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Music : noire et · la manifestation et que les populations afro-descendantes auraient reçue en héritage. Définir la culture par la couleur de peau ne peut aboutir qu’à une

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Fela Anikulapo Kuti With Africa 70, No Agreement (Celluloid Records, 1985). Les prises réalisées en 1977 avec Lester Bowie, lors de son passage à Lagos, ont été publiées sur cet album.

(page précédente)Sun Ra, The Heliocentric Worlds of Sun Ra (eSp Disk, 1972).

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15ekkehard Jost : You call it Black Music?Muhal Richard Abrams : Sure, sure! And the only reason we call it Black Music is to make a distinction from the other atrocities that’s going on. Otherwise we wouldn’t be calling it Black Music, we’d be calling it just « music ». Because that’s what it is. It’s music, you know, that emanates from the universe.

en 1977, le trompettiste et musicien américain avant-gardiste Lester Bowie, alors en tournée en europe, décide de faire une pause dans sa carrière musicale. Il est temps pour lui, estime-t-il, de partir à la découverte de ses « racines noires », en Afrique. Sans grande connaissance du continent, il choisit un peu au hasard la destination de Lagos, au Nigeria, pays anglophone de l’Afrique de l’Ouest. peu de temps après son arrivée, on lui conseille de se rendre à la « Kalakuta Republic », le lieu de vie communautaire où est établi Fela Anikulapo Kuti, le fondateur de l’afrobeat. Lester Bowie n’a jamais entendu parler de Fela ni d’aucun autre musicien africain contemporain. en revanche, le maître des lieux, lui, le reconnaît immédiatement : « Ah, Lester Bowie, tu fais partie de l’Art ensemble of Chicago. » Après quelques mesures de blues jouées pour faire musicalement connaissance, Fela ordonne qu’on aille chercher les bagages de l’Américain pour qu’il s’installe à demeure. Lester Bowie restera près d’un an dans l’antre de Fela Kuti, jouant à ses côtés lors de ses prestations scéniques, enregistrant de nombreuses chansons en studio et palabrant des heures durant autour de la musique, de ses différents usages spirituels, thérapeutiques et politiques, et des liens qui unissent entre elles toutes les ramifications de la « Great Black Music »…

en effet, dix années plus tôt, ce même Lester Bowie avait forgé avec ses compagnons de l’Art ensemble of Chicago ce nouveau concept dans l’effervescence politique et culturelle des années 1960 aux États-Unis : celles des droits civiques, du Black power et des grandes heures du free jazz. L’idée de cette expression était de sortir des définitions de genre qui enferment trop souvent les créations musicales dans des catégories commerciales. Duke ellington dénonçait déjà au début des années 1930 l’appellation « jazz » pour qualifier sa musique, qu’il considérait comme dotée d’un rayonnement et d’une importance artistique beaucoup plus larges. parler de « Great Black Music » permettait donc d’embrasser d’un coup, par-delà les catégories éphémères du marché du disque, la globalité de la tradition musicale noire-américaine pour la faire figurer en bonne place sur la carte de l’art moderne. D’emblée, cette définition entendait dynamiter les oppositions discriminantes dont étaient selon eux victimes les créations artistiques des Afro-Américains : le bas et le haut, le populaire et le savant, le nationalisme noir contre l’universalisme dont serait porteuse, seule, la « grande » musique classique européenne. Alors que les Noirs en Amérique avaient toujours été suspects de n’avoir aucune histoire du fait de la tragédie de l’esclavage, la musique était la preuve éclatante du contraire. « From the Ancient to the Future » était d’ailleurs la suite du slogan des musiciens de Chicago. Un jeu de call and response pouvait s’établir entre une Afrique mythique dont l’histoire remontait jusqu’aux pharaons noirs, un présent

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Duke ellington, The Afro-Eurasian Eclipse (Fantasy Records, 1975).

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17qui mettait en relation tous les affluents musicaux de la diaspora africaine et un futur symbolisé par les composantes avant-gardistes du mouvement noir.

Aussi, bien que le concept de « Great Black Music » ait été inventé dans le contexte du jazz d’avant-garde d’un ghetto noir d’une grande ville américaine, le South Side de Chicago, son rayonnement était forcément beaucoup plus large. Car qui relie le blues au jazz, le gospel au funk, les work songs au hip-hop ne peut faire l’économie d’une référence à la Jamaïque, au reggae, au dub, à ses sound systems et plus largement aux rythmes de la Caraïbe. Qui comprend les liens qui unissent le jazz West Coast à la bossa nova brésilienne ne peut ignorer les parentés entre les rythmes africains de la samba, les claves de la musique cubaine et les tambours des « Black Indians » de La Nouvelle-Orléans, jusqu’à leurs échos dans la « jungle » de Harlem. Les musiciens chicagoans savaient bien que la « Great Black Music » ne pouvait être circonscrite aux seuls États-Unis. Mais lorsque Lester Bowie rencontra pour de bon l’Afrique, il ressentit pour la première fois concrètement – et non plus seulement intellectuellement – que ce continent faisait intimement partie de sa propre histoire musicale. Non pas simplement comme une lointaine racine transmise par les tambours secrets des nuits haïtiennes, mais comme un ferment actif des multiples allers et retours dont sont tissées les musiques noires du xxe siècle. La musique de Fela Kuti, ce mélange de funk, de soul, de highlife ghanéen et de conceptions rythmiques ouest-africaines, était là pour en témoigner. Dans un étrange jeu de miroirs, Fela reconnaissait d’ailleurs avoir véritablement compris ce qu’était l’Afrique lors de son propre séjour aux États-Unis, au début des années 1970.

C’est à ces liens, à la fois évidents mais également étranges, insaisissables et mystérieux, qu’est consacrée l’exposition Great Black Music, les musiques noires dans le monde, réalisée en 2014 par la Cité de la musique et Mondomix, et dont le présent catalogue se veut le prolongement. Cette grande fresque panoptique, qui souhaite introduire le visiteur à la diversité des musiques de la diaspora africaine au xxe siècle, s’appuie sur une question : que signifie au juste l’idée vaste et parfois contestée de « musique noire » ? C’est bien là le problème : des musiques traditionnelles africaines jusqu’à la techno de Detroit en passant par la rumba cubaine et congolaise ou la salsa des musiciens portoricains immigrés à New York, l’unité des musiques noires tient sans doute davantage de la construction sociale que du déploiement d’une même et unique tradition musicale. Les anthropologues nous ont appris que toute identité ethnique est une construction et la notion de « race » une chimère idéologique sans fondement. Il faut donc abandonner l’idée qu’il existerait une « culture noire » absolue, intemporelle, dont la musique serait la manifestation et que les populations afro-descendantes auraient reçue en héritage. Définir la culture par la couleur de peau ne peut aboutir qu’à une impasse théorique, qui plus est dangereuse politiquement.

Toutefois, il n’en reste pas moins que les populations afro-descendantes, en Afrique, en europe et en Amérique, partagent depuis cinq siècles une histoire commune : celle de la confrontation brutale avec un pouvoir

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David Montana, « Black Indian chief » de la tribu des Yellow pocahontas, et sa tante Tremé, La Nouvelle-Orléans, 2007. photo : Lewis Watts.

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Max Romeo, 2011. photo : Alex Troesch.

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Miguelito Valdés With Machito’s Afro Cubans, Afro Cuban Music (Decca Records, 1947).

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Sylvia Telles, Lúcio Alves, Roberto Menescal, Bossa Session (elenco, 1965).

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ic22 hégémonique européen qui a succombé à l’éblouissement perturbateur que constitue

le fait d’être blanc. Ce pouvoir est entré dans une relation de domination avec des peuples extrêmement divers géographiquement, historiquement et culturellement, mais qu’il a désignés de façon indifférenciée comme « noirs ». Comme le rappelle l’écrivain haïtien René Depestre, dans l’Antiquité, les Grecs, qui connaissaient et échangeaient avec des peuples africains comme les Égyptiens, les Éthiopiens, les Nubiens, ne les ont jamais désignés par la couleur de leur peau. Les Africains eux-mêmes, avant l’arrivée des Blancs, ne se vivaient pas comme noirs. Aussi, d’un point de vue culturel, il importe de souligner que la notion panafricaine de musique noire ne peut exister avant la rencontre coloniale. La pensée raciale binaire est une conception moderne postérieure à cette rencontre. La culture « noire » doit alors être pensée non pas comme un héritage de la « superbe Afrique », comme la nommait déjà Baudelaire en 1857, mais comme une construction, une création, qui a rapidement pris forme, dès les débuts de la présence africaine dans le Nouveau Monde, dans le langage des sons : des vibrations bien réelles cette fois !

La musique noire est bien née dans l’espace colonial de la plantation. Mais ce qui compte ensuite, c’est de comprendre comment les musiciens noirs ont réussi à créer les plus belles musiques dans ce contexte, et comment celles-ci ont essaimé de par le monde. La diaspora africaine elle-même doit moins être appréhendée comme un état de fait – la présence sur les trois continents atlantiques de personnes d’ascendance africaine – que comme une construction active et délibérée de la part de ces mêmes personnes. Si l’on peut parler de culture noire, c’est que celle-ci s’est concrètement appuyée depuis plusieurs siècles sur des voyages d’études, des conférences panafricaines, des revues littéraires et politiques, des anthologies nègres, des rencontres artistiques à paris, New York, Dakar, Johannesburg et Salvador de Bahia. À cet égard, le Ier Festival mondial des arts nègres de Dakar en 1966, organisé par Léopold Sédar Senghor, père intellectuel de la négritude et alors président du Sénégal, est symbolique de la prise en main par les Afro-descendants de leur histoire artistique commune et de l’importance de leur contribution à la culture mondiale contemporaine.

S’il faut donc abandonner la recherche illusoire d’une matrice musicale africaine « pure et authentique », qui en tant que telle n’a jamais existé, cette histoire commune et proprement moderne a produit des effets et des récurrences dans les pratiques dansées et musiquées aux quatre vents de l’Atlantique noir. Un certain usage de courts motifs mélodico-rythmiques appréciés pour leur qualité dynamique (le riff du blues, du funk ou de l’afrobeat, la boucle du hip-hop) et qui permettent d’asseoir le beat qui fait danser, un goût prononcé pour des structures rythmiques accentuant les temps faibles de la mesure (la contramétricité, le backbeat), la technique responsoriale du call and response, un pentatonisme compatible avec la structure tonale du langage musical européen, une prédilection pour les timbres altérés qu’on entendait déjà dans la lutherie africaine (les xylophones aux sons

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Ier Festival mondial des arts nègres, 1-24 avril 1966.

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ic24 Après l’école, sur Rampart Street,

La Nouvelle-Orléans, 2000. photo : Lewis Watts.

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25feutrés par les bruiteurs et autres mirlitons) et qui deviendront des « sons sales », les « dirty notes » de la musique américaine (la voix rocailleuse des bluesmen, la sourdine et le jeu wah-wah des trompettes de jazz, la saturation des guitares électriques…), une pratique de la variation sur des cycles répétés qui débouchera, dans le jazz notamment, sur un art consommé de l’improvisation, une dimension fonctionnelle affirmée là où la musique européenne avait patiemment tenté de s’inscrire au fil des siècles dans la logique de l’art pour l’art… Voici quelques-uns des traits les plus saillants de ces musiques noires qui ont profondément façonné le paysage sonore occidental et mondial tout au long des xIxe, xxe et désormais xxIe siècles.

Mais il ne saurait être question, pour les concepteurs de ce projet, de réduire cette multiplicité de créations à une formule essentialisante dont on pourrait détenir la clé et qui permettrait à nouveau de dessiner des frontières entre ce qui en est et ce qui n’en est pas. La clôture identitaire et la pensée du même sont le propre du conquérant. La réponse philosophique des populations africaines déportées et asservies pendant de nombreux siècles a précisément consisté à produire du rhizomatique, du multiple, du recyclé, de l’improvisé, du métissé : en un mot, de la créolisation. Le propre de la créolisation, nous a enseigné Édouard Glissant, est bien de produire, sans cesse, de l’imprévisible et du différent.

pour en apprécier toute la diversité, ce catalogue a souhaité tisser différents modes de narration, tout en reprenant les grandes sections de l’exposition présentée à la Cité de la musique. premièrement, une série d’articles et d’entretiens inédits retracent les grands moments des musiques noires, de l’Afrique moderne aux Caraïbes coloniales, en passant bien sûr par la diversité des Amériques. Face à l’immense champ que recouvrent ces musiques, on ne s’étonnera cependant pas que ce parcours ne soit pas exhaustif. Il tente néanmoins de circuler au maximum dans la géographie des musiques noires. La dernière section, intitulée « Global Mix », s’intéresse aux circulations contemporaines mondialisées, en prenant la pleine mesure de l’association du son noir aux courants les plus mainstream : du rap devenu le moyen d’expression privilégié de larges fractions de la jeunesse aux quatre coins du globe au dancehall jamaïcain et au reggaeton hispanophone qui frappent massivement les ondes actuelles. Un deuxième type de discours – des textes sélectionnés parmi les écrits des musiciens eux-mêmes – entend réfléchir directement la parole de créateurs de ces musiques. À bien les écouter, les musiciens se sont eux-mêmes exprimés plus souvent qu’on ne le croit, dans leurs autobiographies, chansons ou interviews, sur leur vision de la musique : en somme, leur propre théorisation de la « Great Black Music ».

enfin, une chronologie décalée, subjective et volontairement anachronique a été construite pour montrer comment les œuvres elles-mêmes, à la façon d’un immense intertexte, bâtissent et écrivent cette histoire. Si la notion de musique noire est une construction, alors les musiciens en sont, c’est l’évidence, les premiers architectes. Si l’on évoque les pyramides égyptiennes qui, selon Cheikh Anta

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Références bibliographiques

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Charles Baudelaire, « Le Cygne », Les Fleurs du mal [1857], paris, Garnier-Flammarion, 1964.

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W. e. B. Du Bois, Les Âmes du peuple noir [1903], trad. et postface de Magali Besson, paris, Rue d’Ulm/eNS, 2004.

Brent Hayes edwards, The Practice of Diaspora. Literature, Translation, and the Rise of Black Internationalism, Cambridge, Harvard University press, 2003.

paul Gilroy, L’Atlantique noir : modernité et double conscience [1993], trad. de Jean-philippe Henquel, paris, L’Éclat/Kargo, 2003.

Édouard Glissant, Introduction à une poétique du divers, paris, Gallimard, 1996.

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Gerhard Kubik, « présence de la musique africaine dans le jazz », Jean-Jacques Nattiez (dir.), Musiques. Une encyclopédie pour le XXIe siècle, t. I : Musiques du XXe siècle, Actes Sud/Cité de la musique, 2003, p. 1203-1238.

George Lewis, « Singing Omar’s Song : A (Re)construction of Great Black Music », Lenox Avenue : A Journal of Interarts Inquiry, vol. 4, 1998, p. 69-92.

Denis-Constant Martin, « Gregory Walker et le singe roublard. La question de la création devant l’inexistence et la réalité de l’idée de « musique noire » », Volume ! la revue des musiques populaires, n° 8 (1), 2011, p. 17-39.

emmanuel parent (dir.), « peut-on parler de musique noire ? Actes du colloque de Bordeaux », Volume ! la revue des musiques

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Alexandre pierrepont, « Le spectre culturel et politique des couleurs musicales. La « Great Black Music » selon les membres de l’AACM », Volume ! la revue des musiques populaires, n° 8 (1), 2011, p. 195-221.

eric porter, What Is This Thing Called Jazz. African American Musicians as Artists, Critics, and Activists, Berkeley, University of California press, 2002.

Ronald Radano, Lying Up a Nation. Race and Black Music, Chicago, University of Chicago press, 2003.

philip Tagg, « Lettre ouverte sur les musiques « noires », « afro-américaines » et « européennes » », Volume ! la revue des musiques populaires, n° 6 (1/2), 2008, p. 135-161.

Diop, attestent l’histoire plusieurs fois millénaire d’une civilisation négro-africaine, on pense ainsi à l’afro-futurisme de Sun Ra, qui disait être un pharaon venu de la planète Saturne. Au-delà de l’aspect potache de cette posture, il venait réinterroger, avec son humour et sa créativité, l’histoire occidentale, qui se pense comme étant à l’origine de l’histoire universelle.

Car c’est bien l’un des nœuds du problème. La pensée raciale moderne occidentale a toujours chargé l’Autre de porter le poids de la couleur, et par là même de la différence par rapport à un centre, une norme, un absolu : la tradition occidentale. Comment être un Noir et revendiquer pleinement sa participation au monde moderne ? se demandait W. e. B. Du Bois à l’aube du xxe siècle. Tous les artistes présentés dans ces pages ont répondu à leur manière au grand sociologue noir né aux États-Unis en 1868 et mort au Ghana en 1963. par son histoire propre et par l’impact qu’elle a eu sur le paysage sonore des xxe et xxIe siècles, la « Great Black music » est noire, et universelle.

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Sun Ra, The Nubians of Plutonia (Impulse, 1974).