N ° 3404 ______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 QUINZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2020 AVIS FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 3360) de finances pour 2021 TOME VIII SÉCURITÉS SÉCURITÉ CIVILE PAR M. ARNAUD VIALA Député —— Voir le numéro : 3399–III–40
RAPPORTQUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre
2020
AVIS
FAIT
DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 3360)
de finances pour 2021
Voir le numéro : 3399–III–40
En application de l’article 49 de la loi organique n°
2001-692
du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses
au
questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis
au plus
tard le 10 octobre 2019 pour le présent projet de loi de finances.
À cette
date, 95 % des réponses attendues étaient parvenues à votre
rapporteur
pour avis.
INTRODUCTION
...........................................................................................................
5
I. LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SÉCURITÉ CIVILE ET DE LA GESTION DES
CRISES, RESTÉE AU SECOND PLAN DANS LA CRISE DU COVID-19
................................................................................................................
7
A. UN BUDGET 2021 REFLÉTANT LE FAIBLE POIDS DE LA DIRECTION
GÉNÉRALE DANS L’ORGANISATION DE LA SÉCURITÉ CIVILE ...............
7
1. Un maintien des crédits de la direction générale à 520 millions
d’euros ............... 7
2. Un budget qui ne représente que 7 % des crédits de la sécurité
civile ................... 10
B. UNE ABSENCE DE PILOTAGE DE LA CRISE DU COVID-19 PAR LA DIRECTION
GÉNÉRALE CHARGÉE DE LA GESTION DES CRISES ......... 11
1. Une cellule interministérielle de crise activée tardivement et
coexistant avec
le centre de crise sanitaire du ministère des Solidarités et de la
santé ................... 11
2. Un soutien insuffisant aux services d’incendie et de secours
................................ 13
3. Un engagement des moyens nationaux sans réelle coordination avec
le
ministère des Solidarités et de la santé
...................................................................
15
a. Une participation décisive des hélicoptères de la sécurité
civile ........................... 15
b. Une difficile coordination avec les héliSMUR
.................................................... 16
c. Une participation ponctuelle des avions de la sécurité civile
................................ 17
d. Une absence de mobilisation des moyens logistiques nationaux
.......................... 17
4. Une coopération européenne en cours de construction
.......................................... 18
a. Une faible mobilisation des moyens mis à la disposition de
l’Union
européenne dans le cadre de la crise
....................................................................
18
b. Un accroissement du budget du programme RescEU dont la sécurité
civile
française pourrait bénéficier
................................................................................
19
— 4 —
II. LES FORCES TERRITORIALES DE LA SÉCURITÉ CIVILE DANS L’ATTENTE
D’UNE RECONNAISSANCE DE LEUR RÔLE DANS LA GESTION DE LA CRISE DU
COVID-19
..................................................................
21
A. DES SAPEURS-POMPIERS INSUFFISAMMENT RECONNUS DANS LEURS MISSIONS
DE SOINS D’URGENCE ET TRÈS VARIABLEMENT MOBILISÉS
..............................................................................
21
1. Des sapeurs-pompiers souvent peu sollicités au début de la
crise, mais qui ont
assuré des missions essentielles
.............................................................................
21
2. La brigade de sapeurs-pompiers de Paris, un acteur majeur dans
la gestion de
la crise en région parisienne
...................................................................................
27
3. Un arbitrage interministériel sur le numéro unique et les
plateformes
communes qui ne peut plus être repoussé
..............................................................
29
a. Une saturation du 15 pendant la crise, alors que des plateformes
communes
auraient permis de mieux gérer les appels d’urgence
........................................... 29
b. Un indispensable arbitrage interministériel
.......................................................... 32
4. La nécessité d’une meilleure reconnaissance des sapeurs-pompiers
en tant
qu’acteurs du système de santé
..............................................................................
33
a. Une reconnaissance attendue des capacités de soin des
sapeurs-pompiers et un
élargissement souhaitable des gestes techniques dans le cadre du
secours
d’urgence aux personnes
.....................................................................................
33
b. Un arbitrage indispensable sur les carences ambulatoires
.................................... 34
c. Une nécessaire reconnaissance automatique des infections au
covid-19
comme maladie professionnelle pour les sapeurs-pompiers
................................. 35
B. DES ASSOCIATIONS AGRÉÉES DE SÉCURITÉ CIVILE SOUFFRANT D’UNE
FAIBLE RECONNAISSANCE ET D’UN SOUTIEN FINANCIER INSUFFISANT
.........................................................................................................
35
1. Un engagement indispensable dans la crise
...........................................................
35
2. Un défaut de coordination dans la mobilisation des associations
agréées par
les pouvoirs publics
................................................................................................
37
a. Une absence de coordination des demandes
........................................................ 37
b. Une faible collaboration avec les SDIS dans les missions de
secours
d’urgence aux personnes
.....................................................................................
40
3. De graves difficultés financières liées à la crise qui
nécessitent un soutien
urgent de l’État
.......................................................................................................
41
EXAMEN EN COMMISSION
....................................................................................
45
MESDAMES, MESSIEURS,
La crise du covid-19 a suscité une mobilisation sans faille
des
sapeurs-pompiers et des associations agréées de sécurité civile qui
ont apporté un
soutien décisif aux soignants dans les régions les plus touchées
par l’épidémie et
ont fait preuve d’une forte réactivité et de remarquables capacités
d’adaptation
dans leurs missions de service public de proximité.
Les sapeurs-pompiers ont effectué, entre le mois de mars et le mois
de
mai 2020, plus de 122 000 interventions de secours d’urgence aux
personnes liées
au covid-19. S’ils ont été souvent peu mobilisés au début de la
crise, ils ont assuré
des missions essentielles au service de la population. Acteurs
majeurs de notre
système de santé, ils sont pourtant insuffisamment reconnus dans
leurs missions
de soins d’urgence. Leur service de santé et de secours médical,
qui a démontré
toute son utilité pendant la crise, doit être renforcé. La mise en
œuvre du numéro
unique d’appel d’urgence et la création de plateformes
départementales de
réception des appels d’urgence permettraient de renforcer les liens
entre les
SAMU et les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS)
tout en
apportant une réponse plus efficace en période de crise sanitaire,
en évitant une
saturation des centres de régulation du 15, comme on a pu le
constater au début de
la crise du covid-19. Un arbitrage interministériel paraît
indispensable pour
surmonter les multiples facteurs de blocage sur ce sujet. Les
carences
ambulancières effectuées par les sapeurs-pompiers à la demande du
SAMU, très
nombreuses depuis le début de la crise, doivent également faire
l’objet d’un
arbitrage dans les meilleurs délais.
Les associations agréées de sécurité civile ont effectué près de 3
millions
d’heures de bénévolat liées au covid-19 et 18 000 interventions en
véhicules de
secours entre le mois de mars et le mois de mai 2020. Elles se sont
investies sans
compter, malgré la méconnaissance de leurs compétences par les
agences
régionales de santé au début de la crise, mais leurs interventions
ont un coût. La
crise leur a fait perdre une grande partie de leurs ressources
financières : de
nombreuses associations membres de fédérations et d’antennes
locales risquent de
disparaître sans une aide urgente de l’État.
Au niveau national, la direction générale de la sécurité civile et
de la
gestion des crises (DGSCGC) est restée au second plan dans la crise
du covid-19,
notamment dans le cadre de la cellule interministérielle de crise
qui a été activée
— 6 —
tardivement. D’un point de vue budgétaire, et dans le cadre du
projet de loi de
finances pour 2021, le programme 161, qui fixe son budget à 520
millions d’euros,
en hausse de 0,5 % par rapport à l’exercice précédent, ne
représente qu’une faible
part des 6,5 milliards d’euros de crédits consacrés chaque année à
la sécurité civile
en France. Si la DGSCGC a mobilisé les moyens nationaux héliportés
pour le
transfert de victimes du covid-19, elle a apporté un soutien
insuffisant aux SDIS et
n’a pas coordonné leurs actions.
— 7 —
I. LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SÉCURITÉ CIVILE ET DE LA GESTION DES
CRISES, RESTÉE AU SECOND PLAN DANS LA CRISE DU COVID-19
A. UN BUDGET 2021 REFLÉTANT LE FAIBLE POIDS DE LA DIRECTION
GÉNÉRALE DANS L’ORGANISATION DE LA SÉCURITÉ CIVILE
1. Un maintien des crédits de la direction générale à 520 millions
d’euros
Le programme 161 « Sécurité civile » fait partie de la
mission
« Sécurités » qui regroupe l’ensemble des moyens financiers
relevant du ministère
de l’Intérieur et concourant à la protection des populations sur
tout le territoire,
avec les programmes 176 « Police nationale », 152 « Gendarmerie
nationale »
et 207 « Sécurité et éducation routières ».
Il est placé sous la responsabilité de la direction générale de la
sécurité
civile et de la gestion des crises (DGSCGC) qui concourt à la
politique
interministérielle de sécurité civile, conformément aux
orientations définies par la
loi n° 2004-811 du 13 août 2004 relative à la modernisation de la
sécurité civile
aux termes de laquelle : « l’État est garant de la cohérence de la
sécurité civile au
plan national ; il en définit la doctrine et coordonne ses moyens
». La DGSCGC
organise, prépare et met en œuvre les moyens nationaux
d’intervention de la
sécurité civile, notamment en situation de crise. Elle conduit la
politique
internationale française de sécurité civile et participe à la lutte
contre le terrorisme.
Les crédits demandés pour 2021 au titre du programme 161, d’un
montant
de 520 millions d’euros, sont en hausse de 0,5 % par rapport à la
dotation
consentie pour le précédent exercice.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 161 « SÉCURITÉ
CIVILE » (en euros)
Actions du programme 161
LFI 2020 PLF 2021 Évolution
11 – Prévention et gestion de crises 29 872 057 36 025 134 + 20,6
%
12 – Préparation et interventions spécialisées des
moyens nationaux 346 976 589 342 603 170 - 1,3 %
13 – Soutien aux acteurs de la sécurité civile 131 527 405 130 958
532 - 0,4 %
14 – Fonctionnement, soutien et logistique 9 675 904 10 821 284 +
11,8 %
Total du programme 161 518 051 955 520 408 120 + 0,5 %
Source : projet annuel de performance du programme « Sécurité
civile » annexé au projet de loi de finances pour 2020.
— 8 —
En tenant compte des perspectives d’inflation pour l’année 2021 (+
0,7 %)
inscrites dans le rapport économique, social et financier annexé au
projet de loi de
finances pour 2021, le montant des crédits du programme diminue en
réalité
de 0,2 %.
L’action 11 « Prévention et gestion de crises » porte sur la
veille, l’alerte
et la gestion interministérielle des crises, sur la solidarité
nationale en cas de
survenance d’une crise, sur la prévention opérationnelle et la
protection des
populations et, enfin, sur l’activité opérationnelle lors de
crises.
L’action 12 « Préparation et intervention spécialisées des
moyens
nationaux » bénéficie de la dotation la plus importante,
correspondant à 66 % des
crédits du programme. Elle regroupe les moyens nationaux que l’État
met à la
disposition de la population, au quotidien ou lors de catastrophes
naturelles ou
technologiques, et se décline en cinq sous-actions, chacune portant
sur un
« métier » propre à la sécurité civile : avions, hélicoptères,
moyens nationaux
terrestres, de déminage et de soutien.
L’action 13 « Soutien aux acteurs de la sécurité civile »
correspond aux
activités de coordination et de formation des services d’incendie
et de secours et
des associations de sécurité civile. Cette action comprend la
contribution au
régime d’indemnisation spécifique (RISP) et à la nouvelle
prestation de
fidélisation et de reconnaissance (NPFR) des sapeurs-pompiers
volontaires et les
participations au budget de la brigade des sapeurs-pompiers de
Paris (BSPP) et au
budget de l’École nationale supérieure des officiers de
sapeurs-pompiers
(ENSOSP). Enfin, elle comprend la dotation de soutien à
l’investissement des
SDIS (DSIS2), qui finance le projet de système d’information et
de
commandement unifié des services d’incendie et de secours et de la
sécurité civile
(NexSIS) porté par l’agence du numérique de la sécurité
civile.
L’action 14 « Fonctionnement, soutien et logistique » réunit
les
fonctions de soutien général du programme 161 : services
d’état-major, inspection
générale de la sécurité civile (IGSC) et fonctions support.
Les fonds de concours et avances de produits attendus, qui
s’ajoutent
au montant des crédits de paiement demandés pour 2021,
s’élèvent
à 2 062 327 euros : plus de 80 % de ce montant correspond au
financement par
l’Union européenne de la mise à la disposition du programme RescEU
d’un avion
Dash de la sécurité civile.
Les dépenses de personnel (titre 2) s’élèvent à 189,4 millions
d’euros en
crédits de paiement, en hausse de 1,7 % par rapport à 2020. Dans le
cadre du
projet de loi de finances pour 2021, la direction du budget a fixé
le schéma
d’emplois du programme à + 11 ETP correspondant aux recrutements
autorisés
dans le cadre du renouvellement de la flotte aérienne. Le plafond
d’emplois a été
défini à 2 490 ETPT, répartis de la manière suivante : 1 415
personnels militaires,
128 personnels administratifs, 500 personnels techniques, 61
ouvriers d’État,
— 9 —
81 hauts fonctionnaires et personnels issus de corps de conception
et de direction
et de corps de commandement de la police nationale et 305
personnels des corps
d’encadrement et d’application de la police nationale. La DGSCGC
emploie des
personnels mis à sa disposition par la BSPP et les SDIS. Ces
effectifs ne sont pas
comptabilisés dans le plafond d’emplois du programme : le
remboursement des
rémunérations correspondantes est imputé sur les crédits de
fonctionnement
(10,2 millions d’euros en crédits de paiement). Ce schéma, qui
concerne près de
38 % des agents affectés en administration centrale, crée une
distorsion importante
dans l’appréciation du respect du plafond d’emplois du
programme.
Le budget de la DGSCGC hors titre 2 est en baisse de 0,3 % en
crédits
de paiement.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT HORS DÉPENSES DE PERSONNEL (TITRE
2)
(en millions d’euros)
Actions du programme 161
11 – Prévention et gestion de crises 18,5 24,5 + 32,4 %
12 – Préparation et interventions spécialisées des moyens
nationaux 179,3 172,1 - 4,1 %
13 – Soutien aux acteurs de la sécurité civile 129,0 128,3 - 0,5
%
14 – Fonctionnement, soutien et logistique 5,0 6,1 + 21,5 %
Total du programme 161 hors titre 2 331,9 333,0 - 0,3 %
Source : projets annuels de performance du programme « Sécurité
civile » annexé aux projets de loi de finances pour 2020.
Une part significative des crédits de paiement (près de 44 %)
concerne la
maintenance, l’équipement, la modernisation et le carburant des
aéronefs, ainsi
que l’acquisition de nouveaux avions et la location d’hélicoptères
EC 225.
La flotte d’avions de la sécurité civile
La flotte de bombardiers d’eau de la sécurité civile est
actuellement composée de
douze Canadair CL 415 et quatre Dash 8 Q400 MR.
Les sept Tracker ont été retirés du service de manière anticipée.
En août 2019, un
accident aérien a entraîné la perte d’un Tracker et le décès de son
pilote. En septembre
2019, un autre Tracker, parti se ravitailler sur le pélicandrome de
Béziers Cap-d’Agde,
a connu un grave incident de train d’atterrissage au décollage. Ces
évènements ont
entraîné leur retrait définitif du service le 14 février
2020.
Afin de tenter de compenser ce retrait anticipé, la DGSCGC a passé
un marché de
location d’un second hélicoptère bombardier d’eau (EC 225),
positionné à compter
du 15 juillet 2020 en Corse afin de compenser l’absence du
détachement de Tracker à
— 10 —
Solenzara. Le PLF 2021 prévoit 6 millions d’euros pour la passation
d’un nouveau
marché de location d’hélicoptères à la demande.
Le marché d’acquisition de six avions multirôles (bombardier d’eau,
transport de
personnes et de fret, évacuation sanitaire), destinés à remplacer
les Tracker, a été
notifié en janvier 2018 à la société Conair. Le montant du marché
d’acquisition des
Dash 8 Q400M s’élève à 364,5 millions d’euros. La livraison du
deuxième Tracker qui
devait intervenir en 2020 a été repoussée à 2021.
PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE DE L’ACQUISITION DES DASH 8
(en millions d’euros)
Commande 6 - - - - - 6
Autorisations
Crédits de
Source : DGSCGC.
L’acquisition de deux avions amphibies de type Canadair est
également prévue, dans le
cadre du mécanisme européen de protection civile.
La DGSCGC conserve, pour l’exercice 2021, les quatre objectifs
de
performance précédemment définis pour l’exercice 2020 : assurer
l’efficacité et
l’efficience des dispositifs de lutte contre les feux de forêt,
assurer la disponibilité
des moyens aériens et leur conformité aux besoins opérationnels,
faire évoluer la
cartographie des centres de déminage pour éliminer les munitions
historiques et
faire face à la menace terroriste et harmoniser les moyens des
services
départementaux d’incendie et de secours (SDIS).
2. Un budget qui ne représente que 7 % des crédits de la sécurité
civile
Le programme 161 ne représente que 7 % des crédits globaux
consacrés à
la sécurité civile, dont le montant total s’élevait à environ 6,5
milliards d’euros
en 2019.
L’État contribue au tiers de ce montant par l’intermédiaire des
crédits
inscrits dans plusieurs autres programmes du budget général (354,
149, 205, 181,
204, 190, 159 et 161) et de la fiscalité transférée aux
collectivités territoriales
(fraction de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance –
TSCA).
En 2019, les services départementaux d’incendie et de secours
(SDIS), qui
représentent 86 % du budget global de la sécurité civile, étaient
financés à hauteur
de 42 % par les communes et EPCI, de 35 % par les départements
et,
indirectement par l’intermédiaire de la fraction de TSCA versée aux
départements,
de 23 % par l’État. Toutefois, au regard des modalités de
financement des SDIS
— 11 —
définies à l’article L. 1424-35 du code général des collectivités
territoriales, il
revient aux départements de supporter tout accroissement des
dépenses des SDIS.
Il est à noter que le montant de TSCA risque de se contracter à
moyen et
long terme en raison de la crise du covid-19, diminuant ainsi les
recettes des
départements permettant de financer les SDIS.
CRÉDITS EXÉCUTÉS DE LA SÉCURITÉ CIVILE EN 2019
Montant en 2019 en %
Crédits des SDIS, de la BSPP et de la BMPM (1) 5 572 880 536 € 86
%
dont fraction de la TSCA transférée aux départements pour les
SDIS
et à la commune de Marseille pour la BMPM et subvention à la BSPP 1
255 000 000 € 19 %
Crédits du budget
dont autres programmes (2) 451 900 335 € 7 %
Sous-total 912 426 619 € 14 %
Total 6 485 307 155 € 100 %
(1) En raison des relations financières entre les différents
acteurs, il existe des doubles comptes : ces éléments
chiffrés représentent un indicateur.
(2) Programmes contributeurs identifiés dans le DPT « Sécurité
civile » du PLF pour 2019
Sources : DGSCGC et Jaune sur les transferts financiers de l’État
aux collectivités territoriales du PLF pour 2021
Rapporté à l’ensemble de la population française, le coût global de
la
sécurité civile s’élèverait à environ 97 euros par an et par
habitant.
B. UNE ABSENCE DE PILOTAGE DE LA CRISE DU COVID-19 PAR LA DIRECTION
GÉNÉRALE CHARGÉE DE LA GESTION DES CRISES
1. Une cellule interministérielle de crise activée tardivement et
coexistant avec le centre de crise sanitaire du ministère des
Solidarités et de la santé
Dans le cadre de la crise du covid-19, le Premier ministre a activé
une
cellule interministérielle de crise (CIC) assez tardivement, le 17
mars 2020. Le
centre de crise sanitaire, dirigé par M. Jérôme Salomon, directeur
général de la
santé, a été activé au ministère des Solidarités et de la santé dès
le 27 janvier.
Ainsi, du 27 janvier au 17 mars, la réponse du Gouvernement à la
crise a été
pilotée exclusivement par la direction générale de la Santé.
Pendant cette période,
le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises
(COGIC) du
ministère de l’Intérieur s’est limité à un rôle de veille et
d’exécution, alors que sa
participation à la gestion opérationnelle de la crise entre
l’activation de son
niveau 2 à la fin du mois de janvier et la création de la CIC au
milieu du mois de
— 12 —
mars aurait sans doute permis de mieux prendre en compte sa
dimension
interministérielle.
La cellule interministérielle de crise
Une crise peut nécessiter la mise en œuvre d’une réponse globale de
l’État, en raison
de son intensité et parce qu’elle affecte plusieurs secteurs
ministériels. Afin d’améliorer la
coordination de l’action des ministères, le Premier ministre peut
activer une cellule
interministérielle de crise (CIC) et en confier la conduite
opérationnelle à un ministre qu’il
désigne en fonction de la nature des événements. Habituellement, il
s’agit du ministre de
l’Intérieur lorsque la crise a lieu sur le territoire national et
du ministre chargé des affaires
étrangères et européennes pour les crises extérieures.
La CIC est composée des représentants des ministères concernés
ainsi que d’experts
ou d’opérateurs. Elle est constituée de quatre cellules :
– une cellule « situation » qui dresse un état des lieux de la
crise en s’intéressant
notamment à ses origines, à son impact matériel et humain ainsi
qu’à ses conséquences
potentielles ;
– une cellule « anticipation » qui identifie tout événement pouvant
compliquer la
gestion de la crise et propose des actions pouvant être mise en
œuvre en conséquence ;
– une cellule « décision » qui examine, une fois le diagnostic
réalisé, les propositions
d’action produites par les cellules « situation » et « anticipation
» et prend des décisions pour
la conduite de la crise. Elle donne également les directives
nécessaires à la mise en œuvre
des décisions prises et s’assure de leur exécution ;
– une cellule « communication » qui élabore un plan de
communication adapté et
pilote l’ensemble des actions du dispositif de communication. Le
plan de communication
permet notamment d’informer la population sur l’événement et les
mesures prises. Par
ailleurs, il favorise la diffusion des recommandations
nécessaires.
Source : « Le processus de gestion de crise », sur le site
Gouvernement.fr
Depuis son activation, la CIC coexiste avec le centre de crise
sanitaire qui
l’a précédée. Une organisation bicéphale s’est ainsi mise en place
entre le
ministère des Solidarités et de la santé et le ministère de
l’Intérieur, comprenant
deux états-majors et deux chaînes de commandement présentant des
cultures et
des organisations territoriales très différentes. En outre, le
ministère des
Solidarités et de la santé aurait été souvent absent de la CIC,
d’après la Fédération
nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF). Cette dernière
déplore que
l’organisation prévue par le plan Pandémie grippale de 2011, qui
confie la
conduite opérationnelle de la crise au ministère de l’Intérieur et
aux préfets, n’ait
pas été respectée.
Le centre interministériel de crise, qui est censé regrouper la CIC
et la
cellule de crise du ministère des Solidarités et de la santé, a été
mis en place
le 19 mai 2020, avec à sa tête le préfet Denis Robin. La DGSCGC a
été chargée
d’y apporter des moyens matériels et humains. La lettre de mission
du directeur du
centre interministériel de crise précise que la DGSCGC doit
apporter à cette
nouvelle structure « le soutien nécessaire à la réalisation de [sa]
mission,
— 13 —
notamment pour tout ce qui concerne la logistique du centre
interministériel de
crise ».
La DGSCGC est chargée de la logistique de la CIC, qui est située
au
ministère de l’Intérieur. Dans ce cadre, elle a assuré
l’établissement du bilan
interministériel de la situation nationale à partir des données du
terrain, par
l’intermédiaire de synthèses et de tableaux de bord statistiques,
au sein de la
cellule « situation », et a assumé une mission d’organisation et de
coordination du
travail du centre interministériel de crise au quotidien. Elle a
également participé à
la cellule « anticipation » qui a travaillé avec la mission de M.
Jean Castex sur le
plan de déconfinement. Elle a enfin fourni de moyens humains à une
cellule
« thématiques » spécialement créée dans le cadre de la crise du
covid-19 pour
produire des fiches techniques à destination des réseaux
territoriaux.
À la fin du mois d’avril, la DGSCGC fournissait environ 33 %
des
effectifs de la CIC (28 agents sur 85). Au milieu du mois de juin,
elle en
fournissait environ 25 % (10 agents sur 40), puis la moitié au
milieu du mois de
juillet (8 agents sur 17). Au total, 105 agents de la DGSCGC ont
été mobilisés
ponctuellement ou régulièrement au service de la CIC. La FNSPF
critique
toutefois le recours à des élèves-policiers et à des élèves de
l’École de guerre
plutôt qu’à des officiers de sapeurs-pompiers dans la gestion de la
CIC.
La Fédération nationale des sapeurs-pompiers appelle de ses vœux
une
attribution plus claire du pilotage opérationnel des crises sur le
territoire national
au ministère de l’Intérieur et un rattachement de leur gestion
interministérielle au
Premier ministre, à défaut de la création d’un ministère chargé de
la gestion des
crises et des situations d’urgence.
Votre rapporteur pour avis souhaiterait connaître les
améliorations
apportées à la coordination interministérielle, notamment entre le
ministère
de l’Intérieur et le ministère des Solidarités et de la santé, dans
le cadre de la
deuxième vague de covid-19.
2. Un soutien insuffisant aux services d’incendie et de
secours
Si la DGSCGC a joué un rôle important au sein la cellule
interministérielle
de crise, votre rapporteur pour avis remarque que les services
d’incendie et de
secours n’ont pas été associés de la même manière aux cellules de
crise dans
l’ensemble des préfectures. Dans l’Aveyron par exemple, le SDIS
n’était pas
invité aux conférences téléphoniques réunissant le préfet, les
élus, le délégué
territorial de l’agence régionale de santé (DT ARS) et le service
départemental de
l’éducation nationale.
En outre, la gestion bicéphale de la crise au niveau ministériel
semble
avoir eu des répercutions préoccupantes au niveau local. Certaines
agences
régionales de santé auraient donné pour instruction à leurs
délégués territoriaux et
aux directeurs d’hôpitaux de mettre un terme à toute communication
avec des
— 14 —
préfets de départements, privant ces derniers des informations
nécessaires à la
coordination des opérations de secours. Les délégués territoriaux
ont d’ailleurs
parfois semblé manquer de toute capacité de décision dans
l’urgence, faute de
soutien de leur agence régionale de santé (ARS).
La FNSPF note à ce propos que « les préfets semblent avoir été
relégués
au second rang dans la gestion de la crise en raison d’une absence
de dialogue
avec les ARS. De ce fait, leur prise en main de la gestion de crise
n’a pas été
homogène jusqu’à la mise en place le 2 avril de la commission
Castex chargée de
préparer le déconfinement. Les services d’incendie et de secours
(SIS) ont été
confrontés à de vives difficultés dans les départements où les
préfets n’étaient pas
en mesure d’assurer le pilotage de la crise. En revanche, des
préfets en position
de gérer la crise ont permis aux structures concernées de s’adapter
et de
fonctionner correctement de même que lors de la phase de
déconfinement des
populations. » (1)
Par ailleurs, la DGSCGC n’a transmis aucune directive particulière
ni
élément de doctrine aux SDIS pour les accompagner pendant la crise.
Le
commandant de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris a ainsi
indiqué à votre
rapporteur pour avis que le seul document transmis par la DGSCGC au
plus fort
de la crise était une note expliquant la bonne manière de porter un
masque.
La FNSPF souligne que « le pilotage de la crise par le directeur
des
sapeurs-pompiers du fait de l’empêchement pour raisons de santé du
directeur
général de la sécurité civile et de la gestion des crises a fait
l’objet de vives
critiques : retard dans la prise en compte des alertes des
directions
départementales des services d’incendie et de secours (DDSIS) du
Grand Est sur
la gravité de la crise jusqu’à l’arrivée de l’épidémie en
Ile-de-France, parution
tardive d’une directive inappropriée en matière de doctrine
d’équipements de
protection individuelle, pressions sur les DDSIS des territoires
sous tension pour
qu’ils abaissent le niveau de protection de leurs agents et le
mettent en conformité
avec celui des personnels soignants, confrontés à une situation de
pénurie ».
Le rôle de coordination de la DGSCGC semble également avoir été
très
limité. La DGSCGC indique qu’elle a apporté un soutien aux SDIS qui
en ont fait
la demande par l’intermédiaire de missions d’appui en situation de
crises,
notamment à Mayotte et en Guyane, particulièrement touchées par
l’épidémie.
Depuis le milieu du mois d’avril des renforts se relaient au SDIS
de Mayotte : un
directeur adjoint y a été envoyé ainsi que des personnels du
service de santé et de
secours médical (SSSM). L’élément de sécurité civile rapide
d’intervention
médicalisée (ESCRIM) a été déployé à la demande de la zone de
défense Guyane
pour soutenir l’hôpital de Cayenne du 24 juin au 29 juillet 2020.
La coopération
avec l’hôpital s’est faite au niveau local avec le chef de
détachement envoyé en
reconnaissance dès le 22 juin, appuyé par l’ARS. L’ESCRIM n’étant
pas habilité
pour recevoir les patients atteints du covid-19, elle a reçu les
patients atteints
(1) Synthèse sur la crise du coronavirus, FNSPF, juillet 2020
— 15 —
d’affections légères afin d’alléger la charge de l’hôpital. Le
groupement des
moyens nationaux terrestres a également apporté du renfort au
bataillon des
marins-pompiers de Marseille pour réaliser des prélèvements en vue
de tests PCR
entre le 6 avril et le 5 juin 2020.
La FNSPF estime que la crise du covid-19 est l’occasion d’accélérer
la
création auprès du directeur général de la sécurité civile et de la
gestion des crises
et du ministre de l’Intérieur d’un état-major opérationnel de
sécurité civile
composé, comme c’est déjà le cas pour la police et la gendarmerie,
d’officiers de
sapeurs-pompiers.
Votre rapporteur pour avis estime qu’il est nécessaire de renforcer
le
rôle des préfets dans la coordination des services déconcentrés –
notamment
les délégations territoriales des ARS dont les pouvoirs de décision
devraient
être élargis et les SAMU –, afin d’améliorer la gestion
territoriale de la crise.
3. Un engagement des moyens nationaux sans réelle coordination avec
le ministère des Solidarités et de la santé
a. Une participation décisive des hélicoptères de la sécurité
civile
Les bases d’hélicoptères de la sécurité civile font preuve d’une
grande
réactivité : elles sont disponibles 365 jours par an, 24 heures sur
24. Entre les mois
de février et juillet, 21 des 23 bases d’hélicoptères ont été
mobilisées pour
répondre à la crise : seules les bases de Montpellier et Cannes
n’avaient réalisé
aucune mission covid-19 au 31 juillet. Parallèlement, l’épidémie de
covid-19 a
provoqué un ralentissement de l’activité des secours
héliportés.
293 missions liées au covid-19 ont été réalisées entre le 25
février et
le 31 juillet, représentant 360 heures de vol. 254 missions de
transport ont été
assurées : 69 personnes ont ainsi été transportées dans le cadre de
missions
primaires et 190 dans le cadre d’un transports inter-hospitalier.
En outre,
39 missions s’inscrivaient dans le cadre de missions de soutien
(transport
d’équipes médicales et de matériel, le plus souvent en outre-mer).
La base de
Quimper a été mise en veille du 2 avril au 27 mai pour envoyer son
hélicoptère et
ses personnels en renfort dans les Antilles sur le
porte-hélicoptère amphibie
Dixmude.
Ces missions ont démontré la capacité des équipages à s’adapter et
à
inventer des procédures innovantes pour assurer une mission de
service public à
laquelle ils n’étaient pas préparés et pour laquelle ils n’étaient
pas même équipés.
La mise en œuvre de protocoles de désinfection, longs et minutieux,
et la prise en
charge complexe des malades ont diminué les capacités
journalières
d’intervention. Des transferts de moyens ont été réalisés des zones
de faible
circulation du virus vers les zones dont les services d’urgence
étaient débordés.
Les moyens héliportés de la sécurité civile ont réalisé une
proportion très
importante des missions qui ont permis de désengorger les services
d’urgence
— 16 —
d’Alsace, de Lorraine et de Bourgogne Franche-Comté, ainsi que de
la région
parisienne vers l’ouest de la France. Ils ont ainsi démontré qu’ils
constituent un
partenaire incontournable du secours aux personnes et de l’aide
médicale urgente.
La crise du covid-19 a également permis à la DGSCGC de
prendre
conscience de l’utilité d’hélicoptères lourds pour réaliser les
transports sur de plus
longues distances, par exemple vers le nord de l’Allemagne, qui ont
été confiés
aux forces armées dans le cadre de la crise. De tels hélicoptères
permettraient de
ne plus dépendre des moyens d’autres ministères, d’être plus
réactif et de
compléter la flotte d’avions dans la lutte contre les feux de
forêts.
b. Une difficile coordination avec les héliSMUR
La gestion de la crise du covid-19 a rappelé toute l’actualité de
la
proposition issue de la revue de dépenses de 2016 sur les
hélicoptères de service
public qui proposait la création d’un organisme interministériel,
sous l’autorité du
Premier ministre, chargé de coordonner l’utilisation de tous les
hélicoptères de
service public. Cet organisme interministériel n’ayant pas été
créé, la situation
reste inchangée.
Les moyens héliportés du ministère de l’Intérieur sont habitués à
œuvrer
ensemble. Mais la coordination reste perfectible avec les moyens
héliportés de la
santé qui dépendent de la régulation médicale des hôpitaux et dont
l’emploi n’est
pas coordonné au sein d’une structure opérationnelle unique.
L’état-major interministériel de chaque zone de défense et de
sécurité
(EMIZ) intègre dans son périmètre de compétences les structures
opérationnelles
des diverses entités étatiques permettant de coordonner a minima
l’emploi des
moyens héliportés pour répondre à une crise ponctuelle. Dans le
cadre de la crise,
la structure de coordination mise en place à Metz a permis de
réunir tous les
moyens de la zone de défense et de sécurité, y compris ceux de
l’ARS. La
DGSCGC estime toutefois que la crise du covid-19 a confirmé que
l’autonomie
des SAMU ne facilite pas la coordination zonale ni l’emploi dans ce
cadre des
hélicoptères HeliSMUR.
Un groupe de travail a été constitué, à la suite des difficultés
de
coordination constatées lors des missions de désengorgement des
hôpitaux
parisiens à partir d’Orly. Il a réuni le centre national des
opérations aériennes
(CNOA) de l’armée de l’air, la direction générale de l’aviation
civile, les
opérateurs d’HeliSMUR, les forces aériennes de la gendarmerie
nationale et la
DGSCGC, en vue de définir la coordination des mouvements des
hélicoptères de
secours et d’assurer ainsi la sécurité aérienne. Il a été décidé
que lors
d’évènements similaires, le CNOA coordonnera dans un premier temps
les
mouvements des hélicoptères de secours, puis laissera dans un
second temps ce
rôle à une cellule dédiée, conformément à l’instruction
interministérielle
du 4 novembre 2013 relative à la coordination et à l’optimisation
des moyens
aériens en cas de crise localisée sur le territoire national. Mais
il reste à identifier
— 17 —
une cellule opérationnelle qui, au sein du ministère des
Solidarités et de la santé,
pourrait décider de l’engagement des hélicoptères des différents
opérateurs civils
aux ordres des régulations médicales des hôpitaux. Ce dispositif a
été testé lors
d’un exercice à la fin du mois de septembre 2020, afin d’être en
mesure de
répondre à une seconde vague de l’épidémie de covid-19.
Votre rapporteur pour avis s’interroge sur le problème récurrent
de
la coordination des héliSMUR et des hélicoptères de la sécurité
civile : il
souhaiterait connaître les obstacles qui s’opposent encore à la
création d’un
organisme interministériel chargé de coordonner l’utilisation de
tous les
hélicoptères de service public.
c. Une participation ponctuelle des avions de la sécurité
civile
Quatre avions ont été mobilisés entre le 17 mars et le 16 avril
2020 dans le
cadre de la gestion de la crise liée à la pandémie de covid-19 :
trois Beech 200
et un Dash 8 Q400. Ils ont assuré 12 missions représentant 39
heures de vol. Ces
missions ont permis d’acheminer du matériel sanitaire (équipement
de protection
individuel, gel hydro-alcoolique) vers les départements de la
Haute-Corse et de la
Corse du Sud et de transporter une équipe médicale de Bordeaux vers
Strasbourg
et Besançon ainsi qu’un détachement des marins-pompiers de
Marseille à Paris.
Un avion a également effectué des transports au profit des
équipages de
l’hélicoptère de la sécurité civile envoyé en renfort dans les
Antilles françaises en
raison de la quatorzaine imposée pendant l’état d’urgence
sanitaire.
d. Une absence de mobilisation des moyens logistiques
nationaux
Lors de son audition par la mission d’information sur l’impact, la
gestion
et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de
covid-19,
M. Grégory Allione, président de la FNSPF a souligné que les moyens
nationaux
logistiques auraient pu être mieux employés dans le cadre de la
crise. Selon la
FNSPF, aucun des quatre établissements de soutien opérationnel et
logistique
(ESOL) n’a été mobilisé, alors que leur soutien aurait pu être
déterminant pour
distribuer des masques aux acteurs de terrain engagés contre
l’épidémie :
« La distribution de matériel aurait-elle pu être plus performante
?
S’agissant des masques, la distribution a été confiée à des
transporteurs privés ;
par moments, ils ont mis du temps à arriver, car certains des
transporteurs ont
invoqué leur droit de retrait. Or, au sein de la direction générale
de la sécurité
civile, existent les établissements de soutien opérationnel et
logistique (ESOL), et,
dans tous les territoires, il y a les sapeurs-pompiers. Nous nous
sommes d’ailleurs
proposés pour distribuer les masques. Je puis vous assurer que, là
où il y a eu une
forme de coordination entre l’autorité préfectorale, ayant à sa
disposition les
ESOL et les secrétariats généraux pour l’administration du
ministère de
l’intérieur (SGAMI), et les collectivités territoriales – notamment
les départements
et les communes –, la distribution a été faite par les
sapeurs-pompiers, et il n’y a
jamais eu de déficit de masques (…)
— 18 —
Avec les 250 000 sapeurs-pompiers, les unités militaires de la
sécurité
civile et les ESOL, qui sont des plateformes logistiques prêtes à
monter des tentes
et à aligner des véhicules pour transporter des malades, on dispose
d’une
véritable « force armée » de la protection civile du quotidien. Or
celle-ci n’a pas
été utilisée. Cela aurait pu faciliter les choses (…)
Les ESOL sont des plateformes proposant des moyens mis à
disposition
par l’État, complétés par ceux des SDIS. Quand l’autorité
préfectorale s’est vue
confier, avec les moyens dont elle dispose – notamment les
gendarmes et les
pompiers – les opérations de logistique, elle n’a jamais failli, il
n’y a jamais eu de
délai d’attente, de réception et de conditionnement. Les stocks ont
été sécurisés
grâce aux forces de police et de gendarmerie, la distribution a été
réalisée grâce à
la mobilisation de l’ensemble des sapeurs-pompiers, notamment lors
de la phase
de confinement, pendant laquelle les sapeurs-pompiers volontaires
étaient tous
disponibles. L’engagement citoyen et les associations agréées de
sécurité civile
ont également contribué à la résilience. Les ESOL sont donc de
véritables
plateformes, qu’il faut développer, renforcer, sécuriser et
continuer à mettre en
œuvre avec les forces de sécurité intérieure, que ce soient les
policiers, les
gendarmes ou les sapeurs-pompiers. » (1)
Votre rapporteur pour avis souhaiterait connaître les mesures
prises
pour mieux mobiliser, à l’avenir, les établissements de soutien
opérationnel et
logistique en cas de crise majeure.
4. Une coopération européenne en cours de construction
a. Une faible mobilisation des moyens mis à la disposition de
l’Union
européenne dans le cadre de la crise
Lors de la première partie de la crise du covid-19, les 18 modules
français
d’intervention mis à la disposition de l’Union européenne au titre
de la réserve
européenne de protection civile n’ont été ni sollicités ni déployés
dans un cadre
bilatéral ou européen. De même, l’avion Dash mis à sa disposition
au titre du
programme RescEU n’a pas été mobilisé.
Mais la France a procédé à plusieurs interventions au bénéfice
d’États
ayant formulé une demande d’assistance dans le cadre du mécanisme
de protection
civile de l’Union en raison de la crise sanitaire. Ces
interventions sont prises en
charge par la Commission européenne à hauteur de 75 % des coûts de
transport.
C’est dans ce cadre que des structures hospitalières de Wuhan et de
la province du
Hubei, en Chine, ont bénéficié, d’une livraison par la France de 17
tonnes
d’équipements médicaux le 19 février 2020. L’Équateur, le Salvador,
l’île de
Chios en Grèce et le Bangladesh ont également bénéficié de
livraisons
d’équipements en juin et juillet.
(1) Compte rendu n° 42 (2019-2020) de l’audition du mardi 21
juillet 2020.
— 19 —
Par ailleurs, 354 vols de rapatriement ont été organisés par les
États
participants au mécanisme de protection civile de l’Union,
permettant le retour
de 88 750 personnes dont 78 863 citoyens communautaires. Dans ce
cadre, la
France a organisé 33 vols au bénéfice de 8 180 citoyens français.
La Commission
européenne a cofinancé 75 % des coûts de transport dans ce
cadre.
Les moyens aériens de la sécurité civile ont également été
mobilisés pour
des missions primaires et des missions de transferts
inter-hospitaliers liées au
covid-19 sur le territoire national ainsi qu’à destination du
Luxembourg, de
l’Allemagne et de la Suisse. Une demande de prise en charge des
coûts de ces
missions au titre du fonds de solidarité de l’Union européenne est
en cours
d’élaboration.
b. Un accroissement du budget du programme RescEU dont la
sécurité
civile française pourrait bénéficier
Le 27 mai 2020, la Commission européenne a présenté son projet de
plan
de relance, dont le volet « Next Generation EU », doté d’une
enveloppe
de 750 milliards d’euros, constitue l’un des principaux leviers.
Son troisième pilier
vise notamment à renforcer des programmes clés de l’Union
européenne afin de
tirer les leçons de la crise.
À ce titre, une dotation de 1,9 milliard d’euros doit consolider
le
programme RescEU, le dispositif de réponse capacitaire de dernier
niveau (safety
net) du mécanisme de protection civile de l’Union européenne : ce
programme
sera étendu et renforcé pour doter l’Union de moyens de se préparer
et de réagir à
des crises futures. Le budget total du mécanisme de protection
civile de l’Union
européenne s’élèvera ainsi à plus de 3,1 milliards d’euros sur
la
période 2021-2027.
– accroître les capacités de réaction face aux crises (matériel
médical,
dispositifs d’évacuation sanitaire aérienne, hôpitaux de campagne,
avions et
hélicoptères de lutte contre les feux de forêts) afin de pouvoir
les mobiliser
rapidement en cas d’urgence sanitaire, de feux de forêt, d’incident
chimique,
biologique, radiologique ou nucléaire ou à l’occasion de toute
autre urgence
majeure ;
– permettre à l’Union européenne d’acquérir directement des
capacités
d’intervention, afin de créer un filet de sécurité avec des
équipements d’urgence
qui pourront aider les États membres face à des situations de crise
majeures ;
– permettre à l’Union européenne de financer entièrement le
développement et les coûts opérationnels du programme RescEU.
Premier contributeur au titre de la réserve européenne de
protection civile
en termes d’envoi d’experts et de modules d’intervention déclarés,
la France
— 20 —
pourrait bénéficier de l’accroissement du budget du programme
RescEU de
plusieurs manières. La DGSCGC bénéficiera tout d’abord du
cofinancement par la
Commission européenne de deux avions bombardiers d’eau amphibies de
type
Canadair qui seront mis à la disposition du programme RescEU : leur
acquisition
au titre du budget 2020 de l’Union européenne est en cours. Une
réflexion est
également engagée avec l’Allemagne en vue de l’acquisition dans ce
cadre d’un
hélicoptère lourd de type EC 225 qui pourrait avoir sa base dans le
nord-est du
territoire français.
Par ailleurs, la constitution d’un arsenal médical stratégique
intégralement
financé par la Commission européenne et localisé en France est
proposée
conjointement par la DGSCGC et de la direction générale de la santé
dans le cadre
du volet médical du programme RescEU. La DGSCGC participe également
aux
travaux de conception d’un hôpital mobile européen dans les
domaines de la
gouvernance et de la logistique. Un autre projet relatif à l’achat,
l’accueil et le
stockage de capacités d’intervention en réponse aux risques
nucléaire,
radiologique, bactériologique et chimique (NRBC), intégralement
financées par la
Commission européenne, est également à l’étude.
— 21 —
II. LES FORCES TERRITORIALES DE LA SÉCURITÉ CIVILE DANS L’ATTENTE
D’UNE RECONNAISSANCE DE LEUR RÔLE DANS LA GESTION DE LA CRISE DU
COVID-19
A. DES SAPEURS-POMPIERS INSUFFISAMMENT RECONNUS DANS LEURS MISSIONS
DE SOINS D’URGENCE ET TRÈS VARIABLEMENT MOBILISÉS
1. Des sapeurs-pompiers souvent peu sollicités au début de la
crise, mais qui ont assuré des missions essentielles
En 2019, 85 % des 4,8 millions d’interventions des services
d’incendie
et de secours étaient consacrés au secours d’urgence aux personnes.
Cela
représente une intervention toutes les 6,5 secondes.
Au début de la crise, l’activité opérationnelle des services
d’incendie et
de secours a diminué de 20 à 50% dans les territoires où la
circulation du virus
demeurait faible. En effet, le confinement a entraîné la suspension
d’une grande
partie de la vie sociale et ainsi diminué les interventions des
sapeurs-pompiers
sur la voie publique. La crainte des citoyens d’engorger les
centres hospitaliers
et la disponibilité des transporteurs sanitaires privés liée à la
diminution de
l’activité hospitalière programmée ont également contribué à une
moindre
sollicitation des services d’incendie et de secours. Mais cette
baisse d’activité
s’est accompagnée d’un allongement de la durée des opérations et
elle a été
suivie d’une forte reprise de l’activité dès le milieu du mois de
mai.
Les sapeurs-pompiers se sont mobilisés quand ils ont été
sollicités,
c’est-à-dire assez peu au début de la crise, mais davantage
ensuite. La
Fédération nationale des sapeurs-pompiers estime que les SDIS ont
été victimes
d’un effet d’éviction de la part des autorités au cours des
premières semaines de
la crise et que les SDIS et leur service de santé et de secours
médical n’ont pas
avoir été pris en compte dans les moyens nationaux mobilisables.
Cette
situation a entraîné un profond sentiment de frustration et de
sous-emploi,
d’autant plus important que les sapeurs-pompiers volontaires
étaient
particulièrement disponibles en raison du confinement.
L’exemple du SDIS de l’Aveyron
Au début de la crise, le nombre de missions de secours d’urgence
aux personne
(SUAP) a légèrement diminué (– 3%), mais la désinfection
approfondie systématique des
véhicules de secours et d’assistance aux victimes (VSAV) a augmenté
la durée des
interventions de 45 minutes. Le SDIS a également reçu moins
d’appels d’urgence.
Les interventions covid ont représenté 10,3 % du SUAP et environ un
tiers de
l’ensemble des transport covid, pour répondre aux carences
ambulancières. Depuis la reprise
des opérations programmées, les entreprises de transport privé
sanitaire refusent tous les
— 22 —
transports covid et une grande majorité des transports d’aide
médicale urgente (AMU) en
raison de l’absence de prise en compte financière du temps de
désinfection des ambulances.
Cela a eu pour conséquence de tripler les carences ambulancières
assurées par le SDIS. Sur
la même période, les accidents sur voie publique ont diminué de 28
% et les incendies d’un
peu plus de 30 %.
Le SDIS n’a pas connu de baisse des effectifs de garde dans les
centres d’incendie et
de secours et a appliqué le plan de continuité de l’activité pour
limiter les risques de
contaminations. Huit sapeurs-pompiers (deux professionnels et six
volontaires) ont eu une
forme sans gravité du covid et un seul sapeur-pompier professionnel
a bénéficié d’une
autorisation d’absence spéciale pour garde d’enfant. Le SDIS a
refusé de participer à la
réserve sanitaire autrement qu’en équipe constituée.
Le Service de santé et de secours médical (SSSM) est constitué de
65 médecins
sapeurs-pompiers, dont un médecin-chef sapeur-pompier
professionnel, et de 108 infirmiers,
dont deux sapeurs-pompiers professionnels, 5 pharmaciens dont un
pharmacien-chef sapeur-
pompier professionnel, 5 vétérinaires volontaires et 1 psychologue
issu des personnels
administratifs, techniques et spécialisés. Ils participent aux
interventions à la demande des
sapeurs-pompiers sur le terrain ou du SAMU. Le SSSM a été fortement
sollicité pendant la
crise et a dû créer une adresse mail dédiée pour répondre aux
différentes sollicitations. La
pharmacie à usage intérieur a fait face à un accroissement de son
activité de plus de 50 %. Le
SSSM a été associé au groupe de pilotage « crise covid » avec le
groupement qui commande
les opérations et la direction.
Le SDIS n’a pas connu de difficultés d’approvisionnement en
équipement individuel
de protection, car le pharmacien-chef a effectué rapidement des
commandes.
Il n’est pas intervenu dans le cadre de transports sanitaires
inter-hospitaliers de
patients, mais un groupe de secours aux personnes (un véhicule chef
de groupe, quatre
VSAV et un véhicule médecin-infirmier, soit seize sapeurs-pompiers)
était prêt à s’engager
en renfort chaque jour.
Les relations du SDIS avec le centre de réception et de régulation
des appels (CRRA-
15) ont été excellente. Le SDIS a constaté une saturation du centre
assez régulièrement : il
était alors très difficile de le joindre pour faire un bilan radio
ou un transfert d’appel. Mais la
crise n’a pas permis de faire progresser les mutualisations en vue
d’une plateforme
commune : le CRRA-15 ne souhaite pas d’une plateforme commune avec
le SDIS, alors que
ce dernier y est favorable. Une plateforme commune aurait pourtant
représenté un atout dans
la gestion de la crise : la création d’un front-office commun
aurait pu les soulager.
Le SDIS est actuellement associé aux réunions sur le dépistage qui
sont organisées
par l’ARS départementale. Depuis le mois de juillet, il a
d’ailleurs réalisé cinq dépistages
d’ampleur pour le compte de l’ARS. Il a également prêté une tente
de poste médical avancé
et quinze pousses-seringues au centre hospitalier de Rodez.
L’association départementale de la protection civile a
régulièrement informé la SDIS
de sa capacité à mettre à disposition une ambulance et des
bénévoles, mais il ne l’a pas
sollicitée.
Le directeur du SDIS estime que la gestion de la crise, qui n’est
pas que sanitaire,
aurait dû être conduite par les préfets, avec l’ensemble des
services concernés. Sur l’aspect
sanitaire, il serait souhaitable que les délégations territoriales
de l’ARS disposent d’un
pouvoir de décision déconcentré : on ne pilote pas une crise à
l’échelon régional, mais à
l’échelon départemental. L’échelon régional, à l’image des
états-majors interministériels de
zone, vient en appui aux acteurs territoriaux, pour mieux
coordonner et mutualiser.
— 23 —
À l’inverse, dans les départements fortement exposés au virus dès
le
début de la crise, comme ceux de la région Grand Est et de
l’Île-de-France,
l’activité opérationnelle de secours d’urgence aux personnes a
augmenté de
30 %.
Entre les mois de mars et de mai 2020, les sapeurs-pompiers ont
réalisé
plus de 122 000 interventions covid-19, dont 37 % en Île-de-France
et 11 %
dans la région Grand Est.
Source : DGSCGC
Les sapeurs-pompiers ont fait preuve de souplesse et de réactivité
face à la
crise. Sur le plan opérationnel, les SDIS ont déclenché leur plan
de continuité de
l’activité, puis leur plan de reprise d’activité, et adapté les
effectifs en garde
postée. Des moyens spécifiques ont été mobilisés pour les
interventions covid-19 :
véhicule de secours et d’assistance aux victimes (VSAV),
personnels,
équipements et procédures dédiées. Afin de limiter le risque de
contamination,
vingt-six services d’incendie et de secours ont décidé de réduire à
deux sapeurs-
pompiers les effectifs de leurs VSAV. Les sapeurs-pompiers ont
suivi une
formation relative à l’habillage et au déshabillage, aux
équipements de protection
individuels et aux règles d’hygiène.
Plus de la moitié des services d’incendie et de secours ont réalisé
des
bilans médico-secouristes spécifiques de la victime, et ont adapté
leurs autres
procédures techniques, notamment en cas d’arrêt
cardio-respiratoires, d’aspiration
ou d’administration d’oxygène.
— 24 —
Source : DGSCGC
Source : DGSCGC
Lorsque les service d’incendie et de secours ont rencontré des
difficultés
dans l’approvisionnement des pharmacies à usage intérieur (masques
chirurgicaux
et FFP, lunettes, combinaisons, gants et housses mortuaire,
médicaments comme
les curares ou le midazolam, circuits respirateurs), ils ont fait
preuve d’initiative et
de créativité. Ils ont par exemple aménagé un dispositif
d’isolement de la victime
dans les véhicules de secours en utilisant des rideaux en plastique
transparent
permettant d’isoler la victime dans une « bulle ».
Comparaison du secours d’urgence aux personnes (SUAP) et de
l’ensemble de l’activité opérationnelle
en 2019 et 2020, de mars à juin (France)
Comparaison du secours d’urgence aux personnes (SUAP) et de
l’ensemble de l’activité opérationnelle en 2019 et 2020
de mars à juin (Île-de-France)
— 25 —
La durée de leurs interventions s’est allongée en raison du
temps
d’habillage des sapeurs-pompiers, du délai d’évacuation vers les
centres covid, de
l’attente dans les centres hospitaliers en raison du tri des
patients et de la
désinfection et la décontamination des véhicules et matériels. Les
interventions
ont ainsi duré en moyenne deux heures à deux heures trente, et
jusqu’à cinq heures
dans certains cas, contre une heure vingt-quatre en moyenne en
temps normal.
Dès le début de la crise sanitaire, les services d’incendie et de
secours ont
modifié l’organisation de l’activité du service de santé et de
secours médical
(SSSM), en reportant notamment de six mois les visites périodiques
d’aptitude
médicale des sapeurs-pompiers, conformément à l’arrêté du 23 mars
2020. Les
volontaires du SSSM ont été très sollicités par leurs employeurs,
mais les services
d’incendie et de secours n’ont pas souffert d’un manque de
personnels, la
complémentarité entre les sapeurs-pompiers professionnels et les
volontaires
permettant d’adapter leur organisation.
Source : DGSCGC
Les personnels disponibles du SSSM se sont concentrés sur les
missions
opérationnelles urgentes, tels que les interventions dans le cadre
de l’aide
médicale urgente, le soutien sanitaire aux sapeurs-pompiers en
intervention, la
création d’une coordination médicale au sein des centres de
traitement des appels
et la participation à l’élaboration de protocoles et de consignes
opérationnelles.
Ils ont également été sollicités par le ministère des Solidarités
et de la
santé pour diverses missions de para-médicalisation ou de
médicalisation des
évacuations sanitaires et pour des missions de dépistage dans des
EHPAD, des
abattoirs ou des prisons.
Source : DGSCGC
Ils ont mené des actions de formation et de prévention, ont
effectué un
suivi des personnels (cas avérés et cas contact), ont assuré un
soutien
psychologique, ont participé à l’approvisionnement en équipement de
protection
ainsi qu’à des collectes de dons de masques.
Enfin, ils ont permis de médicaliser les différents moyens de
transport
employés dans le cadre des évacuations sanitaires. Les services
d’incendie et de
secours ont en effet participé à l’acheminement de victimes vers
des
établissements hospitaliers par voie aérienne (dispositif « Morphée
», moyens
héliportés), ferroviaires (dispositif « Chardon ») et routier
(VSAV) au niveau
national et européen. La DGSCGC ne dispose pas du nombre
d’évacuations
sanitaires réalisées par les sapeurs-pompiers, ni du nombre de
victimes qui en ont
bénéficié.
Pour la FNSPF, la réussite de la gestion locale de la crise par les
SDIS
tient à leurs relations étroites avec les préfectures et les élus
locaux, mais aussi aux
liens noués entre les sapeurs-pompiers et les personnels de santé,
hospitaliers et
libéraux, qui ont l’habitude de travailler ensemble sur le
terrain.
— 27 —
2. La brigade de sapeurs-pompiers de Paris, un acteur majeur dans
la gestion de la crise en région parisienne
La brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) défend
les 124 communes des départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de
la Seine-
Saint-Denis et du Val-de-Marne, soit une population de 7 millions
d’habitants
auxquels s’ajoutent quotidiennement 2 millions de Franciliens. Elle
est constituée
de soixante-et-onze centres de secours, trois centres de secours
spécialisés dans les
risques nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) et
deux centres de
secours nautiques. Elle est composée de plus de 8 000 militaires
d’active, 450
réservistes opérationnels et citoyens et 250 volontaires du service
civique.
En 2019, la BSPP a réalisé 507 000 interventions, dont 80 % de
secours d’urgence
aux personnes.
Entre le 24 février et le 11 mai 2020, la BSPP a effectué
près
de 11 000 interventions covid-19. Elle a honoré toutes les demandes
de concours
du SAMU dans le cadre du secours d’urgence aux personnes (SUAP) sur
voie
publique comme à domicile en cas de suspicion de covid-19.
Malgré sa demande, la BSPP n’a pas été autorisée à participer
aux
réunions sur l’aide médicale urgente (à laquelle elle contribue
pourtant
directement) qui ont été organisées quotidiennement par l’ARS et le
SAMU
pendant la crise. Ses relations avec les SAMU se sont donc réduites
à des contacts
informels liés aux réseaux personnels de connaissances des
sapeurs-pompiers de
Paris.
— 28 —
En vue d’apporter une réponse adaptée à la crise, elle a
rapidement
mobilisé la totalité de ses effectifs (suspension des congés) et a
créé 17 équipages
d’ambulances de réanimation supplémentaires. Elle a également mis
en place des
véhicules légers infirmiers. Sa force de réaction rapide a été
portée à 10 véhicules
de secours et d’assistance aux victimes. L’ensemble des
sapeurs-pompiers de Paris
étant formés aux secours, les personnels travaillant en back office
sont venus en
renfort des groupements opérationnels.
La BSPP a également reçu le renfort de 25 auxiliaires du 1er
régiment
médical de la Valbonne, de 52 élèves des écoles militaires (élèves
de l’École
polytechnique, élèves officiers à l’École militaire interarmes et
stagiaires de
l’École de guerre ayant servi à la BSPP), de 90 volontaires service
civique (VSC)
et de 365 réservistes. Ces derniers ont effectué en moyenne 800
gardes de
24 heures par mois au cours des trois premiers mois de la
crise.
Source : DGSCGC
En plus de ses missions habituelles, la BSPP a adapté son soutien
aux
divers acteurs de la santé engagés en première ligne. Les hôpitaux
d’instruction
des armées de Percy et de Bégin ont notamment bénéficié de renforts
de la BSPP
employés en qualité d’aide-soignant au sein des services de
réanimation. Une
mission de soutien auprès de l’ARS d’Île-de-France a également été
mise en place
pour gérer les flux de matériels de première nécessité destinés aux
soignants
(masques et gel hydro-alcoolique principalement). La BSPP a envoyé
des renforts
médicaux et paramédicaux à Mayotte du 14 au 28 juin, en Guyane du
23 juin
au 12 juillet
Elle a participé à l’évacuations sanitaires de 70 patients en
réanimation à
Paris comme en province, par train ou aéronef, au cours de trente
transferts aériens
et de trois transferts ferroviaires. Près de 400 médecins,
infirmiers et sapeurs-
— 29 —
pompiers de la BSPP, répartis en vingt-neuf équipes, ont participé
à ces
évacuations. Elle a également effectué trois transferts
inter-hospitaliers à la
demande des hôpitaux d’instruction des armées parisiens et pris en
charge
vingt-et-un patients covid graves rapatriés de théâtres
d’opérations à la base
aérienne de Villacoublay.
Depuis le mois de juin 2020, la BSPP assiste l’ARS dans les
campagnes
de prélèvement à Paris et en petite couronne. Elle a augmenté ses
effectifs
consacrés à cette tâche dès la parution de l’arrêté du 24 juillet
2020 autorisant les
sapeurs-pompiers à effectuer les tests : entre deux et trois VSAV
sont affectés
chaque jour à cette tâche.
Le covid-19 a entraîné un surcoût des interventions de 482 000
euros en
dépenses de personnel et de plus de 5 millions d’euros en dépenses
de matériel. La
BSPP a bénéficié de nombreux dons d’équipements individuels de
protection.
3. Un arbitrage interministériel sur le numéro unique et les
plateformes communes qui ne peut plus être repoussé
a. Une saturation du 15 pendant la crise, alors que des
plateformes
communes auraient permis de mieux gérer les appels d’urgence
Au début de la crise, les appels au numéro d’urgence 15 ont
fortement
augmenté. Ce pic a été suivi, avec un décalage d’environ une
semaine, d’une
augmentation plus faible des appels vers le 17. Les appels vers les
numéros 18
et 112 n’ont pas subi de variation majeure : ils ont même
légèrement diminué en
raison du confinement. Conformément aux directives nationales, les
appels pour
des conseils liés au covid-19 adressés aux SDIS ont été transférés
aux SAMU
territorialement compétents.
Source : DGSCGC
— 30 —
Ces directives renvoyant vers le seul numéro 15, dès le mois de
février,
pour toutes les questions relatives au covid a entraîné un
transfert de nombreux
appels au 18 qui ne présentaient aucun caractère d’urgence vers le
15, pour
permettre aux demandeurs d’exposer leurs problèmes et d’obtenir un
conseil
médical. Au début du mois de mars, une saturation des CRRA-15
(centres de
réception et de régulation des appels) a été constatée, en raison
des capacités
insuffisantes de ces centres face à l’étendue de la crise
sanitaire. Comme les
CRRA-15 étaient engorgés par les appels relatifs au covid-19 qui se
mêlaient aux
autres urgences, les personnes se sont alors tournées vers le
18.
Dès le début de la crise, les SDIS ont réorganisé leur centre de
traitement
des appels et leur centre opérationnel (CTA-CODIS) en créant une
zone de travail
dédiée aux médecins sapeurs-pompiers et une coordination médicale
composée
d’infirmiers sapeurs-pompiers et de médecins sapeurs-pompiers, en
collaboration
avec le SAMU.
Les services d’incendie et de secours ont trouvé des solutions
innovantes
pour répondre aux difficultés rencontrées. Face à des problèmes
ponctuels de
transmission d’information par le SAMU sur des suspicions de covid,
ils ont mis
en place des arbres décisionnels communs pour l’engagement des
VSAV. Ils ont
également établi des lignes d’appel directes entre leur centre de
traitement des
appels et le SAMU. À la demande du SAMU ou de la préfecture, ils
ont mis des
personnels à la disposition de CRRA-15, afin de faciliter la prise
en compte de
leurs bilans médico-secouristes et de leurs appels. Ils ont aussi
créé une
coordination médicale gérée par les personnels du SSSM au sein des
CTA-
CODIS, qui a permis de poursuivre les opérations sur le terrain
lorsque la
régulation médicale était saturée ou indisponible.
Les plateformes communes de traitement des appels d’urgence
15-18-112
se sont révélées très utiles, dans ce contexte : elles sont
parvenues à absorber sans
grande difficulté le pic d’appels généré par la crise. Cependant,
aucune nouvelle
plateforme n’a été créée à l’occasion de la crise sanitaire :
seules les plateformes
communes déjà en service étaient actives.
PLATEFORMES COMMUNES EN ACTIVITÉ
HAUTE MARNE 01/02/15 SDIS 52
PUY DE DOME 1990 Centre hospitalier
PYRENEES ORIENTALES 2012 SDIS 66
HAUTE SAVOIE 11/07/96 SDIS 74
VAUCLUSE 08/06/04 SDIS 84
VOSGES 01/01/08 SDIS 88
PARIS et petite couronne 11/2016 BSPP Sapeurs-pompiers
et police nationale
Source : DGSCGC
À la Paris, la plateforme des appels d’urgence (PFAU), qui traite
les
appels au 17, au 18 et au 112, a modifié régulièrement ses
procédures de
traitement des appels pour prendre en compte les recommandations de
Santé
publique France. Le niveau 1 de la PFAU a connu une période de
forte
sollicitation du 9 au 20 mars 2020 : s’il traitait en moyenne 4556
appels par jour
au premier trimestre 2020, il a été amené à en traiter 5 081 au
cours de cette
période, soit une augmentation de 12 %. Le pic d’activité est
intervenu au cours de
la journée du 13 mars 2020, avec 6 055 appels décrochés, soit une
hausse de 33 %
par rapport à la moyenne du premier trimestre. Le temps de décroché
a toutefois
faiblement augmenté, grâce à l’organisation très efficace de la
plateforme
commune.
b. Un indispensable arbitrage interministériel
L’an dernier déjà (1), votre rapporteur pour avis constatait que
les missions,
groupes de travail et rapports se succèdent depuis plusieurs
années, mais
qu’aucune décision politique n’intervient pour choisir le scénario
le plus pertinent
de mise en œuvre du numéro unique d’appel d’urgence et des
plateformes
communes de réception des appels d’urgence.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, de
nouvelles
expérimentations de plateformes communes ont été annoncées. Or,
seule la
plateforme commune de Montauban a été inaugurée depuis cett