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1 un film de 52'de Florence Tran écrit avec Cécile Dumas produit par LOOK AT SCIENCE présente OPERATION PLANETE 9 LA «NOUVELLE FRONTIÈRE» DU SYSTÈME SOLAIRE

OPERATION PLANETE 9

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un f i lm de 52 'de F lorence Tran écr i t avec

Céci le Dumas produit par LOOK AT SCIENCE

présente

OPERATIONPLANETE 9

LA «NOUVELLE FRONTIÈRE» DU SYSTÈME SOLAIRE

Laura Wuilay
Laura Wuilay
Un film de 52’ & 70’ de
Laura Wuilay
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Aux confins de notre système solaire se trouverait une immense planète. Dix fois plus grande que la nôtre. Plusieurs équipes scientifiques internationales se sont lancées depuis quelques années dans une course effrénée pour la détecter. C’est une véritable quête scientifique qui, ces derniers mois, s’est accélérée fantastiquement. Hier c'était Pluton, un astre familier, qui était déchu de son statut de « vraie » planète. Aujourd'hui ce sont des planètes naines aux trajectoires bizarres et intrigantes qui se révèlent, remettant en question ce que l’on croyait savoir sur la bonne marche de notre système solaire. Demain ce sera « Planète 9 » qui va être découverte, la 9ème planète tournant autour du Soleil.

Pourquoi cette planète énigmatique, qui mettrait 10 à 15 000 ans pour faire le tour de notre astre, est-elle si difficile à repérer ? Qu’est-ce que cette neuvième planète nous apprendrait de nouveau sur notre univers proche ? En quoi cette découverte serait une vraie révolution ? Pourrait-elle nous aider à lever certains mystères de notre système solaire ?

Ce film se propose de suivre les principaux protagonistes impliqués dans la recherche de cette terra incognita, de vivre leur quête de l’intérieur : leurs défis, leur stress, leurs erreurs, leurs remises en question, leurs déceptions, leurs joies...Nous relaterons la genèse et le contexte de cette aventure que nous allons accompagner jusqu’à son terme, jusqu'au moment de cette importante découverte, imminente maintenant.

RÉSUMÉ

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Télescope de Mauna Kea, Hawaï. L’un des hauts lieux de chasse de Planète 9

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NOTE D’INTENTION

La découverte d’une nouvelle planète dans notre système solaire est un événement vraiment unique. La dernière fois que cela s’est produit, c’était en 1930, avec la détection de Pluton ! Aussi, suivre les chercheurs qui sont mobilisés dans cette quête depuis des années est-il une expérience rare.Les deux piliers de cette épopée, Mike Brown et son acolyte Konstantin Batygin, viennent de publier un nouvel article, en janvier 2019, où ils démontrent que leurs hypothèses sont confortées par les plus récentes observations. Ils sont plus motivés que jamais, concentrés à 100 %.Voir à l’œuvre ces découvreurs, ces «chasseurs de planètes» est un privilège, une chance exceptionnelle !

L’exploration de ces zones méconnues du système solaire, c’est la «nouvelle frontière» en astronomie. Tout le monde veut savoir ce qui se passe au-delà de Pluton, dans la ceinture de Kuiper et plus loin encore... Car cette recherche permettra de mieux comprendre comment le système s’est formé, quelle a été sa véritable histoire.

J’ai toujours rêvé de suivre une aventure humaine et scientifique les yeux braqués vers le ciel, la tête dans les étoiles ou, en l’occurrence comme ici, la tête dans les planètes. Celles qui nous sont familières... et celles qu’on cherche à découvrir.

J’aime tout particulièrement le domaine de l’astrophysique. La hauteur et la distance avec laquelle ces chercheurs appréhendent le monde, notre place dans l’Univers, vers laquelle ils nous renvoient. Et ce, plus encore après avoir développé il y a quelques années un projet de film sur la matière et l’énergie noire. Cette fascination remonte à ma petite enfance. Mon père travaillait à l’Observatoire astronomique de Meudon. Souvent il nous emmenait là-bas le weekend et nous ramenions à la maison de magnifiques posters de galaxies lointaines. Il avait monté tout le centre de calcul informatique qui analysait les données des astronomes français. Il participait ainsi au déchiffrage de l’Univers tel que nous essayons de le scruter avec nos observatoires et nos sondes spatiales.

Pour mon dernier film documentaire, Khéops, mystérieuses découvertes, j’ai suivi en immersion pendant deux ans des physiciens qui ont scanné les pyramides

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d’Egypte grâce à leurs détecteurs de particules cosmiques. Ces particules invisibles, provenant de l’explosion de lointaines supernovae, permettent maintenant de voir à travers la matière, ici sur Terre. Être témoin de cela au jour le jour était à la fois magique et inspirant. J’ai été impressionnée par la rigueur, la passion et le dévouement de ces chercheurs, qui s’astreignent à un travail quotidien exigeant et minutieux. Par leur patience et leur humilité aussi.

Avec ce nouveau projet, je suis fascinée à l’idée d’apprendre tant de choses nouvelles sur notre système solaire. Je pensais que l’on savait déjà tout, qu’il n’y avait plus de mystères, que l’enjeu maintenant était de découvrir d’autres planètes plus lointaines, tournant autour d’autres étoiles, ou dans d’autres galaxies. Et je réalise qu’en fait, tout reste à découvrir sur ces frontières énigmatiques, sur ces régions encore inexplorées de notre système solaire ! Elles recèlent encore tant d’informations sur la genèse de notre Soleil, la formation des planètes, de sa ceinture d’astéroïdes, de ses comètes… et sur la manière dont se coordonne le ballet de tous ces astres, dont ils interagissent les uns avec les autres.

Le grand atout de ce projet, à mes yeux, est que les personnages de cette histoire sont de grands communicants, des passionnés plein d’humour et de tendresse pour ce qu’ils font. A commencer par Mike Brown, l’homme par qui tout est arrivé, et son collègue Konstantin Batygin. Ils ont envie de partager leur aventure. Et ils savent se mettre à la hauteur du néophyte curieux d’en savoir plus. Il suffit de se plonger dans les premières pages du livre de Mike Brown (Comment j’ai tué Pluton) pour être happé et se passionner avec lui pour la quête de nouveaux objets et de nouvelles planètes autour de notre Soleil.

Nous les suivrons dans leur recherche, eux et d’autres scientifiques français, américains, ou britanniques, sur certains grands rendez-vous spécifiques, lorsqu’ils travailleront dans les plus beaux observatoires du monde, au sommet des volcans d’Hawaï, dans le désert au ciel pur du Chili, chez eux dans leurs laboratoires, avec leurs enfants à qui ils transmettent leurs doutes et leur passion, et aussi lorsqu’ils se réunissent entre eux, pour échanger sur leurs nouvelles avancées. Bien sûr, les débats et les polémiques font également partie du processus de toute grande découverte scientifique. L’opération Planète 9 est loin d’être un long fleuve tranquille. Oui, il y a des rivalités, des clashs, des alliances, de grandes discussions qui font de cette histoire une véritable aventure humaine. Cette « tension » nourrira la dramaturgie du film.

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Une approche graphique en 3D, poétique et élégante, permettra de voyager dans le système solaire, de mieux le comprendre, d’explorer ce que l’on sait aujourd’hui des ses lointaines frontières et aussi de retracer l’évolution de la connaissance que nous en avons eu au fil des siècles et de la recherche.

Une bande son tantôt épique, tantôt rock’n’roll rythmera le film, accompagnant les péripéties de cette investigation scientifique. D’autant plus rock’n’roll que Batygin est lui même un habitué des scènes rock de Californie avec son groupe de musique.

Ce film est un défi comme l’est la quête pour cette nouvelle planète, si intrigante et insaisissable. La terra incognita qui était autrefois à l’horizon, de l’autre côté de l’océan, est aujourd’hui dans ces lointaines régions du système solaire, là où les sondes spatiales commencent à peine leur exploration, et où l’on espère bien découvrir de nouveaux mondes. C’est une nouvelle étape dans l’histoire de l’exploration humaine, et elle mérite d’être racontée et transmise avec de la passion et du style !

Florence Tran

Mike Brown et Konstantin Batygin

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Une quête est lancée

C’est dans un monde inexploré que se joue actuellement une quête majeure pour l’astronomie et la connaissance du système solaire. Une véritable « nouvelle frontière » pour les astronomes et astrophysiciens du 21ème siècle. Une vaste région du système solaire qu’ils ont à peine commencé à défricher et qu’ils comparent aux terra incognita du Moyen-âge, représentées sur les cartes par des monstres marins... C’est là que plusieurs équipes d’astronomes espèrent découvrir une nouvelle planète.

Actuellement, seuls huit objets du système solaire sont officiellement des planètes : Vénus, Mercure, la Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. Jusqu’en 2006, Pluton était la 9ème planète sur la liste. Mais les découvertes d’objets similaires au-delà de Neptune ont amené au déclassement de Pluton, devenue une « planète naine ».Aujourd’hui c’est bien à la recherche d’une nouvelle planète, provisoirement baptisée « Planet 9 », que des astronomes sont lancés.

PRÉ-ENQUÊTE

Pluton photographiée par la sonde New Horizons

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Il s’agirait d’une planète massive, au moins 10 fois plus que la Terre, et très lointaine. Des centaines de fois plus éloignée du Soleil que ne l’est la Terre. Dans ce royaume méconnu situé bien au-delà de Neptune, de Pluton et des planètes naines.

C’est une anomalie dans la trajectoire de petits corps lointains du système solaire qui a mis les chercheurs sur la piste de cette « Planet 9 ». Sa présence permettrait aussi d’expliquer d’autres bizarreries du système solaire. Aujourd’hui, son existence est prédite par la théorie. L’enjeu des mois à venir est de réussir à l’observer. Après tout, c’est ainsi que la découverte de Neptune a commencé. En 1846 Urbain le Verrier a déduit son existence d’après les perturbations de l’orbite d’Uranus et Johann Galle l’a observée précisément là où l’avait prédit Le Verrier. Est-on sur le point de renouveler pareil exploit ?

Plusieurs équipes sont mobilisées aux Etats-Unis et en Europe pour tenter de détecter, de voir cette hypothétique planète. Au sommet du Mauna Kea à Hawaï ou sur le Cerro Tololo au Chili, des astronomes multiplient les nuits d’observations du ciel avec les meilleurs télescopes. D’autres fouillent dans les téraoctets de données déjà collectées par les télescopes. Entre collaboration scientifique et compétition, ils et elles tentent de détecter un point nouveau et encore jamais repéré se déplaçant sur le fond fixe des étoiles.

Vers une terra incognita

Cette poursuite d’une « 9ème planète » a été déclenchée par Mike Brown, astronome au prestigieux Caltech (Institut de technologie de Californie), et son collègue Konstantin Batygin.

Mike Brown s’est fait un nom au début des années 2000 et même un surnom, qu’il revendique : « Pluto killer », celui qui a « tué » Pluton. Mais il est surtout passionné et motivé par la découverte de nouvelles planètes dans le système solaire. C’est ce qui l’a poussé à scruter le ciel au-delà de Neptune et de Pluton, pour finalement découvrir en 2005 un corps aussi gros que Pluton. Il fut un temps question d’une 10ème planète du système solaire. Finalement, cet objet baptisé Eris a conduit au déclassement de Pluton et a rejoint le nouveau groupe des planètes naines. Brown n’a pas pu décrocher le titre de « découvreur de planète ». Mais il poursuit ses recherches, persuadé que dans ces régions très lointaines du système solaire, parmi les objets dits « trans-neptuniens » (au-delà de Neptune), des planètes restent à découvrir.

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Pour poursuivre cette quête, il faut élargir notre vision du système solaire.

Ce dernier est souvent résumé à son étoile, le Soleil - autour de laquelle tout a commencé - et des huit planètes, quatre telluriques et quatre géantes gazeuses. En plus d’être en orbite autour du Soleil, d’être toutes situées sur le même plan, d’avoir une masse suffisante pour aboutir à une forme sphérique, ces huit-là ont la capacité de «faire le ménage» autour d’elles. Autrement dit de dévier les petits corps qui passent à proximité pour régner en maître sur leur orbite.

Cependant ces planètes ne sont qu’un petit morceau du système solaire.Au-delà de Neptune commence cette terra incognita qui passionne les astronomes, le royaume des planètes naines et surtout un vaste disque de débris glacés, restes des matériaux de construction des planètes, éjectés dans les régions externes du système solaire. C’est la ceinture de Kuiper, d’où proviennent de nombreuses comètes. Une région en pleine exploration : ce n’est qu’en 1992 qu’un objet y a été détecté pour la première fois. Et il a fallu attendre le 1er janvier 2019 pour avoir la première image nette d’un objet de cette ceinture, Ultima Thule, grâce à la sonde New Horizons. Nous voilà déjà à plus de 40 fois la distance Terre-Soleil, soit 40 unités astronomiques (1 UA = 1 fois la distance Terre-Soleil).

La sonde New Horizons s’approche d’Ultima Thule

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Et ce n’est pas fini, car l’influence du Soleil ne s’arrête pas là... Ainsi faut-il imaginer que le disque formé par les planètes et la ceinture de Kuiper est lui-même entouré d’un immense cocon de débris, appelé le nuage de Oort. C’est un monde inaccessible à la vision, dont l’existence a été déduite de l’orbite de certaines comètes qui ne pouvaient pas venir de la ceinture de Kuiper.

Prendre la mesure de cette sorte de bulle, qui ne s’achève qu’avec l’influence gravitationnelle du Soleil, est vertigineux. Le nuage de Oort commence à 1.000 unités UA de notre étoile, et s’étendrait jusqu’à 100.000 UA ! Les sondes Voyager, qui battent les records de distance de toute l’histoire de l’exploration spatiale, se trouvent entre 120 et 140 UA du Soleil... il leur faudrait encore 300 ans de voyage pour atteindre cette bulle.

Nuage de Oort,à la frontière de notre système solaire

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Comment a-t-on pu dresser le portrait-robot d’une planète encore hypothétique ? C’est là que le second protagoniste de cette histoire entre en scène. Konstantin Batygin n’est pas un spécialiste de l’observation du ciel comme Brown mais un théoricien. Ce trentenaire se passionne pour les modèles de formation du système solaire qui permettent, grâce aux supercalculateurs, de « rejouer » les étapes de la naissance du Soleil et des planètes pour en comprendre la chronologie et les mécanismes. Les débris accumulés aux franges du système solaire révèlent que ses pièces ne se trouvent pas nécessairement à l’endroit où elles sont nées. Comment et où les planètes se sont-elles formées ? Quand et comment ont-elles pris leur place actuelle ? Modéliser permet de tester différentes hypothèses pour comprendre ce jeu de billard.

Konstantin Batygin a ainsi fait tourner des simulations de formation du système solaire sur 4,5 milliards d’années en intégrant au « scénario » des objets lointains, récemment découverts dans ces régions en pleine exploration. Il s’agit d’objets transneptuniens dit « extrêmes », car leur trajectoire autour du Soleil est très longue, avec une forte inclinaison par rapport au disque des planètes, et une forme très allongée.

Brown et Batygin ont constaté que six de ces transneptuniens extrêmes ont une trajectoire très particulière, orientée dans le même sens par rapport au Soleil. La probabilité qu’ils soient ainsi organisés par hasard n’est que de 0,007%, ont calculé les deux chercheurs. Quelle est la cause de leur organisation ?

Dans tout système planétaire, si un corps suit une orbite stable, c’est qu’il est maintenu dans cette position par les forces qui s’exercent sur lui, forces directement liées à l’influence gravitationnelle des autres corps. Un peu comme un chien de berger maintient la cohésion du troupeau par sa présence. Dans la ceinture de Kuiper, c’est Neptune qui règne en maître. Mais ces objets extrêmes ne sont pas sous l’influence de Neptune. Alors quel est le «chien de berger » qui maintient ce troupeau ? Une planète inconnue ?C’est pour répondre à cette question que Batygin a fait tourner son modèle de formation du système solaire. Il peut en modifier certains paramètres et voir si, en ajoutant une planète massive, qui se serait formée plus près du Soleil et qui aurait ensuite été éjectée très très loin, on obtient le système solaire tel qu’on le connait aujourd’hui. Au départ, Batygin pensait ainsi

Des objets extrêmes qui changent la donne

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vérifier que tout pouvait tenir en place sans ajouter de planète... mais ce n’est pas ce qu’il a obtenu. Au contraire. Sa modélisation a montré que la présence d’une telle planète expliquerait aujourd’hui les trajectoires étonnantes mais stables de ces objets extrêmes. Publiées en janvier 2016, leurs conclusions lancent véritablement la « chasse à la neuvième planète » car, si d’autres en avaient émis l’idée, aucun travaux de modélisation ne venaient assoir cette hypothèse. Batygin apportait une preuve certes théorique, mais solide.

Vue d’artiste de la formation des planètes

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Chasseurs de planète

« En plaisantant j'ai souvent dit que si on découvre P9 j’essaierai de réagir le plus froidement possible, puisque la théorie a déjà dit qu'elle existait, écrivait Batygin récemment. Mais quand j'y pense vraiment, c'est un parfait mensonge ! Il y a quelque chose de totalement magnétique dans cette quête ! »

De fait, la découverte ne sera effective que le jour où P9 aura été détectée avec un télescope ! D'où d'intenses campagnes d'observations du ciel qui reprennent cette année.

Bravant le manque d'oxygène qui met à mal notre organisme, Brown et Batygin utilisent chaque automne depuis 3 ans le télescope Subaru à Hawaï, perché à plus de 4000 mètres d'altitude, pour scruter le ciel. La collecte 2018 a été très bonne, la météo fut favorable, il faut ensuite mener un patient travail d'analyse des images pour repérer un point mouvant sur le fond fixe des étoiles. Mais Brown et Batygin ne sont pas les seuls à chercher P9.

Scott Sheppard passe lui aussi de longues heures à collecter des images avec le télescope Subaru de 8 mètres de diamètre à Hawaï. Déjà découvreur de plusieurs objets transneptuniens extrêmes, Sheppard (Carnegie Institution for Science, Washington DC) a récemment apporté de l'eau au moulin de P9 en annonçant en octobre 2018 l’identification d'un nouvel objet qu'il a surnommé le gobelin (Goblin). Situé au-delà de la ceinture de Kuiper,

Télescope Subaru, Mauna Kea, Hawaï.

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dans le nuage interne de Oort, ce lutin maléfique fait le tour du Soleil en 40 000 ans ! Il se trouve actuellement à 80 UA mais s'en éloigne jusqu'à 2 300 UA. Goblin échappe à l'influence de Neptune et pourrait donc être maintenu sur son orbite grâce au champ gravitationnel d'une autre planète massive, estime Sheppard... Poursuivant ses observations, il annonce de nouveau en novembre 2018 avoir repéré le plus lointain objet du système solaire jamais observé, Farout, à 120 UA. C'est dire si la chasse est active...

Egalement lancé dans la quête de cette mystérieuse Planet 9, David Gerdes (Université du Michigan) fouille les données d'un programme de recherche sur l'expansion de l'univers en quête d'un indice... Et il a trouvé il y a quelques mois un autre objet extrême, peut-être de la taille d'une planète naine, qui entre dans les calculs de Batygin. La présence de P9 permet d'expliquer l'orbite très inclinée de cet objet. Cela ne prouve pas encore que la planète 9 existe mais renforce la théorie qui prédit son existence.

L'une des grandes difficultés de cette « chasse à la planète » est de savoir dans quelle partie du ciel il faut regarder. Car si les télescopes sont précis, ils ne regardent qu'une toute petite portion du ciel à la fois. Une grande partie du travail des astronomes est donc de définir le plus précisément possible leur zone d'observation.

Une tâche à laquelle se sont attelés Agnès Fienga (labo GeoAzur) et Jacques Laskar (CNRS). Ils ont réalisé un travail de fourmi depuis des années à partir des données de Cassini et possèdent un outil capable de prévoir la position de plus de 300 corps du système solaire avec une extrême précision. Ils en ont profité pour calculer la position de Saturne en tenant compte ou non de la position d'une 9ème planète dix fois plus massive que la Terre, en différents endroits de l'orbite proposée par Brown et Batygin. Et ont lancé discrètement quelques observations de leur côté depuis l'observatoire des Canaries...

Au-delà, l’enjeu de cette quête de Planète 9 est plus fort que sa simple découverte. Pour Alessandro Morbidelli (Observatoire de la Côte d'Azur), grand spécialiste de la formation du système solaire, l'existence d'une 9ème planète pourrait élucider une bizarrerie inexpliquée depuis sa découverte au 19ème siècle : l'équateur du Soleil est incliné de 6° par rapport au plan de l'écliptique. Autrement dit son pôle nord n'est pas exactement perpendiculaire au plan dans lequel orbitent les 8 planètes. Même s'il n'est pas directement dans la course, l'aventure scientifique le titille.

« L'idée d'une planète supplémentaire nous plait bien, confirme de son côté Jean-Marc Petit, de l’observatoire de Besançon (CNRS), son existence expliquerait les orbites bizarres de ces

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Pour sa collègue Michele Bannister (Queen’s University, Belfast, OSSOS), la présence de P9 n'est pas indispensable pour expliquer les orbites de ces objets et d'autres phénomènes, liés à la gravité, pourraient intervenir. En revanche, elle estime tout à fait « raisonnable » l'hypothèse avancée par Kathryn Volk (Arizona University, OSSOS) d'une autre planète, qui serait moins éloignée que P9. Cependant elle se trouverait dans le plan de notre galaxie, par conséquent noyée dans la multitude d'étoiles de la Voie lactée et difficile à observer.

Après des années où la découverte d'exoplanètes, autour d'autres étoiles, a éclipsé les recherches sur notre propre système, une communauté d'astronomes se passionne de nouveau pour la découverte de planète(s) autour de notre Soleil. Au-delà de l'excitante perspective de la découverte, cette « chasse » est liée à l’exploration de régions méconnues et lointaines. Elle ouvre de nouvelles portes pour mieux connaître le système solaire, mieux comprendre sa formation, explorer toujours plus loin ce « voisinage » de la Terre... tout en nourrissant un passionnant débat scientifique et une véritable quête.

Cécile Dumas

objets qui ne sont pas sous l'influence de Neptune ! » Pour autant, cet astronome n'adhère pas à la proposition de Brown et Batygin. Avec d'autres astronomes qui ont scanné le ciel pendant plusieurs années pour étudier les objets transneptuniens au sein de la collaboration OSSOS, Jean-Marc Petit a cosigné un article remettant en question les conclusions du duo du Caltech. Question de méthode : leurs données sur les 6 objets extrêmes ne seraient pas assez fiables pour en tirer de telles conclusions.

C’est bien au-delàde Neptune

que l’on recherche Planète 9

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Quelques protagonistes

Mike Brown : l’infatigable observateur, le défricheur et.... « Plutokiller »

Mike Brown a déjà failli être le découvreur d’une nouvelle planète du système solaire, qui est finalement devenue la planète naine Eris. Pouvait-on mieux trouver que la déesse de la discorde pour la nommer ? Son baptême est en effet indissociable du « déclassement » de Pluton, mal vécu aux États-Unis. C’était la seule planète qui avait été découverte outre- Atlantique (par Clyde Tombaugh en 1930) et paradoxalement c’est un Américain qui l’a détrônée. Brown est reconnu pour ses qualités d’observateur hors pair. Scruter le ciel, c’est sa spécialité. Un astéroïde a d’ailleurs été nommé Mikebrown en 1998 pour rendre hommage à son travail. Après tout, avec Eris, il a déjà à son tableau de chasse la découverte du plus gros objet du système solaire découvert en 150 ans (depuis Neptune). Il a aussi découvert une autre planète naine dans la ceinture de Kuiper : Makémaké. Dans son livre intitulé Comment j’ai tué Pluton et pourquoi elle l’a bien cherché, Mike Brown raconte cette aventure, et surtout comment il se passionne depuis le début de sa carrière pour la découverte de nouvelles planètes, passant des nuits acharnées sur plusieurs télescopes. Et de laborieuses journées derrière l’ordinateur pour trouver ce qu’il cherche dans les images du ciel.

Dans le duo qu’il forme avec Mike Brown, son ancien professeur, Konstantin Batygin est l’homme de la théorie. Il s’est illustré au cours de sa thèse par sa remarquable modélisation de l’évolution du système solaire sur plusieurs milliards d’années. La quête de Planète 9 l’amène à explorer un nouveau

terrain, celui de l’observation du ciel, une tâche « laborieuse » tant « le ciel est grand », comme il le confie. Ce trentenaire enthousiaste est aussi investi dans la recherche de cette nouvelle planète qu’il peut l’être sur une scène avec sa guitare lorsqu’il se produit avec son groupe de rock, The Seventh Season, fondé à l’origine par son père en Russie dans les années 70.

Konstantin Batygin

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Scott Sheppard et Chad Trujillo

Avec avoir travaillé aux côtés de Mike Brown, et notamment co-découvert la planète naine Makémaké, Chad Trujillo a rejoint Scott Sheppard (Carnegie Institution for Science, Washington DC) et ils poursuivent leur exploration des mondes transneptuniens. Ils avaient déjà émis l’hypothèse de l’existence d’une planète régissant ces objets extrêmes mais n’avaient pas réalisé le travail de modélisation publié ensuite par Brown et Batygin. Ils font partie des « chasseurs » de planète enthousiastes. Scott Sheppard n’hésite pas à grimper jusqu’à 4000 mètres d’altitude sur le Mauna Kea pour surveiller directement les observations avec le télescope Subaru.

Michele Bannister

Cette astrophysicienne néo-zélandaise peut se targuer, comme Mike Brown, d’avoir un astéroïde qui porte son nom depuis 2017... Jolie récompense pour cette trentenaire qui explore le monde transneptunien depuis le début de sa carrière, tout en écrivant de la poésie. Michele Bannister, qui a rejoint la Queen’s University de Belfast (Irlande), se passionne pour le défrichage des régions méconnues du système solaire, au-delà de Neptune, afin de mieux comprendre l’histoire de notre système. Elle est membre de la collaboration internationale OSSOS (Outer Solar System Origins Survey) qui a scanné le ciel de 2013 à 2018 avec le télescope franco-canadien de Hawaï pour découvrir toujours davantage de nouveaux objets ans la ceinture de Kuiper et au-delà. Elle est ainsi co-découvreuse d’un objet lointain et glacé (2103 SY99) qui, selon ses calculs, ne pourrait pas coexister avec la « Planet 9 » de Brown et Batygin. Bannister n’exclut pas pour autant l’existence d’une planète encore inconnue... « Toutes ces théories sont le signe que notre domaine scientifique est bien vivant et actif ! » s’enthousiasme-t-elle.

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Alessandro Morbidelli : le « Monsieur dynamique » du système solaire

Le nom de cet astronome et planétologue italien, basé à l’Observatoire de la Côte d’Azur, est associé au « modèle de Nice » dont il est l’un des 4 auteurs. Un modèle théorique, mathématique, expliquant la dynamique de la formation du système solaire, la formation et la migration des planètes, la formation de la ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter, et de la ceinture de Kuiper. Ce travail, publié en 2005 et largement accepté aujourd’hui par la communauté scientifique, explique aussi bien la position actuelle des planètes que celle des petits corps. Batygin a fait ses armes dans le laboratoire d’Alessandro Morbidelli en tant qu’étudiant et a soumis à sa relecture ses derniers travaux. Sans se lancer lui-même dans la course à la nouvelle planète, Alessandro Morbidelli est un spectateur engagé et porte un regard aiguisé sur l’affaire.

Agnès Fienga et Jacques Laskar

Ces deux Français sont un peu les outsiders, lancés dans la course sans trop en avoir l'air... Ces « maîtres » de l'éphéméride disposent d'un outil précieux pour aider à circonscrire le coin du vaste ciel dans lequel pourrait se trouver P9.Pour Agnès Fienga (labo GeoAzur), cette quête a un intérêt scientifique majeur : elle permettra de valider les modèles de formation du système solaire. Si on trouve une planète tellurique, ça ne collera pas, prévient-elle, en revanche si c'est une grosse Neptune, ça colle avec nos modèles de mécanique globale de formation du système solaire ! Quant à Jacques Laskar (CNRS, Institut des mécaniques célestes et de calculs des éphémérides), il a déjà bouleversé les représentations que l'on se fait du système solaire en y jetant une pincée de chaos... Laskar s'est intéressé au comportement instable de Mercure, dont l'orbite pourrait changer et provoquer des collisions entre les planètes. Au-delà de 60 millions d’années, il est illusoire de penser que nous pouvons prévoir la trajectoire des planètes, expliquent Laskar et ses collègues en 2009. Une autre façon de rappeler que le système solaire, même s'il nous semble immuable, n'est pas un objet fixe à l'échelle des temps astronomiques !

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Vue d’artiste d’une planète inconnue, par Scott Sheppard, un des «chasseurs» de planète (Carnegie Institution for Science)

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Florence SalaResponsable de la Distribution Internationale

Italie, [email protected]

Audrey KamgaChargée des ventes

Amérique du Sud, Canada, Espagne, Irlande,Maghreb Moyen-Orient, Portugal, Royaume-Uni

Droits inflight [email protected]

Isabelle MonteilChargée des ventes

Asie, Océanie, Grèce, Afrique subsaharienneVersions [email protected]

Sophie SoghomonianChargée des ventes

Europe de l’Est, Israël, RussieDroits institutionnels [email protected]

Whitney MarinAssistante gestion des ventes

[email protected]

Franka SchwabeChargée des ventes

Allemagne, Autriche, Suisse, Belgique, France, Pays-Bas, Scandinavie, Islande.

[email protected]