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Xavier POUXJean-Baptiste NARCY
Violaine CHENAT
MINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIEET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
(MEDD)
AVEC LA COLLABORATION DU
MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE, DE L’ALIMENTATION DE LA PÊCHE
ET DE LA RURALITÉ
ET DU CNASEA
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT :4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
Groupe de la Bussière
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION 1
LA QUESTION PROSPECTIVE TRAITÉE : QUELLE RÉGULATION DES RELATIONS
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT À L’HORIZON 2025 ? 1CERNER LES LIMITES DE L’EXERCICE POUR MIEUX EN SAISIR LA PORTÉE 8LE FONCTIONNEMENT DU GROUPE DE TRAVAIL ET LA MÉTHODOLOGIE 13
QUATRE SCÉNARIOS CONTRASTÉS DES RELATIONS AGRICULTURE ET
ENVIRONNEMENT À 2025 18
GUIDE DE LECTURE D’ENSEMBLE 18SCÉNARIO 1 : LA FRANCE DES FILIÈRES, L’ENVIRONNEMENT AGRO-EFFICACE 19SCÉNARIO 2 : L’AGRICULTURE DUALE, UNE PARTITION ENVIRONNEMENTALE 42SCÉNARIO 3 : L’EUROPE DES RÉGIONS, UN PATCHWORK AUX RÉSULTATSENVIRONNEMENTAUX CONTRASTÉS 65SCÉNARIO 4 : UNE AGRICULTURE « HAUTE PERFORMANCE ENVIRONNEMENTALE » 90
CONCLUSION 113
L’INTÉGRATION DES ENJEUX TECHNIQUES ET SOCIAUX DE LA PROSPECTIVEAGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT 113LES LIGNES DU FUTUR PEUVENT BOUGER 114DES FUTURS CONFLICTUELS : IL N’Y A PAS DE SCÉNARIO « MAGIQUE » 115DES ARBITRAGES GARANTIES/RISQUES AU CŒUR DES SCÉNARIOS 116LES POLITIQUES PUBLIQUES FAÇONNERONT LE FUTUR 118LES RESSOURCES STRATÉGIQUES DES POLITIQUES PUBLIQUES 120UN NÉCESSAIRE CINQUIÈME SCÉNARIO ? 122
LISTE DES TABLEAUX, FIGURES ET CARTES 1
ANNEXE : LES MEMBRES DU GROUPE DE LA BUSSIÈRE 3
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 1
INTRODUCTION
LA QUESTION PROSPECTIVE TRAITÉE : QUELLE RÉGULATION DESRELATIONS AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT À L’HORIZON2025 ?
UNE PROBLÉMATIQUE À CONSIDÉRER DANS UNE PERSPECTIVE HISTORIQUE
« Si tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens ». Cet aphorisme est bien connu en
prospective. Il rappelle que les lignes du futur étant indéterminées a priori, il convient tout
d’abord de définir de quoi l’on va parler dans le futur, sous quel angle on va aborder l’avenir —
parmi les multiples qui se présentent spontanément — pour une question aussi large que celle
des relations agriculture et environnement. Il rappelle également que, pour ce faire, une analyse
rétrospective est toujours nécessaire.
Le groupe de la Bussière 1, constitué de manière ad hoc pour traiter cette question agriculture et
environnement à l’horizon 2025 est parti d’une certaine interprétation de l’histoire sur ce thème
au cours des 40 dernières années. Si l’on considère les évolutions entre 1960 et 2005, l’histoire
montre finalement une rencontre progressive de deux pôles agricoles et environnementaux
— nous parlerons ici de « mondes » — au long des décennies passées. Dans les grandes lignes,
le développement de l’agriculture productive dans les années 1960 et 1970 s’est fait en parallèle
de celui des grandes problématiques environnementales (eau, biodiversité, paysage). Sur cette
période, des réseaux d’acteurs se constituent — avec des héritages divers — sur la base de
relations dissymétriques : le monde de l’agriculture ne se soucie pas encore de l’environnement
(le terme n’existe pas dans le vocabulaire agricole) ; le monde de l’environnement assimile
l’agriculture à une entité globale, facteur de destruction des milieux et pollution dont il faut se
protéger. Les mondes se rapprochent dans les années 1980 (en Europe, sous l’impulsion des
pays d’Europe du Nord davantage que de la France) et finissent par se rencontrer dans les
années 1990. Depuis, l’environnement est incontestablement un thème structurant de la manière
de penser l’agriculture et, réciproquement, l’environnement « convoque » l’agriculture en tant
que facteur du changement global par exemple. Mieux comprendre, connaître et agir avec
1 — Du nom de l’Abbaye de la Bussière/Ouche en Côte d’Or où s’est déroulé le séminaire lors duquel les 4 scénariosprésenté dans ce document ont été conçus.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 2
l’agriculture est devenu un axe stratégique des acteurs de l’environnement, qui se combine avec
un volet plus classique de conservation 2. Le constat exactement symétrique peut d’ailleurs être
fait du côté de l’agriculture.
Finalement, la situation que l’on observe depuis un peu plus d’une décennie est celle d’un
héritage des années 1970-1980, avec un monde de l’environnement qui, dans son ensemble,
compose — dans le sens ambivalent du terme — avec celui de l’agriculture. Le groupe de la
Bussière est bien parti de cette analyse rétrospective, mais en développant une anticipation
originale de la manière dont le débat stratégique pourrait évoluer. À mesure que
l’environnement devient et deviendra un enjeu socio-politique global, il est probable que les
clivages et rapports de force déjà présents au sein de ce monde risquent de jouer un rôle accru.
Autrement dit, en montant en puissance, l’ E nvironnement va de plus en plus devenir les
environnement s . La même analyse s’applique au monde de l’ A griculture qui se structurera et se
diversifiera de plus en plus selon les manières dont il intégrera l’environnement.
C’est dans cette articulation qu’il faut rechercher la problématique traitée tout au long du
document : celle de la régulation à long terme des relations agriculture et environnement. Un
point fort de la démarche est alors de considérer les recompositions dans ces relations — dans
les deux sens — qui peuvent résulter de la co-évolution des deux mondes dans le futur, et les
modalités d’intervention publique et privée sur les pratiques agricoles ayant un impact sur
l’environnement qui en découlent. L’évolution à long terme des thèmes portés par différents
acteurs, les rapports de coordination ou de conflits au sein de chaque sphère (agricole et
environnement) et entre sphères — autrement dit, les stratégies — forment le champ d’analyse
du travail présenté ici.
UNE APPROCHE SOCIO-TECHNIQUE
Une autre particularité de la démarche est d’envisager cette question de la régulation des
relations agriculture et environnement en en explicitant les dimensions technique et sociale (au
sens large du terme : socio-politique et économique) et leur articulation. Ce faisant, elle
complète des analyses prospectives qui se placent uniquement dans le champ des sciences
sociales — qui laissent ainsi en plan le volet technique des questions environnementales — et se
démarque d’une prospective qui parlerait davantage des relations d’acteurs autour de
2 — Les mesures agri-environnementales d’un côté, les directives nitrates et habitats du tout début des années 1990illustrent parfaitement cette idée.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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l’environnement sans se référer à un état projeté de l’environnement, comme cela est parfois
envisagé.
Partant de ce point de vue, la problématique a été placée dans une perspective socio-politique :
pour le groupe de travail, « l’environnement » est une question technique (cf. infra) mais c’est
aussi ce que les acteurs qui expriment une demande environnementale portent dans la sphère
d’action collective — et celle-ci peut se décliner dans des objets différents : les ressources
naturelles, la biodiversité,… Autrement dit, si le constat était partagé que la « question »
environnementale allait jouer un rôle accru sur le plan politique dans les décennies à
venir— soit le cadre temporel de la prospective engagée — la manière dont cette question serait
portée à l’agenda politique et le contenu qui serait donné à cette question dépendraient des
acteurs en présence, de leurs intérêts et des outils qu’ils mobiliseraient. Cela renvoie à la
question « quels environnements voulons-nous ?» : quels sont les acteurs qui caractérisent les
« nous » en action à l’horizon 2025 ? Quelle interprétation de l’environnement ont-ils ? À quel
niveau — local, national, européen — sont-ils organisés ?
Cette problématique a été nécessairement traitée dans une perspective technique, considérant
qu’on ne peut déconnecter l’expression d’une demande environnementale avec une
caractérisation « objective » de l’état de l’environnement. Ce point a amené à poser la question
des pratiques agricoles et de leur impact sur l’environnement. Les pratiques ont été considérées
dans leur inscription plus large dans le fonctionnement des systèmes agraires régionaux, sur les
plans économiques et socio-politiques. « Réguler les relations agriculture et environnement »
c’est (1) intervenir sur des pratiques dans un but environnemental visé (la qualité de l’eau, la
richesse d’un habitat,…) (2) en considérant les autres déterminants des pratiques (économiques,
socio-politiques,…). Cela étant, il était hors de portée de l’exercice que de viser une
caractérisation exhaustive de l’ensemble des thématiques environnementales convoquées. Pour
une série de raisons sur lesquelles nous reviendrons, l’environnement a été abordé sous un
angle privilégié : celui des types d’espaces générés par l’activité agricole et des fonctions
environnementales 3 associées à ces usages agricole de l’espace.
3 — La notion de « fonction » environnementale renvoie par ailleurs à la demande sociale : il n’y a de telle fonctionsque dans la perspective d’acteurs susceptibles de se saisir des diverses fonctionnalités associées à l’usage des sols.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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UNE ANALYSE GLOBALE DES RELATIONS AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT
Considérer un questionnement autour de deux mondes en co-évolution dynamique appelait
une prise en compte des déterminants d’ensemble qui influencent le système ainsi considéré et
ses composantes.
Pour la composante « agriculture », du fait d’un groupe comprenant de nombreux experts
agricoles reconnus et de la tradition des travaux sur le sujet, il ne fut pas trop difficile
d’identifier les grands facteurs économiques, politiques, sociaux, professionnels, technologiques
à considérer. Sur ce plan, l’idée prospective structurante fut sans doute la relation entre les
producteurs et le secteur d’aval dans son ensemble (« le pilotage par l’aval » est au moins aussi
structurant que celui par l’environnement). Pour l’environnement, la tâche ne se présentait pas
de la même manière du fait d’une pensée incontestablement moins structurée au départ. Le
groupe est parti d’une analyse en termes de grands groupes d’acteurs — associations,
institutions, acteurs privés — et de thèmes — protection des ressources, biodiversité, cadre de
vie et paysages,… — en envisageant les facteurs, essentiellement sociologiques, susceptibles de
déboucher sur des images contrastées à l’horizon 2025.
Mais la richesse de l’analyse porte tout autant sur la manière de penser l’articulation et
l’intégration des deux composantes dans un cadre global. Plusieurs thèmes transversaux ont
ainsi été mobilisés que nous citerons ici pêle-mêle : les territoires, les consommateurs (et leurs
relations avec l’agro-alimentaire et la distribution), les systèmes agraires, appréhendés dans une
dimension géographique et technique. Le schéma ci-dessous propose une formalisation de ces
thèmes.
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Enjeux Systèmes Agraires… dont dépend l ’agriculture:
Espèces
Espaces
Systèmes de valeurs agricoles
Contrat territorial
Filières
Répartition géographique
Conduite d ’exploitation
Agro-écologie
Patrimoine nature & paysages
Ressources physico-chimiques
Enjeux Environnement...
… qui dépendent de l ’agriculture:
Pollution, nuisances, énergie
Politiques publiques
Territoires Société française
Débat social
OMC Europe
Collectivités
Élites locales
Agriculteurs
Résidents locauxAssociations de protectionde la nature
Tourisme rural
État
Consommateurs
Lobby biomasse
IAA Institutions agricolesÉconomie des filières
Flux
Hyper sécurité alimentaire
Modes de dvlpt des territoires
Crises budgétaires
Attachement au « Pays »
Convention Climat
Règles et rapports de force
Produits standard / terroir
Nouvelle PAC
Crises politiques
Politiques régionales
Finalité et niveau des aides publiques
Co-gestion
R&D
Lois des marchés
(feedback)
Figure 1 : une représentation schématique du « système » considéré dans l’analyseprospective de la régulation des relations agriculture et environnement.
Dans cette optique, l’intérêt de l’analyse présentée ici est de mobiliser ce cadre global pour
l’analyse des relations entre agriculture et environnement. Dans cette perspective, les
problématiques environnementales sont aussi une question économique et sociale et
réciproquement. On complexifiera encore d’un cran en introduisant la multiplicité des échelles
— du local à l’international — traitées dans l’analyse. À l’heure où les trois piliers du
développement durable sont une idée banale, on ne s’étonnera pas de cette analyse. Mais on
fera valoir qu’il n’est pas si courant de tirer toutes les conséquences des articulations entre ces
termes, d’en pointer les difficultés — au delà d’une invocation de principe — et les choix qui en
résultent.
En tout cas, l’approche présentée ici permet de dépasser quelques idées simplificatrices parfois
bien ancrées dans la réflexion à l’interface agriculture et environnement. Par exemple, les
scénarios montrent que cette question agriculture et environnement dépasse largement celle des
politiques agri-environnementales (MAE et règlements 4), et, dans cette perspective, la PAC
4 — Autrement dit : la prospective des relations agriculture et environnement n’est pas seulement celle desdispositifs publics conçus à cet égard.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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dans son ensemble est à considérer. Plus globalement, il ne s’agit pas que d’une question
entièrement politique — les acteurs privés jouent aussi un rôle essentiel — ou, a contrario, qui
pourrait se passer d’une régulation politique.
Les scénarios rappellent en outre qu’il ne suffit pas de proposer une « solution » pour répondre
aux problèmes environnementaux. L’efficacité des solutions dépendent autant de leur contexte
de mise en œuvre que de leur adéquation aux problèmes posés. Autrement dit, il ne faut pas
confondre le médicament et la guérison.
UN AXE TECHNIQUE STRUCTURANT : LA GESTION DE L’ESPACE
Nous venons de développer le fait que la problématique traitée ici est socio-politique et
économique. Mais, sur un thème comme l’environnement, elle est aussi nécessairement
technique.
Nous avons déjà pointé la difficulté de prise en compte exhaustive et précise de l’évolution des
paramètres environnementaux dans les images à 2025. La complexité des relations entre
agriculture et environnement fait qu’il est impossible de « déduire », même hypothétiquement,
un état exhaustif de l’environnement d’une projection d’un système de régulation socio-
politique et économique.
Nous avons néanmoins mobilisé un « compromis » dans le traitement de la question
environnementale, entre une exigence technique inaccessible et un renoncement, en proposant
une approche des caractéristiques spatiales 5 des systèmes agraires dans le futur. Plusieurs
raisons plaident dans ce sens :
• L’espace peut être appréhendé sur un mode relativement synthétique, avec des concepts
proches de l’écologie des paysages comme : « grandes parcelles », rotations diversifiées,
occupation duale… Cette approche est incontestablement simplificatrice dans une optique
pointue, mais elle est sans doute opérante dans le cadre de l’exercice considérée.
• L’espace est intégrateur de nombreuses thématiques agri-environnementales (à l’exception
des nuisances, sans doute). Sans parler de la biodiversité et des paysages pour lesquels la
5 —La notion d’espace intègre les espaces cultivés (terres arables et cultures permanentes), les espaces agricoles noncultivés (les prairies, pelouses, landes et parcours et zones humides) et les éléments figurés du paysage, associés àl’activité agricole (les haies, les bosquets et arbres, les mares,…). Par extension, nous intégrerons dans les variablesspatiales celles qui ont trait à l’organisation parcellaire (taille et forme) et à la diversité des cultures dans l’espace(assolements). »
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dimension spatiale est immédiate, même un thème comme les biocarburants qui, a priori, ne
part pas d’une demande spatialisable, a des conséquences potentiellement fortes sur
l’espace (via les systèmes de cultures sur lesquels les biocarburants reposent).
Sur un plan plus fondamental, on fera valoir que l’entrée privilégiée par l’espace n’est pas
qu’une contingence méthodologique dans le cadre de l’exercice. C’est est aussi un paradigme de
gestion environnementale qui a une signification technique et politique propre (au même titre
que la gestion de flux). En outre, l’espace est en lui même un objet de revendications et de
gestion environnementale. Les travaux du groupe ont ainsi montré que beaucoup d’attentes
multifonctionnelles se référaient à l’existence d’espaces générant des fonctions positives (loisirs,
prévention des risques, biodiversité, paysages, agro-écologie minimisant les produits
phytosanitaires…).
Dit autrement, il est difficile d’envisager une prospective des relations agriculture et
environnement telle que nous venons de la présenter qui aurait fait l’impasse sur la gestion de
l’espace en se concentrant, par exemple, sur la seule gestion des flux de polluants. En partant de
structurations de l’espace agricole contrastées, les scénarios contribuent à illustrer cette idée.
DES SCÉNARIOS CONTRASTÉS
Dernier point sur lequel nous voudrions insister : le fait de proposer des scénarios contrastés.
En premier lieu, la question de « s’agit-il de scénarios réellement contrastés ? » peut sembler
triviale et la réponse devrait aller de soi à l’examen des récits. Mais une difficulté liée à
l’approche systémique et globale retenue est de s’assurer qu’en adoptant différentes entrées
(par exemple : une régulation à dominante économique versus une régulation à dominante
politique), on ne décrive pas finalement la même situation avec des optiques différentes.
Autrement dit, que l’on ne rentre pas dans la même pièce par des portes distinctes et que les
contrastes ne soient essentiellement dus à des différences d’éclairage et de « mise en scène ». Par
exemple, la dimension éthique est constitutive du scénario « Haute performance
environnementale » : est-ce à dire qu’elle est absente des autres ?
Cette question a été très présente dans les débat du groupe, notamment en ce qui concerne les
deux premiers scénarios, qui comportent une partie commune. Elle a été prise en compte de
trois manières complémentaires. La première a consisté à donner aux scénarios une dimension
archétypale, privilégiant les points de rupture davantage que les compromis. La seconde fut
d’instaurer comme « cahier des charges » de chaque scénario une approche systématique,
consistant à caractériser chaque composante du « système » dont le schéma de la Figure 1 rend
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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compte. La troisième fut de prendre comme hypothèse constitutive de chaque scénario des
usages de l’espace — appréhendés à une échelle régionale — « objectivement » contrastés. Nous
laissons aux scénarios et aux cartes et schémas dont ils sont assortis le soin d’illustrer cette idée.
Si les résultats spatiaux — résultant des régulations agriculture et environnement complexes —
sont contrastés, alors on peut faire l’hypothèse que les scénarios le sont dans leurs prémisses.
Mais pourquoi se poser cette question ? On revient ici sur la finalité même de l’exercice.
Envisager des scénarios contrastés, c’est affirmer l’indétermination du futur et contribuer à une
ouverture du débat. Nous y insistons : le propos de la démarche n’est pas d’appuyer une
doctrine ou de justifier un choix désirable. Ce n’est même pas de trancher sur ce qui est
désirable ou non : de ce point de vue, aucun scénario n’est entièrement exempt d’atouts ou de
problèmes, nous y reviendrons largement dans la conclusion, même si chaque lecteur les
pondérera différemment en fonction de ses propres préférences. Une pluralité de scénarios
contrastés contribue par contre à balayer des choix et des options différentes, et par là même à
mieux baliser le débat décisionnel à long terme. C’est là une fonction essentielle de la
prospective.
En souscrivant à cette exigence des scénarios contrastés, et qui plus est porteurs de visions
pertinentes pour comprendre les enjeux de régulation des relations agriculture et
environnement, les membres du groupe de la Bussière ont eu le sentiment de répondre au
mandat de départ qui les a réuni : fournir des repères structurés et riches d’enseignement dans
un débat agri-environnemental particulièrement complexe et de surcroît dans un contexte
français davantage caractérisé davantage par la gestion des urgences politiques que par une
force de proposition à long terme. Si aucun scénario « programmatique » ne s’impose à l’issue
de l’exercice (ce n’était pas son attendu), on peut faire valoir que toute démarche
programmatique pourra s’inspirer du contenu et des enseignements des scénarios.
CERNER LES LIMITES DE L’EXERCICE POUR MIEUX EN SAISIR LAPORTÉE
Traiter la question sous l’angle de la régulation des relations agriculture environnement,
autrement dit en privilégiant les mécanismes sociaux, politiques et d’organisation économique
en jeu a conduit à laisser de côté certains thèmes. À ce cadrage théorique, on rappellera une
réalité méthodologique : le fonctionnement d’un groupe d’experts de qualité (et donc occupés)
ayant travaillé dans un temps limité limite de facto ce qu’il est possible et pertinent d’embrasser
dans l’analyse. On regrettera ainsi légitimement que le progrès technologique n’ait pu être
appréhendé de façon plus systématique et approfondie alors que c’est un moteur dynamique
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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qui aurait tout aussi bien être l’axe d’interprétation du passé sur lequel fonder la prospective.
Mais on comprendra également qu’il valait mieux se cantonner aux points forts de l’exercice
(fonction de la compétence des membres du groupe).
Il convient au total de pointer les limites auxquelles l’approche a conduit.
UNE DÉMARCHE ESSENTIELLEMENT QUALITATIVE
En premier lieu, il s’agit d’une réflexion essentiellement qualitative, portant avant tout sur les
modalités d’organisation politique et sociale dans la prise en charge de l’agri-environnement. Si
nous avons donné des repères quantitatifs dans chaque scénario sur la surface agricole utilisée,
sur le nombre d’agriculteurs, sur les budgets politiques mobilisés… il est clair que des
approfondissements — incompatibles avec les moyens mis en œuvre — dans une quantification
des tenants et des aboutissants des différents scénarios sous un angle technico-économique
enrichiraient beaucoup l’analyse.
Il en va de même dans le domaine de l’analyse environnementale sur un plan technique.
Chaque scénario est assorti d’images environnementales a priori cohérentes avec les hypothèses
de régulation retenues. Mais les « modèles d’impact » — à comprendre ici sur un mode
qualitatif conceptuel — permettant de passer d’hypothèses « déterminantes » (sur le mode de
régulation des relations agriculture et environnement) à un environnement « déterminé » (dans
le sens de : résultant d’hypothèses en amont) mériteraient eux aussi une analyse plus poussée et
la mobilisation de quantification plus poussées. La validation technique des scénarios a
essentiellement procédé d’un échange de vue et d’expertises au sein du groupe de travail, mais
il est clair que l’on ne saurait ici prétendre avoir épuisé une question hautement complexe. Le
premier scénario illustre pleinement cette difficulté : quels résultats peut-on attendre d’une
volonté de maîtrise des flux de polluants sur la qualité de l’eau ? Le scénario propose une
réponse technique à cette question, mais le débat reste largement ouvert 6.
6 — Par contre, on fera valoir que l’intérêt de l’analyse est de ne pas poser cette question uniquement en termestechniques, mais de la resituer dans un champ plus large.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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DES THÈMES NON RETENUS COMME DÉTERMINANTS : LE CHANGEMENTCLIMATIQUE ET LES OGM
Parmi les thèmes récurrents dans le débat environnemental, nous voudrions en citer deux qui
n’ont pas été retenus comme des déterminants des scénarios : le changement climatique et les
OGM. Ceci ne signifie pas qu’on ne les retrouvera pas dans les récits prospectifs, mais qu’ils
n’ont pas été considérés comme des hypothèses structurantes, en amont, des récits, à la
différence des mécanismes socio-politiques qui fondent les scénarios.
Il s’agit d’un choix structurant dont le groupe porteur et le bureau d’étude étaient conscients
dès le démarrage de l’exercice. Deux raisons justifient ce choix :
- La première est que ces thématiques étaient susceptibles de fonder des problématiques
prospectives en elles-mêmes, structurant l’ensemble de la réflexion. La prospective des
impacts sociaux des OGM a été traitée dans d’autres cercles de réflexion (Commissariat
Général du Plan 7) et celle des impacts du changement climatique sur l’agriculture fait
l’objet de nombreux programmes de recherche sous l’égide du GICC. Le choix a été fait de
ne pas « entrer en prospective » par ces thèmes et de faire émerger une autre
problématique, propre au groupe de réflexion.
- La seconde est qu’il s’agit de problématiques particulièrement complexes, nécessitant un
degré de technicité poussé qui n’était pas celui du groupe mobilisé. Il apparaissait
inaccessible de combiner deux champs de complexité : celui des objets socio-politiques,
privilégiés dans la présente démarche, et celui des objets techniques.
Au total, si on retrouvera dans l’exposé des scénarios des hypothèses relatives au
développement — ou au non-développement — des OGM ou à la prise en compte des impacts
du changement climatique, cela est fait sur un mode que l’on pourrait qualifier d’illustratif,
permettant de préciser la logique d’une image. Hormis le scénario 4 — « une agriculture "haute
performance écologique" », les liens qui unissent ces thèmes à la logique des scénarios ne sont
pas univoques et l’on a pu envisager, par exemple, que le scénario 1 — « La France des filières :
l’environnement "agro-efficace" » — soit compatible avec un non développement des OGM 8. Il
7 — Sous la présidence de B.Chevassus-au-Louis. On fera valoir que les travaux sur les OGM ont débouché sur desproblématiques proches de celles traitées ici, à savoir la contribution des OGM au « modèle agricole européen » ? Unequestion centrale de l’analyse prospective était : quels OGM pour quels « modèles agricoles » ? Avec quellesinstances et logiques de régulation ? On ne saurait néanmoins résumer les résultats du groupe de travail OGM duCommissariat au Plan à cette seule dimension socio-politique.8 — Dans la version présentée dans ce document, c’est l’hypothèse du développement des OGM qui a finalement étéretenue comme étant finalement plus plausibles et cohérente avec l’esprit du scénario.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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en va de même en ce qui concerne la place donnée aux cultures énergétiques dans les trois
premiers scénarios.
DEUX CORPS D’HYPOTHÈSES CONSERVATEURS DE FONDAMENTAUX SURL’ENVIRONNEMENT ET L’AGRICULTURE
Mais plus fondamentalement, la mise en réserve des OGM et du changement climatique révèle
que la prospective engagée a été conservatrice sur deux points fondamentaux :
- En premier lieu, les thèmes environnementaux de 2025 des scénarios ressemblent beaucoup
à ceux de 2005, eux-mêmes hérités des politiques de 1985… L’eau, la biodiversité et les
paysages y occupent la place centrale alors que le groupe de travail avait identifié un
champ de problématiques environnementales plus large, intégrant les nuisances de
proximité (bruits, odeurs,…), la pollution de l’air par les pesticides, les sols et le bien être
animal, sans même parler de l’énergie et des OGM (cf. supra). Force est de constater que,
nolens volens, la réflexion s’est centrée sur les thèmes environnementaux « classiques » 9 et,
qui plus est, elle a considéré qu’ils seront encore présents dans 20 ans (le scénario d’un
désinvestissement total de l’environnement n’a pas été développé). Nous ferons également
valoir que, dans les scénarios, l’environnement rétroagit peu sur l’activité agricole : pas de
crise de fertilité majeure, de catastrophe climatique ou d’invasion génétique. On reste ici
dans les bornes de la situation présente.
- Dans les grandes lignes, les scénarios sont conservateurs de beaucoup de traits du paysage
agricole actuel : la place donnée à l’intervention publique, le maintien de l’agriculture
productive comme premier gestionnaire de l’espace rural, sans même parler de la
continuation même de l’activité agricole en France. Des scénarios plus extrêmes — quasi
disparition de l’agriculture productive au profit d’importations et d’une gestion
« paysagée » de l’espace — ont été évoqués mais non retenus car, finalement, ils auraient
illustré un tout autre champ de problématiques pour lequel le groupe était peu préparé,
conceptuellement et/ou sur le plan de l’acceptabilité même.
9 — On retrouve ici ce que J.Theys appelle la « vision fixiste de l’environnement » qu’il critique quand il écrit « toutse passe en effet comme si la problématique de l’environnement devait pour longtemps rester figée dans le cade définipour l’essentiel à la fin des années 1970 — puis confirmée à la conférence de Rio en 1992 — et comme si nous étionsentrés pour longtemps dans […] un agenda fixé une fois pour toute. Une enquête scientifique […] avait pourtantsuggéré très clairement que la configuration des risques pour l’environnement serait au XXIè siècle très différente decelle du siècle précédent. » J.Theys, Malaise sur l’environnement, L’écologie sceptique comme symptôme. Futuriblesn°306 – mars 2005.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 12
Nous ne pouvons ici que constater cet état de fait, mais en l’assortissant d’une remarque
importante qui amoindrit la limite de cette approche conservatrice : si les scénarios sont
effectivement conservateurs sur les deux points discutés ci-dessus, ils envisagent des évolutions
marquées dans la configuration des jeux d’acteurs qui les portent et les modes de régulation des
relations agriculture et environnement qui en résultent. Ceci nous invite à faire valoir que le fait
de conserver ces « fondamentaux » ne revient pas à faire des scénarios tendanciels — dont la
définition est précisément la continuation du système de régulation en place — mais plutôt des
scénarios « de continuité », se distinguant de scénarios « de rupture ». Ainsi, les images
obtenues diffèrent de la situation présente et diffèrent entre elles. Si on peut facilement
interpréter les quatre images de 2025 au regard de la situation présente, les « germes » de
changement et les leviers de régulation évoluent nettement et radicalisent les orientations.
LES LIMITES D’ÉCHELLE ET DE CHAMPS THÉMATIQUES MOBILISÉS
Découlant en partie du point précédent, ou soulignera une limite quant au cadrage de l’objet
abordé.
Concernant les limites spatiales, nous avons déjà évoqué la mise en perspective de la
problématique agriculture et environnement nationale dans un cadre européen plus large. Mais
il aurait fallu aussi, dans l’idéal, élargir davantage l’analyse en embrassant systématiquement
les déterminants de la mondialisation, des marchés et des rapports géo-politiques par exemple.
Si ces aspects ne sont pas absents dans les scénarios, ils ne sont pas centraux et l’on aurait pu
envisager une démarche alternative, consistant à partir de scénarios globaux — comme ceux du
Global Scenario Group ou d’Europe 2010 et à les décliner dans notre champ d’analyse. C’aurait été
une autre approche, a priori riche, mais qui aurait nécessité un travail de traduction dans notre
domaine d’étude incompatible avec le temps disponible 10.
On peut également citer les limites disciplinaires et thématiques en évoquant à nouveau le
caractère essentiellement qualitatif de l’analyse, et l’intérêt qu’il y aurait eu à mobiliser des
travaux d’économétrie, par exemple. On peut également les enrichissements qu’auraient
10 — Nous avons tenté, en retour, de voir en quoi certains scénarios globaux du Global Scenario Group et d’Europe2010 peuvent être a posteriori considérés comme contextuels à chaque scénario agriculture et environnement. Si,sans surprise, de nombreux points d’articulation existent entre les différentes réflexions (sur la régulationéconomique, les préférences sociales et les valeurs, la place des politiques publiques, le contexte énergétique…) et quedes familles de pensées communes peuvent facilement être identifiées, il existe aussi une série de détails ou variantesqui font qu’on ne peut pleinement associer un scénario contextuel existant à un scénario agriculture etenvironnement. La même remarque s’applique à l’exercice « agriculture et territoires 2015 » de la DATAR, quiprésente beaucoup de similitudes d’ensemble et beaucoup de différences de détail qui distinguent les deux travaux.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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apporté des approches en termes de sociologie rurale — embrassant l’espace rural dans son
ensemble et non pas centré sur l’agriculture — de dynamique foncière et démographique,
d’analyse budgétaire… En rédigeant les scénarios, nous identifiions ce que chaque paragraphe
pouvait appeler de développement, d’approfondissement, de précisions.
Mais, outre les compétences et le temps nécessaires, c’est le format même de l’exercice et du
rendu qu’il aurait fallu questionner. Très concrètement, au delà d’un vingtaine de pages par
scénario, nous risquions de dépasser un seuil critique dans la portée et la diffusion du travail.
LE FONCTIONNEMENT DU GROUPE DE TRAVAIL ET L’OUTILLAGEMÉTHODOLOGIQUE MOBILISÉ
UN GROUPE DE TRAVAIL ENGAGÉ DANS UNE AVENTURE PROSPECTIVE
Constituer un groupe de travail ad hoc 11 et le faire réfléchir sur un thème tel que « les relations
agriculture et environnement en France » renvoyait à un enjeu méthodologique de taille. Il
fallait notamment s’assurer qu’un cadrage aussi large ne risque pas de se perdre dans des
considérants sans fin et qu’une production tangible puisse sortir d’un tel groupe.
L’entreprise se trouvait ainsi confrontée aux trois dimensions de la prospective identifiées par
V.Piveteau (1995) : combiner rigueur, démocratie (un débat ouvert) et aventure. Qui plus est, la
qualité du groupe avait une contrepartie : celle de sa disponibilité temporelle, nécessairement
limitée, qui renforçait dangereusement le volet « aventure » de la démarche (comment s’assurer
de la qualité de l’exercice dans un temps contraint ?). Concrètement, « l’engagement moral » des
participants était le suivant : participer à 4 réunions de travail collectif sur une période de 6
mois et dégager le temps nécessaire à la lecture des documents associés à la démarche dont le
présent document rend compte et à leur commentaire actif, soit, grosso modo, 6 à 8 jours
d’investissement intellectuel par personne impliquée. Pour donner une image complète du
dispositif mobilisé, on évoquera la contribution active du « groupe porteur » du projet,
fonctionnant comme un comité de pilotage et de préparation des réunions de travail et
associant les représentants des structures commanditaires 12, en étroite collaboration avec le
11 — Dont la constitution est donnée en annexe I.12 — On citera ici le groupe suivant, sous la présidence de Philippe Lacombe (INRA) : Jean-François Baschet(MAAPR), Yvon Bec (pour le CNASEA), Valérie Bernardi (CNASEA); Maryline Cailleux (MAAPR), Aline Cattan(MEDD), Sébastien Treyer (MEDD).
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cabinet d’études et de recherches AScA, spécialisé dans le domaine de la prospective
environnementale et de l’étude des relations agriculture et environnement.
Pour répondre aux enjeux de contenu et de procédure auquel l’exercice était confronté, le cadre
général de la méthode des scénarios a été mobilisé dans une forme aussi canonique que
possible. Concrètement, il s’agissait de viser le produit déjà cité ci-dessus — les quatre scénarios
présentés dans le document. La forme « scénario », en mobilisant les ressources du récit,
apparaissait pertinente pour traiter un thème complexe, à la croisée des analyses économiques,
politiques, sociologiques, agronomiques, environnementales… Le lecteur jugera de la réussite
de l’exercice sur le plan du contenu. Mais d’ores et déjà, on fera valoir la volonté de synthèse et
d’approche pluridisciplinaire qui sous-tend l’exercice. La force de cette démarche a également
une contrepartie dont il faut être conscient : il est impossible, dans un format réduit, de
développer tous les thèmes et idées pertinentes du point de vue d’une approche disciplinaire.
Chaque scénario appelle des développements thématiques qui, justement, participeront de sa
destinée future dans le débat d’idées. L’enjeu est ici que les récits « tiennent » dans leur
ensemble et ne reposent pas sur des contre-vérités.
Pour aboutir à ce résultat, la construction des scénarios s’est appuyée sur les étapes classiques
décrites dans les sections suivantes.
UNE PROBLÉMATIQUE FONDÉE SUR UNE « BASE » COMMUNE : LA RÉGULATIONDES RELATIONS AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT
En premier lieu, l’élaboration d’une « base » — formellement, un récit d’ensemble des relations
agriculture et environnement en France des années 1960 à 2004 13. Cette base fut soumise au
groupe de travail lors d’un séminaire d’une journée, afin de faire ressortir les questions
communes portées par le groupe, parmi les multiples « entrées » possibles quand on aborde la
question agriculture et environnement dans une optique délibérément large.
- Nous avons déjà détaillé la problématique générale ayant émergé de ce premier séminaire :
celle de la régulation des relations agriculture et environnement. Nous n’y revenons pas.
13 — C’est le bureau d’études AScA qui s’est chargé de la rédaction de cette « base ». Par rapport à d’autresdémarches prospective on soulignera un effort de synthèse — il ne s’agissait pas de collecter une base documentairesoumise en l’état au groupe de travail. On fera également valoir que cette synthèse était orientée en fonction desattendus des promoteurs de la démarche, en articulant des analyses techniques, économiques et politiques. Cette baseconstitue une partie séparée du présent document (si les contraintes éditoriales le permettent).
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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LA CONSTRUCTION DE SCÉNARIOS CONTRASTÉS : LE CŒUR DE LA DÉMARCHE
Lors d’une deuxième phase, le groupe de travail, muni d’une problématique et de cadres
d’analyse, a été sollicité lors d’un séminaire de deux jours pour construire quatre scénarios
contrastés 14. Le principe général était de mobiliser une méthode de scénarios dite « normative »
(ou backcasting) : c’est à dire consistant à imaginer d’abord des images contrastées à un horizon
de 2025, la question du cheminement, reliant 2004 à ce terme temporel, étant abordée
ultérieurement dans la méthode.
Classiquement, deux grands temps ont jalonné la réflexion du séminaire :
- une phase analytique, consistant à identifier un nombre restreint de « dimensions
d’incertitude » clé 15 et les hypothèses permettant de structurer la « trame » — le point de
départ — des scénarios contrastés ;
- une phase synthétique, consistant à combiner les hypothèses et décrire une image cohérente
d’ensemble.
Sans rentrer ici dans le détail méthodologique — ce sera fait plus avant dans ce même
document — les trames de départ des quatre scénarios peuvent être résumées comme suit :
14 — Ce séminaire s’est déroulé à la Bussière-sur-Ouche, en Côte d’Or, les 9 et 10 novembre 2004. C’est de cemoment d’intense travail en commun que le groupe tire son nom en tant que collectif.15 — Les thèmes retenus comme pouvant structurer les scénarios furent : (1) l’approche des problématiquesd’environnement sur le plan socio-politique (2) le modèle agricole dominant (3) les logiques d’usages des espaces àl’échelle nationale.
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Approche del’environnement sur le
plan socio-politiqueModèle agricole
dominantLogique d’usages de
l’espace
Scénario 1 : la Francedes filières,l’environnementagro-efficace
L’efficacitéenvironnementale estrecherchée dans leslimites de l’efficacitémicro-économique
L’agriculteur est unentrepreneur compétitif,participant aux filières d’avalpilotées selon une logiquelibérale et de concentrationéconomique
La finalité première del’espace agricole est laproduction
Scénario 2 :l’agriculture duale,
une partitionenvironnementale
Une priorité deproblèmesenvironnementauxétablie selon unelogique descendante,centralisée débouchesur un zonage duterritoire
Deux modèles co-existent dans desrégions différentes :
- l’entrepreneur (cf .supra)
- le producteuradministré
Une partition del’espace duale :intensification vs.maintien d’espacespatrimoniaux
Scénario 3 : l’Europedes régions, unpatchwork auxrésultatsenvironnementauxcontrastés
Une approcheessentiellementsubsidiaire : les enjeuxenvironnementaux sontétablis au niveau local
L’agriculteur contribueà des filièresterritoriales recherchantune diversificationmaximale desproductions (« paysanboulanger »)
Une France des terroirsdiverse : la qualitéproduits détermine celledes espaces
Scénario 4 : Uneagriculture « Haute
performanceenvironnementale »
L’environnement est uncritère économiquefondamental, uneapproche de compromisest dépassée
Agriculture biologique(modifiée dans lescénario pour tenircompte des enjeux HPEà large échelle)
La recherche defonctionsenvironnementales àtous les niveaux etpartout
Tableau 1 : présentation synthétique des hypothèses constitutives des 4 scénarios
Sur la base de ces quatre trames de départ — parfois infléchies au cours de la réflexion —, les
groupes de travail ont donné corps, illustré, enrichi autant d’images des relations agriculture et
environnement en France à l’horizon 2025. Ce fut le moment clé de la démarche en termes de
production de contenu, car il a fixé les orientations d’ensemble des scénarios.
À l’issue du séminaire, AScA a collecté le matériau ainsi élaboré et a rédigé des récits plus
formalisés et aboutis dans leur forme. Deux allers-retours des scénarios entre AScA et
l’ensemble du groupe de la Bussière, consulté pour fournir des correctifs, amendements,
précisions ont débouché sur les quatre scénarios présentés dans ce document. La phase de
« finitions » a duré environ 3 mois.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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UNE DERNIÈRE PHASE DE MISE EN DISCUSSION POUR PRÉPARER LA DIFFUSIONDU PRODUIT
Si les scénarios constituent le produit visé pour lui-même dans la démarche, sans « message »
prescriptif ou doctrinaire, sans choix du « bon » ou du « mauvais » scénarios, une dernière
réunion du groupe de la Bussière a été jugée utile pour mieux les mettre en perspective et
s’assurer de leur contribution potentielle au débat d’idées. Il s’agissait ici de traiter quatre
aspects que l’on retrouvera dans le présent document :
- Rétrospectivement, quelles limites méritent d’être pointées dans la démarche même ? Cette
question n’est pas posée dans une perspective d’auto-dénigrement, mais au contraire, de
clarification (cf. la section « Cerner les limites de l’exercice pour mieux en saisir la portée »).
- Quels sont les traits saillants des scénarios qui méritent d’être mis en exergue : sur leur
signification d’ensemble, leur cohérence, leur condition d’occurrence et leur robustesse ?
- Quelles pistes peut-on proposer pour illustrer la manière dont ils peuvent être repris dans le
débat d’idées ? Quels perspectives ouvrent-ils ?
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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QUATRE SCÉNARIOS CONTRASTÉS DES RELATIONSAGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT À 2025
GUIDE DE LECTURE D’ENSEMBLE
Les pages qui suivent présentent l’intégralité des quatre scénarios élaborés sur la base des
travaux du « groupe de la Bussière » par AScA.
La structure de présentation est similaire pour chaque scénario.
Une première page présente le scénario dans ses grandes lignes, dans un encadré synthétique
reprenant la philosophie d’ensemble du récit, la manière dont l’environnement est pris en
compte dans la conduite des exploitations (en reprenant la grille « gestion des flux, gestion des
espaces ») et les effets sur l’environnement, dans les grandes lignes.
L’exposé intégral des scénarios repose sur les points suivants :
- Le cheminement de 2005 à 2025, racontant l’enchaînement des grands événements quiconduisent à l’image ;
- Ce cheminement débouche sur l’image de 2025, en commençant par le « système derégulation », dans ses composantes économiques (filières), sociales et politiques. Selon lesscénarios, l’ordre entre ces trois termes peut varier selon la « porte d’entrée » fondatrice dechaque scénario (économique dans le premier, politique dans les deux suivants, socialedans le quatrième).
- L’exposé du système de régulation débouche sur la forme que prennent les systèmesagraires dans chaque scénario. Une carte synthétique illustrant la répartition desproductions sert de point de comparaison d’un scénario à l’autre.
- L’état de l’environnement est l’aboutissement de l’analyse, en tant que résultante des pointsprécédents. Des diagrammes paysagers complètent l’analyse environnementale.
Enfin, un tableau synthétique clôt chaque récit et compare la situation décrite dans le scénario
par rapport à la situation présente (années 1988 et 2000) sous les angles structurels (SAU
nationale, nombre d’exploitations et d’actifs, SAU moyenne), politico-économiques (écarts entre
les prix européens et les prix mondiaux, montant des aides et logique d’attribution) et
environnementaux (indicateurs globaux relatifs à l’eau, la biodiversité et l’usage des sols).
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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SCÉNARIO 1 : LA FRANCE DES FILIÈRES, L’ENVIRONNEMENTAGRO-EFFICACE
En 2025, dans un contexte de libéralisation de l’économie, la France a confirmé sa position de leader agro-
industriel en Europe. L’agriculture est fortement intégrée dans un système agro-alimentaire dont les
normes s’imposent aux producteurs. La demande environnementale s’exprime via les organisations de
consommateurs, préoccupés par une garantie de sécurité sanitaire et alimentaire. La régulation publique
s’efface et fournit un cadre très général. La maîtrise des procédés de production s’étend à l’ensemble de la
filière, de « A » à « Z ».
La régulation environnementale répond à une demande environnementale plutôt « hygiéniste » (qualité
des produits et préservation des ressources), et repose sur un cadre réglementaire fixant des objectifs
pragmatiques et concentrés sur les ressources en eau.
Les règlements et programmes d’intervention sont définis en concertation entre les pouvoirs publics et les
acteurs économiques. Le mode d’action dominant est à la fois réglementaire et agronomique : il faut
résoudre les problèmes en gérant les parcelles de manière optimisée pour la production. ?. Il s’en suit une
adaptation essentiellement technologique des problèmes environnementaux, axée sur une prise en charge
des flux de polluants alors que, dans le même temps, les pressions sur l’espace s’accroissent.
Seuls certains segments de la demande environnementale, relatifs à la préservation des ressources en eau
et à la réglementation sur les produits polluants, sont pris en charge sur la base d’une exigence de moyens
plus que de résultats. Le développement d’agroparcs vient répondre à des besoins récréatifs portés par des
urbains. Dans ce scénario, les contributions positives de l’agriculture en termes de paysage et de
biodiversité ne viennent que « de surcroît », quand les caractéristiques des produits agricoles portés par
les filières ont l’heur d’être associés à des caractéristiques environnementales positives (certaines marques
reposant sur une image environnementale). Mais, dans ce scénario, ce cas est loin d’être la règle et on
s’oriente plutôt vers la constitution de petites « réserves » (zones Natura 2030) perdues dans un océan de
médiocrité environnementale, dans lequel les espaces agricoles multifonctionnels se raréfient. Il peut en
découler des conflits latents, portés par les « perdants » de ce scénario : les environnementalistes – voire
les distributeurs d’eau - qui exigent mieux qu’un environnement « aux normes » mais s’adaptent par le
traitement.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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COMMENT DÉMARRE LE SCÉNARIO DE LA FRANCE DES FILIÈRES :L’ENVIRONNEMENT « AGRO-EFFICACE » (LE CHEMINEMENT DE 2005 À 2025)
En 2007 la fin du cycle de Doha de l’OMC continue d’exercer une pression sur la PAC. Une
orientation vers moins de soutiens reste d’actualité : « les efforts engagés dans la réforme de 2003
doivent être poursuivis ».
Parallèlement, les années 2005-2010 connaissent une restructuration sans précédent du secteur
agricole ; la baisse du nombre d’agriculteurs s’accroît pour atteindre -5%/an en France.
Corrélativement, le montant moyen des aides par exploitation atteint 19 000 euros en 2010. La
presse dénonce « la rente des agriculteurs dans un contexte de stagnation salariale française et
européenne » (Le Monde du 23/09/2010). La répartition inégale des aides est également pointée.
Les agriculteurs français perdent par ailleurs du poids politique dans le gouvernement issu des
élections de 2007 et 2012 et la base syndicale s’érode dans la mesure où l’efficacité de l’action
sur ce registre s’amenuise. La grande grève agricole de décembre 2011 pour sensibiliser aux
enjeux de la réforme de la PAC en cours de négociation s’étiole ; le gouvernement ne tient que
de vagues promesses sur la position que défendra la France et l’opinion ne soutient pas une
profession en voie de marginalisation.
Sur un plan plus global, les valeurs sociales sont caractérisées par l’individualisme économique.
La stagnation économique de l’Europe induit un certain fatalisme et un repli sur des stratégies
de sauvegarde des avantages acquis dans les comportements individuels. L’écart entre les
résultats des entreprises et le revenu salarial continue de s’accroître. Les écarts de revenu au
sein du monde agricole restent important, mais la moyenne est élevée après la phase de
restructuration des années précédentes.
L’environnement reste un thème important pour les Français et les Européens, mais la
sensibilisation n’est pas réellement suivie d’effets. En 2010, les voitures 4x4 sont toujours celles
dont le taux de croissance dans les ventes est le plus élevé, même si ce taux se ralentit. Les
comportements alimentaires privilégient la maîtrise des coûts avec une exigence accrue en
termes sanitaires. En matière agricole, cette demande s’inscrit dans un contexte de dégradation
diffus de la qualité des ressources naturelles et des habitats. Le maintien d’habitats semi-
naturels par l’agriculture apparaît comme une cause marginale en France — elle est laissée aux
zones montagneuses des nouveaux pays d’Europe. La position quant aux ressources, et l’eau
potable en particulier, est plus ambiguë : l’affirmation de la nécessité de préserver la ressource
est combinée à un certain fatalisme quant à la possibilité de le faire.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 21
Les industries agro-alimentaires et les grandes surfaces développent une communication
intégrant une prise en compte environnementale, faisant valoir les opérations exemplaires. Le
« reporting » environnemental (le fait que les entreprises communiquent leurs performances
environnementales) se développe et devient un argument de vente. La maîtrise des flux de
polluants, de déchets et d’énergie est le thème central. Les associations d’environnement
dénoncent « l’externalisation des impacts environnementaux des grandes entreprises, qui cachent
souvent dans des sociétés écrans leur pression sur les ressources et les espaces ». Le débat reste peu
lisible aux yeux du grand public.
En 2012, Carrefour est racheté par Wal-Mart et le nouveau groupe ouvre son 80ème hypermarché
en Italie et son 50ème en Pologne, en rappelant les progrès réalisés en 8 ans (avec respectivement
40 et 15 hypermarchés en 2004 pour Carrefour). La logique est de proposer des marques
européennes, rassurantes pour des consommateurs qui voyagent de plus en plus.
Les négociations de réforme de la PAC de 2013 sont particulièrement tendues dans un contexte
d’élargissement et de maîtrise budgétaire. L’agriculture est de plus en plus perçue comme un
frein au bon élargissement de l’Europe — les « nouveaux » pays, qui ne le sont plus tant que
cela, pointent le déséquilibre historique dans l’allocation des aides, malgré les promesses de
convergence à cette date, non tenues du fait de choix d’économies par les principaux
contributeurs au budget européen. Faute d’un compromis dans l’Europe à 30, la fin de la
politique agricole commune de régulation des productions est programmée à un horizon de 6
ans, avec un effacement progressif de toutes les aides aux exploitations. Le deuxième pilier n’est
pas épargné dans les négociations ; malgré les nombreuses voix en faveur de son maintien
(affaiblies, il est vrai, par les impacts de l’agriculture sur l’environnement), les acteurs les plus
libéraux dénoncent une « solution hybride, qui maintiendrait l’agriculture dans un registre
d’exception politique qui ne se justifie plus. L’agriculture est un secteur économique, et il doit être géré
comme tel ». Cette vision l’emporte.
Dans le même temps, l’affirmation d’une prise en compte « responsable » de l’environnement
est réaffirmée. Les acteurs économiques sont invités à jouer un rôle accru dans cette dernière,
l’Europe et les États Membres étant amenés à jouer un rôle cadre. La politique de recherche est
orientée dans ce sens.
L’abandon programmé de la PAC a des conséquences en France et le gouvernement français,
prenant acte de la fin du modèle agricole des années 1960, intègre le ministère de l’agriculture
au Ministère de l’économie et de la consommation. Pour autant, toute action politique n’est pas
abandonnée et l’on observe une renationalisation des politiques. En France, elle s’oriente vers
une « modernisation compétitive des entreprises agricoles » dans une perspective de concurrence
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 22
européenne et mondiale. D’autres pays, comme l’Autriche ou les Pays-Bas s’orientent vers une
gestion sociale du recul de l’agriculture. D’autres, enfin, faute de moyens budgétaires,
n’interviennent pratiquement pas. La politique environnementale s’articule autour de deux
piliers : la taxation des intrants d’une part et la protection de sites remarquable strictement
délimités dans le réseau Natura 2030.
2020 : le 1er pilier disparaît. Il reste 130 000 exploitations en France. Les restructurations ont été
fortes sur la période précédente, mais elles ne sont pas suffisantes en ampleur et en nature pour
induire une réelle remise en cause de la politique engagée depuis 7 ans.
L’IMAGE DES FILIÈRES ET LES POLITIQUES EN 2025
Un contexte de libéralisme économique : la France se positionneEn 2025, l’Europe est une vaste zone de libre échange, elle même intégrée dans un ensemble
mondial plus large. L’économie de marché s’impose comme le modèle central, et cette règle
s’applique à tous les secteurs, y compris l’agriculture et l’agro-alimentaire. « L’exception
agricole » du début du siècle — l’expression était encore employée dans le tournant des années
2000 au sujet de l’agriculture et de la culture — n’est plus d’actualité. Les différents pays de
l’Europe à 30 trouvent leur place relative sur l’échiquier des échanges en faisant valoir leurs
avantages comparatifs, quand ils en ont.
Dans ce contexte, la France affirme une place de leader dans différents secteurs dont celui agro-
industriel. Les marchés visés sont en premier lieu ceux de l’Europe — le chiffre d’affaire étant
tiré par une population relativement aisée en moyenne, bien que les écarts de revenus se soient
accrus — mais aussi ceux des pays émergents (Asie du Sud-Est en premier lieu). La France
continue de faire valoir ses atouts géographiques et historiques dans le secteur : un climat
favorable — finalement moins perturbé que d’autres par le changement climatique —, de larges
espaces et un savoir-faire dans le domaine agricole et agro-alimentaire. Elle se positionne ainsi
comme le premier pays exportateur de l’Europe des 30, sur une large gamme de productions.
On soulignera que, au regard d’autres pays plus densément peuplés, la pression sur l’espace
reste relativement faible. Après une phase de vocation incertaine au début des années 2000, des
observateurs auront pu parler du « retour de la production agricole et agro-alimentaire ».
On soulignera le fait que la France est en compétition avec d’autres pays non européens dans ce
schéma : au niveau européen de la viande de bœuf est importée d’Argentine — les exploitations
françaises ne sont compétitives qu’au prix d’une forte restructuration (cf. infra) —, des céréales
viennent du Canada… Cependant, les normes sanitaires portées par les consommateurs, que
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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l’OMC ne parvient pas à combattre, permettent à une forme d’agriculture européenne de se
positionner.
Un pilotage par l’avalDans ce contexte général, l’agriculture française est pilotée par les acteurs de l’aval (IAA et
grande distribution), qui intègrent les producteurs de façon très étroite. Ceux-ci offrent une
large gamme de produits répondant aux besoins variés des industries. L’impératif d’ensemble
du système est de produire en quantité et en qualité constante, de manière à assurer une
régularité dans la fourniture des consommateurs européens. « La qualité standard partout et tout le
temps » pourrait résumer la philosophie des enseignes, le terme « standard » recoupant une
grande variété de situations, mais repose toujours sur l’explicitation de normes.
Les produits distribués sont fortement segmentés : 20% de produits correspondent à une qualité
de type « marques supérieures » (les AOC et IGP étant en forte concurrence avec ces dernières
et ayant fortement régressé), correspondant à des règles spécifiques définies dès la production,
20% à une qualité « supérieure » correspondant souvent à la gamme haute des marques de
distributeurs, 60% sont des produits de masse, également très standardisés.
L’intégration verticale des exploitations à l’organisation économique est totale : celles-ci sont
considérées comme des PME, soumises aux lois du marché et tributaires de la grande
distribution. Les exploitations fournissent les matières premières nécessaires aux industries
(céréales et oléagineux, viande et lait…).
Les IAA, concentrées dans quelques régions autour des pôles de production et de
communication, entretiennent une négociation continue avec l’aval. Elles optimisent leur
réactivité économique et leur compétitivité par l’innovation. L’activité croissante des services
R&D des entreprises est donc naturellement inscrite dans la logique économique qui domine le
système. Cette maîtrise technologique est d’autant plus importante que la France reste peu
compétitive sur le poste « main d’œuvre ». Les gains de productivité se font donc par
l’automatisation des tâches dans de grandes usines et des plateformes de distribution efficaces.
Des exigences strictes dans le contrôle des standardsLa production nationale répond aux standards européens de qualité. Quels que soient les types
de production, les cahiers des charges sont généralisés et intègrent systématiquement des
dimensions sanitaires et environnementales coïncidant avec le respect des réglementations. La
qualité des produits distribués sur le marché national est ainsi associée à une performance
environnementale minimum. Cette performance environnementale ne donne pas lieu à une
rétribution supplémentaire pour le producteur mais est considérée comme une condition
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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d’accès au marché. Pour les produits de qualité « supérieure » —et les AOC—, l’environnement
peut être mobilisé comme argument de vente par les distributeurs, mais le bénéfice pour les
producteurs est très indirect (ce ne sont pas les pratiques environnementales qui sont
rémunérées) et partiel.
Les consommateurs ont un poids de plus en plus important dans la régulation des marchés ; au
cours des dernières années, ils sont systématiquement associés au lancement des nouveaux
produits afin de prévenir tout risque de désaffection. En particulier, la sécurité sanitaire se doit
d’être irréprochable.
Les promoteurs des OGM ont fini par convaincre les consommateurs de leur intérêt potentiel
dans une « lutte globale contre la pollution agricole », grâce aux perspectives qu’ils ouvrent
dans un emploi plus efficace de produits phytosanitaires et d’engrais. Malgré de vifs débats, les
risques sur la santé humaine ne sont toujours pas avérés et ceux sur l’environnement sont jugés
dépassés, compte tenu de la dissémination de fait de gènes modifiés dans le milieu depuis
plusieurs décennies.
Une grande ouverture des marchés d’approvisionnementÀ cette concurrence nationale des exploitations face aux réseaux de distribution, s’ajoute une
concurrence à l’international sur les approvisionnements. En effet, si les régions françaises
continuent à alimenter les IAA nationales, elles sont confrontées aux autres régions productives,
européennes et mondiales, prêtes à s’adapter aux exigences des mêmes cahiers des charges.
Le caractère productif et agro-industriel ainsi affirmé place la France au cœur des marchés
européens. Dès lors, les échanges avec l’international se spécialisent : exportation de produits
de qualité et importation de produits de base. La mise sur le marché de produits Hard discount
permet-elle de satisfaire la demande des consommateurs dans son ensemble, y compris en
important des produits en provenance de pays tiers.
UNE AGRICULTURE QUI S’IMPOSE AUX TERRITOIRES
Des territoires supports d’activitéL’organisation verticale et la prédominance de la logique économique considèrent les territoires
sous l’angle de l’avantage comparatif qu’ils sont susceptibles d’offrir sous l’angle de la
production quantitative. Les choix d’orientation technico-économique des exploitations
agricoles sont basés sur des critères de rentabilité et de logiques d’approvisionnement des IAA.
Les avantages comparatifs des territoires français sont utilisés par les entrepreneurs comme
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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arguments économiques et commerciaux. C’est à partir des pôles industriels que se tissent les
réseaux de transformation et de distribution.
Dans ce contexte, les expériences de développement coopératif n’ont que peu de place. Soit elles
restent ponctuelles, isolées et fragilisées, soit elles sont intégrées au réseau industriel.
Les pouvoirs locaux n’ont qu’un pouvoir très limité face à l’association filières-consommateurs.
Ils accompagnent les choix de localisation des industries et d’orientation de la production. Les
collectivités souhaitent avant tout s’attacher l’implantation d’industries qui, si elles ne génèrent
pas directement un grand nombre d’emplois — l’automatisation des tâches étant très
développée — induisent une série de services (transports, logistique,…) contribuant au
dynamisme économique des pays et des régions en termes de PIB.
La notion d’attachement au pays est quasi-absente dans ce décor où les autres activités
économiques (tourisme rural notamment) se développent de façon indépendante de l’activité
agricole, avec lesquelles elles entrent parfois en concurrence directe.
Des agroparcs se développent à proximité des villes. Ces entreprises, couvrant plusieurs
centaines d’hectares, proposent des prestations sur le thème du retour à la nature : visite de
fermes traditionnelles aussi prisées que les zoos, vente de produits (pas toujours de la ferme) et
aménagement d’espaces « naturels » (zones humides) et paysagés. Les touristes d’Europe du
Nord les affectionnent et trouvent les agroparcs français supérieurs à ceux de leur pays du fait
du sentiment d’espace qu’ils y trouvent.
De nombreux conflits latentsCette logique d’ensemble induit de nombreux conflits. La structuration du territoire ne satisfait
pas pleinement ceux qui subissent la logique agro-industrielle.
Les résidents voient la banalisation de l’espace agricole comme générant une perte de qualité de
vie. Certes, ils pratiquent de moins en moins les espaces ruraux — au profit des espaces plus
sauvages et/ou plus lointains ou, à l’occasion, les agroparcs — et sont conscients des impacts
positifs de ce système lorsqu’ils fréquentent les supermarchés. Mais les propriétaires se font une
raison en constatant la hausse tendancielle du foncier et de l’immobilier liée à la combinaison
de la pression agricole et résidentielle.
Les membres d’associations environnementalistes locales sont encore plus directement en
conflit avec le système agro-industriel tel qu’il s’impose en France ; ils perçoivent clairement
que les milieux naturels gérés par l’agriculture n’ont pas de place dans le développement de
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 26
l’agriculture qui se met en place. En outre, la pression sur les ressources naturelles reste forte et
la qualité des eaux et des sols continue de se dégrader.
Parallèlement, le primat à la production redevenu dominant a conduit à exclure de l’espace
agricole un certain nombre de zones, trop peu productives ou trop isolées des circuits agro-
industriels. Selon le contexte géographique, celles-ci sont progressivement affectées à une
logique de « mise en réserve », à finalité de protection de la nature et de la biodiversité
remarquable dans le cadre du réseau Natura 2030, ou évoluent vers la déprise pour les plus
isolées d’entre elles (soit près de 2 millions d’hectare depuis 2000). Les premières zones sont
régies par des règles de gestion contractuelle, confiée à des des « fondations pour la nature ». Le
dispositif repose sur un principe de mise aux enchères, les porteurs de projets étant financés par
une partie du produit de la taxe sur les polluants agricoles et par les grandes entreprises qui
trouvent là des niches intéressantes de défiscalisation. Le monde des protecteurs de la nature se
trouve cantonné à ce « pré carré » d’intervention. Certains continuent à s’inquiéter du caractère
rétrograde de cette vision de la protection de la nature, qui ne permet pas de prendre en compte
les interdépendances entre écosystèmes et espaces. Mais leur voix reste largement inécoutée
dans un univers tout entier tourné vers l’efficacité économique immédiate.
Les conflits restent cependant davantage latents que réellement exprimés. Le monde agro-
industriel fait valoir les nombreux efforts qu’il consent en matière d’environnement (cf. « les
dispositifs de gestion agro-environnementaux » infra). Le dossier des OGM reste emblématique
de cet état du débat : recul pour certains, avancée pour d’autres… il reste en grande partie
irrésolu. Les attentes locales peuvent parfois s’exprimer au sein de collectifs « consommateurs-
agriculteurs-IAA » qui tentent de faire émerger des solutions de compromis.
D’une manière plus générale, les acteurs locaux trouvent toutefois peu de relais face à la logique
économique en place : ils ont le sentiment que les niveaux de régulation leur échappent.
L’effacement des acteurs politiques et le contexte plus global de régulation économique
contribue à faire en sorte que les conflits ne trouvent pas réellement de cadre où s’exprimer. La
société française a, dans ensemble, pleinement intégré la logique économique comme mode de
régulation dominant. Certes, celle-ci engendre de nombreux laissés pour compte et des
marginaux dans tous les domaines, de la production à la consommation. Les territoires en
déprise, les espaces péri-urbains ressentent cruellement cette exclusion. Pourtant, cette situation
est vécue par la plupart comme une contre-partie à la recherche de performance et à la
compétitivité, à la qualité, à la diversité des produits offerts et à la sécurité alimentaire. La
marque du pragmatisme fait écho à la résignation d’une fraction de la société.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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LES SYSTÈMES AGRAIRES : UNE EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE
Des exploitations performantesL’efficacité agronomique et le respect de la réglementation régissent désormais les systèmes
agraires. De fait, il reste, en 2025 sur le territoire national, 120 000 exploitations agricoles
professionnelles compétitives et 300 000 UTA, qui tirent leurs revenus de leurs contrats de
vente. Les structures agricoles ont atteint un niveau de concentration et de productivité tel que,
malgré des prix unitaires bas, le revenu agricole moyen reste satisfaisant. Toutefois les
économies d’échelle ne suffisent pas pour résister aux fluctuations des cours des matières
premières et les groupements interprofessionnels ont dû mettre en place des systèmes de
péréquation du risque économique.
Les systèmes agraires se sont différenciés selon les grands zonages régionaux et ont évolué vers
des formes technologiquement efficaces. Les exploitations se sont restructurées dans une
perspective d’économie d’échelle, cherchant à valoriser la mise en commun de ressources et de
compétences. Aujourd’hui ce sont les grandes unités de production qui dominent, gérées sous
formes sociétaires ou employant de nombreux salariés, le nombre moyen d’UTA par
exploitation est de 2,5, marquant une nette hausse sur 25 ans (1,5 en 2000). La recherche de
performance dans la conduite de l’exploitation est également porteuse d’exigences nouvelles
dans les pratiques de production.
Au sein de ce modèle industriel, une certaine forme d’agriculture raisonnée connaît une
expression technique qui traduit une excellence agronomique, le conseil étant prodigué par des
agents des organisations de filières. Les thèmes principaux sont la gestion des intrants, des
effluents et de l’irrigation. Les enjeux sociétaux présents dans ces domaines ne sont pas
étrangers à ces changements de pratiques. Ainsi, dans la zone productive Ouest, les unités de
traitements intégrés des effluents sont une condition au maintien des exploitations hors-sol. De
façon plus générale, la conduite des systèmes agraires n’est envisagée qu’au moyen d’une
technicité accrue. Les exploitations de 2025 répondent toutes aux critères de certification
(techniques , sanitaires, environnementaux) ; la certification Iso 24001 est désormais leur
référence. Ces nouvelles exigences impliquent un niveau d’investissement et surtout de
compétence technique accru, qui a largement contribué à l’élimination de certains exploitants
insuffisamment formés ou insuffisamment intégrés dans les réseaux de conseil technique.
L’efficacité économique passe également par la fourniture de services en complément de
l’activité de production. Il n’est pas rare que les exploitations développent une activité
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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d’entrepreneurs pour effectuer les travaux ruraux des collectivités ou des résidents et, par là
même, rentabiliser leur équipement.
Une répartition des productions selon une logique d’avantagescomparatifs agronomiques
La répartition des productions sur le territoire français n’a pas connu de changements majeurs
depuis le début du XXIème siècle, au moins dans les grandes lignes : on observe un mouvement
de spécialisation autour des grandes productions obtenues selon une logique de masse. Les
régions productives et spécialisées sont localisées dans le nord et le centre de la France pour les
grandes cultures, dans le grand ouest pour les bovins-lait, les volailles et les porcs, et dans le
cœur du Massif Central pour les bovins-viande. Une agriculture de proximité se développe
dans les régions de moyenne et de haute montagne. Dans le reste du territoire, les productions
spécialisées dominent (vignes,…). L’affirmation de la vocation agro-exportatrice de la France
conduit à une pression agricole sur des zones intermédiaires, aux marges des grands bassins de
production. La plus faible productivité des terres est compensée par des structures de très
grande taille et fortement équipée.
Un croissant constitué d’industries agro-alimentaires (laitières et céréalières essentiellement) et
de leur réseau de commercialisation se dessine à l’échelle européenne, de Rotterdam à Brest.
Les régions viticoles optimisent leur potentiel de production et multiplient leurs stratégies de
commercialisation. Il en est de même pour les régions de moyenne montagne, comme le Jura ou
certaines parties du Massif Central, qui ont su jouer la carte des marques de qualité ou, de
manière relictuelle, du maintien des AOC.
Sur le reste du territoire, l’activité agricole se délite, entraînant un déclin sans précédent de
l’agriculture dans certaines zones (-2 millions d’ha sur 20 ans).
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 29
Carte 1 La France des filières : l’environnement « agro-efficace » , carte des productions
Porcins Maïs
Bovins lait Cultures céréali
Bovins viande Cultures fruitièr
Ovins Vignes
Volailles
Zones de production intensive
Céréaliculture et oléoprotéagineux
Cultures herbagères
Cultures spécialisées
Agriculture de proximité
Zones de déprise
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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UNE DEMANDE ENVIRONNEMENTALE DOMINÉE PAR LA MAÎTRISE DESRISQUES
La prédominance d’une demande hygiénisteDans le contexte qui vient d’être brossé, la demande environnementale dominante est portée
par les consommateurs. Ceux-ci sont associés à la rédaction des cahiers des charges et à la
définition des procédures d’évaluation et de contrôle de ces derniers. Ils interviennent pour la
protection des ressources et sont attentifs aux impacts de l’action des filières. Les thèmes les
plus portés sont ceux relatifs à la sécurité sanitaire des produits — en premier lieu, la maîtrise
des produits de traitement — et la préservation des ressources naturelles comme l’eau potable
et les sols.
Conscientes des enjeux macro-environnementaux et de leurs incidences sur l’activité
économique, les filières prennent part, à leur niveau, au débat social sur l’environnement
comme en témoigne l’exemple de la peste aviaire au Brésil. Les marchés mondiaux s’étaient
trouvés infestés de produits avariés. Les réseaux européens de grande distribution, qui
proposent des produits de hard discount, sont touchés de plein fouet, ce qui aiguise
l’inquiétude des consommateurs, déjà méfiants quant à ces produits. Les opérateurs des filières
décident alors d’apaiser les conflits naissants et très rapidement, mettent en place un
protectionnisme sanitaire strict. Les produits hard discount importés sont dès lors soumis au
respect d’exigences sanitaires, inscrites dans des cahier des charges.
Limiter les dérives environnementales les plus flagrantesLa demande environnementale s’exprime essentiellement à travers la définition de garde-fous
et le maintien des ressources les plus stratégiques. Le paradigme de la gestion
environnementale est de gérer les externalités négatives sur 90% du territoire et de préserver
quelques zones patrimoniales (Natura 2030). Il revient souvent aux collectivités territoriales de
rétablir l’équilibre tendu entre la promotion des filières et la préservation des équilibres
environnementaux. Dans cette tâche difficile, les collectivités sont épaulées par les associations
de consommateurs, qui selon leur philosophie à dominante hygiéniste, œuvrent pour obtenir
une garantie sur la qualité des produits, de l’eau et de l’environnement.
Si le poids des consommateurs s’est renforcé au cours des années, celui des associations de
protection de la nature s’est nettement amoindri, notamment par manque de soutiens
financiers.
Les préoccupations liées à la conservation de la biodiversité et des espaces intéressent peu les
acteurs politiques et économiques. Elles sont abandonnées à des organisations spécialisées
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 31
(fondations), dans une logique de ségrégation en zones productives et zones de protection de la
nature, qui se trouvent en quelque sorte mises sous cloche et parfois « surgérés » dans de rares
espaces qui lui sont réservés. La raréfaction des financements vient encore limiter la portée
d’action des associations naturalistes.
De la même façon, l’attention portée aux associations de cadre de vie s’estompe. Pourtant
localement, elles peuvent assurer un rôle de médiateur et contribuent à gérer les conflits
émergents. Dans un souci de reconnaissance, elles finissent par accepter un partenariat avec la
grande distribution qui propose une gamme de produits, fondé sur la valorisation de
patrimoine paysager, sous le slogan « le paysage est dans votre assiette ».
Dans le même temps, dans les zones reculées le recul de l’activité agricole entraîne une perte de
biodiversité.
POLITIQUE ET ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE : UNE OBLIGATION DEMOYENS
Une logique d’intervention politique « cadre »La politique agricole commune du début du siècle a disparu.
L’intervention de l’Union européenne repose sur une base réglementaire. Est instaurée une
directive cadre sur l’environnement et le développement rural (DCEDR), qui dispense un cadre
réglementaire général au regard de l’environnement et du développement rural. L’accent est
mis sur la préservation des ressources, en particulier l’eau potable, l’instauration d’une taxe sur
les polluants (également justifiée au regard de la lutte contre la distorsion de concurrence
qu’elle permet) et fixe des normes de potabilisation en matières de nitrates et de produits
phytosanitaires. La directive spécifie que les ressources qui ne peuvent souscrire aux normes
de potabilité peuvent faire l’objet de dérogation argumentée. Au total, se met en place un
système de « bascule » : les ressources stratégiques de qualité sont protégées, celles qui sont au
delà des normes font l’objet d’une exigence minimale. La directive Natura 2030, qui repose sur
une révision des zonages de Natura 2000 en se concentrant sur des « objectifs réalistes », est
intégrée à la DCEDR.
En termes de moyens, les règlements instituent une série d’obligations permettant de s’assurer
d’une bonne maîtrise des flux de polluants : capacité de stockage, bon entretien du matériel,
formation adaptée des agents en charge de l’épandage de produits fertilisants et de traitement.
Les produits de la taxe sur les polluants contribuent à ces mesures. Mais, d’un autre côté, la
directive rappelle que les moyens doivent être déclinés au niveau local, « de manière à prendre
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 32
en compte les spécificités de terrain et ne pas induire de distorsion de concurrence » entre
régions productives.
Les obligations de moyens s’appliquent à la fois au niveau de l’exploitation agricole, par le
respect de normes environnementales et de règles sanitaires, et au niveau des structures de
conseil régional (portées par les filières), par leur obligation d’évaluation, de suivi, de conseil.
Le contrôle est assuré par des organismes certificateurs privés, qui s’assurent que les dispositifs
de maîtrise des flux sont présents. Les associations de protection de la nature plaident pour une
prise en compte des résultats et des performances environnementales dans le contrôle (au delà
du réglage du pulvérisateur : quels sont les flux de polluants mesurés ?) ; leurs demandes sont
jugées trop complexes à mettre en œuvre.
La directive Reach (Registration Evaluation and Autorisation of Chemicals) est désormais appliquée.
Elle oblige les industriels à enregistrer les substances nocives auprès de l’Agence européenne
des substances chimiques, avant toute commercialisation dans l’UE ; elle limite ainsi l’utilisation
des produits les plus dangereux en soumettant leur usage à autorisation.
Rappelons que, dans ce contexte général, la France a mis l’accent sur une politique nationale de
modernisation compétitive. L’adoption de technologies environnementales, permettant une
mise aux normes, est un axe majeur de la politique. Les surcoûts sont compensés par une
augmentation de la production.
La déclinaison en France : un zonage environnemental dominé par laproduction
L’application de la directive cadre en France conduit à identifier trois types de zones en matière
agricole :
- les zones productives générales (70 % de la SAU nationale, soit 24 millions d’hectares) ;
- les zones productives à signes de qualité (20% de la SAU) ;
- les zones agricoles sensibles pour l’environnement (d’intérêt local ou régional) et devant
être préservées (on y trouve les parcs et les espaces remarquables, mais aussi les zones
contribuant à la ressource en eau – soit 10% de la SAU).
Pour les zones dites à signe de qualité, la législation européenne est appliquée selon un niveau
d’exigence environnementale globalement élevé. De même, des exigences strictes sont relatives
à l’utilisation de produits phytosanitaires homologués et à l’adéquation entre les produits
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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utilisés et l’usage correspondant. Ce sont sur ces zones que les efforts sont concentrés pour la
préservation des ressources ; ce sont elles qui font l’objet de la communication par les filières.
Par ailleurs, les zones dites sensibles pour l’environnement sont strictement protégées. Les
mesures de protection répondent à des objectifs thématiques divers (eau potable, mais aussi
biodiversité, espèces, espaces à travers Natura 2030…). La délimitation de ces zones, classées
pour leurs valeurs environnementales et patrimoniales, engendre quelques conflits locaux.
Les relais des politiquesLes régions sont les interlocuteurs privilégiés des filières et de toute l’organisation verticale qui
leur est associée. Ce sont en effet les OPA verticales — du producteur à la grande
consommation et les associations de consommateurs — qui ont pris le pas sur les organisations
traditionnelles horizontales et qui assurent une cohérence tout au long de la chaîne de
production. Cependant, les quelques structures horizontales qui perdurent orientent leurs
actions vers l’aide aux collectivités territoriales.
Une nouvelle co-gestion est instaurée, impliquant les représentants des IAA et de la distribution
et les consommateurs. Un grand ministère de l’Économie et de la Consommation, regroupe les
secrétariats d’État à l’industrie, à l’artisanat, au transports, au tourisme et à l’agriculture.
Les dispositifs de gestion agri-environnementale : la marque dupragmatisme et de l’ingénierie agro-écologique
Les opérateurs privés sont activement associés à la conception et au respect de la législation. Ils
développent des systèmes de conseil organisés par filières ; cette approche verticale est jugée la
plus à même de prendre en compte l’ensemble des contraintes environnementales, mais aussi
celles liées à la qualité des produits. L’unité d’intervention privilégiée est la parcelle ou
l’animal : c’est à cette échelle qu’il est le plus simple d’intégrer l’ensemble des normes qui
s’appliquent à la tonne de blé, de porc ou de lait produite.
Dans les zones les plus productives, l’ingénierie agro-écologique est développée en lien avec la
R&D des filières. Les techniques de travail du sol ont, par exemple, évolué de façon à optimiser
les potentialités du sol, en intégrant les problématiques d’érosion et de ruissellement dans ces
contextes de forte productivité. Les interventions culturales diminuent, au prix de l’usage accru
de produits de lutte contre les ravageurs. Cela passe par l’alliance de la technologie avec les
outils de l’agriculture de précision. Les organismes de recherche, en lien avec la R&D,
contribuent largement à sélectionner les pratiques et outils plus respectueux de
l’environnement compatibles avec les impératifs de production. Les recherches sont soutenues
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 34
activement par les filières, exposées directement aux effets que produiraient des sécheresses ou
inondations récurrentes sur leur activité.
La France conserve une forte dépendance énergétique, pour l’approvisionnement des
exploitations en intrants, la transformation et les transports. Face à cette situation, rendue
problématique par l’augmentation du prix du pétrole, de grandes entreprises comme Total se
diversifie autour des biocarburants.
Une déclinaison locale de l’intervention environnementaleAu niveau local, les priorités d’action sont définies conjointement par les acteurs régionaux
(collectivités et agences de l’eau) et les représentants des filières, au regard des attendus
réglementaires. Elles sont déclinées dans des programmes pluriannuels intégrant
systématiquement des phases de diagnostic, d’action puis d’évaluation. Les conseillers
agricoles, dépendant des IAA, sont très présents auprès des exploitants ; ils les accompagnent
dans la mise en œuvre des outils de gestion par leurs conseils techniques, agronomiques,
informatiques. Dans un contexte de haute technicité, l’apport de connaissances extérieures
semble indispensable ; c’est une garantie au maintien d’une agriculture de précision.
Localement, des dispositifs de gestion agri-environnementale répondent systématiquement à
une fonction de lutte contre les pollutions et de préservation des ressources. Mais l’intervention
environnementale ne prend que très rarement en compte la gestion des espaces, que l’on
considère le maintien d’espaces non cultivés (rôle tampon ou habitat) ou les rotations culturales.
L’évaluation agronomique est une étape essentielle des politiques agri-environnementales.
Portant essentiellement sur la gestion des ressources (en eau surtout), les flux et le bien-être
animal, elle est présente à chaque étape des procédés industriels. Si la conformité réglementaire
est un acquis, obligatoire et spécifique à chaque classe de production, l’évaluation par les
organismes certificateurs en est la validation.
Mais les résultats escomptés ne sont pas à la hauteur des espérances. Après une phase de baisse
dans l’usage des intrants grâce aux OGM, l’apparition de parasites résistants dans des systèmes
de cultures simplifiés et soumis à des objectifs de rendement élevés induit une phase
d’augmentation des doses. Le conseil permet davantage d’optimiser l’usage des intrants
(autrement dit, de limiter le taux d’augmentation des doses) que d’infléchir la tendance.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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L’ÉTAT DE L’ENVIRONNEMENT QUI EN RÉSULTE : UNE MÉDIOCRITÉD’ENSEMBLE
Qualité de l’eau : une dégradation d’ensembleLes zones de grandes cultures et de forte spécialisation (sud-ouest notamment) respectent tout
juste la réglementation (en terme quantitatif et qualitatif). La simplification des rotations et la
recherche d’un rendement régulier limitent les effets positifs de l’agriculture de précision : si les
intrants sont mieux pensés, leur recours est systématique dans des systèmes agronomiquement
très simplifiés. L’héritage en matière de qualité de l’eau dans les grandes nappes des bassins de
production, caractérisé par des pressions continues sur les 40 dernières années, est repris.
L’évolution des polluants dans les nappes du bassin de la Seine reste constante. La situation qui
en résulte est celle d’une médiocrité d’ensemble, compatible avec des ressources en eau peu
satisfaisantes en qualité brute (d’origine) mais pouvant être traitées.
Les « points noirs » sont gérés de manière variable : quand ils affectent une ressource
stratégique (par exemple pour l’alimentation en eau d’une grande collectivité), et sont de taille
réduite, ils peuvent être mis en réserve (achat par la collectivité) et atteignent un qualité
acceptable. Dans d’autres cas, ils évoluent vers une situation qui peut s’améliorer, mais sans
atteindre une bonne qualité.
Figure 2 : un paysage de plaine de grande culture dans le scénario 1
Au total, dans les zones productives, la situation la plus courante est la convergence vers une
qualité de la ressource médiocre : les ressources les plus dégradées voient leur situation
s’améliorer alors que l’on intervient sur celles auparavant préservées quand on s’approche des
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 36
normes. Il s’en suit une situation avec une majorité de la ressource présentant des taux compris
entre 50 et 80 mg/l pour les nitrates et le respect d’une norme pesticides (non plus exprimée en
concentration mais en indice d’impact biotique, tenant compte de la dangerosité des molécules)
compatible avec un traitement des eaux brutes. Dans ces zones, il est visé de ne pas dépasser les
seuils limites au delà desquels les captages seront fermés. Le traitement des eaux est la solution
qui s’impose, dont la directive stipule qu’elle est payée par une redevance professionnelle
agricole et agro-alimentaire. Celle-ci comporte un part mutualisée à l’échelle des agences de
bassin et une part spécifique dans les zones les plus touchées.
Dans ce tableau, on note l’abandon des secteurs impropres à la production d’eau potable,
notamment lorsque la norme nitrates et/ou pesticides ne peut être respectée compte tenu des
réalités locales et des priorités de production (dérogation). De coûteux transferts d’eau sont
alors mis en œuvre. Dans certains cas, l’eau en bouteilles ou bonbonne est utilisée.
La zone Ouest illustre bien les termes de la gestion environnementale. En Bretagne, le
traitement des déjections est devenu la norme. Les conseillers techniques font valoir que plus de
90% de l’azote organique produit est recyclé. Mais les 10% qui restent suffisent à maintenir une
pression significative sur l’eau. Sans compter la conduite raisonnée mais intensive des prairies
et des cultures fourragères. Sur 80% du territoire breton, la qualité des eaux est médiocre ou très
médiocre.
Figure 3 : un paysage breton dans le scénario 1
Les bassins versants stratégiques pour l’approvisionnement en eau (têtes de bassin arrosées, soit
– de 10% de la superficie) font l’objet d’efforts particuliers. De grandes parcelles fourragères
(maïs et herbe pour l’ensilage) côtoient un bocage environnemental reconstitué le long des
cours d’eau. Les étables rassemblent en moyenne un cheptel de plus de 150 vaches laitières,
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 37
restant à l’étable toute l’année et nourries essentiellement au maïs et à l’ensilage d’herbe. Les
fonds de vallées sont protégés par un bocage environnemental. Les modes de gestion de ces
espaces à bordure des cours d’eau ne sont pas très favorables au maintien de biodiversité
(fauches fréquentes pour maximiser l’exportation de matière organique). Les abords des
villages bénéficient en outre d’aménagement paysagers (plantations d’arbres, entretien des
chemins et des accès aux parcelles).
Dans ces bassins versants, les actions d’envergure conduisent à une amélioration de la qualité
de l’eau sur les critères nitrates et pesticides par rapport à la situation des années 2000.
Paysages : une banalisation d’ensemble des espacesDe façon générale, on constate une banalisation et une standardisation des paysages au sein de
chaque grandes zones de production. Cette situation est d’autant plus visible dans les plaines et
plateaux du nord et du centre de la France. Les grandes cultures monopolisent l’espace, laissant
quelques parcelles (de pédologie particulière) à l’expérimentation pour l’agriculture de
précision.
Selon la même logique, la qualité des milieux aquatiques se dégrade dans son ensemble. Les
zones humides des grandes plaines alluviales, dont le devenir dépend d’une gestion à large
échelle, sont largement sacrifiées. Seuls les sites les plus remarquables sont préservés en termes
d’espaces — via des conventions avec des gestionnaires privés —, mais leur qualité s’altère
faute d’un régime hydrologique satisfaisant.
Certains rares espaces conservent et recouvrent des caractères paysagers intéressants, quand ils
peuvent être valorisés sur un plan économique (ce sont les zones qui contribuent au segment de
produits de haute qualité). C’est le cas dans le Massif Central où les coteaux sont découpés en
parcelles de prairies naturelles, pour le fonctionnement d’un système allaitant de plein-air
intégral. Les vaches mères et les bœufs paissent sur des prairies naturelles ou des landes, tandis
que l’engraissement a lieu sur des prairies temporaires. Des espaces boisés entretenus longent
les bas-fonds, classés en zone Natura 2030.
Dans les zones moins productives, en moyenne et haute montagne, la déprise agricole annonce
une fermeture prochaine du milieu. Les zones les plus difficiles d’accès, ne correspondant pas à
des activités économiques intéressantes, se ferment très rapidement.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 38
Figure 4 : un paysage du Massif-Central dans le scénario 1
Une biodiversité sacrifiéeDans les zones intensifiées, majoritaires dans l’espace national, la disparition des espaces
faiblement artificialisés et le recours systématique à des intrants dans des systèmes de cultures
simplifiés contribuent à une érosion nette des habitats semi-naturels.
Globalement, les espaces préservés ne sont pas suffisants pour assurer un maintien de la
biodiversité et l’on passe en dessous d’un seuil critique pour de nombreuses espèces. Les zones
humides, les espaces tampons sont en forte régression. La spécialisation des productions
agricoles ne laisse pas de place aux espaces diffus intermédiaires, qui abritent de fait les espèces
associées les plus menacées (les batraciens en premier lieu).
Les zones de type AOC apparaissent comme des havres pour les espèces semi-naturelles. Mais
si la situation est incontestablement plus satisfaisante, elle ne l’est que relativement aux autres
zones agricoles. Là aussi, le positionnement sur les marchés européens — des fromages comme
le Comté ou le Cantal sont exportés partout en Europe — a induit une augmentation de la
production qui s’est traduite par une intensification des surfaces fourragères. Les fauches
tardives et les prairies permanentes ne sont plus que relictuelles.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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En matière de biodiversité, ce sont paradoxalement les phases de transition entre activités
agricoles et fermeture du milieu qui présentent un intérêt certain. Celles-ci sont cependant
limitées dans le temps et dans l’espace.
Il s’avère au total que les espèces les moins défavorisées sont :
- celles qui ne dépendent que de la préservation d’espaces circonscrits ( certaines espèces
végétales comme les orchidées, les espèces halophytes des marais, les insectes des roselières
ou des tourbières),
- celles qui sont susceptibles de recoloniser les espaces en voie de fermeture (certains oiseaux
ou les sangliers).
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 40
LES INDICATEURS SYNTHÉTIQUES DU SCÉNARIO (ÉVOLUTION PAR RAPPORTÀ LA SITUATION ACTUELLE)
Le tableau suivant reprend les hypothèses structurelles et politiques de ce scénario, en les
resituant par rapport à la situation présente (avec un recul sur la situation 1988).
1988 Situation actuelle(2000-2005)
scénario 1 Commentaires sur le choix deshypothèses
(quelle signification ?)
SAUd'ensemble(ha)
28 600 000 28 000 000 24 000 000 Continuation des tendances entermes d’utilisation du territoireagricole : concentration de laproduction sur les zones les plusproductives et continuation del’urbanisation.
Indicateursstructurels
Chiffres RGA 1988 Chiffres RGA 2000
UTA 1 500 000 1 000 000 300 000
SAU/emploispermanents(ha/UTA)
20 28 80
nb EA 1 000 000 663 500 120 000
nb d'UTA/EA 1,5 1,5 2,5taille moyenneEA (ha)
29 42 160
Scénario conduisant à une trèsforte restructuration desexploitations. Le nombre moyend’UTA/EA reste inchangé (1,5),mais traduit des situationscontrastées.Recours à une main d’œuvreoccasionnelle (services).
Indicateurs politiques et économiques
P r i x d e sproduitsagricoleseuropéens %prix mondiaux
Convergence des prix UE vers les prixmondiaux avec une préférencecommunautaire allégée.
Prix UE = prix mondiaux.Cette hypothèse est fondatrice du scénario.
Aides (milliardd'Euros 2003)
9,5(chiffres 1990 – source
DAF)
12(chiffres 2003 – source
DAF)
3
• d o n trégulation desmarchés (1erpilier)
7 9,5
• dont actionsstructurelles(2ème pilier)
2,5 2,5 3(100 %nationales)
Aides moyennepar UTA (euros2003)
6 333 12 000 10 000(moyenne
annualisée)nb bénéficiaires1er pilier
461 000
n b E Abénéficiaires2ème pilier
150 000 120 000(aides à
l’investissement ;aides tous les 5 ans
en moyenne)
Les aides sont nationales et leurvolume total baisse d’un facteur 4.La régulation du marché par desaides disparaît.Dans ce scénario, la logiqued’intervention est la modernisationdes exploitations (proche des PAMactuels, soit une logique 2ème pilier)dans une optique de compétitivité.Le très faible nombred’exploitations conduit à uneconcentration des aides parbénéficiaire.
Tableau 2 : les indicateurs structurels, économiques et politiques liés à l’agriculture dans lescénario 1
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 41
1988 (saufindicationcontraire)
Situation actuelle(2000-2005)
scénario 1 Commentaires sur le choix deshypothèses
(quelle signification ?)Taux de nitratesmoyen dans les coursd ’ e a u c l a s s é sagricoles
15 mg/l(IFEN d’après
RNDE)
22 mg/l(2001)
35 mg/l Hypothèse de ‘flirt’ avec la norme.Pour des eaux superficielles, cetaux moyen est très élevé.
Répartition des coursd’eau en fonction del e u r q u a l i t é« phytosanitaire »
n.d. 47 % de captagesen situations
« bonne àmoyenne»
53% des captagesen situation
« médiocre à trèsmauvaise »
(IFEN)
30 % des captages(même référentiel
que 2001) ensituations « bonne
à moyenne»70 % des captages
en situation« médiocre à très
mauvaise »
Les normes ont changé et intègrentun coefficient d’écotoxicologie.L’hypothèse est faite que lesprogrès faits dans l’évolution desproduits et des doses sont annuléspar la simplification des systèmesde cultures et la perte de fonctionépuratoire du paysage.
Surface irriguée 1,7 millions ha(IFEN)
2,6 millions ha(2001, IFEN)
3,5 millions ha Continuation de la croissance dessurfaces irriguées, mais à unrythme ralenti par rapport à lapériode 1988/2001
Surface drainée 2,1 millions ha(IFEN d’après
RGA)
2,8 millions ha(IFEN d’après
RGA)
3,5 millions ha Idem
STH 11,5 millions ha(Terruti)
10,5 millions ha(Terruti)
7 millions ha Les prairies naturelles n’ont qu’uneplace marginale dans l’agriculturenationale. Elles sont autantretournées que soustraite àl’activité agricole (déprise).
Surface drainée dansles zones humidesdes vallées alluvialeset des p la inesintérieures.
260 000 ha(IFEN d’après RGA)
300 000 ha(IFEN d’après RGA)
400 000 ha Cf. supra.
Indice d’abondancede l’alouette deschamps (indicateurbiodiversité ‘grandescultures’)
100(IFEN : indice 100
en 1989)
85(IFEN : indice 100
en 1989)
40 Simplification paysagère.
Indice d’abondanceagrégé des oiseauxassociés aux milieuxagricoles (indicateurbiodiversitéd’ensemble)
125 en 1989(source IFEN)
85 en 2001 40 Les surfaces agricoles favorables àla biodiversité régressent dans leurensemble.
Tableau 3 : les indicateurs environnementaux dans le scénario 1
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 42
SCÉNARIO 2 : L’AGRICULTURE DUALE, UNE PARTITIONENVIRONNEMENTALE
En 2025, la séparation entre agriculture productive et agriculture générant des impacts
environnementaux positifs (agriculture multifonctionnelle) est totale. Cette séparation se traduit dans
l’espace européen — et la France, en tant que grand pays agricole européen à la croisée des « modèles »,
reflète pleinement cette dichotomie. Mais la coexistence de ces deux types d’agriculture ne se fait pas
spontanément : elle repose sur des politiques publiques et des réseaux d’acteurs qui gèrent un partage du
territoire, fruit d’un compromis politique européen qui s’impose aux territoires. De fait, la politique
communautaire reste prégnante dans ce scénario, même si les logiques de régulation changent par rapport
à la situation actuelle et renforcent une approche sectorielle des thèmes et des territoires.
L’approche politique traduit cette dualité :
- dans les zones productives, des objectifs minimaux en matière d’environnement et de sécurité
sanitaire sont définis ;
- dans les zones « douces », les aides favorisent de systèmes souscrivant au respect de conditions
« structurelles » : présence de surfaces de compensation écologique (comme en Suisse en 2005),
diversité de rotations, promotion d’élevage herbager, bilan azoté contraignant…
On retrouve dans les zones productives des pratiques essentiellement fondées sur une gestion des flux
optimisée, mais sous contrainte de productivité. Les pressions sur l’espace agricole (successions de
cultures, zones tampons,…) sont fortes. Au contraire, dans les zones douces, l’accent est mis sur le
maintien d’espaces multifonctionnels et sur une maîtrise d’ensemble du niveau de production (et donc des
flux d’intrants).
Les résultats environnementaux reflètent cette dualité : les zones productives connaissent une nette
dégradation en termes de pollutions (nutriments et produits phytosanitaires) et de présence d’habitats
semi-naturels. Dans la « France douce », l’amélioration d’ensemble est notable, du fait de critères
structurels combinant exigences dans la diversité des espaces agricoles et de gestion des flux. Des
pratiques de gestion environnementale fines, nécessitant un savoir faire que les exigences structurelles ne
peuvent intégrer, peuvent néanmoins être perdues localement (à moins que les acteurs locaux ne se
saisissent de cette question).
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 43
COMMENT DÉMARRE LE SCÉNARIO DE L’AGRICULTURE DUALE : UNE PARTITIONENVIRONNEMENTALE… (LE CHEMINEMENT DE 2005 À 2025)
En 2005, les négociations de l’OMC à Hong Kong sont dominées par le groupe de CAIRNS qui
continuent d’attaquer les aides de la PAC. Le Brésil est particulièrement actif. Pression est faite
sur les États-Unis et l’Europe pour « lâcher » sur l’agriculture afin de renforcer les positions de
négociation sur les marchés de services vers les pays émergents. À terme, seules les aides de la
« boîte verte » devraient subsister. Il n’y a pas de conclusion ferme sur l’agriculture à l’issue de
Doha, l’Europe faisant notamment valoir que les accords de Luxembourg reposent sur un
découplage total ; les économistes du groupe de CAIRNS pointent le fait que les références
historiques constituent une aide aux producteurs, et donc à la production.
Les élections françaises de 2007 portent au pouvoir un président et un gouvernement moins
sensibles aux revendications agricoles traditionnelles. Cet isolement du monde agricole est
général au plan européen, y compris dans des ‘grands’ pays agricoles comme l’Espagne ou la
Pologne : la priorité donnée à l’agriculture est sa place dans l’aménagement du territoire.
Les négociations de l’OMC de 2010 confirment l’orientation générale de 2005 et l’Europe et les
USA s’engagent à une réforme profonde de leurs politiques agricoles de manière à « éviter toute
distorsion de concurrence par rapport au prix mondial ». Le débat sur la PAC 2013 s’engage au
moment où l’évaluation de la politique sur la période 2004-2012 est en cours. Deux courants de
pensée s’affrontent, l’un prônant l’arrêt progressif de toute forme d’intervention publique, un
autre proposant une synthèse entre les accords de l’OMC et la prise en compte d’une exigence
écologique et environnementale.
Les tenants de ce deuxième courant estiment que seul un nombre très réduit d’exploitations
— autour de 20% de l’ensemble communautaire — serait compétitif sur la base du prix
mondial. Par ailleurs, les résultats d’évaluation de la PAC montrent que « la spécialisation et
l’intensification des systèmes agricoles l’ont emporté, depuis dix ans, sur les mouvements de
diversification et de maîtrise des charges pourtant visés dans la réforme de 2003 ». Sur le terrain, les
élus et les résidents ne peuvent que constater la dualité accentuée des espaces agricoles.
Nombreux sont les responsables politiques voulant éviter une remise en cause totale de toute
forme d’accompagnement public.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 44
Dans le camp des opposants à l’arrêt de toute intervention politique, deux problématiques
opposées émergent :
- D’une part, les acteurs agro-industriels font valoir qu’il est préférable d’accompagner les
inévitables restructurations, plutôt que de subir de plein fouet les « conséquences d’un
libéralisme sauvage » (communiqué de presse émanant du Groupement européen des
syndicats agricoles et agro-alimentaires du 18/12/2012).
- D’autre part, les acteurs politiques et les associations de protection de la nature prônent
l’instauration « d’une agriculture enfin réellement multifonctionnelle, débarrassée de la contrainte
d’un marché après lequel elle court sans jamais le rattraper » (collectif des ONG
environnementales et rurales, décembre 2012). Les associations d’Europe du Nord
(Royaume-Uni, Pays-Bas et Danemark) sont particulièrement actives dans ce domaine ;
elles trouvent un écho favorable au sein de la Commission Européenne qui voit là un
champ d’action politique susceptible de renforcer sa légitimité.
Des négociations s’engagent dont les partenaires sont, d’un côté, les acteurs économiques agro-
industriels organisés au niveau européen et, de l’autre, une coalition regroupant pouvoir
politique (Conseil de ministres, Commission) et grandes associations environnementales
européennes, davantage portées sur le maintien d’une multifonctionnalité de l’agriculture.
Chacun a pris acte des conséquences économiques et territoriales qui résultent d’une approche
« compétitive » de l’agriculture et le compromis politique résulte d’une realpolitik consistant à
séparer les problématiques plutôt que viser l’intégration de l’économique et de l’environnement
partout (ce qui reviendrait à le faire nulle part selon les promoteurs de l’approche qui prévaut
ici). D’un côté, on conçoit la place d’une agriculture productive, de l’autre celle d’une
agriculture multifonctionnelle, et avant tout plus « douce » sur le plan environnemental.
Un autre point de convergence dans le compromis politique en place est à souligner : une
nécessaire simplification de l’action politique communautaire. La logique « projet » a montré
ses limites et l’accent est mis sur des outils qui ne visent pas la lune mais des objectifs simples et
vérifiables. Une forme de pragmatisme l’a emportée.
La synthèse proposée repose sur l’affirmation de la séparation des problématiques économique
et multifonctionnelle. La période 2013-2019 est définie comme une phase de transition
progressive, les aides du 1er pilier étant amenées à disparaître complètement à cette période au
profit du 2nd pilier. Le niveau d’aide par actif agricole reste élevé, mais avec une justification
— soutien de l’emploi agricole — et une répartition régionale des aides nouvelles. Le faible
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 45
nombre d’actifs (ils sont un peu moins de 400 000 en France en 2020) conduit de facto à une
baisse du volume global d’aides nécessaire.
L’échelle communautaire a été déterminante pour « faire passer » ce compromis peu populaire
dans beaucoup de pays, dont la France : bien que les représentants nationaux fussent
convaincus du caractère inéluctable de cette séparation et aient contribué au compromis, il a été
plus facile de présenter les choses comme résultant d’une décision « descendante ».
Dans les faits, la période 2013-2019 correspond à une reprise du Plan de Développement Rural
de 2007, combinant des projets économiques, environnementaux et de développement rural.
Malgré de réels succès, une étude de 2015 pointe la difficulté de faire émerger de nouveaux
projets dans les zones difficiles : « c’est peut-être la logique projet, séduisante intellectuellement mais
complexe à mettre en œuvre et évaluer qu’il faut questionner ». Le 8ème programme cadre de
recherche communautaire comporte un volet « zonage et politiques publiques en agriculture et
en développement rural » : il ne fait de doutes pour personne qu’il préfigure la réforme de 2020.
Les crises climatiques et énergétiques des années 2010-2020 mettent par ailleurs l’accent sur
l’intérêt de développer des systèmes agricoles intégrant des éléments non cultivés et peu
exigeants en intrants. D’une part, ils sont moins gourmands en énergie, d’autre part, ils
permettent souvent de « tamponner » les effets des aléas climatiques.
Bruxelles 2020 : Les 1er et 2nd pilier représentent respectivement 30 et 70% des aides. Sous la
pression des lobbies environnementaux, le budget reste stable. Les politiques s’orientent vers la
prise en compte des territoires. Les ONG environnementales et les consommateurs sont des
groupes de pression efficaces.
Le basculement intégral du 1er vers le 2ème pilier est programmé pour 2025.
L’IMAGE EN 2025 : LE PARTAGE DU TERRITOIRE EUROPÉEN : UN COMPROMISPOLITIQUE
Un libéralisme économique — un recentrage de l’action publiqueL’Europe de 2025 est libérale et ouverte sur les marchés mondiaux. Avec l’Asie du Sud-Est,
l’Amérique du Nord et le Brésil, elle fait partie des grands pôles économiques mondiaux qui
concentrent 80% du commerce mondial. Les services — et en premier lieu ceux financiers — et
les technologies de pointe sont les secteurs privilégiés. Socialement, l’Europe connaît une
grande disparité et les bénéficiaires du dynamisme économique côtoient leurs prestataires de
services et exclus. Les deux premières catégories vivent en bonne intelligence et l’Europe a su
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 46
préserver un certain sens de la solidarité sociale, qui la distingue de ses partenaires mondiaux.
Les grandes institutions, communautaires, étatiques sont sensibles à ne pas entraver le
développement économique des grandes entreprises, mais ces dernières leur reconnaissent un
rôle à jouer pour le bon fonctionnement économique.
L’éducation, la formation et la recherche sont au cœur de ces fonctions. La qualité de vie et le
maintien d’aménités environnementales sont également des valeurs très présentes au sein de
l’élite économique et politique. Ce point est d’autant plus porté que le télétravail induit une
grande flexibilité dans la localisation géographique des activités. De nombreuses zones rurales
— à condition qu’elles soient desservies, ce qui est majoritairement le cas — sont investies,
durablement ou temporairement, par des actifs mobiles ou des récents retraités nantis.
L’action publique est recentrée sur quelques domaines — dont ceux cités ci-dessus — et fait
l’objet d’une évaluation mettant l’efficacité au cœur de l’intervention politique. Le contribuable
européen accepte de payer des impôts, mais il veut un résultat tangible.
En agriculture, la fin de la préférence communautaire conduisant àun compromis politique autour du partage du territoire
L’approche en matière d’agriculture et d’environnement reflète la situation générale en Europe.
Sur un plan économique, les politiques susceptibles d’induire une distorsion de concurrence
entre producteurs ont été démantelées, en Europe et aux USA. La référence au prix mondial
dans la compétitivité des exploitations est un critère central.
Pour autant, cette exigence ne signifie pas l’abandon de toute forme de régulation publique. Au
contraire, le compromis politique issu des négociations des 10 dernières années, a conduit à
préférer un certain « partage du territoire de l’agriculture » plutôt qu’un pilotage exclusivement
économique. La situation politique de 2025 combine trois fondamentaux : (1) il reste pertinent
de conserver une maîtrise politique des problématiques de développement agricole et territorial
(2) à problématiques différentes, politiques différentes (3) des outils politiques simples et
vérifiables.
Une approche duale qui s’incarne dans un zonage européen et desoutils politiques distincts
La théorie d’action communautaire distingue deux grands types de problématiques qui
s’excluent l’une l’autre :
- La production compétitive de biens, notamment alimentaires, c’est à dire rentable aux prix
mondiaux. La rentabilité du travail est essentiellement estimée sur des critères de
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 47
productivité physique et en référence à une structure d’exploitation standard (par exemple,
compte tenu des coûts de production et des cours mondiaux moyens, une UTA 16 dans le
grand Bassin parisien doit produire 2000 tonnes de céréales, soit 10 T blé/ha sur 200 ha)
vers laquelle il faut converger.
- La fourniture de fonctions non productives, et en premier lieu environnementales et
sociales dans les zones non compétitives.
« À chaque problématique ses outils d’intervention » : telle est le discours de la Commission
pour justifier la dualité de la politique mise en place. Ainsi :
- Un premier dispositif d’intervention est élaboré pour répondre à l’objectif de
compétitivité : il s’agit d’un filet de sécurité économique visant à tamponner les fortes
variations de prix sur les produits. De manière à orienter vers la compétitivité visée et
favoriser les restructurations, ce filet de sécurité est réservé aux entreprises (exploitations et
industries agro-alimentaires) ayant un résultat net moyen sur 5 ans compris entre 80% et
120% de la norme régionale. Ce filet représente, selon les années, entre 10 à 30 % du budget
communautaire (sa part variant en fonction des récoltes mondiales). La simplicité politique
prônée est quelque peu écornée par la gestion de ce budget.
- Un second dispositif renvoie à l’objectif de fonctionnalité environnementale, en visant
essentiellement le maintien d’une activité rurale garante d’un entretien du territoire. Des
aides forfaitaires sont allouées sur des critères de surface, de main d’œuvre et de respect de
normes éco-conditionnelles strictes. Dans un souci de pragmatisme, ces normes privilégient
des critères structurels : % minimal de « surfaces de compensation écologique » (= zones
non cultivées sur 15% de la SAU), surprime à la présence de prairies permanentes et de
chargement animal maximal/minimal, diversité des assolements, obligation de respecter
un bilan d’azote à l’exploitation. Ce dernier point est le plus difficile à suivre, les autres
étant contrôlés par télédétection et sur la base de documents administratifs. Dans leur
principe, ces aides s’apparentent à l’indemnité compensatoire des handicaps naturels
permanents (ICHN) par les fonctions quelles encouragent, mais sur des critères
environnementaux affirmés. Les grandes plaines alluviales sont intégrées dans les espaces
prioritaires au regard des nombreux services écologiques qu’elles remplissent mais font
l’objet de conflits aigus.
16 — Unité de Travail Humain Agricole = l’équivalent d’un plein-temps sur l’année.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 48
L’affichage de ces deux volets permet à l’échelle européenne de tenir un discours répondant aux
deux problématiques en concurrence. Cependant, étant donné les contraintes budgétaires de
l’U.E., ces deux dispositifs font évidemment l’objet de zonages, dont la définition a donné lieu à
d’âpres négociations politiques. In fine, le compromis trouvé a pris la forme d’un partage radical
du territoire européen, via les zonages d’éligibilité des deux dispositifs créés, négocié à partir de
critères objectifs d’occupation du sol, d’indicateurs de rentabilité des productions agricoles et de
la localisation de pôles agro-économiques. Des simulations informatiques de la Commission ont
permis d’estimer que 30% du territoire agricole européen se rattache à l’agriculture compétitive
et que le solde, soit 70%, en était globalement exclu. Dans les faits, deux types de zones se
partagent l’espace européen en 2025 :
- Les zones à dominante de fonctionnalité productive et économique, correspondant à 30%
du territoire et produisant les 3/4 de la production agricole totale. Ces zones bénéficient du
dispositif d’amélioration de la compétitivité (filet de sécurité) et font l’objet d’objectifs
réglementaires liés à l’environnement minimaux.
- Les zones à dominante de fonctionnalité environnementale et sociale (« zones douces »),
couvrant 70 % du territoire, bénéficiant du dispositif de maintien de l’entretien de l’espace
rural. Dans ces zones, la contribution des aides au revenu est telle que rares sont les
agriculteurs qui peuvent se payer le luxe de ne pas souscrire aux exigences d’éligibilité des
aides. En outre, dans certains cas, les collectivités locales choisissent de promouvoir par
contractualisation des pratiques de gestion environnementale fine que la politique
structurelle européenne ne suffit pas à garantir. Nous verrons que, dans le détail, les zones
douces renvoient à 2 types de situations selon la densité de population rurale considérée.
La répartition des zones en France est dans la moyenne européenne, alors que certains pays
sont davantage dans les zones compétitives (Europe du nord) et d’autres entièrement en zone à
dominante de fonctionnalité environnementale et sociale (Autriche par exemple).
Malgré les craintes exprimées, ce partage du territoire ne conduit pas à une hausse marquée des
importations de produits agricoles : les « zones douces » auront finalement un potentiel de
production qui viendra compléter celui des zones productives et contribueront à alimenter un
marché européen stable.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 49
UN DÉBAT SOCIAL ET UNE CO-GESTION MARQUÉS PAR LA DUALITÉ
Un débat social très déterminé par l’approche européenne : sourcede tensions plus que de conflits
En France — et ailleurs — les objectifs européens environnementaux ‘s’imposent’ donc de
manière autoritaire aux territoires : le fait d’être dans une zone détermine la nature des aides
allouées et, partant, l’orientation des exploitations.
La multifonctionnalité de l’agriculture résulte donc du partage politique entre grandes zones
(grandes régions), les adaptations locales permettant de jouer sur des orientations de deuxième
ordre.
Une spécialisation territoriale aussi nette ne peut s’avérer totalement satisfaisante, tant d’un
point de vue politique que social. « Vues du terrain », les négociations européennes et
nationales qui rassemblent les principaux protagonistes de la partition sont vécues comme un
Yalta. Chacun, qu’il soit agriculteur ou élu local, se trouve enfermé dans une logique qui limite
ses marges de manœuvre. Ce constat prend une signification particulière dans le contexte
français où l’intégration économie et environnement fait partie d’un idéal agricole.
En particulier, l’identité des agriculteurs se trouve écartelée entre l’entrepreneur industriel et
l’agriculteur multifonctionnel; chacun aspirant à une identité plus complète. Ces distinctions
trop brutales sur le plan de valeurs alimentent le débat social et contribuent à un ressenti
ambivalent envers l’Europe (l’ambivalence vient du fait que l’Europe a malgré tout maintenu
des aides publiques).
Ce vécu est davantage à l’origine de tensions que de réels conflits : les tenants et les
aboutissants des politiques s’imposent finalement au niveau local, comme ils l’ont fait au
niveau européen. En France, cela correspond à une pratique de l’aménagement du territoire qui
a fait ses preuves en montagne et sur le littoral. Ceux qui ont le sentiment de perdre le plus sont
les défenseurs de l’environnement dont l’aire d’action est située dans les zones productives, qui
se trouvent souvent être très peuplées. Ils voient dans la politique européenne un renoncement
à une ambition environnementale. Mais leur dépit est, là encore, emprunt d’un réalisme
résigné : il y a longtemps que, dans ces zones, on boit de l’eau en bouteilles et que l’on va passer
ses vacances ailleurs…
Par contre, les associations de consommateurs sont, elles, fortement mobilisées pour influencer
une agriculture productive qui contribue à la majeure partie des marchés de produits. Les
distributeurs associent d’ailleurs activement ces acteurs pour améliorer la qualité de leurs
produits.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 50
La mise en place de deux systèmes politiques parallèlesEn France, l’approche politique duale structure de fait deux systèmes politiques parallèles,
d’influence et d’importance très comparables. Cette structuration s’exprime à tous les niveaux,
selon une logique « descendante » dans laquelle le niveau national reste prégnant.
Deux Secrétariats d’État se partagent la gestion de l’agriculture. Le premier, Secrétariat à
l’agriculture et aux filières, est rattaché au ministère de l’Industrie. Il gère les aides « filet de
sécurité ». Le Secrétariat d’État à « l’aménagement du territoire» gère les aides
multifonctionnelles ; sa capacité de contrôle et de suivi lui donne un pouvoir politique
important. Il est rattaché au ministère de l’environnement.
Au plan national, deux modes de co-gestion distincts s’établissent, portés chacun par deux
courants syndicaux également distincts. Le premier défend les intérêts économiques des filières
et veille en particulier à la politique de restructuration des exploitations entreprise. Il bénéficie
d’une forte assise professionnelle et industrielle. Le second veille à la bonne mise en œuvre sur
le terrain des mesures éco-conditionnelles et promeut un dynamisme économique « malgré
tout ». Il bénéficie d’une proximité des collectivités territoriales et des associations de protection
de la nature.
Le monde de la recherche et des instituts techniques est également marqué par cette dualité. Au
sein de ces organismes, des orientations parallèles co-existent : la première orientée vers la
recherche d’excellence productive, la seconde vers des fonctions plus « horizontales ». Les
budgets alloués aux deux branches sont comparables, avec des résultats probants dans les deux
cas :
- Dans les zones productives, la production se fait de manière plus efficace, et les normes
minimales de qualité des produits et d’efficacité dans la gestion des ressources naturelles
sont largement respectées . Des OGM sont en particulier développés dans ce sens.
- Dans les zones « douces », les recherches visent à accompagner une production de qualité,
dont les postulats sont la réduction des charges de structure et opérationnelles (moins
d’intrants importés) et l’autonomie.
Dans les faits, les produits agricoles issus des deux zones se placent dans des circuits
économiques distincts. Aux zones productives sont associées les entreprises nationales d’IAA et
les circuits de grande distribution, alors que les zones d’agriculture multifonctionnelle
s’inscrivent dans les réseaux de commercialisation locale ou régionale, offrant en majorité des
produits de qualité, positionnés sur des marchés spécifiques (produits de terroir et agriculture
biologique, par exemple, impliquant des petites et moyennes industries).
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 51
Au niveau local, les institutions agricole sont amenées à s’adapter à la partition et aux types
d’agriculture qui en résultent. Les fonctions des agents des Chambres d’Agriculture évoluent
vers davantage de spécialisation. Dans les zones productives, ils mettent en œuvre les transferts
de la R&D et sont le plus souvent intégrés aux Chambres de Commerce et d’Industrie. Dans les
zones de gestion « douce », ils aident les exploitants à s’adapter aux règles du 2ème pilier de la
nouvelle PAC, se font ambassadeurs de l’agriculture auprès des élus et proposent des
démarches collectives pour la production. Ils ont en outre la mission de dispenser largement un
conseil agronomique et environnemental de proximité.
Des « forces de rappel »Les tensions locales qui résultent de l’approche « descendante » des politiques induisent une
certaine réaction au niveau territorial.
Dans les zones productives, les instances régionales cherchent à orienter vers une prise en
compte effective de la gestion des ressources naturelles, eau et sol en particulier. Cela se traduit
par une mise en œuvre de surfaces de compensation écologique, comme dans les zones douces,
mais à la différence que celles-ci sont orientées vers la limitation des risques de pollution des
eaux superficielles. Dans les faits, elles correspondent à des bandes enherbées couvrant 3% de la
SAU à proximité des cours d’eau permanents et des thalwegs dans les zones d’érosion.
Mais les forces de rappel les plus nettes s’expriment dans les « zones douces » : si les aides sont
essentiellement justifiées sur la base de critères environnementaux, leur théorie d’action est le
maintien de systèmes agraires favorables à l’environnement, ce qui induit la continuation d’une
logique de production chez l’exploitant. Cette dernière est certes « douce », mais elle est
néanmoins productive. La question qui se pose alors est celle des filières que l’on peut
développer sur cette base, sachant que leur positionnement est complémentaire de celui des
zones productives. Les acteurs territoriaux, et les collectivités en premier lieu, se saisissent vite
de cette question, sollicités par des filières locales qui se sentent particulièrement menacées.
Au total : deux France aux problématiques contrastéesLe choix de la politique européenne a donc structuré deux France. Il a accentué et figé dans les
territoires les problématiques de développement et de gestion agri-environnementale en germe
depuis plusieurs décennies.
Les pages qui suivent déclinent les conséquences de cette politique sur les systèmes agraires des
deux France.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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Carte 2 : L’agriculture duale ; une partition environnementale – carte des productions
Zones de production intensive
Céréaliculture et oléoprotéagineux
Cultures herbagères
Cultures spécialisées
Agriculture municipale
Agriculture de proximité
Zones de déprise
gendes : la taille des figurésduit l’importance relatives productions.
Porcins Maïs
Bovins lait Cultures céréalières
Bovins viande Vignes
Caprins Protection de la flore
Volailles Protection de la faune
Retour d’espèces sauvages Boisement
} France « productive »
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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UNE PREMIÈRE FRANCE PRODUCTIVE : UNE AGRICULTURE COMPÉTITIVESUR 30% DU TERRITOIRE
Une agriculture efficace, tournée vers les marchés de masseDans le contexte de libéralisation des échanges, la part compétitive de l’agriculture se réduit
ainsi à 7,5 millions d’hectares soit 30% de la SAU. Dans son ensemble, cette dernière occupe 25
M d’ha, marquant un recul de 5 M d’ha en 25 ans au profit de la forêt et des zones artificialisées.
L’agriculture compétitive vise les marchés européens et périphériques, pour lesquels elle peut
faire valoir ses avantages compétitifs. Les systèmes agraires sont régis par un pilotage par
l’aval.
Les logiques économiques ont créé une irréversibilité sur les territoires, tant en terme
d’aménagement foncier que de choix productions. En effet, d’une part les remembrements
successifs renforcent l’uniformité dans les paysages, d’autre part les orientations technico-
économiques (rotations culturales courtes, monoculture, utilisation d’espèces génétiquement
modifiées…) continuent d’exercer une forte pression sur les ressources naturelles. De fait, la
réévaluation du zonage prévue tous les 10 ans ne montrera pas beaucoup d’évolutions. Dans
cette France compétitive, la production d’OGM répond aux besoins de rentabilité des IAA (mais
ils sont aussi sélectionnés pour satisfaire aux objectifs environnementaux minimums). Celles-ci
établissent des liens contractuels avec les producteurs, leur garantissant ainsi l’écoulement
d’une partie de leur production. Les orientations économiques des régions agraires productives
satisfont pleinement les filières, qui s’alimentent ainsi en matières premières à faible coûts. Les
grandes IAA sont implantées sur le territoire « productif », au plus près des aires de production
ou à proximité des pôles portuaires.
La répartition de la France productive est la suivante :
- 4,9 M d’ha de céréales et de grandes cultures (20% de la SAU) pour 20 000 producteurs (sur
les grands bassins actuels du Centre, du Nord, du Nord-Ouest et du Sud Ouest de la
France) ;
- 2,5 M d’ha (10 % de la SAU) tournées vers la production de lait et de viande bovine et
porcine (en Bretagne et Lorraine). En lait, les exploitations produisent en moyenne 3
millions de litres par an. L’aviculture est en recul et s’est en partie redéployée en Lorraine.
On compte environ 30 000 producteurs dans ce secteur, avec beaucoup de main d’œuvre
salariée.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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- La filière viti-vinicole, 100 000 ha environ a évolué vers une production de vins de cépage,
produits dans des exploitations de 50 ha.
Dans les zones compétitives, le volume de production a connu un accroissement significatif
depuis le début du siècle, puisque 75% de la production est faite sur 30% de la SAU. La grande
distribution est ainsi approvisionnée par la production nationale que ce soit pour les denrées de
première nécessité et les produits bas de gamme mais aussi pour les produits répondant à des
critères de qualité. Souhaitant diversifier sa gamme, la grande distribution développe par
ailleurs des contrats avec des IAA de tailles plus réduites, valorisant les productions des régions
agricoles de la France « douce ».
Des filières prenant en compte des exigences sanitaires minimalesLes filières ont tiré les leçons de l’importante crise sanitaire en aviculture de 2013 en France et
en Espagne. Les concentrations excessives d’élevage hors sol, à l’origine de la mauvaise gestion
de la peste aviaire ont été bannies. La carte de la production dans ce domaine s’est réorganisée
en Europe. En 2025, la France importe ainsi des produits de masse d’autres pays (européens et
non européens) et des aliments du bétail ; réciproquement, elle exporte des céréales et du lait.
Cet épisode de crise aviaire mobilise les consommateurs qui expriment leur attente d’hygiène et
de sécurité alimentaire. Leurs actions trouvent un écho auprès de la grande distribution, qui se
charge de relayer leurs demandes auprès des filières. Dans la France productive, les normes
d’hygiène et de santé conservent en effet une place privilégiée. Les procédures engagées tout au
long de la chaîne, de la production à la distribution, respectent les normes européennes dans ce
domaine.
Il en va de même pour les normes environnementales, suivies a minima par les opérateurs des
filières et les agriculteurs. Les préoccupations environnementales sont intégrés de manière à
respecter les critères de compétitivité économique. Dans cette perspective, les OGM
apparaissent comme une solution technique acceptable pour réduire certains problèmes
d’environnement : l’INRA a mis au point un hybride du blé capable de fixer l’azote et, surtout,
les produits phytosanitaires sont au centre des recherches dans le domaine (mais les questions à
leur sujet ne sont pas réglées [cf. infra]).
La gestion agri-environnementale mise en œuvre dans les régions productives consiste
essentiellement en l’adoption des pratiques culturales respectueuses de l’environnement
(gestion raisonnée des intrants, couverture des sols, bandes enherbées). Les cahiers des charges
élaborés avec les filières intègrent un contrat minimal permettant de conserver la qualité de l’air
et de l’eau ainsi que la lutte contre l’érosion.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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Les systèmes d’incitation et d’évaluation des « bonnes pratiques agricoles » ne sont pour autant
pas optimisés au regard des objectifs affichés ; il est admis pour l’ensemble de l’administration
que les règles environnementales « ne doivent pas être appliquées de manière tatillonne ». Les
bandes enherbées constituent la contrainte environnementale la plus visible.
Des modèles de systèmes agraires fondés sur l’efficacité économiqueLes systèmes agraires de cette zone sont donc basés sur la recherche de production maximale.
Les modèles d’agriculture raisonnée et de précision sont adoptés dans toutes les unités de
productions, au prix d’une restructuration achevée.
La recherche de performance économique a ainsi conduit les exploitants à restructurer leur
outils de travail pour bénéficier d’économies d’échelles. En 2025, les zones productives
accueillent environ un peu moins de 100 000 exploitants professionnels (plus les viticulteurs),
regroupés pour la plupart dans des structures sociétaires (38 000 exploitations). Dans une même
région, la dynamique économique a poussé les producteurs à adopter les mêmes systèmes
d’exploitation.
La transmission des exploitations reste une problématique centrale, avec un poids du capital
productif par actif agricole très important. Les formes sociétaires et le recours à des sociétés de
prestation de services constituent des formes d’adaptation très développées. Les chefs
d’exploitation se considèrent avant tout comme des agri-managers, chargés de fournir les
filières d’aval en respectant les cahiers des charges qui s’imposent à eux. Ce projet
d’exploitation les satisfait, mais ils ne vivent pas bien la mauvaise image environnementale qui
leur est associée et trouvent que les efforts environnementaux auxquels ils consentent ne sont
pas reconnus à leur juste valeur. Les comités de bassin et leur commission géographique sont
les principaux lieux de débats entre ONG, collectivités et agriculteurs. Leur reconnaissance
sociale vient d’ailleurs, du contrat de confiance qu’ils établissent avec les filières et de leur
implication dans les Chambres de Commerce et d’Industrie.
UNE DEUXIÈME FRANCE TOURNÉE VERS LES EXTERNALITÉS POSITIVESDE L’AGRICULTURE
Au sein de la France douce : deux problématiques demultifonctionnalité différentes entre une « France vide » et une« France peuplée »
Si le reste du territoire national (70% de la SAU soit 18 M d’ha) est caractérisé par la valorisation
de fonctionnalités environnementales et sociales, cette France multifonctionnelle comprend en
fait deux sous-ensembles, différenciés selon les types d’espaces et la démographie :
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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- 20% de zones très peu peuplées (moins de 10 hab/km2), « agro-naturelles ». Les 20 000
agriculteurs y ont un rôle d’entretien minimal du paysage, sur des exploitations de 250 ha
en moyenne. L’intervention publique est alors très forte. La grande faune sauvage — loups,
ours, aigles et leurs proies — est présente. Dans les zones les plus remarquables, les parcs
nationaux bénéficient des crédits nationaux. Au sein de ces zones « dépeuplées », les
espaces boisés représentent une part croissante : en trente ans, la forêt a gagné 5 M d’ha au
détriment de l’agriculture.
- 50% du territoire correspond à une zone moyennement peuplée (typiquement 30-60
habitants/km2). C’est un espace résidentiel attractif pour l’ensemble de la population
européenne. On y trouve les zones d’AOC et bocagères. Les exploitations bénéficient des
aides du 2ème pilier. Les 200 000 agriculteurs de ce territoire, dont beaucoup sont pluriactifs,
bénéficient d’un contrat de « production douce multifonctionnelle », qui intègre la gestion
de l’environnement (rivières, nature,…). Ce contrat est défini sous l’égide des pouvoirs
publics régionaux, avec la collaboration des collectivités locales, des agriculteurs et des
associations. Les régions soutiennent ces actions via les Parcs Naturels Régionaux qui
bénéficient d une certaine autonomie financière.
Ces deux types de situations ont conduit à mettre en place deux modes d’intervention publics
quelque peu différents.
Dans la France vide : une agriculture « municipale »Les zones très peu peuplées, en immense majorité montagneuses, requièrent une gestion
adaptée. Les crédits européens sont abondés par une enveloppe nationale et l’enjeu est ici de
maintenir un minimum d’entretien pour lutter contre la déprise et les incendies de forêt. Des
contrats « municipaux » - dans le sens où ils sont mis en œuvre par les Communes, mais selon
un modèle national – assurent un minimum d’entretien (fauche et pâture) sur les espaces les
plus sensibles. Là aussi, un sous-zonage spécifique est défini (« zones d’intérêt écologique à
forte contrainte démographique »).
Le contrat de transhumance reçoit un accueil favorable dans les zones où cette pratique était en
déclin. Des stages de formation en matière de gestion agro-écologique sont dispensés dans le
centre du Parc National du Mercantour, en liaison avec le réseau des Chambres d’Agriculture
de montagne.
Les exploitants de ces zones, souvent à la tête de systèmes pastoraux, valorisent parfois leurs
produits selon des filières courtes ou de portée régionale (« l’agneau du loup » est un label très
prisé au moment des fêtes de fin d’année dans tout le sud de la France). Mais, la plupart du
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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temps, la commercialisation reste le point faible de ces systèmes dont la productivité reste très
limitée. Le mode de vie austère et solitaire en hiver, agrémenté l’été de la visite de quelques
randonneurs, souvent temporaire, fait partie de l’identité de ces exploitants municipaux.
Ainsi, si quelques territoires trouvent un certain équilibre en terme d’économie locale et
d’environnement paysager, il n’en est pas ainsi pour l’ensemble de la France vide. Les espaces
les plus dépeuplés sont en voie de dévitalisation. La forêt progresse rapidement sur les terres
non cultivées qui ne trouvent pas de gestionnaires durables. La déprise agricole se traduit
socialement par une marginalisation des résidents. Dans ces secteurs très isolés, les initiatives
de développement touristique et économiques trouvent difficilement ancrage.
Dans la France peuplée : des aides écoconditionnellesfondamentales
Les aides écoconditionnelles allouées aux exploitations de la France peuplée (elle l’est
relativement à la zone précédente) structurent fortement les formes d’exploitations. Le budget
est généreux au regard du nombre d’exploitations : les 260 000 agriculteurs de l’ensemble de la
France douce reçoivent une aide moyenne de 25 000 euros 17, les règles d’attribution des aides
(cf. infra) conduisent à une répartition entre exploitations beaucoup plus équitable que 20 ans
auparavant. Le niveau d’aide est calculé de manière à garantir le maintien des exploitations, en
tenant compte d’une fraction de revenu liée à la production.
Au total, les aides représentent près de 70% du revenu en moyenne, et la part ‘productive’ 30%,
ce qui maintient une incitation à produire. On rappellera que l’Europe productive maintient des
prix de produits bas, auxquels les exploitants de la France douce ne peuvent complètement
s’adapter. Ce résultat est atteint au prix de restructurations importantes qui se sont traduites
dans la baisse du nombre d’agriculteurs : l’acte de production continue d’intervenir dans la
conduite de l’exploitation.
Mais ce sont les aides qui constituent le principal signal auquel les exploitants réagissent et on
observe une structuration des exploitations autour des critères d’allocation des aides :
- Les critères de plafonnement par unité de main d’œuvre conduisent à une faible dispersion
statistique de la taille des exploitations autour d’une 100aine d’hectares (taille
moyenne/UTH : 60 ha, avec en moyenne 1,5 UTH par exploitation).
17 — Nous raisonnons en euros constant 2004 ; le budget de 6,6 milliards d’euros est à comparer aux 12 milliardsconsacrés à l’agriculture productive en 2003.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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- Les systèmes d’élevage extensifs, reposant en partie ou totalité sur l’herbe, sont largement
maintenus voire se développent dans des zones où ils étaient en recul (notamment dans le
sud ouest). Des systèmes d’entraide se développent. Dans les zones de cultures, la
diversification des assolements est la règle.
- D’une manière générale, l’intensité de la production diminue. Les économies faites sur les
charges permettent de conforter le revenu
Les aides constituent de fait une sécurité pour les exploitants et le foncier reste coûteux du fait
de la faible mobilité des exploitants et de la pression non agricole sur les terres (ces zones
connaissant un attrait touristique et résidentiel qui ne se dément pas). La situation apparaît
quelque peu figée, ce qui n’est pas sans peser sur l’identité de nombreux exploitants dans un
contexte de fortes exigences environnementales vécues de manière ambivalente (contraintes
d’un côté, garantie de maintien des aides de l’autre…).
Mais des opportunités de filières saisiesBien qu’écartés des logiques de production de la « France compétitive », les exploitations ces
territoires produisent aussi des biens agricoles perçus comme des opportunités à saisir pour les
filières. Quelques IAA de taille modeste reconnaissent le potentiel que représentent les
productions locales, difficilement valorisable pour les IAA dont la compétitivité repose sur les
faibles coûts de collecte et d’approvisionnement. Tissant des liens entre les producteurs et les
réseaux de distribution locaux, elles s’insèrent facilement sur le marché en offrant des produits
de qualité qui combinent les exigences communautaires à des cahiers des charges de produits.
Ce sont ces produits, distribués par des petites enseignes ou des réseaux de commercialisation
de proximité, voire des rayons spécialisés alibi de grandes surfaces, qu’apprécient les
consommateurs français et européens. L’agriculture biologique continue d’occuper un créneau
limité, mais en croissance par rapport aux décennies passées (elle représente 5% de la SAU et
des producteurs de la France douce). Pour les territoires, le bénéfice est double : l’image du
terroir, véhiculée par le produit et garante de qualité, contribue non seulement à maintenir un
équilibre paysager vivant mais consolide également l’attachement des entreprises au pays.
Poussés par les régions et les collectivités locales, les territoires misent ainsi sur leurs avantages
comparatifs pour valoriser les productions. Les contrats de production douce
multifonctionnelle sont conçus de façon à intégrer des projets très différents : label de
production (AOC, produits du terroir…), diversification des ateliers et des activités (vente à la
ferme, ferme-auberge, tourisme rural,…). La zone laitière du Massif-Central est un exemple
type de région ayant pu conserver des filières sur la base d’un « contrat multifonctionnel ».
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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Certaines régions choisissent la production de cultures énergétiques (la Lorraine, le Sud-Ouest)
pour diversifier leurs productions à grande échelle.
Dans ces zones, le débat social s’organise au niveau territorial. Il rassemble les élus, les
représentants des associations naturalistes, les institutions agricoles, les consommateurs. Le
paradigme, affiché dans les instances de concertation locales, est celui du maintien des
externalités positives de l’agriculture. Les débats se cristallisent autour de la gestion naturaliste
des espaces. Les associations de protection de la nature, fédérées au niveau national,
contribuent à pacifier le débat et tentent de gérer les alliances pour trouver des compromis entre
les logiques de filières et celles de gestion du territoire. Les consommateurs constituent une
force d’appoint dans la valorisation des produits du terroir.
UNE PARTITION ENVIRONNEMENTALE
Dans la France productive : un environnement en grande partiesacrifié
Le « contrat » politique à la base de la France duale comprenait un implicite : la minimisation
des contraintes environnementales dans la zone productive.
L’espace agricole reste soumis aux impératifs de rentabilité avec la continuation du drainage et
de la réorganisation parcellaire. Les haies et éléments figurés ne sont pas réellement réintroduits
dans ces paysages malgré les velléités des acteurs territoriaux. Les seules interventions sur
l’espace portent sur l’enherbement des bordures des cours d’eau permanents et des thalwegs
des zones d’érosion, à hauteur de 3% de la SAU.
La banalisation des paysages agricoles est la règle et la biodiversité associée aux éléments fixes
du paysage semble régresser irrémédiablement (les paysages de plaine du Nord dans ce
scénario sont similaires à ceux du scénario précédent [cf. Figure 2 p. 35], idem en ce qui
concerne la majeure partie de la Bretagne productive [cf. Figure 3 p 36]. L’assèchement des
zones humides résiduelles, vécu comme une fatalité par les résidents et naturalistes, se
poursuit.
Il serait cependant excessif de considérer qu’aucun effort environnemental n’est consenti par les
exploitants de ces zones. L’agriculture de précision est devenue la règle dans l’optique d’une
bonne gestion des flux d’intrants. La formation des chefs de culture en matière d’usage des
produits phytosanitaires est également généralisée et les recherches en matière d’OGM ont
contribué à concevoir des itinéraires techniques moins consommateurs de produits
phytosanitaires. Mais ces bonnes pratiques restent subordonnées à un objectif prioritaire de
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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productivité et à moyen terme on observe davantage une stagnation des doses d’intrants
utilisés qu’une réelle réduction. En effet, la réduction du nombre de molécules actives
accompagne celle du nombre de variétés concernées par ces produits et induit des phénomènes
de résistance accrus par les ravageurs. Après une période de baisse dans l’usage des
phytosanitaires, on observe ainsi une tendance à la hausse, en attendant le développement de
nouvelles molécules et l’instauration d’un nouveau cycle.
La qualité de l’eau reste le principal problème dans ces régions où se concentre la production.
Cependant l’exigence a sensiblement diminué, malgré la mobilisation des associations de
protection de l’environnement: le seuil de concentration de nitrates dans l’eau est passé de 50 à
80 mg/l et les concentrations en produits phytosanitaires restent élevées. Il semble que la
société civile se soit résignée à la médiocrité de l’environnement dans ces territoires. Nombre de
captages sont fermés et des canalisations apportent de l’eau depuis la « France douce ».
Dans ce désert environnemental, on soulignera l’existence d’oasis associés à l’existence de chefs
d’exploitation ayant une réelle sensibilité environnementale. Des exploitations agro-
cynégétiques de plusieurs centaines d’hectares se développent ainsi. Elles attirent une
population urbaine proche et tirent davantage de revenu de la chasse que de la production.
Dans la France multifonctionnelle : un environnement de bonnequalité d’ensemble, des problèmes ponctuels
Dans la France douce, la réduction des intrants et la conduite extensive des élevages conduisent
à un environnement globalement de bonne qualité. L’approche « structurelle » portée par la
politique communautaire porte ses fruits, même si tout n’est pas entièrement satisfaisant (dans
de nombreuses régions, l’entretien des haies reste en grande partie insatisfaisant et certains
milieux nécessitant une gestion ‘fine’ voient leur qualité diminuer ; les zones les plus
marginales connaissent une fermeture du paysage).
Sur le thème des phytosanitaires, des progrès également « structurels » sont notés. Les mêmes
molécules que dans la France intensive sont utilisées, mais leur efficacité est plus grande du fait
d’objectifs de rendement plus faibles (contraintes sur l’azote) et de la diversité des rotations.
La performance agronomique n’est cependant pas au cœur des préoccupations des exploitants
et, dans certaines zones aux sols superficiels (frange du bassin parisien), la seule exigence d’un
bilan azoté faiblement excédentaire ne suffit pas et une pollution des eaux par les nitrates
autour de 50 mg/l persiste. Des problèmes d’eutrophisation peuvent aussi être observés
localement, associés à des pratiques de gestion des effluents inadaptées.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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Mais, globalement, les adaptations régionales des Bonnes Conditions Agricoles et
Environnementales garantissent une durabilité agronomique satisfaisante. Surtout, les
nombreux éléments tampons paysagers (15% de la SAU), et en particulier à proximité des cours
d’eau, corrigent des pratiques pas toujours maîtrisées (dont on rappellera la faible intensité
d’ensemble). Les espèces aquatiques peuplent les cours d’eau ; leurs berges, entretenues,
abritent une faune variée. La biodiversité est gagnante dans ces espaces qui jouent un rôle
majeur dans la conservation des espèces et des ressources génétiques liées. Par rapport à 2005, il
est vrai que les espèces sauvages ont prospéré. Cette approche a pu être proposée dans des
zones de Bretagne centrale, rendues « douces » pour des besoins de préservation de la ressource
en eau.
Figure 5 : un paysage de Bretagne « douce » (protection de la ressource en eau)
Dans ce schéma d’ensemble, les grandes plaines alluviales font l’objet d’une gestion « douce »
spécifique, à grande échelle — elles peuvent constituer des enclaves au sein des zones
productives. Ces espaces ont en effet été identifiés comme prioritaires à l’échelle européenne au
regard des multiples fonctions qu’elles remplissent.
Les territoires de la France douce sont caractérisés par de grandes entités paysagères
homogènes, certains regrettant d’ailleurs que le paysage finisse par se ressembler de Nantes à
Metz et de Bordeaux à Montpellier, avec une alternance de parcelles moyennes, de haies et de
prairies. Un nombre restreint de races domestiques s’est imposé sur des critères de facilité de
gestion. Dans le Massif Central, par exemple, l’Aubrac et la Limousine dominent alors que la
Salers a quasiment disparu. Mais, globalement, la qualité paysagère est appréciée et contribue à
l’attractivité des régions.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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Figure 6 : un paysage du Massif Central dans le scénario 2
Un autre problème récurrent dans la France douce est celui des conflits de voisinage et d’usage :
le retour ou le maintien de l’élevage induit des nuisances que les résidents ne sont pas toujours
prêts à accepter, qu’il s’agisse des odeurs et des bruits ou de la difficulté d’accès des espaces
clos. Ces conflits sont d’autant plus délicats à gérer que les agriculteurs ne sont plus très
nombreux, alors que la population rurale continue de croître.
Les éleveurs développent leur technicité dans la gestion des systèmes herbagers. En zone de
moyenne et de haute montagne, le pastoralisme gagne du terrain. Mené de façon ultra-
extensive, il devient la norme dans les régions agro-naturelles les plus défavorisées.
Néanmoins, dans les zones les plus isolées, une tendance à la fermeture des milieux est
constatée. Globalement, la filière bois ne peut prendre le relais dans ces zones, du fait de la
difficulté d’acheminement de la matière première.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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LES INDICATEURS SYNTHÉTIQUES DU SCÉNARIO (ÉVOLUTION PAR RAPPORTÀ LA SITUATION ACTUELLE)
Le tableau suivant reprend les hypothèses structurelles et politiques de ce scénario, en les
resituant par rapport à la situation présente (avec un recul sur la situation 1988).
1988 Situationactuelle
(2000-2005)
scénario 2
Franceproductive
France douce Francemunicipale
SAU d'ensemble (ha) 25 000 000
% par zones en 2025 30% 50% 20%SAU par zone (ha)
28 600 000 28 000 000
7 500 000 12 500 000 5 000 000
Indicateurs structurels RGA 1988 RGA 2000
UTA 1 500 000 1 000 000 94 000 208 000 50 000S A U / e m p l o i s p e r m a n e n t s(ha/UTA)
19 28 80 60 100
nb EA 1 000 000 663 500 33 333 133 333 50 000nb d'UTA/EA 1,5 1,5 2,5 1,5 1,0taille moyenne EA (ha) 29 42 160 90 100
Indicateurs politiques et économiquesPrix des produits agricoleseuropéens % prix mondiaux
Maintien d'une préférencecommunautaire, même si lesprix UE convergent vers lesprix mondiaux.
Prix UE = prix mondiaux
Aides (milliard d'Euros 2003) 9,5 12 0,4 6,6• dont régulation des marchés(1er pilier)
7 9,5 0 0
• dont actions structurelles(2ème pilier)
2,5 2,5 0,4 6,6
Aides moyenne par UTA(euros 2003)
6 333 12 000 4 200 (filet desécurité
annualisé)
25 000
nb bénéficiaires 1er Pilier 461 000nb EA bénéficiaires 2ème Pilier 150 000 94 000 258 000
Tableau 4 : les indicateurs structurels, économiques et politiques liés à l’agriculture dans lescénario 2
Commentaires sur les hypothèses du tableau :
Ce scénario traduit des évolutions contrastées entre zones, sous l’hypothèse commune d’un
retrait de la politique de soutien des prix — 1er pilier — et de toute forme de protectionnisme.
La France productive connaît une très forte restructuration (comparable au scénario 1) liée à la
baisse des prix des produits non compensées par les aides (les aides allouées à la France
productive sont des aides de filet de sécurité pour compenser les fluctuations de prix, quand
nécessaire). Leur faible montant – 0,4 milliards d’euros 2003 pour 94 000 agriculteurs, il est vrai
— n’est pas de nature à éviter les restructurations.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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La France douce, dans ses deux composantes, repose sur des aides/UTA élevées, qui assurent le
maintien des exploitations selon une logique « 2ème pilier » ICHN. La forte restructuration
passée dans la France douce (260 000 exploitations sur 70% de la SAU) est telle que le montant
total des aides est significativement réduit par rapport à aujourd’hui. La restructuration est très
poussée dans la France municipale (logique de « ranching »). On soulignera une meilleure
répartition des bénéficiaires, fondement de l’efficacité de la politique.
1988 (saufindicationcontraire)
Situation actuelle(2000-2005)
scénario 2 Commentaires sur le choix deshypothèses
(quelle signification ?)Taux de nitratesmoyen dans les coursd ’ e a u c l a s s é sagricoles
15 mg/l(IFEN d’après
RNDE)
22 mg/l(2001)
22 mg/l H y p o t h è s e g l o b a l e m e n tconservatoire, mais avec une trèsforte disparité (40 mg en zonesproductives et 15 mg en zonesdouces)
Répartition des coursd’eau en fonction del e u r q u a l i t é« phytosanitaire »
n.d. 47 % de captagesen situations
« bonne àmoyenne»
53% des captagesen situation
« médiocre à trèsmauvaise »
(IFEN)
60 % des captages(même référentiel
que 2001) ensituations « bonne
à moyenne»40 % des captages
en situation« médiocre à très
mauvaise »
E f f e t « F r a n c e d o u c e » :l’augmentation des surfaces enherbu sur 70% du territoire réduitles flux de phytosanitaires.
Surface irriguée 1,7 millions ha(IFEN)
2,6 millions ha(2001, IFEN)
2 millions ha Irrigation surtout concentrée dansla France productive
Surface drainée 2,1 millions ha(IFEN d’après
RGA)
2,8 millions ha(IFEN d’après
RGA)
2,8 millions ha Idem
STH 11,5 millions ha(Terruti)
10,5 millions ha(Terruti)
11 millions ha Hypothèse conservatoire grâce àeffet « surprime à l’herbe » dans laFrance douce
Surface drainée dansles zones humidesdes vallées alluvialeset des p la inesintérieures.
260 000 ha(IFEN d’après RGA)
300 000 ha(IFEN d’après RGA)
260 000 ha Inversion des tendances dedrainage des grandes zoneshumides du fait de l’inclusion desvallées alluviales dans les zones« douces ».
Indice d’abondancede l’alouette deschamps (indicateurbiodiversité ‘grandescultures’)
100(IFEN : indice 100
en 1989)
85(IFEN : indice 100
en 1989)
85 H y p o t h è s e g l o b a l e m e n tconservatoire, mais avec une trèsforte disparité entre les deuxFrance
Indice d’abondanceagrégé des oiseauxassociés aux milieuxagricoles (indicateurbiodiversitéd’ensemble)
125 en 1989(source IFEN)
85 en 2001 100 Amélioration grâce à l’effet« France douce » (plus marqué quepour l’alouette des champs liée auxgrandes cultures)..
Tableau 5 : les indicateurs environnementaux dans le scénario 2
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SCÉNARIO 3 : L’EUROPE DES RÉGIONS, UN PATCHWORK AUXRÉSULTATS ENVIRONNEMENTAUX CONTRASTÉS
En 2025, l’Europe des régions est devenue une réalité. L’agriculture est désormais un secteur économique
« normalisé », dans le sens où sa régulation cesse d’être déterminée par une politique agricole commune
qui « impose » beaucoup de ses règles aux territoires. La rencontre entre une offre de produits diversifiés
et une demande également diversifiée se fait sans le truchement des Organisations Communes de
Marchés. Les produits des régions se confrontent sur le marché européen. Dans un contexte de
concurrence accrue entre territoires accrue, chacun s’emploie à faire valoir ses avantages compétitifs, en
s’organisant au niveau régional.
L’Europe intervient dans ce scénario en offrant un cadre d’action procédural et des financements en
mati ère de développement agricole et de prise en compte de l’environnement.
Les territoires sont les lieux où se négocient et s’élaborent autant de modèles agricoles, intégrant de
manière accrue des considérants environnementaux. Les projets locaux de gestion environnementale sont
élaborés en concertation avec l’ensemble des parties prenantes — professionnelles, associatives et
politiques. Des objectifs environnementaux adaptés aux demandes locales ainsi que des moyens
d’intervention locaux sont définis dans le cadre de projets territoriaux. Les collectivités territoriales et les
Parcs Naturels Régionaux en premier lieu, jouent un rôle central dans ce schéma à la fois en tant
qu’arbitre et que financeur.
La diversité des territoires renvoie à celle des modèles construits et des performances environnementales
qui en découlent. Trois facteurs conditionnent in fine l’état de l’environnement que l’on peut escompter :
la manière dont la demande locale environnementale s’exprime — thèmes portés, qualité et poids des
acteurs — ; les caractéristiques propres des systèmes agraires régionaux (plutôt agressifs ou amicaux
pour l’environnement) et la nature du patrimoine environnemental (« banal » ou remarquable).
Contrairement aux scénarios précédents, il n’y a pas de mode d’action unique en termes de gestion
d’espaces multifonctionnels (de leur destruction à leur « co-production » par l’agriculture) ; les modalités
de gestion des flux sont extrêmement variables, depuis une simple annonce d’obligation de moyens peu
contraignants (mais rares dans une situation où l’évaluation locale est devenue la règle) à une prise en
charge volontaire des flux.
On peut faire ainsi l’hypothèse que l’état de l’environnement s’inscrit dans un gradient allant de réels
succès agri-environnementaux (combinaison d’une demande environnementale forte et de qualité, de
systèmes agraires ayant un réel potentiel environnemental associés à un environnement préservé) à une
absence de prise en charge effective (absence de demande environnementale, systèmes agraires agressifs
dans un environnement déjà dégradé).
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 66
COMMENT DÉMARRE LE SCÉNARIO 3 DE L’EUROPE DES RÉGIONS : UNPATCHWORK AUX RÉSULTATS ENVIRONNEMENTAUX CONTRASTÉS… (LECHEMINEMENT DE 2005 À 2025)
En 2008, les premiers éléments d’évaluation de la Politique Agricole Commune pointent les
incohérences du premier pilier : la différenciation entre régions agraires d’Europe s’est
accentuée. Si les défenseurs de la PAC font valoir que la maîtrise budgétaire est bien au rendez-
vous, ses détracteurs arguent du fait que la justification des dépenses est obsolète et qu’elle
induit un fort déséquilibre entre régions historiquement bénéficiaires et les autres.
Les élections européennes de 2009 renforcent ce sentiment. Dans les pays d’Europe centrale et
orientale, dans lesquels l’agriculture et le monde rural continuent de peser, les votes
contestataires représentent une forte minorité au parlement, notamment sur la base de ce
ressentiment.
Les instances communautaires engagent alors un chantier de réforme profonde de la PAC et la
Commission est chargée de préparer un projet pour 2013 qui « remette à plat » les termes de la
politique. Deux écoles se confrontent. La première considère que la solution la plus simple est la
disparition de la PAC, avec une phase transitoire dans l’élimination des aides à l’agriculture
pour éviter les faillites trop rapides. La seconde école considère qu’il y aurait trop de risques
dans une approche aussi radicale, notamment en ce qui concerne l’équilibre dans l’utilisation
du territoire. Cette thèse trouve des échos particuliers chez les élus et les associations
environnementales. Ces acteurs font valoir que le moyen de faire exister l’Europe passe par
l’expression de projets locaux, inscrits dans un cadre communautaire large. Ils montrent aussi
l’intérêt qu’ont les états riches de l’Europe à éviter un effondrement de communautés rurales
marginales et, au contraire, contribuer à leur développement.
Dans le même temps, le nombre d’exploitations françaises continue de baisser à un rythme
comparable aux années passées pour atteindre 470 000 en 2012. Cette baisse affecte surtout les
exploitations professionnelles petites et moyennes. Deux types d’exploitations contrastés
demeurent : les exploitations spécialisées dans des produits de qualité (la valorisation de
produits typiques a été une voie d’adaptation aux réformes de la PAC depuis 2003, y compris
au sein d’exploitations de taille réduite et « non professionnelles ») et celles qui se sont
spécialisées dans une logique de masse. Les deux peuvent co-exister au sein d’une même
région.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 67
C’est dans ce contexte européen que les élections françaises de 2007, confirmées par celles de
2012, sont marquées par l’arrivée au pouvoir d’une classe politique pour laquelle le
particularisme agricole n’est plus une priorité ; au contraire, le transfert de compétences et de
budgets aux régions est un des grands chantiers des gouvernements sur la période. Les
syndicats agricoles se plaignent de l’érosion de leur influence au plan national. Dans le même
temps, leur « base » s’effrite et cherche un second souffle dans le développement local et
territorial. Jouant la subsidiarité, les OPA renforcent leur capacité d’intervention locale, en
grande partie sur la base de financements des régions et des collectivités territoriales. C’est en
2012 qu’est créé le ministère de l’aménagement du territoire, de l’environnement, de
l’agriculture et de l’alimentation. Le nouveau ministre est ancien président de région
particulièrement impliqué dans les projets de Parcs Naturels Régionaux (PNR).
L’ensemble de ces faits contribue à ce que, en 2013, la nouvelle PAC repose sur un transfert
général des aides vers le deuxième pilier. La France joue un rôle clé dans ce choix : en dépassant
des revendications jugées passéistes (la défense d’un premier pilier) et devenant promotrice de
l’Europe des régions, elle évite un blocage des négociations. La répartition des budgets se fait
au niveau régional, sur des critères combinant population rurale, SAU, situation par rapport au
niveau de développement économique moyen et situation environnementale. Ce choix apparaît
compatible avec les négociations de l’OMC qui, de toute manière, rendaient intenable le statu
quo.
Dans la même période (2010), l’évaluation des directives « nitrates » et « habitats » pointe
« l’inefficacité d’ensemble d’approches trop générales et trop lourdes dans leurs dispositifs de suivi et
d’évaluation : les politiques doivent être davantage réactives ». Par ailleurs, « l’appropriation des
politiques, tant dans leurs objectifs que dans leurs moyens d’action, est souvent insuffisante.
L’implication d’acteurs et d’instances locales est nécessaire et doit être inscrite dans les dispositifs
d’intervention ». Les Élus des Régions d’Europe approuvent les conclusions de ce rapport, et font
valoir qu’ils sont les premiers à pâtir de la faible efficacité des politiques. Ils revendiquent
davantage de responsabilités dans le domaine.
Ces revendications des instances régionales s’inscrivent dans un contexte plus large d’évolution
territoriale marquée par la montée en puissance de l’urbanisation et le renouvellement
sociologique des résidents. Ceux-ci sont davantage soucieux de la qualité de leur cadre de vie
— l’enjeu de l’attractivité des régions sur ce plan se renforce — et s’impliquent fortement dans
des associations locales. Les élus régionaux et locaux financent ces dernières. Leur
professionnalisation s’affirme en grande partie sur la base de leur participation aux politiques
agri-environnementales en place sur la période 2004-2013. Dans le même temps, les résidents
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 68
sont également des consommateurs qui ne tranchent pas entre leur exigence sanitaire — l’achat
d’eau en bouteilles est devenue la norme— et la maîtrise des prix à la consommation. Leur
maîtrise technique des cahiers des charges alimentaire monte en puissance et le niveau
d’exigence s’accroît. L’ensemble des opérateurs d’aval s’adapte à cette évolution ; la gamme
des produits proposés s’élargit et les produits de qualité — et en premier lieu les AOC — tirent
bien leur épingle du jeu. La « qualité France » s’exporte plutôt bien, même si elle est soumise à
une forte concurrence de pays comme l’Italie, la Hongrie et la Slovénie. La France profite de la
baisse de production des pays d’Europe du Nord — au sein desquels la pression sociale sur
l’agriculture est telle que les firmes se délocalisent — pour exporter des produits de plus grande
consommation. Dans ce domaine, de nouveaux pays comme la Pologne ou la République
Tchèque apparaissent comme étant de nouveaux acteurs avec lesquels compter. Cherchant à
associer son agriculture à une production de qualité, l’Europe se laisse alimenter en produits
discount par les importations négociées à l’OMC.
La période 2014-2018 est une phase « expérimentale » de la nouvelle politique agricole
commune territorialisée. L’émergence de projets, en quantité et en qualité, est extrêmement
variable d’une région à l’autre en Europe comme en France. Globalement, les régions « riches »
présentent davantage de projets ; il s’agît de faire valoir les avantages comparatifs de chacune
des régions de programmation. Le rapport parlementaire européen de 2016, dans la perspective
de la préparation de la nouvelle PAC de 2018, fait ressortir deux idées clés. La première est que,
globalement, « l’agriculture a évolué vers une meilleure prise en compte des attentes des consommateurs
et des citoyens (environnement), notamment vers une meilleure réponse aux signaux économiques,
‘gommés’ par la PAC des décennies précédentes [2003-2013]. Les acteurs économiques ont su s’adapter
aux variations de prix. ». Mais « l’hétérogénéité des situations est telle qu’il est nécessaire de renforcer
une méthodologie d’intervention commune, reposant sur une meilleure implication des acteurs de la
société civile dans l’évaluation des projets de développement agricole [reprenant le rapport
d’évaluation de 2010 sur les directives nitrates et habitats] ».
C’est dans cette perspective que le « Règlement cadre sur l’environnement rural » de 2018 est
institué. Il fixe une exigence commune minimale de résultats en matière de protection de
l’environnement, impose la fixation locale d’objectifs territorialisés, et une procédure
d’intervention. Dans le même temps, la formation et l’échange d’expériences sont un des axes
majeurs des politiques à tous les niveaux : européen, national et régional. Les associations
locales et les organismes professionnels agricoles en bénéficient à part égale, souvent dans des
opérations conjointes.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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En 2024, les élections européennes confirment la ligne politique tracée plus de dix ans
auparavant.
Le maintien d’une production agricole en Europe n’est rendu possible qu’au prix d’un bras de
fer au sein de l’OMC dans les négociations de la décennie 2010-2020 sur les normes d’accès au
marché européen. L’arrêt des aides communautaires à la production ne signifie pas l’arrêt de
toute politique dans le domaine. En particulier, les normes sanitaires européennes contribuent à
une forme de protectionnisme vis-à-vis des importations. Cette position, très discutée, est
néanmoins tenable pour une série de facteurs : les USA, affectés par une crise sanitaire liée à
l’importation de bœufs d’Argentine sont devenus plus proches de la position européenne ; les
pays exportateurs trouvent de toute manière des débouchés vers le pays d’Asie du Sud-Est dont
les nouvelles classes bourgeoises constituent un marché attractif et moins pointilleux que les
européens. Au total, les importations des pays tiers existent mais restent limitées et concernent
essentiellement des segments de produits de masse (souscrivant néanmoins à une qualité
minimale, comme le poulet brésilien).
Il y a 400 000 exploitations en France en 2025. Contrairement aux craintes du début du siècle,
elles ont conservé – voire renforcé — une diversité d’ensemble quant aux produits qu’elles
offrent. Les consommateurs européens ont contribué à ce maintien.
L’IMAGE EN 2025 : LE DÉVELOPPEMENT LOCAL COMME POLITIQUE CENTRALE
L’Europe des régions est une réalitéEn 2025, l’Europe politique a évolué vers l’Europe des régions. Hormis les « grands » domaines
de compétence européenne (comme la diplomatie et la défense, la recherche et les négociations
internationales), et certains dossiers régaliens (éducation — encore que la situation ait
considérablement évoluée depuis le début du XXIème siècle —, police et justice), le
développement économique, social et environnemental est géré au niveau régional.
Dans ce domaine, les niveaux politiques supra-régionaux s’effacent au profit des Régions. La
régulation politique se joue à l’échelle des « territoires de projets » (à ‘linstar des Pays ou PNR).
Les objectifs, définis de façon concertée, ainsi que les moyens du développement local sont
identifiés par chaque territoire, la Région jouant un rôle de coordination et de cofinanceur.
Globalement, les objectifs prioritaires visent l’ancrage et la valorisation des activités
économiques dans le territoire.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 70
Dans ce contexte, les pouvoirs locaux deviennent plus prégnants — ne serait-ce que du fait des
financements accrus, permis par la réforme de la fiscalité et les nouveaux modes d’attribution
des aides communautaires sur lesquelles nous reviendrons. Le niveau régional s’impose comme
celui où s’arbitrent les différents projets portés à l’échelle des Pays ou des Communautés de
communes. Dans un pays comme la France, le niveau départemental s’efface — il n’est plus
adapté à la gestion des aides ; certaines régions ont fusionné pour atteindre une masse critique
(Limousin et Auvergne, les deux Normandies, Franche-Comté et Alsace…).
L’agriculture : une activité régionale …L’agriculture est devenue une activité parmi d’autres dans les problématiques politiques et de
développement. La crainte de marginalisation de l’agriculture dans les régions plus urbaine
n’est pas devenue réalité. Les projets et arbitrages régionaux considèrent cette activité avec
sérieux, les élus sont particulièrement sensibles à sa contribution à l’équilibre du territoire. C’est
d’ailleurs ce souci de conserver une agriculture territoriale qui a conduit à garder une politique
commune et un protectionnisme économique.
L’ancienne cogestion nationale a fait place à une gestion territoriale, négociée et contractualisée
(selon le modèle italien). Chaque région comporte sa direction à l’agriculture — dans lesquelles
on retrouve bon nombres d’anciens agents des administrations d’État —, dont les compétences
ont été harmonisées et précisées aux plans communautaire et national. Cette direction est très
puissante dans le pilotage d’ensemble des projets. Elle intègre une organisation thématique, par
produits, et géographique, par secteurs (des chargés de mission transversaux sont chargés des
relations avec les acteurs locaux dans l’émergence et la conduite des projets).
… parmi d’autresMais l’organisation de l’agriculture en tant que secteur économique spécifique ne signifie pas
qu’elle soit isolée des autres problématiques de développement local. Les instances régionales
ont à cœur de considérer l’ensemble des thématiques en jeu à l’échelle territoriale. En
particulier, la qualité de vie et les transports sont devenus centraux dans l’attractivité
économique des territoires.
Mais, de la même manière que l’agriculture est conçue territorialement, les considérations
environnementales dépassent le seul champ de gestion des ressources naturelles ; elles sont
désormais intégrées dans les projets de développement territorial au même titre que les
demandes portées par des instances économiques et sociales.
La gestion contractuelle s’impose comme la réponse au niveau des organisations décentralisées
et comme le moyen d’intégrer les différentes attentes dans un cadre d’innovation sociale. Selon
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 71
les territoires, elle se traduit par des accords locaux périurbains ou par des contrats de confiance
à l’échelle des pays.
Pour accompagner la mise en œuvre de ces nouveaux outils, les agents des Chambres
d’Agriculture Territoriales (CAT) ont dû élargir leurs champs d’intervention (du technique au
commercial). Acteurs de développement local, ils ont à cœur de valoriser l’agriculture auprès
des élus et d’établir des liens entre les producteurs et les filières. Ils mobilisent pour cela un
savoir-faire en termes d’animation de développement.
Une méthodologie d’intervention localePour prévenir les conflits et apaiser le débat social, la « concertation sur des objectifs par
territoires » s’impose. La qualité de l’approche participative est fonction notamment de
l’engagement des acteurs sur le territoire, et en particulier de la structuration de la demande
environnementale. On note une « professionnalisation » des acteurs dans la conduite des
concertations locales (renforcement et maturation des associations), qui passe aussi par une
exclusion de toute une partie de la population (qui ne peut accéder aux débats).
Quelle que soit la démarche de concertation choisie, le rôle des élus et des élites locales se
trouve conforté. Les thèmes soulevés dans les instances de concertation au plan local sont :
l’eau, le cadre de vie, l’éducation, les relations de voisinage et l’accès aux services et à l’espace.
Les thèmes plus écologiques (notamment la biodiversité) sont souvent négligés, mais ils
peuvent faire l’objet de demandes très localisées (par exemple, des marais d’importance
régionale ou des sites classés par des reconnaissances internationales telles que RAMSAR ou
patrimoine mondial de l’UNESCO).
Ce mode de concertation conduit par ailleurs à décentraliser en partie la gestion de certains
sujets environnementaux auparavant entièrement gérés au niveau national ou communautaire.
C’est ainsi que la question de la production d’OGM est finalement autorisée au plan national,
mais seulement « pour les régions qui le désirent ». La contestation locale conduit alors à leur
interdiction dans certaines régions françaises, ce qui laisse ouverte, en 2025, la question du
risque de dissémination des espèces OGM sur l’ensemble du territoire.
La nécessité d’instances et de politiques « cadres »Le transfert des pouvoirs et des responsabilités au niveau local s’est fait dans un cadre que les
régions ont été les premières à exiger.
Le« Règlement cadre sur l’environnement rural » de 2018 stipule :
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 72
- Les autorités régionales auront d’une part à définir les objectifs clairs dans les domaines de
la protection des ressources, de la biodiversité et des nuisances; une série de normes guide
est fournie qui peut faire l’objet de dérogations motivées « sur des bases scientifiques
disponibles ». D’autre part, elles auront à prioriser leurs interventions.
- Des contrats environnementaux régionaux traduisent ces objectifs et doivent prévoir un
dispositif d’évaluation régional, impliquant les différentes parties en présence, dont les
associations de protection de la nature. Une procédure de saisine de l’organe de règlement
communautaire des conflits environnementaux par les associations est définie.
- Ces contrats environnementaux doivent être inscrits dans des documents régionaux de
programmation (à l’instar des anciens Contrats de Plan) ; ils doivent être combinés à des
actions de développement plus classiques (à l’instar des anciens mesures agro-
environnementales).
- Des financements seront alloués aux régions ; l’atteinte d’objectifs environnementaux
ambitieux donne accès à des fonds spécifiques.
Les projets régionaux sont définis pour 6 ans et sont approuvés par la Commission, dans le
cadre du comité des régions.
Ce dispositif environnemental s’inscrit dans le cadre plus large de la politique communautaire.
Dans le domaine agricole, celle-ci a évolué entièrement vers une logique « deuxième pilier », de
financement de projets de développement agricole et rural. L’expression communautaire se
traduit par le maintien d’un budget commun qui finance l’ensemble des projets régionaux, afin
d’éviter les disparités entre régions riches et pauvres au sein de l’Union Européenne. Pour la
France, le budget communautaire représente 6 milliards d’Euros (équivalent 2003). Les régions
dégagent en outre 1 milliard d’Euros de fonds propres qui viennent se rajouter à cette somme.
L’ensemble des forces politiques a en effet écarté la tentation d’une renationalisation ou une
régionalisation totale des aides qui aurait nui au développement de l’ensemble des régions
européennes dont même les régions « riches » auraient pâti à terme.
Dans ce schéma, les administrations centrales en charge de l’agriculture et de l’environnement
ont fusionné en un ministère chargé de l’aménagement du territoire, de l’environnement et de
l’alimentation. Ses missions portent sur la bonne mise en œuvre des politiques communautaires
et sur certains arbitrages de compétence nationale (par exemple sur des procédures
interrégionales, sur le thème des Organismes Génétiquement Modifiés ou sur les règles
sanitaires). Une des conséquences de cet effacement national a déjà été évoquée : le modèle de
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 73
cogestion « à la française » s’est, lui aussi, dilué et les syndicats nationaux n’ont plus le rôle
qu’ils avaient 20 ans auparavant. Par contre, les consommateurs occupent une place centrale
quant à la sélection et la promotion des denrées alimentaires distribuées sur le marché national.
Ils régissent en partie les lois des marchés, par la pression croissante qu’ils exercent sur les
normes.
DES TERRITOIRES VARIÉS DANS LESQUELS S’EXPRIMENT DES RAPPORTS DEFORCES VARIÉS
Les termes des arbitrages régionaux en matière d’agriculture etd’environnement
Les élus régionaux et locaux doivent intégrer, dans leurs projets de développement agricoles et
environnementaux, différents termes.
Le plus déterminant est incontestablement lié à l’expression régionale de la demande
environnementale. Les régions les plus urbaines sont celles dans lesquelles la demande
environnementale s’exprime souvent le plus nettement, autour des thèmes chers à cette
catégorie : cadre de vie, préservation globale des ressources. La professionnalisation des
associations devient la règle. Pour s’intégrer au débat social, les associations de protection de la
nature et les écologistes scellent des alliances avec les urbains et les associations de promotion
du cadre de vie. Les instances de concertation régionales et locales accueillent un représentant
d’une grande association nationale de consommateurs, et ce, d’autant plus fréquemment en
contexte urbain.
Des régions moins urbaines et qui misent sur un tourisme rural de qualité peuvent aussi
intégrer des critères environnementaux plus exigeants dans les projets.
L’attachement de la production agricole au territoire est le deuxième terme de l’équation. Par
« attachement », on peut entendre plusieurs situations allant de la présence d’une ou plusieurs
AOC à des avantages comparatifs régionaux liés aux avantages naturels (comme la bonne
productivité des céréales dans le grand bassin parisien ou la production d’herbe dans le Massif
Central) ou aux avantages construits (comme la structuration des réseaux et des compétences,
en Bretagne). A contrario, certaines régions ont un attachement indéterminé entre agriculture et
actifs régionaux ; cela peut comprendre par exemple les régions « intermédiaires » de l’Est de la
France, de Poitou-Charentes. La structuration socio-économique des filières agricoles est une
composante de cet « attachement », notamment quand des « modèles » régionaux sont
clairement présents.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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Le dernier terme de l’équation est le « potentiel environnemental » présent au niveau régional,
avec de fortes variations locales. Selon que l’environnement peut être considéré comme dégradé
ou préservé, les problématiques sont bien entendu différentes. Dans le premier cas, l’éventuelle
reconquête n’est possible que si les forces sociales régionales sont organisées pour cela ; dans le
second, les enjeux de maintien sont souvent plus immédiats.
Le tableau suivant propose une synthèse des situations telles qu’elles se présentent en 2025,
avec des exemples emblématiques :
Demande environnementale forte Demande environnementale faible
Environnement« préservé »
Environnement« dégradé »
Environnement« préservé »
Environnement« dégradé »
Productionagricoleattachée auterritoire
1. AOC (typeBeaufort)
2. Zone à fortpotentielagronomique(Blé de Beauce,vignobleLanguedocien)
5. AOC (dans unespace en déclindémographique –Massif Central)
6. Productionindustrielle :Chablis ou maïsdes Landes
Production peuattachée auterritoire(« délocalisa-ble »)
3. Préservation desmilieux aquatiques,action de BV.
4. Zone sansavantageagronomique(Bretagne) Reculde l’agricultureintensive,nouveaux usages.
7. Pâturage ovinet boisement enzone demontagne
8. Dépriseagricole ,boisement
Tableau 6: les situations de gestion agri-environnementales en 2025
On ne saurait lire ces situations selon une logique absolument déterministe, et la logique
« projet » ouvre un espace de liberté au sein des lignes de forces résultant de ces déterminants.
Il n’empêche que, même en 2025, on ne transformera pas la Beauce en zone d’AOC fromagère.
Ce tableau montre également que les problématiques se posent à des échelles extrêmement
variables, allant du petit bassin versant breton préservé avec un fort potentiel piscicole à la zone
herbagère du Massif-Central.
Les problématiques et les ressources des projets concertésLa procédure d’élaboration de projets concertés est donc soumise tout à la fois à des rapports de
force plus ou moins contradictoires et à la capacité des acteurs à faire émerger des solutions
locales.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 75
D’une manière très générale, la problématique de gestion de l’environnement résulte de trois
termes : l’orientation économique des filières, la capacité d’intégrer des « actifs
environnementaux » au sein des espaces agricoles et le cadre même des projets.
Concernant ce dernier terme, le partage des responsabilités varie selon l’intensité de la
demande sociale. Dans les secteurs à forte demande sociale, la gestion est basée sur des accords
locaux périurbains, susceptibles d’introduire des modifications significatives dans le
fonctionnement de l’agriculture, au regard des autres secteurs d’activité.
Là où la demande sociale est moins importante, une co-gestion s’établit à l’échelle régionale.
Des Contrats de confiance locaux sont signés : issus des anciens Contrats d’agriculture durable, ces
contrats sont signés entre les agriculteurs et les collectivités. Ils sont devenus la référence.
Associés à des chartes (sur l’environnement, le paysage, le bien-être…), ces contrats imposent
un label de qualité et un cadre d’évaluation clair. Ils s’inscrivent pleinement dans la logique de
gestion de l’espace et de protection des ressources naturelles, souhaitée au niveau européen,
appliquée localement de façon contractuelle mais encadrée par les autorités régionales. Ce
dernier point s’avère parfois limitant pour l’expression et le développement d’initiatives locales.
Il convient également d’insister sur le rôle déterminant de la qualité des acteurs dans la
conduite des projets. Nous avons souligné la professionnalisation des membres des associations
environnementalistes et l’implication des agents des Chambres d’Agriculture Territoriales dans
la construction et la définition des projets. Il faut rajouter le financement de recherches finalisées
dans les pôles universitaires régionaux sur des thèmes d’importance régionale.
Avant de décrire quelques projets significatifs en 2025 dans les différentes situations françaises,
il convient d’avoir à l’esprit deux termes importants de l’image : les dispositifs de gestion agri-
environnementale que constituent les contrats de confiance locaux et les problématiques
auxquelles sont confrontées les filières nationales.
LES « PROJETS RÉGIONAUX » ET LES « CONTRATS DE CONFIANCELOCAUX » : EXPRESSION DE L’INTÉGRATION ENVIRONNEMENTALE ETÉCONOMIQUE
Le cadre le plus général d’intervention est celui des programmes régionaux de 6 ans donnant
lieu aux paiements communautaires (cf. supra). La procédure est fixée selon une méthodologie
communautaire globale, déclinée dans les états membres selon les spécificités administratives.
Des guides méthodologiques et des formations nationales sont organisées pour aider à la bonne
mise en œuvre. Les projets sont co-financés par l’Europe (6 milliards d’euros) et les régions (1
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 76
milliards d’euros), la part européenne étant élevée pour ne pas défavoriser les régions pauvres.
La part nationale est devenue partie négligeable dans les financements à l’agriculture
productive, les budgets nationaux étant réservés principalement à l’enseignement et la
recherche.
La procédure invite à identifier, au sein des programmes régionaux, des « zones de projet »
dont la géométrie est variable : cela va de la gestion d’un bassin versant jugé prioritaire à la
problématique générale de maintien d’espaces ouverts en zone de moyenne montagne. Chaque
zone définit un comité de pilotage associant, outre la région et les élus locaux, différents
porteurs de projets, représentants des différents groupes d’acteurs constitués localement
(certains élus font remarquer que cette approche revient à exclure de fait les acteurs mal ou non
représentés). Ce comité de pilotage définit ainsi un jeu d’objectifs environnementaux, avec une
hiérarchie et un dispositif d’évaluation. Un diagnostic global, élaboré par un maître d’œuvre
indépendant — il existe une accréditation des prestataires potentiels délivrée par l’État —
identifie les enjeux économiques et environnementaux de la zone de projet et propose des
solutions au regard des objectifs proposés par le Comité de pilotage. Les projets sont acceptés
au regard du respect de la procédure, leur contenu formel étant secondaire. Des Agences de
développement régional en espace rural (ADRER) sont garantes de la diversité et de la stabilité
des processus de développement territorial. Elles ont la charge de l’application des Chartes de
territoire, dans toutes leurs composantes (notamment les volets paysages, environnement,
gestion des conflits).
C’est sur cette base que les Contrats de confiance locaux sont élaborés : ils prennent la forme
d’un contrat liant l’agriculteur à la collectivité compétente (à défaut, la région). Ces contrats
portent sur « l’introduction ou le maintien d’activités contribuant au développement économique, social
et environnemental de l’agriculture ». Le financement du « maintien d’activités » a fait l’objet
d’âpres discussions au sein des instances communautaires. Ils comportent plusieurs volets :
investissement, conseil économique et environnemental (obligatoire), bonnes pratiques
écologiques. La signature d’un Contrats de confiance local oblige à une évaluation globale
« avant », « à mi-parcours » et « après » projet.
Un des points fort de l’approche est l’intégration, dans la conduite technico-économique de
l’exploitation, des critères des contrats de confiance. Au-delà d’une simple conformité
administrative pour justifier des paiements, les agents des Chambres d’agriculture traduisent
les thèmes des contrats en prescriptions techniques. La proximité géographique des différents
acteurs (pouvoirs publics territoriaux, organismes professionnels, agriculteurs et représentants
de la société locale) facilite cette intégration.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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DES FILIÈRES EN PARTIE RE-RÉGIONALISÉES
La dimension économique des PR et des CCL est affirmée et les industries sont soumises à deux
forces potentiellement contradictoires. D’un côté, dans un contexte de compétitivité accrue, elles
peuvent avoir intérêt à ne pas brider la production par des contraintes environnementales trop
fortes. De l’autre, du fait de leur lien accru avec les régions — notamment par le financement
des industries, ce lien n’affectant pas les distributeurs — elles doivent intégrer les demandes
environnementales locales. Elles peuvent en outre être incitées, lorsqu’elles le peuvent, à
valoriser leurs « actifs environnementaux » (typiquement l’herbe dans les AOC, mais aussi les
paysages, le savoir-faire,…).
Cette approche conduit à développer les cahiers des charges. La contractualisation avec les
producteurs permet notamment aux opérateurs des filières de créer un cadre commun pour,
d’une part stabiliser leur activité (dans un contexte de forte variabilité régionale) et d’autre part,
s’adapter aux évolutions des modes de production.
L’articulation avec la distribution est un point clé dans l’orientation des industries : si les modes
de production sont davantage pilotées par le local, il n’en va pas de même dans les modes de
consommation qui, eux, obéissent plutôt à des déterminants de mode de vie, de préférence
économique… Cela étant, la distribution joue un rôle d’intermédiaire, en faisant aussi évoluer
les consommateurs vers davantage de produits locaux et territoriaux.
Au total, les différentes IAA locales multiplient leurs stratégies pour investir les marchés locaux
(via les filières courtes) et les marchés nationaux et européens. Elles négocient avec les pouvoirs
locaux en faisant valoir l’image sur laquelle elles assoient leur positionnement. De fait, les
créneaux investis sont extrêmement variables : des fruits à l’énergie, des porcs industriels (qui
sont aussi les produits d’un terroir) au blé Ebly. Les entreprises se livrent dès lors à une forte
compétition sur le terrain des produits de qualité.
De nombreux réseaux de transformation et de distribution s’organisent autour de firmes de
petite et moyenne taille, et l’on assiste à un nouveau développement dans ce domaine. Dans le
même temps, si des grandes industries demeurent intégrées dans une logique de marques
européennes (produits laitiers transformés, certains vignobles,…), elles sont incontestablement
en perte de vitesse relative. Dans le même temps, les produits hard discount sont importés du
Brésil pour alimenter le marché de produits bas de gamme.
Désormais les trois façons de répondre à la demande des consommateurs sont :
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 78
— l’offre de produits de terroir de qualité (distribués par les enseignes du type « la Grande
Épicerie » ou des circuits locaux). L’ Agence de promotion des produits de terroirs,
chargées de valoriser la production française pour le local et l’international, est active dans
ce domaine.
— l’offre de produits standard de qualité — produits en France ou à l’étranger — par Danone
Europe et distribués par des enseignes comme Monoprix,
— le hard discount, distribué largement via les réseaux de type Ed.
La communication sur les produits fait l’objet d’une attention particulière de la part des
opérateurs économiques, qui doivent toucher des consommateurs européens. Si toutes les
filières font valoir une transparence, force est de constater que tous les critères ne sont pas
immédiatement comparables d’un produit à l’autre et que le consommateur a toujours autant
de mal à s’y retrouver dans les différents signes de qualité qui croisent plusieurs référentiels
(géographiques, sanitaire, environnemental, process,…).
LA RÉSULTANTE DES FORCES TERRITORIALES ET ÉCONOMIQUES : UNEGRANDE VARIÉTÉ DE SITUATIONS ET DE PROJETS
Si l’on reprend le tableau introduit ci-dessus, on peut identifier une grande variété de projets
territoriaux, en considérant comme entrée principale l’expression de la demande
environnementale.
Dans un contexte de forte demande environnementale : desaméliorations étroitement liées au « potentiel agri-environnemental »
Au delà des variabilités régionales, les exigences relatives à l’environnement et aux paysages
(inscrites dans les Chartes et les contrats) sont relayées par les associations de protection de la
nature et de défense du cadre de vie. Dans tous les cas, l’effort est mis sur la promotion d’une
« production environnementale conjointe à la production agricole », autrement dit valoriser les
actifs environnementaux (qu’ils soient agronomiques ou paysagers) de l’activité agricole, tout
en restant compétitifs.
Quand les productions agricoles sont attachées aux territoires, les instances de concertation
tentent de consolider le lien des productions au terroir. Par exemple, cela se traduit par un
renforcement des cahiers des charges (races locales et système herbager) pour les AOC et les
productions de qualité (case 1) . Ainsi les AOC fromagères (Beaufort, Cantal, Pont-Lévêque
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 79
voire Camembert) mettent un point d’honneur à limiter la production à un périmètre et à des
conditions de production bien précises.
Dans les régions de grandes cultures (case 2), comme dans le plateau beauceron, les
coopératives développent un partenariat avec les chasseurs pour mettre sur le marché le blé de
Beauce, production liée à une régulation sélective de la faune associée aux espaces ouverts
(protection de la perdrix, maintien des équilibres des populations de grands gibiers…). Les
associations de défense du cadre de vie, voire de protection de la nature, sont sensibles à ces
arguments environnementaux et paysagers et soutiennent le développement de produits
locaux.
Dans les régions où la production n’est pas ou peu attachée au territoire (production de masse,
production hors-sol), l’activité agricole intensive apparaît en contradiction avec les valeurs
environnementales portées par la société. Ce mode de production tend à s’effacer du territoire,
soit au profit d’une gestion agricole plus environnementale – contrats agri-environnementaux -
(case 3), soit au profit d’activités de loisirs (case 4) quand l’agriculture n’est pas en mesure de
« peser » face à l’expression d’une demande urbaine.
Dans un contexte de faible demande environnementale :l’environnement fortement déterminé par les filières
Dans ce cas, l’intégration de l’environnement aux projets de développement territoriaux n’est
généralement pas prioritaire et les stratégies d’adaptation de la profession agricole se révèlent
donc très variées. Certains territoires misent sur les produits de qualité (notamment les AOC)
pour résister et rester compétitif dans un contexte de perte de vitesse démographique et
économique. C’est le cas par exemple dans certaines zones du Massif Central, où les éleveurs se
spécialisent dans la production de races bovines locales, Salers, Aubrac, Limousine (case 5).
Une activité agricole extensive peut recoloniser certains espaces, grâce au soutien des autorités
régionales, soucieuses de préserver le potentiel environnemental et touristique de leur secteur.
Les zones de montagne (7) recouvrent ainsi leur fonction de pâturage pour les élevages ovins et
caprins.
Les zones qui étaient déjà en déprise agricole au début du siècle et ne peuvent faire valoir un
quelconque actif, qu’il soit agricole ou environnemental, se ferment et se boisent (8, par exemple
en périphérie du Massif Central ou dans les plateaux de Bourgogne).
Paradoxalement, d’autres régions s’orientent vers la production industrielle, valorisant leurs
grandes étendues et respectant a minima les contraintes environnementales imposées par
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 80
l’Europe (6). La production intensive de maïs et de certains vins (comme le Chablis, produit
dans une zone où la demande sociale est peu organisée) industriels rentrent dans ce cas de
figure : ils peuvent aussi être « défendus » au nom d’une logique territoriale et ne rencontreront
pas beaucoup de contradicteurs au plan local.
DIFFÉRENTS SYSTÈMES AGRAIRES AUX ÉVOLUTIONS CONTRASTÉES
Une carte des productions accentuée plus que bouleverséeEn 2025, la carte des productions ressemble dans les grandes lignes à celle de 2005, mais en
accentuant les contrastes en ce qui concerne les productions locales. La production nationale est
centrée sur des produits locaux, compétitifs, de bonne qualité pour la majeure partie. Les
régions renforcent leurs avantages comparatifs et spécialisent à la fois leur production et leurs
modes de production. La production se segmente ainsi entre la production de qualité et celle de
masse.
Notons que le renforcement de la spécificité régionale s’effectue sur les productions
alimentaires et non alimentaires. Les biocarburants constituent une voie de spécialisation, à
l’échelle locale, dont certaines régions de grandes cultures savent bénéficier (valorisation d’une
image locale).
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 81
Carte 3 : L’Europe des régions : un patchwork aux résultats environnementaux contrastés :carte des productions
Légendes : la taille des figurés
traduit l’importance relative
des productions.
éaliculture et oléoprotéagineux
ltures herbagères
ltures spécialisées
riculture de proximité
nes de déprise
Porcins Maïs
Bovins lait Cultures céréalières
Bovins viande Cultures fruitières
Ovins Vignes
Volailles Protection de la flore
Caprins Protection de la faune
Oie Boisement
Maraîchage
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 82
La coexistence de deux modes de développement des systèmesagraires
Dans un contexte de forte concurrence économique et d’absence de soutien communautaire, les
systèmes agraires sont amenés à évoluer et à se diversifier autour de deux pôles :
- Les grandes unités de production, concentrées sur les terres les plus productives évoluent peu.
Elles développent une activité très intensive, intégrée sur le marché mondial. Dans la France des
terroirs, une agriculture industrielle a aussi sa place. Elle impose des normes de production très
exigeantes, que ne peuvent suivre toutes les exploitations d’une région. Les exploitations qui
n’ont pas les moyens de s’adapter à la nouvelle mise en concurrence, doivent évoluer. Aussi
trouve-t-on en Bretagne de grandes exploitations porcines, spécialisées soit vers la production
de qualité (sous des labels locaux), soit vers la production de masse (avec une gestion
d’effluents raisonnée par la technique). Par souci de réduction des charges et de valorisation
économique des efforts environnementaux, certains exploitants s’orientent de plus en plus vers
des systèmes d’alimentation à l’herbe. Notons que la professionnalisation des exploitations
passe aussi par l’adoption de mesures répondant aux attentes des riverains : en termes de
gestion des nuisances, de typicité paysagère par exemple.
- Les systèmes agraires fondés sur la spécialisation régionale des productions et la
multifonctionnalité sont nettement favorisés par le contexte politique régionale. La diversité de
ces systèmes s’exprime à travers des projets individuels ou collectifs autour de « niches »
régionales. De façon globale, les exploitations qui choisissent cette orientation adoptent des
pratiques de production compatibles avec les normes environnementales et sanitaires des
cahiers des charges AOC ou des produits de qualité. Elles sont pour la plupart intégrées dans
des filières de commercialisation de proximité ou liés à des industries agro-alimentaires de taille
moyenne de dimension régionale. Selon les régions et les contraintes pédo-climatiques, les
systèmes agraires sont très variables. Pour les unités de productions laitières ou bovines, une
des constantes est la recherche de maîtrise des charges et d’extensification.
Un modèle professionnel largement héritéLa diminution du nombre d’agriculteurs entre 2005 et 2025 n’est pas aussi importante que ce
que l’on aurait pu craindre, bien que toutes les exploitations agricoles n’aient pu intégrer les
nouvelles contraintes économiques et réglementaires. En 2025, il reste 400 000 exploitations,
dont 2/3 sont professionnelles occupant 92% de la SAU. Le passage au nouveau système de
régulation politique et économique a été facteur d’exclusion pour les exploitants qui n’ont pas
su se professionnaliser. Le métier d’exploitant a en effet évolué et exige de multiples
compétences : commerciales, managériales, techniques.-
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 83
Les réponses aux problèmes d’environnement dépendent pour beaucoup des situations locales
et de la manière dont la problématique de la « production conjointe de produits et
d’environnement » (cf. supra) se pose. Dans certains cas, la réponse est essentiellement
technologique, par traitements chimiques des effluents et réduction des intrants dans les
grandes unités, dans une optique de bonne gestion des flux. Dans d’autres cas, la gestion
d’espaces à fonction environnementale fait partie intégrante du dispositif agri-
environnemental : on trouve dans cette approche les AOC de montagne, mais aussi les
céréaliers beaucerons qui ont su ménager des zones favorables à l’avifaune.
Si l’intégration des contraintes agricoles et environnementales conduit à des adaptations
importantes, il s’agit plus d’une évolution qu’une révolution dans la conception du métier.
Certes, le niveau de gestion local amène chaque agriculteur à négocier et à rentrer dans un
processus de concertation, mais cet état de faits est d’autant mieux accepté qu’il s’inscrit dans
un référent d’identité territoriale — l’agriculteur acteur économique et environnemental —
plutôt valorisant aux yeux de beaucoup. La période où les normes économiques et
environnementales « tombaient d’en haut » (qu’il s’agisse de Bruxelles ou d’un marché
désincarné) fait figure de repoussoir. Les termes de la performance ont évolué et les scènes
d’évaluation avec, mais le concept même de performance reste bien le cœur de l’identité
agricole. Si l’on ajoute la capacité de construire des projets individuels et collectifs, on conçoit
que les agriculteurs « s’y retrouvent » dans l’ensemble.
L’ENVIRONNEMENT : UN PATCHWORK POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE
Des réponses environnementales résultant des dynamiquesterritoriales
Au total, l’état de l’environnement dépend d’interactions de dynamiques technico-économiques
et socio-politiques qui s’expriment à des échelles territoriales allant du terroir très spécifique
(vigne) ou du petit bassin versant à de grandes régions agraires.
Ainsi, de façon globale, en 2025, la France est constituée d’une mosaïque d’espaces, présentant
un panel complet d’états environnementaux. La gestion territoriale produit aussi bien des
situations environnementales très satisfaisantes (pour la biodiversité, les ressources en eau et le
sol) que des situations très médiocres. Rares sont les régions dans lesquelles la situation
environnementale est complètement dégradée (ce sont celles dans lesquelles la demande sociale
en environnement est inexistante ou inefficace) et, dans la plupart des cas, la responsabilisation
des acteurs autour des projets agri-environnementaux permet de prendre en charge un ou
plusieurs thèmes.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 84
L’environnement est ainsi géré selon des logiques de projets, privilégiant souvent un thème
(l’eau, le paysage, les sols, l’énergie…) de façon sectorielle. La gestion quantitative et qualitative
de l’eau bénéficie tout à la fois d’une expérience de gestion agri-environnementale ancienne et
d’un fort relais en termes de demande sociale : elle ressort comme un thème transversal à
l’échelle nationale. Pour ce qui est du paysage et de la biodiversité, l’efficacité des mesures
dépend fortement de la mise en œuvre locale. L’état de l’environnement est donc largement
fonction des cahiers des charges déterminés pour les productions et du contexte social.
Les principales thématiques environnementales développées ci-dessous sont illustrées
d’exemple faisant référence au tableau présenté plus haut.
Ressource en eau : une amélioration d’ensemble, des tensions quipeuvent subsister
L’eau a trouvé une réponse à la plupart des problèmes connus en 2004.
En terme qualitatif, des outils de haute technicité (pour la gestion des effluents d’élevage) alliés
à des réduction d’intrants ont permis de regagner la qualité de cours d’eau soumis à de fortes
pressions au début du siècle. Des réponses techniques ont été apportées aux problèmes de
turbidité de l’eau (gestion des coulées, aménagement des cours d’eau).
Figure 7 : un paysage de plaine du nord dans le scénario 3
Par contre, les phytosanitaires restent un dossier problématique qui reflète en tout état de cause
la diversité des situations locales. Dans certains cas, on note de réels progrès et une amélioration
de la qualité de l’eau sur ce critère. Ces succès sont atteints quand la recherche et
développement arrive à travailler avec les agriculteurs et les industries pour faire émerger de
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 85
nouvelles pratiques (par exemple, en Beauce, les instituts de recherche financés par la Région
ont permis une division par trois des doses, grâce à la mise en place d’une filière luzerne). Mais,
dans d’autres cas, l’organisation régionale de la R&D n’est pas efficace et, malgré des efforts
affichés, notamment en termes de substitution par de nouvelles molécules à faible dose, la
situation est plus qu’ambiguë. Certains dénoncent une « fuite en avant technologique »,
pointant que les nouveaux produits sont difficile à suivre.
En terme quantitatif, des améliorations notables sont constatées dans certains secteurs, où la
priorité d’action a été de préserver des zones tampons, pour réduire les risques d’inondation
et/ou de pollution. C’est le cas, par exemple, dans certains bassins versants bretons présentant
un réel potentiel agri-environnemental (3) 18. Cependant, dans de nombreuses régions, la
question du partage des ressources reste en suspens, soumis à des équilibres contradictoires.
Certes, le prix de l’eau augmente, l’irrigation de masse diminue, l’utilisation de l’eau est
parcimonieuse sur les productions à forte valeur ajoutée, mais la répartition de la ressource
entre usagers reste sensible (6). Les épisodes de sécheresse, annoncés avec une fréquence de
plus en plus rapide par les climatologues, attisent les tensions à ce sujet.
Figure 8 : un paysage breton dans le scénario 3
18 — Les numéros se réfèrent aux cases du tableau de la page 74.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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Patrimoine et paysages : entre différenciation identitaire etbanalisation
Dans certaines régions privilégiées économiquement, les paysages sont gérés selon une logique
identitaire. Ils sont garants de la typicité de l’image des régions ; un effort particulier est donc
fourni sur le bâti dans la plupart des régions. La perspective du développement touristique
conduit les pays à promouvoir l’image de leur territoire et à renforcer l’accueil autour de
valeurs patrimoniales (4). Les bocages sont reconstitués et/ou entretenus notamment dans les
régions à production AOC (5).
Cependant, le développement économique et touristique ne rime pas toujours avec entretien et
préservation de l’espace. Les paysages de la France des terroirs sont typés mais parfois
relictuels. Les secteurs difficiles d’accès sont laissés à l’abandon ; la forêt occupe de plus en plus
l’espace, surtout en zone de moyenne et de haute montagne (8). Par ailleurs, l’excès inverse –
l’industrialisation de l’agriculture- marque la banalisation d’espaces (6). Des régions comme les
plateaux de Bourgogne, les Landes ou les vignobles languedociens illustrent cette dynamique.
Dans ces zones, la biodiversité « ordinaire » régresse.
Figure 9 : un paysage du Massif Central dans le scénario 3
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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Biodiversité : un manque de dynamique d’ensembleLes conséquences des systèmes agraires sur la composante biodiversité de l’environnement sont
difficilement généralisables. On note ça et là des améliorations sur les habitats, sur les espèces
sauvages, mais la fragmentation du territoire interdit toute estimation sur l’évolution globale de
la biodiversité. L’application de la directive Natura 2030 reste encore très incertaine, en grande
partie du fait d’un recul des forces associatives nécessaires à sa mise en œuvre dans certaines
régions.
On constate que c’est dans les régions agraires combinant à forte demande environnementale
que les espèces domestiques et associées à l’agriculture sont plutôt favorisées : les cahiers des
charges AOC et ceux des produits de qualité imposent l’utilisation de races locales et
contribuent à la qualité des habitats par le recours à des systèmes herbagers dans lesquels la
biodiversité est un actif environnemental et économique (1 et 5). Les espèces sauvages peuvent
également bénéficier des contraintes de productions locales, comme en témoigne l’exemple du
Blé de Beauce, soutenus par les chasseurs (2). Notons que dans l’entretien des milieux
aquatiques, zones humides, tourbières, autorise le développement d’espèces sensibles (3 et 4).
Cependant, sur les espaces en déprise, la biodiversité s’étiole : plantations de peupliers en bord
de cours d’eau dans les régions à grandes cultures, boisement généralisé sur les coteaux en
marge du bassin parisien et du Massif Central.
Dans toutes ses composantes, l’état de l’environnement s’apparente bien à un patchwork, pour
le meilleur et pour le pire. Et l’on illustrera cette idée par l’exemple emblématique des zones
humides des vallées alluviales. Elles illustrent parfaitement les tendances contrastées qui
s’exercent sur les territoires et souffrent d’une absence de gestion d’ensemble.
À proximité des grands pôles urbains, elles restent soumises à une pression foncière forte
compte tenu d’un affaiblissement de la protection réglementaire. À l’opposé, certaines sections
peuvent se fermer par un recul de l’élevage (dans le Haut-Allier par exemple) ou régresser par
le développement de l’irrigation associé au développement de filières de fruits et légumes (en
très grande couronne parisienne par exemple, les nappes qui alimentent les cours d’eau sont
trop sollicitées).
Mais ces espaces font également l’objet de toutes les attentions des associations
environnementales et des collectivités qui reconnaissent pleinement leur rôle multifonctionnel.
Les AOC d’élevage valorisant les prairies sont très souvent mobilisées dans la gestion de ces
espaces. La reconquête de la Bassée par l’AOC Brie, sur la Seine amont — au delà de la zone
maraîchère de la très grande couronne — et celle de la Saône en amont de Lyon sont des
exemples largement valorisés (en Saône, le râle des genets voit sa population augmenter). Il est
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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vrai que l’ingénierie agro-environnementale a été particulièrement innovante et très soutenue
par les collectivités territoriales.
LES INDICATEURS SYNTHÉTIQUES DU SCÉNARIO (ÉVOLUTION PAR RAPPORTÀ LA SITUATION ACTUELLE)
Le tableau suivant reprend les hypothèses structurelles et politiques de ce scénario, en les
resituant par rapport à la situation présente (avec un recul sur la situation 1988).
1988 Situation actuelle(2000-2005)
scénario 3 Commentaires sur le choix deshypothèses
(quelle signification ?)
SAU d'ensemble (ha) 28 600 000 28 000 000 28 000 000 Il est fait l’hypothèse que ledéveloppement d’agriculturesrégionales est globalementconservatrice d’une pression surl’espace agricole dans sonensemble.
Indicateurs structurelsChiffres RGA 1988 Chiffres RGA 2000
UTA 1 500 000(dont 1 200 000
professionnelles*)
1 000 000(dont 840 000
professionnelles*)
600 000(dont 534 000
professionnelles*)SAU/emploispermanents (ha/UTA)
19(prof : 21)
28(prof : 30)
47(prof : 48)
nb EA 1 000 000(570 000
professionnelles*)
663 500(400 000
professionnelles*)
400 000(264 000
professionnelles*)nb d'UTA/EA 1,5 1,5 1,5taille moyenne EA (ha) 29 42 70
La restructuration des exploitationsest modérée, compatible avec lemaintien de productions à fortevaleur ajoutée.
Indicateurs politiques et économiques
Prix des produitsagricoles européens %prix mondiaux
M a i n t i e n d ' u n e p r é f é r e n c ecommunautaire, même si les prix UEconvergent vers les prix mondiaux.
Prix UE > prix mondiaux.Cette hypothèse repose sur l’affirmation d’unprotectionnisme sanitaire européen.
Aides (milliard d'Euros2003)
9,5(chiffres 1990 – source
DAF)
12(chiffres 2003 – source
DAF)
6 Europe +1 régions
• dont régulation desmarchés (1er pilier)
7 9,5
• d o n t a c t i o n sstructurelles (2ème pilier)
2,5 2,5 7
Aides moyenne par UTA(euros 2003)
6 333 12 000 11 600(moyenne
annualisée)nb bénéficiaires 1er pilier 461 000nb EA bénéficiaires 2ème
pilier150 000 ?
Les aides européennes sontconstitutives du scénario, selon unede modernisation des exploitations(proche des CAD, soit une logique2ème pilier) dans une optique decompétitivité et de protection del’environnement. Le financementeuropéen est élevé (85%) pour nepas défavoriser les régionspauvres.Les aides ne sont pasdéterminantes dans la formationdu revenu.
* exploitations « professionnelles » : au moins 0,75 UTA et 12 ha de blé (ou équivalent).Tableau 7 : les indicateurs structurels, économiques et politiques liés à l’agriculture dans lescénario 3
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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1988 (saufindicationcontraire)
Situation actuelle(2000-2005)
scénario 3 Commentaires sur le choix deshypothèses
(quelle signification ?)Taux de nitratesmoyen dans les coursd ’ e a u c l a s s é sagricoles
15 mg/l(IFEN d’après
RNDE)
22 mg/l(2001)
20 mg/l A m é l i o r a t i o n l i é e àl’investissement local sur le thèmede la qualité en eau.
Répartition des coursd’eau en fonction del e u r q u a l i t é« phytosanitaire »
n.d. 47 % de captagesen situations
« bonne àmoyenne»
53% des captagesen situation
« médiocre à trèsmauvaise »
(IFEN)
60 % des captages(même référentiel
que 2001) ensituations « bonne
à moyenne»40 % des captages
en situation« médiocre à très
mauvaise »
Idem (mais avec une répartitionmieux répartie que dans scénario 3)
Surface irriguée 1,7 millions ha(IFEN)
2,6 millions ha(2001, IFEN)
3 millions ha Continuation de la croissance dessurfaces irriguées (logiquep r o d u c t i v e m a i n t e n u e ) .Cependant, le rythme de croissanceest ralenti.
Surface drainée 2,1 millions ha(IFEN d’après
RGA)
2,8 millions ha(IFEN d’après
RGA)
3 millions ha Idem
STH 11,5 millions ha(Terruti)
10,5 millions ha(Terruti)
10 millions ha H y p o t h è s e g l o b a l e m e n tconservatoire du fait d’unevalorisation des surfaces en herbedans les filières.
Surface drainée dansles zones humidesdes vallées alluvialeset des p la inesintérieures.
260 000 ha(IFEN d’après RGA)
300 000 ha(IFEN d’après RGA)
260 000 ha Les zones humides sont un espacevolontiers valorisé dans lespolitiques environnementales descollectivités
Indice d’abondancede l’alouette deschamps (indicateurbiodiversité ‘grandescultures’)
100(IFEN : indice 100
en 1989)
85(IFEN : indice 100
en 1989)
100 Marque un progrès grâce à desinvestissements des acteurs locaux(chasse).
Indice d’abondanceagrégé des oiseauxassociés aux milieuxagricoles (indicateurbiodiversitéd’ensemble)
125 en 1989(source IFEN)
85 en 2001 90 ( ?) La biodiversité « ordinaire » n’estglobalement pas portée dans cescénario.
Tableau 8 : les indicateurs environnementaux du scénario 3
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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SCÉNARIO 4 : UNE AGRICULTURE « HAUTE PERFORMANCEENVIRONNEMENTALE »En 2025, les attentes environnementales sont au cœur des demandes de la société européenne. Elles
constituent de ce fait un moteur économique fondamental, l’ensemble des activités étant orientées de
manière à répondre à cette attente qui se traduit aussi en termes de marchés de produits et de services.
L’intégration des normes environnementales dans le comportement des consommateurs restructure
fondamentalement le fonctionnement économique et politique de l’Europe.
Dans ce contexte, l’agriculture fait figure de secteur particulièrement emblématique, dans lequel cette
intégration se traduit en termes concrets. Un modèle d’agriculture, dit « agriculture Haute Performance
Environnementale » est défini. Il s’appuie sur la base de l’agriculture biologique, dont il fait évoluer les
termes techniques — en conservant néanmoins le non recours à des produits de traitement phytosanitaire
— et économiques pour en faire un modèle de portée européenne. Ce modèle est défendu et implique un
protectionnisme sanitaire et environnemental assumé.
L’agriculture HPE s’impose comme le modèle permettant de trouver un équilibre durable entre les
considérations économiques, sociales et environnementales. La « haute performance environnementale »
est en outre complétée par des interventions plus ciblées, au delà de ce que l’agriculture HPE peut
spontanément fournir (par exemple, gestion écologique d’habitats remarquables). Cette mutation profonde
passe nécessairement par un « contrat » social et politique particulièrement fort, comparable à celui qui
prévalut à la mise en place de la PAC dans les années 1960. Les nombreux conflits qui apparaissent
localement ne remettent pas en cause la dynamique d’un modèle qui s’emploie à faire ses preuves
(l’évaluation est centrale).
Sur un plan technique, la prise en compte de l’environnement repose sur une intégration de la gestion des
flux, des espaces multifonctionnels (et en premier lieu ceux qui remplissent une fonction dans le maintien
durable des ressources naturelles : reproduction de la fertilité et lutte contre les ravageurs) et des variétés
domestiques. Cette intégration se décline au niveau de chaque exploitation agricole, en tenant compte des
diversités de situations agronomique et socio-économique. Elle nécessite une forte intensité en main
d’œuvre, tant en termes quantitatif que qualitatif, au regard des savoir-faire mobilisés.
L’état environnemental qui résulte de cette intégration technique entre économie et environnement
correspond à une évolution très significative de l’état des paysages, de la biodiversité sur l’ensemble des
territoires. Les espaces agricoles gagnent en fonctionnalité écologique, et permettant une restauration des
espèces communes et remarquables qui en dépendent, même si le maintien d’une activité agricole plus
dense sur tout le territoire peut ne pas convenir à toutes les espèces. La situation des ressources et des
risques naturelles s’améliore, notamment du fait de l’abandon des Phytosanitaires. La répartition plus
homogène des productions conduit à une moindre consommation d’énergie en aval.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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COMMENT DÉMARRE LE SCÉNARIO 4 : UNE AGRICULTURE « HAUTEPERFORMANCE ENVIRONNEMENTALE »… (LE CHEMINEMENT DE 2005 À 2025)
La prise de conscience accrue des effets des pesticides sur la santé (cancers et fertilité
notamment) ne cesse de monter en puissance au début des années 2000 — comme en
témoignent les suites de « l’appel de Paris » de 2004. Cette problématique s’inscrit dans un
cadre plus général de préoccupation sanitaire. Les procès mettant en cause la responsabilité de
l’État dans des dossiers de santé publique, contribuent à conforter cette position. Le front du
conflit entre les hygiénistes et les grands groupes chimiques (agriculture et santé) se durcit et les
argumentaires se précisent de part et d’autre. Les instances politiques s’appuient
progressivement sur le principe de précaution inscrit dans la charte de l’environnement adossée
à la constitution, sans pour autant trancher réellement la question.
Le rapport de la Cour des comptes de 2010 sur l’augmentation des coûts de santé et les
projections à 2030 (l’augmentation de la proportion de personnes de plus de 60 ans en Europe et
des taux de cancer dans cette classe d’âge) pointent un problème majeur. Le rapport indique
que « le problème du financement de la santé sera d’autant plus marqué que la fertilité européenne baisse,
en partie du fait de la non maîtrise des polluants de synthèse [nous soulignons], avec des conséquences
sur des propositions actives de travail». Il appelle à une « prise en compte radicale du problème, qui
passe par une évaluation de la contribution nette de certains produits chimiques de synthèse à l’économie
européenne ». Sa portée médiatique, dans le contexte judiciaire « amiante », est grande. À leur
échelle, les agriculteurs bios « historiques » rappellent que ce rapport ne fait que confirmer leurs
thèses, avec plus de 30 ans de retard. Leur audience politique s’accroît et des crédits de
recherche et de développement leur sont alloués. Les instances agricoles conventionnelles ne
s’opposent pas publiquement à cette dynamique ; leur base est la première touchée par les
cancers professionnels. Les OGM sont « gelés » de manière à « ne pas compromettre le
développement ultérieur de l’agriculture biologique ».
La formation des agriculteurs intègre systématiquement un module « gestion de
l’environnement et agriculture biologique ». La grande distribution augmente la mise en rayons
de produits « bios », les échanges intracommunautaires — en provenance des pays d’Europe
centrale et orientale qui ont saisi cette opportunité, augmentent.
Après l’Allemagne qui s’est fixé un objectif de 20%, l’Émilie-Romagne, en Italie, décide de
convertir 100% de son agriculture en production biologique à l’horizon 2012. Un accord est
conclu, associant les partenaires politiques et professionnels. La communication est
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considérable et le soutien de la Commission se traduit aussi financièrement. Beaucoup raillent :
« une Région riche qui s’adresse aux riches », « la Mecque de la bio pour les intégristes ! » .
Le climat conflictuel — pour ne pas dire délétère — autour des produits chimiques de synthèse
est accentué par la révélation d’un scandale en 2008 : un haut fonctionnaire de la Commission
ayant été corrompu par un grand groupe agro-chimique pour bloquer une directive
contraignante sur l’utilisation des produits phytosanitaires. Non seulement la directive
« passe », mais le Parlement réclame plus de pouvoirs, notamment dans le domaine de la
politique agricole « constituant une exception historique qu’il convient de corriger ». De fait, le
pouvoir de conception et de décision dans le domaine passe au Parlement en 2012. L’agriculture
biologique est l’élément central du « deuxième pilier ». Les associations de protection de la
nature soutiennent cette orientation, mais pointent certaines dérives comme les fraises bios de
Huelva irriguées et ayant détruit 1000 ha de zones humides. Elles exigent le développement des
écopoints dans l’attribution des aides, cherchant à valoriser le maintien de biodiversité en zones
sensibles.
L’augmentation régulière du prix du pétrole intervient dans le processus, rognant les marges
des groupes agro-chimiques et celle des agriculteurs. En 2007, il est clair qu’il ne redescendra
pas en dessous de 50 $ le baril.
En 2012, la thématique santé/environnement/agriculture est au cœur de la campagne
présidentielle française. Les négociations de la PAC portent sur une conditionnalité
agronomiques (rotations, équilibre de fertilisation…), le soutien à l’agriculture biologique et aux
multifonctions de l’agriculture. Les syndicats agricoles européens sont partagés, mais ils voient
dans le durcissement des normes environnementales l’occasion de sauver le principe d’une
politique agricole et d’une agriculture européenne. Les débats sont vifs entre courants pour
définir le modèle agricole européen (produire à bas prix, environnement,…). L’agriculture
biologique apparaît comme un modèle, à condition de le faire évoluer et l’adapter vers la prise
en compte de critères liés à la qualité des produits, à l’évaluation environnementale (écopoints)
et à la maîtrise des coûts. Dans ce dernier registre, la possibilité de recours très encadré à des
engrais de synthèse (plafond de 30 kg/ha) pour garantir un niveau minimal de production est
identifié comme le passage de l’agriculture biologique à l’agriculture HPE.
L’augmentation du prix du pétrole change la problématique des échanges mondiaux ; les
transports et l’environnement deviennent des thématiques légitimes. Les ONG ont désormais
voix au chapitre à l’OMC.
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En 2013, est créé en France le ministère de l’agriculture, de l’environnement et de la santé. A sa
tête est placé le plus jeune ministre du gouvernement, issu du Parlement européen. Il s’emploie
à préparer une « transition vers un modèle d’agriculture plus durable » (modèle intégrant aux
exigences environnementales, des modes de production biologique des critères économiques et
sociaux acceptables pour la société) et fait voter la loi d’orientation de 2014, qualifiée par la
presse d’habile synthèse entre une réforme de fond et le maintien des instances en place. On
note néanmoins une certaine crise identitaire au sein des instances « historiques », inquiétées
par les profonds bouleversements qui affectent l’ensemble des filières agricoles traditionnelles
ainsi que par la place grandissante occupée par le débat public dans les remaniements
politiques.
Les cadres sont largement renouvelés et sont issus d’une génération sensible aux idéaux
environnementaux. Ce ministère promeut le développement des formations éco-citoyennes
(visites de fermes) et des conventions de formation/recherche sur l’environnement dans les
formations universitaires et agricoles.
La mission d’évaluation parlementaire de l’expérience Émilio-romagnole « 100% bio » de 2015
conclut à des résultats « largement positifs ». Non seulement, elle montre la faisabilité d’un tel
choix à grande échelle, mais les résultats sur l’environnement et la santé sont plus que probants.
Les résultats escomptés en matière de cancers agricoles sont prometteurs dans une région
pourtant productive. « Les paysages ont retrouvé une attractivité qu’ils avaient perdue » pointe le
rapport. D’autres passages clés : « les forces économiques et techniques ont su s’adapter et inventer à
ce qui s’apparentait à une révolution culturelle », « l’environnement est devenu le moteur économique de
l’agriculture Émilio-romagnole et la production ne s’est pas effondrée » « l’agriculture Régionale a mieux
résisté que d’autres à l’énergie chère ». D’autres, plus critiques, remarquent la « double paye » des
agriculteurs de la zone : ils vendent plus cher et reçoivent des aides.
Plusieurs régions européennes suivent le mouvement, en France, c’est la région Rhône-Alpes
qui rentre dans le dispositif « 100% HPE » (reprenant la suite du 100% bio ».
En 2020, le baril de pétrole atteint 100 $ en moyenne. Les élections de 2022 se préparent.
L’environnement est identifié comme le moteur qui permettra de renouveler une économie
consumériste qui semble être allée au bout de ce qu’elle pouvait proposer. Des plates-formes
associant les partis politiques, les consommateurs, les associations de protection de la nature et
les représentants des « HPE » (maintenant 30% de la production européenne) préparent les
programmes… Devant l’ampleur du mouvement social, les agriculteurs conventionnels qui
formaient l’opposition sentent leur forces s’amoindrir.
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L’IMAGE EN 2025 : UNE DEMANDE EN ENVIRONNEMENT MOTEUR POURL’ENSEMBLE DE LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE : L’AGRICULTURE HPE COMMEMODÈLE
Un mouvement social définissant un nouveau modèle socio-économique et technique
En 2025, l’Europe sort d’une phase réformatrice fondamentale. Les élections du Parlement de
2014, l’organe fort de l’Europe, ont été marquées par une place centrale des thèmes
environnementaux. Les thèses écologiques qui montaient en puissance sur la dernière décennie
ont emporté l’adhésion d’une société désireuse de tourner la page d’un système politique et
économique qui semble bien appartenir au passé au regard de sa non durabilité énergétique et
sociale et des crises passées.
L’agriculture HPE s’imposeL’agriculture est un des secteurs (avec l’énergie) dans lequel s’exprime le plus nettement la
nouvelle demande sociale. Les produits phytosanitaires sont alors interdits en Europe.
Le modèle HPE se dessine progressivement, à partir des concepts de l’agriculture biologique,
complétés par des progrès agronomiques, et orientés vers les produits de qualité, en réponse
aux aspirations de la société. Réponse technique alternative à l’interdiction de produits
phytosanitaires, ce modèle se distingue des autres en devenant la norme économique et
politique. L’agriculture HPE a dès lors cessé d’être une contrainte : elle devient un modèle
« positif », synonyme de progrès économique par la maîtrise des coûts qu’elle propose
(réduction des charges de production, réduction des intermédiaires dans la chaîne de
commercialisation, développement de l’emploi agricole…). Au delà de l’orientation agricole et
environnementale, l’adhésion globale à ce modèle exprime un réelle aspiration de la société à
atteindre une qualité de vie élevée, qu’elle considère à sa portée quelles que soient les classes
sociales et la localisation géographique.
Les conflits internes à l’EuropeCette évolution profonde des valeurs et des préférences ne se fait pas sans conflits. À l’intérieur
de l’espace européen, toutes les forces sociales et politiques ne sont pas convaincues par ce
nouveau paradigme, qu’ils jugent très idéologique. Mais les contradicteurs sont minoritaires et,
surtout, ne parviennent pas à proposer un contre-modèle crédible aux yeux des citoyens. Les
défenseurs du « HPE » les attaquent également sur leur idéologie conservatrice et les débats, à
tous les niveaux (du local à l’Europe), sont particulièrement vifs. Les firmes agro-chimiques se
délocalisent. En Europe du Nord, pourtant promoteurs de l’agriculture HPE, les conflits sont
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très vifs entre les acteurs politiques et les filières industrielles d’élevage qui anticipent les
difficultés qu’elles auront pour s’adapter. De fait, elles connaîtront un recul dans ces pays.
Un autre conflit est celui qui porte sur la définition des cahiers des charges « HPE », avec des
positions différentes selon les états membres. Mais l’arbitrage au sein du Parlement et
l’expérience acquise ces dernières décennies permet une convergence autour de standards de
bonne tenue. Les défenseurs de normes très strictes (par exemple sur les boues urbaines) ne
sont pas suivis : l’agriculture HPE n’est plus une exception ; l’enjeu est désormais sa diffusion
au plan européen.
Une affirmation internationale : l’agriculture HPE comme normeeuropéenne
Sur le plan international, les rapports de force entre protagonistes ont trouvé un nouvel
équilibre, qui se traduit par une ouverture inédite des débats aux organismes militants. Depuis
plusieurs années en effet, les ONG sont intégrées aux négociations de l’OMC. Elles portent la
question de la clause sociale à l’OMC , réussissant à faire valoir que les conditions
environnementales et sociales de production sont une composante de la régulation du marché
des produits. Sur le plan environnemental, les normes minimales n’étant pas respectées par les
autres pays agro-exportateurs, les États membres de l’Union Européenne acceptent de mettre en
place un protectionnisme européen, au prix de combats politiques : le respect du cahier des
charges HPE est la condition d’accès aux marchés européens. Dans le contexte de fort coût de
l’énergie qui renchérit celui des exportations de produits de base et pondéreux, le débat sur
l’ouverture des marchés agricoles a considérablement évolué et ce protectionnisme est mieux
accepté. Il l’est d’autant plus que l’Europe réduit également ses exportations pour les mêmes
raisons. Cette baisse des échanges alimentaires n’empêche pas certains pays non européens de
se spécialiser dans l’exportation de produits HPE, ne serait ce que pour saisir l’opportunité d’un
marché attractif.
Mais ce projet global — économique, social et environnemental — doit faire face à une réelle
gageure : nourrir toute l’Europe sur une base de production HPE.
DES POLITIQUES VOLONTARISTES QUI MOBILISENT DE NOUVELLESCOMPÉTENCES
Une refondation politiqueA l’échelle européenne, un nouveau contrat alliant agriculture et environnement prend ainsi
corps et s’incarne dans un projet politique. La profession agricole et les environnementalistes
s’affichent ensemble pour affirmer leur implication dans ce projet de société. En France, les
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élections de chambres d’agriculture de 2023 ont permis cette alliance difficilement envisageable
auparavant. Ces organismes deviennent des « Chambres d’agriculture et de développement
rural ».
Le parallèle est fait avec la PAC des années 60 — ce qui contribue au fait que les agriculteurs s’y
retrouvent — et c’est un projet d’ensemble qui est défini à l’échelle européenne.
Une politique globale à la hauteur des enjeuxTrois grands volets sont définis dans la Politique Agricole Globale Européenne (PAGE) qui se
met en place :
• Le premier volet de la politique porte sur l’attribution d’aides à la production HPE (par
paiement de prime à l’ha ou à la tête de cheptel), de manière à orienter la production vers
l’autosuffisance européenne tout en garantissant un prix raisonnable pour le consommateur. La
totalité des aides de la PAGE (ancienne PAC) sont orientées vers la production HPE. Pour la
France, les aides représentent 12 milliards d’euros (valeur 2003). Les échanges commerciaux
sont effectués en priorité sur le marché intracommunautaire, quelques importations sont
toutefois autorisées (des produits tropicaux, les produits de qualité). Les exportations baissent
sensiblement à cause de la flambée des coûts de transports.
• Le second volet porte sur le développement de l’agriculture HPE au niveau des exploitations,
avec une politique d’investissement, d’installation et de formation (1,5 milliards d’euros). Cette
formation couvre l’ensemble des volets de l’agriculture HPE : technique et sociétal. En
cohérence avec les exploitants, les institutions agricoles dispensent au niveau régional des
formations techniques approfondies pour permettre aux agriculteurs de s’adapter à la nouvelle
donne. La formation de formateurs du type de celle engagée en 1985 avec le mouvement de
relance agronomique, fonctionne à plein régime. Les formations font aussi appel à des
intervenants non agricoles, dans une perspective d’agriculture multifonctionnelle.
Les organismes de crédit revoient leurs grilles d’évaluation des risques techniques et financiers
des exploitations pour les adapter à l’agriculture HPE. Ce point est d’autant plus fort que l’on
observe de nombreuses cessions (certains exploitants préférant céder leur outil de production
plutôt que d’envisager une « reconversion » mal vécue).
Par ailleurs, une autre composante vient compléter le dispositif : celui de mesures agri-
environnementales destinées à couvrir les segments environnementaux qui nécessitent des
actions spécifiques de gestion, en particulier le maintien d’habitats à forte valeur naturaliste. Le
coût de cette politique représente 500 millions d’euros.
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• Le troisième volet porte sur l’accompagnement des structures de transformation et de
conditionnement des produits, en distinguant les PME et les grandes industries. A chaque type
de structure est associé un programme d’actions, permettant aux uns de bénéficier d’un soutien
pour le développement de projets individuels, aux autres d’adapter leurs équipements aux
nouvelles réglementations et exigences de qualité. Le coût de cette politique représente 2,5
milliards d’euros.
Bien que les échanges sur le marché mondial soient limités, l’Europe souhaite se donner les
moyens pour garantir la compétitivité des produits « de haute qualité environnementale ». Elle
favorise la recherche et l’innovation, au sein de complexes européens de grandes ampleurs. Par
cet intermédiaire, la France profite de l’expérience « HPE » des pays voisins, plus avancés sur la
question. Les acquis des Pays de l’Europe du Nord profite à toute l’Europe des 31 qui a intégré
depuis peu l’Ukraine et la Moldavie. La recherche agronomique devient européenne en 2019.
L’agriculture HPE, libérée des préjugés liés à l’Agriculture Biologique, est portée par une
recherche stimulée par les nouveaux défis environnementaux et socio-territoriaux et par une
exigence accrue de qualité des produits. Les normes EUREPGAP (Global Partnership for safe
and sustainable agriculture) mondialisées s’adaptent à cette nouvelle donne : chaque produits
agroalimentaire est désormais qualifié par trois pictogrammes : qualité, terroir et
environnement qui deviennent des signes de reconnaissance tendant à se répandre au delà des
frontières européennes.
La conception et la mise en œuvre de ces politiques reposent sur la mobilisation des institutions
traditionnellement impliquées dans le développement agricole. Mais de nouvelles compétences
sont mobilisées en termes techniques et économiques ainsi que dans le domaine de l’ingénierie
sociale (notamment l’accompagnement des installations, la gestion du foncier pour faciliter la
reprise des exploitations, la formation des exploitants et des travailleurs agricoles, le conseil à la
production et à l’organisation du temps de travail –incitation aux remplacements et aux formes
sociétaires).
DES SYSTÈMES AGRAIRES INTÉGRANT DE NOUVELLES IDENTITÉS ET DENOUVEAUX PARADIGMES DE PRODUCTION
Un renouvellement des identités et des « entrants » en agricultureL’agriculteur trouve une nouvelle fierté fondée sur les fonctions qu’il remplit : il contribue à une
agriculture de proximité, socle d’un dynamisme rural homogène sur le territoire. Activité
économique à part entière, elle crée de l’emploi (par la demande croissante de main d’œuvre
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agricole et par l’élargissement des filières courtes en aval). Dans certains territoires, elle est
aussi une agriculture de service, une agriculture d’entretien des paysages, partout elle
s’apparente à une « agriculture sociale ». Dépassant le seul espace des campagnes, elle s’invite
dans les espaces péri-urbains, via le recrutement de main d’œuvre et la commercialisation de
proximité.
Certains exploitants ne se retrouvent néanmoins pas dans cette dynamique identitaire et voient
dans l’agriculture HPE de trop lourdes contraintes psychologiques (incertitude sur les
rendements, pression des consommateurs… ) et de qualité de vie (emploi du temps surchargé,
multifonctionnalité exigeante en technicité). Ils ne sont pas prêts à supporter le surcroît de
travail et la gestion du risque inhérente au modèle, malgré les progrès réalisés. Souvent malgré
eux, ils sont incités à céder leur exploitation aux nouveaux entrants qui mettent les contraintes
de l’agriculture HPE en regard de celles des métiers « urbains » qu’ils délaissent, sans parler,
tout simplement, de l’attractivité des aides.
Des exploitations moyennesEn 2025, les activités agricoles emploient plus de deux millions de personnes en France au sein
d’un million d’exploitations, l’agriculture HPE étant exigeante en main d’œuvre. Cette capacité
à générer de l’emploi a d’ailleurs beaucoup contribué à la légitimation politique de ce modèle
d’agriculture, le coût globalement élevé des soutiens étant justifié par leur capacité à éloigner le
risque du chômage (dont la politique de traitement était aussi coûteuse).
Le soutien financier européen a ainsi beaucoup contribué au développement du salariat
agricole, par l’instauration d’aides par UTA, plafonnées par exploitation. En moyenne, chaque
exploitation reçoit une aide de 20 000 euros. Pour atteindre l’optimum de rentabilité
économique, tout en respectant les normes de production HPE, les exploitants sont amenés à
utiliser des outils de travail de taille réduite. Les plus grandes unités de production, plus
difficile à maîtriser compte-tenu des lourdes charges qui leur sont associées, ont donc perdu du
terrain. Les procédures de transmission de telles exploitations ont été facilitées par les pouvoirs
publics. La surface moyenne des exploitations est de 60 ha, avec de fortes disparités entre
productions. La dispersion statistique des exploitations s’est réduite. Néanmoins il n’est pas
rare de trouver de grosses exploitations du type sociétaire de la fin du XXème siècle regroupant
de deux à cinq exploitants sur un même outil de production.
Un effort de R&D significatifLa conduite de l’exploitation mobilise un savoir-faire technique dans les deux fondamentaux de
l’agriculture HPE : la gestion de la fertilité et la maîtrise des adventices. Sur ces plans, la
recherche a contribué à faire évoluer les variétés et races utilisées (celles des années 2000 étant
globalement peu adaptées à une conduite HPE) ainsi que les rotations. La mécanisation est un
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thème central de la R&D et a fait l’objet de recherche sur des points sensibles comme le
désherbage et la conservation de la structure du sol malgré de nombreux passages. Les
procédés de compostage – en partie d’origine urbaine - sont améliorés et diffusés.
La performance technico-économique est souvent basée sur la combinaison de plusieurs
productions. Les exploitations ont facilement recours aux nouvelles technologies développées
par les services R&D, par exemple pour l’insémination artificielle ou l’amélioration génétique
animale. Toutefois, l’utilisation des avancées du progrès « bio-technologique » s’inscrit
systématiquement dans le projet HPE, qu’il s’agisse de respect du bien-être animal ou des
pratiques environnementales. En outre, les productions associées à l’activité agricole et utilisées
pour l’aménagement rural et le transport (cultures énergétiques, biocarburants, exploitation de
bois …) se multiplient, renouvelant l’image et le fonctionnement des systèmes agraires. D’une
manière générale, la maîtrise des coûts énergétiques est un point central, bien que dans la
conduite des cultures, la mécanisation puisse contredire cette exigence.
La majeure partie des exploitations a choisi la polyculture-élevage, en développant une
spécialisation autour d’un atelier ou deux. Les formes sociétaires impliquant des
consommateurs voire des collectivités sont monnaie courante ; de même, le travail collectif
(partage de petites unités de transformation, groupement de type CUMA) est favorisée par les
collectivités locales.
Une nouvelle carte des productionsMais l’orientation HPE a des conséquences « macro » marquées : tant du fait de l’augmentation
du prix du pétrole qu’au regard des contraintes agronomiques, la France, comme l’Europe,
s’oriente vers une autonomie protéique accrue.
Le premier terme de cette autonomie est le retour de surfaces en herbe dans l’ensemble des
régions françaises — correspondant à la fraction de l’élevage bovin auparavant nourri sur la
base d’un complément céréales+tourteaux .
Le second terme est la diversification de la sole cultivée, avec un retour des protéagineux et des
plantes sarclées.
Si l’on note une rediversification des productions à l’échelle nationale — et notamment un
certain retour de l’élevage — la répartition des productions repose sur une logique de
différenciation géographique. Les zones de cultures et maraîchères bénéficient de l’épandage
urbain (ce qui limite la nécessité de l’élevage), les zones herbagères demeurent.
La répartition des productions s’explique par la combinaison des caractères agronomiques et de
la disponibilité de matière organique urbaine.
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Carte 4 : Une agriculture “Haute Performance Environnementale” : carte des productions
Légendes : la taille des figurésraduit l’importance relative
des productions.
Porcins Maïs
Bovins lait Cultures céréalières
Bovins viande Cultures fruitières
Ovins Vignes
Caprins Maraîchage
Volailles Protection de la flore
Palmipèdes Protection de la faune
Céréaliculture et oléoprotéagineux
Cultures herbagères
Cultures spécialisées
Agriculture de proximité
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Sur un autre plan, et bien que les rendements augmentent en agriculture HPE sous l’effet du
progrès technologique, la demande européenne invite à mettre en cultures de nouvelles
surfaces. Cette exigence est d’autant plus forte que l’urbanisation continue même si elles
épargnent davantage les terres agricoles de qualité (limons profonds…). La France, nous l’avons
dit, conforte sa vocation agricole européenne du fait de ses grands espaces et, fait nouveau,
connaît une nouvelle phase de défriche, essentiellement d’abandon les plus récentes ce qui
stimule le tourisme dans ces régions.
LES RÉPERCUSSIONS TERRITORIALES EN FRANCE
Une complémentarité urbain/agricultureSi, vu de l’agriculture, le chiffre de 1 million d’emplois marque une inversion de tendance
notable, on ne saurait conclure au retour d’une société agricole et l’agriculture reste une activité
agricole minoritaire dans l’espace rural.
Néanmoins, les liens entre les pôles urbains et l’agriculture sont développés sur plusieurs
plans :
- Sur le plan social, nous l’avons vu, l’agriculture apparaît comme une activité envisageable
pour des urbains en quête de nouveaux métiers ou, plus prosaïquement, pour des
chômeurs. Des dispositifs de repérage et d’accompagnement sont mis en place localement
pour inciter les chômeurs (de longue date en premier lieu) à travailler dans les exploitations
agricoles. La fluidité professionnelle est relativement grande. Plus globalement,
l’agriculture participe à la formation environnementale — scolaire et professionnelle.
- Sur le plan environnemental, l’agriculture contribue à rendre des services variés (recyclage
de boues urbaines et de déchets verts, fourniture de matériaux et d’énergie renouvelable,
entretien d’espaces,…) L’agriculture sert de laboratoire des villes pour les aménagements
urbains, le tri et la valorisation des déchets.
Une contribution au développement localLes métiers liés à la gestion environnementale et au développement rural se sont multipliés au
cours des dernières années. Faisant appel à des compétences pluri-disciplinaires, les projets de
développement local intègrent l’ensemble des activités économiques du territoire et veillent à
ce qu’elles exercent dans le respect de l’environnement. Les régions sont les principaux
interlocuteurs des porteurs de projets. Avec les pays, les PNR et les collectivités locales, elles
s’attachent à entretenir un développement social, économique et environnemental sur leurs
territoires. Soutenues financièrement par les politiques publiques elles proposent des
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formations d’éco-citoyenneté et interviennent auprès des jeunes pour l’éducation à
l’environnement. Au niveau national, le ministère de l’agriculture, de l’environnement et de la
santé incite les organismes publics à mener des actions en partenariat. Localement, cela se
traduit par exemple, par l’intervention couplée des SAFER, Chambre d’Agriculture et du
développement rural et collectivités régionales pour favoriser l’installation de jeunes urbains
sur les exploitations et assurer leur formation.
Aussi est-il fréquent de trouver un atelier de découpe communal ou un abattoir de pays, dans
les zones d’élevage bovin viande. Les collectivités ont en effet pour mission de porter les projets
collectifs liés à la production ou à l’aménagement du territoire ( valorisation des déchets,
compostières communales, épandage des boues urbaines, point de vente de produits locaux…).
En espace périurbain, les innovations spatiales permettent d’établir un nouvel équilibre entre
urbanisation et respect de l’environnement. La gestion environnementale et territoriale dépend
largement du rôle des élites locales. Elles sont garantes de la cohabitation en bonne intelligence
des activités agricoles et urbaines (compost, épandage de boues urbaines). Le tourisme rural,
présent sur l’ensemble du territoire, sert parfois de catalyseur pour établir les liens entre les
populations, à l’échelle locale mais aussi à l’échelle européenne. En effet, 80% des prestations
touristiques européennes se rattachent au tourisme d’accueil rural. L’activité touristique est
gérée de façon contractuelle avec les collectivités locales.
LES FILIÈRES : UNE RÉORGANISATION FONDAMENTALE AUTOUR DU MOTEURENVIRONNEMENTAL
Une nouvelle demandeLa production est pilotée par les consommateurs, ce sont eux qui définissent leurs exigences.
Les groupements de consommateurs réclament : « Une alimentation saine, un environnement
sain, pour tous ». Toute la chaîne des filières en est affectée. Cela induit certes une évolution des
modes production, de transformation, mais aussi de distribution et d’emballage des produits.
Les distributeurs s’adaptent finalement sans trop de difficultés à la nouvelle demande des
consommateurs : il s’agit d’un mouvement en cours depuis plusieurs années.
Au total, les prix des produits HPE ne dépassent pas ceux qu’on obtenait avec l’agriculture
conventionnelle pour le consommateur. Ce résultat est obtenu par la combinaison des aides
directes — prises en charge par le contribuable— et d’un changement de rapports de
production au sein des filières. Les producteurs vendent leur produit notablement plus chers
que 20 ans auparavant (la hausse est de 50 % par rapport à 2005), mais cette hausse est en partie
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compensée par les économies faites au niveau des actions de promotion publicitaire des filières.
Les économistes en charge du calcul des aides directes nécessaires au développement de la
production HPE sont repartis d’un constat simple : les matières premières agricoles
représentent une très faible fraction du prix à la consommation et, depuis de nombreuses
années, les baisses de prix des produits n’étaient pas répercutées sur le consommateur. Tout en
aval, la réglementation impose à la grande distribution la transparence des prix en proposant
un double affichage systématique (prix producteur / prix consommateur). La valeur ajoutée des
productions est répartie de façon équilibrée entre les exploitations et les filières (jusqu’à la
distribution).
Les adaptations des industriesMais les industries doivent s’adapter à ce nouveau contrat européen. Les IAA nationales
développent sans tarder des stratégies à cette échelle et tentent de s’adapter localement à la
demande des consommateurs. La nouvelle répartition des productions induit les industries à
revoir leurs cartes d’approvisionnement (globalement, la densité de collecte diminue) voire la
répartition de leurs usines, ce qui pose problème dans un contexte d’énergie coûteuse. De
même, certains procédés alimentaires doivent être modifiés (par exemple, le calibrage des
produits devient plus hétérogène). Les industries d’amont (prescripteurs d’intrants et de
semences) sont amenées à se reconvertir ; certaines ne parviennent pas à engager une
reconversion, accablées par divers procès industriels.
Les difficiles évolutions sont néanmoins rendues possibles par une série de facteurs :
- le premier est que, de toute manière, la demande environnementale « tire » le modèle
économique ;
- le second est que les aides allouées aux producteurs et les progrès technologiques
permettent aux industries d’aval de limiter leurs coûts d’approvisionnement ;
- le troisième est l’accompagnement politique au niveau des industries, dans le cadre de la
politique communautaire d’adaptation technologique du secteur secondaire, souvent
relayée par les pouvoirs locaux.
Les producteurs français sont liés aux industries par des cahiers des charges très stricts, ce qui
garantit une production de qualité moyenne à élevée. Les réseaux de collecte sont organisés à
l’échelle régionale, pour l’approvisionnement d’entreprises de petite et moyenne taille. La
transformation des produits agricoles suit deux logiques complémentaires :
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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- de grandes industries européennes produisent du bio-industriel de masse (des aides
publiques aux IAA permettent de baisser les prix de ces produits à la consommation). Les
IAA de ce type fonctionnent à un niveau global, alimentant le marché européen dans sa
totalité ;
- des industries de taille plus modestes s’orientent vers les produits HPE de qualité (label et
AOC). Les stratégies de ces entreprises sont variées ; elles répondent plus facilement aux
demandes du marché local et développent une forte capacité d’adaptation aux réseaux de
distribution.
DES SYSTÈMES DE GESTION ENVIRONNEMENTAUX À TOUS LES NIVEAUX
Le cœur du système : le conseil et le contrôle « HPE »Le contrôle HPE est réalisée à l’échelle de l’exploitation (utilisation de bonnes pratiques
agricoles et protection des espèces et des espaces), dans le cadre des aides PAGE. Des contrôles
fréquents et inopinés sur les exploitations assurent un respect satisfaisant du cahier des charges.
Celui-ci interdit évidemment les intrants de synthèse, limite l’utilisation de médicaments pour
l’élevage et exige des pratiques agricoles respectueuses des équilibres écologiques.
Si les contrôles sont rigoureux, ils reposent sur une pédagogie adaptée, surtout les premières
années. Le contrevenant est certes pénalisé — ses produits sont « déclassés » et il ne touche
qu’une fraction de l’aide, avec un système progressif — mais le dispositif prévoit une formation
et un conseil adapté pour résoudre les problèmes. Au cours du temps, l’autocontrôle se
développe.
Tout au long de la filière, des contrôles sont effectués sur les produits — des cas de
contamination par des produits phytosanitaires vendus au marché noir sont plus fréquents que
prévus — complètent le dispositif. La traçabilité des produits en est un élément clé. L’affaire du
faux bœuf HPE, impliquant un système mafieux organisé à l’échelon européen et portant sur
des 10aines de millions d’euros, est le scandale de l’année 2025. S’il n’ébranle pas la confiance
dans le modèle, il renforce l’exigence de contrôle.
Une nouvelle pratique du conseil agricoleLe conseil agricole est particulièrement actif sur la période. Il vise à accélérer le développement
du modèle HPE au sein des exploitations. La problématique du conseil environnemental a
considérablement évolué depuis plusieurs années et il ne s’agit plus tant de chercher à
« concilier agriculture et environnement » — ce qui suppose une tension entre les deux termes
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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— que de développer les conseils qui « intègrent » les deux termes. L’environnement n’est plus
une contrainte, c’est une base du conseil en production.
Ce principe se décline dans le conseil individuel. Si l’agriculture HPE repose sur des principes
techniques favorables à l’environnement, la manière de mettre en œuvre ces règles n’a rien de
mécanique et suppose une bonne gestion du parcellaire, des rotations, des itinéraires
techniques,… Une même production HPE (le lait, par exemple), peut conduire à des impacts
environnementaux contrastés (pollution organique et bactériologique, pullulation des
adventices). Aussi un système de conseil fondé sur des « éco-points » permet d’optimiser la
gestion environnementale de l’exploitation. L’attribution des éco-points conditionne la mise sur
le marché des produits, mais le débat est de savoir quelles conséquences cette attribution peut
avoir sur le taux de crédit alloué dans les aides publiques (une « bonne note » pouvant conduire
à un taux bonifié).
Des compléments en matière de gestion de l’espaceEn 2025, la SAU est revenue au niveau du début des années 80. L’extension de l’espace agricole
a été possible par la fin des jachères, la reprise des terres les plus récemment abandonnées et le
développement de cultures maraîchères en périphérie des agglomérations. La reconversion des
grandes exploitations en polyculture-élevage induit une augmentation des surfaces en prairies,
en protéagineux, en oléagineux produisant des tourteaux pour l’alimentation animale. La
défriche de certains espaces et l’exigence de produire pour toute l’Europe induit une pression
agricole sur l’ensemble du territoire qui aurait pu ne pas être nécessairement optimale pour
l’environnement, notamment en ce qui concerne la biodiversité. Mais, les maillages de corridors
verts sont effectifs depuis 2022 après une expérimentation réussie en Alsace et en Rhône-Alpes.
Les zones non productives sont toutes incluses dans le calcul des aides européennes.
Cette sensibilité environnementale a été identifiée depuis plusieurs années — les éco-points
intègrent un axe biodiversité — et a amené les associations naturalistes à ne pas « tout confier
au HPE », même s’ils s’accordent sur le fait que le HPE constitue une base très favorable à la
flore et la faune. Cette vision a été un point de négociation tendu entre les associations de
consommateurs et celles de protection de la nature dans les années 2015 ; mais un accord
politique a pu être trouvé sur la base qu’il y avait plus à gagner à « jouer ensemble » — au prix
de compromis — qu’à se crisper sur les points limites. Les naturalistes se sont associés aux
consommateurs pour un retrait des produits phytosanitaires, ce qui a contribué à une crédibilité
globale de la démarche.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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De ce fait, des diagnostics territoriaux sont systématiquement conduits qui identifient les zones
à protéger ou à gérer selon un mode adapté. Les contrats agri-environnementaux sont employés
à cette fin.
UN ENVIRONNEMENT DE QUALITÉ
L’exigence de qualité environnementale globale donne des résultats dans l’ensemble des
grandes composantes environnementales.
Une gestion des ressources plus durableEn matière de qualité de l’eau, le fait majeur est incontestablement l’arrêt des produits
phytosanitaires, même si des problèmes subsistent du fait de l’héritage des années passées et du
fait de la présence de contaminants provenant d’autres secteurs d’activité. Mais les têtes de
bassin des réseaux hydrographiques voient leur qualité s’améliorer, y compris dans les zones de
culture.
Il en est de même pour les nitrates dans les eaux ; la hausse du prix des intrants avait déjà
largement permis l’amélioration de la situation. L’adoption du modèle « HPE » vient
parachever ce point, la bonne gestion des nutriments étant un point clé de la performance des
systèmes : il n’est pas question de laisser filer les nutriments dans le milieu. Les éléments fixes
du paysage — et notamment les prairies ou bandes enherbées à proximité des cours d’eau
— confortent la reconquête de la qualité des eaux sur le paramètre nitrates, au moins pour les
eaux superficielles. La situation des eaux souterraines ne s’améliore que très lentement, car les
dynamiques sont plus longues.
On soulignera des problèmes ponctuels dans les zones de défriche, avec des relargages d’azote
associés lors du retournement des landes.Grâce à une collaboration avec les pêcheurs, la qualité
des milieux aquatiques est restaurée sur de nombreux cours d’eau par une remise en prairies
des fonds de vallée et de moindre flux polluants.
Enfin, la gestion des sols se fait selon un mode plus durable, avec l’augmentation des taux en
matière organique. Le recours à des itinéraires techniques (travail du sol) conservant la
structure du sol malgré une forte mécanisation des interventions a été un gros enjeu de la R&D
sur les dernières décennies.
Les retour des éléments fixes du paysages, avec des impacts positifssur la biodiversité
L’arrêt de l’usage des produits phytosanitaires et des intrants de synthèse invite à réutiliser les
éléments fixes du paysage dans le processus de production. Des haies et des arbres sont utilisés
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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pour accueillir des auxiliaires des cultures (selon un mode dirigé : élevage de coccinelles,…), les
prairies permanentes et les bandes enherbées sont utilisées comme des sources de nutriments.
Dans les zones herbagères, le retour d’une faune sauvage prédatrice associée aux haies
contribue à maîtriser les populations de campagnols.
Le parcellaire est également réorganisé de manière à éviter les grandes pièces soumises à des
risques de pullulation d’adventices ; la diversification des rotations complète cette thématique.
L’ensemble de ces éléments contribue à favoriser le retour, finalement assez rapide, de
nombreuses espèces commensales de l’agriculture. Le ménagement de zones naturalistes (cf.
supra) vient compléter le tableau.
Une gestion locale des nuisances plus ou moins conflictuelleCe retour des animaux, de l’usage de fumier et autres nutriments organiques et des engins
motorisés sur les routes est à la source de conflits d’usages potentiels entre agriculteurs et
urbains. Si une fraction de ces derniers est prête à accepter des nuisances dont elle comprend les
fondements, on ne peut attendre de chacun une telle démarche. Aussi la gestion de ces conflits
se fait-elle beaucoup au plan politique (certains élus « mouillent leur chemise ») et juridique. Le
recours à des médiateurs est parfois nécessaire.
Dans les plaines du Nord et du CentreLa restructuration des grandes unités offre un potentiel d’amélioration considérable pour
l’environnement. Le retour des systèmes agraires vers la polyculture-élevage rétablit une
diversité des productions (polyculture, maraîchage, cultures énergétiques, retour à des cultures
céréalières « traditionnelles ») et introduit des variations paysagères. Les espèces domestiques
sont donc à nouveau diversifiées (retour aux races locales, vergers hautes tiges exploités pour
la production de cidre). Les élevages de porcs sur paille adoptent une gestion de leurs effluents
par compost.
La qualité de l’eau est en effet une exigence de premier ordre. Depuis le début du siècle, la
qualité des cours d’eau des plaines et plateaux du Nord et du Centre de la France a
significativement augmentée. Les bandes enherbées sont généralisées, les ripisylves
entretenues. Les captages d’eau potable peuvent désormais être installés à proximité des unités
de production, sans pour autant nécessiter de traitements coûteux.
Les cours d’eau secondaires sont peu à peu réhabilités du fait de l’arrêt des pratiques
d’irrigation. De nombreuses haies sont plantées pour délimiter les parcelles de petites tailles et
multiplier les habitats. Des continuums écologiques s’établissent ainsi, favorisant les habitats
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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pour la faune associée voire sauvage. Les espèces d’oiseaux, jadis menacées, reviennent sur le
territoire (la perdrix, l’outarde…). L’ONCFS, déployant de plus en plus des compétences
écologiques, gère les populations de gros gibiers de façon à limiter les dommages à la
production.
Figure 10 : un paysage de plaine du nord dans le scénario 4
Dans les Bocages de l’OuestLes paysages ruraux, y compris ceux de Bretagne centrale, s’animent. Les villages s’étoffent ; ils
gèrent l’épuration de leurs eaux usées par lagunage. Les chemins et talus sont entretenus aux
abords des villages, comme en pleine campagne. Le mode de production conduit ici aussi à
diminuer la taille des parcelles et à augmenter les cycles de rotation. La polyculture-élevage
contribue à diversifier le paysage. Les races locales rustiques sont favorisées car mieux adaptées
au bio.
La qualité des rivières tourne désormais autour des classes moyenne à bonne, pour tous les
critères (phytosanitaires, nitrates, antibiotiques…). Les pêcheurs apprécient que l’accès au cours
d’eau soit entretenus ; ils sont de plus en plus nombreux à s’installer sur les bandes enherbées
pour attendre l’anguille et le saumon.
Les marais ont échappé à l’assèchement et à l’eutrophisation. Ils deviennent à nouveau station
de repos pour les grands migrateurs. Des sentiers pédagogiques ornithologiques sont organisés
autour de certaines zones peu sensibles. La découverte de la nature est axée sur le respect des
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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cycles HPEs, tant pour la flore que pour la faune. Les animations organisées dans les roselières,
sur le thèmes des batraciens, ont toujours beaucoup de succès.
Figure 11 : un paysage breton dans le scénario 4
Dans le Massif CentralLes monts du Massif Central se repeuplent en agriculteurs : la déprise de l’espace est enrayée.
La multifonctionnalité de l’agriculture trouve ici sa pleine expression. Les prairies naturelles, les
haies et les bosquets sont désormais entretenus. Sur les coteaux, une mosaïque d’espaces
herbagers ravive, par ses couleurs, le paysage : prairies de fauche, prairie permanente, prairie
pâturée…les espaces boisés sont entretenus et exploités pour la menuiserie, le chauffage
collectif (sous forme de plaquettes de bois). Pour la première fois depuis un siècle, la
production apicole redémarre avec une moyenne de 45kg par ruche. Ces résultats impensables
quinze ans plus tôt sont dues au retour des prairies fleuries induites par des fauches tardives.
Dans les zones humides, des activités pédagogiques sont proposées aux classes vertes et aux
touristes. Des activités économiques se développent sur les milieux aquatiques : élevage
d’écrevisses sur les étangs, circuits de canoë pour les cours d’eau.
Les abords des rivières suscitent un soin particulier (entretien des berges, suivi des équilibres
écologiques). Les habitats, aquatiques ou terrestres, font l’objet de travaux d’identification,
d’entretien ou de préservation, de suivi. La qualité de l’eau est suivie de façon continue ; des
capteurs de contrôle automatique sont installés en aval des unités de production. Les zones
humides des grandes rivières font l’objet de soins spécifiques.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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Dans ce contexte, la biodiversité est évidemment favorisée, au moins en ce qui concerne la
biodiversité ordinaire. Préservée dans certaines zones sensibles, elle est mise en valeur ailleurs
via des panneaux d’information pédagogiques. Certains environnementalistes regrettent le côté
« sur-géré » de l’espace agricole. L’omniprésence dans l’espace des activités humaines
n’autorise pas le retour du loup.
Les aménagements pour le tourisme vert se multiplient : circuits de randonnées pédestre ou
pistes cyclables sur les chemins communaux, canoë, entretien de voies départementales « circuit
vert » qui figurent sur le guide Michelin.
Figure 12 : un paysage du Massif Central dans le scénario 4
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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LES INDICATEURS SYNTHÉTIQUES DU SCÉNARIO (ÉVOLUTION PAR RAPPORTÀ LA SITUATION ACTUELLE)
Le tableau suivant reprend les hypothèses structurelles et politiques de ce scénario, en les
resituant par rapport à la situation présente (avec un recul sur la situation 1988).
1988 Situation actuelle(2000-2005)
scénario 4 Commentaires sur le choix deshypothèses
(quelle signification ?)
SAU d'ensemble (ha) 28 600 000 28 000 000 29 000 000 Rupture des tendances en termesd’utilisation du territoire agricole le besoin de production incite àréutiliser des terres sorties del’usage agricole sur les dernièresdécennies.
Indicateursstructurels
Chiffres RGA 1988 Chiffres RGA 2000
UTA 1 500 000(dont 1 200 000
professionnelles*)
1 000 000(dont 840 000
professionnelles*)
1 000 000(dont 780 000
professionnelles*)SAU/emploispermanents (ha/UTA)
19(prof : 21)
28(prof : 30)
30(prof : 30)
nb EA 1 000 000(570 000
professionnelles*)
663 500(400 000
professionnelles*)
500 000(400 000
professionnelles*)nb d'UTA/EA 1,5 1,5 2taille moyenne EA (ha) 29 42 60
Scénario de rupture dans less t ruc tures d ’explo i ta t ions .Globalement, la main d’œuvre esttrès présente dans ce scénario.
Indicateurs politiques et économiques
Prix des produitsagricoles européens %prix mondiaux
M a i n t i e n d ' u n e p r é f é r e n c ecommunautaire, même si les prix UEconvergent vers les prix mondiaux.
Prix UE >> prix mondiaux.Cette hypothèse est fondatrice du scénario, avec unprotectionnisme sanitaire et environnemental.L’augmentation du prix des produits n’est pasrépercuté au consommateur.
Aides (milliard d'Euros2003)
9,5(chiffres 1990 – source
DAF)
12(chiffres 2003 – source
DAF)
12
• dont régulation desmarchés (1er pilier)
7 9,5 10
• d o n t a c t i o n sstructurelles (2èmepilier)
2,5 2,5 2
Aides moyenne parUTA (euros 2003)
6 333 12 000 12 000
nb bénéficiaires 1er pilier 461 000 600 000nb EA bénéficiaires 2ème
pilier150 000 150 000
Les aides sont très élevées envolume dans ce scénario etreposent sur une logique « 1e
pilier ». Le consentement à financerl’agriculture HPE vient de sesperformances environnementaleset sociales (emploi). Tous lesagriculteurs sont bénéficiaires (parrapport à aujourd’hui). Les aidesne représentent qu’une fraction durevenu (cf . prix bas auconsemmateur).Le deuxième pilier est surtoutcentrée sur des aides àl’installation, l’investissement dansde nouveaux matériels et des MAEdans les zones qui requièrent despratiques très pointues.
* exploitations « professionnelles » : au moins 0,75 UTA et 12 ha de blé (ou équivalent)
Tableau 9 : les indicateurs structurels, économiques et politiques liés à l’agriculture dans lescénario 4
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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1988 (saufindicationcontraire)
Situation actuelle(2000-2005)
scénario 4 Commentaires sur le choix deshypothèses
(quelle signification ?)Taux de nitratesmoyen dans les coursd ’ e a u c l a s s é sagricoles
15 mg/l(IFEN d’après
RNDE)
22 mg/l(2001)
15 mg/l Nette amélioration liée au cahierdes charges HPE.
Répartition des coursd’eau en fonction del e u r q u a l i t é« phytosanitaire »
n.d. 47 % de captagesen situations
« bonne àmoyenne»
53% des captagesen situation
« médiocre à trèsmauvaise »
(IFEN)
80 % des captages(même référentiel
que 2001) ensituations « bonne
à moyenne»20 % des captages
en situation« médiocre à très
mauvaise »
Idem (les 20 % s’expliquent parl’héritage des années passées).
Surface irriguée 1,7 millions ha(IFEN)
2,6 millions ha(2001, IFEN)
1 million ha Concentration des surfacesirriguées dans les zones historiquesdu sud de la France ; recul dans leszones médianes.
Surface drainée 2,1 millions ha(IFEN d’après
RGA)
2,8 millions ha(IFEN d’après
RGA)
2 millions ha Idem
STH 11,5 millions ha(Terruti)
10,5 millions ha(Terruti)
12 millions ha Un développement de l’élevageherbager dans l’ensemble duterritoire est constitutif de cescénario.
Surface drainée dansles zones humidesdes vallées alluvialeset des p la inesintérieures.
260 000 ha(IFEN d’après RGA)
300 000 ha(IFEN d’après RGA)
100 000 ha Résultante des indicateursprécédents.
Indice d’abondancede l’alouette deschamps (indicateurbiodiversité ‘grandescultures’)
100(IFEN : indice 100
en 1989)
85(IFEN : indice 100
en 1989)
150 Nette amélioration liée au cahierdes charges HPE.partout en France
Indice d’abondanceagrégé des oiseauxassociés aux milieuxagricoles (indicateurbiodiversitéd’ensemble)
125 en 1989(source IFEN)
85 en 2001 150 Idem
Tableau 10 : les indicateurs environnementaux du scénario 4
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 113
CONCLUSION
L’INTÉGRATION DES ENJEUX TECHNIQUES ET SOCIAUX DE LAPROSPECTIVE AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT
À l’issue de ces quatre récits prospectifs, quels enseignements peuvent être dégagés de
l’exercice ? Les réponses apportées à cette question par le groupe de la Bussière revisitent en
premier lieu un des fondamentaux de départ de la réflexion engagée : la dimension socio-
technique de la question agriculture et environnement.
Autrement dit, on retrouve l’idée que les différents groupes d’acteurs agissant dans les
scénarios portent des projets — économiques, territoriaux, environnementaux — qui s’incarnent
dans des modes de gestion des ressources dont la dimension technique est constitutive des
relations entre les acteurs. Par exemple, le projet économique qui fonde le premier scénario n’a
pas qu’une dimension économique, sociale et politique : il structure toute la gestion technique
de l’agriculture et de l’environnement.
Le corollaire de cette idée est que la mise en œuvre de tout projet technique de gestion de
l’environnement, quel qu’il soit, suppose une organisation socio-politique et économique
adaptée. Chaque scénario, en envisageant des objectifs environnementaux contrastés sur le plan
technique, est amené à envisager des systèmes d’acteurs également contrastés, avec des
rapports de force sur lesquels nous reviendrons par la suite. Par exemple, il n’y a pas de
scénarios où la biodiversité soit prise en compte sans acteurs de la protection de la nature
impliqués dans le système de gestion (chaque scénarios décrivant une place de cette catégorie
d’acteurs différente : « fondations » intervenant sur une fraction relictuelle du territoire dans le
premier, groupe actif au plan européen et relayé au niveau national dans le second, groupes
régionaux dans le troisième, etc.).
Les scénarios renforcent en outre l’idée que la dimension sociale est bien à considérer dans sa
globalité. Tant la « demande » environnementale sociale que les « réponses » politiques et
techniques qui lui sont apportées s’inscrivent dans des lignes de force qui interdisent d’isoler les
questions agricoles et environnementales de leur contexte. Chaque scénario repose sur des
configurations différentes du contexte géostratégique mondial — au cœur duquel on retrouve la
question de la sécurité alimentaire mondiale et de l’organisation de la production et des
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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marchés de produits (OMC)—, du positionnement de l’Europe politique et économique dans ce
jeu mondial et de l’évolution des valeurs et modes de vie des citoyens européens.
Ce rappel des dimensions sociales et techniques peut paraître trivial, il ne l’est sans doute pas
tant que cela si l’on considère les approches qui déconnectent la question agri-
environnementale de celle des marchés de produits et des forces sociales en présence,
considérant par exemple que peu importe l’évolution des marchés de produits à condition que
l’on ait une action agri-environnementale performante ou que chaque groupe d’acteurs peut
indifféremment prendre en charge l’ensemble des enjeux relatifs aux questions agriculture et
environnement.
LES LIGNES DU FUTUR PEUVENT BOUGER
Cette entrée en matière socio-technique permet de déboucher sur un premier enseignement.
Ainsi, la mise en discussion des scénarios au sein du groupe a montré que, chacun d’entre eux
peut, à sa manière, être considéré comme plausible selon la dimension socio-politique qu’il
privilégie. Certains ont fait valoir que le premier scénario s’imposait par son réalisme
économique, d’autres que le second était déjà dans les cartons de la Commission Européenne,
d’autres que le troisième était un aboutissement logique de l’évolution de la gouvernance vers
plus d’Europe économique et plus de régions. Si le quatrième scénario tranche indubitablement
et apparaît d’emblée moins réalisable à moyen terme aux yeux de lecteurs imprégnés d’une
culture « agricole », plusieurs participants du groupe ont fait valoir qu’il souscrivait de manière
plus satisfaisante que les trois premiers à une demande sociale aussi forte que ne l’est le
réalisme économique du premier.
Quatre scénarios contrastés plausibles chacun à sa manière — sinon équiprobables, ce qui est
une autre question — la leçon à tirer est claire : en matière d’agriculture et d’environnement, le
futur n’est pas un donné qui s’imposerait de lui même au regard d’une évolution inéluctable,
selon un progrès certain ou un scénario catastrophe, selon la sensibilité.
Un enseignement plus fondamental sans doute est que non seulement les lignes du futur
peuvent bouger, mais qu’elles bougeront sans doute si l’on constate qu’aucun scénario ne
reprend comme hypothèse la continuation la politique agricole commune telle qu’elle
structurée aujourd’hui, alors qu’il s’agit d’un élément central du système de régulation actuel.
Dans cette perspective, si l’environnement n’est certes pas le seul déterminant d’évolution de la
politique agricole commune, on fera néanmoins valoir qu’il intervient de manière croissante
dans la justification de cette dernière dans chacun des scénarios. Autrement dit, considérer la
PAC sous l’angle environnemental contribue à considérer que celle-ci, en l’état, n’est pas
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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durable. C’est au passage une des forces de l’exercice que d’explorer des futurs possibles sur le
constat de cette nécessaire évolution de la situation présente.
DES FUTURS CONFLICTUELS : IL N’Y A PAS DE SCÉNARIO« MAGIQUE »Nous avons pointé plus haut les éléments de plausibilité de chaque scénario : le réalisme
économique pour le premier, le réalisme politique européen pour le second, etc. Mais il est clair
que chaque scénario comporte ses sources de conflits, qui font d’ailleurs partie intégrante des
récits. Le fait de pousser au bout les logiques qui fondent chaque scénario permet tout à la fois
d’en augmenter la cohérence interne et d’en pointer les conditions d’occurrence, y compris sous
l’angle des conflits à prendre en compte. Ainsi, le premier scénario repose sur une logique
économique très cohérente, particulièrement en phase avec les développements économiques
actuels : mais les mécontents sont potentiellement nombreux et rien ne dit que la logique à
l’œuvre puisse — ou ne puisse pas — se continuer sur les 20 ans que couvre le récit. De même,
le second scénario repose sur une cohérence politique réelle si l’on considère le poids actuel des
pays européens qui promeuvent le zonage comme approche de politique environnementale
centrale, mais il repose sur une brutalité (en délimitant des élus et des exclus) qui heurte une
certaine sensibilité nationale d’égalité républicaine. Les zones de conflits du troisième scénario
sont plus diffuses, à l’image de son principe de base, mais elles n’en sont pas moins réelles, avec
les jeux d’acteurs au niveau régional qui créent les gagnants du développement local — les
porteurs de projets — et les perdants — les exclus pour lesquels les recours s’amoindrissent.
Enfin, si le dernier scénario repose sur une hypothèse d’émergence d’une part majoritaire de la
société française et européenne qui y est favorable et le porte, il est clair que de fortes minorités
peuvent se retrouver marginalisées avec des conflits aussi radicaux que ne l’est le scénario.
Au total, dans leur ensemble, les scénarios envisagent les mêmes catégories d’acteurs, mais ils
distribuent les « gagnants » et les « perdants » de manière contrastée. On retrouve les lignes de
conflits d’intérêts et d’alliances potentielles entre les agriculteurs, l’aval, les élus, les protecteurs
de l’environnement, les consommateurs et les résidents, les contribuables… Nous laisserons au
lecteur le soin de retrouver dans les récits des pages précédentes les configurations d’acteurs
qui y sont associées : les évoquer ici serait en grande partie répéter les scénarios dans la mesure
où ces configurations sont leur trame même. On fera néanmoins valoir que ces lignes de conflits
et d’alliances sont plus subtiles que « les environnementalistes gagnent/perdent aux
dépens/profit des agriculteurs ». Par exemple, dans le premier scénario, on retrouve des
acteurs de l’environnement dominés (les associations de protection de la nature locales, telles
qu’elles existent en France aujourd’hui) et des acteurs de l’environnement émergents, dont
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 116
l’action s’affirme (les fondations environnementales, qui peuvent se prévaloir de réels succès
locaux, mais circonscrits). Dans chaque scénario, on retrouve des mécanismes similaires au sein
du monde agricole (selon les récits il y a des catégories d’agriculteurs dont les perspectives sont
favorables et d’autres qui se trouvent sur le déclin 19), de l’aval (idem), des consommateurs, etc.
et, là aussi, nous laissons le lecteur refaire l’exercice de juger qui, dans les récits, s’y retrouve ou
ne s’y retrouve pas. Notons au passage que ce constat ne signifie pas que tous les scénarios se
valent sur le plan des gagnant et des perdants, certains générant plus de mécontents que
d’autres.
Cette affirmation du rôle du conflit dans la prospective n’est sans doute pas si évidente si l’on
considère une certaine tendance à rechercher les solutions « gagnant-gagnant » à travers des
consensus. Mais on verra dans cette absence de scénario « magique », dans lequel tout le monde
aurait quelque chose gagner une marque de réalisme et d’enseignement pour les politiques
publiques. « Derrière le consensus : cherchez l’exclu » est une ligne d’analyse sans doute
politiquement peu correcte, mais indubitablement riche et qui a fondé les travaux du groupe de
la Bussière.
Pour finir sous l’angle des conflits, on fera valoir que les images en 2025 reposent sur des
situations plus stabilisées que leurs cheminements. Ce fait est à relier à la méthode consistant à
partir d’images contrastées, archétypales, pour remonter ensuite le temps. Ainsi, si les lignes de
conflits sont présentes dans chaque image de 2025, comme nous venons de le développer, les
formes de conflits sont souvent rentrées ou maîtrisées pour garder une certaine forme de
stabilité. En d’autres termes, dans les scénarios, il n’y a plus d’affrontements majeurs en 2025 :
ils se sont réalisés auparavant. S’il y a un caractère « magique » aux scénarios, il est sans doute à
rechercher ici, dans cette vision d’un système social artificiellement stabilisé pour les besoins de
l’analyse.
DES ARBITRAGES GARANTIES/RISQUES AU CŒUR DES SCÉNARIOS
En correspondance des conflits d’acteurs, chaque scénario repose sur des configurations
d’objectifs prioritaires et de risques contrastées. Par « objectif prioritaire » on entend ce que
chaque scénario cherche à garantir au premier chef : une production agricole intégrée dans un
19 — Les scénarios peuvent aussi être comparés sur les facteurs clés qui génèrent les gagnants et perdants : lacompétitivité productive dans le premier, l’éligibilité à des politiques publiques dans le second, la capacité à monterdes projets de filières locales dans le troisième, la capacité à répondre à une demande sociale et économique dans letroisième. Bien sûr, on retrouve à des degrés divers ces facteurs d’évolution dans chaque scénario (il faut bien sûrtoujours être compétitif sur un plan productif, les politiques publiques jouent toujours un certain rôle,…), mais leurprépondérance et leur rôle ne sont pas les mêmes.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 117
système agro-alimentaire performant (et, au passage, une maîtrise budgétaire) dans le premier,
une occupation du territoire dans le second, une capacité d’initiative locale dans le troisième et
une qualité environnementale ambitieuse et des emplois dans le dernier.
Établir des priorités, c’est aussi prendre le risque que d’autres objectifs ne soient pas atteints, ce
qui ne signifie bien entendu pas que les acteurs définissant les objectifs prioritaires souhaitent
qu’ils ne soient pas atteints ! Par exemple, dans le premier scénario, c’est le patrimoine naturel
qui assume la majeure partie des risques. On ne peut pas affirmer que, dans ce scénario, la
ressource en eau sera dégradée au point que cela débouche sur une situation de crise (si les
traitements n’arrivaient pas à suivre, par exemple) mais il est clair que ce risque est plus élevé
dans la France productive que dans la France HPE. Dans cette perspective, les scénarios
contrastent les risques qu’ils assument et les points qu’ils renforcent. Pour donner d’autres
illustrations de cette idée, en fixant une exigence environnementale élevée le quatrième scénario
prend un risque de fracture au sein de la société que nous avons déjà évoqué : que resterait-il
des aspirations positives des français en cas de récession majeure ? Et si la production
alimentaire était insuffisante ?
On peut ainsi inviter à lire les scénarios sous divers angles de « lignes de risques » que nous
évoquerons ici pêle-mêle 20 :
• Le risque environnemental : et si dans les zones productives des deux premiers
scénarios, on débouchait sur une crise de la fertilité et un dérèglement des
écosystèmes ? Si les tentatives de restauration et de remédiation écologique étaient
inadaptées ? Dans le scénario 3, et si la majorité des régions empruntaient des voies
dangereuses pour l’environnement ?
• Le risque énergétique : et si les transports devenaient trop coûteux dans le scénario 1 ?
• Le risque budgétaire : et si les budgets publics deviennent trop contraints dans les
scénarios 2, 3, 4 ? et si les technologies coûtent trop cher dans le premier et que des
fonds publics soient nécessaires ?
• Le risque identitaire : et si, dans le scénario 2, il n’y a plus d’agriculteurs et d’élus
territoriaux pour investir la France douce ? Et si le scénario 1 était un peu trop
désenchanté ? Et si le scénario 4 n’a pas assez de candidats ?
20 — Il nous semble moins nécessaire de développer les lignes de force, dans le sens où elles sont particulièrementexplicites dans les scénarios.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 118
Cette liste de questions n’est pas close et sa fonction ici n’est pas d’épuiser l’analyse des risques
mais de montrer une grille de lecture des scénarios sans doute particulièrement riche.
LES POLITIQUES PUBLIQUES FAÇONNERONT LE FUTUR
Finalement, les scénarios reprennent tous une hypothèse fondamentale : les politiques
publiques sont essentielles dans la régulation des relations agriculture et environnement. Qui
plus est, elles doivent être considérées dans leur ensemble — et non pas les seules politiques
environnementales. Là encore, ce constat peut paraître quelque peu évident, mais il mérite
d’être souligné dans le cas particulier de l’agriculture à l’heure où la « libéralisation »
économique présente dans la dernière réforme de la PAC est sensée apporter des améliorations
significatives dans le domaine de l’environnement, même s’il est clair que « l’ancienne » PAC ne
pouvait être qualifiée de très bénéfique pour l’environnement, comme le suggère la
rétrospective.
Dans cette optique, un des apports de la réflexion est de clarifier les référentiels d’intervention
politique envisageables. La « grammaire » politique que l’on peut reconstituer à l’issue des
scénarios combine différentes dimensions qui méritent d’être explicitées :
- La hiérarchie des objectifs agricoles et environnementaux et la manière de les articuler
(subordination de l’environnement à l’économique dans le premier scénario, séparation
dans le second, intégration procédurale dans le troisième et intégration radicale dans le
dernier). Les critères de pilotage des politiques découlent en grande partie de cette
hiérarchie. La figure suivante propose une schématisation de cette idée.
Scénario 1(filières)
Scénario 2(duale)
Scénario 3(régions)
Scénario 4(HPE)
Économique
Environt Territoires
Prime sur
Partage
Écono-mique
Envi-ront
Territoires
Intégration
Écono-mique Territoires
Environt
Environt
Territoires
Intégration
Écono-mique
Territoires
Selon des modalitésvariables
- Les niveaux d’arbitrage (de l’Europe au local) et de mise en œuvre.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 119
- La nature des instruments mobilisés (taxes et normes de moyens dans le scénario 1, zonage
dans le scénario 2, projets dans le 3, dispositif complet, y compris la régulation de marchés
dans le scénario 4).
- Les niveaux d’ambition budgétaire, très variables d’un scénario à l’autre.
Les différents scénarios montrent que les modalités d’articulation entre ces dimensions reposent
sur des règles de cohérence interne qui en sont une trame essentielle.
Les scénarios permettent ainsi d’éclairer l’analyse politique, en envisageant d’emblée la
cohérence d’ensemble des dispositifs d’intervention et les interactions entre facteurs politiques
et non politiques. Deux développements pour illustrer la portée de cette idée :
1°) Chaque scénario repose sur des hypothèses de sociologie européenne différentes : dans le
premier, l’individualisme social et économique est prégnant. Dans le second et le troisième, les
forces sociales européennes « investissent » finalement la question de la gestion de l’espace
rural, mais selon des modalités différentes : par délégation politique dans le scénario dual
(finalement, c’est Bruxelles et les états membres qui régulent dans ce scénario) ou par
implication locale directe dans le scénario 3 de l’Europe des régions (cf. le rôle joué par les
diverses organisations régionales, privées et publiques). Le quatrième scénario repose sur une
rupture plus nette dans la manière de répondre aux attentes sociales. Ces différences de
contexte sociologique déterminent la portée et la nature des politiques mises en œuvre. Mais si
l’on reprend les cheminements, on peut aussi considérer que les choix politiques influencent, au
moins partiellement, l’évolution des modèles sociaux émergents.
2°) On retrouve également des éléments communs entre différents scénarios, mais dont
l’interprétation peut varier. Ainsi, la « la prise en compte de la qualité » (à travers la définition
des normes), « la certification » et « l’évaluation » sont logiquement présents dans chacun
d’entre eux. Mais la signification de ces concepts à la croisée des dispositifs publics et des
logiques privées n’est clairement pas la même dans tous les scénarios, en fonction des contextes
socio-économiques. Prenons la certification environnementale, par exemple : dans le premier
scénario, elle joue essentiellement une fonction de positionnement économique en mettant
l’accent sur la capacité professionnelle des exploitants (à la manière d’une norme ISO 14000) ;
dans le dernier scénario, c’est une forme de contrôle social, sous une forme mettant plus l’accent
sur une obligation de résultats. On retrouve ici l’idée que l’effet d’un outil considéré dépend
essentiellement de la manière dont il est utilisé et de l’intention qui le meut. En racontant
différents outils et différents dispositifs de mise en œuvre, les scénarios incarnent cette idée et
enrichissent une appréhension quelque peu mécaniste des outils de politiques publiques.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 120
LES RESSOURCES STRATÉGIQUES DES POLITIQUES PUBLIQUES
Chaque scénario repose sur un dispositif de mesures et d’outils contrastés et d’engagements
budgétaires que nous venons d’évoquer. On peut interpréter les récits sous l’angle des
ressources stratégiques qu’ils révèlent pour la mise en œuvre des politiques.
Les alliances entre acteurs sont un premier type de ressource qui expliquent certaines
bifurcations entre scénarios. Ainsi, les deux premiers scénarios commencent identiquement,
avec une forte remise en question de la continuation d’une politique agricole commune avec les
mêmes règles de l’OMC. Le maintien d’une politique de soutien de l’agriculture dans les zones
multifonctionnelles du scénario 2 repose sur une alliance entre élus régionaux et associations de
protection de l’environnement au niveau européen et sur un rapport de force qui finit par
l’emporter par rapport aux tenants d’une libéralisation dans l’approche politique (alors que ces
derniers l’emportent dans le premier scénario). Les niveaux d’alliance et les intérêts défendus
distinguent également les scénarios 2 (alliances « centralisées » au niveau européen) et 3
(alliances prônant une décentralisation des compétences au niveau régional). La physionomie
du scénario 4 s’explique par une alliance entre les acteurs porteurs d’une demande sanitaire
(également actifs dans le premier scénario) et les acteurs de protection de la nature organisés au
plan européen (marginalisés dans le premier scénario).
Un levier stratégique d’une autre nature est présent dans les scénarios, qu’on peut rattacher
globalement la « gestion de l’information ». Cette dernière s’incarne dans des dispositifs
d’évaluation, de comptabilité publique (dans le sens large de « rendue publique », même si elle
émane d’acteurs privés 21), d’indicateurs,… Là encore, les scénarios se distinguent par la nature
des thèmes pris en compte et la manière dont ils sont valorisés — ou non — dans la sphère
d’action publique. Ainsi, le premier scénario repose sur des indicateurs essentiellement
comptables/budgétaires et des normes sanitaires : la PAC disparaît pour des raisons budgétaire
et en l’absence d’une évaluation qui ferait ressortir l’intérêt qu’il y aurait à conserver une
certaine régulation politique 22. Les normes sanitaires et la mesure des flux dominent dans le
pilotage de l’agriculture et dans les stratégies de communication des opérateurs d’aval. On peut
également pointer les mesures (au sens de « mesurer ») qui manquent dans ce scénario : une
perte de patrimoine naturel (encore difficilement estimé dans la comptabilité nationale), une
estimation et une imputation des coûts de traitement des eaux à l’agriculture, etc. La question
21 — Ainsi, les actions de reporting environnemental des groupes industriels dans le scénario 1 sont des actions àcaractère public (cf. publicité).22 — Alors, qu’au contraire, le scénario 2 commence par une mobilisation des élus régionaux et desenvironnementalistes sur la base de la saisine politique d’un bilan de la PAC 2007-2013
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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n’est pas seulement d’envisager que de telles mesures existent, mais qu’elles débouchent sur
une mobilisation effective des acteurs sociaux et politiques (particulièrement fatalistes et
individualistes dans le premier scénario, accablés qu’ils sont par la mise en évidence de la
« médiocrisation » des ressources et dont le seuil de mobilisation correspond au dépassement
des normes valeurs seuils à ne pas dépasser). Sans redétailler ici tous les éléments de gestion de
l’information présents dans les scénarios, on citera la place centrale des critères éco-
conditionnels dans la France duale, les fortes exigences d’évaluation régionales dans le scénario
de l’Europe des régions — dont l’un des fondements est que les acteurs liés au plan régional
doivent, d’une manière ou d’une autre, rendre des comptes les uns aux autres, ce qui est un fort
changement par rapport à la situation actuelle où les niveaux de responsabilité ne coïncident
pas. Le dernier scénario repose fondamentalement sur une redéfinition des systèmes
d’évaluation et de comptabilité dans le sens où les « actifs environnementaux » (et sanitaires si
l’on considère la dimension « santé publique » du scénario) deviennent partie prenante des
critères de pilotage économique.
Ces développements débouchent sur un thème identifiée comme conditionnant la réalisation
des scénarios et qui, à ce titre, est une ressource stratégique clé : la capacité d’accompagnement
administratif des différents systèmes de suivi et d’évaluation. Cette dimension est d’emblée la
plus nette dans les trois derniers scénarios, qui reposent sur des hypothèses d’intervention
publique plus significative que dans le premier. On rappellera que les critères de zonage et de
conditionnalité « structurels » de la France douce sont motivés par une question de faisabilité
du suivi et du contrôle des politiques mises en œuvre. L’Europe des régions renvoie à un
scénario fondamentalement difficile à appréhender et à évaluer, devant la diversité des
situations qu’il embrasse. C’est d’ailleurs la raison fondamentale pour laquelle il définit
davantage une méthodologie d’évaluation que des normes centralisées et qu’il laisse la question
de son accompagnement administratif soumise à interprétation. Le scénario 4 repose sur un
dispositif d’évaluation complet clairement ambitieux et dont la crédibilité repose sur son
acceptation sociale et politique tout autant que sa faisabilité technique.
Enfin, on fera valoir que le scénario de la France des filières n’est pas exempt, malgré ses
apparences, d’enjeux de pilotage administratif. Pour ne citer qu’un exemple, le suivi des
produits et la certification des exploitations dans une démarche de « qualité globale » ne
reposent-t-ils pas sur un savoir-faire administratif, bien qu’il soit mis en œuvre par des
opérateurs privés ?
Ultime levier stratégique que l’on peut pointer : les dispositifs de recherche-développement,
qu’ils soient là encore, privés ou publics. Leur rôle n’est pas le même dans tous les scénarios
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 122
même s’ils sont toujours présents. On retrouvera la place de la recherche génomique dans le
premier scénario, d’une recherche davantage centrée sur les systèmes de production dans le
second (par les enjeux d’adaptation aux règles qui s’appliquent aux différents types de zone), la
mise en œuvre de dispositifs de R&D régionaux accompagnant des démarches d’innovation
territoriales sur les plans techniques et socio-économiques. La place de la recherche dans le
dernier scénario mérite sans doute une mention particulière dans le sens où on peut le percevoir
de prime abord comme passéiste, ne nécessitant finalement pas de recherche et d’innovation.
Ses concepteurs pointent au contraire les efforts qu’il implique dans différents champs de la
recherche, y-compris fondamentale : technologique (la recherche variétale et génomique peut
être mobilisée pour souscrire aux besoins de production avec de nouveaux itinéraires
techniques), d’ingénierie écologique (pour comprendre les mécanismes de fonctionnement des
agro-écosystèmes).
UN NÉCESSAIRE CINQUIÈME SCÉNARIO ?Il est d’usage, à l’issue d’exercices reposant sur la construction de scénarios contrastés, de faire
valoir que l’avenir sera à la fois différent de chaque scénario, qu’il comportera d’inévitables
surprises, et qu’il sera le fruit de leur combinaison.
Certes, nous avons pointé les points communs qui existent d’un scénario à l’autre : les mêmes
règles du jeu de l’OMC entre les deux premiers (ce qui conduit d’ailleurs à des images
partiellement semblables dans la fraction de l’agriculture intensive), la prise en compte d’une
demande sociale locale dans les deux derniers,… suggèrent les compatibilités entre jeux
d’hypothèses et des variantes.
Mais, par ailleurs, l’intérêt des quatre scénarios présentés ici est de pousser au bout la logique
de modes de régulation contrastés et radicalement différents. Dans cette perspective, les
combinaisons de scénarios ne sont pas si faciles à envisager, sans toucher de manière
significative aux hypothèses constitutives 23.
Cette réflexion débouche sur ce qu’on pourrait appeler un « cinquième scénario », qui serait à la
fois plausible et souhaitable. Nous laissons au lecteur le soin de juger celui ou ceux qui, dans la
gamme proposée, répond le mieux à ces deux critères.
23 — Par contre, certains enchaînements sont envisageables : une crise environnementale et sociale du premierscénario pourrait conduire au quatrième ; une faillite du second pourrait déboucher sur une variante du premier alorsque celle du quatrième pourrait renforcer le troisième.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
AVRIL 2005 123
Mais nous voulons en conclusion ouvrir sur une réflexion du groupe de la Bussière quant au
statut d’un éventuel « cinquième scénario ». Pour beaucoup, les trois premiers scénarios évitent
une image catastrophe pour l’environnement mais ne sont pas pleinement satisfaisants dans les
solutions qu’ils proposent pour répondre aux enjeux agri-environnementaux identifiés pour la
France et l’Europe 24. Et tous s’accordent sur la nécessité d’un scénario positif pour
l’environnement, qui marque une réelle ambition et un changement de paradigme dans la
manière d’intégrer l’environnement et l’agriculture, qui aille au-delà de solutions qui soient des
« contraintes ».
Dans cette perspective, le dernier, d’agriculture HPE, est soumis à une évaluation tranchée au
sein du groupe : franchement utopique pour certains membre du groupe, pas plus irréaliste que
les autres scénarios pour d’autres membres et, en tout état de cause, pas plus en rupture de ce
qu’on aurait pu imaginer de l’agriculture de 2005 en 1985.
Deux perspectives sont dès lors envisageables pour continuer la réflexion : envisager un autre
scénario qui partage l’ambition environnementale de l’agriculture HPE mais en empruntant
d’autres voies ; ou, au contraire, approfondir et travailler l’agriculture HPE. Quelle que soit la
voie envisagée, on considérera que les quatre scénarios présentés ici constituent une base de
travail. Aucun scénario ne s’impose de lui même, nous l’avons dit, mais il était sans doute
nécessaire de poser des repères et des jalons prospectifs pour aller plus loin dans le chemin agri-
environnemental tel qu’il se présente au moment ces lignes sont écrites.
24 — Encore que les scénarios 2 et 3 (sans parler du quatrième) marquent sans doute de réelles avancées par rapport àla situation environnementale actuelle, au moins dans l’esprit de leurs concepteurs.
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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LISTE DES TABLEAUX, FIGURES ET CARTES
Tableau 1 : présentation synthétique des hypothèses constitutives des 4 scénarios ............. 16
Tableau 2 : les indicateurs structurels, économiques et politiques liés à l’agriculture dans le scénario 1 .............................................................................. 40
Tableau 3 : les indicateurs environnementaux dans le scénario 1....................................... 41
Tableau 4 : les indicateurs structurels, économiques et politiquesliés à l’agriculture dans le scénario 2 ............................................................................... 63
Tableau 5 : les indicateurs environnementaux dans le scénario 2....................................... 64
Tableau 6: les situations de gestion agri-environnementales en 2025 ................................. 74
Tableau 7 : les indicateurs structurels, économiques et politiquesliés à l’agriculture dans le scénario 3 ............................................................................... 88
Tableau 8 : les indicateurs environnementaux du scénario 3 ............................................. 89
Tableau 9 : les indicateurs structurels, économiques et politiquesliés à l’agriculture dans le scénario 4 ..............................................................................111
Tableau 10 : les indicateurs environnementaux du scénario 4 ..........................................112
Figure 1 : une représentation schématique du « système » considéré dans l’analyse
prospective de la régulation des relations agriculture et environnement.............................. 5
Figure 2 : un paysage de plaine de grande culture dans le scénario 1................................. 35
Figure 3 : un paysage breton dans le scénario 1................................................................ 36
Figure 4 : un paysage du Massif-Central dans le scénario 1............................................... 38
Figure 5 : un paysage de Bretagne « douce » (protection de la ressource en eau) ................ 61
Figure 6 : un paysage du Massif Central dans le scénario 2............................................... 62
Figure 7 : un paysage de plaine du nord dans le scénario 3............................................... 84
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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Figure 8 : un paysage breton dans le scénario 3................................................................ 85
Figure 9 : un paysage du Massif Central dans le scénario 3............................................... 86
Figure 10 : un paysage de plaine du nord dans le scénario 4 ............................................108
Figure 11 : un paysage breton dans le scénario 4 .............................................................109
Figure 12 : un paysage du Massif Central dans le scénario 4 ............................................110
Carte 1 La France des filières : l’environnement « agro-efficace » , carte des productions .... 29
Carte 2 : L’agriculture duale ; une partition environnementale – carte des productions....... 52
Carte 3 : L’Europe des régions : un patchwork aux résultats environnementaux contrastés :
carte des productions..................................................................................................... 81
Carte 4 : Une agriculture “Haute Performance Environnementale” : carte des productions100
AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT : 4 SCÉNARIOS À L’HORIZON 2025
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ANNEXE : LES MEMBRES DU GROUPE DE LA BUSSIÈREBaschet* Jean-François MAAPAR
Bec* Yvon CNASEA
Berthelier Bernard Chambre d'Agriculture du Cantal
Bies Péré Henri Pdt ADASEA Pyrénées Atlantiques
Bourgeois Lucien APCA
Cailleux* Maryline MAAPAR
Cattan* Aline MEDD
Cauchy Jacques PNR Brenne
Chassande Christophe DDAF Loir-et-Cher
Courdille Jacques MEDD
Girardin Philippe PNR Ballons des Vosges, INRA
Griot Jean-Yves Réseau Agriculture Durable
Guillaumin Anne Institut de l'Élevage
Guttenstein Elizabeth WWF Europe
Lacombe* Philippe INRA
Le Guen Roger ESA (Angers)
Léger François INA-PG
Lerat François DIREN
Métais Michel LPO
Moulin Jean-Philippe Limagrain
Racapé Joseph Mission Interministérielle Effet de Serre
Raoult Paul Fédération des PNR, PNR Avesnois
Séguin Guillaume Agriculteur (Aisne)
Sitbon Simone Union Nationale des Associations Familiales
Terrasson Daniel Cemagref
Treyer* Sébastien MEDD
Trocherie Francis IFEN
Vasseur Philippe APCA
Vedel Georges ADAR
Viaux Philippe Arvalis, Institut du Végétal
* Membres du ‘groupe porteur’ + Valérie Bernardi, CNASEA
Animation méthodologique : Xavier Poux, J.B. Narcy, V.Chenat, AScA.