Le systme Sox a t dcouvert chez de nombreux autres organismes, et certaines

    diffrences majeures ont t mises en vidence, notamment sur la prsence des protines

    accessoires . Par exemple, une nouvelle protine SoxK a t montre comme liant et

    stabilisant le complexe SoxAX (Ogawa et al., 2008). SoxA justement ne contient quun seul

    hme chez de nombreuses espces dont Allochromatium vinosum, Chlorobaculum tepidum ou

    Starkeya novella. Le nombre dhme(s) de SoxA, la prsence ou non de SoxK et la taille de

    SoxX ont permis une classification en quatre types phylogntiquement relis du complexe

    SoxAX (Kappler and Maher, 2012). A noter galement quun centre cuivre (II)

    mononuclaire potentiellement impliqu dans la catalyse a t dcouvert dans le complexe

    SoxAX de Starkeya novella, une caractristique qui pourrait tre partage par le mme

    complexe dautres organismes (Kappler et al., 2008).

    La principale divergence concerne cependant les constituants du cur ractionnel,

    puisquun nombre consquent dorganismes ne possdent pas le complexe SoxCD. Cette

    absence est corrle la prsence de globules de soufre, gnralement dans le priplasme des

    bactries, comme intermdiaire de loxydation du thiosulfate (Hensen et al., 2006) (Frigaard

    and Dahl, 2008). Un modle de mcanisme de ce systme Sox tronqu a galement t

    propos. La liaison du thiosulfate SoxYZ par SoxAX est identique, de mme que la

    libration dun sulfate par SoxB. Cependant, latome de soufre restant du thiosulfate ne peut

    pas tre oxyd plus avant, et il est probablement transfr en ltat aux globules de soufre en

    croissance par un mcanisme encore inconnu. Alternativement, il peut rester li sur la cystine

    de SoxY, et un nouveau cycle catalytique recommence avec la fixation dune nouvelle

    molcule de thiosulfate sur ce soufre au lieu de la cystine. La rptition de ces cycles produit

    ainsi une chane de soufre dont le devenir est probablement l encore la formation des

  • Introduction

    19

    globules de soufre (Kappler and Maher, 2012) (Figure 8). La faon dont cet atome ou cette

    chane de soufre est retire de SoxY nest pas connue, mais limplication de la protine SoxL,

    appartenant la superfamille des rhodanses, a t rcemment propose dans ce processus de

    recyclage de SoxY (Bagchi, 2012; Welte et al., 2009). Un des lments en faveur du lien entre

    loxydation du thiosulfate par le systme Sox et la formation des globules de soufre comme

    intermdiaires a t fourni par ltude dune souche mutante dAllochromatium vinosum,

    altre dans sa capacit produire des globules de soufre (souche dficiente pour les protines

    denveloppe des globules) (Prange et al., 2004). La culture de cette souche sur thiosulfate est

    alors rendue impossible.

    Figure 8. Mcanisme catalytique du systme Sox tronqu (Kappler and Maher, 2012). En labsence de

    SoxCD, un atome de soufre reste li sur SoxY, et SoxAX y fixe une nouvelle molcule de thiosulfate. La

    rptition de plusieurs de ces cycles entraine la production dune chaine de soufre.

    Finalement, les mcanismes catalytiques proposs expliquent galement la capacit du

    systme Sox oxyder in vitro dautres composs comme les sulfures, le sulfite ou le soufre

  • Introduction

    20

    lmentaire (Sauv et al., 2007) (Figure 9). Cependant, il est encore difficile aujourdhui de

    prciser si ce comportement in vitro est le reflet dun fonctionnement in vivo du systme Sox.

    Figure 9. Mcanisme catalytique propos du systme Sox avec des substrats alternatifs (Kappler and

    Maher, 2012). A, mcanisme avec les sulfures, et B, mcanisme avec le sulfite.

    3. Oxydation du sulfite (SO32-

    )

    Tout comme lH2S, le sulfite est la fois un poison est un lment trs important pour

    les organismes ayant un mtabolisme nergtique bas sur le soufre. Cest un compos trs

    ractif capable de ragir avec des biomolcules telles que les protines et lADN ; ses

    proprits antimicrobiennes sont dailleurs bien connues et mises profit comme agent de

    conservation dans lindustrie agro-alimentaire, notamment dans les vins (codes europens

    E220-228). Mais il est galement produit de manire endogne, par exemple au cours de

    loxydation de composs soufrs en sulfate, et reprsente ainsi une tape intermdiaire de ce

    type de mtabolisme. Loxydation des sulfites des fins bionergtiques se fait selon deux

    voies principales chez les micro-organismes : la premire est une voie directe et met en jeu

    une sulfite : accepteur oxydorductase, et la seconde est une voie indirecte utilisant lAMP,

    avec ladnosine-5-phosphosulfate (adnylylsulfate ou APS) comme intermdiaire

    ractionnel (Figure 10).

  • Introduction

    21

    Figure 10. Les deux voies doxydation du sulfite en sulfate (Kappler and Dahl, 2001). La voie de gauche est la

    voie directe mettant en jeu une SAOR, la voie de droite est celle de lAPS, ou voie indirecte impliquant une APS

    rductase ainsi quune ATP sulfurylase ou lAPAT.

    a) Sulfite: accepteur oxydorductase (SAOR)

    Ce type denzyme fait partie de la grande famille des sulfites oxydases, des protines

    molybdne reprsentes dans toutes les branches de la vie, qui oxydent le sulfite en sulfate

    (Kappler, 2011). Les sulfite oxydases sont impliques dans divers processus comme la

    dgradation des organosulfonates (Denger et al., 2008), la rsistance de bactries pathognes

    au systme immunitaire (Myers and Kelly, 2005), la dtoxification du sulfite ou son

    utilisation des fins bionergtiques.

    Lun des systmes les mieux connus chez les bactries est le complexe priplasmique

    SorAB de Starkeya novella, compos dune sous-unit molybdne de 40 kDa et dune petite

    sous-unit de type cytochrome c de 9 kDa (Figure 11) (Kappler and Bailey, 2005; Kappler et

    al., 2000). Cette organisation htrodimrique, ainsi que le mode daction de cette enzyme,

    rappelle clairement les FCSD : en effet, le sulfite est oxyd au niveau de la sous-unit

    molybdne, et les lectrons sont transfrs lhme de la petite sous-unit puis un autre

    cytochrome c de la bactrie. Un systme analogue a t montr dans le priplasme de la

    bactrie thermophile Thermus thermophilus (Figure 12), bien que le fonctionnement en

  • Introduction

    22

    complexe des deux protines nait pas t montr (Robin et al., 2011). De plus, la plus petite

    des sous-units possde deux hmes au lieu dun seul.

    Figure 11. Structure de la sulfite : cytochrome c oxydorductase de Starkeya novella. SorA est reprsente

    en gris, et SorB en bleu. Le cofacteur molybdne (molybdoptrine, en violet) et lhme de type c (en rouge)

    sont reprsents sous formes de btonnets. Lidentifiant PDB est 2BPB.

    Figure 12. Modle de loxydation du sulfite chez Thermus thermophilus (Robin et al., 2011). La SAOR

    oxyde le sulfite en sulfate et transfre les deux lectrons librs son partenaire, le cytochrome c550, lequel va

    ensuite les transfrer au cytochrome c552. Ces lectrons vont permettre de rduire laccepteur terminal,

    loxygne, via les oxydases terminales de type ba3 ou caa3. La voie classique complexe bc1-cytochrome c552-

    oxydases terminales est galement reprsente.

  • Introduction

    23

    Une activit SAOR a galement t dtecte dans les membranes dAcidianus

    ambivalens et Acidianus tengchongensis (Chen et al., 2005; Zimmermann et al., 1999), mais

    lenzyme responsable na pas t purifie. Cette localisation membranaire suggre un pool

    de quinones comme accepteur dlectrons, mais lactivit na pu tre mesure quen prsence

    de ferricyanure (utilis pour mimer lhme des cytochromes), la catalyse nayant pas eu lieu

    en prsence de quinones. Aucun cytochrome de type c nayant t dtect chez les

    Sulfolobales dont font partie les Acidianus (Laska et al., 2003; Schfer et al., 1996), les

    auteurs envisagent la possibilit dun biais exprimental pour expliquer labsence dactivit

    quinone-dpendante.. Cependant, des rsultats non-publis mais voqus dans une revue

    (Kletzin et al., 2004) prsentent la dcylubiquinone comme accepteur artificiel dlectrons.

    Il faut enfin noter que loxydation directe in vitro du sulfite par la cytochrome c

    oxydase de type aa3 (oxydase terminale) dAciditiobacillus ferrooxidans a rcemment t

    rapporte (Sugio et al., 2010).

    b) Voie de lAPS

    Cette voie qualifie dindirecte est nergtique par la production dATP quelle gnre

    partir du sulfite. La premire tape de cette voie de lAPS est ralise par une APS rductase

    (ou adnylylsulfate rductase, EC 1.8.99.2) qui consomme le sulfite et lAMP pour donner de

    lAPS (Figure 13 raction 1). La seconde partie est plus variable, deux systmes tant

    retrouvs suivant les organismes. Chez Allochromatium vinosum par exemple, une ATP

    sulfurylase (ou ATP : sulfate adnylyltransfrase, EC 2.7.7.4) utilise lAPS et un pyrosphate

    (PPi) pour gnrer de lATP et du sulfate (Figure 13 raction 2), alors que chez Acidianus

    ambivalens, deux tapes sont ncessaires pour gnrer de lATP (Zimmermann et al., 1999).

    Une adnylylsulfate : phosphate adnylyltransfrase (APAT, anciennement ADP sulfurylase)

    produit de lADP et du sulfate partir dAPS et de phosphate (Figure 13 raction 3), puis

    ladnylate kinase convertit deux molcules dADP en ATP et AMP (Figure 13 raction 4).

  • Introduction

    24

    Figure 13. Ractions catalyses par les diffrentes enzymes de la voie indirecte de lAPS. Les structures de

    lAMP, de lAPS, de lADP et de lATP sont montres, et la partie qui va subir des modifications est encadre en

    rouge. La premire tape est toujours catalyse par lAPS rductase, alors que la suite de la voie dpend des

    organismes. Une premire possibilit nimplique quune seule enzyme (ATP sulfurylase) et une seule raction

    qui gnre de lATP et du sulfate ; dans lautre cas, laction combine de lAPAT et de ladnylate kinase mne

    au mme rsultat.

    Les acteurs de cette voie ont pu tre caractriss chez certains organismes : lATP

    sulfurylase de la bactrie symbiote du ver marin Riftia pachyptila est un homodimre de 90

    kDa environ (Beynon et al., 2001), alors que celle dAllochromatium vinosum a t isole

    sous forme dun monomre de 45 kDa (Frigaard and Dahl, 2008). LAPAT de Thiobacillus

    denitrificans est, elle, un homodimre compos de sous-units de 41,4 kDa. Concernant

    lAPS rductase la forme physiologique est un htrodimre constitu dune sous-unit AprA

    de 70-80 kDa liant un FAD et dune sous-unit AprB de 18- 23 kDa liant deux centres [4Fe-

    4S] (Fritz et al., 2000; Hipp et al., 1997; Speich et al., 1994). Un mcanisme catalytique a

    galement t propos dans lequel le sulfite forme un complexe avec le FAD, puis la raction

  • Introduction

    25

    avec lAMP a lieu pour donner de lAPS, les deux lectrons tant transfrs via la flavine aux

    centres fer-soufre.

    Ces ractions ont lieu dans le cytoplasme : APAT et ATP sulfurylase sont clairement

    solubles et localises dans le cytoplasme (Brser et al., 2000; Brune, 1995a), alors que lAPS

    rductase peut tre soit soluble et localise dans le cytoplasme soit lie la membrane (et

    oriente vers le cytoplasme). On retrouve en effet chez Allochromatium vinosum un opron

    constitu des gnes sat (ATP sulfurylase) et aprMBA (APS rductase), o AprM serait une

    ancre membranaire putative non caractrise (Frigaard and Dahl, 2008). Chez dautres

    bactries ne possdant pas AprM, telles que Chlorobaculum tepidum, on retrouve les gnes

    codant pour lATP sulfurylase et lAPS rductase clustriss avec ceux codant pour un

    complexe membranaire nomm Qmo (Quinone-interacting membrane-bound oxidoreductase).

    Ce complexe est compos de trois sous-units, QmoABC, avec QmoA et QmoB

    cytoplasmiques, et QmoC membranaire. Il aurait notamment pour rle de capter les lectrons

    produits pendant loxydation du sulfite par lAPS rductase, et de les insrer dans les chanes

    respiratoires via le pool de quinones (Pires et al., 2003; Rodriguez et al., 2011) (Figure

    14). Il a donc t propos que la protine AprM joue le mme rle que le complexe Qmo chez

    les bactries o elle est prsente (Frigaard and Dahl, 2008).

    Figure 14. Modle de la voie de lAPS chez Chlorobaculum tepidum impliquant le complexe membranaire

    Qmo (Rodriguez et al, 2011). Les lectrons issus de loxydation du sulfite sont capts par le complexe Qmo et

    transfrs au pool de quinones. MK, mnaquinone ; ApsBA, APS rductase ; Sat, ATP sulfurylase ; b, hme

    de type b ; FeS, centre [4Fe-4S] ; FAD, site de fixation du cofacteur FAD ; 4C, motif cystine conserv.

  • Introduction

    26

    4. Oxydation du soufre stock dans les globules

    Comme il a t dit prcdemment, loxydation du thiosulfate par un systme Sox ne

    possdant pas la soufre dshydrognase SoxCD conduit lapparition de globules de soufre

    comme intermdiaires ractionnels (Chapitre I, II.A.2.b). Dautres situations, comme par

    exemple loxydation de lH2S par les bactries phototrophes sulfureuses, conduisent

    galement la formation de ces globules de soufre (Figure 15). Le mcanisme de stockage de

    ce soufre de manire transitoire, dans le priplasme ou lextrieur des cellules, est encore

    mal dcrit. En revanche, la faon dont il est ensuite utilis est mieux connue et repose

    notamment sur un systme nomm Dsr pour Dissimilatory Sulfite Reductase (Dahl et al.,

    2005; Holkenbrink et al., 2011; Pott and Dahl, 1998). Chez les organismes sulfato-rducteurs,

    o le systme Dsr a tout dabord t dcrit, cette voie catalyse la rduction du sulfite en H2S

    au cours de la dernire tape de la respiration du sulfate (Matias et al., 2005). Mais chez les

    bactries phototrophes produisant des globules de soufre, telle quAllochromatium vinosum, la

    voie fonctionne en sens inverse, le soufre lmentaire des globules tant oxyd en sulfite.

    Figure 15. Bactries sulfureuses phototrophes prsentant des globules de soufre (Frigaard and Dahl, 2008)

    (Frigaard et Dahl, 2008). A, Thiocapsa sp. et ses globules intracellulaires (zones claires) vue au microscope

    optique. B, globules de soufre lextrieur de Chlorobium phaeovibrioides. C, globules intracellulaires

    (priplasmiques) de Thiocystis violaceae. D, globule de soufre chez Thiocapsa roseopersicina dont lenveloppe

    protique est bien visible. Le traitement des cellules pour la microscopie lectronique (C et D) a provoqu la

    disparition du soufre, le globule est ainsi vu comme un trou dans la bactrie.

  • Introduction

    27

    Chez Allochromatium vinosum, un groupe de quinze gnes, dsigns

    dsrABEFHCMKLJOPNRS, code pour les protines de ce systme pour lesquelles un rle

    prcis na pas encore t clairement tabli. Lun des composants majeurs est le complexe

    cytoplasmique DsrAB, constitu de deux sous-units A et deux sous-units B, qui catalyse

    loxydation du soufre issu des globules en sulfite. Le groupement prosthtique de ce

    complexe a t identifi comme un siroamide-[4Fe-4S], le siroamide tant une forme

    modifie (amide) du sirohme dont la structure est assez proche de celles des hmes

    classiques. DsrN a t propose comme une enzyme de maturation catalysant lamidation

    glutamine-dpendante du sirohme (Lubbe et al., 2006). La fusion des gnes dsrN et dsrR

    chez une bactrie chimiotrophe oxydant le soufre, endosymbiote de Calyptogena magnifica

    (Newton et al., 2007), a permis denvisager que DsrR soit galement implique dans la

    biosynthse du sirohme. Cependant, des tudes plus rcentes suggrent plutt un rle

    essentiel de cette protine dans la rgulation post transcriptionnelle du systme Dsr (Grimm et

    al., 2010). DsrC est une petite protine cytoplasmique possdant des rsidus cystine trs

    conservs en position C-terminale. DsrEFH est un complexe cytoplasmique de 75 kDa de la

    forme 222 possdant galement des cystines conserves (Dahl et al., 2005). Enfin, un

    complexe DsrMKJOP transmembranaire et transporteur dlectrons est absolument requis

    pour loxydation du soufre prsent dans les globules (Sander et al., 2006). Il est compos de la

    protine membranaire DsrM comportant deux hmes b, dune seconde protine membranaire

    DsrP, de la protine cytoplasmique fer-soufre DsrK, et des protines priplasmiques DsrJ et

    DsrO qui sont respectivement un cytochrome c trihmique et une protine centre fer-soufre

    (Grein et al., 2010a; Grein et al., 2010b). Enfin, DsrS est cytoplasmique mais sans fonction

    attribue. Le rle de DsrL nest pas non plus clairement tabli : cest une flavoprotine

    cytoplasmique centre fer-soufre possdant une activit NADH : accepteur oxydorductase.

    Son importance a pourtant t dmontre par linhibition complte de loxydation des

    globules de soufre provoque par la dltion du gne dsrL (Lubbe et al., 2006).

    Le mcanisme par lequel le soufre stock dans les globules est oxyd par le systme

    Dsr est encore mal compris. On ignore notamment par quel moyen ce soufre

    extracytoplasmique est transport dans le cytoplasme pour y tre utilis. Un premier modle a

    t propos dans lequel il est pris en charge sous la forme dun persulfure par un transporteur

    de type glutathion amide afin de traverser la membrane interne, puis il est libr par DsrL

    sous forme de sulfure dhydrogne grce aux lectrons fournis par le NADH. Ce sulfure serait

    finalement oxyd par DsrAB, les lectrons tant transfrs au pool de quinones via le

  • Introduction

    28

    complexe DsrMKJOP (Frigaard and Dahl, 2008). Cependant, les tudes menes ces dernires

    annes ont permis de brosser un tableau un peu diffrent, mais nanmoins plus prcis et plus

    complet du mcanisme mis en jeu par le systme Dsr. Il a ainsi t montr chez

    Allochromatium vinosum que le complexe soluble DsrEFH tait capable dinteragir avec

    DsrC, et que la cystine 78 de DsrE tait essentielle cette interaction (Dahl et al., 2008). Une

    autre interaction entre DsrK et DsrC a galement t dvoile, et la rduction par DsrK dun

    pont disulfure form par les cystines 100 et 111 de DsrC a t propose (Grein et al., 2010a).

    Un transfert de soufre de DsrEFH vers DsrC a finalement t dmontr ; lensemble de ces

    rsultats a permis de proposer un nouveau mcanisme catalytique pour le systme Dsr (Figure

    16) (Stockdreher et al., 2012).

    Figure 16. Modle du mcanisme catalytique du systme Dsr chez Allochromatium vinosum (Stockdreher et

    al., 2012). Le mcanisme est dcrit dans le texte. S reprsente les globules de soufre lmentaire

    priplasmiques, RSH et RSSH reprsente le compos navette hypothtique charg du transport du soufre du

    priplasme au cytoplasme, dans sa forme native et persulfure. DsrEFH ne sont reprsentes que par EFH pour

    des questions de lisibilit.

  • Introduction

    29

    Le transport du soufre dans le cytoplasme se fait par un mcanisme encore inconnu, il

    est transfr au complexe DsrEFH sur la cystine 78 de DsrE sous forme de persulfure

    probablement via une protine non-identifie. Latome de soufre est alors transfr sur la

    cystine 111 de DsrC (la cystine devient persulfure), puis DsrAB vient oxyder ce soufre li

    en un groupement sulfonate (-SO3-), librant ainsi six lectrons. Le sulfonate fix sur DsrC est

    libr sous forme de sulfite par la cration dun pont disulfure intramolculaire (cystines 100

    et 111 de DsrC). Linteraction de DsrC avec le complexe DsrMKJOP, et plus particulirement

    avec DsrK, va permettre la rduction de ce pont disulfure grce aux lectrons fournis par le

    complexe, probablement partir de quinones. Dans ce processus, DsrEFH et DsrC agissent

    comme un systme-relai pour le soufre, DsrAB est le catalyseur de loxydation, et le

    complexe membranaire DsrMKJOP permet de rgnrer DsrC sous sa forme de dpart.

    Linterrogation principale sur ce systme est maintenant de comprendre comment le

    soufre stock dans les globules est transport dans le cytoplasme et transfr DsrEFH. Il

    avait t propos laction dun compos de type glutathion amide, mais il a t montr que ni

    DsrEFH ni DsrC ntaient capables de lier du soufre partir de composs de faible poids

    molculaire comme le thiosulfate ou le glutathion. Lintervention dune autre protine liant le

    soufre, ventuellement partir dun glutathion amide, et interagissant avec DsrEFH afin de

    transfrer son substrat est envisage ; cette interaction pourrait tre mdie par la cystine 20

    de DsrH, puisquil a t montr quelle est essentielle loxydation du soufre contenu dans

    les globules par le systme Dsr.

    B) La rduction du soufre : soufre/polysulfure rductase

    De nombreux organismes sont capables de crotre en utilisant lhydrogne et le soufre

    lmentaire ou le polysulfure (deux types de chanes de soufre, Figure 1) respectivement

    comme donneur et comme accepteur dlectrons. Cette activit doxydation de lhydrogne et

    de rduction du soufre lmentaire (ou du polysulfure) en H2S peut tre porte par une seule

    enzyme, comme cest le cas des sulfhydrognases solubles de Pyrococcus furiosus par

    exemple (Ma et al., 1993; Ma et al., 2000). Cependant, le cas gnral implique plutt la

    prsence de deux enzymes membranaires (constitues de plusieurs sous-units) travaillant de

    concert, une hydrognase et une soufre (ou polysulfure) rductase.

  • Introduction

    30

    Chez les arches, deux types dorganisation ont t dvoils : Acidianus ambivalens

    prsente ainsi deux enzymes physiquement spares mais relies par des quinones (Laska et

    al., 2003), alors que chez lhyperthermophile Pyrodictium abyssi, cette voie se retrouve sous

    la forme dun supercomplexe (Dirmeier et al., 1998), c'est--dire lassociation stable et

    fonctionnelle de deux complexes (ici le complexe hydrognase et le complexe soufre

    rductase). Dans ce dernier cas, le supercomplexe membranaire, dune masse molculaire de

    520 kDa, est compos de neuf sous-units diffrentes, parmi lesquelles une hydrognase

    nickel-fer, la soufre rductase, et des hmes de type b et c. De manire intressante, aucune

    quinone na t retrouve dans le supercomplexe purifi, et lactivit H2 : soufre

    oxydorductase in vitro nen ncessite pas non plus. Le squenage N-terminal des sous-

    units de 82 et de 24 kDa montre des similarits avec les sous-units SreA et SreB de la

    soufre rductase dAcidianus ambivalens, laquelle fait partie des molybdoenzymes de la

    famille des DMSO rductases : il en a donc t conclu que la soufre rductase de Pyrodictium

    abyssi est galement une molybdoenzyme de cette famille, bien que ni molybdne, ni

    tungstne (qui le remplace souvent chez les arches) nont t retrouvs dans le

    supercomplexe. Les auteurs proposent que ces mtaux soient perdus durant les tapes de

    purification, mais, le fait quune activit soufre rductase soit observe vient contredire cette

    hypothse.

    Dans le cas dAcidianus ambivalens, la soufre rductase purifie partir des

    membranes solubilises rduit le soufre lmentaire en prsence dune hydrognase co-

    purifie, et de quinones ou de cytochrome c comme transporteurs dlectrons in vitro.

    Labsence de cytochrome c chez cet organisme a conduit proposer les quinones comme

    navette lectronique physiologique. Les deux enzymes peuvent tre spares par des tapes de

    purification supplmentaires, mais lactivit de la soufre rductase est alors perdue, alors que

    celle de lhydrognase est conserve. Les deux enzymes ont une mme masse denviron 250

    kDa ; lanalyse des complexes purifis ainsi que des groupes de gnes codant pour ces

    protines ont montr quelles sont constitues de plusieurs sous-units : SreA et SreB

    prsentent des similarits de squence avec la sous-unit catalytique et celle centres [4Fe-

    4S] respectivement des molybdoprotines de la famille des DMSO rductases (Figure 17).

    De plus, SreA contient en N-terminal un motif twin arginine , indiquant son export vers le

    priplasme. SreC est lancre membranaire du complexe, et SreD est une polyferrdoxine

    putative contenant 26 cystines, dont le rle nest pas identifi au sein du complexe. Il existe

  • Introduction

    31

    galement une protine SreE qui serait une protine chaperon spcifique implique dans

    linsertion du cofacteur molybdne dans la sous-unit SreA.

    Figure 17. Modle de la voie anarobie hydrogne-soufre chez Acidianus ambivalens ( gauche) et

    Wolinella succinogenes ( droite) (Laska et al., 2003). Sre et Psr sont les soufre et polysulfure rductases, Hyn

    reprsente lhydrognase, SQ et MK symbolisent les quinones. Les cofacteurs de chaque sous-unit sont

    reprsents.

    Concernant lhydrognase, elle est code par un groupe de douze gnes incluant les

    sous-units nickel-fer catalytique et centre fer-soufre, ainsi que certaines des protines de

    maturation ddies ce systme. L encore, une ancre membranaire ainsi quun motif twin

    arginine prsent dans la squence de la sous-unit fer-soufre placent lhydrognase dans la

    membrane avec une orientation priplasmique (Figure 17). On a donc deux enzymes spares

    mais relies par des quinones, constitues de plusieurs sous-units, ancres dans la membrane

    et orientes vers le priplasme. Cette organisation est trs clairement identique celle de la

    voie hydrogne-polysulfure caractrise chez la bactrie msophile Wolinella succinogenes,

    associant loxydation de lhydrogne la rduction du polysulfure via des quinones, bien que

    certaines sous-units additionnelles soient prsentes pour chaque enzyme dAcidianus

    ambivalens (Figure 17) (Dietrich and Klimmek, 2002) (Laska et al., 2003).

  • Introduction

    32

    Le polysulfure peut galement servir daccepteur terminal dlectrons lors de la

    croissance anarobie de la bactrie Thermus thermophilus. Sa rduction en H2S est assure

    par une polysulfure rductase utilisant les quinones rduites comme donneurs dlectrons, et

    dont la structure tridimensionnelle a rcemment t dtermine (Jormakka et al., 2008)

    (Figure 18). Lenzyme elle-mme est compose de trois sous-units (PsrABC), dont une ancre

    membranaire (PsrC) portant le site de fixation des quinones et permettant la dimrisation du

    complexe, une sous-unit quatre centres [4Fe-4S] (PsrB) et une sous-unit catalytique

    (PsrA) portant un centre [4Fe-4S] align avec ceux de PsrB en plus dun cofacteur

    molybdne (bis-MGD). Comme dans le cas des autres molybdoenzymes de la famille des

    DMSO rductases, ce site catalytique nest donc pas expos en surface de la protine mais

    enfoui au fond dune cavit en forme dentonnoir dont lentre est tapisse de rsidus

    basiques pouvant interagir avec le polysulfure anionique.

    Figure 18. Structure de la polysulfure rductase de Thermus thermophilus (Jormakka et al., 2008). Le

    cofacteur molybdne (bis-MGD) est reprsent en sphres oranges, le molybdne est une sphre noire. Les

    centres [4Fe-4S] sont reprsentes par des sphres jaunes et rouges, et lanalogue de quinone est en sphres

    noires. La distance entre les centres redox est indique droite de ces derniers en . Larc rouge reprsente la

    cavit en entonnoir de la sous-unit catalytique PsrA. Lidentifiant PDB est 2VPZ.

  • Introduction

    33

    C) Un cas particulier : la dismutation du soufre (SOR)

    En 1989, Kletzin publie chez larche thermoacidophile Desulfurolobus ambivalens

    (renomme depuis Acidianus ambivalens) la purification partir du cytoplasme dune enzyme

    responsable de la dismutation oxygne-dpendante du soufre lmentaire en sulfite,

    thiosulfate et sulfure dhydrogne. Cette raction ncessite imprativement de loxygne,

    mais aucun cofacteur externe ou donneur dlectrons nest requis. La protine, portant la

    fois lactivit doxydation et de rduction du soufre, est ainsi baptise SOR pour Soufre

    Oxygnase Rductase (Kletzin, 1989). Depuis, plusieurs SOR ont t dtectes dans les

    gnomes, certaines ont galement t caractrises biochimiquement et/ou structuralement,

    rvlant ainsi que cette protine nest pas lapanage des organismes hyperthermophiles

    comme cela tait suppos auparavant (Figure 19) (Veith et al., 2012).

    Figure 19. Arbre phylogntique des squences de SOR disponibles dans GenBank (daprs (Veith et al.,

    2012)). Le squences soulignes indiquent quune activit SOR a t dmontre dans lextrait cellulaire, en gras

    sont reprsentes les SOR caractrises biochimiquement, celles soulignes deux fois ont t cristallises et leur

    structure dtermine. La temprature optimale de croissance de lorganisme est symbolise par le code couleur :

    rouge, > 70C ; orange, 51 70C ; vert, 40 50C ; bleu, environ 30C ; noir, inconnue. Uncult, organisme non

    cultiv ; Ferropl, Ferroplasma ; Sulfob, Sulfobacillus ; Desulfom, Desulfomicrobium ; Acidithiob,

    Acidithiobacillus ; Halothiob, Halothiobacillus.

  • Introduction

    34

    1. Ractions catalyses

    En fait, lactivit de la SOR peut tre vue comme deux ractions diffrentes, mais que

    lon ne peut pas sparer :

    Oxygnase : S + O2 +H2O HSO3- + H

    +

    Dismutation : 3S + 3H2O 2H2S + HSO3- + H

    +

    SOR : 4S + 3H2O + O2 2H2S + 2HSO3- + 2H

    +

    Cependant, il nest toujours pas certain que le thiosulfate soit vritablement un produit

    direct de la SOR, puisquen effet, une raction non-enzymatique entre le sulfite et le soufre

    lmentaire en excs a lieu haute temprature, avec le thiosulfate comme produit. De

    manire pratique, il est difficile de dterminer avec prcision le devenir des produits de la

    raction in vitro : outre la formation du thiosulfate dj mentionne, une oxydation rapide et

    non-enzymatique de lH2S par loxygne a galement lieu (Veith et al., 2011).

    2. Structure et architecture

    Si la raction catalyse par la SOR nest dj pas vraiment conventionnelle, son

    organisation architecturale est quant elle tout fait remarquable. A lheure actuelle, seules

    deux structures de SOR sont disponibles : la premire provient dAcidianus ambivalens

    (Urich et al., 2006), et la seconde dAcidianus tengchongensis (Li et al., 2008b). Ces deux

    structures sont extrmement proches, et montrent que la forme physiologique de la SOR est

    une sphre creuse de 24 sous-units identiques (icosattramre) denviron 845 kDa pour un

    diamtre extrieur de 15 nm.

    a) Le monomre

    Concernant le monomre, il sagit dune structure constitue dun tonneau (lui-

    mme form par huit brins antiparallles) partiellement entour de neuf hlices , pour un

    poids molculaire de 35 kDa. De manire intressante, il peut tre partag en deux moitis

    peu prs gales pseudo-symtriques. Chaque moiti de la protine prsente une topologie

    qui rappelle le motif ()2 des ferrdoxines (Figure 20). La prsence de deux domaines

  • Introduction

    35

    similaires au sein dune protine, dont les squences sont gnralement peu conserves, est

    rvlatrice dune duplication suivie dune fusion dun mme gne ancestral. Les ferrdoxines

    en sont dailleurs lexemple de rfrence (Dayhoff et al., 1983).

    Figure 20. Le monomre de la SOR rsulte dun vnement de duplication/fusion dun gne ancestral

    (Urich et al., 2006). A, structure du monomre de la SOR, montrant laxe de symtrie partageant la protine en

    deux domaines similaires. B, schma de la topologie en ()2 des ferrdoxines. Les triangles reprsentent les

    brins et les cercles des hlices . Lunit () N-terminale est en jaune, celle en C-terminal est en vert. C,

    topologie de la SOR, la lgende est identique B. On remarque la ressemblance entre chaque moiti de la

    SOR et avec les ferrdoxines.

    Chaque monomre comporte une poche catalytique enfouie (Figure 21), constitue de

    trois cystines (Cys31, Cys101 et Cys104, numrotation identique pour les deux espces

    dAcidianus) et dun atome de fer non-hmique de bas potentiel (Urich et al., 2004). Les trois

    cystines sont importantes pour lactivit : dans le cas dAcidianus ambivalens, seule la

    cystine 31 est absolument essentielle, une activit rsiduelle tant dtecte lorsque lune des

    autres cystines est mute (Urich et al., 2005). En revanche, les trois cystines semblent

    indispensables chez Acidianus tengchongensis (Chen et al., 2005). De plus, la cystine 31 est

    retrouve sous forme persulfure dans la structure cristallographique de la SOR dAcidianus

    ambivalens, alors quil sagit dune cystine normale dans le cas dAcidianus

    tengchongensis. Cette cystine est probablement le site de fixation du substrat soufr.

  • Introduction

    36

    Figure 21. Site catalytique dun monomre de la SOR dAcidianus Tengchongensis (Li et al., 2008b). Les

    deux couleurs correspondent simplement la superposition des structures obtenues avec deux cristaux diffrents.

    Les acides amins importants sont montrs sous forme de btonnets, latome de fer est reprsent par une grosse

    sphre, et la molcule deau par une petite sphre.

    La sphre de coordination de latome de fer comprend deux histidines et un acide

    glutamique runis dans un motif H-X3-H-X23-E, ainsi que deux molcules deau dans le cas

    dAcidianus ambivalens (une seule pour Acidianus tengchongensis). Cette diffrence rsulte

    probablement de conditions de cristallisation diffrentes, et ces deux structures sont donc

    certainement deux tats diffrents de la SOR, ne constituant donc pas une divergence de

    caractristiques entre les deux protines. La position de cette molcule deau perdue a t

    propose comme site de liaison de loxygne au fer au cours de la catalyse (Li et al., 2008b;

    Urich et al., 2006). Ce mme fer jouerait le rle dactivateur de loxygne.

    b) La protine entire

    Cest lorganisation architecturale globale de la SOR qui en fait une protine aussi

    singulire et intressante. En effet, la sphre creuse forme par les 24 sous-units est un

    vritable nanocompartiment protique dans lequel les mouvements des substrats et des

    produits sont troitement contrls (Figure 22).

  • Introduction

    37

    La premire chose noter est que les 24 sites actifs sont isols du milieu extrieur,

    profondment enfouis dans chaque monomre et accessibles uniquement partir de la cavit

    centrale de la sphre via un canal troit. La poche catalytique est ainsi ferme par deux

    mthionines et une phnylalanine dont les chanes secondaires sont assez flexibles pour

    permettre lentre du substrat (Urich et al., 2006) (Veith et al., 2011).

    Figure 22. Cheminement du substrat et des produits dans la SOR (daprs (Li et al., 2008b) et (Veith et al.,

    2011)). Le substrat entre (flche jaune pleine) dans la SOR via une des chemines quatre monomres (A) et

    rentre dans un des sites catalytiques en passant par le pore dun monomre (entour en jaune). Les produits

    (flche jaune en pointills) ressortent par ce mme pore et sont finalement vacus de la SOR par un canal

    constitu de trois monomres (B). A et B, les canaux sont vus de face.

    Ceci pose la question de la voie dentre du substrat lintrieur de la sphre.

    Lexamen de la surface de la SOR montre lexistence de six protubrances, chacune

    constitue par quatre monomres indpendants. Ces six protubrances forment chacune une

  • Introduction

    38

    sorte de chemine reliant le milieu extrieur la cavit centrale (Figure 22). La surface

    interne de ces chemines est uniquement constitue de rsidus phnylalanine et valine, ce qui

    la rend hautement hydrophobe. Cette caractristique est en accord avec la nature hydrophobe

    du substrat soufr, ce qui fait de ces chemines un point daccs parfaitement plausible

    lintrieur de la sphre. Dun point de vue fonctionnel, on peut les interprter comme des

    sortes de filtres substrats qui prviendraient ainsi loxydation de composs indsirables

    (Urich et al., 2006) (Veith et al., 2011).

    Une fois le substrat entr dans lenzyme et transform dans la poche catalytique, les

    produits de la raction empruntent un dernier canal pour sortir de la SOR. Ce canal troit est

    form par trois monomres distincts, la forme physiologique de la protine possde donc huit

    de ces canaux de sortie (Figure 22). Un argument en faveur de cette fonction concerne la

    charge de leur surface intrieure : des rsidus srine et arginine confre un caractre

    hydrophile et une charge globale positive tout fait en adquation avec la nature des produits

    (Li et al., 2008b; Veith et al., 2011).

    Ces donnes structurales ont galement permis dmettre une hypothse quant la

    nature vritable du substrat. Le test in vitro est en effet ralis avec de la fleur de soufre, c'est-

    -dire le cyclo-octasoufre insoluble. Les modlisations ont montr que celui-ci est trop

    volumineux pour passer par la chemine dentre ou pntrer dans la poche catalytique sans

    subir dimportantes modifications structurales. Le polysulfure, linaire et soluble, est en

    revanche un bien meilleur candidat (Urich et al., 2006).

    3. Vue gnrale du fonctionnement de la SOR

    Les lments disponibles en matire darchitecture et de catalyse permettent de

    proposer un ordre squentiel du fonctionnement de la SOR. En premier lieu, le soufre, sous

    forme linaire, passe dans la cavit centrale de la protine via une des six chemines

    hydrophobes formes par quatre monomres. Ensuite, il pntre dans la poche catalytique

    enfouie dans chaque monomre via un nouveau canal de ce mme monomre. Il se lie

    covalemment la cystine 31 (persulfure chez Acidianus ambivalens) et saligne par rapport

    latome de fer non-hmique liant loxygne. La premire raction (oxygnase) a alors lieu,

    suivie de la dismutation du soufre dans laquelle les cystines 101 et 104 jouent probablement

    un rle (en plus de stabiliser le substrat). Les produits sortent finalement de la poche

  • Introduction

    39

    catalytique puis de la SOR en empruntant lun des huit canaux hydrophiles chargs

    positivement forms par trois monomres (Figure 22).

    III) Complexit des mtabolismes nergtiques du soufre :

    quelques exemples

    Les organismes capables doxyder le soufre ne prsentent gnralement pas quun seul

    type de protines correspondant un compos soufr donn, mais plutt un ensemble de voies

    leur permettant de prendre en charge diffrents composs capts directement dans le milieu ou

    produits comme intermdiaires ractionnels. Parmi ces organismes, certains ont t trs

    largement tudis, et si de nombreuses questions attendent encore une rponse, des modles

    de leur mtabolisme nergtique bas sur le soufre ont toutefois pu tre labors.

    A) Les arches thermoacidophiles : Acidianus ambivalens

    Acidianus ambivalens est une arche de lordre des Sulfolobales : comme tous les

    membres de ce groupe, elle se dveloppe haute temprature (optimum : 72-86C) et pH

    trs bas (optimum : 2,5) (Fuchs et al., 1996). On la retrouve dans des environnements

    dorigine volcanique de types solfatares, sources chaudes, chemines hydrothermales

    caractrises entre autre par leur forte teneur en composs soufrs, notamment en soufre

    lmentaire et sulfure dhydrogne. Il est donc logique que le mtabolisme nergtique de ces

    organismes soit essentiellement bas sur le soufre.

    De nombreuses tudes ont port sur le mtabolisme nergtique dAcidianus

    ambivalens, et un modle assez dtaill de son fonctionnement a ainsi pu tre propos

    (Kletzin et al., 2004) (Figure 23).

  • Introduction

    40

    Figure 23. Modle du mtabolisme nergtique du soufre en condition arobie chez Acidianus ambivalens

    ((Kletzin et al., 2004) et (Brito et al., 2009)). CQ, caldariella quinone ; SAOR, sulfite : accepteur oxydorductase

    ; TQO, thiosulfate : quinone oxydorductase ; SQR, sulfure : quinone oxydorductase ; SOR, soufre oxygnase

    rductase.

    Cette arche est capable de crotre dans deux types de conditions dans lesquelles le

    soufre va tre soit oxyd, soit rduit. En condition anarobie, lhydrogne et le soufre

    lmentaire servent respectivement de donneur et daccepteur dlectrons. La voie mise en

    place, mettant en jeu une hydrognase et une soufre rductase membranaires orientes vers le

    pseudo-priplasme et relies par un pool de quinones, a t prcdemment dcrite ( Figure

    17). Le produit final de cette chane respiratoire est le sulfure dhydrogne (Laska et al.,

    2003). Une seconde condition de croissance, arobie, repose sur loxydation oxygne-

    dpendante du soufre lmentaire, avec lacide sulfurique (H2SO4) comme produit final du

    mtabolisme (Kletzin et al., 2004). Il a t montr par les diffrentes tudes que la SOR est

    lenzyme-cl de ce mtabolisme nergtique, en ralisant la premire tape de loxydation du

    soufre lmentaire (Figure 23). Si elle ne fournit aucun potentiel nergtique (pas de

    libration dlectron ou de phosphorylation de substrat), elle permet toutefois de transformer

  • Introduction

    41

    le soufre en espces pouvant tre oxydes par dautres enzymes au travers de ractions

    mettant en jeu des quinones. Ainsi, lH2S est oxyd par la SQR en chane de soufre (laquelle

    peut de nouveau tre utilise comme substrat par la SOR), le sulfite est utilis soit par la

    SAOR membranaire et directement oxyd en sulfate (lacide sulfurique H2SO4 est la forme

    protone de lion sulfate SO42-

    ), soit par la voie de lAPS au travers des enzymes

    cytoplasmiques APS rductase, APAT et adnylate kinase pour donner de lATP et du sulfate.

    Enfin, le thiosulfate est oxyd en ttrathionate par la TQOR, ce ttrathionate pouvant tre re-

    rduit par lH2S en thiosulfate, lH2S devenant du soufre lmentaire. Le pool de quinones

    rduit par la SQR, la SAOR et la TQOR est finalement utilis par une quinol : oxygne

    oxydorductase pour rduire lO2 en H2O, qui fait donc le lien entre les mtabolismes du

    soufre et de loxygne.

    Finalement, ce qui ressort de ce modle, cest une vritable mise profit des diffrents

    degrs doxydation du soufre, avec des enzymes dont la localisation, membranaire ou

    cytoplasmique, et la spcificit de substrat permettent de tirer parti au mieux de chaque tape

    de transformation du soufre, optimisant ainsi ce type de mtabolisme nergtique.

    B) Les bactries sulfureuses phototrophes

    Cette famille regroupant les bactries sulfureuses vertes et pourpres ralise une

    photosynthse dite anoxygnique, et utilise des composs autres que leau, notamment des

    composs rduits du soufre comme lH2S ou le thiosulfate comme donneurs dlectrons. On

    les retrouve dans les tendues deau douce ou saumtre, les environnements marins et dautres

    habitats combinant la prsence de lumire et de source de soufre rduit labsence

    doxygne. Leur importance cologique est considrable, puisquelles permettent de roxyder

    lH2S issu de la rduction des sulfates par les organismes sulfato-rducteurs, et contribuent

    ainsi de faon majeure au cycle du soufre (Figure 2). De plus, la photosynthse dont elles sont

    capables permet une fixation du carbone atmosphrique en carbone organique utilisable par

    dautres organismes. On comprend donc pourquoi tant dtudes visant dchiffrer le

    mtabolisme nergtique quelles dploient leur sont consacres.

    Le modle actuel du mtabolisme nergtique du soufre des bactries sulfureuses

    phototrophes est prsent Figure 24 ; y sont intgres toutes les voies dcouvertes ce jour

    chez lensemble de ces bactries. Il est donc possible quaucun de ces organismes ne

  • Introduction

    42

    possdent toutes ces enzymes (Frigaard and Dahl, 2008; Gregersen et al., 2011; Sakurai et al.,

    2010).

    Figure 24. Modle du mtabolisme nergtique du soufre chez les bactries sulfureuses phototrophes

    (Frigaard and Dahl, 2008). Pour le nom des enzymes, se reporter au texte. MK, quinones ; CycA, cytochrome c ;

    R-SH, R-S-SH, HSn- diffrentes intermdiaires du soufre.

    Dans le cas o lH2S est le substrat primaire, on constate que deux enzymes, la SQR

    membranaire et la FCSD priplasmique, ont la capacit de loxyder en chanes de soufre

    (polysulfures) en transfrant les lectrons aux quinones ou un cytochrome. Ces chanes de

    soufre vont alors tre transitoirement incorpores en tant quintermdiaire ractionnel aux

    globules de soufre en formation (Gregersen et al., 2011) dposs dans le priplasme ou

    lextrieur des cellules suivant les organismes. Mais ces globules de soufre sont galement

    forms dune autre manire. En effet, le thiosulfate est galement un substrat classique de

    nombreuses bactries sulfureuses phototrophes : celui-ci est oxyd par le systme Sox, soit

  • Introduction

    43

    compltement lorsque SoxCD est prsent (le thiosulfate est alors directement transform en

    sulfate) soit de manire incomplte lorsque SoxCD est absent. Dans ce dernier cas, une seule

    molcule de sulfate est libre, et le soufre restant est incorpor par un mcanisme inconnu

    dans les globules de soufre.

    La faon dont ce soufre ltat doxydation 0 est ensuite mobilis partir des globules

    reste encore peu comprise : il a t propos dans ce processus le rle de petites molcules

    organiques telles que les glutathions, mais plus de preuves exprimentales sont ncessaires

    pour valider cette hypothse. Une fois transport dans le cytoplasme, le soufre est oxyd en

    sulfite par le systme Dsr. Ce sulfite est finalement pris en charge par la voie de lAPS pour

    gnrer de lATP et du sulfate dans le cytoplasme. Un complexe membranaire orient vers le

    cytoplasme, nomm PSRLC3 (pour polysulfide-reductase-like complex 3), homologue la

    polysulfure rductase de Wolinella succinogenes, a galement t propos dans un rle

    doxydation du sulfite en sulfate. Cette hypothse a t formule aprs avoir constat que chez

    les organismes o il a t dtect au niveau gnomique, les gnes codant pour ce complexe

    putatif taient situs directement en amont du groupe de gnes codant pour le systme Dsr. De

    plus, son orientation cytoplasmique est en accord avec la production dans le mme

    compartiment de sulfite par Dsr. Cependant, aucune preuve biochimique de cette activit na

    pour linstant t rapporte, cette voie reste donc compltement hypothtique. Enfin, lanalyse

    dune souche dficiente en SoxY dAllochromatium vinosum a montr une diminution

    importante de la capacit de la bactrie oxyder le sulfite ; par ailleurs, le systme Sox est

    connu pour oxyder le sulfite in vitro. Ceci en fait un bon candidat pour raliser une oxydation

    priplasmique du sulfite aprs son transport partir du cytoplasme. Cette question du devenir

    du sulfite chez les bactries sulfureuses phototrophes reste donc ouverte.

    C) Les bactries acidophiles et msophiles du genre

    Acidithiobacillus

    Les bactries du genre Acidithiobacillus sont des gamma-protobactries vivant des

    pH trs bas (1,5-2,5) et qui sont frquemment retrouves dans des environnements de type

    drainage minier acide. Elles sont capables doxyder le fer (II), la pyrite (FeS2) ainsi que les

    composs rduits du soufre pour produire de lnergie. Cette particularit de solubiliser des

    mtaux solides comme la pyrite est dun grand intrt biotechnologique, dans les processus de

  • Introduction

    44

    biolixiviation notamment. Le mtabolisme nergtique du soufre de ces bactries est tudi

    chez plusieurs reprsentants du genre comme Acidithiobacillus ferrooxidans et

    Acidithiobacillus caldus. Si ces deux bactries font partie du mme genre, elles prsentent

    nanmoins quelques diffrences intressantes au niveau des enzymes mises en uvre pour

    oxyder les composs du soufre.

    Un modle de ce mtabolisme chez Acidithiobacillus ferrooxidans a t propos en

    2009 (Figure 25) (Quatrini et al., 2009) dans lequel il existe un couplage entre oxydation du

    soufre et rduction de loxygne.

    Figure 25. Modle du mtabolisme nergtique du soufre chez Acidithiobacillus ferrooxidans (Quatrini et

    al., 2009). Pour le nom des enzymes et les ractions quelles catalysent, se reporter au texte.

    Il y est ainsi montr lexistence dune SQR oxydant lH2S, un cycle de recyclage entre

    une TQOR (TQR dans le schma) oxydant le thiosulfate en ttrathionate, et une ttrathionate

    hydrolase (TetH) qui le retransforme en thiosulfate. Loxydation de ces composs du soufre

    par la SQR et la TQOR est couple la rduction du pool de quinones, lesquelles vont

  • Introduction

    45

    finalement tre utilises par les oxydases terminales pour rduire loxygne, ou par le

    complexe I pour gnrer le pouvoir rducteur. Cependant, ces voies nexpliquent pas

    loxydation du soufre lmentaire observe lors de croissance dans ces conditions de culture.

    Les auteurs ont ainsi propos limplication dans cette activit dune nouvelle enzyme

    cytoplasmique, potentiellement lie la membrane, appele htrodisulfure rductase

    (HdrABC). Chez les arches mthanognes, ce complexe rduit lhtrodisulfure CoB-CoM

    (CoBS-SCoM), rgnrant chacun des cofacteurs pour une utilisation ultrieure dans la

    mthanognse. Les auteurs proposent que chez Acidithiobacillus ferrooxidans et dautres

    organismes oxydant le soufre, lhtrodisulfure rductase fonctionnerait lenvers, et

    oxyderait un intermdiaire disulfure (issu de linternalisation du soufre) en sulfite. Cet

    intermdiaire pourrait tre de type glutathion-persulfure, comme ce qui a pu tre propos chez

    les bactries phototrophes. La prsence des gnes codant pour des protines impliques dans

    le transfert de soufre dans , lopron codant pour ce complexe, supporte cette proposition.

    Cependant, cette hypothse ne repose sur aucune donne exprimentale, hormis la

    surexpression de lopron lors dune croissance sur soufre lmentaire qui suggre

    effectivement une implication dans ce mtabolisme. Le sulfite produit par cette enzyme doit

    tre ensuite oxyd par un autre systme, que les auteurs proposent tre celui de la voie de

    lAPS, puisquen effet, un gne codant pour lATP sulfurylase (Sat, dernire tape de la voie)

    est prsent dans le gnome de la bactrie. Cependant, la premire enzyme combinant lAMP

    et le sulfite en APS (APS rductase) na pas t retrouve ; une nouvelle voie doxydation du

    sulfite encore non identifie doit probablement tre prsente. Il faut se rappeler toutefois que

    chez une autre souche dAcidithiobacillus ferrooxidans, la cytochrome c oxydase de type aa3

    est capable in vitro doxyder le sulfite en sulfate (Sugio et al., 2010); ces rsultats mriteraient

    dtre vrifis in vivo.

    Chez Acidithiobacillus caldus (Figure 26) (Mangold et al., 2011), outre les systmes

    dj dcrits chez Acidithiobacillus ferrooxidans, il existe galement une SOR cytoplasmique

    qui offrirait une voie doxydation/rduction du soufre lmentaire, en un schma qui

    rappellerait celui prsent chez Acidianus ambivalens. Un systme Sox tronqu est aussi

    identifi au niveau du gnome ; en revanche, malgr la prsence de lATP sulfurylase, lAPS

    rductase est toujours manquante.

  • Introduction

    46

    Figure 26. Modle du mtabolisme nergtique du soufre chez Acidithiobacillus caldus (daprs (Mangold

    et al., 2011)). ISCs dsigne les composs inorganiques du soufre, Omp40 est une porine de la membrane externe.

    IV) Rflexions sur les modles des mtabolismes nergtiques du

    soufre

    Les quelques exemples prsents ici pointent la complexit de tels systmes. Btir de

    tels modles nest pas chose aise, et plusieurs facteurs rendent cette tche ardue. La

    multiplicit des enzymes, adaptes un type particulier de compos soufr, associe une

    absence de donnes cintiques et dtudes sur les conditions dexpression en fonction des

    conditions exprimentales est videmment un premier point. Mais cest aussi la diversit et la

    redondance de tels systmes, entres diffrents organismes ou parfois dans le mme, qui pose

    le plus de question. Par exemple, Acidithiobacillus caldus possde la fois une TQOR et un

    systme Sox tronqu, tous deux situs dans le priplasme et ddis loxydation du

    thiosulfate ; Acidianus ambivalens peut oxyder le sulfite par une SAOR membranaire ou la

    voie de lAPS dans le cytoplasme. Un lment de rponse repose peut-tre sur la localisation

  • Introduction

    47

    de ces systmes : leur prsence dans les diffrents compartiments cellulaires permettrait

    dapporter un lment de rgulation et de favoriser une voie plutt quune autre. De plus, les

    produits finaux ne sont pas forcment identiques : le produit de la TQOR est le ttrathionate

    qui peut tre utilis par la ttrathionate hydrolase qui elle-mme rgnre le thiosulfate, alors

    que le systme Sox produit directement du sulfate et ventuellement du soufre lmentaire

    dans le cas de labsence de SoxCD. Ce recyclage des composs du soufre est particulirement

    visible chez Acidianus ambivalens o lon assiste un vritable cycle entre la SQR qui

    produit une chane de soufre partir dH2S, laquelle peut-tre utilise par la SOR qui va

    donner entre autre de lH2S.

    Cette apparente complexit et la difficult de dcrypter ces mtabolismes refltent en

    ralit la formidable capacit dadaptation des micro-organismes leur environnement, et les

    stratgies doptimisation quils ont mis en place afin dexploiter au maximum la chimie toute

    particulire du soufre au travers de chacune des formes quil peut prendre. Il ne faut pas y voir

    un enchevtrement de substrats, de produits et denzymes, mais plutt des rseaux

    mtaboliques hautement performants, organiss et structurs autour dun objectif defficacit

    maximale dans des environnements dont les conditions physico-chimiques peuvent trs

    brusquement varier. Ainsi, pour ces organismes, prsenter un mtabolisme nergtique

    polyvalent, ne reposant pas sur un seul type de compos soufr, mais bien capable dutiliser

    un large ventail de substrats, est finalement un gage de survie.

    Ceci nous amne une dernire piste de rflexion : comment tudier ces

    mtabolismes ? La rponse est trs certainement quil ny a pas une seule technique qui doit

    prvaloir sur les autres, mais que lalliance des tudes biochimiques in vitro, des prdictions

    in silico bases sur les tudes gnomiques et des observations de comportements in vivo des

    organismes dans diffrents contextes gntiques ou conditions de culture semble finalement

    tre la cl de la comprhension de ces systmes.

  • Introduction

    48

    Chapitre II

    Les rhodanses

  • Introduction

    49

  • Introduction

    50

    Les rhodanses

    La dcouverte de la premire rhodanse a t faite en 1933 par Lang, lorsquil a isol

    une enzyme de mammifres capable dajouter un atome de soufre au cyanure pour le

    transformer en une forme bien moins nocive pour les cellules, le thiocyanate (Lang, 1933). Le

    nom de rhodanse a alors t propos partir du nom allemand du thiocyanate (rhodanide) et

    du suffixe ese qui dsigne le produit dune enzyme. Si ce terme est aujourdhui encore

    couramment employ pour parler de ces protines, la nomenclature officielle les dfinit

    comme des thiosulfate : cyanure soufre transfrases (E.C 2.8.1.1) sur la base de leur activit in

    vitro.

    Quatre-vingt annes de recherches sur ces enzymes ont permis den apprendre bien

    davantage et de mettre en vidence un repliement tridimensionnel ubiquitaire de type

    rhodanse prsent au sein de nombreuses protines appartenant aux trois domaines de la

    Vie. Ainsi, aux protines constitues uniquement d