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Nature, Culture et Architecture L’architecture de l’eau: les établissements thermaux Alberto Gatti Mémoire de master Janvier 2011 Directeurs de mémoire Jean-François Blassel Juliette Pommier Ecole d'architecture de la ville & des territoires à Marne-la-Vallée Document soumis au droit d'auteur

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Nature, Culture et Architecture

L’architecture de l’eau:

les établissements thermaux

Alberto Gatti

Mémoire de masterJanvier 2011

Directeurs de mémoireJean-François Blassel Juliette Pommier

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Alberto Gatti

Mémoire de master Matières à penserJanvier 2011

Directeurs de mémoireJean-François Blassel Juliette Pommier

Je tiens à remercier Jean-François Blassel et Juliette Pommier pour leur constante attention pédagogique; toutes les personnes qui m’ont soutenu dans ce travail pour leur aide, et Luigi Giussani pour son éducation qui m’accompagne précieusement

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Introduction 7

1. Thermae Bath Spa 15

1.1 Site: la Rome du Royaume-Uni 15

1.2 La culture thermale romaine: la splendeur des thermes 17

1.3 Stratégie: revitaliser la ville et récupérer son histoire 19

1.4 Programme: le déploiement entre nouveau et existant 21

1.5 Matérialité: contraste et harmonie 23

1.6 Conclusion: un dialogue provoquant 24

2. Terme Merano 27

2.1 Une ville liée à son climat 27

2.2 Le phénomène des villes d’eaux : la qualité de l’environnement 29

2.3 Un établissement à l’échelle urbaine 31

2.4 Couler vers la végétation 33

2.5 Un jeu de pleins et de vides 35

2.6 Un contexte hérédité et revitalisé 36

3. Therme Vals 39

3.1 Eau, pierre et montagne 39

3.2 Le labyrinthe dans la montagne 39

3.3 Une scénographie «naturelle» 41

3.4 Les hammams 43

3.5 Matérialité : moitié pierre, moitiè eau 49

3.6 L’évocation d’un endroit au dehors temps 50

4. Termas Geometricas 53

4.1 Au milieu d’un parc national volcanique 53

4.2 Les thermes au Japon 53

4.3 La géométrie posée sur le paysage 55

4.4 Une succession d’événements 57

4.5 Légèreté et solidité, l’éphémère et l’appartenance 59

4.6 Admirer la nature 61

Conclusion 63

Bibliographie 69Ecole

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« Les architectes entretiennent depuis longtemps des liens subtils avec l’eau »

(Francis Rambert2006)

This research bud from the desire to discover whether there is a deep link

between the architecture which present her self as a solid, perpetual and static

thing and, at the opposite side, a flowing, changeable and mysterious element as

the water.

The architecture which characterize the thermal spas seems to find an answer to

this question. This one is actually characterised by some elements that make it

unequalled: the close link with the natural source of thermal water which

establish the relation of affiliation to the place, and the program of functions the

it takes in its structure that want to stress the various contact between water and

human body.

This essay will study and analyse the features of the contemporary thermal

architecture and will try to concentrate and answer in particular at a main

question: which type of relation this one establishes with the context where it

stands?

The purpose of this work is not to exhaust completely the thermal topic, but to

let emerge some hypothesis about the relations that linked the place, program

and project in the architecture of the today’s wearing places.

Abstract

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Résumé

« Les architectes entretiennent depuis longtemps un lien avec l’eau » ( Francis

Rambert 2006 ).

Cette recherche est née du désir de découvrir s’il existe un lien profond entre ce

qui se présent solide, constant et immuable ( l’architecture) et un élément qui est,

au contraire, tout à fait insaisissable, mutable et mystérieux telle l’eau.

L’ architecture qui caractérise les établissement thermaux semble pouvoir

répondre à cette question. Cette dernière est en effet déterminée par certains

facteurs qui la rendent unique: le strict lien avec la source naturelle de l’eau

thermale qui en établie le rapport d’appartenance au lieu, et les multiples

fonctions qui sont accueillie au sien d’elle même qui visent à exprimer le contact

entre l’eau et le corps.

Ce mémoire se concentre donc sur l’étude et l’ approfondissement des

caractéristiques de l’architecture thermale contemporaine, tout en essayant de

répondre surtout à une unique question: quel type de rapport elle établie avec le

contexte dans le quel elle se trouve?

Ce travail ne prétend pas expliquer de façon intégrale le sujet des thermes ici

traité, mais, son but, est plutôt celui de faire émerger certaines hypothèses

concernantes les rapports qui lient le site, le programme et le projet dans

l’architecture des établissement thermaux d’ aujourd’hui.

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Ce mémoire naît de l’intérêt et la passion pour un élément naturel à la fois très

simple et profondément mystérieux : l’eau. D’un côté pour l’élément en soi-même:

son immatérialité, sa pureté, son ambiguïté. De l’autre pour sa manière unique

d’entrer en rapport avec les éléments de la nature : sa caractéristique de prendre

la forme de son récipient, de pouvoir se mêler à n’importe quelle matière, goût,

couleur et odeur, et sa capacité de se transformer avec les changements de

température. La passion pour l’eau naît aussi sans doute de ma longue expérience

en tant qu’étudiant dans la ville de Venise : un endroit en dehors du temps, où le

dialogue entre l’eau et l’architecture raconte une histoire millénaire. Un paradoxe

qui devient réalité : construire sur l’eau, se poser sur ce qui n’est pas solide, défier

l’insaisissabilité de cet élément et y construire une ville.

Eau et Architecture.

L’histoire qui lie l’eau et l’architecture est, de même, millénaire. «Les architectes

entretiennent depuis longtemps des liens subtils avec l’eau»1 disait Francis

Rambert. Le directeur de l’Institut français d’architecture présentait par ces mots

l’exposition «L’eau, source d’architecture» organisée à Paris en 2006. «La tentation

de poser leurs bâtiments sur l’eau est comme une quête de symbiose entre le

fluide et l’immeuble», expliquait-il. L’exposition, qui réunissait soixante-dix projets

internationaux, était divisée en six grands thèmes : «Conquête et reconquête» :

comment l’architecture réinvestit les bords de la mer, de fleuves et des rivières, à

travers des projets comme celui de l’agence MVRDV dans l’opération Silodam à

Amsterdam. Dans «Célébration», des exemples comme celui de la Plateforme en

mer Baltique des White Architectes, montraient la mise en scène de l’eau par les

constructions. Dans «En symbiose avec le paysage», on parlait de l’intégration de

l’architecture à l’environnement, alors que dans «en toute intimité», on montrait la

possibilité pour la construction de se poser de façon délicate sur l’eau. «L’eau

miroir» relatait l’attitude qui met en valeur une architecture par la surface

réfléchissante de l’eau (Modern Art Museum of Fort Worth, Tadao Ando), et enfin

«l’eau traversée» montrait des projets qui méritent la double appellation

1 Francis Rambert, L’eau, source d’architecture, Paris, exposition 2006

Introduction

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d’ouvrage d’art et d’espace public.

Un aperçu du contenu de cette exposition est déjà suffisant pour se rendre

compte de l’extraordinaire énergie créative suscitée par l’eau, et de la richesse

étonnante que le dialogue entre eau et architecture peut produire. On pourrait y

ajouter beaucoup d’autres exemples. L’eau en effet se présente en tant qu’élément

fondamental même dans l’architecture du paysage, des parcs contemporains et

des jardins historiques. On pourrait également observer les nombreuses

civilisations qui, au cours de l’histoire, ont su développer une architecture

technique assez sophistiquée pour la gestion et la conservation de l’eau : on

pense aux premières grandes œuvres d’ingénierie civile romaines, ou, même

avant, aux systèmes mis au point par les premières grandes civilisations, où l’eau

avait un rôle extrêmement précieux, en tant qu’élément d’importance vitale. On

pourrait penser aussi à l’histoire qui lie l’eau et la ville : la présence de l’eau est

extrêmement liée au développement urbain des villes traversées par un fleuve

(Paris, Londres, Amsterdam…), et des villes de bord de mer, avec le rôle central du

Water front (Barcelone, Lisbonne, Liverpool…).

En reprenant l’exemple de Venise, il serait également intéressant d’observer le

fascinant rapport que les bâtiments vénitiens ont établi avec l’eau des canaux et

de la lagune : la façade principale des immeubles ouverte sur le canal, l’eau qui

pénètre le rez de chaussée en donnant vie à de merveilleux épisodes

d’architecture historique et contemporaine (à titre d’exemple, on peut citer la “Ca’

d’Oro” sur le Canal Grand ou la plus récente bibliothèque “Querini Stampalia” de

l’architecte italien Carlo Scarpa).

L’architecture de «l’eau et le corps.»

«Être au bord de l’eau ne suffit pas, c’est l’interaction entre le bâti et l’élément

liquide qui importe»2 disait encore Francis Rambert.

Certains bâtiments ont développé ce dialogue à un autre niveau, plus en

profondeur. Il s’agit de l’architecture qui permet à l’homme de vivre un contact

direct avec l’eau : en font partie des structures du genre piscines, parcs

aquatiques, centres de bien-être ou établissements thermaux. On peut se rendre

compte tout de suite qu’il existe quelques différences essentielles avec les

exemples cités jusqu’à présent : l’eau entre à l’intérieur de l’architecture, elle la

pénètre dans toutes ses parties, elle coule dans son intérieur, ou elle s’arrête dans

ses bassins. Mais ce n’est pas, comme dans le cas des infrastructures hydrauliques,

pour un but fonctionnel, ou pour des fins esthétiques ou décoratives, car ce qu’on

célèbre dans ces bâtiments est plutôt le contact entre le corps humain et le

«mystérieux» liquide. Bien-être physique, soin pour certaines pathologies,

détente, délassement, amusement ou simple moment de repos sont les raisons

de la recherche de ce contact. L’architecture se plie vers ces demandes, et elle

célèbre l’eau et exalte son contact avec le corps. Mais si jusqu’à environ il y a vingt

ans ces bâtiments se distinguaient les uns des autres par les différentes manières

d’utiliser l’eau, aujourd’hui la tendance diffuse est celle de concevoir des

structures qui répondent en même temps aux multiples buts et types d’emploi

2 Ibid.

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que celle-ci permet de satisfaire.

Il y a cependant un singulier et remarquable genre d’eau qui possède certaines

propriétés qui le rendent unique, et qui établit pour cela un lien plus intense et

profond avec l’architecture qui l’accueille : l’eau thermale. Elle se trouve à

plusieurs centaines de mètres sous le niveau du sol, elle se réchauffe au contact

de la chaleur de la terre, elle acquiert des propriétés spéciales en se mélangeant

aux caractéristiques minérales des roches, et finalement elle sort librement à

l’extérieur sur la surface de la terre. Les propriétés des eaux sont dues à différents

facteurs qui en constituent l’essence : type de roche, quantité de chaleur,

profondeur et temps qu’elles passent dans le sous-sol. Pour cela chaque eau

thermale est une ressource précieuse et unique à un endroit précis.

L’architecture des établissements thermaux est par conséquent unique par sa

capacité d’accueillir et de rendre accessible à l’homme le contact avec l’eau dotée

de ces propriétés. Son originalité est due aussi au fait que ces bâtiments naissent

et se développent dans une symbiose constante avec la source thermale, à

laquelle ils sont profondément liés depuis leur origine et pendant tout le temps

de leur activité.

Problématique

À travers ce mémoire, nous entendons nous interroger et approfondir, pour les

raisons explicitées jusqu’ici, l’architecture des établissements thermaux. Les

thermes ont une histoire architecturale millénaire, faite de populations, cultures

et lieux géographiques différents les uns des autres. Cependant, cette étude est

caractérisée par une préoccupation contemporaine : que sont les établissements

thermaux d’aujourd’hui ? Que cherchent ceux qui se rendent aux thermes ? Qu’y

trouvent-ils ? Quelle architecture caractérise ces bâtiments ? Afin d’apporter

quelques éléments de réponse à ces questions, mais dans la conscience de

l’impossibilité d’épuiser l’objet d’étude, nous avons choisi d’étudier l’architecture

thermale contemporaine à travers une préoccupation principale : quel genre de

rapport établit-elle avec le contexte dans lequel elle se trouve ?

L’hypothèse de ce mémoire consiste en effet en affirmer qu’il existe un lien direct

entre la nature des établissements thermaux et le rapport que ceux-ci établissent

avec le contexte (naturel, urbain, culturel) dans lequel ils se trouvent. Autrement

dit : les facteurs qui caractérisent ce genre de bâtiments (le lien fort avec la source

naturelle et le type d’activité qu’ils accueillent à leur intérieur) sont déterminants

au point d’engendrer un certain type de rapport entre architecture et contexte.

Quel est ce rapport ? Quel type d’approche au contexte cherche-t-on à mettre en

évidence ? Quels sont les outils, matériaux, stratégies mis en place pour lui donner

forme ? A travers la lecture des quatre cas d’étude présentés, on cherchera à

mettre en évidence le fil rouge qui lie des stratégies de projet très différentes les

unes des autres. La recherche ici présentée ne se concentrera pas sur l’aspect

formel des projets, mais essayera plutôt d’étudier et comparer ces réalisations afin

de comprendre une approche qui précède les choix concernant la forme. Quel

type d’approche du rapport architecture-contexte les architectes des projets qui

seront présentés par la suite veulent-ils mettre en valeur ? Pourquoi ?

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L’argumentation sera complétée par l’ajout de l’étude des traits fondamentaux

des cultures ou des moments historiques qui ont marqué le plus le

développement des thermes dans l’histoire. Cette opération se révèle en effet

nécessaire, car elle permet de mieux saisir le contexte historique et théorique,

pour aboutir à la compréhension du phénomène thermal de manière plus

générale.

Le choix des cultures auxquelles les différents projets présentés se réfèrent a été

fait de manière arbitraire. Cependant il a été déterminé par le constat personnel

que ces cultures présentent les éléments qui déterminent le plus les solutions des

projets contemporains. Il ne s’agit pas systématiquement d’une réinterprétation

du modèle culturel par la nouvelle intervention et, pour cette raison, ces

références ne seront pas examinées à la lumière de la problématique qui

caractérise l’étude des projets contemporains. Le lien entre les bâtiments

présentés et les cultures respectives ne reste pas constant au cours des quatre

cas : dans l’un entre eux, c’est l’architecte même qui révèle son modèle de

référence et s’en approprie (les Thermes de Vals et la culture islamique), dans

d’autres c’est le contexte qui détermine une approche comparable (Bath avec les

thermes romaines, et Merano avec les villes d’eaux européennes), et dans le

dernier cas, on a décidé d’expliciter le lien par des caractéristiques communes

entre le projet et le modèle culturel (les Termas Geometricas et la culture thermale

japonaise). Pour deux des projets étudiés enfin (et notamment pour les thermes

de Bath et les thermes de Merano), cette opération coïncide avec une autre

question importante concernant l’attitude vis-à-vis du contexte : quel type de

relation l’architecte décide-t-il d’établir avec les architectures thermales déjà

présentes dans le site ?

Plan

Nous avons choisi de construire la structure de cette argumentation selon un plan

simple : les cas d’étude seront présentés l’un après l’autre, avec des conclusions

partielles qui mettent en évidence ce que chaque projet révèle par rapport à la

problématique de référence. Nous analyserons en outre les différents projets

selon une structure comparable, à travers l’organisation en cinq points communs,

qui constitueront des thématiques dans le discours : le site (décrit dans ses

caractéristiques et dans la particularité de l’eau thermale propre à chaque

localité), la culture (selon la modalité précédemment explicitée), la stratégie

générale de projet (dans le rapport à l’existant), le programme (examiné à travers

la méthode de la séquence dans une promenade architecturale qui traverse les

différents espaces du bâtiment), la matérialité (avec la tentative de comprendre le

choix des matériaux en rapport avec le sens du projet). Chaque thématique est

ponctuellement confrontée à la problématique principale : quel type de rapport

l’architecture thermale établit-elle avec le contexte dans lequel elle se trouve ?Ecole

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1. Thermae Bath Spa

1.1 Site: la Rome du Royaume-Uni

«Thermae Bath Spa constitue le seul établissement thermal du Royaume Uni qui

offre la possibilité de se plonger dans des eaux thermales provenant d’une source

naturelle. On dit que l’eau de cette source provient des pluies d’il y a 10.000 ans,

qui se sont écoulées ensuite à la profondeur de deux kilomètres sous le niveau du

sol, où elles ont subi un premier processus d’échauffement à travers le contact

avec des roches à une température très élevée, et un deuxième phénomène de

réchauffement en raison de la rupture de certaines couches de calcaire présentes

dans le sous-sol de la ville.»1

Bath est une ville petite mais très connue du Royaume-Uni, fondée par des

populations celtiques à une époque ancienne. Les Romains, en exploitant les

qualités exceptionnelles de ses «Aquae Sulis», en firent un important centre

d’activité thermale. Cela restera pour toujours sa principale attraction, et

constituera la raison d’un important développement de l’activité touristique. Les

grands projets architecturaux du 18éme siècle, au moment de son apogée, lui

confèreront un caractère architectural très fort et original de style Géorgien qu’on

retrouve encore aujourd’hui. L’Unesco a déclaré récemment la ville patrimoine

mondial de l’humanité.

Dans cette improbable ville anglaise, on s’efforce de conserver avec soin les

qualités historiques qui la rendent unique dans le pays, comme par exemple

l’incroyable musée des Thermes Romains. Sur les restes de l’établissement thermal

romain d’origine, en grande partie encore visible, a été installé un parcours de

musée qui permet de se plonger dans les endroits de l’ancienne culture thermale

pour en comprendre les origines et les caractéristiques.

L’établissement thermal analysé par la suite n’est pas une réinterprétation du

modèle romain des thermes, mais il possède certaines caractéristiques

communes qui les rendent proches : d’une part, la localisation urbaine de

l’établissement et par conséquent l’absence d’un contexte naturel végétal ;

1 Emilio Faroldi, Terme e Architettura: progetti, tecnologie, strategie per una moderna cultura

termale, Maggioli Editore, Milan, 2008, p. 149

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II . Le siteL’emplacement de l’établissement dans un contexte urbain dense

I . Le contexte urbain de BathL’homogénéité de l’architecture d’une ville unique dans son pays

II

I

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17Thermae Bath Spa

d’autre part, les origines romaines de la ville et le rôle central que l’activité

thermale a joué tout le long de l’histoire de Bath rendent la petite ville anglaise

très attachée à la capitale de l’empire romain. En outre, les caractéristiques du

nouvel établissement, comme nous le verrons par la suite, mettent en évidence

l’évocation du souvenir des origines romaines de Bath et de ses thermes, et

fondent la particularité du bâtiment sur le rapport avec cette mémoire. C’est

pourquoi nous avons tenu à rapprocher les deux exemples, ce qui nous permet

également de montrer les traits fondamentaux qui caractérisaient la culture

thermale romaine.

1.2 La culture thermale romaine, la splendeur des thermes

Bien que les thermes soient nés à l’époque grecque, ce furent les Romains qui les

amenèrent à leur degré maximal de splendeur. À Rome, le bain acquit ses lettres

de noblesse comme une fin en soi, lié au bien-être et au plaisir qu’il procurait ; cela

le différencie de la fonction hygiénique et tonifiante qu’il avait dans le monde

grec, où il était lié à l’activité physique dans les gymnases.

C’est pourquoi les romains construisirent des établissements bien plus grands que

les premiers bâtiments dédiés aux thermes. Ces structures de caractère urbain,

qui se dressaient le long de la plus importante voie de la ville, devinrent des

endroits centraux de la vie publique romaine. On se rendait aux thermes pour se

laver, mais surtout comme activité de distraction ; ainsi, autour des bassins pour

les bains se développa un programme complet d’activités, qui prévoyait des

activités liées à la culture, au bien-être, et au sport.

Ce furent toujours les romains qui développèrent le système de la succession des

bains aux différentes températures qui caractérise encore aujourd’hui de

nombreux centres thermaux : frigidarium (bain froid), tepidarium (bain tiède), et

caldarium (bain chaud) constituait un parcours des bassins du plus froid au plus

chaud, qui donnait au corps des baigneurs une extrême sensation de

délassement.

Aux Romains revient également le mérite de porter le système technique à un

degré élevé d’organisation, tant pour ce qui concerne le système de distribution

de l’eau que pour celui du chauffage. Ils perfectionnèrent le système dit

«ipocausto» (l’air est chauffé dans une pièce, et pénètre dans les espaces des

bassins par le plancher qui se trouvé surélevé sur de petites piles de briques), et ils

inventèrent celui qu’on appelle «tubuli» (l’air arrive dans les pièces à travers une

cavité située dans l’épaisseur du mur).

Au niveau de l’organisation spatiale, les installations balnéaires, en tant

qu’élément générateur de l’architecture thermale, étaient groupées au cœur du

bâtiment et les espaces destinés aux exercices physiques, à la culture et aux

services rejetés sur le pourtour. La monumentalité, la symétrie et la rationalité

devinrent des caractéristiques essentielles des bâtiments thermaux. À l’intérieur,

l’architecture des salles exprimait un lien direct avec leur fonction. Le contraste

était grand entre les dimensions du frigidarium et celles des salles chaudes, dont

le volume d’air destiné à être chauffé devait être le plus petit possible. Le

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III . Plan masse L’emplacement du projet dans les bâtiments historiques

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19Thermae Bath Spa

frigidarium était donc toujours la salle la plus monumentales des thermes, et aussi

la plus décorée. En revanche, le plan des salles chaudes était plus varié

(rectangulaire, carré, polygonal, circulaire) que celui des frigidariums, presque

toujours rectangulaire. Le mode de couverture de toutes ces salles était

généralement la voute d’arêtes, parfois la coupole.

L’expansion territoriale de l’empire romain permit de répandre partout en Italie,

en Europe et même plus loin le modèle des thermes. Si, à Rome, les thermes

avaient des dimensions exceptionnelles, les Romains construisaient dans les

terrains militaires des provinces des établissements simples, qui, dans certains cas

se développèrent par la suite. Contrairement aux établissements urbains, ils

surent exploiter au dehors de la capitale les sources naturelles d’eau thermale à

l’endroit même où elles jaillissent, avec des bâtiments qui s’organisaient sur les

mêmes principes, et auxquels on ajoutait les bassins thermaux. Dans ces lieux, ils

développèrent de véritables soins thérapeutiques en commençant à mieux

connaitre les propriétés minérales des eaux, avec des méthodes qui, au début,

étaient liées à la connaissance médicale grecque. Ce phénomène donna vie à la

pratique du thermalisme thérapeutique. Bath est un de ces lieux.

1.3 Stratégie: revitaliser la ville et récupérer son histoire

Les thermes de Bath dessinés par l’agence Nicholas Grimshaw and Partners en

2002 se dressent au centre du tissu historique de la célèbre ville anglaise.

«L’objectif du projet était de rendre à la ville sa propre identité de station thermale

après des années de totale inactivité, en valorisant à nouveau les sources

thermales naturelles à travers une intervention de récupération et

d’agrandissement apte à relancer d’une part l’établissement thermal et son

activité historique, et de l’autre la ville entière à l’intérieur d’un secteur en fort

développement tel que le tourisme. »2

Le but de l’intervention est donc de revitaliser le quartier thermal qui, vers la fin

des années 70, avait connu un effondrement de sa fonctionnalité séculaire. Il

s’agit d’un projet complexe, réalisé avec Donald Insall and Partners comme

responsables des parties de récupération et de conservation. Bath Spa prévoyait

la réalisation d’un nouveau bâtiment (le New Royal Bath) et la récupération-

restauration de cinq bâtiments de valeur historique : le Cross Bath, le Hot Bath, le

Hetling Building, le 7-7° Bath street et le 8 Bath Street. L’intervention prévoyait la

liaison fonctionnelle de toutes ces unités (sauf pour le Cross Bath qui reste isolé

en face du nouveau complexe thermal), et la création de nouveaux espaces

connexes à ceux-là, capables d’accueillir les activités les plus modernes en termes

de bien-être thermal.

Comment intégrer les exigences fonctionnelles d’un centre thermal moderne

avec la présence d’un nombre assez élevés de bâtiments à protéger? Grimshaw

propose une stratégie sans compromis dans laquelle les nouvelles parties

construites sont clairement identifiable par rapport aux préexistences historiques,

et capable de dialoguer avec elles sans crainte révérencielle. Le volume principal

2 Marco Imperadori, La rinascita delle terme di Bath, in Arketipo, n° 102, octobre 2007, p. 72

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IV . Plan et coupe La sequence dans le bâtiments montre le programme entre ancien et nouveau

IV

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21Thermae Bath Spa

du nouveau bâtiment, même s’il se dresse entre les bâtiments historiques,

respecte les gabarits des constructions qui l’entourent. Cependant, le recours aux

formes géométriques fortes et clairement reconnaissables, insérées ou alternées

aux architectures historiques, donne lieu à un fort détachement formel entre le

nouveau et l’existant. « Une tension continue au sens de cohésion spatiale

obtenue grâce aux matériaux employés permet la coexistence du nouveau et de

l’ancien établissement thermal. »3

1.4 Programme: le déploiement entre nouveau et existant

L’organisation spatiale des activités qui constituent le programme est déterminée

par deux facteurs principaux : d’une part, la taille limitée de la parcelle disponible,

qui rend nécessaire de disposer verticalement certaines activités. De l’autre, la

demande de fondre les nouvelles fonctions du centre thermal avec les structures

historiques existantes datant de la fin du 18éme siècle (qui évidemment ne sont

pas démolies et remplacées). Ce deuxième aspect se traduit dans le choix

d’exploiter ces espaces pour les lieux dédiés aux bassins, de façon à permettre aux

nouveaux clients de se trouver, au moment du bain thermal (sauf pour ce qui

concerne la piscine aux pieds du nouveau volume) en contact direct avec la

mémoire historique de la ville. La disposition des espaces qui en résulte est donc

un jeu continu dans la succession entre le nouveau et l’existant, dans un dialogue

qui valorise la mémoire du lieu.

L’accès au nouvel établissement se matérialise en symbiose avec la structure

historique existante. Il est caractérisé par une ample façade vitrée qui s’insère

entre les pierres de l’architecture géorgienne, et il est précédé par la puissante

colonnade classique qui soutient le bâtiment du 18éme. De cette manière l’accès

aux thermes acquiert un caractère ambigu entre ancien et nouveau, et exprime

tout de suite la volonté de dialoguer avec l’architecture historique du lieu.

Au niveau du rez de chaussée se trouvent une partie des vestiaires et certains

espaces de service. A partir de là, les clients peuvent atteindre la piscine principale

aux formes sinueuses en accédant à un demi-niveau inférieur, et effectuer la

liaison et l’accès à l’ancienne structure du Hoth bath qui se trouve au même

niveau. Les espaces de ce dernier sont caractérisés par une division cellulaire,

symétrique, organisée au tour de la piscine centrale. Une nouvelle couverture

légère et vitrée a été posée dans la cour de la piscine, au-dessus de la surface de

l’eau, évoquant l’image d’origine d’un bain thermal à ciel ouvert. L’architecture

originelle a été restaurée avec une grande sensibilité, afin de permettre aux

nouveaux clients de se plonger dans l’expérience d’un bain entre les murs

historiques de la ville. Ont été traités de la même manière le bassin et les pièces

du Cross Bath, autre trace historique de l’établissement, situé juste en face des

thermes dans une petite structure isolée.

Les activités dédiées aux soins du corps et à la détente sont disposés

verticalement sur trois niveaux. Le volume qui les contient se détache visiblement

du reste du bâtiment pour laisser pénétrer la lumière jusqu’en profondeur. De

3 Ibid., p. 73

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V . Les vues de la séquence

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23Thermae Bath Spa

cette manière, ces espaces sont indépendants de la structure existante. En

parcourant en vertical le bâtiment, on peut ainsi croiser les bains de vapeur, les

salles de massage, celles de traitements spéciaux, le gymnase et d’autres activités

caractérisées par un soin attentif à chaque détail.

Le tout culmine dans la piscine spectaculaire en plein air, posée sur la couverture

du nouveau volume, dans laquelle on peut jouir d’un magnifique bain thermal

tout en admirant de haut l’architecture unique de la ville de Bath, en appréciant la

présence en premier plan du clocher gothique de la Bath Abbey.

1.5 Matérialité: contraste et harmonie

Le caractère extérieur du bâtiment est déterminé par l’emploi de deux matériaux :

la pierre de Bath de couleur beige et les grandes façades vitrées. L’utilisation du

verre joue sur l’ambiguïté du matériau : c’est un élément qui crée un forte

constraste à l’intérieur d’un contexte déterminé par la pierre et, en même temps, il

cherche un dialogue avec l’architecture géorgienne qui l’entoure à travers la

réflexion sur ses surfaces. De plus, sa capacité de rendre liquide la matière qui se

réfléchit sur ses surfaces, et ses tonalités vert-bleues rappellent le lien profond

entre cette architecture et l’eau. Les façades vitrées consentent également de

créer un effet de serre qui permet d’accumuler la chaleur provenant de l’extérieur

sur les murs massifs et sur les sols en pierre de l’intérieur. L’idée de créer des

surfaces courbes qu’on retrouve pour les façades externes ou dans plusieurs

éléments de l’intérieur confère une cohérence formelle à l’intervention mais

exprime aussi sans doute la volonté de se détacher de l’orthogonalité des parties

existantes.

Les matériaux utilisés pour l’intérieur sont surtout l’acier inoxydable (au niveau

structurel), la pierre de Bath pour les revêtements, et le granit ou la pierre de York

pour les pavages. La structure des façades vitrées est faite par un système spider

qui permet d’obtenir une grande transparence. Celle-ci est cependant habilement

contrôlée à différents dégrés selon les différents espaces, pour garder l’intimité

des occupants et des habitants voisins des quartiers résidentiels. Les pièces de

l’intérieur, en effet, sont en général introverties, et l’usage du verre permet de faire

entrer en grande quantité la lumière naturelle. Les différences de niveaux entre les

bâtiments sont résolues par des connexions, souvent en métal et en verre, qui

permettent une osmose spatiale continue entre nouveau et existant. La vue ne

s’ouvre complètement vers l’extérieur qu’au dernier étage, où l’on trouve la

piscine à ciel ouvert. « Transparence, géométries solides et intensité de la lumière,

qui change avec une grande fréquence en Grande-Bretagne où les nuages

courent rapidement, permettent des contrastes dramatiques entre pleins et vides,

lumières et ombres, transparences et réflexions/réfractions qui se réverbèrent

dans l’eau des piscines et des bassins. »4

4 Ibid., p. 72

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Nature, Culture et Architecture · Alberto Gatti24

1.6 Conclusion: un dialogue provoquant

Grâce à cette intervention, Bath a retrouvé son cœur vivant. Le nouvel

établissement reçoit chaque jour de nombreux clients qui peuvent vivre une

expérience thermale unique en se plongeant dans les activités qui se déroulent à

travers les nouveaux espaces et l’architecture historique des thermes de la ville.

Le projet des nouveaux thermes a une importance vitale pour la ville de Bath. Ce

qui est en jeu est beaucoup plus qu’un centre de bien-être : c’est l’identité de la

ville. L’eau thermale, comme l’histoire nous l’a montré, constitue son trésor le plus

ancien et le plus cher, car c’est aussi l’élément qui a déterminé sa fondation. C’est

pour cette raison que l’on demandait au projet de pouvoir donner une nouvelle

vie à l’activité thermale et à la ville en elle même, dans une relation forte entre les

deux. L’architecte interprète ceci à travers une attitude provocante, courageuse et

assez forte, qui ne se limite pas à une restauration conservative. Il réalise une

architecture qui ne craint pas de se faire remarquer, mais qui n’exprime toutefois

pas le manque de relation avec le contexte. Au contraire, ce que Grimshaw a

voulu réaliser constitue à nos yeux un dialogue fort et constant entre le

contemporain et l’existant. (Cette recherche n’a pas pour but de juger la réussite

de l’intervention, mais d’essayer de comprendre les aspects de l’approche qui le

caractérise).

Les dimensions du nouveau bâtiment ne sont pas de nature à s’imposer sur le

contexte, mais plutôt à en chercher un dialogue constant. L’homogénéité forte de

l’architecture de la ville rend encore plus évidente la nature différente du nouvel

objet, qui n’y est pourtant pas étranger. On pourrait dire que l’un rend plus

évident l’autre, tout en parlant de la même origine : l’élément de diversité

perturbe l’unité en l’exaltant.

Au cœur du projet, il y a la mémoire du lieu, que l’architecte anglais met en

évidence de trois manières différentes : à travers un contraste au niveau formel

(les formes sinueuses et courbes à l’intérieur et à l’extérieur se détachent de

l’architecture régulière de l’existant), un dialogue à travers les matériaux (la pierre

exprime la continuité et affirme son appartenance à la tradition, tandis que le

verre s’en détache en parlant de sa contemporanéité et rend le complexe

clairement identifiable), et les choix au niveau du programme (les nouveaux

espaces et les activités se disposent entre la nouvelle et l’ancienne structure en

créant continuité et coexistence). L’eau constitue l’élément qui joue le rôle de

médiateur. Elle rend possible et intéressante la coexistence entre tout ce qui

s’identifie clairement comme nouveau, et ce qui conserve les traces historiques de

la ville, dans un dialogue provocant capable d’en évoquer la mémoire. «Cette

intervention montre ainsi qu’entre cristalliser un centre historique ou, encore pire,

le défigurer, on peut agir de manière concrète et courageuse en lui donnant

nouvelle vie.»5

5 Ibid., p. 74

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2. Terme Merano

Le projet pour les nouveaux Thermes de Merano doit sa particularité aux

éléments distinctifs du contexte dans lequel il s’inscrit. Les caractéristiques

physiques du territoire alpin, les particularités d’un climat particulièrement

bénéfique pour la santé et la végétation, et la présence d’une source naturelle

d’eau thermale ont joué un rôle fondamental dans le développement et dans

l’identité de la ville.

2.1 Une ville liée à son climat

L’histoire et la fortune de cette localité située au nord de l’Italie, à quelque

kilomètres de la frontière avec l’Allemagne, est liée à une ancienne tradition

touristique comme centre de soin et lieu de vacances. Même si elle se trouve

entourée par quatre importantes chaînes montagneuses aux altitudes

considérables, le terrain de Merano compte une altitude de seulement 325m

au-dessus du niveau de la mer. Le climat doux et protégé permet la croissance de

beaucoup de plantes exotiques qui ne pourraient survivre en aucun autre endroit

de la région alpine et, pour cette raison, Merano est une ville riche en végétation.

Scientifiques et médecins ont toujours conseillé la ville pour les caractéristiques

bénéfiques de ce climat sur la santé, et pour la qualité de l’air. Une série de

publications médicales et scientifiques dans les premières décennies du 19éme

siècle, qui rappelaient les différents avantages du climat de Merano, contribuèrent

au développement de la ville comme centre de soin, y compris au niveau

scientifique.

Le développement de l’image de la ville est du également au fait que les

nombreux et riches clients qui peuplaient Merano en quête de longs séjours de

bien-être, apportèrent avec eux l’exigence d’accompagner les structures pour le

soin de nouveaux bâtiments dédiés au divertissement, et provoquèrent la

transformation de la localité alpine en une ville connue aussi pour la vitalité de sa

vie mondaine.

Promenades, hôtels et bâtiments somptueux qui recevaient les différentes

activités de distraction furent construits au fil du temps et modifièrent l’image de

la ville (un exemple de cela est le célèbre Kurhaus, encore aujourd’hui en activité)

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Nature, Culture et Architecture · Alberto Gatti28

II . Le projetL’immense parc des thermes situé dans le cœur de la ville

I . Vue aérienneLe contexte naturel dans lequel s’inscrit la ville

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29Terme Merano

comme expression d’un nouveau modèle urbain et touristique qui se répandait

déjà depuis le 18éme siècle dans de nombreuses villes européennes : la ville

d’eau.

2.2 Le phénomène des villes d’eaux : la qualité de l’environnement.

L’accroissement des études liées aux propriétés thérapeutiques des eaux

thermales, lié à l’affirmation dans le domaine scientifique de l’hydrologie, et à un

intérêt renouvelé pour les établissements de thermes, menèrent, dans la seconde

partie du XVIIIème siècle, au renouvellement ou à la naissance de nombreuses

localités thermales.

Dans cette période, la fonction de la station thermale changea radicalement :

d’endroit dédié simplement à la distraction qu’elle était précédemment, elle

devint un lieu recherché pour un bien-être total, qui comprenait à la fois l’aspect

thérapeutique, physique et mental du concept de bien-être du corps.

Si le bâtiment thermal se spécialisa de plus en plus dans l’exploitation des

propriétés thérapeutiques des eaux thermales et concentra sa fonction dans son

aspect simplement curatif, certaines composantes consacrées à l’amusement qui

étaient intégrées dans l’établissement seront transférées ailleurs vers la fin du

siècle. Cet éclatement des fonctions contribuera à la naissance des villes d’eaux.

« Entre la fin du 18éme et les premières décennies du 19éme siècle, grâce au

développement des systèmes de transport publics, commença à se répandre

parmi la bourgeoisie, les artistes et les hommes de lettre, la mode du Grand Tour,

à la recherche de beautés naturelles et paysagères. Le sens du séjour thermal

changea : les buts curatifs se trouvèrent à cohabiter avec la recherche de

distractions et de mondanités. L’avènement de la révolution industrielle

accompagna une période de grands changements qui amenèrent à la

transformation des villes, dans laquelle se révélèrent immédiatement les effets

négatifs de la production mécanisée : d’où le désir de plus en plus fort de

retrouver le bien-être dans la nature, en dehors du milieu malsain des villes. »1

C’est dans ce contexte que se développent en Europe ces véritables villes de loisir

dans lesquelles, au même titre que l’assistance thérapeutique, garantie par la

présence des établissements localisés à proximité des sources naturelles, étaient

offerts plusieurs services et activités de distraction : parcs, jardins, casino, lieux de

rencontre et hôtels luxueux constituaient les éléments complémentaires de ces

localités magiques. On citera en exemple des villes comme Vichy et Aix-les-Bains

en France, Baden Baden en Allemagne, Salsomaggiore et Abano Thermes en Italie,

ainsi que des lieux touristiques liés au thermalisme situés dans des localités de

montagne, tels que St.Moritz ou Merano, caractéristiques pour leur climat

salutaire.

Les bâtiments dédiés aux soins thermaux de ces lieux devaient accueillir de

nombreux clients, et l’architecture thermale retrouva ainsi à nouveau des

dimensions importantes. Toutefois, en ce qui concerne leur aspect ne s’imposa

1 E. Faroldi, op. cit., p. 26

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Nature, Culture et Architecture · Alberto Gatti30

IV . Vue aérienneLes changements apportés par l’intervention

III . Vue aérienne

Le site avant le projet

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VI . SchémasLes nouvelles connexions urbaines crées par le nouveau bâtiment, qui se décale par rapport au précédent

V . Le site dans le cœur de la ville

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31Terme Merano

pas un modèle de référence prédominant, et ces bâtiments furent l’expression de

styles et de références très différents : «éclectique, vernaculaire, exotique allant du

byzantin au mauresque.»2 La nouveauté essentielle fut en revanche

l’investissement total de l’espace extérieur.

La promenade répondait à une nécessité thérapeutique précise, si bien que les

caractéristiques réclamées pour ces lieux devinrent les emplacements dans des

endroits scénographiques où la présence prépondérante de la végétation

apportait salubrité et plaisir esthétique : parcs et boulevards plantés d’arbres

devinrent les éléments indispensables dans le projet urbain de ces villes. «Le soin

de l’eau prévoyait de longs séjours auprès des établissements, des ingestions

fréquentes du liquide, des bains et de longues promenades dans le vert des parcs

et des boulevards, dans une synthèse de nature, architecture, santé et culture.»3

La valeur des caractéristiques naturelles du contexte dans lequel ces villes

naissaient était ce qui les rendait uniques, l’une différente de l’autre, et constituait,

comme l’explique l’architecte Emilio Faroldi, un facteur fondamental de leur

identité : « Qu’est-ce qui identifie la ville thermale ? Le fait que, dans ces villes,

quelque chose que nous pouvons appeler génériquement la «qualité de

l’environnement» devient un élément qui concourt, avec d’autres, à construire la

raison d’existence de cette ville, à construire aussi les principales raisons de son

développement, à lui donner une image, à lui donner une physionomie, une

identité. »4

De quelle manière les nouveaux Thermes de Merano se mesurent-ils à cette

importante tradition ?

2.3 Un établissement à l’échelle urbaine

L’administration communale organisa en 1999 un concours pour le projet des

nouveaux thermes, à cause de la crise du secteur thermal des années quatre-

vingt-dix. L’importance culturelle et historique des thermes pour la ville fit de ce

projet une occasion qui permit un renouvellement radical du caractère et de

l’image de Merano, en intervenant pour cette raison à une échelle urbaine. La

zone de concours, située dans la partie centrale de la ville, se présentait à la limite

de la vieille ville, et s’en détachait par le passage du fleuve Passirio et du Boulevard

des thermes parallèle. Le site, qui souffrait du manque de liaison avec le centre

historique et avec le Kurhaus (l’important bâtiment symbole de la ville thermale),

ne possédait pas un caractère urbain fort : au visiteur, les thermes apparaissaient

comme un parking et une vaste zone verte, en ne faisant pas transparaître

l’importance de l’établissement caché par la végétation et totalement détaché de

l’architecture urbaine de la ville. La valeur même de cet exceptionnel poumon

vert au cœur de Merano résultait, de cette manière, réduite.

La stratégie générale du projet adoptée par les architectes Baumann et Zillich

phase de conception se concentre, pour ces raisons, sur deux objectifs ambitieux :

2 Caroline Dupuich, L’ île des Thermes, EA Lille, 1997, p. 51

3 E. Faroldi, op. cit., p. 27

4 Ibid., p. 28

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Nature, Culture et Architecture · Alberto Gatti32

VIII . SchémaLes concepts forts du porjet: le bloc en pierre, la vue vers les montagnes et l’eau qui coule vers parc

VII . Plan

L’organisation horizontale du programme

VII

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33Terme Merano

revitaliser la zone entière d’intervention en créant de nouvelles liaisons urbaines

avec la ville, et récupérer le parc des thermes comme le fruit spectaculaire du

climat meranese.

« Le caractère anonyme et de faible valeur de l’ancien établissement thermal a

amené à la création d’une nouvelle image, contemporaine et à l’avant-garde pour

les Thermes, à travers le langage architectural d’une structure sensible, capable de

renforcer et améliorer les relations avec la ville et les espaces publics. »5

Le site est considérablement transformé : les nouveaux parkings souterrains et les

arrêts des transports publics représentent un élément fonctionnel de liaison

importante ; la barrière verte qui cachait l’établissement thermal est transformée

en une grande place publique ouverte et entièrement piétonne, capable de

mettre en contact visuel les deux parties de la ville.

Le Boulevard des thermes qui côtoie le fleuve récupère, de cette manière, sa

valeur historique de parcours et sert en même temps d’accès à l’établissement. La

nouvelle place entre les Thermes et l’hôtel invite à la pause, en se transformant en

un point de repère pour ceux qui arrivent du centre historique. Du côté opposé,

en outre, la place ouvre la vue et l’accès à la grande île verte qui enlace

l’établissement, composée du grand parc réservé aux clients des Thermes et

intégré par un espace accessible de la ville.

La requalification de cette zone fut un des aspects fondamentaux pour le projet.

Les architectes paysagistes Muller et Wehberg réorganisèrent et revalorisèrent la

végétation, afin de rendre à nouveau spectaculaire le contexte naturel dans lequel

s’élèvent les Thermes.

L’implantation du nouveau bâtiment elle-même souligne les deux objectifs qui

caractérisent le projet : il se rapproche du fleuve (par rapport au bâtiment

précédent qui est démoli) en devenant le noyau central de la nouvelle

configuration urbaine, changeant de position pour permettre également

d’augmenter les dimensions du parc. Les paroles de l’architecte Matteo Thun,

l’architecte qui a développé le projet en phase de réalisation, expliquent assez

clairement la volonté de l’ intervention : « Le cœur de l’architecture des Thermes

est constitué par un énorme cube en verre, qui semble annuler la frontière entre

intérieur et extérieur. Le visiteur des thermes peut vivre ainsi une expérience

naturelle absolument unique, avec le regard qui s’étend sur les montagnes

imposantes qui s’élèvent tout autour de Merano et en même temps sur le parc qui

s’étend sur 51.000 m2. »6

2.4 Couler vers la végétation

La disposition des espaces des nouveaux thermes est pensée en suivant une

direction principale. En exploitant les amples surfaces horizontales que la parcelle

possède en effet, elle suit la direction nord-sud qui caractérise les surfaces du

parc, et elle est réalisée par la succession d’éléments et d’espaces qui mènent de

l’artificiel vers le naturel. Comme un faible cours d’eau qui coule le long de la

5 Anna Foppiano, Nuove Terme Merano, in Abitare, n° 466, 2006, p.189

6 Veronica Marcelli, Le terme tra acqua e montagna, in Progetto&Pubblico, 2007, p. 31

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Nature, Culture et Architecture · Alberto Gatti34

IX . Dans la place au parc

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35Terme Merano

douce pente d’un terrain, cette disposition semble vouloir transporter doucement

le client de l’intérieur vers l’extérieur, et le mener au milieu de l’oasis végétale.

Le bâtiment thermal se développe sur cinq niveaux, trois accessibles au public et

deux enterrés, dédiés aux installations techniques. L’entrée principale est située

vers la nouvelle place Tappeiner, qui relie la promenade le long du fleuve aux

Thermes et à l’hôtel placé en face de ce dernier. Le hall d’accueil s’étend au même

niveau que la place, offrant une vue intérieure vers le niveau des bassins et

permettant au client une vision unitaire des activités qui se déroulent dans la

zone en open space de l’établissement. Aux étages supérieurs des volumes

opaques disposés de manière à enlacer sur trois côtés le cube en verre, s’articulent

les pièces réservées aux traitements de bien-être et au gymnase, ainsi que les

bureaux directionnels et administratifs : ces espaces peuvent profiter de la

lumière naturelle et de la vue sur les montagnes à la fois par ses façades, et à

travers le grand volume transparent du milieu.

La zone des bassins constitue le cœur de l’établissement. Cet espace se présente

comme un espace en pleine hauteur, enfermé dans une boîte en verre dans

laquelle s’articulent les bassins et les espaces de détente. À l’intérieur de celui-ci

se trouvent deux volumes en bois de formes simples, qui accueillent les salles de

détente dans des pièces acoustiquement isolées. À travers de minces coupes

verticales en verre, ils maintiennent un rapport constant avec l’intérieur et

l’extérieur du bâtiment.

Deux bassins intérieurs, différents par leurs dimensions, la qualité et la

température de l’eau, s’étendent à l’extérieur au-delà du mur en verre qui délimite

le cube, menant à la nouvelle terrasse sur le parc urbain. Les nombreux bassins

extérieurs, les espaces de détente dans la végétation et les amples surfaces

ouvertes dédiées aux promenades et au repos entourés par les cimes des alpes de

Merano, déterminent le véritable prolongement extérieur de l’établissement.

2.5 Un jeu de pleins et de vides

« Les matériaux utilisés ne sont pas nombreux, mais choisis attentivement par

l’architecte à travers le concept de “l’High Touch”: il exprime le désir d’un contact

tactile avec la matière et la nécessité qui en découle de penser l’objet architectural

à partir des matériaux qui le composent. Cette philosophie implique des

matériaux perceptibles à travers une approche sensorielle, avec les mains, les

pieds et les yeux.»7

L’acier joue le rôle structurel du cube en verre, en rendant possible la transparence

totale assez recherchée par l’architecte : une double peau en couverture permet

de contenir, dans l’épaisseur de l’interstice, la hauteur de la structure et les

systèmes de stores en tissu réglables automatiquement. Une grande attention a

été portée dans le projet sur la lumière qui, pendant le jour, inonde les espaces

intérieurs et, la nuit, exalte les volumes des piscines.

L’emploi de la pierre donne au contraire solidité à l’intervention, en rendant

encore plus fort le contraste entre la légèreté des éléments transparents et la

7 E. Faroldi, op. cit., p. 221

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Nature, Culture et Architecture · Alberto Gatti36

solidité des volumes opaques.

Deux différents types de pierre couleur sable revêtent à la fois les façades et les

pavages extérieurs et intérieurs des volumes opaques. Pierre de Vicence et Lion,

une pierre granitique, se prolongent aussi à l’extérieur du bâtiment dans les

surfaces du parc. Ce choix définit, avec l’extension des bassins au-delà des limites

du volume vitré, et la forte transparence des 5 façades du cube central, une

continuité nette entre intérieur et extérieur, dans un jeu d’ambiguïté déterminé

par la présence de l’eau. Ainsi, l’expérience du bain dans les eaux thermales de

Merano se fond avec le contexte qui les entoure, afin de réaliser ce que Matteo

Thun appelle «un endroit de dialogue transparent entre l’intérieur et l’extérieur,

de connexion entre montagnes et eau.»8

2.6 Un contexte hérédité et revitalisé

Le rapport que les nouveaux thermes de Merano établissent avec le contexte

prend forme, ainsi que nous nous sommes efforcés de le montrer, en trois

moments : la nouvelle configuration urbaine qu’elles définissent; l’importance du

parc comme partie intégrante de l’établissement, et l’usage des matériaux et de

l’eau comme éléments qui établissent la continuité entre intérieur et extérieur (et

entre artificiel et naturel).

Comme précédemment décrit, les «Terme Merano» ne sont pas simplement le

projet d’un bâtiment. En se situant au cœur physique du centre urbain et au cœur

de l’histoire de cette ville, les thermes constituent une forte intervention de

renouvellement urbain. Elles permettent de nouvelles liaisons, définissent de

nouveaux parcours et donnent vie à de nouveaux espaces publics. Les thermes ne

sont pas un nouvel équipement parmi les autres. Elles constituent l’identité même

de Merano, et l’attitude montrée par les solutions urbaines du projet est le signe

de cette perspective, qui cherche à valoriser non seulement le bâtiment mais le

visage et le caractère du lieu lui même.

Le parc des thermes est un deuxième signe, de manière différente, de l’affirmation

de l’appartenance de l’établissement à son lieu. Merano, en effet, est une ville

historiquement liée aux caractéristiques de son climat, qui l’a fait connaître

comme lieu de vacances liées à la santé. Le parc des thermes est l’héritier de cette

tradition. Ce n’est pas seulement un espace extérieur du bâtiment, il constitue

aussi un véritable prolongement à ciel ouvert de l’établissement, avec des

activités liées au bien-être, des espaces de repos, les promenades, les bassins et

les saunas immergés dans l’air pur et la végétation unique de cette localité aux

pieds des Alpes.

Enfin, l’emploi des matériaux. Si, à Bath, le choix du verre constituait le plus grand

élément de contraste avec le contexte, à Merano au contraire c’est vraiment le

verre qui permet une alliance totale avec le contexte naturel environnant. Quand

on se trouve à l’intérieur du volume des bassins et que la vue s’ouvre sur la

végétation et vers les montagnes environnantes, l’énorme cube vitré semble

perdre sa matérialité, et laisser la place à ces derniers, qui deviennent de

8 V. Marcelli, op. cit., p. 32

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37Terme Merano

véritables éléments du bâtiment.

Dans tout cela, l’eau est encore l’élément qui rappelle à l’unité. Le mouvement des

bassins d’eau qui traversent la frontière du bâtiment et se prolongent vers

l’extérieur du parc, contient comme une synthèse de l’approche architecturale des

thermes dans lequel les éléments forts dialoguent constamment. « Le lieu et son

âme deviennent les idées clé du projet : il existe un «genius loci» pour lequel

l’architecture des thermes amplifie la beauté naturelle de l’espace urbain. Le

projet de Merano ne se définit pas comme un exercice stylistique, mais il traduit la

synthèse entre existant, destination et topographie. »9

9 E. Faroldi, op. cit., p. 223

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3. Therme Vals

3.1 Eau, pierre et montagne

La Commune de Vals est située dans une vallée latérale de l’Oberland grigiones

(Surselva), encastrée entre les chaînes montagneuses des Alpes suisses à 1200

mètres d’altitude. Environ la moitié de la surface de la région est constituée de

prés, le bois couvre 8% de la vallée, et le reste est constitué par la roche et la glace.

Vals est l’une des communes les plus étendues et actives du canton des Grisons,

et doit son incroyable notoriété actuelle à une source d’eau thermale qui jaillit

naturellement à la température de 30°.

Les principales activités économiques de la Commune sont liées à ses richesses

naturelles : l’eau thermale exploitée dans les thermes ou embouteillée et

commercialisée ; le tourisme lié principalement à l’activité de ski autour du

Dachberg, et le gneiss de Vals, une pierre aux traits verts extraite et travaillée dans

les carrières locales, qui recouvre les toits de presque toutes les constructions de

la vallée.

En 1960, un entrepreneur allemand acheta la source et les terrains situés à

proximité, afin de réaliser un centre de soins lié aux propriétés des eaux et une

petite entreprise pour la commercialisation de l’eau (aujourd’hui encore en

activité). Suite à sa faillite, la Commune de Vals reprit aux débuts des années 80 les

5 bâtiments qui constituaient le complexe thermal et les structures de réception

de la société Hôtel und Thermalbad, dans le but de lancer le projet d’un nouvel

établissement thermae. En 1986, Peter Zumthor, architecte suisse encore peu

connu, fut chargé de développer le projet qui aurait dû prendre place entre les 5

bâtiments de la vieille structure, précisément là où jaillit la source.

3.2 Le labyrinthe dans la montagne

«Montagne, Pierre, Eau : construire dans la pierre, construire en pierre, construire à

l’intérieur de la montagne, construire au flanc de la montagne, être au cœur de la

montagne. Comment traduire toutes les acceptions et toute la volupté de ces

expressions en langage architectural ? C’est en essayant de répondre à ces

questions que nous avons conçu cet édifice qui, petit à petit, a pris forme sous nos

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Nature, Culture et Architecture · Alberto Gatti40

II . Plan masseLe bâtiment se détache des structures existantes

IV . Le gneiss de ValsLa carrière où est extraite et travaillée la pierre

I . Vue aérienneLe site de projet entre les montagnes

III . ValsLa pierre est le matériau qui domine la vallée

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41Therme Vals

yeux.»1

L’objectif de l’architecte suisse est clair : il ne veut pas construire simplement un

bâtiment. Les nouveaux thermes auront plutôt le caractère d’un parcours

«naturel» qui se déroule dans la masse de la montagne et qui sort à l’extérieur en

s’ouvrant vers la vallée. La stratégie qu’il met en place est fondée sur trois idées

fondamentales : encastrer une partie de l’établissement dans la pente de la

montagne, donner vie à un parcours intérieur avec des atmosphères de lumières

et des matériaux très forts et contrôlés, et donner forme, en ce qui concerne

l’extérieur, à un objet extrêmement lourd qui vit dans l’ambiguïté entre naturel et

artificiel.

La nouvelle construction s’enterre, pour cela, dans la pente de la montagne avec

laquelle elle forme une sorte d’ensemble, qui se matérialise dans un grand

volume en pierre englobé dans le vert. Un sujet solitaire qui ne cherche pas

l’intégration avec les structures existantes, pour laisser émerger ce qui est apparu

comme le sujet dominant depuis les premières phases du projet : « déclarer un

rapport intense avec la topographie du territoire. »2 Dans l’intention de

l’architecte, il y a l’envie de donner forme à un objet contemporain mais qui

apparaissent en même temps comme appartenant à cet endroit depuis toujours:

« une présence sans temps dans le paysage. »3

Le nouveau bâtiment, situé aux pieds de l’hôtel des thermes déjà existants,

apparaît comme un jeu intelligent et sublime de creusements dans la masse de la

montagne, dans l’idée «d’ouvrir la montagne et de créer une carrière»4 . La

structure se présente pour moitié cachée dans la pente, créant des espaces

intérieurs complètement aveugles d’un coté, et exposée vers le paysage de Vals

de l’autre. Observé de l’extérieur, le bâtiment apparaît comme un élément unique,

semblable à une grande pierre percée et découpée avec précision. C’est une

pierre construite en pierres, par une série innombrable de couches de roche

naturelle, de plaques de gneiss vert et bleu posées l’une sur l’autre dans une

succession de niveaux. Le jeu des pleins et vides qui caractérise la totalité du

projet définit aussi la façade du bâtiment, en affirmant sa matrice contemporaine

à travers la géométrie claire. Le plein des blocs de pierre alterne avec les vides des

terrasses ouvertes sur le paysage. La couverture est recouverte d’une surface

verte, géométriquement dessinée par la limite de la dimension des blocs, qui ne

se confond pas avec le caractère organique de la pente naturelle, mais en définit

la continuité. L’idée de créer une couverture accessible en continuité avec la pente

de la vallée renforce ultérieurement l’idée que les espaces sont creusés dans la

masse de la montagne.

3.3 Une scénographie «naturelle»

La disposition des espaces du programme est intelligemment pensée. L’architecte

construit pas à pas un parcours de façon à contrôler chaque atmosphère, lumière

1 Peter Zumthor, Le terme di Vals, in Casabella, n° 648, 1997, p.56.

2 Ibid., p.56.

3 Richard Copans, Architectures, Editions du Chêne, Paris, 2007, p. 140

4 Ibid., p. 141

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Nature, Culture et Architecture · Alberto Gatti42

VI . SchémaLe changement d’intensité lumineuse de l’intérieur vers l’extérieur

V . Plan et coupeLe parcours dans la carrière de pierre

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43Therme Vals

et perspective. La succession des pièces est dessinée comme un parcours qui

mène du cœur de la montagne, étroit et sombre, vers l’extérieur de la vallée,

ouvert et inondé de lumière. Les deux bassins principaux représentent ces

polarités: celui à l’intérieur, encastré entre les blocs de pierre, et celui à l’extérieur,

ouvert sur les cimes des montagnes.

Un long couloir étroit et bas, qui semble creusé dans la masse de la montagne,

mène à l’intérieur des thermes de Vals, en mettant en relation souterraine l’hôtel

des thermes et l’établissement. Une dilatation légère de l’espace constitue la

première pièce des thermes. Face à face se rencontrent les ouvertures des pièces

des vestiaires et un mur perforé de cinq tuyaux en cuivre qui, encastrés dans le

béton taché par le sédiment du cuivre, constituent cinq fontaines d’eau thermale.

L’atmosphère est sombre, peu lumineuse; conférant au lieu un caractère

mystérieux. À la sortie des vestiaires de l’autre coté, l’espace se dilate amplement,

acquérant une double hauteur sur l’espace qui mène aux bassins. La rampe mène

au niveau inférieur, en invitant à continuer par une descente douce. C’est là le

cœur du bâtiment : la pierre est partout, l’ambiance est encore peu lumineuse, et

des fentes qui semblent gravées dans la couverture laissent filtrer des rayons de

lumière naturelle qui pénètrent en profondeur la masse de pierre du bâtiment. La

hauteur de cinq mètres des volumes intérieurs évoque un paysage de falaises et

de failles dans lequel la disproportion avec les dimensions du corps humain

provoque une peur respectueuse et contemplative. La piscine principale contient

une eau à température de 32°, tiède et agréable : encastrée entre quatre blocs

monolithiques de pierre, elle est couverte d’une masse lourde de béton qui

semble se dématérialiser et flotter dans le vide à cause des lames de lumière

provenant de l’extérieur. Des petits trous dans le béton, laissant entrer une

lumière bleue, contribuent à créer une atmosphère mystique, provenant d’un

autre monde. « La mise en scène de la lumière du jour dans le bain intérieur

s’inspire des coupoles des bains orientaux et provient des petites ouverture

découpées dans la dalle de couverture suspendue librement entre les piliers.

Dans le bain turc du radas à Budapest les points lumineux sont en couleur, chez

nous, ils sont en verre bleu. »5

3.4 Les hammams

La mise en parallèle des thermes de Zumthor avec le modèle architectural des

hammams de culture islamique a été possible pour deux raisons : d’une part, c’est

l’architecte lui-même qui affirme cette origine, même si de manière très discrète ;

et deuxièmement, à cause de la ressemblance évidente des solutions au niveau

des ambiances.

Les hammams, dont la traduction littérale serait «diffusant de la chaleur», sont les

bâtiments publics dans lesquels s’exerce la pratique des bains dans les pays de

culture islamique. Développés à partir de la fin du 7éme siècle apr. JC

parallèlement à l’expansion islamique, leur origine est liée au modèle des thermes

romains, dont ils conservent certaines caractéristiques liées au programme, mais

5 P. Zumthor et H. Sigrid, Peter Zumthor : Therme Vals, Scheidegger & Spiess, Zurich, 2007, p. 45

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Nature, Culture et Architecture · Alberto Gatti44

VII . Salle chaude du hammam Cagaloglu, IstanbulLe jeu de lumière et l’atmosphère « mystique » typique des hammams

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45Therme Vals

aussi à certains traits propres à l’architecture orientale de l’empire persan.

L’appropriation et la transformation des formes, de la fonctionnalité et des usages

par rapport au modèle romain a pour origine la différence de sens et de valeur

attribués aux bains. Dans la culture islamique, l’idée et les pratiques d’hygiène

sont associées à l’idée de purification, et elles revêtent donc une valeur sacrée. « Il

s’agit de purifier et de spiritualiser les corps, de les rendre disponibles à la prière et

à son rythme, aux moments d’invocations et de méditation. »6 Pour cela, au lieu

de combattre l’institution et la diffusion des bains du modèle gréco-romain,

l’islam intègre les hammams à la pratique religieuse, en transformant leur fonction

d’origine en un rite de purification. L’eau, symbole de la pureté et don précieux de

Dieu, est l’élément qui peut purifier le corps de toutes ses impuretés, et le

préparer au moment de la prière. Cette manière différente de considérer la

pratique du bain est à l’origine d’une architecture extrêmement dédiée à la

préparation mentale, physique et spirituelle pour la contemplation.

Les hammams sont des établissements qui naissent à proximité des sources d’eau,

mais sont aussi pour la plus grande partie des constructions de caractère urbain

souvent localisées à proximité des endroits d’échange commercial et de majeure

vie de la ville. Leur importance est telle que dans chaque ville, dans la culture

islamique, il devait y avoir au moins un bâtiment dédié aux bains. Ils sont souvent

liés à la mosquée et, tout en étant un endroit de purification, ils participent aussi à

la vie sociale et à la cohésion de la communauté musulmane.

« De l’extérieur, l’architecture est le plus souvent assez massive, sobre, voire

austère. C’est un bâtiment sans fenêtres, qui ne se signale guère. L’ensemble de la

construction est conçu avec l’objectif de retenir au mieux la chaleur : l’épaisseur

des murs, les voûtes et les coupoles en couverture ainsi que les ouvertures

aériennes, parcimonieuses et restreintes. La vapeur chaude est, en effet, mieux

brassée grâce à l’emploi des coupoles, qui n’ont pas qu’une fonction esthétique

mais également technique. Le bain n’offre aucune vue directe depuis l’extérieur. »7

L’organisation des espaces intérieurs conserve une similitude avec le modèle

romain : la salle d’accueil est le premier espace et le plus grand. Souvent

cependant, elle accueille aussi les fonctions de vestiaires, de salle de repos et

parfois de massages. « L’architecture des hammams se compose de l’intérieur. Le

plan, caractérisé par une succession de pièces, donne à cette construction l’aspect

d’un labyrinthe. La composition interne des grandes salles est souvent symétrique

mais l’agencement des différents espaces varie d’un hammam à l’autre en

fonction du site d’implantation. »8

La lumière pénètre à l’intérieur toujours de manière zénithale à travers des

lanterneaux qui, en filtrant et en contrôlant l’intensité, créent une atmosphère

mystique d’extrême tranquillité. La salle froide et la salle tiède se succèdent

souvent dans une disposition de pièces labyrinthiques, jusqu’à atteindre l’espace

principal constitué par la salle chaude. Positionné à proximité de la chaufferie,

c’est l’endroit où les plus hautes températures sont atteintes, afin de provoquer

6 A.Bouhdiba, La sexualité en Islam, Puf, Paris, 1973, p.198

7 Jacques Geffrier, L’architecture du hammam au rythme des rites, Ecole d’architecture de Paris

Belleville, 2004-2005, p. 12

8 Ibid., p. 13

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Nature, Culture et Architecture · Alberto Gatti46

VIII . Le labyrinthe dans la pierre et l’eau

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47Therme Vals

une transpiration intense. L’espace est en général grand et surmonté par un dôme

d’où la lumière filtre à travers d’étroites ouvertures en verre. Caractérisée par un

grand banc en maçonnerie de température très élevée placé au centre, elle est

entourée de petites pièces plus ou moins ouvertes, qui servent pour les pratiques

plus intimes. « Le hammam n’a toujours qu’une seule entrée qui est également la

sortie. Le parcours d’apparence linéaire révèle, dans la pratique du bain, un

cheminement beaucoup plus complexe, fait de plusieurs allers et retours entre les

différentes salles. »9

Par ces rapides descriptions, on peut comprendre en quoi les hammams ont une

valeur totalement différente de celle des thermes de modèle romain. La beauté

de certaines solutions capables de donner forme à des atmosphères très intenses

et persuasives a fait que ces bâtiments ont pu devenir des modèles pour des

architectures de nature différente. « L’atmosphère chaude et humide du hammam

fait perdre au visiteur ses repères habituels et le pousse à une sorte d’introversion

personnelle, au rythme des rites de purification et de passage. Cette atmosphère

atteint tous les sens du visiteur qui ne perçoit plus, de manière ordinaire, la réalité.

Par la perte des repères sensoriels habituels, la pratique du hammam prend un

caractère surnaturel. Le visiteur n’est plus dans le monde réel, il est dans un lieu

magique, un monde qui a perdu sa consistance matérielle.»10

Le lent parcours à l’intérieur de la carrière de pierre de Vals continue à travers la

découverte que les blocs de pierre ne sont pas seulement les points d’appui des

parcelles qui constituent la toiture. « Dans chaque bloc, Zumthor a crée une

surprise, d’abord par le volume intime qui contraste avec l’aspect massif de

l’extérieur, ensuite par l’usage de la couleur, du béton teinté des parois. »11 A

l’intérieur, chaque bloc est différent en fonction des différentes caractéristiques

des eaux qu’il contient. L’un de ces blocs accueille le frigidarium, dans lequel l’eau

à 12° et un pigment bleu dans la composition du béton récréent une atmosphère

«glaciale». Le bloc du bain chaud, avec une eau à 45° et des parois rouges,

constitue, dans une atmosphère «infernale», le dernier élément du système des

bains aux différentes températures d’origine romaine. Les atmosphères évoquées

dans deux autres blocs complètent le parcours sensoriel à l’intérieur des thermes:

le bain des fleurs provoque avec ses parfums et couleurs, tandis que le bloc

appelé «la pierre qui résonne» invite à l’écoute.

En quittant les bassins centraux, on est attiré par l’intensité de la lumière naturelle

qui augmente au fur et à mesure que l’on se rapproche des limites avec l’extérieur.

Entre la scansion des blocs en pierre s’insèrent d’énormes parois vitrées qui, par

l’ampleur de leurs dimensions et la transparence totale font pénétrer tout d’un

coup le paysage alpin qui entoure les thermes à l’intérieur. Les espaces adjacents

constituent de véritables terrasses couvertes, qui permettent de jouir de la vue

sur les monts de Vals, tout en restant à ‘labri à l’intérieur, entre les murs de la

caverne de pierre.

9 Ibid., p. 27

10 Ibid., p. 161

11 R. Copans, op. cit., p. 143

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Nature, Culture et Architecture · Alberto Gatti48

X. Les strates de pierre

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IX. Détail du «mur composite de Vals»

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49Therme Vals

Le parcours labyrinthique des thermes se termine avec la sortie dans les espaces à

l’extérieur : une spacieuse piscine se trouve creusée entre les blocs du bâtiment,

avec la vue sur les montagnes qui s’élèvent autour de celui-ci. L’expérience du

bain en plein air et du contact avec le paysage environnant est très intense, à

l’image du contraste entre la lumière extérieure et l’atmosphère sombre de

l’intérieur. Deux terrasses projetées vers la vallée s’insèrent entre les blocs en

continuité avec la surface de l’eau (d’une manière analogue à la distribution des

espaces intérieurs), et une troisième domine la totalité du bâtiment, car elle est

placée sur un niveau surélevé.

3.5 Matérialité : moitié pierre, moitié eau

« L’architecture a un corps. Ce corps est physique. Il est là. Ce qui m’intéresse, c’est

l’architecture concrète. »12

Le sens qu’a le choix d’utiliser la pierre et la modalité avec laquelle elle est

employée ont une importance fondamentale dans ce projet. Elle ne constitue pas

un simple revêtement. La pierre est le matériau qui permet au Zumthor de créer la

carrière précédemment décrite, en exploitant à fond toutes ses propriétés.

L’atmosphère ainsi générée contribue à engendrer ce lien intense avec le contexte

si unique dans le bâtiment de Vals.

La stratification de la pierre locale, extraite 1000 mètres plus haut dans la même

vallée, est créée par de minces plaques coupées en trois types d’épaisseurs

complémentaires, de sorte que la somme est constamment de quinze

centimètres. La variation de l’ordre des différentes épaisseurs et les différences

chromatiques de chaque couche permettent un effet de surfaces extrêmement

variées. Ces dimensions sont également étudiées pour adapter la taille des strates

aux hauteurs définies par les ouvertures et les escaliers, de façon à ne pas devoir

modifier l’épaisseur des couches dans le développement vertical du bâtiment. Les

murs ne sont pas entièrement en pierre, car les minces couches superposées

entre elles forment le revêtement extérieur (d’une épaisseur de 12 à 15

centimètres) d’une ossature avec un noyau intérieur en béton armé. Dans ce qui a

été défini «mur composite de Vals» le rôle structural est partagé entre l’âme en

béton et le parement en pierre : les couches de pierre servent aussi de coffrage

pour le béton armé auquel elles sont incorporées. Pour cela, le bâtiment a été

construit par étapes de 80 centimètres, de façon à éviter des déconnexions des

pierres en raison de la poussée exercée par la masse fluide coulée à l’intérieur du

mur.

La pierre descend des murs pour matérialiser aussi toutes les surfaces du sol, tant

pour ce qui concerne les espaces de circulation, qu’à l’intérieur des bassins, où elle

rencontre le deuxième matériau qui donne sont caractère au bâtiment : l’eau.

La pureté et le respect avec lesquels l’eau est traitée dans le projet de Vals sont

vraiment uniques. Dans tous les bassins de l’établissement, elle est laissée en libre

contact avec la pierre, sans l’addition d’aucun autre élément, et elle semble de

cette manière revenir à son stade naturel original. Les bassins des thermes de Vals

12 Ibid., p. 143

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Nature, Culture et Architecture · Alberto Gatti50

sont en effet des éléments purs, parfaits et intacts, que seule leur forte géométrie

permet de distinguer des bassins naturels. Les surfaces parfaites de l’eau

dessinent dans les bassins de minces lignes horizontales, qui sont reproduites par

les plaques de pierre, tout aussi minces.

« Moitié pierre, moitié eau, toute l’expérience du bâtiment passe dans cette

alternance entre l’austérité et la sensualité, entre l’immobilité des lignes droites

parallèles et le balancement des courbes de l’eau et des reflets, entre le gris

monochrome et les jeux de lumière.»13

3.6 L’évocation d’un endroit au dehors temps

La volonté d’affirmer l’appartenance du nouvel établissement à son lieu, comme

l’eau thermale et la pierre de Vals appartiennent uniquement à ce lieu, est très

évidente dans ce projet. L‘architecte suisse a été assez explicite en expliquer son

approche: « It pleased us to think that the new building should communicate the

feeling of being older than its existing neighbour, of always having been in its

landscape. »14 À travers quels outils et quelle stratégie cherche-t-il à réaliser cela ?

Le rapport avec le contexte recherché n’est pas, comme dans le cas de Merano, un

rapport direct donné par la transparence. Pour la plus grande partie des espaces

intérieurs du bâtiment en effet, la vue sur le contexte environnant est niée, mais

pas pour des raisons d’intimité liées à la densité du tissu urbain, comme c’est le

cas à Bath. Il s’agit plutôt d’un rapport «évocatoire», dans lequel la force de

certains éléments spécifiques du lieu a pour but de permettre au client de faire

une intense expérience de l’identité de celui-ci. Pour cela, Zumthor joue avec les

éléments qui le caractérisent le plus, l’eau et la pierre, en cherchant à créer un

milieu qui parle des origines naturelles de ceux-ci. Si, à Bath, le cœur du projet est

la mémoire et la coexistence du nouveau dans l’existant, la carrière que

l’architecte suisse construit cherche plutôt à évoquer (ou reproduire) l’endroit où

la pierre est extraite, et en même temps où jaillit l’eau thermale. Les géométries

simples et fortes des thermes n’ont rien à voir avec la roche à l’état naturel.

Cependant, la présence de la pierre partout, la hauteur des volumes, les bassins

dessinés uniquement par les profils de la pierre, le contrôle de la lumière et des

perspectives, donnent vie à une atmosphère qui évoque vivement, sans en faire

une copie, l’image de la caverne creusée dans la roche. Lié à une image qui dure

dans le temps, le bâtiment acquiert une image enracinée dans le lieu et dans le

temps.

En outre, les atmosphères des intérieurs de Vals sont très intenses : lumières

contrastantes, températures stimulantes, sons, bruits et parfums. L’attitude de

Zumthor est celle de vouloir jouer avec les expériences sensorielles du corps, en

stimulant tous les cinq sens pour rendre encore plus forte et sensorielle la

perception des éléments qui caractérisent les thermes et leur lieu : l’eau et la

pierre.

Il existe enfin également un rapport direct avec le contexte. Les amples surfaces

13 Ibid., p. 143

14 P. Zumthor, op. cit., p.56.

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51Therme Vals

vitrées donnant sur le paysage montagneux de Vals sont des terrasses

panoramiques cadrées qui permettent d’admirer la nature alpine de la commune

suisse dans une situation de détente extrême. En outre, le parcours qui mène au

fur et à mesure des pièces les plus sombres et fermées vers l’ouverture totale sur

le paysage rend encore plus spectaculaire l’impact avec les masses des

montagnes de Vals, dans une véritable mise en scène du contexte naturel. Le

bassin et les terrasses extérieures enfin permettent de jouir d’un contact plus

direct avec la nature.

« La vision que Zumthor a écrit avec décision dans les montagnes du Canton des

Grisons est une vision nouvelle : respect et dialogue avec le contexte ne se

traduisent pas dans la définition d’un langage formel, mais dans une pratique

architecturale fondée sur la compréhension et l’interprétation du milieu et, grâce

à cela, capable de ne pas nier le territoire, son histoire, en le valorisant à travers

l’exaltation de ses valences les plus profondes. »15

15 E. Faroldi, op. cit., p. 91

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4. Termas Geometricas

4.1 Au milieu d’un parc national volcanique

Le projet des thermes de l’architecte chilien German du Sol réalisé en 2004 est

situé à l’intérieur du vaste parc national Villaricca dans le sud du Chili, dans un

territoire déterminé par une structure morphologique complexe et dominé par la

présence du Villaricca, l’un des volcans les plus imposants du pays. C’est à cause

de la présence du volcan, dont l’activité magmatique est encore aujourd’hui très

vive, que, dans ce territoire, existent de nombreuses sources naturelles d’eau

thermale, qui acquièrent des propriétés minérales exceptionnelles au contact

avec le sol bouillant de la terre.

Le site du projet est caractérisé par une gorge étroite longue de plus de 400m. Un

couloir naturel creusé à l’époque par le passage d’un cours d’eau aux dimensions

considérables, dont il ne reste aujourd’hui qu’une faible rivière. Accessible en

voiture à travers la voie qui relie les centres de Conaripe et Pucon, il se situe à

quinze kilomètres du centre urbain le plus proche, et il trouve complètement

immergé dans la dense végétation tropicale de la région.

Dans ce milieu naturel totalement sauvage, certaines sources naturelles font jaillir

librement une eau aux riches propriétés minérales à la température de 80°.

4.2 Les thermes au Japon

Le principal élément qui permet de rapprocher le projet de Termas Geometricas

aux éléments de la culture thermale du Japon, c’est une ressemblance entre les

caractéristiques physiques du parc national Villaricca et celles du territoire naturel

japonais. «Délicatement perchées sur le cercle du feu, les iles volcaniques du

Japon disposent de près de vingt mille source chaudes bouillonnantes ; partout,

l’eau et la vapeur jaillissent et se volatilisent. C’est un régal pour les yeux :

certaines sources sont rouge sang, et l’hibiscus est leur parfum naturel ; d’autres

sont d’une blancheur de lait et répandent une odeur nauséabonde.»1

La tradition thermale dans la culture japonaise joue encore aujourd’hui un rôle

1 Alev Lytle Croutier, Trésors de l’eau, Abbeville Press, Paris, 1992, p.101

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Nature, Culture et Architecture · Alberto Gatti54

II . Kusatu onsen

II

I

I . Kurokawa-onsen

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55Termas Geometricas

très important. Les Japonais sont très attachés à la pratique du bain, tant dans les

habitudes de tous les jours de type domestique, que dans la tradition du bain

public comme moment de rencontre sociale, ou encore dans l’exploitation des

nombreuses sources thermales naturelles dont le territoire japonais est riche.

La culture japonaise des thermes à des origines très anciennes et est liée à une

tradition religieuse : « Les japonais pensent que leurs sources sont des dons sacrés

des dieux et de la terre, et les mythes de la création font fréquemment allusion à

cette croyance. »2 Le respect de la nature et la valeur sacrée attribuée aux sources

chaudes a fait en sorte que les japonais aiment depuis toujours, au-delà des

pratiques des bains publics des établissements en ville, se plonger dans l’eau

thermale au contact direct avec la nature des lieux où celle-ci jaillit. De

nombreuses sources furent découvertes par des prêtres bouddhistes et

shintoïstes à la recherche d’endroits où pouvoir méditer, complètement immergés

dans le calme de la nature sauvage. Ces lieux se transformèrent par la suite en

stations touristiques très fréquentées dans lesquelles, encore aujourd’hui, des

hordes d’hommes d’affaires peuvent trouver détente et repos. «The japanese

appreciate bathing in an onsen more than any other leisure activity: it offers a

chance for mental relaxation and seems to be the most effective way of

recovering from stress.»3 Ces stations (Onsen), qui se distinguent des

établissements publics présents en ville et appelés Sentô (dont on n’approfondira

pas les caractéristiques dans cette recherche), ont conservé leur traits originels

d’attachement à la nature. Les sources naturelles sont exploitées là où elles sont, à

travers des bassins couverts ou, pour les plus spectaculaires, en plein air

(rotenburo). La nature, sans doute, est travaillée dans la construction du système

des bassins, mais l’endroit naturel qui les entoure reste intact. L’architecture de ces

établissements, dans certains cas, peut arriver à se réduire simplement à quelques

locaux pour les vestiaires, pour laisser la place à l’atmosphère naturelle. Le calme,

le silence, la vapeur qui s’élève des eaux bouillantes au contact avec le froid de

l’air extérieur et la prédominance de la nature, sont les ingrédients qui font de ces

établissements de magnifiques centres de bien-être naturels dans lesquels l’on

peut retrouver la paix des sens et de l’âme.

Même si l’architecte chilien n’en parle pas explicitement, ce sont les traits qui

caractérisent de la même façon l’atmosphère des Termas Geometricas, et qui les

rendent uniques par rapport aux établissements thermaux européens

conventionnels.

4.3 La géométrie posée sur le paysage

Les Termas Gemoetricas ne sont pas en effet un établissement thermal comme les

autres. La stratégie mise en œuvre par l’architecte dans le dessin des nouveaux

thermes est celle de rendre possible et de valoriser, à travers chaque élément, le

contact entre l’homme et la nature sauvage. Le complexe n’est pas un bâtiment

2 Ibid., p. 102

3 Juha Pentikäinen, Finnish sauna , japanese furo, indian inipi : bathing on three continents,

Building Information Ltd, Helsinki, 2000, p. 80

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Nature, Culture et Architecture · Alberto Gatti56

IV . PhotoL’architecture provocante par ses formes et couleurs

IV

III

III . Avant le projetUn site sans identité particulière

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57Termas Geometricas

unitaire qui contient les différentes activités du programme, mais il est plutôt un

signe architectural qui marque le paysage naturel et le rend accessible à l’homme.

La main de l’architecte est à la fois forte et délicate. Del Sol ne cherche pas la

disparition de l’œuvre dans la nature, mais il apparaît conscient du fait qu’une

architecture intelligente et attentive peut augmenter la beauté d’un lieu. Pour

cela, la géométrie forte de tous les éléments du projet, qui frappe par ses lignes

rigides et brisées, affirme la présence architecturale de l’intervention (son nom

n’est pas un hasard). De plus, la couleur rouge des éléments en bois la souligne et

en augmente la force. L’architecte Faroldi décrivait ainsi cette spectaculaire

intervention : «La recherche d’une médiation respectueuse avec un milieu

vivement caractérisé et difficilement altérable, rappelle à la mémoire la Piscine

des Marées d’Alvaro Siza qui, dans le rapport entre eau et artifice, anticipe le

dessin géométrique fort et simple.»4

Un deuxième aspect fondamental de la stratégie du projet est la volonté de

l’architecte que la construction ne s’impose pas avec indifférence par rapport à

l’environnement. Le respect du site naturel est exprimé par le choix de l’architecte

de ne pas donner forme à une structure imposante qui soit en contraste avec la

nature.

Pour cela, les éléments horizontaux des parcours sont caractérisés par une

légèreté qui se soumet à la puissance de la nature, en ne cherchant pas un

dialogue face à face avec celle-ci. La fragilité des plateformes et des petits

volumes en bois semble pouvoir être dominée par les forces naturelles. Les

bassins en pierre ne s’opposent pas au flux central du cours d’eau, qui rappelle la

vitalité de la nature.

4.4 Une succession d’événements

L’établissement thermal chilien est fait de très peu d’éléments clairs, et le

programme des activités qu’il accueille est plus simple que ceux évoqués

précédemment : dix-sept bassins d’eau chaude thermale à ciel ouvert avec de

simples locaux de service.

La puissance du contexte naturel est telle que l’architecte ne cherche pas d’autres

stratégies scénographiques artificielles (comme on a pu le voir dans le surprenant

labyrinthe de Vals), se limitant à une simplicité globale du projet. C’est pourquoi

les espaces sont disposés en succession le long de la gorge, en s’adaptant aux

caractéristiques fortes du site, en exaltant l’attitude de cohérence globale entre le

projet et son lieu.

Une passerelle en bois surélevé de soixante-dix centimètres du sol, légère et

étroite, constitue le fil conducteur entre tous les espaces des thermes. Elle est le

premier élément que l’on rencontre en s’introduisant dans la profondeur de la

gorge, et elle en constitue la constante.

L’évidence du volume d’une cabane en bois marque le début du parcours thermal.

Il constitue le plus grand espace couvert du complexe, et accueille des espaces

couverts de détente à la chaleur d’un feu. En parcourant la passerelle dans le sens

4 E. Faroldi, op. cit., p. 66

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Nature, Culture et Architecture · Alberto Gatti58

V . PlanLe programme s’adapte aux caractéristiques fortes du site

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59Termas Geometricas

inverse du cours du fleuve, se trouvent tout le long les bassins approvisionnés

d’eau chaude naturelle disposés à la suite les uns des autres. Ils constituent les

points d’arrêt pour les bains thermaux. Une petite ouverture dans la continuité

des gardes corps de la passerelle permet de quitter le parcours et d’accéder aux

bassins. Chaque bassin est introduit par un volume «fragile» de service, qui

contient les vestiaires et les services hygiéniques. Des plateformes en bois jouent

le rôle de connexion entre la passerelle, les bassins et ces volumes. De plus, elles

constituent les espaces de dilatation opposés à la linéarité continue de la

passerelle.

Les bassins sont toujours adossés à la pente de la gorge, de façon à rendre la paroi

naturelle partie intégrante de ceux-ci. La nature admirée à distance depuis la

passerelle devient contact direct quand on se plonge dans les bassins, dans le jeu

de contrastes entre les lignes fortes de la pierre et les surfaces irrégulières du mur

naturel qui pénètre jusqu’à l’intérieur des vasques.

«…Thus it becomes a unique experience, a sensual rite of purification for the

body and soul, by water and fire.»5 De même que les onsen japonais, le cœur de

l’expérience thermale est caractérisé par une atmosphère mystique: s’abandonner

dans l’eau bouillante, entre les fumées de vapeur et la prédominance de la

végétation qui domine le visiteur par la verticalité des murs naturels, dans une

expérience qui permet d’être séduit par les éléments naturels primitifs.

Le spectacle des thermes culmine et conclut son parcours avec la mise en scène

de la puissance de la nature à travers l’étonnante passerelle qui s’arrête

brusquement aux pieds de la cascade.

4.5 Légèreté et solidité, l’éphémère et l’appartenance

Le choix des matériaux parle à nouveau d’un jeu de contraste à travers lequel

l’architecte rend «vivant» le projet. La dialectique se joue entre la légèreté du bois

et la solidité de la pierre.

La construction en bois s’élève avec fragilité sur le cours du fleuve, soutenue par

de minces piliers en bois encastrés dans le terrain. La passerelle donne

l’impression de pouvoir céder d’un moment à l’autre, et la légèreté générale de la

construction fait presque penser à une structure temporaire. Au contraire, la

solidité des bassins en pierre établit un rapport plus durable avec le site, qui ne

semble certainement pas devoir finir trop facilement. Les volumes des bassins

sont encastrés entre les roches et la pente du terrain, et malgré la géométrie qui

en affirme l’artificialité, semblent faire partie de lieu.

L’instabilité qui caractérise les éléments de parcours contraste avec la solidité

quand on s’introduit dans les bassins. Ce contraste semble suggérer l’idée que, si

d’une part les éléments de circulation s’affirment comme étrangers au site, au

contraire les bassins thermaux font partie depuis toujours de ce lieu. Les formes

géométriques qui les rapprochent cependant nous rappellent que, sans le geste

ordonnateur de l’homme, il ne serait pas possible de profiter des caractéristiques

exceptionnelles de la nature.

5 Germàn del Sol, Termas Geométricas, in Topos, n° 59, 2007, p.82.

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Nature, Culture et Architecture · Alberto Gatti60

VI . Le long de la gorge

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61Termas Geometricas

La végétation, enfin, est le matériel peut-être le plus important du projet.

Sauvage, partout présente, et libre dans toute sa force, elle constitue l’élément qui

donne le caractère et détermine l’identité de ce nouvel établissement thermal.

4.6 Admirer la nature

Le rapport que les Termas Geometricas établissent avec le contexte naturel

auquel ils appartiennent est un rapport de dialogue qui parle d’appartenance et

d’artificialité.

L’approche mise en place par l’architecte est celle de vouloir donner leur valeur

aux sources thermales précisément là où elles jaillissent. Pour cela, l’eau thermale

n’est pas recueillie depuis son milieu naturel et reconduite dans des bassins à

l’intérieur d’un nouveau bâtiment (comme c’est souvent le cas). Au contraire, c’est

l’établissement qui va à la recherche de la source thermale dans son site naturel.

Une telle approche semble vouloir dire qu’on ne peut pas détacher l’eau thermale

de son contexte naturel, auquel elle est intimement et profondément liée par ses

propriétés minérales ; elle semble également affirmer l’indissolubilité de son

contexte naturel. Pour cela ,tout le projet est une véritable mise en scène de la

nature qui culmine dans la passerelle aux pieds de la cascade. L’établissement

thermal coïncide avec son contexte naturel.

L’architecture joue un rôle clé dans la traduction formelle de ce type d’approche.

Elle ne cherche pas la fusion et la disparition dans la nature, mais s’affirme avec

décision comme l’outil qui permet le rapport direct entre l’homme et le contexte

naturel, qui serait autrement impossible. Le langage architectural ne cherche pas

à réinterpréter le contexte, mais il se consacre à le valoriser le plus directement

possible. Il est au service de l’environnement sans en être cependant dominé.

Un autre aspect du projet est la capacité de l’architecture de donner une identité

à un contexte anonyme. Le lieu dans lequel les thermes se trouvent se présentait,

avant de voir arriver le projet, comme dépourvu d’originalité, semblable à de

nombreux sites caractérisés par le même climat et la même morphologie. La force

de l’architecture de Du Sol est celle d’être capable d’apporter, à travers un geste

qui n’est pas envahissant, un nouveau visage à un site apparemment sans

caractère spécifique, quoique riche de sources thermales qui le rendent unique

depuis toujours. Les formes et les matériaux employés exaltent les

caractéristiques naturelles du contexte : ils les valorisent sans le réinterpréter et

sans y apporter de transformation radicale. Pour cela, on peut reconnaître que

l’intervention a radicalement modifié le caractère du lieu, le rendant identifiable,

accessible, reconnaissable, appréciable de l’homme et augmentant par

conséquent sa valeur. Le dialogue chargé de tension entre l’architecture et la

nature rend spectaculaire un milieu sans visage, en donnant forme à un nouvel

endroit profondément déterminé par cette dialectique. L’architecture des Termas

Geometricas ne serait pas la même sans son contexte naturel et, en même temps,

le contexte n’aurait pas la même identité sans ses nouveaux thermes.

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Conclusion

Les thermes : lieu, avant d’être espace

Nous pensons pouvoir affirmer que l’étude des établissements thermaux

contemporains, représentés par les quatre projets sélectionnés, a permis de

vérifier, dans le déroulement de ce rapide parcours, la validité de l’hypothèse qui

est à l’origine à ce mémoire : les thermes sont avant tout enracinés dans le lieu

dans lequel elles s’inscrivent.

Les paroles de l’architecte Emilio Faroldi expriment cette observation avec

précision : «Les thermes, en tant que «lieux», assument une valence indissoluble

du territoire, en vivant des expansions et des diffusions jamais acritiques et

étrangères à la présence des ressources naturelles et de l’identité du contexte. Les

thermes représentent un signe du territoire et vivent aussi et surtout grâce à lui.

La multiplication de manifestations globales, qui compromettent l’identité et la

valeur de chaque élément de diversité, est contrariée par les particularités propres

des eaux thermales, caractérisées par la composition chimique du type de terrain

dans lequel elles coulent, en assumant la valence de ressource à la fois matérielle

et culturelle, sociale et anthropologique. Les thermes sont un lieu avant d’être un

espace.»1

Les projets observés ont mis en évidence que, même dans la diversité, ce qui

caractérise le projet d’un nouvel établissement thermal est un objectif commun :

redonner vie à un endroit à travers une approche du projet qui établisse un

rapport innovant avec le contexte ; et, inversement, construire l’identité du nouvel

établissement à travers un lien fort avec les caractéristiques de lieu. On pourrait

penser par exemple aux thermes de Merano, où le projet des thermes engendre

une nouvelle vie pour le centre urbain et construit son identité dans la relation de

continuité avec le contexte naturel qui l’entoure.

Chaque opération exprime donc la tendance à valoriser ce qui rend unique son

contexte et, par suite, chaque lieu cherche à s’identifier avec son établissement

thermal.

L’architecture des thermes se définit ainsi comme l’outil qui permet à l’homme de

vivre une expérience de complète immersion dans les traits originaux d’un

1 E. Faroldi, op. cit., p.68

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endroit. La construction absolument artificielle de ces structures permet à

l’utilisateur de connaître et vivre un rapport direct avec la «Nature» d’un certain

contexte, ou, autrement dit, de vivre une authentique expérience naturelle au

cœur de cet endroit.

Les thermes : quelle nature ?

L’observation des quatre cas d’étude présentés permet cependant une autre

considération. L’expérience thermale que l’on pourrait vivre en se dirigeant vers la

petite ville de Bath, en effet, n’est pas du tout comparable à celle que l’on pourrait

expérimenter dans la forêt des Termas Gemoetricas ; de la même façon, le

parcours à l’intérieur de la caverne artificielle de Vals est extrêmement différent

des promenades vertes dans le parc de Merano. Que mettent en évidence des

projets si différentes entre eux ?

Ces opérations, tout en exprimant le même lien fort avec le contexte et avec les

qualités uniques des eaux thermales qui les caractérisent, révèlent des positions

différentes quant à l’approche vis-à-vis de la nature.

Le contexte urbain qui caractérise Bath et la forte relation avec la mémoire de la

ville déterminent que l’expérience thermale de l’établissement anglais ait pour

thème dominant la mémoire du lieu, dans le jeu de contraste et de fusion entre

ancien et nouveau. La nature à Bath correspond avec la mémoire millénaire de la

ville.

A Merano au contraire, une stratégie de projet caractérisée par la transparence

des volumes et par la continuité entre le bâtiment et le spectaculaire parc permet

de vivre une expérience des thermes liée aux caractéristiques uniques du climat

de ce lieu, et au contexte naturel qui entoure la ville. On voit la nature avec les

yeux et on la traverse avec le corps.

L’architecture des thermes de Vals, quant à elle, fondée sur le rapport intense avec

les éléments naturels qui caractérisent l’endroit, donne vie à un établissement

thermal qui joue entre l’évocation artificielle d’un endroit naturel (représenté par

la carrière dans la montagne) et le contact visuel à distance (la vue est cadrée sur

le paysage) vers les vallées de la commune suisse. La nature de Vals est

transformée par l’architecture qui, cependant, permet une expérience de contact

fort avec ses éléments.

Les Termas Geometricas enfin donnent lieu à une expérience naturelle directe et

sauvage, dans laquelle le caractère de l’endroit est représenté uniquement par la

puissance de la Nature à son état brut.

Le contexte ordonne-t-il le programme ?

En conclusion, une dernière considération émerge de l’observation de ces projets.

Nous avons vu comment, dans l’architecture thermale, le programme

qu’accueillent ces bâtiments induit un type de rapport entre architecture et

contexte. Nous avons constaté par la suite jusqu’où ce rapport devient

caractéristique fondamentale des établissements thermaux. Mais on peut

constater que tout cela engendre une autre conséquence : le contexte influence

l’organisation spatiale du bâtiment, c’est-à-dire le programme.

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Dans l’exemple de Bath en effet, le contexte urbain dans lequel s’insère le projet

influence la disposition des espaces qu’il contient. D’une part, la disposition de

nouvelles activités partagées entre nouveau et ancien engendre une continuité

sur un niveau horizontal ; de l’autre, les dimensions limitées de la parcelle

disponible déterminent la nécessaire disposition verticale des espaces dédiés aux

activités de bien-être.

A Merano, le caractère de l’endroit est représenté par les qualités du contexte

naturel et les particularités du climat. La disposition pour une grande partie

horizontale des espaces et le prolongement extérieur de l’établissement avec les

vastes surfaces plongées dans le vert en sont les conséquences.

Les Thermes de Vals montrent au contraire comment le rapport au contexte

montagneux induit l’architecte au choix de creuser les espaces à l’intérieur de la

masse de la montagne, et de créer des espaces extérieurs qui, comme des

terrasses, ouvrent la vue vers la vallée.

Le projet des Termas Geometricas enfin est une évidente adaptation du

programme aux caractéristiques extrêmement fortes du site naturel, dans lequel

la gorge longue et étroite induit la disposition en succession des bassins reliés par

un élément horizontal long et mince.

De telles observations conclusives mènent non seulement à croire que

l’architecture thermale se distingue par le fait que le programme induit un

rapport avec le contexte, mais suggèrent également une autre hypothèse qui

pourrait être l’occasion d’approfondissements successifs : dans l’architecture des

établissements thermaux contemporains, le contexte ordonne le programme.

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