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NOUS SOMMES DE RACE DlVI KE « Nous sommes de race divine. » (Acles, 17, 2S.) Si vous me demandiez quelle est l'origine <le l'homme, je pourrais \'Ous répondre avec un poète brillant du x1x 0 siècle : L'homme est un Dieu tombé qui se souvient des cieux. En cela, je ne ferais qu'imiter saint Paul citant devant l'aréopage un vers du poète grec Aratus : « i ous sommes de race divine. » Ainsi deux poètes, l'un du milieu <lu paganisme, l'autre du sein de la chrétienté, confirment, par l'intuition du génie, la parole révélée : « Dieu a fait

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NOUS SOMMES DE RACE DlVIKE

« Nous sommes de race divine. » (Acles, 17, 2S.)

Si vous me demandiez quelle est l'origine <le l'homme, je pourrais \'Ous répondre avec un poète brillant du x1x0 siècle :

L'homme est un Dieu tombé qui se souvient des cieux.

En cela, je ne ferais qu'imiter saint Paul citant devant l'aréopage un vers du poète grec Aratus : « i ous sommes de race divine. »

Ainsi deux poètes, l'un du milieu <lu paganisme, l'autre du sein de la chrétienté, confirment, par l'intuition du génie, la parole révélée : « Dieu a fait

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I 60 NOUS SOMMES DE RACE DIVINE

l'homme à son image. >> Cette question de notre ori­

gine est en relation étroite avec celle de notre fin :

car si nous sortons de la poudre, nous_ retournons

à la poudre; s'il n'y a en nous qu'une des formes de

l'animalité, nous n'avons à attendre que le néant.

Si, au contraire, il y a en nous un fils de Dieu, nous

retournons à Dieu; si nous avons été créés en âme

vivante, la mort n'est qu'une transition, non un

terme définitif, une dissolution sans retour!

Question capitale, question toujours actuelle,

qui tourmente les savants, et que se pose, comme

malgré lui, l'homme le moins exercé au travail de la

pensée. En vain les distractions de la vie essayent de

nous étourdir. En vain le positivisme du jour veut

nous persuader que ce sont là des interrogations

inutiles, parce qu'elles sont sans issue. Chaque fois

que nous voyons passer dans nos rues un cortège

funèbre, chaque fois que nous échappons dans une

heure de recueillement au tumulte de la vie, nous

entendons une voix intérieure, semblable à celle de

l'ange qui se tenait sur la route du désert et qui

disait à Agar, la servante d'Abraham : « D'au viens­

tu? ou vas-tu? » Essayons de résoudre la première

de ces questions; ce sera du même coup résoudre

la seconde.

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NOUS SOMMES DE RACE DIYINE I (, J

I

En dehors de toute préoccupation philosophique et religieuse et en ne tenant compte que des faits qui tombent sous les sens, est-ce que nous ne voyons pas le sceau d'une origine divine empreint

sur l'humanité? L'homme, le dernier venu dans la série des êtres,

l'homme que l'animal surpasse. souvent en force et

en adresse, l'homme si dép~ndant, si débile, si

impuissant en apparence, est pourtant le roi incon­testé de la création. Il la domine par sa victoire per­manente sur la nature qui lui oppose en vain ses lois invariables, son mouvement ou son inertie, ses forces aveugles ou sa prodigieuse activité. Il triomphe du temps et de l'espace; à son gré, il abaisse les montagnes ou élève les vallées; il perce les isthmes et fait communiquer les océans, et il commence à prendre possession de l'empire des airs.

Mais l'homme m'apparaît encore plus grand dans son action sur le monde des esprits. C'est là qu'il

est vraiment créateur. De sa pensée jaillissent des éclairs de lumière. Il prend la plume, et il compose un traité où sont débattus les plus hauts problèmes

3e série. II

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I 62 NOUS SOMMES DE RACE DIVINE

de la science et de la philosophie; il écrit un

poème qui résume les tragiques péripéties de la

destinée humaine, en sone que les créations d'un

Platon, d'un Aristote, d'un Homère ou d'un Dante,

restent vivantes et jeunes, après que des · milliers de

générations ont passé. - L 'homme ouvre b bouche,

et des multitudes subissent l'ascendant de sa parole .

Elles sont là, immobiles, muettes, mais agitées

intérieurement par les diverses émotions que cette

âme vibrante leur communique. - L'homme prend

un ciseau ou une valette, et il fait apparaître des

lignes harmonieuses, des formes idéales, des cou­

leurs saisissantes; il incarne dans le marbre ou sur

la toile une beauté supérieure qui semble un rayon

détaché des sphères éternelles . - L'homme s'em­

pare d'un instrument de musique, et il fait entendre

à nos oreilles, ou plutôt à nos âmes, une langue

nouvelle qui exprime ce que la langue humaine ne

peut dire, - excitant ou calmant nos passions, et

renouvelant la légende d 'Orphée qui domptait par

les sons de sa lyre les fauves du désert. - Est-ce

qu'en assistant à ces triomphes du génie, vous ne

découvrez pas, à travers l'infirmité humaine, je ne

sais quelle royauté primordiale qui vous fait dire

avec orgueil : " Nous sommes de race divine! "

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NOUS SOMMES DE RACE DIVINE 163

u

Le bien est au-dessus du beau dans l'ordre des

grandeurs. Encore ici, ne trouvez-vous pas dans

l'humanité plus d'un vestige de sa noble origine?

L'homme a l'instinct de la perfection, il salue l'idéal

moral sans l'atteindre, et s'il n'accomplit pas le

bien, du moins il le rêve avec enthousiasme. Par­

fois même, voué au péché par l'ensemble de sa vie,

il nous offre des réalisations partielles de la beauté

morale. 'est-il pas vrai que tous les sentiments

élevés de la nature humaine, la piété filiale, l'affec­tion conjugale, l'amour maternel, le patriotisme ont

reçu l'illustration de nobles exemples? Combien d'actes généreux, combien de sacrifices célèbres ou

obscurs! Quelle nomenclature consolante que celle

des héros de l'abnégation! Voyez chaque année les découvertes touchantes arrachées à l'obscurité par

de pieux investigateurs qui postulent, pour leurs modestes héros, des prix de vertu . La tradition du

martyre a-t-elle jamais été interrompue,-depuis le

missionnaire qui meurt pour sa foi ou le soldat qui

meurt pour son drapeau, jusqu'au jeune interne

des hôpitaux ~uccombant à la diphtérie, à côté de

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164 NOUS SOMMES DE RACE DIVINE

l'enfant qu 'il vient de sauver? - Et, dans un autre

ordre d'idées, n'avons-nous pas vu quelquefois des

êtres si rares et si purs qu'ils nous paraissaient éga­

rés sur la terre et atteints d'une nostalgie céleste?

Traces touchantes de la vocation et de la pureté

primitives de l'homme. Oui, plus une âme est éle­

vée, plus elle a le sentiment du désaccord profond

entre ce qu'elle conçoit et ce qu'elle réalise, car

notre idéal monte à mesure que nous grandissons.

Créée pour le ·bien, mais le plus souvent vaincue

par le mal, elle acquiert le sentiment mélancolique

d'une origine divine, tristement démentie, et c'est

bien elle qui souscrirait à ces vers d'un poète:

Je me dis bien souvent : de quelle race es·tu ! A mes vagues regrets d'un ciel q ue j'imagine, A mes dégoùts divins il faut une origine. Vainement je la cherche en mon cceur de limon. Et moi-même, étonné des douleurs que j'exprime, Je sens en moi pleurer un étranger sublime Qu i m'a toujours cac hé sa pat rie et son nom!

Écoutons-le gémir en nous, ce sublime étranger, car il nous répète la parole de l'apôtre : « Nous sommes de race divine. »

Voui vous étonnez peut-être de mon langage, car j'ai l'air d'exalter l'orgueil humain. Moi, pré-

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NO S SOMMES DE RACE DIVINE I 6 5

dicateur de la loi de Dieu et de la déchéance

humaine, je n'oublie pas que ces beaux traits que

je relève sont comme des éclairs dans la nuit,

comme des parcelles d'or égarées dans la fange.

Hélas! il n'est que trop vrai, les facultés humaines

deviennent souYent des puissances malfaisantes.

Est-ce que le courage et l'énergie de la volonté,

mis au service d' un immense égoïsme, ne sont

pas des instruments de tyrannie et de destruc­

tion? Est-ce que le don du génie dans la science,

les arts, la littérature, ne sert pas à éloigner les

hommes de Dieu, à les enivrer d un orgueil impie,

à les enchanter pour les corrompre? Ceux que

l'humanité appelle grands ont été plus d'une

fois des Satans déguisés. - Eh bien! à cela aussi

vous pouvez mesurer la grandeur de l'homme.

Tandis que la brute est limitée dans le mal qu'elle

peut faire, l'homme dispose au contraire d'une

puissance de perversité vraiment infernale. Voyez

l:t savante préméditation, le génie effrayant des crimes modernes! En sorte que, - si, d'une part, ce

qui brille <le vertus en l'homme atteste sa noblc

origine, - d'autre part, ses forfaits intelligents et

sa formidable capacité de nuire Je révèlent encore

comme un Dieu tombé. Ainsi se vérifie le vieil

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I 66 1'0US SOMMES DE RACE DIVINE

adage: « Tombe plus bas qui tombe de plus haut » ;

ainsi se confirme la parole de l'apôtre : « Nous

sommes de race divine! n

III

Un fils de Dieu dechu de sa grandeur première,

voila l'idee que l'observation des faits nous donne

de l'homme. Et il se trouve que c'est aussi l' ensei­

gnement formel de notre vieille Bible, si dedaignee

par plusieurs aujourd'hui.

La Bible nous montre l'homme sorti pur des

mains de son Createur. Il domine sur la nature

materielle et il est appele à entretenir avec son Dieu

une relation filiale. Mais , si Dieu a cree l'homme

libre, il faut qu 'il le soumette à une épreuve,

pour que cette liberte s'affirme et se constitue. Il

faut que l'homme passe de l'innocence instinctive

à la sainte te consciente, de l'enfance morale à la

majorite morale, c'est-à-dire à l' obeissance vo­

lontaire. Or, que nous dit encore la Bible? Elle

nous dit tristement, avec l' experience et avec l'his­

toire, que l'homme a succombe dans cette epreuve

decisive, et qu'au lieu d'user de sa libene pour se

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. ·ous so. t lES DE RACE DIV! E 167

Jonn r à Di u, il en a us pour s révolter contre lui. L'homme st donc un roi, mais un roi qui a

laissé tomb r sa couronne et qui tri te exilé de !'Ed n, va port r en tous lieux le fardeau de sa misère ph •sique et morale.

Voilà notre pass pl in de gloire et d'humiliation. Quel sera notre avenir? Que fera le Créateur contre

lequel l'homme ne saurait e révolter impunément? Di u aurait pu, n' outant que sa justice, tarir les sources d la vie humaine t anéantir notre race.

fais un Dieu d amour répare son œuvre, il ne la détruit pas. A l'heure mcme de la chute, l.i rédem­

ption est déjà conçue et accomplie dans sa pensée éternelle. - Mesurez encore ici la grandeur de l'homme. Dieu consent à chercher sa créature p rdue et, sans contraindre sa liberté morale, la ramener :\ lui par l action de son amour. Il la cherche en se r vélant • elle par des homm s et par un peupl préd stinés. ll la ch rche par les patriarches, par Moïse et par l'institution de la loi. Il la cherche par les prophètes qui annoncent la délivrance et le rétablissement du règne Je Di u. Il la ch rche jusque dans le monde païen, en révé­lant !'id al mornl aux Zoroastre, aux akya-Mouni, aux ocrate, aux Platon. Il la cherche, cette pauvre

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I 68 NOUS SOMMES DE RACE DlVlNE

humanité, par les tourments de sa conscience

comme par les châtiments qui la frappent et qui lui

viennent, tantôt de la barbarie, tantôt de la civilisa­

tion; il la cherche par ses aspirations les plus nobles,

toujours déçues et toujours renaissantes. Puis,

lorsque cette longue préparation est accomplie, il

la cherche enfin par le miracle suprême de son

amour, en descendant vers elle dans la personne

de JéstJs-Christ, et il faut que 1' Agneau sans défaut

et sans tache, déjà immolé avant la fondation du

monde, soit mis en croix, un jour de Vendredi­

Saint, sur une colline de Judée, pour que cette

humanité perdue soit enfin retrouvée! - Est-elle

donc assez grande et assez précieuse a ses yeux pour

que Dieu l'ait estimée au prix du sang de son Fils?

Croyez-vous que ce soit la une fiction théolo­

gique, un système admirable fait de toutes pièces ?

- Non, c'est de l'histoire. - L'image divine,

Jésus nous l'a montrée en sa personne et l'a

gravée dans une postérité de croyants. Comme elle

nous a paru belle, cette image, chez les Natlu­

naël et les saint Jean, les Marie de Béthanie

et les Marie de Magdala! Aujourd'hui le même

miracle de restauration s'accomplit chez tout

homme qui croit, qu'il soit un savant ou un homme

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NOUS SOMMES DE RACE DlVINE 169

du peuple. Le dernier des pécheurs peut devenir

enfant de Dieu et s'approprier b parole glorieuse

de saint Pierre : « Nous sommes la race élue, b. sacrificature royale Il; il peut répéter avec une

joyeuse espérance, cc que me disait un gon.dolier

de Venise, dans cett.e belle langue italienne aussi

harmonieuse que le murmure de b lagune : (( Ici­

bas nous sommes des mendiants, là-haut nous

serons des rois ! ))

IV

Aujourd'hui, on veut changer tout cela. On nous

dit que ce paradis, cet âge d'or suivi d'une chute

de l'humanité, n'est qu'une fable dont notre siècle

raisonnable doit se debarrasser. Comme si cette tra·

dition qui se retrouve sous diverses formes, chez

tous les peuples, n'avait pas une portée philosophique

à laquelle tout esprit sér.ieux ne peut rester inat­

tentif. Et au lieu de cet homme primitif, de cet

Adam a l'attitude noble, au regard limpide tourné

vers Dieu et vers le ciel, - on nous propose un

ancêtre à la face bestiale, aux lèvres épaisses, sans

parole et sans sourire, vivant dans les forêts pro-

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I 70 NOUS SOMMES DE RACE DIVINE

fondes ou les espèces animales se livrent, pendant

des milliers de siècles, le combat pour la vie. Étrange

ancêtre! Étrange paradis! Ainsi l'homme a des

instincts, mais il n'a pas la liberté morale, et par

conséquent il n'est pas responsable. Issu des races

inférieures, il s'est élevé par un progrès fatal; mais

s'il a pu changer d'aspect, il n'a pu changer de

nature, car vous ne ferez jamais sortir, par une

évolution naturelle, la conscience de l'instinct et la personnalité morale de la bestialité. Pourquoi donc

demanderez-vous compte de ses actions à cet

animal parvenu? S'il est un Lacenaire ou un Vincent

de Paul, pourquoi le bénir ou le maudire? C'est

affaire d'origine, d'hérédité, de milieu, de tempé­

rament, -que dis-je?-- c'est affaire de statistique;

car la statistique - on nous le dit encore - a ses

chiffres déterminés d'hommes vertueux et d'hommes

criminels, dont les proportions sont fixes comme

celles des tables de mortalité. Ainsi est anéanti ce

drame émouvant qu'on appelle l'histoire et qui a

pour pivot la liberté morale. Ainsi disparait ce

combat entre le bien et le mal qui est tout l'intérêt

de l'individu et de l'homme collectif et qui ·cons­

titue toute la valeur des annales humaines. Ainsi se

ferme cette noble perspective d'une lutte entre la

1t

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l\OUS SOMMES DE RACE DlVrNE 17I

lumière et les ténèbres qui doit se terminer, pour

nous chrétiens, par la victoire de la lumière sur les

ténèbres, par le triomphe de l'amour et de la justice,

par l'établissement du royaume de Dieu ... Et cette

perspective - la grande espérance de nos ~.mes -

n'est plus qu'une illusion de notre orgueil l

A cet_ homme d'une si misérable origine, vous

avez raison , ô sages du jour, d'assigner une fin éga­

lement misérable.Vous avez raison de lui dire:« Tu

es poudre et tu retourneras en poudre » ; vous avez

raison de lui refuser le privilège de l'immortalité.

Quand il meurt, portez-le au cimetière, ensevelissez­

le comme une brute, ... sans une prière,sans une parole

d'espérance! Dites-lui avec Job, dites-lui de la terre:

«Voilà ta mère >i, et des vers du sépulcre : «Voila tes frères et tes sœurs. » Oui , vous avez raison, et vous

êtes logiques! ... Mais oü vous cessez de l'être, c'est lorsque, par une étrange contradiction, vous voulez

faire si grand cet être d'une origine si humiliante et

d'une fin si misérable! Eh! quoi, c'est là celui

auquel vous prodiguez des adulations si complai­

santes, celui que vous déifiez! Et vous nous pro­

posez, au lieu de l'adoration de Dieu, le culte de

l'humanité, le culte de ces grands hommes, descen-

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I 72 ~ou SO~HŒS DE RACP. DIV!. E

dant scion vous des races simiennes, puis, atomes désagrégés rentrant dans le néant, ou - cc qui revient au même - dans le gr;md laboratoire de la nature ... 0 logi icns sans logique, vous me faites pitié! li semble que ce soit de vous que saint Paul ait prophétisé, quand il a écrit cette parole : <( e disant sages, ils sont devenus fous! »

\'

Il est vrai, nous répudions avec énagie ces doc­trines de fatalité et de néant, et nous élevons contre clics une protestation indignée. Mais combien grande notre responsabilité, à nous qui f.1isons pro­fession <le croire que, (( ,·en us de Dieu, nous re­tournons !! Dieu , ! Entre la conduite des fils du ciel et celle des fils de la terre, il de\ rait y avoir un abime. Eh bien 1 demandons· nous si le lien brisé entre Dieu et nous a été renoué par une com·crsion sincère. Est-cc que nous portons véritablement son image?- Il ne suffit pas !! un fils de haute lignée de montrer le blason de son père; il faut encore qu'il reproduise, avec ses traies, ses venus cc sa noble tradition. En nous voyant de près, un incrédule dira-

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.·ocs 50.1. IES DE R CE DlVINE 173

t·il ce qu aül disait de Davi : u Cet homme est

meilleur que moi »? u bi n pensera+il qu'après

tout, il ne ',lUt guère la peine d'ctre chréti n, puis­

qu'un hrétien est aussi dur aussi hautain, aussi

a\·are qu'un incrc!dulc. Un romancier moderne a

é rit ci : u Le chri ti:mism pr scrit le pardon

des offcn es : avez-vous \'U un chrétien pardonner

le moindre tort à son prochain? Le hristianisme

pres rit 1 dévouement : avez-vous vu un chréti n

qui ne soit pas plus préoccup de son rhume que de

la fluxion d poitrine d son prochain? » C' st

Il une boutade de littérateur qui peut faire sourire;

mais, à coup sûr, clic est une ironie sanalante,

à l'adr ssc des chrétien , qui d ·rait nous faire

pleurer. .. modern s pharisi ns, ne faudrait·il

pas dir de b aucoup d'entre nous : c Ils di ent t ne font pas! 11 Et pourtant si l'image du Christ

doit fiott r au sein d s nuag du passé, dan· une s rte d'isolement m stiqu , je vou 1 dis, c'est le coup 1 plu fun ste porté au Christ. Pour qu'il ait

toute sa puissance sur cette génération, il faut qu'il

soit reproduit l des millier d'cxemplair s. Repré­

s nt Z·\'OUS 1 s fils du ci 1 - imitateurs de celui

qui a montré i i-bas le t. pe de l'homme idéal -

réalisant les béatitudes du rmon sur la montagne,

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174 NOUS SOMMES DE RACE DIVINE

faisant briller une sainteté inconnue de la terre,

combattant toutes les ignorances et toutes les ser­

vitudes, établissant la vraie franc-maçonnerie du

bien dans ce monde de douleur, luttant contre

toutes les épidémies physiques et morales,-volon­

taires de l'amour jusqu'à l'immolation, - et dites­

moi si ces fils du ciel, vrais fils de la terre, n'avan­

ceraient pas le règne du Christ ici-bas? - Fils du

ciel, c'est de vous que dépendent les succès ou les

défaites du christianisme. Avez-vous mesuré votre

responsabilité?

Si rien ou presque rien ne doit marquer notre

origine supérieure, il est évident que rien n'attes­

tera notre fin sublime. Encore ici, que d'humilia­

tions! Sommes-nous plus détachés de la terre que

ceux qui croient au néant, - moins empressés à nous établir confortablement sous des tentes d'or et

de soie qu'il faudra pourtant replier demain,- moins

avides d'honneurs et de richesses, plus scrupuleux

sur les moyens de les acquérir? ... Dans nos épreuves,

nous voit-on plus patients, plus résignés, plus con­

solés que les gens du monde? Vivons-nous des espé­

rances éternelles? Hélas! le doute morbide du siècle

nous a ravagés. Comme le ciel est loin ! comme il

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0 S ~O {MES DE RACE DlVINE I 7 5

nous apparaît vague, mélancolique, à peine sem­blable à un pâle clair de lune... ù sont les certi­tudes des apôtres et de l'église primitive? Les : cc qui sait? » les : « peut-être 1 » ont pris la place du : «Je sais!» de l'intrépide saint Paul. Aussi quand nos ma­lades sont près d mourir, c'est à peine si nous osons appeler auprès d'eux un pasteur ,ou leur parler nous­mêmes de la vie éternelle ... Et quand ils ne sont plus, nous nous entretenons du passé, bien peu de l'avenir!. .. Hors le discours officiel prononcé sur leur tombe, un silence glacé se fait autour de nos espérances. 0 l'étrange manière d'être des fils du ciel l... Ce n'est pas que nous songions à vous proposer un stoïcisme farouche ou une joie inhu­maine qui dénature l'Évangile; - non, vous pouvez pleurer, vous les solitaires, vous les affligés, vous les blessés de la vie l Mais pourtant il faut que l'oreille de notre âme perçoive les sons divins; il faut que quelque chose de paisible, de ferme, d'iné­branlable affirme en nous les certitudes éternelles ; il faut que nous soyons comme un fils exilé qui se sait de noble race, qui compte sur son retour dans la patrie, qui en respire les parfums, qui en entend les suaves harmonies portées sur 1 aile du vent à travers l'infini des mers .. .

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176 NOUS SOMMES DE RACE DlVINE

Si nous sommes de race divine, montrons-le à ce

siècle qui se meurt d'incrédulité, en nous emparant

de l'invisible, en vivant de la foi au Christ crucifié et

ressuscité; - en sorte que, de chacune de nos vies

comme de chacune de nos morts, s'échappe l'irré­

sistible témoignage : c< Je sais d'ou je viens, je sais

ou je vais : venu de Dieu, je retourne à Dieu . »