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QUEL EST LE RÔLE DE L’INTUITION POUR LE DESIGN CENTRÉ UTILISATEUR ? Nathanaël Delahaye - Mémoire Badge Design Manager 2012-2013 Tuteur pédagogique : Xavier LESAGE - Tuteur professionnel : Katie COTELLON École de Design de Nantes Atlantique - ESSCA École de management

memoire Nathanael Delahaye

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QUEL EST LE RÔLE DE L’INTUITION

POUR LE DESIGNCENTRÉ

UTILISATEUR ?

Nathanaël Delahaye - Mémoire Badge Design Manager 2012-2013 Tuteur pédagogique : Xavier LESAGE - Tuteur professionnel : Katie COTELLON

École de Design de Nantes Atlantique - ESSCA École de management

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Je remercie mon entreprise Delta Dore qui m’a permis de faire cette formation et en particulier Joël Mercelat mon responsable pour son écoute et ses conseils.

Je remercie Katie Cotellon et Xavier Lesage, mes deux tuteurs pour leurs conseils, leurs relectures et les échanges particulièrement riches que nous avons eus ensemble.

Je remercie ma femme Ariane, pour sa patience, son soutien et son aide durant cette année d’études. Je remercie mes deux filles Bertille et Garance qui ont vu leur papa retourner à l’école ainsi que Marc Orange pour ses conseils sur la mise en page et la bibliographie.

Je remercie l’équipe des participants au Badge Design Manager, Hélène, Denis, Diego, Marc et Anthony avec qui nous avons refait le monde du design au café des Arts.

Je remercie Irène, ma sœur, Hélène Jeannaud et Yakhouba Diagana pour leurs correc-tions attentives bien que les crèches Montessori, les ressources humaines et le droit maritime soient bien loin du sujet de ce mémoire.

Je remercie les six designers interviewés que je ne peux malheureusement pas nom-mer par souci de confidentialité et qui m’ont été d’une aide précieuse pour confirmer mes recherches théoriques. Les discussions avec l’un d’entre eux et son amie ont ap-porté certaines idées et lectures importantes de ce mémoire.

Nathanaël Delahaye

1 REMERCIEMENTS

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1 REMERCIEMENTS 3

2 INTRODUCTION 92.1 Définitiondudesign 10

2.2 Ledesignenentreprise 10

2.3 Ledesigncentréutilisateur 13

2.4 Spécificitéfrançaise 14

2.5 Thèmederecherche 15

3 LE DESIGN CENTRÉ UTILISATEUR 173.1 Ladémarche

3.1.1 Une démarche linéaire 173.1.2 Une démarche itérative3.1.3 Conclusion démarche

3.2 Lesoutilsinitiaux 193.2.1 Les interviews3.2.2 L’observation3.2.3 Les prototypes3.2.4 Les focus groups3.2.5 Conclusion outils initiaux

3.3 Larévolutionnumérique 243.3.1 Changement de l’environnement 3.3.2 Les personas3.3.3 Les scénarios3.3.4 Les storyboards3.3.5 Conclusion révolution numérique

3.4 Ledesigndeservice 303.4.1 Un nouveau monde3.4.2 Expérience utilisateurs3.4.3 Le design de service3.4.4 Les outils du design de service

3.5 Conclusiondesigncentréutilisateur 41

SOMMAIRE

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4 L'INTUITION 434.1 Définitiondel’intuition 43

4.2 Fonctionnementdel'intuition 444.2.1 La préparation4.2.2 L'incubation4.2.3 L'illumination4.2.4 La vérification4.2.5 Conclusion étapes de l'intuition

4.3 Lesniveauxd'intuition 494.3.1 Physique4.3.2 Émotionnel4.3.3 Mental 4.3.4 Spirituel4.3.5 Conclusion niveaux d'intuition

4.4 Typesd'intuition 504.4.1 Découverte4.4.2 Créativité4.4.3 Évaluation4.4.4 Opérationnelle4.4.5 Prédiction4.4.6 Illumination4.4.7 Conclusion types d’intuition

4.5 Applicationsdel’intuition 524.5.1 Intuition sur un problème4.5.2 Schéma existant4.5.3 Vérification4.5.4 Vision globale4.5.5 Contournement d’une analyse4.5.6 Conclusion applications de l’intuition

4.6 Synthèsesurl’intuition 554.6.1 L'intelligence multiforme4.6.2 Intelligence émotionnelle et intuition4.6.3 Les émotions et la raison4.6.4 Intuition et empathie4.6.5 Synthèse

5 CONCLUSION REVUE DE LITTÉRATURE 63

5.1 Ladémarche 64

5.2 Lesoutils 64

5.3 L’attitude 65

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6 ETUDE TERRAIN 676.1 Démarcheméthodologique 67

6.1.1 Méthodologie qualitative exploratoire6.1.2 Le terrain de recherche

6.2 Méthodedecollecte 696.2.1 Le sondage6.2.2 Les interviews

6.3 Techniqued’analysedesdonnées 736.3.1 Le sondage 6.3.2 Les interviews

6.4 Présentationdesrésultats 756.4.1 Le sondage 6.4.2 Confrontation des hypothèses

6.5 Discussion 816.5.1 La démarche 6.5.2 Les outils6.5.3 L’attitude6.5.4 Conclusion analyse

7 APPORTS 95

8 LIMITES 97

9 CONCLUSION 99

10 BIBLIOGRAPHIE 10310.1 Publicationsacadémiques 103

10.2 Ouvrages 104

10.3 Colloques 105

10.4 Revuesprofessionnelles etautres(internet…) 106

10.5 Iconographie 107

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Depuis plusieurs années, sous l’influence des nouvelles technologies, les pratiques du design industriel ont considérablement évolué. Son champ d’action, initialement la conception d’objets (Guidot, 1994), s’est élargit vers la création d’interfaces utilisateur voire de services (Stickdorn & Schneider, 2011). Des nouveaux métiers sont apparus comme le design d’interface, le design d’architecture logiciel ou le design de service.

Parallèlement à cette évolution, le rôle central de l’utilisateur dans la pratique du de-sign a été remis en avant (Norman, 1988), malgré son importance dès les premiers pas du design (Loewy, 1951). Ces évolutions sont accompagnées par l’utilisation de toute une série d’outils comme les focus groups, les personas, les storyboards ou les carto-graphies. Ils ont pour rôle de favoriser le travail en équipe pluridisciplinaire et de faci-liter la communication des choix au sein d’une équipe ou d’une entreprise. Le design centré utilisateur désigne un processus utilisant l’ensemble de ces méthodes. Tout en étant essentiellement revendiqué pour la création de site web et d’application mobile (Garrett, 2010), il tend à être utilisé par des designers de produits ou de service.

Conjointement à cette évolution, la pratique du design est une démarche créative. Pour cela, elle fait appel à l’intuition. Ce processus cognitif fait l’objet de rejets, par-ticulièrement au sein de l’entreprise. Il n’est pas compris et semble très souvent sus-pect car il apparaît comme étant irrationnel et difficile à justifier (Szostak, Dhuyvetter & Dechamp, 2011).

Le design est donc une démarche intuitive qui utilise de plus en plus des outils ration-nels destinés à accompagner les évolutions du métier pour s’adapter au changement de paradigme. Dans ces nouvelles pratiques, le design devient une association entre deux conceptions opposées : des outils rationnels et l’intuition, perçue comme irra-tionnelle.Quels sont les rapports entre ces deux notions ? Comment le designer gère-t-il cette opposition ? Quelles sont les implications des évolutions du métier du design sur ce rapport ?

Dans le design centré utilisateur, les données issues des études sur les utilisateurs semblent être les plus importantes, voire les seules qui fondent le travail d’un desi-gner. D’autres informations, non liées directement aux utilisateurs du projet, comme l’expérience des projets passés ou l’observation attentive et permanente de l’univers dans lequel vit le designer semblent pourtant aussi utiles.Est-ce que le design centré utilisateur, souhaitant apparaître comme une méthode rationnelle, oublie la part d’intuition et d’émotion liée à la pratique du design ?A partir des données issues des études centrées utilisateur, le designer en propose une lecture cohérente et fait une série de choix pour aboutir au projet final. Malgré ces fondements tangibles, n’y a-t-il pas une part d’intuition dans cette démarche ?

La problématique que nous aborderons dans ce mémoire sera donc de déterminer le rôle de l’intuition pour le design centré utilisateur.

2 INTRODUCTION

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Ces trois définitions du design mettent en évidence plusieurs dimensions essentielles. En premier lieu, le champ du design ne recouvre pas que l’aspect extérieur d’un pro-duit et à sa forme. Il s’applique à l’ensemble des étapes de conception d’un produit ainsi qu’à son interface si nécessaire. Le design étant en effet « une démarche créative », il peut s’appliquer aussi à des structures, des organisations ou à des services.

En second lieu, le design a pour sujet la « valeur d’utilisation » : il est orienté vers l’hu-main. Cette dimension implique la notion d’utilité et de durabilité qui fait appel à la praticité, à l’usage et à la qualité de l’interface. Elle fait appel aussi au ressenti des uti-lisateurs face à la forme, aux couleurs, au toucher et aux proportions. Cette dimension inclut aussi la notion d’expérience sur le plan du message, de l’émotion, de la culture et du sens que le produit propose. L’orientation du desi-gner vers l’utilisateur, implique qu’il doit être à l’écoute et ressentir de l’empathie.

Une autre dimension induite par la notion de « démarche créative » ap-pliquée à des objets est la pensée visuelle : le design est associé au des-sin. Celui-ci est un mode d’expression et un moyen de communication. Le designer l’utilise pour exprimer ses idées et ses créations. Il l’aide à structurer et à développer sa démarche créative.

Le design est une discipline dont le champ d’application est extrêmement varié. Dans le cadre de ce mémoire, nous étudierons le design industriel tel qu’il est utilisé par les entreprises lors de la conception de produits physiques, numériques ou de services.La pratique du design en entreprise a adopté, dès ses origines, plusieurs formes : soit la collaboration entre un industriel et une agence de design, soit une équipe interne. Comme le montre le rapport de l’Agence pour la Promotion de la Création Industrielle

Nous commencerons par définir le cadre dans lequel se place le mémoire : le design. Nous continuerons cette étude par la présentation des dimensions du design et de sa pratique en entreprise. Nous définirons le design centré utilisateur et nous analyse-rons l’évolution dans le temps des outils qu’il propose. Nous définirons les différentes facettes de l’intuition. Nous mettrons en valeur plusieurs hypothèses possibles et les questions qu’elles font apparaître.Enfin, à partir d’entretiens auprès de designers, nous confronterons nos hypothèses à la pratique quotidienne du design, nous analyserons les raisons des variations éven-tuelles et nous proposerons une lecture du rôle de l’intuition pour le design centré utilisateur.

2.1 Définition du design

2.2 Le design en entreprise

« Ce n’est ni un art, ni un mode d’ex-pression, mais une démarche créative méthodique qui peut être généralisée à tous les problèmes de conception. » (Roger Tallon dans le Grand Larousse Encyclopédique)

Raymond Guidot (1994) parle de « design dès lors qu’il s’agit de conce-voir un objet en vue d’une production industrielle, et particulièrement d’une production de série. « Design » carac-térise alors la part de création qui, dans la conception d’un objet (ou système d’objets), assure la cohérence entre les impératifs techniques de fabrication, la structure interne de l’objet, sa valeur d’utilisation et son aspect. »

« Discipline visant à une harmonisa-tion de l’environnement humain, de-puis la conception des objets usuels jusqu’à l’urbanisme. » (Grand diction-naire encyclopédique Larousse, librai-rie Larousse, 1982)

« Designers work on the quality of sensations - arranging aspects of a product such as color, texture, and materials - in order to effect reactions across the various visual, tactile, olfac-tory, and auditory senses. » (Verizer & Borja De Mozota, 2005)

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Fig. 1 à 3 - Affiche, logo et hall d’assemblage AEG

Fig. 4 - Ventilateur AEG

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(APCI, 2002), ces deux pratiques coexistent et sont utilisées souvent de manière com-plémentaire.

La structure d’une cellule de design intégré varie fortement d’une entreprise à l’autre. Plusieurs facteurs entrent en jeu comme la taille de l’entreprise, son secteur d’activité ou sa culture interne. Dans les petites entreprises, seul un tiers d’entre elles fait appel régulièrement au design et la plupart n’ont pas de design intégré. Elles sous-traitent le design à des agences ou des designers indépendants. Son intégration en interne est surtout le fait des PME (Petites et Moyennes Entreprises) les plus importantes, des ETI (Entreprises de Taille Intermédiaire) et des grandes entreprises. De grands groupes comme Decathlon, Seb, Orange ou Legrand ont des équipes importantes entière-ment dédiées au design.

Ces deux approches, interne et externe, sont complémentaires. Le de-sign en interne bénéficie d’une excellente connaissance du métier de l’entreprise, des utilisateurs et de la concurrence. Il a aussi assimilé les valeurs de l’entreprise et joue donc un rôle essentiel pour les retrans-crire au travers des produits. L’apport d’un intervenant extérieur se si-tue sur la créativité, la remise en cause des certitudes et l’apport d’ap-proches nouvelles.

Le design intégré est une discipline qui prend ses origines au début du XXème siècle. Un des premiers exemples marquants est celui de Peter Behrens qui intègre la socié-té AEG (fig. 1 à 4) en 1907 et développe le premier exemple de design global. Plus récemment, un des exemples majeurs de l’après-guerre a été celui de Dieter Rams et de son équipe au sein de l’entreprise Braun à partir de 1956, avec l’impulsion et le travail initial de Hans Gugelot de l’école d’Ulm (Rams, 1995).

En France, le design industriel a pris véritable-ment son essor après la seconde guerre mon-diale, en particulier après les premiers efforts de la reconstruction, tournés vers le bâtiment. L’exportation de la société de consommation est arrivée avec les soldats américains et le plan Marshall. Elle va faire découvrir de nouveaux objets aux européens. Les pre-miers produits importés seront progres-sivement remplacés par des productions européennes.

Le design industriel s’est tout d’abord ap-pelé « esthétique industrielle ». Sous l’im-pulsion de pionniers comme Jacques Vié-not et son agence Technès créée en 1949 ou bien la CEI (Compagnie d’Esthétique In-dustrielle) créée par Raymond Loewy (1951), le design industriel va être appliqué à tous les objets de la vie quotidienne, de l’appareil pho-to au train en passant par l’électroménager (Guidot, 1994). A titre d’exemple, nous pouvons citer le travail d’identi-té globale que l’agence Technès (fig. 5) a réalisée pour la société Merlin Gerin en 1965 (Leboeuf, 2011).

La pratique du design est donc devenue relativement admise en entreprise. Elle a aussi fortement évoluée pour s’adapter à son environnement.

« Traiter le design en interne permet de retranscrire de la manière la plus exacte qui soit l’identité de l’entreprise dans le produit. Le designer extérieur possède une autre vision du produit et des compétences spécifiques que l’entreprise ne possède pas forcé-ment. » (APCI, 2002)

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Fig. 5 – Logo Merlin Gerin par l’agence Technès

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2.3 Le design centré utilisateurLe design est un métier tourné vers les utilisateurs. Les premiers designers comme Raymond Loewy (1951) ont très rapidement utilisé des outils destinés à mieux cerner leurs attentes et à adapter les projets en conséquence. Les outils initiaux ont été par exemple l’observation, les interviews ou le test de prototypes en situation réelle.A partir des années 80, le marketing a démocratisé de nouveaux ou-tils comme les focus groups et a, en grande partie, pris en charge l’étude des consommateurs. Les designers ne considéraient pas toujours l’usage de ces outils comme une évidence. Ils percevaient ces études comme inadaptées : elles exprimaient le comportement des utilisateurs avec l’environnement présent et non leur comportement futur. Elles étaient plus focalisées sur les motiva-tions d’achats et moins sur les usages. Les designers percevaient parfois les études consommateurs comme une contrainte pour leur propre créativité.

Afin de répondre à ces manques, depuis la fin des années 90, plusieurs universités et agences de design ont mené des travaux sur des mé-thodes d’analyse des utilisateurs plus adaptées à la pratique du métier du design.

Le design centré utilisateur est un métier issu du design. Il s’est développé avec l’essor des sites internet et des applications mobiles. Son mode de fonctionnement et les outils qu’il utilise proviennent du design. Il est très adapté à un univers où les techno-logies avancent très vite, où les usages sont à inventer, où les prototypes sont relative-ment faciles à développer et à tester et où la durée de vie des créations est très courte. Par contre, il est plus adapté à l’innovation incrémentale alors que le design, en ayant une approche plus globale, a plus la capacité à proposer des innovations de rupture (Norman & Verganti, 2012).

Sa méthodologie peut être décrite de plusieurs manières : certains comme Jesse James Garrett (2010) ont une vision plutôt linéaire de ce processus. D’autres designers proposent un schéma plus proche de celui du design : il est basé sur le tâtonnement et des itérations successives (Daumal, 2012).

Malgré ces différences, le design centré utilisateur a une caractéristique essentielle : l’utilisateur est au centre de chacune des phases. Pour cela, les outils initiaux du design comme les interviews terrain ou les tests de prototypes en cours de développement sont utilisés conjointement avec des nouveaux comme le tri de carte ou la création de personas. Ces outils d’analyse aident à mieux comprendre les utilisateurs, leurs attentes, leur mode de fonctionnement et leur univers de vie.

Conjointement à cette démarche, le Design Thinking, porté en particu-lier par Tim Brown (2009) propose à des non designers d’utiliser la mé-thodologie du design pour l’innovation. Dans ce cas, nous retrouvons l’approche itérative et le tâtonnement propre au design ainsi que les outils du design centré utilisateur.

D’autres disciplines mènent aussi une démarche de conception centrée utilisateur. Elle est particulièrement présente dans le domaine de l’ergonomie appliquée à la conception d’interfaces pour des logiciels informatiques ou des applications. Une norme concrétise cette approche : ISO 9241-210:2010 - Ergonomie de l’interaction homme-système - Partie 210 : Conception centrée sur l’opérateur humain pour les systèmes interactifs.

Le design centré sur l’utilisateur est une « méthode de design dans la-quelle les besoins, les attentes et les contraintes des utilisateurs sont pris en compte à chaque étape. » (Daumal, 2012)

« There was a fear that user research could constrain designing in certain situations. » (Brusenberg & Donagh-Philp, 2002)

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2.4 Spécificité françaiseEn France, le design n’est toujours pas une discipline reconnue comme source forte d’innovation par certains industriels. Il est souvent perçu comme une discipline tournée vers « l’esthétique et l’art de vivre ». Cette vision est renforcée par l’importance en France des designers stars. Pa-rallèlement, le design pratiqué en entreprise, beaucoup moins média-tique, est une démarche plus pragmatique et ancrée dans la rationalité du monde industriel. Le design centré utilisateur est directement lié à cette pratique du design en entreprise alors que l’intuition est plutôt mise en avant par les designers stars.

Selon Richard Buchanan (2001), cette vision dichotomique aurait pour origine la sépa-ration faite au seizième siècle entre les arts manuels et la technique. Elle se serait ma-nifestée par la mise en valeur de la théorie dans les universités : ce qui était tangible et concret a été attribué au domaine des arts.

Cette « vision dichotomique » est doublée d’une opposition entre création et business propre à la France.

Cette double vision oppose d’un côté les sciences de l’ingénieur, la technologie, la fonctionnalité, la raison et de l’autre les arts manuels, l’esthétique, l’émotionnel et l’intuition. Elle est présente à la fois dans les pratiques du design et dans notre opposition entre création et business.

Sommes-nous sûrs de cette séparation entre des outils rationnels et une démarche intuitive ? N’y a-t-il pas au contraire une complémentarité entre les deux plus importantes que ne le laisse entendre cette « vision dichotomique du design » ?

Dans ce cas, les outils utilisés sont quasiment les mêmes que pour le design centré utilisateur (Ergolab, 2004). Ils sont cependant destinés à être menés par les respon-sables de la démarche de conception. Le designer n’a pas un rôle central et intervient principalement en tant que spécialiste sur l’aspect visuel.

Nous cernons donc que le design centré utilisateur ne correspond pas exactement à la pratique du design industriel telle qu’elle est apparue au début du vingtième siècle. C’est une discipline nouvelle et son lien avec le développement considérable du digi-tal en fait une approche majeure.

« La France souffre d’une vision di-chotomique du design. Cette vision n’est autre que la transposition au de-sign de la distinction entre innovation technologique et non technologique. Ainsi, coexistent et s’opposent sou-vent une vision du design centrée sur la technologie et la fonctionnalité, et une vision axée autour de l’esthétique et de l’art de vivre. » (Morand & Manceau, 2009)

« De nombreux pays anglo-saxons et asiatiques « vivent de manière beaucoup plus ouverte – et très di-rectement intéressée ! – les rapports entre Création et business. Leurs en-treprises, y compris de taille inter-médiaire ou modeste, savent mieux reconnaître le designer comme le spé-cialiste du rapport aux objets et aux services (sous leurs formes concrètes), capable de les rendre à la fois fonc-tionnels et désirables : elles tirent ainsi profit de son intelligence sensible et émotionnelle. » (Roques, 2012)

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2.5 Thème de rechercheNous avons donc mis en évidence trois des pratiques du design : le design centré utilisateur pour le monde du digital, le design en entreprise et une vision plus orien-tée vers « l’esthétique et l’art de vivre ». La démarche intuitive semble clairement liée à cette dernière vision alors que les deux autres seraient des approches plus ration-nelles.

Le design centré utilisateur, tout comme le design en entreprise, n’est-il pas aussi, en partie, une démarche intuitive ? Est-ce que cette démarche fait appel à l’intuition et sous quels angles ?

A partir de cette première discussion, nous proposons d’aborder dans ce mémoire le rôle de l’intuition pour le design centré utilisateur.

Nous commencerons cette recherche par une revue de littérature sur le design centré utilisateur et l’intuition. Il sera vu autour de trois niveaux : la méthodologie générale du design centré utilisateur, les outils que cette discipline utilise et l’attitude des desi-gners. Nous présenterons l’intuition au travers des recherches portant sur son utilisa-tion pour le management en général tout en expliquant les liens avec le design.

A partir de ces informations, nous proposerons plusieurs hypothèses sur le rôle de l’intuition pour le design centré utilisateur. Elles seront la base de notre étude terrain qui aura pour objectif de les vérifier au travers d’interviews de designers. Nous termi-nerons ce mémoire par une discussion à partir des éléments recueillis.

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Nous avons donné une première définition du design centré utilisateur. Cette dis-cipline, relativement jeune, prend ses racines dans le design et est principalement orientée vers la conception de sites internet et d’applications mobiles. Dans ce cha-pitre, nous utiliserons volontairement les deux termes car la frontière entre les deux pratiques est mince.Nous commencerons par l’explication de la méthodologie du design centré utilisa-teur, puis nous décrirons les outils qu’elle utilise. Comme nous l’avons évoqué plus tôt, l’utilisation et la nature de ses outils ont évolué dans le temps afin de s’adapter à leur environnement et en particulier à la nature des produits auxquels ils s’appliquent. Ces outils ont été, pour la plupart, initialement utilisés par le design en général.

Afin d’avoir un panorama des outils du design, nous proposons une lecture chronolo-gique en trois étapes :- les outils initiaux utilisés dès l’origine du métier du design,- les outils liés à la révolution numérique et au retour des sciences sociales,- les outils du design de service.A chaque étape, nous replacerons les évolutions dans leurs contextes et nous décri-rons les outils les plus importants et les plus significatifs. L’attitude du designer étant liée à l’émotion et l’empathie, nous la traiterons dans la deuxième partie, au travers de l’intuition.

3 LE DESIGN CENTRÉ UTILISATEUR

Le design est une démarche fonctionnant autour de la notion de projet. Ceci induit qu’il y a un début et une fin avec plusieurs phases entre les deux. Il n’existe pas une définition universelle du design et plus particulièrement du design centré utilisateur. Plusieurs approches existent et chacune apporte un éclairage sur ce processus. Nous commencerons par la vision plutôt linéaire proposée par Jesse James Garrett (2010), puis nous présenterons celle proposée par Sylvie Daumal (2012) et Tim Brown (2009), qui se rapproche de celle du design en général.

3.1 La démarche

3.1.1 UnedémarchelinéaireLa méthodologie proposée par Jesse James Garrett (2010) est issue de son expé-rience dans la conception de sites web. Il propose de partir des fondations, le plus abstrait pour aller vers le concret. Il a défini cinq étapes : la stratégie, l’envergure, la structure, l’ossature et la surface. Le déroulement qu’il propose est plutôt linéaire : son approche suit ces différents niveaux. Il insiste juste sur l’importance de faire chevau-cher les étapes et de ne pas en clôturer une tant que la suivante n’est pas suffisamment avancée (fig. 6).

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Fig. 6 - Les cinq plans du design centré utilisateur selon Jesse James Garrett.

Fig. 7 - The Process of Design Squiggle

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Surface

Ossature

Structure

Envergure

Stratégie

Concret

Abstrait

Surface : aspect visuel du site ou de l’interface.

Ossature : organisation des différents éléments comme les boutons, les textes ou les images qui composent une page.

Structure : organisation des différentes pages les unes par rapport aux autres.

Envergure : les fonctions et caractéristiques demandées du site ou de l’interface.

Stratégie : objectifs et buts à atteindre pour le projet.

A chacune de ces étapes, il utilise des outils centrés utilisateurs tel que nous les dé-crirons comme les focus groups, les interviews ou les personas pour valider les choix. Cette approche, profondément différente de celle des designers, est particulièrement reconnue parmi les pratiquants du design centré utilisateur pour la conception de sites internet et d’applications mobiles.

Une autre approche est celle proposée par Tim Brown (2009). Elle se caractérise par trois phases : l’inspiration, la conceptualisation et la réalisation. L’inspiration, ou re-cherche, consiste à recueillir les informations nécessaires au projet en explorant, par exemple, le comportement des utilisateurs, le rôle des différents intervenants ou bien les contraintes techniques. La conceptualisation est la phase de génération des idées, de confrontation entre les différentes solutions ou d’amélioration des propositions les unes par rapport aux autres. La réalisation consiste à concrétiser le projet pour qu’il devienne une réalité tangible.

Recherche Concept Prototype

3.1.2 Unedémarcheitérative

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Ce processus non linéaire est composé d’une succession d’idées qui sont testées puis abandonnées pour en laisser émerger de nouvelles : Il est itératif et d’apparence très chaotique comme le montre le schéma ci-dessus (fig. 7). C’est une série de boucles qui s’enchevêtrent et se nourrissent mutuellement. Très rapidement, les designers font des maquettes ou des prototypes qui ont pour objectif de concrétiser une idée, de la rendre tangible et surtout d’avoir un support pour la critique afin de faire évoluer le projet vers la maquette suivante qui sera plus aboutie.Sylvie Daumal (2012) insiste sur l’aspect non sériel de cette démarche. Le design est orienté vers l’innovation et donc vers l’inconnu. Il est normal d’avoir des tâtonnements ou de devoir revenir en arrière pour sortir d’un schéma sans issu.

La démarche design se caractérise aussi par une double approche di-vergente puis convergente. Dans un premier temps, le designer explore les pistes possibles et recherche des alternatives aux solutions initiales puis il réalise un tri avec l’aide de l’expérimentation pour arriver à la so-lution représentant le meilleur compromis, une synthèse de l’ensemble des contraintes.

Nous venons de décrire deux visions de la démarche design centré utilisateur : une linéaire très répandue dans le design centré utilisateur pour le web et les applications digital et une autre, itérative et plus proche de la pratique dans le design en général. Pour compléter cette revue de littérature sur le design centré utilisateur, nous allons maintenant explorer les outils utilisés par cette démarche.

Commençons par les premiers outils utilisés par les designers. Ils ont servis de base de travail pour les designers dès l’origine du métier. Raymond Loewy (1951), par exemple, a pratiqué des interviews sur le terrain. Il réalisait régulièrement des prototypes et les testait auprès d’utilisateurs pour observer leur comportement.

Le rôle de ces outils est essentiel pour un designer. Melody Roberts (2001) insiste sur l’importance d’une recherche sur le terrain au préalable d’un projet design. Selon elle, en l’absence d’étude terrain concrète, les designers ont tendance à utiliser des stéréo-types construits à partir de généralités, en particulier sur la vie de l’équipe design, qui

n’est que rarement le reflet des utilisateurs finaux des produits. Il manque alors le lien avec la réalité, avec tous les détails qui la composent et qui font la richesse d’une véritable démarche centrée utilisateur.

3.1.3 Conclusiondémarche

3.2 Les outils initiaux

« Si la phase convergente de résolu-tion du problème est ce qui nous fait progresser vers des solutions, l’objec-tif de la pensée divergente est de mul-tiplier les options pour créer des choix. » (Tim Brown, 2009)

« Je me rendis à la gare de Pennsylvanie et passais trois jours à étu-dier de visu la question des poubelles. Pendant des heures, j’observai les voyageurs, les abonnés, les flâneurs, dans leurs rapports les plus in-times avec une boîte à ordures de gare. J’appris une quantité de choses et retournais à ma planche à dessin. Au bout de quelques jours, j’avais terminé plusieurs projets, prêts à être soumis à la direction. Je ne fus pas reçu par Clément. Quelqu’un choisit un de mes dessins, d’après lequel un petit nombre d’échantillons furent fabriqués et placés à des points stratégiques de la gare de New York, où j’observai leur comportement. » (Loewy, 1951)

« When design research is omitted, the design team resorts to imagining people and their experiences by using familiar design tools such as brainstor-ming and collage. » (Roberts, 2001)

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Les designers ne sont pas des vrais utilisateurs. Ils ont souvent développé un sens aigu de l’analyse des produits et ne peuvent donc pas baser leur choix sur leur propre réaction d’expert. A l’inverse, les véritables utilisateurs vont utiliser le produit pour la première fois sans le connaître et ne seront souvent que des utilisateurs occasionnels.

Les outils d’analyse ont plusieurs objectifs pour le design. Le premier est, comme nous venons de le décrire, de comprendre les utilisateurs, leur mode de fonctionnement et leur environnement. Le deuxième est de pouvoir impliquer les différents intervenants d’un projet afin que chacun puisse intégré dans cette compréhension des utilisateurs. Le troisième est de pouvoir partager les informations recueillies et l’analyse réalisée auprès des personnes extérieures.

Ces outils sont relativement anciens comme nous le montre l’exemple de Raymond Loewy (1951). Par contre, leur utilisation n’est pas systé-matique, faute de temps, de moyens ou par méconnaissance de leur intérêt.

3.2.1 LesinterviewsLes interviews sont vraisemblablement l’un des outils les plus simples et les plus pra-tiqués. Ils peuvent être réalisés suivant différentes formes. Une des premières distinc-tions est le lieu. L’interview peut être mené dans l’univers de vie de l’utilisateur, sur le lieu d’utilisation du projet ou bien hors de ce contexte. Dans le premier cas, nous parlerons d’interview contextuel.C’est la forme privilégiée par le design. Elle permet d’associer la parole avec des ob-servations directes et des manipulations. En effet, il peut y avoir des grandes dispari-tés entre ce que l’utilisateur dit et ce qu’il fait véritablement. L’utilisateur se sent aussi plus à l’aise et plus libre quand il est dans son propre univers. Il est aussi possible de prendre des vidéos ou des photos du lieu d’utilisation. L’interview contextuel donne une vision plus humaine et plus globale de l’utilisateur.L’interview peut être mené de plusieurs manières. Par exemple, lors d’un interview directif, une liste d’une trentaine de questions préalablement établies sera posée. Il est aussi possible d’avoir une approche plus libre et de laisser l’utilisateur s’expri-mer sur un sujet sans véritable guide. Cette forme met en évidence les associations conscientes et inconscientes que va faire l’utilisateur.

Il existe plusieurs typologies d’utilisateurs à interviewer. Les plus naturels sont les utilisateurs directs. D’autres catégories représentent aussi un grand intérêt, comme les utilisateurs experts et les utilisateurs extrêmes.Les utilisateurs experts sont ceux qui au sein d’une entreprise, sont directement en contact avec les utilisateurs réels. Ils ont souvent une bonne connaissance de ce que les utilisateurs ressentent.Les utilisateurs extrêmes utilisent de manière intensive le produit ou le service étudié : ils vont mettre en évidence des détails qu’un utilisateur occasionnel n’aurait pas vus. Ils sont ainsi une source d’innovation forte.

« Even when designers become users, their deep understanding and close contact with the device they are de-signing means that they operate it al-most entirely from knowledge in the head. The user, especially the first-time or infrequent user, must rely almost entirely on knowledge in the world. That is a big difference, fundamental to the design. » (Norman, 1988)

« The opportunity for informal dis-cussion with users was considered helpful to designers. It was obser-ved that it might be useful to bring in techniques beyond the discus-sion activities. Observation tech-niques were recognised as useful, especially when expert users are involved. » (Bruseberg & Donagh-Philp, 2002)

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3.2.2 L’observationL’observation est l’approche décrite par Raymond Loewy (1951) pour le projet de pou-belle. Son premier intérêt est d’être une méthode peu intrusive. Elle consiste à s’im-miscer dans la vie des utilisateurs et à observer les comportements sans intervenir et sans poser de questions. Elle permet de sortir du déclaratif, c’est à dire d’observer des comportements qui n’auraient pas été cités lors d’interviews ou même des comporte-ments opposés à des témoignages.

Cette approche est intéressante car elle demande certaines disposi-tions de la part du designer. La plus importante est l’empathie grâce à laquelle le designer est capable de comprendre le comportement de l’autre et surtout de décrypter le langage non-verbal des utilisateurs pour identifier les besoins qu’ils ne peuvent pas toujours exprimer.

3.2.3 LesprototypesLe prototype est un outil très puissant. Il formalise une idée abstraite en une réalité tangible et facile à partager. Il prend la forme d’une maquette réelle dans le cas d’un produit physique ou bien d’une simulation pour une interface. Dans le cas d’un ser-vice, le prototype pourra être une simulation telle que nous le décrirons dans le jeu de rôle ou la mise en scène.Le prototype est utilisé dans des tests utilisateurs, durant des focus groups ou des in-terviews individuels. Mais il a aussi un rôle essentiel en interne. Il favorise le consensus autour d’une solution commune entre les différents intervenants du projet. Il donne une réalité concrète au projet, résolument tournée vers l’utilisateur. Il offre une vision totale, complète et non partielle.

Par exemple, il est systématiquement utilisé par l’agence IDEO :

En réalité, il ne s’agit pas de voir le prototype comme une fin mais comme une étape en mouvement. C’est un support concret pour la créativité et le passage à une étape

suivante. Le design en tant que source d’innovation, à besoin de passer par cette phase réelle pour imaginer des solutions nouvelles. Cette ap-proche au travers du prototype est vitale (Boland, 2004).

Les prototypes sont utiles durant chaque phase d’un projet. Durant les phases initiales, le design privilégie les « dirty prototypes » volontaire-ment sommaires afin de ne pas figer l’objet et de le rendre modifiable au fur et à mesure des remarques et des idées de l’équipe.

Pour les phases finales, à l’inverse, les prototypes deviendront de plus en plus réalistes à cause de l’importance croissante des détails et de la finition.

« Leonard and Rayport (1997) suggest an alternative to traditional market re-search methods, such as focus groups, called “empathic design“ based on the finding that members of discussion groups can only report needs they are consciously aware of. They argue that true innovation can only stem from ob-serving people using products in the context of a natural setting, such as the home environment. » (Bruseberg & Donagh-Philp, 2002)

« Give your management team a report and it is likely they won’t be able to make a crisp decision. But a prototype is a spokesperson for a parti-cular point of view, crystallizing the group’s feedback and keeping things moving. At IDEO we have found that a good prototype is worth a thousand pictures. Good prototypes doesn’t just communicate, they persuade. »(Kelley & Littman, 2001)

« Prototypes should command only as much time, effort, and investment as are needed to generate useful feed-back(s) and evolve an idea. The more “finished” a prototype seems, the less likely its creators will be to pay atten-tion to and profit from feedback(s). The goal of prototyping isn’t to finish. It is to learn about the strengths and weaknesses of the idea and to identify new directions that further prototypes might take. » (Brown, 2008)

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Fig. 5 - Focus group

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3.2.4 LesfocusgroupsLes focus groups procèdent d’une technique relativement ancienne. Ils sont apparus après la seconde guerre mondiale dans les sciences sociales. A partir des années 80, à cause de leur simplicité de mise en œuvre, leur utilisation s’est fortement intensifiée. Ils sont très pratiqués, par exemple, par le marketing pour évaluer un produit ou un ser-vice. Comme l’explique Anne Bruseberg et Deana Donagh-Philp (2002), ils consistent à rassembler autour d’un modérateur une douzaine de personnes préalablement sé-lectionnées selon des critères définis durant la préparation de l’étude. Cette sélection a pour objectif d’avoir un panel représentatif de la cible du produit ou du service.Durant une session de une à deux heures (fig. 8), le modérateur aura pour objectif d’animer la discussion autour du sujet souhaité afin de récolter les avis du groupe. Les informations issues d’un focus group sont de nature quantitative (taux de réponse aux questions posées par exemple) et qualitative (verbatim, expériences personnelles, avis croisés).Les intérêts des focus groups sont multiples. Le premier est l’effet de groupe : la sy-nergie entre les participants est essentielle. Elle permet de comparer les idées, de stimuler, d’encourager la discussion et l’expression. Leur relative simplicité est aussi importante : à partir de quelques focus groups, il est possible de recueillir l’avis d’une population beaucoup plus importante.

Le fonctionnement basé sur une discussion au sein d’un groupe avec un modérateur, laisse une certaine ouverture sur le déroulement de la discussion et sur les opinions exprimées. Les focus groups sont relative-ment faciles à organiser et ne demandent donc pas un investissement trop important.Pour le design, les focus groups sont un moyen essentiel de contact avec les utilisateurs. Ils permettent une bonne compréhension des at-tentes des utilisateurs. Aussi bien d’un point de vue fonctionnel que sur le plan de la perception visuelle, émotionnelle et de l’impact sociolo-gique (Bruseberg & Donagh-Philp, 2000).

Les focus group présentent des risques. Le premier est la déconnexion par rapport au lieu de vie. Ils sont très souvent organisés dans un lieu neutre (salle de réunion). Cela signifie que les utilisateurs d’un produit ou d’un service ne sont pas dans les condi-tions réelles d’utilisation.Les participants sont dans la parole et l’expression et non sur des faits : ils expriment par exemple la manière dont ils utilisent un produit quotidien, mais nous ne les voyons pas l’utiliser dans le contexte réel. Ils expriment ce qu’ils pensent alors que le design cherche à savoir ce qu’ils font réellement. Les utilisateurs ne savent pas exprimer clairement leurs attentes. C’est particulière-ment vrai lorsque nous souhaitons tester un projet qui amène une rupture compor-tementale forte et qui va créer de nouveaux besoins. Etudier les besoins des futurs utilisateurs sur une tablette tactile deux ans avant que ce marché n’apparaisse n’aurait surement pas donné des résultats tangibles lors de focus groups et n’aurait pas dé-montré les usages qui sont devenus maintenant courants. Enfin, l’effet de groupe est générateur de synergie, mais il peut aussi avoir un effet contre productif : il ne permet pas toujours d’avoir les avis précis de chacun, tout par-ticulièrement quand un des participants se comporte en leader et que le modérateur ne parvient pas à le maîtriser.

« The group interaction (the synergy) was appreciated as being potentially useful to stimulate thoughts through sharing and comparing of examples and mutual stimulation. It was reco-gnised that users appreciate the op-portunity for discussion, above ques-tionnaire form filling. » (Bruseberg & Donagh-Philp, 2002)

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3.2.5 ConclusionoutilsinitiauxL’observation, les interviews et les prototypes sont donc des outils connus du métier de designer depuis ses débuts. Plus récemment, les focus groups ont été intégrés dans cette famille d’outils. Ils ont pour vocation d’aider le designer à cerner correc-tement les besoins et les comportements des utilisateurs pour que la démarche ne se base pas uniquement sur l’expérience propre du designer. Même si nous avons souligné que certains ont été plus ou moins délaissés par les designers qui utilisaient quasiment exclusivement leur propre expérience, ces outils semblent avoir repris une place essentielle et de nouveaux sont apparus en complément.

3.3 La révolution numériqueAux Etats-Unis, les outils d’observation des utilisateurs ont été utilisés dans les années 30 et 40, durant la grande dépression et la seconde guerre mondiale. Ils ont été to-talement abandonnés dans l’après guerre, en particulier durant les années 60 et 70. Progressivement, à partir des années 80, ils seront à nouveau découverts et utilisés par l’industrie et par le design (Hafner, 1999), conjointement à l’utilisation de plus en plus fréquente des focus groups. Les designers sont donc revenus vers ces outils initiale-ment utilisés comme l’observation et les interviews.Durant les années 90, nous pouvons constater une modification importante dans les pratiques du design. Très souvent les designers avaient laissé la charge de l’ana-lyse des utilisateurs au marketing. Or il apparaît que les études marketing tradition-nelles utilisées par le design comme base de départ des projets (focus group, étude consommateur, segmentation) ne sont pas suffisantes. Plusieurs équipes de design, se sont rendu compte qu’il y avait une différence notoire entre les informations recueil-lies, le comportement réel des utilisateurs et la manière dont ils vivent. Elles ont donc recherché des moyens plus adaptés.Les sciences humaines, comme l’ethnographie, ont permis de découvrir des outils capables d’avoir une bien meilleure connaissance des utilisa-teurs, de leur environnement et de leur comportement (Wasson, 2000, Posner, 1996, Hafner, 1999).Cependant, à la différence de l’étude académique, le design utilise ces outils comme point de départ d’un projet et non comme une finalité en soi.

3.3.1 Changementdel’environnementNous allons maintenant évoquer les raisons pour lesquelles cette évolution est inter-venue.La première est l’internationalisation massive de certains produits. Elle a imposé aux designers la prise en compte d’un élément nouveau : le facteur culturel. Un même produit dans un contexte culturel différent n’aura pas le même sens, ne sera pas compris et utilisé de la même manière. Il devient donc essentiel de comprendre et d’analyser ces différences de comportement.

La deuxième raison est l’importance croissante des produits techno-logiques à partir des années 90. Ces produits proposent de nouveaux usages, bouleversent nos habitudes et viennent s’immiscer dans nos vies quotidiennes.

« An important difference exists between academia and design. In academia, interpretation of research is often the goal, and publication is the final step. In design, interpretation of research merely provides the founda-tion for the rest of the project. » (Roberts, 2001)

« The context is really critical. If we want to develop technologies that really fit into the way people live their day-to-day lives, then we have to un-derstand how people really live. »(Hafner, 1999)

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Pour qu’ils répondent à de véritables besoins et soient acceptés, il est essentiel pour le design d’avoir une connaissance très fine des comportements des utilisateurs. Pour cela, les méthodes précédemment citées comme les interviews ou l’observation vont

être particulièrement utiles. Ils donneront les bases nécessaires pour une étude en profondeur.

L’accélération du temps est un autre changement important. Les tech-nologies avancent de plus en plus vite et proposent en permanence de nouveaux produits qui ouvrent de nouveaux usages. Cette accélération est particulièrement déstabilisante pour les utilisateurs. Le rôle du de-signer est de favoriser l’acceptation de ces produits en jouant l’arbitre entre les potentiels technologiques et les besoins des utilisateurs (Ve-rizer & Borja De Mozota, 2005). L’arrivée massive des interfaces riches comme les smartphones, les tablettes, les ordinateurs ou les téléviseurs connectés ont modifié les métiers du design. Il y a maintenant des designers spécialisés dans les interfaces et des méthodes spécifiques sont apparues (Daumal, 2012 et Garrett, 2010). Le design d’interface va se préoccuper non seulement

du graphisme mais aussi de la navigation, des enchainements et de la répartition des informations sur chaque page.Un des rôles majeurs du designer sera d’avoir des produits centrés utilisateurs et non techno centrés. Il devra éviter d’ajouter des fonctions parce qu’elles sont possibles techniquement mais plutôt parce qu’elles répondent à un réel besoin. La tentation est forte car ces produits ont acquis des capacités incroyablement importantes. Les limitations proviennent de moins en moins de la technologie. Les choix possibles ont considérablement augmenté et le design joue un rôle essentiel pour que ces choix répondant à des besoins réels.Sur internet, il n’y pas de notice pour expliquer l’utilisation d’un site web. L’utilisateur est seul avec comme uniques ressources sa propre intelligence et son expérience. Or, un site web est un objet technologique complexe et virtuel. Il est donc essentiel de prendre en compte l’utilisateur comme objet central de la conception sur internet. La conception des sites web et par extension, des applications mobiles, a donc fait appel aux mêmes outils que ceux du design. En complément des outils cités précédemment, de nouveaux ont donc été utilisés par les designers. Ils ont pour objectif de répondre aux évolutions évoquées, de notre environnement. Ils sont particulièrement utiles pour le partage et la visualisation. Face à la complexité des projets traités et à la taille des équipes et des intervenants, il est essentiel d’avoir des moyens efficaces de partage de l’information. Le design, par sa

capacité à réaliser des représentations visuelles, a un rôle majeur à jouer dans la réalisation de ces outils de partage.

Nous ne citerons que les outils qui nous semblent les plus significatifs et les plus importants : les personas, les scénarios et les storyboards. D’autres sont aussi couramment utilisés comme par exemple le tri de cartes.

« «But it is in the high-tech arena, with intense pressure and high rate of pro-duct failures, that studying consumers’ habits at very close range is currently most popular», Dr. Squires said. «We go out into the consumer space, into people’s homes - we go to where the people are,» said Tony Salvador, an ex-perimental psychologist at Intel, where he is called a design ethnographer. «If we’re interested in their homes, we go there. If we’re interested in what they do on vacation, we go on vacation with them.» » (Hafner, 1999)

« Visualization becomes a valuable tool for communication between project team members and for coordination as well as decision-making. Visualiza-tion involves transforming “personas” (representations of behavioral and motivational aspects of target users) and use scenarios of target customers into a more tangible (product) form. » (Verizer & Borja De Mozota, 2005)

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BORIS «Je veux juste pouvoir travailler

afin de pouvoir prendre soin de

ma famille»

Age : 50 ansFormation : Boris a eu un CAP de mécanicien. Il a commencé à travailler juste après.Famille : Boris est marié et vit avec sa femme dans une pe-tite maison de bourg. Ils ont deux enfants adolescents vont à l’école.Revenus familiaux : Boris et sa femme gagnent 3400 Euros par mois.

Profil : Boris a travaillé dans plusieurs carrières de la région. Il a commen-cé par être mécanicien dans un petit garage proche de chez ses parents puis il a voulu changer et travailler sur des plus gros véhicules. Il a donc chercher un poste comme mécanicien dans les carrières de la région.Boris a un ordinateur à la maison, mais pour un usage très limité. Ce sont surtout ses enfants qui l’utilisent. Il rentre souvent fatigué le soir et prefère s’occuper de son jardin ou regarder la télévision.Usages d’internet : Boris regarde de temps en temps sa messagerie et va sur le web pour consulter les sites sur les plantes, sa passion.Souhaits et besoins : Boris se sent dépassé par internet et l’usage qu’en font ses enfants. Il ressent bien qu’il pourrait en tirer plus d’informations, mais ne sait pas comment s’y prendre et a peur de faire des bétises.

Fig. 6 - Exemple de persona

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3.3.2 LespersonasLes personas (fig. 9) sont un des outils essentiels du design centré utilisateur. Persona est un mot latin dérivé du verbe « personare », signifiant « résonner », « retentir ». Il dé-signait un masque de théâtre équipé d’un système de porte-voix. Progressivement, ce mot a désigné l’acteur puis le personnage joué (Encyclopédie Universalis).

A l’origine, c’est un terme utilisé en marketing pour les recherches com-portementales sur les utilisateurs. Ce concept a été adopté par les de-signers sous l’impulsion d’Alan Cooper (1999). Les personas sont des personnes fictives utilisées dans le développement d’interfaces, de produits ou de services. Il s’agit d’archétypes d’utilisateurs possibles du produit développé auxquels les concepteurs pourront se référer lors du processus de conception.

Les personas sont construits sur la base d’une étude précise des utilisateurs actuels et/ou potentiels d’un produit. Présentés sous forme de fiche, ils comprennent différentes informations pour les identifier : prénom, âge, profession, compétences, traits de per-sonnalité, environnement de vie/travail, etc. avec un peu d’histoire personnelle pour leur donner une réalité. Toutes ces caractéristiques sont relatives à l’usage du produit et doivent se répercuter sur la conception du produit.

Les personas sont différents des profils utilisateurs. Ces derniers sont basés sur des données statistiques et générales (besoins, catégories socio-professionnelles, contraintes, limitations…). Les personas sont basés sur des données objectivement obtenues lors d’interviews (buts, attentes, comportements, attitudes, ce qu’il aime, ce qu’il déteste…).

Les personas ne sont pas non plus des segments de marché. Ce sont deux outils différents qui ne servent pas la même utilité. Les segments de marché ont pour rôle de détecter quels types de consommateurs seront intéressés par un pro-duit spécifique. Ils sont, cependant totalement inefficaces pour connaître les scénarios d’utilisation du produit et déterminer les caractéristiques et le fonctionnement précis d’un produit. Les segments de marché donnent une vision quantitative alors que les personas sont plus orientés vers une vision qualitative.

En fonction de l’importance du projet et des moyens disponibles, plu-sieurs approches sont possibles pour créer cet outil. Les personas quali-tatifs sont les plus simples à mettre en œuvre et surtout les moins chers. Ils sont basés sur des entretiens et des observations. Le risque est la mauvaise interprétation à cause du faible nombre d’entretiens.La construction des personas quantitatifs se passe en deux temps. Tout d’abord, des interviews et des observations sont réalisés comme pour

une étude qualitative. A partir des données recueillies, plusieurs hypothèses sont émises. Elles peuvent être qualifiées avec une étude quantitative.

Les personas sont un outil de partage sur les utilisateurs pour l’équipe projet. Ils ont pour objectif de créer de l’empathie en donnant une ré-alité concrète aux différentes typologies d’utilisateurs et de prendre en compte l’ensemble des attentes détectées lors des études consomma-teurs. Ils doivent être affichés pour forcer l’équipe à rester centré sur l’utilisateur tout au long du projet car les concepteurs ne sont pas les utilisateurs. On ne peut concevoir en se basant sur « l’homme élastique » (Cooper, 1999) et l’on doit avoir une idée plus précise de ceux qui vont utiliser notre création. En analyse amont, les personas permettent d’identifier et de hiérarchiser les besoins réels. En conception, ils servent à rester concentré sur les besoins réels. Lors du développement, ils sont utiles pour ne pas glisser vers l’auto référencement et durant la vie du produit pour le suivi de la satisfaction de l’usager.

« An actor intuits details of the charac-teris behavior in new situations. A desi-gner, developer, or tester is supported in doing the same for the people on whom a Persona is based. » (Pruitt & Rudin, 2003)

« Personas bridge the gap between market segments and product defini-tion. » (Brechin, 2002)

« Invended users can be a bud-get-conscious, time-sensitive, and ex-tremely valuable device to help you and your team make decisions about the project at hand. » (Baer, 2008)

« Whenever we say or do something, we anticipate the reactions of other people. Misjudgments stand out in memory, but we usually get it right. Personas invoke this powerful human capability and bring it to the design process. Well-crafted Personas are generative: once fully engaged with them, you can almost effortlessly project them into new situations. In contrast, a scenario covers just what it covers. » (Pruitt & Grudin, 2003)

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3.3.3 LesscénariosLes scénarios permettent de donner vie aux personas. Ils décrivent les différentes étapes de l’utilisation d’un produit ou d’un service. Ils se présentent sous la forme d’écrits, d’une suite d’images ou d’une vidéo. Les scénarios sont une des bases du design centré utilisateur. Lors de la création d’un nouveau service ou d’un nouveau produit, ils confrontent le projet à la réalité de l’utilisateur, le remettent dans son contexte et racontent ce qui se passe avant et après l’utilisation du produit.Il y a souvent un conflit entre ce que nous pensons et ce qui est réellement nécessaire : il est difficile de se mettre à la place de l’utilisateur. Le rôle des scénarios est d’imposer au design de se mettre à la place de l’utilisateur et de mieux cerner les problématiques en prenant conscience des différentes étapes de l’utilisation du produit.Les scénarios sont essentiels pour rendre concrète et cohérente la problématique à résoudre :

Les scénarios sont à la fois concrets et flexibles. Ils sont simples à modifier et à faire évoluer. Au début, ils sont succincts et peu développés. Au fur et à mesure de l’évolu-tion du projet, ils deviennent plus précis et amènent plus de détails sur les différentes étapes de leur déroulement. Ils sont accessibles à l’ensemble des membres et inter-venants du projet. Ils sont faciles à partager, à l’inverse d’une liste de spécifications techniques.Chaque modification du design d’un produit peut avoir des consé-quences sur plusieurs facettes de celui-ci et donc sur plusieurs scéna-rios autour de ce produit. Le design doit donc en permanence naviguer entre ces différentes contraintes et mesurer les conséquences sur cha-cun des acteurs différents du produit.L’approche scientifique cherche à simplifier le monde dans lequel nous sommes pour le rendre plus compréhensible. Elle privilégie la séparation des pro-blèmes les uns par rapport aux autres pour faciliter leur étude. Or, un produit ou un service évolue dans une réalité infiniment plus complexe avec des problématiques étroitement imbriquées.Des contraintes externes au projet viennent perturber le travail du desi-gner : les vrais clients ne sont pas ceux que l’on nomme dans le projet. Par exemple, les médecins ne sont pas les principaux utilisateurs des hôpitaux : ce sont en réalité les patients. Pourtant, ce sont rarement ces derniers qui sont impliqués dans les choix. Le rôle d’un scénario est de mettre en évidence le point de vue du véritable utilisateur et de le re-mettre au centre de la démarche de conception.

Les personas sont aussi un outil très utile pour anticiper les réactions des futurs utilisa-teurs. Par essence, un projet innovant qui prend en compte ce que sera le monde de demain ne peut pas uniquement se baser sur des comportements qui ont été obser-vés sur des utilisateurs. Les personas, en donnant une vision plus large et une compré-hension du fonctionnement mental des futurs utilisateurs sont utiles pour anticiper les réactions futures.

« Scenarios are stories. They are stories about people and their activities. » (Carroll, 2000)

« It is a coherent and concrete vision, not an abstract goal or a list of requirements. Elements of the envisioned system appear in the scenario embedded in the user interactions that will make them meaningful to the user - perhaps revelatory, perhaps cryptic, but definitely more than just technological capabilities. » (Carroll, 1999)

« Design analysis is always indeter-minate, because design changes the world within which people act and ex-perience. » (Carroll, 2000)

« The designer can become “unsi-tuated” with respect to the real design situation, which is not the marketing manager’s projections, or the instruc-tional designer’s list of steps, or the software engineer’s system decompo-sition. The real design situation is the situation that will be experienced by the user, and designers need to stay focused on that. » (Carroll, 1999)

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Fig. 10 - Exemple de storyboard

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3.3.4 LesstoryboardsUn storyboard est une forme visuelle de scénario : c’est une suite d’images ou de des-sins, comme une bande dessinée, expliquant le déroulement de l’utilisation d’un ser-vice ou d’un produit. Cette technique permet de visualiser le projet dans son contexte et de bien cerner le déroulement de son utilisation. Le storyboard peut être utilisé pour présenter un projet et pour provoquer une discussion avec différents interve-nants. Il peut être aussi présenté à des utilisateurs lors d’un focus group afin de recueil-lir leurs impressions (Van Der Lelie, 2006 – Stickdorn & Schneider, 2011).

Les storyboards (fig. 10) sont issus du cinéma : les équipes de tournage utilisent des suites de dessins représentant chaque plan afin de le pré-parer et d’anticiper les problèmes possibles. Les storyboards utilisés pour le design ont la même forme pour un usage totalement différent. Le dessin propose une vision globale immédiate capable d’être facile-ment partagée par une équipe pour la discussion.

En fonction de l’avancement d’un projet, le storyboard prend des formes différentes, au même titre qu’un scénario. Lors d’une phase initiale de recherche, le dessin est très sommaire et quasi symbolique afin de mettre en scène le contexte sans être trop pré-cis pour ne pas figer la solution. Il servira de base pour les discussions et les évolutions autour du projet.

Storyboard:L’expérienceArgos...

ARGOS

Dans une phase plus avancée, il devient plus détaillé pour prendre en compte l’évo-lution d’un projet et donner des informations plus précises. Il pourra être la base d’échanges avec des utilisateurs pour l’évaluation du projet.En phase terminale, le storyboard peut prendre la forme d’images quasi réalistes pou-vant être utilisées pour l’explication du produit en dehors du cadre de l’équipe du projet. Les storyboards peuvent être accompagnés de textes qui précisent le contenu du dessin.

« The reader can experience the visua-lised interactions by empathising with the user or the situation, like he or she would while reading a (comic) book or watching a movie. » (Van Der Lelie, 2006)

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3.3.5 ConclusionrévolutionnumériqueNous venons d’expliquer les changements intervenus dans la pratique du métier du design pour accompagner l’évolution des projets et les innovations technologiques.Cependant, il est à relever que ces outils sont essentiellement portés par le design d’interface et des produits à fort contenu technologique amenant des usages nou-veaux. Leur nouveauté n’est pas dans la prise de données au moyen des interviews, de l’observation ou des focus groups, mais dans la synthèse qu’ils proposent et dans leur capacité à favoriser l’échange au sein d’une équipe de conception. Le rôle du desi-gner est non seulement essentiel dans le processus de conception, mais aussi dans sa capacité à formaliser ces outils de synthèse et donner une vision globale des attentes des utilisateurs en les replaçant dans leur contexte.Nous allons maintenant évoquer une dernière famille d’outils plus récents. Ils pro-viennent essentiellement de l’évolution du design vers la notion de service.

3.4 Le design de service

Nous vivons actuellement une crise profonde de notre société, de ses fondements et de ses valeurs. Des évolutions majeures sont en train de s’opérer et de bouleverser notre ancien modèle. Dans ce chapitre, nous allons analyser les raisons des change-ments qui influencent durablement le champ du design et les conséquences sur la pratique de ce métier, en particulier l’arrivée d’une nouvelle notion : le design de ser-vice et les outils associés.

3.4.1 UnnouveaumondeLa globalisation et les échanges internationaux avec l’arrivée de nouveaux pays comme la Chine, le Brésil ou la Russie modifie notre vision. Le monde occidental, au-tour des Etats-Unis et de l’Europe, n’est plus le modèle. Ces pays proposent des al-ternatives, basées sur d’autres cultures et d’autres valeurs. Cette globalisation est une véritable richesse pour le design car elle favorise le mélange des idées et l’émergence de nouvelles alternatives.Les défis environnementaux imposent un changement radical. La raréfaction des res-sources naturelles, l’impact de la consommation d’énergie sur le réchauffement clima-tique, la gestion des déchets ou le recyclage sont des défis essentiels pour maintenir un avenir à notre civilisation. Le design, en particulier son approche globale de la conception, peut être un outil puissant pour les relever.Les formidables évolutions technologiques en cours comme celles liées aux Nou-velles Technologies de l’Information et de la Communication influencent des produits comme le téléphone ou la télévision. Mais les changements qu’ils entraînent sont beaucoup plus profonds et touchent directement nos modes de vie et notre société.

Au travers de sa théorie U, Otto Scharmer (2009) propose de ne pas utiliser nos an-ciens modes de fonctionnement pour imaginer le futur, mais d’en inventer des nou-veaux. Nous devons observer les évolutions nouvelles émergentes et les utiliser si nous voulons être capables de les suivre. Il suggère aussi fortement l’utilisation de

« Because our thin crust of order and stability could blow up at any time, now is the moment to pause and become aware of what’s rising from the rubble. The crisis of our time isn’t just a crisis of a single leader, organiza-tion, country, or conflict. The crisis of our time reveals the dying of an old social structure and way of thinking, an old way of institutionalizing and enacting collective social forms. » (Scharmer, 2009)

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l’empathie. C’est une vision assez proche de celle de Tim Brown (2009). Elle met en avant et explique l’importance de changements plus radicaux auxquels le design peut participer activement. Dans le cadre de cette étude, nous retiendrons en particulier les changements sociétaux induits par les nouvelles technologies. Comme l’équipe de design de Philips (1996) l’explique pour présenter sa vision du futur, les modifications de notre monde affectent deux notions essentielles de notre vie : le temps et l’espace. Même si cet ouvrage a plus de 15 ans, l’analyse qui y est faite reste en grande partie d’actualité.Le temps est affecté de deux manières opposées. La première a trait à son accéléra-tion et à l’instantanéité des informations. A l’opposé, nous sommes en quête d’instants de calme et à la recherche de notre identité et de notre culture.La perception de l’espace a été modifiée à la fois par la fin du monde bipolaire d’avant 1989 et par la multiplication des échanges physiques et digitaux. Nous avons plus peur des autres tout en ayant une tribu qui peut être sur la Terre entière.Parmi les phénomènes entrainés par ces changements, nous pouvons citer la subjec-tivité où nous sommes en quête de nos propres valeurs et de notre identité ou bien la sociabilité car nous développons une communauté virtuelle où la famille n’est plus le centre du lien social. Philips (1996) fait part aussi de la connectivité en décrivant ce qui est devenu les réseaux sociaux ou l’éthique avec notre volonté d’avoir une vision plus globale de notre vie et de notre impact sur l’environnement.Cette approche d’un nouveau monde est aussi expliquée dans un ouvrage plus récent par Jeremy Rifkin (2011). Il explique la crise actuelle comme étant la conséquence de la fin future des réserves d’énergies fossiles et le début de la troisième révolution industrielle. Celle-ci s’articule autour de la production et le stockage d’énergies renou-velables dans les bâtiments, du passage dans le domaine du transport aux véhicules électriques ou à l’hydrogène et à la mise en place d’un réseau électrique distribué intelligent.

Les deux précédentes révolutions industrielles ont profondément chan-gé nos modes de pensée, nos rapports et le fonctionnement de notre société. Rifkin (2011) explique que le même phénomène se produit ac-tuellement. La multiplication des échanges latéraux amenés par inter-net et les réseaux sociaux en est le signe le plus visible. Nous passons d’un mode de fonctionnement vertical et industriel à un mode distribué et coopératif. Cette approche privilégie aussi l’importance de la vision globale et une meilleure prise en compte de l’humain dans nos futures créations.

« A l’ère nouvelle, les marchés concur-rentiels céderont progressivement la place aux réseaux coopératifs, et le ca-pitalisme vertical sera graduellement marginalisé par les forces neuves du capitalisme distribué. » (Rifkin, 2011)

3.4.2 ExpérienceutilisateursUne des conséquences importantes de ces changements pour les designers est la prise en compte de l’expérience utilisateur. La notion d’expérience utilisateur (ou UX pour User eXperience en anglais) est une notion assez ancienne. Ces origines remontent à la Seconde Guerre Mondiale (Scapin, Senach, Trousse & Pallot, 2012). Son véritable essor s’est fait durant les années 2000, conjointement à celui d’internet et des appareils mobiles comme les téléphones et les tablettes. Elle est issue des sciences humaines et a pour objectif de qualifier l’en-semble des ressentis qu’un utilisateur va avoir face à un produit ou un service. Elle fait appel à des notions rationnelles comme la simplicité d’utilisation ou l’utilité telles que nous les trouvons dans le design centré utilisateur et à des notions plus hédoniques comme l’émotion, le plaisir ou l’engagement. L’expérience utilisateur, au même titre que le design centré utilisateur, met l’utilisateur au centre de la conception.

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Fig. 11 – Logo et veste Guy Cotten

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Dans notre société, une grande partie des personnes vit dans une cer-taine abondance. Nos besoins matériels sont en majeure partie satis-faits. Lorsqu’une entreprise crée un nouveau produit, la réponse fonc-tionnelle est une condition minimale mais elle ne peut être la seule. Nous sommes à la recherche d’objets proposant une expérience plus riche (Brown, 2008, Stickdorn & Schneider, 2011, Pace, 2011).

Cette expérience peut se traduire par la distinction qu’un produit est capable de traduire : donner le sentiment d’appartenir à une tribu qui

partage des valeurs équivalentes et adopter un mode de vie équivalent. Acheter un ciré Guy Cotten (fig. 11), c’est faire partie de la tribu des adeptes des écoles de voile et des marins. Les valeurs associées sont la culture du marin, le sens de l’usage, le patrimoine local et le savoir-faire.

La notion du plaisir est aussi un moteur important de cette expérience : le plaisir de posséder, d’utiliser, de regarder ou de toucher. Ce comportement hédoniste et immé-diat est à l’opposé du contenu des propos suivants :

Le design, en charge de la sémantique d’un produit, joue un rôle majeur dans le plaisir qu’un objet produit.

Appliquée au design, l’expérience utilisateur a plusieurs facettes. Elle fait non seule-ment référence à la globalité des perceptions d’un utilisateur face à un produit, mais aussi à la globalité des points de contact entre l’utilisateur et l’entreprise. Très souvent, lors de la conception d’un produit, le design va s’occuper uniquement de ce produit et de son usage. Lorsqu’un utilisateur souhaite acheter ce produit, il va, en réalité, passer par plusieurs étapes, avant et après l’utilisation du produit. A titre d’exemple, il ira sur internet pour le connaître ou aller le voir dans un magasin. Après l’achat, il devra peut-être appeler le service consommateur de l’entreprise ou retourner sur internet pour rechercher une notice perdue.L’expérience utilisateur ne peut donc se résumer uniquement au produit physique mais doit prendre en compte l’ensemble de ces points de contacts.

Au-delà de la réponse à un besoin précis apportée par un produit, les utilisateurs at-tendent de l’étonnement et de la surprise. Ils souhaitent que l’entreprise aille au-delà de leurs attentes. Nous recherchons de l’authenticité et de l’unicité, une expérience plus riche, plus émotionnelle et plus porteuse de sens. Cette expérience est une com-binaison entre le produit, le service proposé autour et les informations données. Elle est porteuse de valeurs plus larges que purement fonctionnelles comme l’éducation, la santé, le partage ou la communication (Brown, 2008 – Stickdorn & Schneider, 2011 - Pace, 2011).

« Not just function but also DESIGN. It is no longer sufficient to create a pro-duct, a service, an experience, or a li-festyle that’s merely functional. Today it’s economically crucial and personal-ly rewarding to create something that is also beautiful, whimsical, or emotio-nally engaging. » (Pink, 2006)

« La frugalité et la prévoyance caractéristiques des genres de vie paysans et ouvriers » (Langlois, 2002)

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Fig. 8 - Fiat 500C

Fig. 9 - Lovely 500 in Paris

Fig. 10 - Fiat 500 (1957)

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Le design fait aussi appel à notre culture et à notre imaginaire collectif. Il crée des signes, donne du sens et a la capacité à raconter une histoire autour d’un produit. Par exemple, la nouvelle Fiat 500 a rencontré un succès important. Fonctionnellement, cette voiture n’a rien de véritablement différent par rapport à ses concurrentes comme la Ford Ka, construite sur la même plateforme. La différence est ailleurs, sur ce qu’elle évoque au travers de son ancêtre, la Fiat 500 sortie en 1957 : l’Italie des années 50 et la Dolce Vita, une vision positive et festive de la vie citadine (fig. 12, 13 et 14).

La technologie n’est pas notre préoccupation première. Elle est avant tout per-çue comme un moyen pour nous aider dans ce qui compte véritablement : vivre en famille, avoir des amis, élever ses enfants, vivre conforta-blement, manger correctement… C’est dans ces actions que nous cherchons du sens.

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3.4.3 LedesigndeserviceNous venons d’évoquer les changements profonds de notre monde, en partie à cause des nouvelles technologies ainsi que l’évolution des utilisateurs qui souhaitent avoir une expérience plus riche et plus globale, bien au-delà d’une réponse purement fonc-tionnelle. Pour répondre à ces défis, le design doit adopter une vision plus globale, seule capable d’amener des réponses pertinentes.Pour répondre à ce nouveau paradigme, le design industriel tend à devenir du design de service et à considérer la réponse d’une entreprise comme un ensemble cohérent. Le projet est de proposer des solutions innovantes de meilleure qualité, en rupture avec les anciens schémas (Boland, 2004 – Stickdorn & Schneider, 2011).

Par exemple, l’automobile ne peut plus se résumer à la forme d’une voiture, à ses qualités de conduite, sa consommation, son prix d’achat. L’arrivée de la voiture électrique et de l’auto-partage comme Autolib tendent à modifier ce modèle. Le service est « je veux me rendre d’un point à un autre avec un moyen de transport autonome ». Le design de service va s’occuper non seulement de la voiture, mais aussi des bornes de recharge, du site internet du service ou de l’interface du GPS dans la voiture. Son rôle sera d’assurer une démarche centrée utilisateur, au même titre que pour un produit, mais en l’appliquant à l’ensemble des

points de contacts entre l’utilisateur et le service. Il va favoriser une vision globale du service.La démocratisation des smartphones a rendu possible l’apparition de nouveaux ser-vices entre le réel et le virtuel. Les eBillets pour le train ou l’avion sont commandés sur internet ou sur une application, stockés sur le téléphone et présentés sous forme de QR code à l’hôtesse ou au contrôleur. Cet eBillet est donc virtuel mais correspond à un service bien réel, le voyage. L’intervention du design peut se focaliser sur une partie de cet ensemble comme l’interface de l’application ou bien l’aménagement intérieur du train. Le design de service consiste à penser le système comme un ensemble et à avoir une approche globale. A cause de ce mélange entre virtuel et réel, ces services sont devenus particulièrement complexes techniquement mais pour assurer leur suc-cès, il est essentiel d’avoir une réponse simple, résolument tournée vers l’utilisateur. La notion de service était initialement orientée vers la réduction des coûts et l’optimi-sation des ressources. Cette approche techno-centrée, standardisée et orientée vers le rendement a abouti à la « McDonaldisation » des services (terme inventé par George Ritzer en 1991). A l’opposé, la vision proposée par le design de service est orientée vers l’humain, narrative, désirable, variable et basée sur l’expérience (Stickdorn & Sch-neider, 2011). Le design de service propose d’explorer les émotions des utilisateurs pour proposer une solution innovante capable de lui amener un réel bénéfice.

3.4.4 LesoutilsdudesigndeserviceTrois familles d’outils utilisés par le design de service nous semblent particulièrement intéressantes dans le cadre de ce mémoire.La première concerne les cartographies comme la carte du trajet utilisateur (Customer journey map), le plan de service (service blueprint), la cartographie des parties pre-nantes (Stakeholder map) ou la cartographie des attentes (Expectation map).

Ces cartes utilisent des capacités spécifiques au design : mettre en forme, créer une vue d’ensemble pour donner du sens à la complexité, naviguer entre une vue générale et les détails. Cette capacité est essen-tielle pour avoir la vision globale d’un service, de son déroulement ou des parties prenantes.

« Design as whole has changed and Service Design can address the unique challenges that service economy is fa-cing. Design is not only crafting details of products anymore. It is a field that designs complex and interactive expe-riences, processes and systems. » (Moritz, 2010)

« Design, after all, has the unique ca-pacity to shape information by em-phasizing or understating, comparing or ordering, grouping or sorting, se-lecting or omitting, opting for imme-diate or delayed recognition, and pre-senting it in an entertaining fashion. » (Mijksenaar, 1997)

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Point de contact

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Commercial Consultation Intitiation Coordination Finalisation

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RechercheGoogle

Inscriptionen ligne

Premiercontact

(commercial)

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(acheteur)

Point téléphonique(acheteur et technique)

Vérificationprocessus

Présentationéchantillon

Contact clientinformationprocessus(acheteur

Envoiinformation

Analyse

Fig. 15 - Exemple de carte du trajet utilisateur

Fig. 16 - Exemple de plan de service

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Ces outils sont des projets de design à part entière à l’intérieur d’un projet. Les utili-sateurs visés sont les membres de l’équipe projet et les personnes avec qui le projet est partagé. La deuxième famille d’outils est destinée à raconter et expérimenter un service. Ce sont par exemple le storytelling (raconter une histoire), a day in a life (un jour dans la vie d’un utilisateur) ou les jeux de rôle ou de mise en scène (service roleplay and service staging). Ce ne sont pas des outils graphiques et ils semblent presque sortir du champ du design. Ils sont plutôt de l’ordre de l’échange et de la parole. Leur rôle, au même titre que les autres, est de favoriser le partage, la vision globale et l’empathie envers les futurs utilisateurs.

La troisième famille est révélatrice d’un phénomène nouveau : les utilisateurs ne sont plus uniquement observés mais deviennent des acteurs majeurs du processus de création. Cela signifie qu’ils peuvent être force de proposition et sont susceptibles d’influencer les décisions en proposant leurs propres idées. La démarche n’est plus descendante de l’entreprise vers les utilisateurs, mais dans l’échange.Comme pour les outils de la révolution numérique, nous ne décrirons pas l’ensemble des outils utilisés par le design de service car ils sont trop nombreux. Nous présente-rons donc les outils les plus significatifs dans le cadre de notre étude.

3.4.4.1 Carte du trajet utilisateur - Customer journey mapCette première carte est une des plus utilisée en design de services (fig. 15). Elle montre l’ensemble du parcours d’un utilisateur autour d’un pro-duit ou d’un service. Cette carte doit mettre en évidence les points de contact entre les utilisateurs et le service ou le produit. Elle doit aussi comporter les attentes des utilisateurs et l’évolution des émotions qu’ils ressentent.

3.4.4.2 Plan de service – Service blueprintL’outil service blueprint détaille chaque étape du service (fig. 16). Chacune montre les interactions avec les utilisateurs ainsi que les implications dans l’entreprise ou l’entité qui propose le service. Dans le cas d’un produit, nous n’analyserons pas uniquement l’utilisation du produit, mais aussi les étapes avant l’achat comme les étapes pour le

choix du produit, puis l’installation, l’utilisation, ce qui se passe en cas de panne, la fin de vie…Cette carte est complémentaire de la première. Elle est orientée vers le fonctionnement du service pour l’entreprise.

« This overview should be visually en-gaging enough to make it easily acces-sible to all, but should also incorporate enough detail to provide real insights into the journeys being displayed. This might mean basing the map around personas, so that the customers doing the journeying become far more than just names on a page. » (Stickdorn & Schneider, 2011)

« Service blueprints are often produc-ted collaboratively, as this is a great way to bring together the various de-partments or teams which may exist within the organization of the service provider. » (Stickdorn & Schneider, 2011)

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3.4.4.3 Raconter une histoire - StorytellingAu même titre que le storyboard, le Storytelling est aussi un forme de scénario : il consiste à présenter un projet non pas de manière technique en présentant une liste de fonctions ou en l’expliquant de manière neutre mais en le racontant comme une histoire afin de le rendre plus tangible et de l’ancrer dans la réalité. Cette histoire peut être racontée de différents points de vue : par un utilisa-teur, par un industriel, par un vendeur...Les personnes en charge de la phase de recherche l’utilisent pour syn-thétiser l’ensemble de leurs résultats et en donner une vision globale.

3.4.4.4 Jeu de rôle et mise en scène – service roleplay and service stagingCes deux outils sont très proches. Ils consistent à s’inspirer des techniques du théâtre pour jouer le fonctionnement d’un service avec des acteurs. Ils sont au service ce que le prototype est au produit.Des intervenants du projet ou des utilisateurs potentiels jouent les rôles pour simuler le service. L’objectif est de pouvoir intervenir en direct durant le jeu, chaque participant pouvant à tour de rôle devenir, par exemple, le client puis le prestataire afin de simuler une nouvelle idée. L’ensemble de la scène est filmé afin de pouvoir étudier les points sen-sibles et améliorer le service.

3.4.4.5 Co-créationLa co-création est une approche nouvelle qui met en avant les échanges de plus en plus étroits entre designers et utilisateurs que nous avons évoqués.Internet, au travers des forums ou des blogs est un formidable moyen d’expression pour tous. Chacun peut partager simplement son point de vue au sein d’une commu-nauté virtuelle à l’échelle de la planète. Depuis plusieurs années, les sites marchands ou les magasins d’applications proposent à leurs clients de déposer un avis sur un nouvel achat. C’est une aide précieuse pour les futurs acheteurs, mais aussi une source d’information importante pour les entreprises.

Ces commentaires sur les applications sont analysés et utilisés pour faire évoluer le produit ou le service. A titre d’exemple, le site LeBonCoin modifie régulièrement la liste des rubriques disponibles en fonction des demandes des utilisateurs, bien au-delà de ce que pour quoi les créateurs du site l’avaient imaginé (Belot, 2013). Dans ce cas, les itérations entre la conception et les tests peuvent être nombreuses. Le produit n’est plus un standard, il est en perpétuelle mutation, en version béta permanente, au gré des retours et des propositions des utilisateurs.Cet échange peut aussi aller plus loin : les utilisateurs peuvent deve-nir des acteurs à part entière du processus de création. Nous parlerons alors de co-création.Elle est très peu pratiquée en design produit mais elle est centrale pour le design de service. Elle consiste à rassembler les designers, les inter-venants du service et des clients afin de travailler ensemble sur le projet. Le designer pourra jouer le rôle d’animateur et de modérateur et aura surtout comme fonction de concrétiser en réalité tangible les idées du groupe.

« As parents, we read stories to our kids, sometimes the same ones we heard as children ourselves. As collea-gues, we share the latest organizatio-nal gossip. And as friends, we tell one another stories. This is unfortunate. » (Osterwalder & Pigneur, 2010)

« Service staging brings kinaesthetic learning and emotion into the design process. It allows people to focus on the minutiae of subtext and body lan-guage, both of which are crucial to un-derstanding the realworld situations in which a service is delivered. » (Stickdorn & Schneider, 2011)

« The co-creation session aims to ex-plore potential directions and gathers a wide range of perspectives in the process. The results of the session will then be used as inspiration for the core design team, who needs to de-velop and refines it further in the next stages of the design process. » (Stickdorn & Schneider, 2011)

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Fig. 17 - kit robotique Lego Mindstorms

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Par exemple, Lego, pour l’évolution de son kit robotique Mindstorms (fig. 17) sorti en 1998, a contacté les blogueurs les plus actifs pour les impliquer dans la conception du produit (Koerner, 2006). Avant cette étape, ils ont surtout totalement modifié leur vision du produit : ils se sont rendus compte que des utilisateurs avaient « hacké » la première version de la brique RCX, le cœur du système. Après avoir envisagé des poursuites, ils ont finalement compris que cette communauté était un véritable atout pour le produit et qu’elle enrichissait considérablement l’expérience des utilisateurs avec des programmes alternatifs voire de nouvelles briques capteurs, complémen-taires de celles proposées par Lego. Depuis, les créations de cette communauté sont exploitées, encouragées voire récompensées par Lego. La communauté est donc de-venue une véritable force de l’écosystème de ce produit.A l’heure des réseaux sociaux, ces utilisateurs concepteurs ont été d’une excellente influence pour sa promotion. Cet exemple est particulièrement révélateur de la per-

méabilité croissante de la frontière entre utilisateurs et concepteurs.

Cette approche peut prendre une forme différente : les tests virtuels.Certaines entreprises ont testé des projets sur des mondes virtuels comme Second Life. Starwood hotel (fig. 18, 19) a développé, par exemple, une version virtuelle de son nouveau concept Aloft deux ans avant la construction de la version réelle. Ce test a permis de recueillir les observations des « avatars « et de regarder l’intérêt suscité par la décoration proposée afin d’affiner le projet réel (Kim, Lyons & Cunnin-gham, 2008). Les tests dans Second Life sont plus adaptés aux services

qu’à des objets car les interactions ne sont pas directes comme dans le monde réel.

Potentiellement, cette approche est totalement révolutionnaire et permettra d’utiliser l’ensemble des outils cités quand la qualité des interactions et des rendus sera deve-nue particulièrement réaliste.

« Inviting customers to innovate isn’t just about building better products. Opening the process engenders goodwill and creates a buzz among the zealots, a critical asset for products like Mindstorms that rely on word-of-mouth evangelism. » (Koerner, 2006)

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3.4.4.6 Living labsUn living lab est une forme avancée de co-création. Ils regroupent des acteurs pu-blics et/ou privés ainsi que des utilisateurs potentiels autour d’un projet commun de recherche. L’objectif est de concevoir ensemble et de tester en réel des projets de services. L’intérêt de ce type de projet est d’impliquer les utilisateurs dans la recherche de nouveaux usages et d’être au plus près des comportements naissants. Les living labs favorisent les liens entre les utilisateurs, les entreprises, les chercheurs et les insti-tutions. Ils permettent de démontrer rapidement, sur le terrain, la validité de nouveaux modèles de service et d’entreprises (CEC, 2009). Ils ont été inventés aux Etats-Unis, sous l’impulsion d’organismes comme le MIT (Massachusetts Institute of Technology). Le premier living lab était orienté autour de la maison du futur. Le plus souvent, les sujets abordés sont basés sur les nouvelles technologies de l’information et sur inter-net. Ils ont pour objectif de découvrir de nouveaux usages en forte relation avec les évolutions sociétales et environnementales. L’innovation est surtout une histoire d’hommes, de relations et d’échanges. C’est rarement le fait d’un système. Les livings labs, en ré-unissant des personnes ayant des cultures et des profils extrêmement variés sont un terrain fertile pour l’émergence d’idées novatrices. Cette approche se veut ouverte, à l’écoute des autres, et se donne comme objectif de favoriser l’open-source et l’auto-construction.

Le rôle du designer est essentiel dans ce type d’approche : il met au service du groupe sa méthodologie globale et collaborative parfaitement adaptée à la recherche de so-lutions innovantes et radicalement nouvelles.

Fig. 19 - Aloft Starwood Hotel réel Fig. 18 - Aloft Starwood Hotel Second Life

« Social design exists as a way of thinking about what, why and how design (product and/or process) can or does address the ever changing needs of society. » (Stickdorn & Schneider, 2011)

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Fig. 20

Recueillir des informations

contact desutilisateurs

Echange et conception entre

utilisateurs et designers

Restitution, partageet conception avec l’équipe

de création

InterviewObservation

Outils initiaux

Révolutionnumérique

Design de service

Jeu de rôleMise en scène

Co-créationLiving lab

Prototype

PersonaScénario

Storyboard

Customer journey mapService blue print

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3.5 Conclusion design centré utilisateurNous avons maintenant une vision globale des outils du design centré utilisateur et de leur évolution dans le temps. Nous rappelons que ces outils ont été, pour certains, d’abord utilisés par le design en général puis repris par le design centré utilisateur. De plus, il existe toujours une grande perméabilité entre les deux pratiques que nous retrouvons dans l’utilisation de ces outils.

Nous proposons une lecture de ces outils suivant deux axes (fig. 20) : la lecture tempo-relle qui nous a servi de trame pour la présentation de ces outils et une deuxième met-tant en évidence les liens entre outils, utilisateurs, designers et équipe de conception.

Ce deuxième axe se concrétise autour de trois familles :

- les outils destinés à établir un contact avec les utilisateurs et de recueillir des informa-tions sur leurs attentes et leur mode de fonctionnement,

- les outils pour partager les informations recueillies et imaginer de nouvelles solutions avec l’équipe de conception,

- les outils pour l’échange et la conception entre les utilisateurs et les designers.

Ces outils ont montré leur grande utilité pour les designers. Ils interviennent durant la phase initiale de recherche comme fondement d’un projet et durant les phases de création pour ajuster les solutions aux besoins des utilisateurs. Ils ont aussi un rôle essentiel pour les designers : ils permettent d’amener une justification rationnelle aux choix réalisés.

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Afin de déterminer le rôle éventuel de l’intuition pour le design centré utilisateur, après une première définition, nous décrirons les différents niveaux d’intuition, son fonctionnement, les types d’intuition et son application. Enfin, nous proposerons une première approche sur les rapports entre design et intuition.Durant cette lecture du rôle de l’intuition, nous évoquerons à la fois le design en géné-ral et le design centré utilisateur. En effet, les deux démarches étant proches, l’impact de l’intuition sera vraisemblablement le même pour les deux. Le terme design sera utilisé en particulier lorsque nous utiliserons des exemples dans cette discipline alors que le design centré utilisateur sera présent dans le reste de ce chapitre.

4 L'INTUITION

4.1 Définition de l’intuitionLe terme intuition vient du mot latin Intuitio qui désigne « l’acte de voir d’un seul coup d’œil » (Wiktionnaire). L’intuition est un mode de connaissance immédiat et direct sans recours apparent à un raisonnement ou à une justification. Elle désigne à la fois le résultat de ce mode de raisonnement et une qualité intellectuelle. Avoir une intuition, c’est ressentir une forme d’évidence quant à la justesse d’une proposition sans pour autant pouvoir la justifier. Etre intuitif, c’est agir en utilisant cette approche.Dans le domaine scientifique, elle semble être essentielle car elle précède souvent la raison en indiquant la voie à suivre pour les futures découvertes. Le rôle de la raison est alors de vérifier la véracité de l’intuition.

Elle ne s’applique pas uniquement à la science : la démarche artistique est la première souvent citée comme exemple pour l’intuition. Un artiste a une démarche intuitive : les choix qu’il prend durant son travail ne sont pas facilement justifiables.

En entreprise, cette approche fait très souvent peur pour plusieurs raisons. La première est le règne de la rationalité : nous avons tendance à surestimer tout ce qui est logique et cartésien, tout ce qui est dans la règle et dans la norme. Nous avons aussi peur de l’échec et de l’erreur alors que c’est une source d’amélioration importante. Enfin nous dévalorisons le jeu, la fantaisie et la créativité (Szostak, Dhuyvetter & Dechamp, 2011).

L’intuition est donc rejetée car elle n’est pas comprise et qu’elle sort du cadre rationnel explicable. Ce rejet dans le monde de l’entreprise semble venir de notre culture. L’intuition n’est encouragée ni dans notre mode de pensée occidentale, ni dans le système éducatif.

En réalité, l’intuition a de nombreux intérêts et fait partie des qualités essentielles requises en management. Nous analyserons donc cette no-tion par le biais de son application en management et nous explique-rons les similitudes avec la manière de l’utiliser en design.

A titre d’exemple, la NASA reconnait l’intuition comme une qualité requise pour ses astronautes. En effet, lors d’une mission, il peut toujours y avoir une situation nouvelle

inconnue et non simulée lors de la préparation. Dans ce cas, les sys-tèmes et les procédures prévues ne sont plus capables de répondre et les astronautes doivent faire appel à leur intuition.

« Deviner avant de démontrer ! Ai-je besoin de rappeler que c’est ainsi que se sont faites toutes les découvertes importantes ? » (Pointcaré, 1905)

« Many adults in my groups have said that they feld they were more intui-tive as children, and that they learned to keep their intuitive perceptions to themselves after encountering skepti-cism or ridicule from adults. » (Agor, 1989)

« NASA officials knew intuition is like a parachute. You hope you will not use it, but when all sophisticated systems cannot help you, it’s nice to have it around! » (Harper, 1988)

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Fig. 21 – Paquet Lucky Strike

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4.2 Fonctionnement de l'intuitionL’intuition est un processus complexe qui se déroule en plusieurs étapes. La compré-hension de ces étapes est essentielle pour que l’intuition soit correctement utilisée et pour en percevoir les intérêts et les limites. Prenons l’exemple de Raymond Loewy (1951) expliquant la conception du nouveau paquet de cigarettes Lucky Strike (fig. 21) :

Cet exemple met en avant le caractère spontané de l’instant créatif. Raymond Loewy semble passer plusieurs jours sans que rien ne se passe sur le projet de paquet. Un matin, l’intuition semble venir de nulle part. Elle est proche de l’étincelle et rappelle ce que vécut Archimède dans sa baignoire : l’idée arrive de ma-nière totalement spontanée dans un contexte et à un moment improbables.Ce que ne dit pas cette citation, c’est l’intense phase de préparation que Loewy (1951) a entrepris aupara-vant, juste après sa rencontre avec les dirigeants de Lucky Strike et plusieurs semaines avant cet instant créatif :

Cet exemple dans le design met en évidence les quatre étapes de l’intuition décrites par Goldberg (1983) pour le management : préparation, incubation, illumination et vérifi-cation. Pour mieux comprendre l’intuition, nous proposons de décrire le rôle et le fonctionnement de chacune de ces étapes.

4.2.1 LapréparationCette phase est essentielle car l’intuition ne vient pas de nulle part. Elle consiste à collecter des données et des informations sur le sujet concerné. Cette étape donne toute la valeur et l’assise lors des décisions qui seront prises. Elle fait la différence entre l’intuition et le hasard.Pour le design, cette étape correspond, entre autre, à l’observation des utilisateurs et l’analyse du contexte du projet. Cette part de la prépara-tion correspond au fondement du projet et à ce qui en donne la légiti-mité. Elle est la plus facile à exprimer et à démontrer.

« - quand le projet sera-t-il prêt, Loewy ?- Oh ! Je n’en sais rien. Par un beau matin de printemps je serai d’humeur à dessiner un empa-quetage de Lucky et vous l’aurez alors en quelques heures. Je vous ferais signe à ce moment-là. » (Loewy, 1951)

« Je fis immédiatement une recherche de fond sur les emballages des paquets de ciga-rettes en général, étudiant la concurrence, les ventes, etc, de façon à comprendre le problème. » (Loewy, 1951)

« Intuition doesn’t come from nowhere. Dogged rational work in the preparation phase is of extreme im-portance, particularly in a specialized field. It supplies the intuitive mind with the incentive and raw material it needs. » (Goldberg, 1983)

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Fig. 22 - Système audio SK4 Braun

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Dieter Rams (1995), lors de ses premiers projets de système audio SK4 pour Braun (fig. 22) a fait appel à sa propre expérience d’architecte acquise lors de son passage chez Otto Appel et à son attrait pour le Bauhaus.

Conjointement à ses expériences vécues au début de sa carrière, il cite aussi comme source ses premiers pas dans le travail du bois avec son grand-père. Enfin, une de ses inspirations a été l’observation de son environnement immédiat et en particulier l‘utilisation du métal pour le châssis de produits existants.Une autre part de ces informations n’est pas liée au projet directement mais joue aussi un rôle essentiel. Elle est constituée par un ensemble d’informations beaucoup plus difficiles à expliquer pour le designer : la culture générale, l’expérience et le vécu.

La phase de préparation de l’intuition pour le design semble donc se baser sur trois familles d’éléments :

- les éléments directement liés au projet, comme les informations issues de l’étude des utilisateurs (les interviews, les focus group, l’observation),

- les informations provenant de l’observation de l’environnement immédiat mais non liées au projet,

- des éléments plus anciens liés au vécu et à la personnalité du designer.

« The relation between the high-qua-lity, on the whole Bauhaus-influence architecture of the 1950s’ and Braun design cannot be denied – specially when it comes to music systems and the way they became a domineering in a room. » (Rams, 1995)

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4.2.3 L'illuminationL’illumination est l’instant de la mise en relation des éléments du problème à résoudre. L’intuition en elle-même arrive souvent par flash, de manière parfois très furtive, mais ce flash peut aussi s’étirer pour rendre l’instant moins volatile et permettre l’exploita-tion de l’intuition. Le moment durant lequel il apparaît est le plus souvent déconnecté du sujet. Archimède prenait un bain lorsqu’il a trouvé la solution pour prouver que la couronne de Hiéron était en or : la disposition de l’esprit est essentielle pour qu’appa-raisse le flash intuitif. Il était à la fois hors du contexte habituel de recherche et sans sti-muli extérieurs. Son esprit pouvait plus facilement passer d’une idée à l’autre et créer les connexions nécessaires pour trouver la solution.C’est pour cette raison que l’illumination n’apparaît que rarement sur le lieu de re-cherche, mais plutôt dans les endroits les plus inattendus comme lors d’une marche, en faisant la vaisselle, en prenant sa douche ou dans son lit.Pour un designer, l’illumination peut intervenir dans les mêmes circons-tances. Cependant, les outils d’échanges entre utilisateurs et designers comme les jeux de rôle, la co-création et les livings labs ont pour objectif de mettre l’ensemble des intervenants dans un état favorisant l’arrivée d’idées nouvelles. De même, les outils destinés à rendre visuellement tangible une problématique et à la synthétiser sont une forme d’incuba-teur favorisant l’innovation.

4.2.4 LavérificationLa dernière étape est la vérification de l’intuition. L’application du résultat obtenu à son contexte en vue de la concrétisation des découvertes. Dans le cadre de la recherche scientifique, la vérification consiste, par exemple, à réaliser une expérience dont l’ob-jectif sera d’amener une preuve rationnelle à l’hypothèse d’origine intuitive. Pour un projet de design, le test d’un prototype est une étape de vérification essentielle.Jonathan Ive (fig. 23), responsable du design chez Apple, exprime le ressenti de son équipe face à un prototype :

4.2.2 L'incubationL’incubation est une phase intermédiaire. C’est une phase blanche durant laquelle nous n’avons pas réellement conscience des connexions qui s’établissent.Dans les deux exemples que nous avons cités, nous pouvons percevoir une durée de cette phase extrêmement variable. Elle peut être assez courte comme elle peut durer plusieurs années. Le travail qui se fait est essentiellement inconscient et donc hors de notre contrôle direct.Sur un projet, nous avons pu voir que la matière qui servira de base à la création a plusieurs origines. Une première liée à la culture, à la personnalité et à l’observation en dehors du projet. Une deuxième directement liée au projet.Pour un designer, contrairement aux propositions de Goldberg (1983), cette phase semble être provoquée et stimulée pour être quasiment consciente. Dans ce cas, cer-tains outils seraient liés à une forme d’incubation consciente : les outils de restitution et de partage comme les personas, les scénarios ou les cartographies du design de service. Ils proposent une vision globale et cohérente qui s’apparente à la mise en évidence des connexions possibles.

« Numerous accounts of innovative thinkers and achievers give the im-pression that great ideas are as likely to be conceived in bed as children. » (Goldberg, 1983)

« When you see the most dramatic shift is when you transition from an abstract idea to a slightly more material conversation. But when you make a 3D model, however crude, you bring form to a nebulous idea, and everything changes - the entire process shifts. It galvanises and brings focus from a broad group of people. It’s a remarkable process. » (Ive, 2012)

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Fig. 23 - Prototype présenté par Jonathan Ive

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D’autres outils, que nous avons placés dans la phase d’incubation, sont aussi utilisés comme moyen de vérification. Par exemple, une nouvelle solution proposée par un designer sera confrontée aux personas à l’aide des scénarios pour une première qua-lification de son intérêt avant de réaliser un prototype. Dans le cas de la co-création ou des living labs, la vérification fait aussi partie du processus.

4.2.5 Conclusionétapesdel'intuitionNous venons d’expliquer les quatre étapes de l’intuition. Nous pouvons constater qu’elles correspondent chacune à des outils du design (fig. 24). Nous avons ajouté les éléments non liés à l’étude des utilisateurs car ils nous semblent essentiels pour le design.Cette lecture des étapes de l’intuition met clairement en avant le rôle que peuvent jouer les outils du design centré utilisateur pour l’intuition. Cependant, elle ne met pas en évidence le rôle de l’intuition pour ces outils et semble plutôt apporter une autre vision sur la démarche du design centré utilisateur en général : les quatre phases de l’intuition correspondent chacune à une série d’outils utilisés par le design. Par ailleurs, ils sont utilisés tout au long de la démarche. Peut-être que cette relation entre les diffé-rentes phases de l’intuition et les outils signifie une similitude entre les deux.Nous pouvons émettre l’hypothèse suivante :

HYP1 - Le design centré utilisateur est une démarche intuitive. Son fonc-tionnement global correspond aux quatre phases de l’intuition : la pré-paration, l’incubation, l’illumination et la vérification.

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Fig. 24

Préparation Incubation Illumination Vérification

InterviewObservationFocus group

Prototype

PersonaScénario

Storyboard

Customer journey map

Service blue print

Jeu de rôleMise en scène

Co-créationLiving lab

Environnementimmédiat

Vécu etpersonnalité

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Pour compléter l’exploration du rôle de l’intuition, nous devons aborder cette notion sous un autre angle pour amener de nouveaux éléments de réponses sur son rôle par rapport au design centré utilisateur.L’expérience de l’intuition est extrêmement variée. Elle peut prendre des formes très diverses que ce soit l’intuition qu’un problème existe, ressentir une intuition par des douleurs dans le ventre ou bien être une forme d’illumination sur une solution pour le futur.Pour décrire cette diversité et analyser les interactions possibles avec notre sujet, nous proposons trois approches nouvelles : les niveaux d’intuition, les types d’intuitions et les applications possibles de l’intuition pour le management en entreprise. A partir de ces trois lectures, nous déterminerons le rôle de l’intuition pour le design centré utilisateur.

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4.3 Les niveaux d'intuitionLa première lecture est sur la manière dont nous ressentons l’intuition. En effet, cette impression peut se situer à des niveaux très différents. Pour expliquer l’intuition, Frances Vaughan (1979) a mis en évidence quatre niveaux différents : physique, émo-tionnel, mental ou spirituel.

4.3.1 PhysiqueLe premier niveau d’intuition est physique. C’est ressentir une évidence avec son propre corps et avoir une impression quasi primitive de l’intuition. Cette sensation physique est très souvent présente dans les autres niveaux d’intuition. Elle confirme en quelque sorte sa puissance et sa force. Cette sensation se manifeste de manière différente en fonction de chacun : par l’estomac, la peau, la chaleur. C’est comme si une manifestation de l’esprit avait besoin de devenir tangible pour asseoir sa véracité et son intérêt.

4.3.2 ÉmotionnelLe deuxième niveau est celui de l’émotion. L’intuition est aussi ressentie avec le corps, mais de manière plus intellectuelle. C’est un sentiment, une impression sur un évé-nement ou un problème qui monte à notre conscience sous forme de vibration. Elle nous donne l’impression de favoriser un choix ou d’émettre un avis sans en avoir une véritable explication.Ce niveau d’intuition demande d’être à l’écoute de ses propres émotions et d’être capable de les interpréter cor-rectement pour suivre l’intuition qui en découle. Cette impression de vérité n’est pas toujours justifiable par des éléments rationnels, ce qui peut donner une impression de malaise, tout particulièrement pour ceux qui manquent de confiance en eux-mêmes. Frances Vaughan (1979) met en avant une deuxième fonction pour l’intuition émotionnelle : cette capacité à comprendre nos propres émotions est particulièrement utile pour comprendre celle des autres. Elle est donc liée à l’empathie, ce qui est une qualité essen-tielle pour comprendre ce que ressent un utilisateur.

4.3.3 MentalL’intuition mentale est le niveau utilisé dans le monde scientifique ou pour la résolution de problèmes. Elle correspond à notre vision intérieure et prend la forme d’images ou d’association d’idées. Même si tous les niveaux d’intuition se forment dans notre es-prit, celui-ci est particulièrement orienté vers la pensée.

Ce type d’intuition est la plus utilisée en entreprise, pour la prise de décisions rapides, la résolution de problèmes scientifiques. Elle est basée sur la vision globale, la capa-cité à prendre du recul. Elle est très utile pour amener des réponses en n’ayant que des informations partielles.Elle peut donc jouer un rôle important pour les outils de synthèse du design centré utilisateur comme les cartogra-phies ou les personas.

« On this level, intuition comes into consciousness through feelings. Sen-sitivity to other people’s «vibes» or «vibration of energy,» instances of im-mediate liking or disliking with an ap-parent justification, or a vague sense that one is inexplicably supposed to do something, can be instances of in-tuition operating on this level. » (Vaughan, 1979)

« Although all intuition is mental in the sense that it is a function of the mind, intuition on the mental level refers par-ticularly to those aspect of intuition re-lated to thinking. Thus intuition on this level is often associated with problem solving, mathematics, and scientific in-quiry. » (Vaughan, 1979)

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Fig. 25

Physique Emotionnel Mental Spirituel

Comprendreses propres

émotions

InterviewObservationJeu de rôle

Mise en scèneCo-créationLiving lab

PersonaScénario

StoryboardCustomer journey map

Service blueprintPrototype

Comprendreles émotions

des autres(empathie)

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4.3.4 SpirituelL’intuition spirituelle fait référence à l’expérience mystique ou religieuse. Elle fait donc référence à une forme de vision avec une autre réalité, non discernable par autrui. Ce niveau d’intuition, contrairement aux autres, n’est pas directement lié avec ce que nous ressentons ou avec nos pensées mais provient d’un niveau supérieur. L’intuition spi-rituelle donc sort du cadre de notre étude. Elle est très éloignée du rôle de l’intuition pour le design centré utilisateur.

4.3.5 Conclusionniveauxd'intuitionDeux niveaux sont à mettre en valeur pour le design centré utilisateur : émotionnel et mental. La première est plus utile pour les outils au contact des utilisateurs alors que la deuxième sera plutôt pour les outils de synthèse et de restitution (fig. 25).

Deux notions nouvelles nous semblent intéressantes à développer : les émotions et l’empathie. Mais avant, nous continuons les différentes lectures possibles de l’intuition.

4.4 Types d'intuitionPour compléter la description de la notion d’intuition, nous souhaitons aborder les rôles qu’elle peut jouer en général afin de déterminer ceux qui seront potentiellement intéressants pour notre étude. Philip Goldberg (1983) propose une lecture de l’intui-tion autour de six types distincts : découverte, créativité, évaluation, opérationnelle, prédiction et illumination.

4.4.1 DécouverteLa découverte fait référence à l’intuition telle que la pratiquent souvent les scienti-fiques : la solution à un problème apparaît soudainement, le plus souvent en dehors du cadre de recherche. Cette intuition fait partie du processus des découvertes scien-tifiques. Elle donne la capacité au chercheur de transcender le cadre courant.

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Il doit prendre une position légèrement décalée pour percevoir une approche nou-velle. Cette notion est importante pour le design : c’est un des points clefs pour mener l’innovation.

Dans ce cas l’intuition ne vient pas du néant. Elle est le résultat d’un travail rationnel intense comme par exemple pour la recherche scienti-fique. Nous retrouvons l’importance de la phase de préparation propre à l’intuition.

4.4.2 CréativitéL’intuition créative s’apparente à l’imagination et est très proche de la découverte. Pour différencier découverte et créativité, Goldberg (1983) indique que la première s’ap-plique quand il n’y a qu’une seule réponse possible à la question posée ou qu’elle ne s’applique qu’à des notions vérifiables ou des faits. A l’inverse, l’intuition créative est utile quand les réponses sont multiples et qu’elles sont de l’ordre d’options ou de possibilités. Ce qui est le cas dans le domaine artistique ou dans l’innovation et pour le design en particulier.

4.4.3 ÉvaluationL’évaluation est la forme d’intuition qui se rapproche le plus de la rationalité. Elle a trait à la manière dont nous faisons certains choix sans forcement avoir fait appel de manière implicite à la rationalité. Elle correspond à l’impression de certitude que nous ressentons face à une solution possible. Le plus souvent l’intuition est utilisée pour imaginer des solutions nouvelles et la raison est utilisée pour faire un choix. C’est le cas de l’intuition créative ou de la découverte. Parfois, nous pouvons constater l’inverse. Nous avons déterminé plusieurs solutions de manière rationnelle et l’intuition, en l’oc-currence l’évaluation, est utilisée pour faire un choix.

4.4.4 OpérationnelleL’intuition opérationnelle est une intuition immédiate, spontanée, sans raisons appa-rentes. Elle se rapproche d’un sentiment d’évidence. Elle se manifeste, par exemple, chez les personnes qui donnent l’impression d’être au bon endroit au bon moment sans l’avoir véritablement prévu ; elles prennent une direction sans pouvoir l’expliquer, parfois à l’opposé de ce que la raison pourrait indiquer, mais leur choix s’avère souvent être le bon. Ce type d’intuition a été remarqué dans des accidents graves ou en temps de guerre : une personne décide de ne pas monter dans un train sans vraiment com-prendre ni justifier de manière rationnelle son choix. Cette intuition lui sauve la vie : le train aura un accident grave quelques instants après. Elle s’apparente à de la chance ou à une « bonne étoile ».

4.4.5 PrédictionL’intuition prédictive est la capacité propre à une intuition à prédire l’avenir et à prendre des décisions pour le futur. Elle prend le relai des méthodes rationnelles qui ont souvent du mal à s’accommoder avec l’incertitude et l’inconnu.

« I don’t know how you can transcend logic and still be logical. It seems ob-vious that the leap was a function of intuition. » (Goldberg, 1983)

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Fig. 26

Evaluation OpérationnelleCréativitéDécouverte Prédiction Illumination

La démarchedesign

La démarchedesign

Les outilsdu design

centréutilisateur

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4.4.6 IlluminationL’illumination est très proche de l’expérience mystique. Pour certains, elle est au des-sus des autres types d’intuition et les englobe toutes. En fonction des croyances ou des religions, elle s’appelle nirvana, satori, conscience cosmique ou union avec Dieu. Au même titre que le niveau d’intuition spirituelle, l’illumination sort de notre sujet.

4.4.7 Conclusiontypesd’intuitionParmi les types d’intuitions, deux utilisations dans le design centré utilisateur sont évi-dentes car directement liées à l’activité du design : la première, la plus évidente, est l’intuition créative. Elle est liée au design en tant que discipline pour imaginer des so-lutions parmi une immense variété de possibilités. La deuxième est l’intuition prédic-tive, liée au futur. Elle est aussi essentielle pour le design qui doit penser des solutions pour le monde d’après (fig. 26).L’évaluation nous semble aussi intéressante, en particulier dans le cadre de l’utilisation des outils du design centré utilisateur. Les choix issus des outils étant basés sur des demandes et des observations concrètes, ils impliquent potentiellement l’évaluation intuitive.

Ces types d’intuition ont toutes un point commun : elles sont à la marge ou sortent totalement du cadre de la raison. Elles semblent provenir d’une forme d’intelligence plus primaire, plus liée à ce que nous ressentons.

4.5 Applications de l’intuitionNous avons décrit les types d’intuition possibles, ce qui nous a donné une première vision des applications possibles pour le design centré utilisateur. Pour compléter notre approche, nous souhaitons en aborder une dernière, proposée par Daniel Isen-berg (1984) et liée au management. Elle est particulièrement intéressante car elle est proche de ce que nous étudions, le design.

4.5.1 IntuitionsurunproblèmeLa première application de l’intuition est celle ressentie lorsque nous pressentons un problème face à une situation apparemment sans soucis. Nous avons l’intuition que nous ne percevons pas la réalité telle quelle est véritablement. Cette qualité est parti-culièrement présente chez les managers ayant de nombreuses années d’expérience. Ils ont la capacité à « sentir » un problème, à en avoir l’intuition sans être capable de l’expliquer.L’intuition sur un problème est une certaine forme d’expression de l’expérience qui s’applique au management en général. Un designer est donc susceptible de l’utiliser

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aussi pour sa propre démarche. Elle lui servira de « radar » pour éviter les nombreux écueils possibles lors du développement d’un nouveau produit.

4.5.2 SchémaexistantCette forme d’intuition est basée sur l’expérience, elle n’est pas vraiment arbitraire et est en réalité parfaitement rationnelle. Elle consiste à appliquer un schéma connu et

déjà utilisé de nombreuses fois pour la résolution d’un problème. Nous réalisons les actions sans avoir à réfléchir véritablement. Cette forme d’intuition est très utile car elle permet de se concentrer sur d’autres problèmes ou d’autres actions pour lesquelles la réflexion à mener est plus importante.Au même titre que l’intuition sur un problème, elle s’applique à la dé-marche design, comme aux autres disciplines de l’entreprise.

4.5.3 VérificationUne intuition peut servir à vérifier un résultat déjà connu par des moyens rationnels. Elle a pour fonction d’en vérifier l’exactitude. Au-delà de ce que nous voyons de ma-

nière rationnelle, nous savons que ce résultat est plausible et qu’il cor-respond à ce que nous imaginions.Dans le cas d’une étude centrée utilisateur, elle peut être utilisée pour qualifier la pertinence d’un persona par rapport au ressenti issu des in-terviews.

4.5.4 VisionglobaleL’intuition peut aussi donner la capacité à avoir une vision globale à partir de don-nées disparates. Elle est très utile pour gérer la complexité, en particulier lorsque nous sommes face à un problème comprenant de nombreuses informations ou avec des informations incomplètes. Elle permet de donner un sens à cet ensemble.

Nous sommes particulièrement proches d’une des qualités requises lors de la conception de certains outils du design centré utilisateur, tout par-ticulièrement ceux utilisés pour le partage et la restitution comme les cartographies, les storyboard ou les personas.Elle est aussi utile dans le cadre d’un projet design en général : les desi-gners gèrent en permanence la complexité et l’incertitude car c’est une des caractéristiques fortes de l’innovation.

4.5.5 Contournementd’uneanalyseL’intuition est très utile pour contourner une analyse en profondeur d’un problème. Dans ce cas, l’expérience permet d’aller rapidement vers la solution la plus plausible en utilisant des schémas existants.Cette forme d’intuition propose un fonctionnement opposé à celui du design cen-tré utilisateur : ne pas aller rechercher les demandes mais les imaginer de manière intuitive en se basant sur sa propre expérience. Comme nous l’avons expliqué, cette approche est fortement déconseillée car elle risque de se baser sur des généralités et sur l’expérience du designer, qui n’est absolument pas un utilisateur normal.Par contre, son immense avantage est la rapidité : nous ne pouvons donc pas écarter cette forme d’intuition, tout en mesurant les risques ainsi engagés.

« Managers can use intuition to bypass in-depth analysis and move rapidly to come up with a plausible solution. Used in this way, intuition is an almost instantaneous cognitive process in which a manager recognizes familiar patterns. » (Isenberg, 1984)

« Some managers use intuition as a check (a belt-and-suspenders ap-proach) on the results of more rational analysis. » (Isenberg, 1984)

« Another function of intuition is to synthesize isolated bits of data and experience into an integrated picture, often in an “aha !” experience. » (Isenberg, 1984)

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Fig. 27

VérificationSchéma existant

Intuition surun problème

La démarchedesign

La démarchedesign

Qualifier les outils de partage et de

restitution par rapport aux résultats

des données utilisateurs

La démarchedesign et les

outils departage et

de restitution

La démarche design intuitive

(opposée au design centré

utilisateur)

Vision globale

Contournementd'une analyse

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4.5.6 Conclusionapplicationsdel’intuitionParmi ces propositions, l’intuition sur un problème, l’utilisation d’un schéma existant et la vérification par l’intuition sont des formes d’intuition qui s’appliquent au design dans sa globalité comme pour les autres métiers de l’entreprise (fig. 27).

Le contournement d’une analyse est une démarche qui semble aller à l’opposé de celle du design centré utilisateur, mais qui présente certains avantages comme la ra-pidité ou la limitation des coûts. Elle peut s’appliquer à deux niveaux. Le premier est sur la démarche globale. Dans ce cas, l’ensemble du projet est basé sur l’intuition du designer. Nous proposons l’hypothèse suivante qui concerne la démarche du desi-gner en général :

Le deuxième niveau est l’utilisation de l’intuition sur un outil spécifique en limitant voire en supprimant la consultation des utilisateurs. Une nouvelle hypothèse est à pro-poser :

La notion de vision globale et de capacité de synthèse est un des rôles importants du design : la concrétisation d’un projet est la manifestation tangible de cette forme d’intuition. Le design est souvent le lien entre des demandes contradictoires et son rôle est d’en faire la synthèse.Nous pourrions lier la vision globale avec les notions de créativité et de prédiction que nous avons observées précédemment pour émettre la nouvelle hypothèse suivante qui s’applique directement aux outils :

HYP2 - Dans certains cas, les designers n’utilisent pas les outils du de-sign centré utilisateur et font appel à l’intuition pour leur projet.

HYP4 - L’intuition créative et la vision globale sont essentielles lors des phases d’échange avec les utilisateurs et lors du partage avec l’équipe de conception. Elles donnent la capacité à prendre du recul et à penser le futur à partir de données disparates.

HYP3 - Dans certains cas, les designers détournent les outils centrés utilisateurs en anticipant les comportements des utilisateurs sans les consulter. Ils font appel à leur intuition pour anticiper les comporte-ments des utilisateurs.

Page 55: memoire Nathanael Delahaye

Recueillir des informations

contact desutilisateurs

Echange et conception entre

utilisateurs et designers

Intuition empathique

Intuition créative et vision globale

Intuition fonctionnelle

Intuition émotionnelle, empathie

Intuition mentale, créativité, prédiction, vision globale

Intuition sur un problème, schéma existant, vérification

Restitution, partageet conception avec l’équipe de conception

InterviewObservation

Outils initiaux

Révolutionnumérique

Design de service

Jeu de rôleMise en scène

Co-créationLiving lab

Prototype

PersonaScénario

Storyboard

Customer journey mapService blue print

Fig. 28

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4.6 Synthèse sur l’intuitionCette exploration de l’intuition nous a montré son rôle essentiel pour le design en général et le design centré utilisateur. Elle intervient non seulement de manière spé-cifique avec les outils que nous avons décrits, mais aussi sur le processus du design centré utilisateur. Nous avons, par exemple, montré le rôle de la vision globale pour gérer la complexité d’une phase de recherche.Comme pour les autres disciplines de l’entreprise, l’intuition fait partie des qualités requises pour un bon management. Nous parlerons dans ce cas d’intuition fonction-nelle. Elle a un rôle plus spécifique pour le métier du design en tant que démarche créative pour imaginer des solutions pour le futur. Elle est aussi une capacité essen-tielle pour avoir une vision globale et synthétique d’un problème. Nous nommerons ce deuxième ensemble, l’intuition créative et vision globale. L’intuition émotionnelle est nécessaire pour avoir une démarche véritablement tournée vers les utilisateurs : nous évoquerons la notion d’intuition empathique (fig. 28).

L’ensemble de ces applications de l’intuition nous montre que la logique et la raison ne sont pas les seules qualités indispensables à une démarche centrée utilisateur. Si nous reprenons la vision dichotomique du design, particulièrement visible en France, autour d’une approche pragmatique et raisonnée et une autre, plus émotionnelle, nous nous rendons compte qu’il y a complémentarité entre l’intuition et le design centré utilisateur.L’intuition sous les différentes formes que nous avons citées fait appel à un autre type d’intelligence, plus tourné vers les émotions, les perceptions, l’écoute de soi et des autres. Nous proposons de l’explorer pour trouver les fondements de l’intuition et mieux cerner son rôle pour le design centré utilisateur.

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4.6.1 L'intelligencemultiformeDans nos sociétés occidentales, l’intelligence est souvent associée au Quotient Intel-lectuel (QI). Celui-ci a longtemps été considéré comme le moyen de qualifier le niveau d’intelligence d’une personne. Depuis les années 90, plusieurs chercheurs ont remis en cause cette vision de l’intelligence et ont démontré qu’il y en avait d’autres formes, comme par exemple l’intelligence corporelle très utile pour un sportif ou l’intelligence spatiale qui caractérise un bon architecte.

Howard Gardner (2008) a été un des premiers scientifiques à explorer et présenter ces formes d’intelligence. Il en dénombre six, tout en reconnaissant qu’il peut y en avoir plus :- l’intelligence logico-mathématique,- l’intelligence spatiale,- l’intelligence corporelle,- l’intelligence verbo-linguistique,- l’intelligence interpersonnelle,- l’intelligence intra-personnelle.

Nous en retiendrons deux qui nous semblent particulièrement intéressantes dans le cas de notre description de l’intuition.

L’intelligence interpersonnelle ou sociale donne la capa-cité à interpréter correctement les comportements des autres. Elle est essentielle pour savoir gérer nos relations. Cette forme d’intelligence est donc au centre de la capa-cité à ressentir les sentiments des autres, à avoir de l’em-pathie.

L’intelligence intra-personnelle est liée à notre capacité à savoir interpréter correctement nos propres émotions et à connaître nos désirs. Elle fait appel à des images et à des représentations et se rapproche donc de l’intuition ressen-tie par un designer lors de la création d’un objet.

Ces deux intelligences mettent en avant deux pans de l’intuition pour le designer telle que nous l’avons décrit : l’un tourné vers les autres, l’empathie et l’autre, centré sur la personnalité du designer, sa capacité à retraduire les informations qu’il a intégrées, comme par exemple lors de l’intuition sous forme de vision globale.

4.6.2 Intelligenceémotionnelleetintuition

L’approche de Gardner (2008) a été en partie remise en cause par Daniel Goleman (1995). Ce dernier considère que les émotions ne sont pas suffisamment prises en compte dans cette approche de l’intelligence. En effet, les émotions ont très long-temps été considérées comme des perturbateurs de la pensée. Or nos actions, nos décisions et nos réflexions sont fortement influencées par nos émotions. Elles sont essentielles pour notre capacité à réfléchir, à se comporter avec les autres et d’une manière plus générale à conduire notre vie en tant qu’être humain.

Pour cela, Goleman (1995) a introduit la notion d’intelligence émotionnelle (IE). Selon lui, la raison n’est que très rarement convoquée seule lors de notre activité intellec-tuelle. A l’inverse d’un ordinateur, nos décisions baignent dans nos émotions. Elles nous aident à prendre des décisions d’apparence rationnelles.

L’intelligence interpersonnelle est la « capacité de percevoir l’humeur, le tempérament, les motivations et les désirs d’autrui, et d’y réagir de ma-nière appropriée. » (Gardner, 2008)

L’intelligence intra-personnelle est « la faculté de discerner ses propres senti-ments et celle d’opérer un choix parmi eux et de diriger son comportement en fonction de ce choix. » (Gardner, 2008)

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Niveau réfléchi

Niveau comportemental

Niveau viscéral

perception

pensée

Fig. 29 - Schéma d’après NORMAN Donald A. (2003)

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4.6.3 LesémotionsetlaraisonCette notion d’émotion est particulièrement présente dans le cas de l’intuition émo-tionnelle décrite par Frances Vaughan (1979). Dans ce cas, l’intuition est aussi ressen-tie à la fois par le corps et par l’esprit. Nous avons aussi évoqué une deuxième fonction de l’intuition émotionnelle : la capacité à comprendre les émotions des autres et dans notre cas, celle des utilisateurs face à un produit.Le designer joue un rôle majeur quant à l’émotion générée par un produit. Il doit non seulement donner une réponse fonctionnelle, mais aussi être capable de susciter des émotions. Or, elles jouent un rôle essentiel dans notre perception du monde. Comme

Donald A. Norman (2003) l’explique, il y a une relation directe entre notre capacité à comprendre la fonction d’un objet et l’émotion positive ou négative qu’il suscite.Lorsque nous sommes face à un objet, notre perception de celui-ci se situe à trois niveaux différents : viscéral, comportemental et réfléchi (fig. 29).

Le premier niveau, viscéral, est le plus basique et le plus ancien.Le deuxième niveau, comportemental, est lié à notre capacité à repro-duire des actions de manière inconsciente comme par exemple mani-puler des couverts lors d’un repas. Dans ce cas, nous ne réfléchissons pas à la manipulation du couteau ou de la fourchette et nous pouvons avoir notre niveau supérieur concentré sur la conversation avec les autres convives.

L’intuition est basée sur notre intelligence émotionnelle, en particulier la sagesse de soi, la capacité à écouter notre voix intérieure et à l’exprimer.

La raison est incapable de fonctionner seule. Certaines personnes, pri-vées des zones du cerveau assurant ce lien entre raison et émotion, ne peuvent plus prendre, par exemple, une décision aussi simple que celle de choisir une date de rendez-vous. Nos émotions, basées sur nos expériences passées, sont en réalité un puissant guide. Nous les utili-sons pour évaluer et juger différentes options au travers de ce que nous avons ressenti. Nous devons ressentir une décision en nous pour qu’elle nous paraisse raisonnablement fondée.

L’intuition sous les différentes facettes que nous avons décrites, est en réalité une des-cription de plusieurs aspects de l’intelligence émotionnelle. Cette dernière peut donc être retenue comme une qualité essentielle pour la pratique du design et donc du design centré utilisateur.

« Les individus naturellement récep-tifs à leur voix intérieure – le langage des émotions – sont plus aptes à trans-mettre ces messages, qu’ils soient romanciers, poètes ou psychothéra-peutes. Cette réceptivité intérieure leur confère le don d’exprimer la “sa-gesse de l’inconscient“, la signification de nos rêves, les symboles qui mani-festent nos désirs les plus profonds. » (Goleman, 1995)

« Animals such as lizards operate pri-marily at the visceral level. This is the level of fixed routines, where the brain analyzes the world and responds. » (Norman, 2003)

« The behavioral level is not conscious, which is why you can successfully drive your automobile subconsciously at the behavioral level while consciously thinking of something else at the re-flective level. » (Norman, 2003)

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Le troisième niveau, réfléchi, est totalement conscient. C’est à ce niveau que nous avons la capacité à nous projeter, à avoir une vision globale de notre monde et à éla-borer des stratégies.Ces trois niveaux ne fonctionnent pas indépendamment et sont fortement liés entre eux par des processus croisés dans deux sens. Les processus « bottom-up », du niveau viscéral vers le niveau réfléchi, sont ceux liés à la perception tandis que les processus « top-bottom », sont liés à la pensée.

Ces relations impliquent directement notre capacité à comprendre un objet. Si nous sommes contents, détendus, joyeux, nous serons plus créatifs et capables de résoudre des problèmes que nous rencontrerons. A l’inverse, si nous sommes anxieux et stressés, nous aurons plus de difficultés à résoudre un problème.

Ces liens entre nos émotions et notre raison sont aussi mis en évidence par Daniel Goleman (1995). Il explique le fonctionnement de ces deux parties distinctes de notre esprit (notre « esprit émotionnel » et notre « esprit

rationnel ») tout en insistant sur les liens qui les unissent et leur interconnexion. Notre cerveau primitif, siège des émotions est directement lié à nos perceptions. Tandis que nos « centres cérébraux supérieurs » ont la capacité à apporter un niveau de lecture et une palette de réactions propres à l’homme. Cependant, Goleman (1995) insiste sur l’importance de ce cerveau primaire et sur sa capacité à influencer voire diriger parfois l’ensemble de notre pensée et de nos réactions.

Pour illustrer son propos, il prend comme fondement le tra-vail de certains chercheurs qui expliquent que l’amygdale, élément essentiel de notre cerveau primitif, agit en priori-té, avant que nous ayons pris consciemment une décision.

Le designer doit comprendre et tenir compte de ces liens entre les émotions et la raison à deux niveaux. Tout d’abord pour bien comprendre sa propre démarche, puis pour interpréter ou anticiper les réactions des utilisateurs face à son projet.Dans une équipe design, il est important que l’atmosphère soit positive et détendue pour favoriser la création dans les phases initiales, là où l’intuition émotionnelle est es-sentielle. A l’inverse, lors de la phase d’implémentation, le stress généré par une date butoire va favoriser la concentration sur l’objectif final et la formalisation de tous les détails. L’attitude du designer est donc un élément important de la démarche centrée utilisateur.Lorsqu’un designer regarde le comportement des futurs utilisateurs d’un projet, son objectif est de maîtriser le même type de comportement. Il doit susciter des émotions positives au travers du design d’un objet pour faciliter sa compréhension et son utili-sation. Pour que cet objet soit utilisable en situation de stress, il doit faciliter son usage et le simplifier.

4.6.4 IntuitionetempathiePour maitriser des émotions chez les utilisateurs, un designer doit se mettre à leur place. Il doit ressentir de l’empathie pour l’utilisateur. Il y a donc un lien direct entre intuition émotionnelle et empathie. L’intuition émotionnelle appliquée au design ne peut être réduite à l’observation froide et rationnelle du comportement des utilisa-teurs. Le designer doit ressentir ce que l’utilisateur vit :

« When people are anxious, they are more focused, so where this is likely to be the case, the designer must pay special attention to ensure that all the information required to do the task is continually at hand, readily visible, with clear and unambiguous feedback about the operations that the device is performing. » (Norman, 2003)

Elle « parvient à déterminer nos ac-tions avant même que le cerveau pensant, le néocortex, ait pu prendre une décision. » (Goleman, 1995)

« Faculté intuitive de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent. » (Dictionnaire Larousse)

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Essayons de comprendre plus précisément ce qu’est l’empathie. Pour cela, nous pre-nons deux définitions. La première identifie clairement le lien avec l’intuition :

La notion d’empathie est relativement récente (Jorland & Thirioux, 2008). Ce terme a été inventé à la fin du dix-neuvième siècle par le philosophe allemand Robert Vischer (Einfühlung, « capacité à se mettre à la place des autres », Dictionnaire Collins). Le terme avait un sens différent : il évoquait le lien que nous pouvons avoir avec une œuvre d’art pour accéder à sa compréhension. Cette première définition met en évi-dence l’importance des émotions dans l’empathie. Elle insiste aussi sur la capacité à sortir de soi pour se transposer dans un autre, en l’occurrence un objet, afin d’accéder à une autre compréhension. Je vais par exemple, me mettre à la place d’un roseau pour ressentir sa capacité à se courber pour résister au vent.Dans les années vingt, le psychologue E. B. Titchiner (Goleman, 1995) a été un des premiers à déplacer la notion initiale d’empathie esthétique vers son sens contempo-rain, l’empathie pour autrui.L’empathie, telle que nous l’utilisons, est donc la capacité à percevoir les émotions et les sentiments des autres. Elle recouvre aussi bien les émotions non-verbales, celles exprimées directement par le corps que les émotions réfléchies et les croyances. L’em-pathie donne la capacité à se mettre à la place d’autrui, à vivre au travers, à ressentir ses joies et ses peines, parfois au détriment de nos propres émotions.

Lorsqu’un designer observe des utilisateurs, il existe quatre niveaux d’empathie (Scharmer, 2009).Le premier niveau, « downloading », consiste à écouter pour reconfirmer ce que nous connaissons déjà.Durant le deuxième, « Object-focused », nous sommes concentrés sur des observa-tions différentes de ce que nous connaissons déjà.Lors de l’écoute empathique (« Empathic listening »), le troisième, nous avons la ca-pacité à sortir de notre propre schéma de pensée et à adopter celui du sujet observé par un dialogue intime avec ce que nous observons. Ceci nous donne la capacité à anticiper ses propres réactions et non pas uniquement à les constater.Pour le dernier niveau, « Generative listening », nous sommes connectés de manière plus profonde à cet autre mode de fonctionnement. Nous sommes en « communion » avec cet autre univers, nous nous identifions à lui.

L’objectif pour le design est d’aller vers le niveau supérieur d’empathie afin d’être ca-pable de penser, par l’intuition émotionnelle, le comportement futur des utilisateurs sur un nouveau projet :

« In realm of design, design-thinking is rooted in empathy, where you try to see from the perspective of a user of a given design or product. There is a lot more to design thinking than that, but in a nutshell it is about hu-man centered design where empathy is king. » (Weinlick, 2012)

« When we are engaged in real dialogue, we can, when paying attention, become aware of a profound shift in the place from which our listening originates. As long as we operate from the first two types of listening, our listening originates from within the boundaries of our own mental-co-gnitive organization. But when we listen empathically, our perception shifts. We move from staring at the objective world of things, figures, and facts into the story of a living being, a living system, and self. To do so, we have to activate and tune a special instrument: the open heart, that is, the empathic capacity to connect directly with another person or living system. » (Scharmer, 2009)

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60

4.6.5 SynthèseCes dernières informations sur l’apport de l’intuition pour le design centré utilisateur mettent en évidence son rôle central ainsi qu’une notion essentielle pour le designer : son attitude. Sa capacité à percevoir les émotions des autres, à ressentir de l’empathie, à connaître ses propres émotions est liée à son état d’esprit et à sa disposition intellec-tuelle. Cette attitude, liée à l’intelligence émotionnelle, est fortement liée à l’intuition.

Nous pouvons nous interroger sur les liens que nous avons initialement établis entre l’intuition et le design centré utilisateur. L’intuition semble avoir une telle importance, qu’il semble difficile de qualifier le design centré utilisateur de démarche rationnelle. Il semble être, au contraire, une démarche profondément empreinte d’intuition aussi bien de manière générale qu’en ce qui concerne l’attitude du designer ou au sein même de l’utilisation des outils.L’intuition est une notion fondatrice du design sans laquelle une démarche centrée utilisateur ne peut pas fonctionner. Nous proposons donc d’ajouter à notre schéma de synthèse les étapes de l’intuition (fig. 30).

Deux hypothèses nouvelles sont donc à émettre au sujet de l’attitude du designer. La première est sur le lien entre l’intuition émotionnelle et l’empathie tel que nous venons de le décrire :

La deuxième hypothèse concerne l’importance de l’intuition émotionnelle à un niveau différent pour un produit : le sens et la symbolique. Dans ce cas, l’intuition intervient sur une notion plus transversale. Un produit ou un service n’est pas uniquement une réponse fonctionnelle à un besoin. Il est aussi porteur de sens : un bureau n’est pas uniquement un lieu pour écrire. Il peut aussi avoir un rôle de représentation et être un symbole de pouvoir important. Notre hypothèse sera :

HYP6 - L’intuition émotionnelle, basée sur la culture et l’observation de l’environnement, est majeure pour donner du sens à un produit et tra-vailler sur sa symbolique.

HYP5 - Pour comprendre les utilisateurs et percevoir l’ensemble des émotions qu’ils ressentent, le rôle de l’intuition émotionnelle est es-sentiel. Être à l’écoute de ses propres émotions est utile pour percevoir celles des autres et ressentir de l’empathie pour les utilisateurs.

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Fig. 30

Recueillir des informations

contact desutilisateurs

Echange et conception entre

utilisateurs et designers

Intuition empathique

Intuition créative et vision globale

Intuition fonctionnelle

Intuition émotionnelle, empathie

Intuition mentale, créativité, prédiction, vision globale

Préparation

Illumination

Vérification

Incubation

Intuition sur un problème, schéma existant, vérification

Restitution, partageet conception avec

l’équipe de conception

InterviewObservation

Outils initiaux

Outils

Révolutionnumérique

Démarcheintuitive

Démarche

Attitude

Design de service

Intelligenceémotionnelle

Intelligenceinter

personnelle

Intelligenceintra-

personnelleet spatiale

Jeu de rôleMise en scène

Co-créationLiving lab

Prototype

PersonaScénarios

Storyboard

Customer journey mapService blue print

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5 CONCLUSION REVUE DE

LITTÉRATURELors de notre revue de littérature nous avons identifié les différents niveaux sur les-quelles le rôle de l’intuition semble être important pour le design et plus spécifique-ment pour le design centré utilisateur. Pour commencer, nous avons décrit le design centré utilisateur en tant que démarche puis nous avons exploré les outils qu’il utilise. Trois familles ont été mises en évidence. La première concerne les outils initiaux utili-sés dès les premiers pas du design industriel dans les années quarante. La deuxième famille est apparue avec les premières interfaces numériques. Elle a aussi été le signe d’une prise de conscience de la part de certains designers de l’intérêt de s’approprier des outils issus des sciences sociales et du marketing. La troisième famille, la plus ré-cente, est liée à la révolution des usages et des comportements amorcée par l’arrivée massive d’interfaces digitales. Elle accompagne l’évolution du design vers une vision plus globale : le design de service.

Dans un second temps, nous nous sommes intéressés à la notion d’intuition en ex-plorant ses différentes facettes. Pour commencer, nous avons décrit les phases qui la composent, la préparation, l’incubation, l’illumination et la vérification. Nous avons expliqué les niveaux auxquels elle intervient en insistant sur l’importance de l’intuition émotionnelle et mentale pour le design. Ensuite, nous avons évoqué les types d’intui-tions possibles comme la créativité ou la prédiction, particulièrement utilisées dans la démarche design orientée vers l’innovation.

Enfin, nous nous sommes attachés aux applications de l’intuition qui interviennent aus-si bien lors de la démarche du design en général que lors de l’utilisation de certains outils. Pour compléter cette exploration de l’intuition, nous avons défini ses fonde-ments dans l’intelligence émotionnelle et l’empathie envers les utilisateurs. Ce dernier point a mis en avant son rôle pour l’attitude du designer.

A partir de notre problématique de recherche, « quel est le rôle de l’intuition pour le design centré utilisateur ? », nous avons soulevé plusieurs questions. Nous avons évo-qué que le design centré utilisateur souhaite plutôt apparaître comme une démarche rationnelle. N’est-il pas, au contraire, une démarche proche de celle de l’intuition ?Lors de ce processus, nous avons expliqué que les designers utilisent des outils cen-trés utilisateur. Nous avons montré l’importance de ces outils, mais aussi l’implication et le temps nécessaire pour les mettre en œuvre. N’y-a-t’il pas des cas pour lesquels les designers utilisent l’intuition à la place de ces outils ?Certains de ces outils, comme les personas ou les scénarios, se basent sur une étude terrain. Celle-ci utilise, par exemple, des interviews ou des focus groups pour fonder les données de ces outils de présentation. Par souci d’économie et de rapidité, les desi-gners n’utiliseraient-ils pas parfois ces outils de partage sans étude terrain préalable ? Quel est le rôle de l’intuition dans cette situation ?

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5.1 La démarche

L’attitude du designer, évoquée lors du rôle de l’intelligence émotionnelle, a permis de s’interroger sur l’importance de l’empathie que peut ressentir le designer lors de ses contacts avec les utilisateurs. Elle est essentielle pour se mettre à la place d’autrui et imaginer les comportements futurs. L’intuition émotionnelle ne joue-t’elle pas un rôle essentiel dans ce cas ?

Nous avons évoqué l’importance grandissante de l’expérience utilisateur. Un objet ne peut plus être uniquement fonctionnel, il doit aussi être porteur de sens, faire appel à notre culture et à notre imaginaire collectif. Nous avons aussi montré que l’intuition est utilisée pour faire la synthèse d’une somme de connaissances importantes. Lors de son utilisation par un designer, n’est-elle pas essentielle pour donner du sens à un produit ? A partir de ces questions, nous avons pu définir plusieurs hypothèses autour de trois niveaux décrivant le design centré utilisateur : la démarche générale, les outils utilisés et l’attitude du designer.

HYP1 - Le design centré utilisateur est une démarche intuitive. Son fonctionnement global correspond aux quatre phases de l’intuition : la préparation, l’incubation, l’illumination et la vérification.

HYP2 - Dans certains cas, les designers n’utilisent pas les outils du design centré utilisateur et font appel à l’intuition pour leur projet.

5.2 Les outils HYP3 - Dans certains cas, les designers détournent les outils centrés utilisateurs en anticipant les comportements des utilisateurs sans les consulter. Ils font appel à leur intuition pour anticiper les comporte-ments des utilisateurs.

HYP4 - L’intuition créative et la vision globale sont essentielles lors des phases d’échange avec les utilisateurs et lors du partage avec l’équipe de conception. Elles donnent la capacité à prendre du recul et à pen-ser le futur à partir de données disparates.

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5.3 L’attitudeHYP5 - Pour comprendre les utilisateurs et percevoir l’ensemble des émotions qu’ils ressentent, le rôle de l’intuition émotionnelle est es-sentiel. Être à l’écoute de ses propres émotions est utile pour perce-voir celles des autres et ressentir de l’empathie pour les utilisateurs.

HYP6 – L’intuition émotionnelle, basée sur la culture et l’observation de l’environnement, est majeure pour donner du sens à un produit et travailler sur sa symbolique.

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6 ETUDE TERRAINEn se basant sur notre revue de littérature, nous avons exprimé six hypothèses nous permettant de répondre à notre question principale. Notre objectif est maintenant de mener une étude terrain. Elle permettra de confirmer, d’infirmer ou de nuancer cha-cune de ces hypothèses. Après cette étape, nous engagerons une discussion à partir des résultats obtenus.Pour commencer, nous allons aborder la démarche méthodologique adoptée et la description du terrain de recherche. Nous décrirons ensuite la méthode de collecte des données autour d’un sondage et d’interviews. Nous terminerons par la technique d’analyse utilisée pour traiter les données recueillies.

6.1 Démarche méthodologique6.1.1 Méthodologiequalitativeexploratoire

Nous souhaitons observer sur le terrain le rôle de l’intuition pour le design centré utilisateur. Nous ne sommes donc pas dans une démarche confirmatoire, mais au contraire exploratoire.

De plus, les données que nous traitons sont relativement subjectives. Elles font appel au ressenti et à la perception que les designers ont de leur pratique quotidienne. Elles associent des notions complexes à exprimer comme l’empathie, l’émotion ou la vision globale. Par ailleurs, nous souhaitons connaître les approches divergentes au-delà de la démarche théorique idéale qui pourrait être exprimée en premier lieu.

Le temps et les moyens consacrés à ce travail ont été limités. Il n’était pas envisageable de faire une étude quantitative capable de qualifier de manière précise les différents rôles de l’intuition pour le design centré utilisateur que nous avons proposés. En conséquence, nous avons mené une étude qualitative, plus appropriée à la dimension de cette recherche.

6.1.2 LeterrainderechercheLe terrain de recherche devant être adapté à une étude qualitative de nature explora-toire et étant donné le temps nécessaire pour le traitement des informations récoltées, nous avons choisi un échantillon de six designers (fig. 31).

Lors de notre revue de littérature, nous avons montré la différence entre le design cen-tré utilisateur pratiqué essentiellement sur le web et les produits digitaux et le design en entreprise qui s’applique plus à des produits physiques. Nous avons aussi signalé la grande proximité entre les deux métiers. Lors de nos recherches de designers, nous avons volontairement pris des personnes pratiquant le design en entreprise. Même si plusieurs ont travaillé sur des projets digitaux, aucune n’est spécialisée dans ce do-maine. Ce choix nous a semblé utile afin d’avoir des personnes utilisant une approche centrée vers l’utilisateur tout en ayant une vision plus globale du métier.

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Fig. 31 - Liste terrain de recherche

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Nous avons utilisé un panel assez large pour exprimer à la fois les spécificités du de-sign en France par rapport aux pays de culture anglo-saxonne et les différences entre les pratiques en entreprise et celles en agence de design.

Les critères retenus ont été les suivants :- type de poste (design intégré, design en agence),- taille de l’entreprise,- types de projets traités,- culture de l’entreprise (française ou anglo-saxonne).

Par souci de confidentialité, l’identité des designers interviewés a été masquée et nous avons donné une information limitée sur leurs entreprises. Ceci donnera plus d’objectivité à l’ensemble des résultats.

Num.Tranched'âge Fonction Effectif Localisation Activité

Duréeinterview

DES1 40-50 ansAgence dedesign > 50 France

Mobilier et produits 86 min

DES2 40-50 ansIntégré en entreprise > 10 000

Francesociété auxEtats-Unis

Produits d'équipment pour l'habitat

46 min

DES3 50-60 ansAgence dedesign < 10 France

Produits grand public etprofessionnels

59 min

DES4 40-50 ans Indépendant < 10 France

Produits grand public etprofessionnels

38 min

DES5 30-40 ansAgence de design < 10

Francesociété enAngleterre

Stratégie produits et services

52 min

DES6 40-50 ansIntégré enentreprise > 10 000

Nord Europe

Produits grand public et professionnels

55 min

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6.2 Méthode de collecte

6.2.1 Lesondage

Afin de mener notre étude qualitative, nous avons utilisé deux outils : un sondage en ligne et des interviews semi-directifs.

Le sondage en ligne a été rempli par chacun des participants avant l’interview (fig. 32 et 33). Il a pour objectif de limiter la durée de l’interview et de qualifier l’identité du designer et son entreprise. Il porte aussi sur l’utilisation des outils centrés utilisateurs afin de mettre en perspective les propos tenus lors de l’interview et de donner une photographie de l’utilisation de ces outils sur ce panel.

6.2.2 LesinterviewsComme nous avons choisi de mener une étude qualitative de nature exploratoire, nous avons réalisé des entretiens semi-directifs avec une quinzaine de questions ou-vertes (fig. 34).Elles ont été écrites dans le but de confirmer, d’infirmer ou de nuancer les hypothèses que nous avons émises. L’ordre des questions ne suit pas celui des hypothèses car il a été fait pour donner un enchaînement cohérent à l’interview. De plus, certaines questions ont pour objectif de traiter plusieurs hypothèses en même temps. Nous avons introduit la notion d’intuition le plus tard possible durant l’interview pour ne pas fermer le débat sur cette notion et pour voir si elle s’exprime de manière spontanée.Nous avons laissé la parole la plus libre possible pour que le designer exprime au mieux son mode de fonctionnement.

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Introduction

Page 1

Nom : Dans quel type de structure êtes-vous ?

Agence de design

Prénom : Intégré en entreprise

IndépendantEntreprise :

Page 2

Je ne connais pas cet outil. Je ne connais pas cet outil.

Je connais cet outil. Je connais cet outil.

J'utilise de temps en temps cet outil. J'utilise de temps en temps cet outil.

Je l'utilise à chaque projet. Je l'utilise à chaque projet.

Qui réalise les interviews : Qui réalise l'observation :

Commentaires : Commentaires :

Je ne connais pas cet outil. Je ne connais pas cet outil.

Je connais cet outil. Je connais cet outil.

J'utilise de temps en temps cet outil. J'utilise de temps en temps cet outil.

Je l'utilise à chaque projet. Je l'utilise à chaque projet.

Qui est en charge des tables rondes :

Commentaires : Commentaires :

Page 3

Je ne connais pas cet outil. Je ne connais pas cet outil.

Je connais cet outil. Je connais cet outil.

J'utilise de temps en temps cet outil. J'utilise de temps en temps cet outil.

Je l'utilise à chaque projet. Je l'utilise à chaque projet.

Qui est en charge de leur rédaction : Qui est en charge de leur rédaction :

Commentaires : Commentaires :

Je ne connais pas cet outil.

Je connais cet outil.

J'utilise de temps en temps cet outil.

Je l'utilise à chaque projet.

Qui est en charge de leur rédaction :

Commentaires :

Utilisez-vous des prototypes lors de vos projets ? Utilisez-vous les tables rondes ?

Utilisez-vous des personas ? Utilisez-vous les scénarios ?

Utilisez-vous les storyboards ?

Est-ce que vous réalisez des interviews auprès des utilisateurs ou des acteurs d'un projet ?

Pratiquez-vous l'observation des utilisateurs chezeux ou sur le lieu d'utilisation ?

Ce sondage a pour objectif de préparer l'interview que nous allons réaliser ensemble.Après une partie destinée à mieux vous connaître, nous aborderons les outils que vous utilisez dans votre pratique quoti-dienne. L'essentiel est d'avoir des réponses correspondant à votre véritable pratique. Il n'y a pas de bon ou de mauvais comportement, mais des approches différentes. Ne soyez pas surpris si vous ne connaissez pas certains outils, c'est parfaitement normal : leur utilisation change considérablement d'un designer à l'autre.

Fig. 32 - Sondage partie 1

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Page 4

Je ne connais pas cet outil. Je ne connais pas cet outil.

Je connais cet outil. Je connais cet outil.

J'utilise de temps en temps cet outil. J'utilise de temps en temps cet outil.

Je l'utilise à chaque projet. Je l'utilise à chaque projet.

Qui est en charge de leur rédaction : Qui est en charge de leur rédaction :

Qui est en charge de leur rédaction :

Commentaires : Commentaires :

Je ne connais pas cet outil. Je ne connais pas cet outil.

Je connais cet outil. Je connais cet outil.

J'utilise de temps en temps cet outil. J'utilise de temps en temps cet outil.

Je l'utilise à chaque projet. Je l'utilise à chaque projet.

Qui est en charge de leur réalisation :

Commentaires : Commentaires :

Page 5

Fin du sondage

Oui

Non

Utilisez-vous le storytelling lors de vos projets (raconter une histoire) ?

Pratiquez-vous la mise en scène (service staging) lors de vos projets ?

Faites-vous des jeux de rôle (service roleplay) ?

Qui est en charge de leur réalisation :

Je ne connais pas cet outil. Je ne connais pas cet outil.

Je connais cet outil. Je connais cet outil.

J'utilise de temps en temps cet outil. J'utilise de temps en temps cet outil.

Je l'utilise à chaque projet. Je l'utilise à chaque projet.

Qui est en charge de leur réalisation :

Commentaires : Commentaires :

Qui est en charge de leur réalisation :

Je ne connais pas cet outil.

Je connais cet outil.

J'utilise de temps en temps cet outil.

Je l'utilise à chaque projet.

Commentaires :

Avez-vous participé à un living lab ?

Faites-vous de la co-création ?

Utilisez-vous d'autres outils ?

Le sondage est terminé. Merci beaucoup pour votre participation.La deuxième partie de l'enquête sera l'interview que nous allons réaliser ensemble.

La fenêtre peut être fermée.

En cas de réponse positive, décrivez les autres outils que vous utilisez :

Réalisez-vous des cartes du trajet utilisateur (customer journey map) lors de vos projets ?

Utilisez-vous le plan de service (service blueprint) ?

Fig. 33 - Sondage partie 2

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Q1 De quelle manière recueillez-vous les attentes desutilisateurs ?

DEM

Q2Comment faites-vous pour vous mettre à la placede l’utilisateur et quel est votre état d’esprit durantcet exercice ?

HYP5

Q3 Ressentez-vous de l'empathie envers lesutilisateurs et à quoi cela vous sert-il ?

HYP5Question ajoutée après le premierentretien pour qualifier le rôle del'empathie par rapport à l'intuition.

Q4En quoi les informations issues des utilisateurssont-elles utiles par rapport à la préparation de votre démarche créative ?

HYP1

Q5 Comment intégrez-vous les informations issuesdes utilisateurs sur une nouvelle création ?

HYP1

Q6 Quelles sont les qualités requises pour cettedémarche ?

DEMtoutes

les HYP

Question supprimée après lepremier interview car elle ne présente pas un intérêt par rapport au thème du mémoire.

Q7 Quand vous avez fait votre phase de recherche, comment viennent les idées lors d'un projet ?

HYP1

Q8 Comment utilisez-vous les informations issues desutilisateurs après la phase de création ?

HYP1

Q9 Lors de votre démarche, que pensez-vous de l’importance de l’intuition et à quoi vous sert-elle ?

toutes les HYP

Q10 Quel est le rôle de l'intuition lorsque vous travaillezsur le sens donné à un produit ?

HYP6

Q11Comment adaptez-vous les outils centrésutilisateur en fonction du projet, selon quelscritères et pourquoi ?

HYP3

Q12Quelle est votre approche pour gérer des donnéesdisparates et complexes, en particulier quand ellesviennent des utilisateurs ?

HYP4

Q13Que pensez-vous de l'importance d'avoir une vision globale pour le design lors de vos échangesavec les utilisateurs ?

HYP4

Question ajoutée après le premierentretien pour qualifier le rôle de la vision globale, la question 12 étant particulièrement ouverte.

Q14Vous arrive-t-il de ne pas utiliser les outils centrés utilisateurs pour un projet ? Si oui, quelle est votre démarche dans ce cas ?

HYP2

Questions Hypothèses Commentaires

Fig. 34 - Questionnaire interview

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Page 73: memoire Nathanael Delahaye

Fig. 35 - Réponses au sondage

Outils initiaux

Outils révolution numérique

Outils design de service

DES1 DES2 DES3 DES4 DES5 DES6 Total

Interview 0 50 30 10 50 50 max. 300

Observation 0 50 30 30 30 30

Prototype 30 50 30 50 30 30

Table ronde (focus group) 10 50 30 30 30 30

200 120 140

Persona 0 50 0 0 30 30 max. 300

scenario 0 50 30 30 30 30

Storyboard 10 50 30 10 30 30

150 40 90 90

Customer journey map 0 50 10 0 30 30 max. 300Service blueprint 0 0 0 0 30 10

Storytelling 10 50 0 10 30 30

Service roleplay 0 0 10 10 30 10

Service staging 0 50 30 10 10 0

Co-création 0 50 50 30 30 30

Living lab 0 30 0 30 10 0

230 90 110Autres outils 50 50 50 0 50 50 250

TOTAL par designer 60 580 280 250 400 340Je ne connais pas cet outil. 0Je connais cet outil. 10J'utilise de temps en temps cet outil. 30Je l'utilise à chaque projet. 50

Designer France orienté vers « l'esthétique et l'art de vivre » < 150

Designer France orienté vers l'industrie et les produits 150< <340

Designer dans une entreprise de culture anglo-saxonne orientée produits ou service > 340

190170220180

40 120 140

10 60

12040

13060

10019070

10 100 170

110170160

73

6.3 Technique d’analyse des données6.3.1 Lesondage

Tous les designers ont répondu au sondage. Les résultats ont été pondérés en fonc-tion des commentaires ajoutés. Par exemple, DES6 a coché « Je ne connais pas cet outil » pour « service blueprint » tout en précisant dans son commentaire :

Nous avons donc transformé sa réponse en « Je connais cet outil ».Nous avons retranscrit ces résultats sous la forme d’un tableau de synthèse (fig. 35) avec une note pour chaque réponse de 0 à 50 en fonction du degré de connaissance et d’utilisation des outils cités. Plusieurs totaux permettent d’avoir une lecture soit par outils, soit par familles d’outils ou soit par designers.

« Je connais l’outil, mais ne travaillant pas à l’implémentation des concepts sur le marché, je n’en ai pas encore eu besoin... mais qui sait à l’avenir ? » DES6

Page 74: memoire Nathanael Delahaye

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Q3 - Ressentez-vous de l'empathie envers les

utilisateurs et à quoi cela vous sert-il ?

D2 – Et bien je dirais que l’empathie elle est quand même… comme designer,

c’est quand même un élément essentiel et tu es quand même, pour bien

comprendre, il faut bien analyser, il faut bien connaître, il faut bien pratiquer, il

faut bien essayer de comprendre donc et se mettre dans l’état d’esprit de

l’utilisateur, questionner, recueillir les informations pour, après, essayer de

mieux comprendre et donc créer, l’empathie a quand même un rôle assez

fondamentale. Que tu te place du côté de l’utilisateur, que ce soit l’utilisateur

final ou que ce soit l’installateur, qui est un autre utilisateur ou des choses

comme ça, il y a plusieurs niveaux de personnes qui vont utiliser l’objet, ne

serait ce que pour l’installer, après le client final l’utilise. Donc tout cela, oui, je

pense que c’est essentiel. ND – Et elle te sert à quoi ? D2 – Elle sert à avoir une acuité plus fine sur les problématiques et sur la

compréhension des besoins et peut être justement à rester plus longtemps

aussi concentré sur les besoins réels et les nécessités peut être un peu plus

essentielles. Donc si on parle de valeurs profondes du type de l’empathie et

tout, c’est sûr que c’est quand même des éléments qui permettent de rentrer

plus profondément dans la problématique donnée et donc de faire de

meilleures choses.

Q4 - En quoi les informations issues des

utilisateurs sont-elles utiles par rapport à la

préparation votre démarche créative ?

D2 – C’est toute la nourriture, donc la phase recherche c’est une chose et ça

c’est la phase créative qui peut être très libre, très, très vaste et peut

s’étendre vraiment à 360° sans limite. La phase préparatrice va réellement

aider à se construire une bibliothèque, à ébaucher les choses avant de se

concentrer sur une problématique précise. Donc c’est réellement une des

phases les plus importantes. Sinon, en fait, la création tu peux l’exprimer de plein de manière que ce soit. Il

n’y a pas de souci, il n’y a pas de limite ni de territoire. Tu peux faire autant

des choses, des maquettes que des dessins, des choses qui vont partir dans

tous les sens, ce qui est bien aussi, ce qui est extrêmement bien et la phase

préparatoire, ça va être vraiment le terreau, la recherche, le terreau qui va

permettre de bâtir un résultat pas rapport à une demande spécifique, par

rapport à un contexte spécifique.

ND – Donc, pour toi, c’est vraiment une base importante, les informations des

utilisateurs.

Q3 - ReutilisateD2 – Et bien jcc’est quand mcoomprendre, ilfaaut bien essayl’uttilisateur, quemieeux comprendfonddamentale. Qfinal ou que ce scomme ça, il y aserait ce que pourpense que c’est esND – Et elle te sertD2 – EElle sert à avccommprééhension desaausssi cooncentré suressentielles. Donc sitout, c’est sûr que c’eplus profondément dmeilleures choses.

QQ4 - En quoi lesuutilisateurs sonprréparation votrvotr2 – C’est toutee lala nourritunourresst la phasease créatéativeive q

teendre vraimentaim àà 360°er àà ssesse connstruire

connstruire une bceentrererntre surur une problémsess lees pplus importantes.

lees pplusn, en fait, la création tu pppas de souci, il n’y a pahooses, des maquettes quess sens, ce qui est bien aatooiree, çaça vaa être vraimetree dee bbâtir un résultatà uun cconntextxte spécifique.nnc, pour toi, c’est vraimerrs.46

être qu’il y a d’autres attentes autour du transport, autour de « je vais de ce

point là à ce point là ». Peut-être qu’il y a d’autres éléments qui sont

importants et que je n’ai pas vu car je suis trop le nez dans le guidon et je vais

demander aux PME, dans mon écosystème de PME qui gravitent autour de

moi, de réfléchir là-dessus. Moi, ça, en quelque sorte, je leur ai répondu :

mais c’est bien, ce que vous avez envie de faire, c’est une démarche design,

en fait, ce que vous êtes en train de faire. Et c’était une démarche design.

Alors je leur ai dit comment le design peut vous aider là-dedans parce que

moi, ça m’intéresse vachement une démarche comme ça. Donc j’en suis là…

Première discussion… Premiers échanges. Mais ça veut bien dire que la

vision globale, il faut qu’elle dépasse, en fait, le produit, le produit lui-même tel

que tu l’as… ou le service tel que tu vas l’utiliser. Et c’est… de toute façon,

l’innovation, elle va passer aussi par le fait que tu vas regarder ce qui se

passe autour.

On en revient aux premières questions ou regarder tout ce qui se fait tout

autour de soi pour concevoir le produit.

Q14 - Vous arrive-t-il de ne pas utiliser les outils centrés utilisateurs pour un projet ? Si oui, quelle est votre démarche dans ce cas ? D4 – Mais tu ne peux pas te couper de ces outils là. Tu, tu… ne peux pas te

couper de ces outils là. Moi je ne vois pas comment tu… tu… bon, tu peux et

je te l’ai mis dans le document que je t’ai envoyé. Un ermite ne peut pas faire

de design. Un ermite qui ne va pas se sourcer autour des autres, qui ne va

pas se sourcer auprès des scénarios d’usage de vie au quotidien. L’homme

est un animal grégaire. Il faut qu’il soit entouré en fait. Il faut qu’il soit enrichi

par plein de choses qui se passe autour de lui pour pouvoir créer. Alors,

même un créateur qui fait des choses tout seul, de toute façon, il ne le fera

pas… il le fera finalement par rapport à tout ce qu’il a pu voir autour de lui,

son éducation, son… je ne vois pas comment tu peux te passer en fait de ton

environnement.

ND – Alors, si on fait abstraction des… alors pas des données que tu

récupères en général, mais est-ce que ça t‘arrive de faire abstraction, sur un

produit en particulier, de faire abstraction sur ce produit là, d’une étude des

utilisateurs de ce produit, ce qui ne t’empêche pas d’aller voir… enfin, toi,

d’avoir ta propre culture, ce que tu vis, ton observation, etc. Mais observation

au sens beaucoup plus général. Je m’explique : tu ne vas pas faire, si tu as

un nouveau thermostat, est-ce que tu vas faire l’analyse du comportement de

l’installateur et de l’utilisateur sur ce produit là ou est-ce que tu vas parfois en

faire abstraction et dans ces cas là, et bien, qu’est-ce qui se passe ?

Comment tu vas fonctionner ?

être qu’il y a d’autres attentes autou

point là à ce point là ». Peut-être

importants et que je n’ai pas vu car je

demander aux PME, dans mon écos

moi, de réfléchir là-dessus. Moi, ça

mais c’est bien, ce que vous avez en

en fait, ce que vous êtes en train d

Alors je leur ai dit comment le desig

moi, ça m’intéresse vachement une d

Première discussion… Premiers éc

vision globale, il faut qu’elle dépasse,

que tu l’as… ou le service tel que tu

l’innovation, elle va passer aussi pa

passe autour.

On en revient aux premières questi

autour de soi pour concevoir le produ

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couper de ces outils là. MoiMoi jeje ne voivo

jeje te l’ai mis dans le documentument queque jeje

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ppèresè en général, mais est-ce qu

itit en particulier, de faire abstra

eeurs de ce produit, ce qui ne

ta propre culture, ce que tu vi

ss beaucoup plus général. Je

eeau thermostat, est-ce que tu

teteur et de l’utilisateur sur ce p

sstractt ion et dans ces cas

t t tu vas fonctionner ?

80

De la même manière que dans le bon design traditionnel d’un produit, on fait

joujou avec les différentes contraintes, les contraintes techniques, les

contraintes de poids, les contraintes de matériaux et on joue avec, on est

créatif à partir de ces contraintes. Imaginer des scénarios d’utilisation, pour

moi, c’est exactement le même processus. Les contraintes c’est tel utilisateur

potentiel et je joue avec et j’imagine des nouveaux scénarios. Donc en fait, le

principe est exactement le même.

Q3 - Ressentez-vous de l'empathie envers les

utilisateurs et à quoi cela vous sert-il ?

D6 – Et bien l’empathie, c’est extrêmement important, sinon, on est pas

capable d’imaginer des scénarios pour des personnes complètement

différentes de soi-même. Pour moi, c’est la base. C’est à dire, il faut… Je

prends un exemple... Imaginons que l’on invente une nouvelle façon de

fumer, même si tu es contre la cigarette, tu dois avoir de l’empathie pour le

fumeur et penser comment créer cette nouvelle cigarette. Donc l’empathie

c’est important, sinon c’est impossible de créer pour quelqu’un qui est dans

une situation différente, avec des valeurs différentes, dans une culture

différente que soi-même.

ND – Et comment tu pourrais décrire l’empathie que tu ressens justement ?

D6 – C’est un peu comme… j’imagine que les acteurs font le même travail : il

faut vraiment s’imaginer être une personne différente et ne pas avoir de

jugement. Par exemple, si on invente un nouveau système d’euthanasie, il

faut oublier d’être contre l’euthanasie. J’essaye de me mettre dans la tête de

quelqu’un qui en a marre et qui veut se suicider et à partir de là, j’essaye de

m’imaginer cet état d’esprit et je serais capable d’inventer pour quelqu’un qui

veut se suicider. C’est peut être un peu radical comme exemple, mais bon…

Par exemple, une femme enceinte : je ne suis pas une femme, je n’ai même

pas d’enfant moi-même, mais si je lis suffisamment d’informations, je pense

être capable, par le biais de l’empathie, de penser à des idées qui seront

intéressantes pour une femme enceinte.

Q4 - En quoi les informations issues des

utilisateurs sont-elles utiles par rapport à la

préparation votre démarche créative ?

D6 – Elles ont utiles, mais elles ne sont pas suffisantes, il ne faut pas

l’oublier.

ND – C’est à dire ?

D6 – Si on a seulement des informations sur l’utilisateur, on ne peut pas être

réellement créatif et penser à plus long terme que 2 ou 3 ans à l’avance. Si on

veut penser pour des concepts sur les 10 ou 15 années à venir, interviewer

Hypothèse Questions Hypothèses Réponses

Culture générale comme base de l'intuition

Les tendances socio-culturelles, esthétique et macro

Démarche itérative prenant du temps / notion de maturation

Prendre du recul / vision gobale / chemin de taverse / zoomer et dezoomer

Importance de l'intuition pour percevoir le non verbale et les signaux faibles

Rationnalité dans l'intuition

Concentration sur l'utilisateur

Intuition et intelligence collective

Le bon sens

Les données utilisateurs ne sont pas toujours pertinentes DES1 - DM DES2 - FL DES3 - FS DES4 - DE DES5 - VP DES6 - BR REPG REP HYP

DEM Démarche du designer par rapport

aux outils centrés utilisateurs.

Q1 De quelle manière

recueillez-vous les attentes

des utilisateurs ?

DEM "Mon premier client, c'est " le directeur de l'agence."

"L'utilisateur, c'est mon expérience du projet, c'est du

bon sens."

"C'est regarder autour, discuter avec des copains."

Sa démarche n'est pas formalisée. Par contre,

presque inconsciemment, il utilise des outils du

design centré utilisateur : interviews, observation,

scénario.

Interviews, photo, observation.

"on fait de la veille permanente, donc des petites études régulières, sur un

panel que l’on choisi suivant les projets. On ajuste le panel et on fait des

photos, vraiment avec des manières qui sont les plus objectives possibles.

Donc, d’abord, on passe par l’observation, la photographie et machin et tout

et vraiment on essaye de vraiment avoir des choses qui soient claires et

nettes et franches et après il peut y avoir interview aussi des personnes."

Il propose une double vision. La première est l'observation permanente du quotidien qui

lui donne un regard particulier sur son environnement. La deuxième est celle pratiquée

de manière spécifique sur chaque projet. Elle est essentielle selon lui.Par contre, il

rencontre des difficultés pour faire accepter ça à ses propres clients. Pour cette raison,

"Avant tout, le propre du designer, c’est d’être lui-même un utilisateur, donc c’est évident

que déjà, tu te regardes toi. Ensuite tu regardes ton environnement, ensuite tu regardes

les gens qui vivent autour de toi."

"on va sur les chantiers et puis on va voir les gens qui posent du matériel, on les

interroge, on regarde comment ils font."

"le designer, la première chose qu’il fait, c’est d ‘aller sur le terrain. Je ne conçois pas un

designer qui reste dans son bureau et qui ne met pas les pieds dehors."

"En tant que designer agence, c’est difficile de demander ça quand tu es extérieur."

Les infos des consommateurs proviennent des études que le client fait et de sa

propre expérience. "En général, c’est eux qui ont fait le sourcing d’infos et qui

ont le besoin du client.. »

”Il y a beaucoup de bon sens, c’est clair, et puis du retour client."

"Principalement en les rencontrant." "si c’est un produit ou un service, en essayant le produit ou le

service actuel le plus proche ou en essayant quelques différents exemples pour comprendre qu’est

ce qui fonctionne bien, qu’est ce qui ne fonctionne pas parce que, en tant que designer, on est aussi

des spécialistes et on peut aussi analyser l’expérience actuelles en comparant différentes offres."

"En ce mettant dans la chaussure de l’utilisateur et en rencontrant les utilisateurs."

"on fait des interviews directs principalement en contexte, c’est à dire chez eux si c’est lié à la

maison ou si c’est un sujet général pour qu’ils soient à l’aise."

Il utilise en permanence une grande diversité d'outils soit lui même, soit avec des experts. Les utilisateurs ne sont qu'une partie

des personnes étudiées : il préfère parler d'intervenants (stakeholders).

"On fait des focus group, on va sur le terrain, on discute avec tous les intervenants sur le terrain, on le fait soit dans des phases

avant même d’avoir inventé des produits, ou des phases pendant l’invention de produits, des phases après."

"C’est important de comprendre toutes les activités, tous les comportements des différents acteurs pour pouvoir créer des

solutions qui soient appropriées et des fois ça donne des idées même parce que on peut extraire, à partir d’une analyse comme

ça, on peut extraire des problèmes et à partir de problèmes, on peut créer des opportunités de produits et de services."

"Quand on a une hypothèse, on fait un prototype d’une hypothèse, on la met en place quelque part, on la teste et on peut faire

une nouvelle version plus élaborée et ainsi de suite."

Il pratique souvent des workshops géants avc des itnervenants internes, externes et des utilisateurs. cette méthode est

assimilée à de la co-création :

"Ce sont des workshops avec vraiment beaucoup de participants, une cinquante, une centaine pendant 2 jours, 3 jours et puis

des gens de l’extérieur, des utilisateurs potentiels, des ingénieurs, des designers, tout ce petit monde mélangé."

Q4 En quoi les informations

issues des utilisateurs sont-

elles utiles par rapport à la

préparation de votre

démarche créative ?

HYP3 Il a une position ambigue sur le rôle de ces

informations : "il faut des projets, des produits où

l’utilisateur donne son point de vue et construise le

projet mais sur certains projets, je ne pense pas,

sinon le rôle du design ne se justifie plus."

Mais il a aussi des informations des futurs utilisateurs

: "on lui a demandé ce qu’il voulait. Il voulait retrouver

les fonctions de son ancien bureau."

"La phase préparatrice va réellement aider à se construire une bibliothèque, à

ébaucher les choses avant de se concentrer sur une problématique précise.

Donc c’est réellement une des phases les plus importantes."

"La phase préparatoire, ça va être vraiment le terreau, la recherche, le terreau

qui va permettre de bâtir un résultat pas rapport à une demande spécifique,

par rapport à un contexte spécifique."

C'est la base de son travail. Par contre, il recueille le plus souvent ces informations par

son observation de la vie quotidienne. "l’information, il faut aller la chercher auprès des

utilisateurs et je reviens à ce que je disais tout à l’heure, tu ne peux pas rester chez toi."

"Je ne pense pas que prendre seulement le point de vue de l’utilisateur est suffisant."

"Si le but c’est d’améliorer quelque chose qui existe et qui est déjà bien défini et que l’on n’a aucune

intention de vraiment changer et juste de l’améliorer un peu, je trouve que c’est extrêmement

pertinent."

"Si le but, c’est vraiment de faire quelque chose de différent, d’apporter une rupture, dans ce cas, la

part des connaissances que l’on acquiert en rencontrant les consommateurs ou les utilisateurs est

un petit peu plus faible en proportion parce qu’il y a d’autres éléments qui doivent être pris en

compte."

"On utilise des tendances ou des planches de tendance pour essayer de comprendre ce qui fait clic

avec les gens."

"Pour ce qui est en rupture, ce qui est utile, c’est de comprendre le contexte d’utilisation donc c’est

un peu plus global : quels sont les comportements ?"

Pour ces études plus en amont, elle regarde 4 notions chez les futurs utilisateurs : "attitude,

préférence, besoin, comportement et perceptions."

"Elles ont utiles, mais elles ne sont pas suffisantes."

"Si on a seulement des informations sur l’utilisateur, on ne peut pas être réellement créatif et penser à plus long terme que 2 ou

3 ans à l’avance. Si on veut penser pour des concepts sur les 10 ou 15 années à venir, interviewer les utilisateurs, ça ne sert à

rien, donc il ne faut pas l’oublier non plus. Des fois, c’est les informations sur les tendances socio-culturelles qui sont plus utiles

dans un projet, des fois ce sont les informations à un niveau plus général."

Les informations issues des utilisateurs sont pour tous la base du travail de la démarche

créative : le "terreau", "la base de travail"...

DES1 a une position ambiguë sur le rôle de utilisateur : il pense que le rôle des designers

est dévalorisé quand les utilisateurs sont intégrés. Cette vision est à l'opposé des autres.

DES5 et DES6 considèrent que ces informations ne sont pas suffisantes, en particulier

quand le projet est pour plus de 2 à 3 ans. En effet, les utilisateurs s'expriment sur le

présent et n'ont pas la capacité à projeter leurs attitudes dans le futur. Dans le cas des

projets pour le moyen et le long terme, ils utilisent plutôt l'avis d'experts et font des

analyses de tendances (par exemple socio-culturelles).

Certains comme DES3 mettent en avant l'importance de l'observation de la vie quotidienne

comme source de travail pour la connaissance des utilisateurs. Pour DES1, c'est même

quasiement la seule source sur les utilisateurs.

Q5 Comment intégrez-vous les

informations issues des

utilisateurs sur une

nouvelle création ?

HYP3 "Moi, à chaque fois, c’est esthétique initialement. Il

faut que ce soit esthétique." Ces informations

utilisateurs sont celles de sa propre expérience.

Lorsqu'il travaille pour du mobilier urbain, c'est sa

propre pratique qui lui sert de base ainsi que

l'observation générale.

"C'est de l'observation, c'est pragmatique"

"Le terrain, on le connaît tous. On a toujours circulé dans Paris."

"Il y a ces éléments là sur l’utilisateur, les éléments marché qui se croisent

avec les éléments sociétaux et c’est peut être le croisement de tout ça qui

parfois aider à créer des best sellers ou des choses qui sont un peu mieux

élaborées, plus élaborées."

Cette intégration se fait progressivement, par itération successives en partant de

l'existant puis en le modifiant à partir des données recueillies auprès des utilisateurs.

"On va commencer par dessiner quelque chose qui va ressembler bien à l’existant et puis

au fur et à mesure, on va, par rapport à ce que l’on a vu, par rapport à ce que l’on a

entendu, intégrer des ingrédients au fur et à mesure de la conception."

Deux notions importantes : la notion d'itération qui permet de tester une idée et de revenir en arrière

si la piste n'est pas la bonne. La notion de hiérarchisation des informations : extraire l'essentiel qui

va servir de ligne directrice pour le projet.

"On a plein d’information, on en a plein la tête, on va essayer d’identifier ce qui est important, ce qui

faut garder, donc c’est un peu du filtrage en fait. Donc souvent on a des hypothèses au départ que

des fois on casse complètement car on se rend compte qu’elles sont fausses, mais c’est fait pour ça

les hypothèses."

Lors de l'analse des interviews, ils recherchent "ce qui nous a marqué, quels sont les points

communs déjà, quelles sont les petites choses, les petites pépites qu’on a trouvé qui nous semblent

importantes."

"on a une idée de ce qu’on cherche, donc je pense qu’il y a une sélection qui se fait un peu

automatiquement."

La notion d'itération semble très importante durant cette phase comme le souligne DES3,

DES5 et DES6. Après une phase d'incubation des données, la phase créative est un

processus non linéaire et itératif où les idées vont progressivement mûrir et prendre forme.

La notion de hiérarchisation des informations se fait en partie durant cette phase.

Q7 Quand vous avez fait votre

phase de recherche,

comment viennent les

idées lors d'un projet ?

HYP3 Il fait appel à sa propre expérience, à sa culture du

design et son analyse régulière des tendances au

travers des magazines de déco et d'internet. "A force

de faire des projets, tu as une culture formelle, des

références."

"tu sais ce qu’il faut faire, ce qui est mieux(…) en

observant, en regardant"

Question non posée car des éléments de réponse sont apparues lors d'autres questions.

"Personne n’a les idées premières géniales et ça se met du premier coup."

"je suis très visuel comme beaucoup de designers, (…) je me fais des banques

de données d’images par catégories de produits, de textures, de matières. Je

me fais des banques de sources."

"Ca émerge, tu ne sais pas forcement d’où, mais c’est cultivé. Moi, des fois, lors

d’un brief, j’ai une vision et je sais où l’on va."

Q8 Comment utilisez-vous les

informations issues des

utilisateurs après la phase

de création ?

HYP3 "tu as différentes phases : maquette, proto qui font

que tu es tout les temps en train de vérifier."

"On peut refaire des tests ou on recheck avec ce que l’on a, ce que l’on

connaît déjà. En tout cas, on s’en sert, on s’en ressert. Elles ne meurent

jamais, on les met à jour et c’est un terreau permanent."

"Nous on garde de toute façon une base de données permanente de veille qui

est la connaissance des utilisateurs et puis des consommateurs et puis

l’évolution du contexte des sociétés dans lesquelles ils vivent, ils évoluent

avec les hauts et les bas et on croise ça avec des possibilités techniques,

technologiques, en terme d’usage que l’on voit se développer."

Pour argumenter les choix. "je les utilisent principalement pendant. Ce n’est pas

tellement après. Alors, après, je vais les utiliser pour argumenter. C’est à dire pour dire

effectivement, j’en suis arrivé à cette solution là."

"Ce que tu as dessiné, tu va le défendre par rapport à ce que tu as eu comme retour

d’information des utilisateurs."

Elle utilise très souvent les personas et ils ont un rôle important pour la vérifiation des propositions :

"on vous introduit une personne et ça, c’est la solution pour cette personne et donc si ça ne colle

pas, ça se voit tout de suite. Donc on ne peut pas y échapper en fait. On vérifie automatiquement."

Pour DES3, DES5 et DES6, la vérification est un des rôles des données issues des

utilisateurs. Elles servent à justifier et argumenter les choix auprès d'un client interne ou

externe ou à qualifier les solutions au sein de l'équipe de création.

DES5 utilise pour cela les personas.

Certains comme DES6 utilisent des prototypes mis en situation réelle pour tester un

nouveau concept.

HYP2 Dans certains cas, les designers

n'utilisent pas les outils du design

centré utilisateur et font appel à

l’intuition pour leur projet.

Q9 Lors de votre démarche,

que pensez-vous de

l’importance de l’intuition et

à quoi vous sert-elle ?

toutes les

HYP

"Elle a un rôle assez primordial quand même dans le

métier que je fais. Ca me permet d’élaguer".

L'intuition a un rôle de filtre pour aller plus vite à la

bonne solution. Au sujet de son directeur d'agence :

"Lui se fit à son intuition, en instantané, il réagit par

rapport à ce qu’il voit."

"Elle sert à avoir un temps d’avance sur les autres si

l’intuition est bonne."

"Tu ne peux pas l’apprendre. Tu ne peux que

l’acquérir, l’avoir en toi." C'est une approche quasi

mystique de l'intuition, un don supérieur sans

véritable explication.

Double vision de l'intuition : d'une part une forme d'intuition quasi mystique et

mystèrieuse et une autre forme, une intuition très rationnelle basée sur des

éléments connus. "Il appelaient intuition cette espèce de capacité artistique

créative."

"L’intuition, ça a un côté croyance."

"J’appellerais l’intuition comme définition, accumulation d’un maximum

d’information, immersion permanente dans un contexte ou dans plusieurs

contextes pour permettre de mieux savoir définir ce que l’on fait."

"L’intuition peut être justement considérer comme un dépassement de tous les

éléments rationnels que l’on peut accumuler et ça peut être juste la

considération de la bonne synthèse de toute la somme de choses

accumulées."

"Pour moi, elle est fondamentale."

"Le designer se nourrit de tout ce qui l’entoure, tout ce qu’il voit, de tout ce qu’il regarde,

de tout ce qu’il lit, de tout ce qu’il entend."

Au sujet de la démarche du designer : "Cette démarche là, tout le monde l‘a, tout le

monde a son intuition, mais tout le monde ne regarde pas suffisamment loin pour aller

vraiment investiguer sur des chemins de traverse."

"Le plus créatif des créatifs, c’est celui qui sera sortir des sentiers tout fait mais tout en

intégrant, bien évidemment plein de choses autour de lui."

"c’est primordial, oui. Ca, c’est vachement compliqué à décrire parce que c’est

hyper simple. Ca se partage assez peu."

Le rôle de l'intuition est lié à la perception du produit par l'utilisateur : "sur le

perçu de ce qui va correspondre au client, pourquoi, qu’est ce qu’il souhaite, je

pense qu’il y a beaucoup de feeling."

Il a tout de même une certaine crainte de l'intuition : "je pense que les intuitions

sont importantes, mais elles sont dangereuses presque."

"Ii faut un mélange intuition et analyse parce que si on a que de l’analyse, on va se perdre dans les

détails et il faut l’intuition pour essayer justement de sortir du niveau des détails pour sentir quels

sont les patterns."

"L’intuition c’est important pour dezoomer."

"Le but, c’est de trouver une vue d’ensemble sur comment simplifier les choses."

"La version intuition peut te dire qu’il va falloir reréfléchir ça et qu’il va falloir retourner ça dans la

tête et que l’on essaye de comprendre s’il y a des meilleures solutions."

"en tant que designer, on observe en permanence l’espace autour de nous, on lit, enfin bon on est

un peu des éponges et ça nous permet d’avoir un sens de l’intuition par rapport à un sujet avant

même que l’on ai fait des études dessus."

"C’est un mélange expérience, intuition, les deux sont très liés de toute façon, qui permet de

t’orienter dès le départ du projet pour éviter d’avoir à prendre tout de zéro et ne pas avoir aussi à

tout étudier, de te poser un milliard de questions, et… ça permet d’aller plus vite, d’être plus

efficace."

"L’intuition, c’est marrant, elle sert à toutes les phases. Parce que même dans les phases d’analyse, il faut avoir de l’intuition sur

qu’est ce que l’on va analyser. Donc même les phases extrêmement rationnelles, il faut une bonne dose d’intuition."

"Même pour préparer une phase d’analyse qui sera rationnelle, il faut avoir de l’intuition à mon avis, sinon, on ne sort jamais du

carcan du moment."

L'intuition est unanimement considéreé comme primordiale dans la démarche design. Par

contre, elle à plusieurs facettes :

- l'intuition est assimilée à une croyance et semble quasi mystique pour DES2. Nous

retrouvons une forme d'intuition assez proche de celle-ci chez le directeur de DES1.

- pour DES2, DES3 et DES6, elle donne la capacité à innover, à sortir du "carcan" ou des

"sentiers".

HYP5 - la réponse à cette hypothèse est assez proche de

l'hypothèse HYP4.

Seul DES1 n'utilise aucun des outils centrés utilisateur et

base donc son approche sur sa propre expérience

personnelle.

En réalité, l'intuition est systématique. Ce qui change entre

les designers et les projets, c'est la matière qui l'alimente :

elle se base sur les données issues des utilisateurs, mais pas

uniquement. L'expérience personnelle, l'observation

permanente du monde, les avis d'experts ou de scientifiques,

l'analyse des tendances socio-culturelles ou esthétiques sont

aussi des données qui alimentent l'intuition.

Q11 Comment adaptez-vous les

outils centrés utilisateur en

fonction du projet, selon

quels critères et pourquoi ?

HYP4 Il ne connaît pas et ne pratique pas ces outils. La

question est sans sujet.

Les projets traités sont "traditionnelles" : il n'y a pas d'interface. Sa

problématique n'est pas de modifier des usages ou d'en créer des nouveaux

mais de détecter des modifications des comportements sociaux qui

influenceront ses produits.

"Je te dirais que nous on est plus sur des choses traditionnelles, sur des

acquis anciens et tout. On n’est pas sur la définition, l’exploration, la

recherche ou le développement de nouvelles choses qui ont plus rapport avec

les interfaces."

"On est plus réellement dans (...) l’évolution des styles de vie et les évolutions

sociétales, (...) on est plus dans des observations de société qui peuvent

réellement avoir une forte influence sur ces objets."

"C’est un domaine plus lent et où tu vas ressentir la lenteur mais pas pour le

plus mal. A la limite, c’est très bien que tout bouge très vite et que

l’électronique et des domaines qui n’existaient pas avant soient explorés et, à

la limite, nous dans notre sens à nous comme on l’utilise, on va le mettre en

application, mais d’une manière très lente, mais peut être beaucoup plus

subtile, parce que le domaine est traditionnel ou que le domaine à plus une

histoire qui est moins effaçable."

Il ne connaît pas ces outils : "Je ne vois pas de quoi tu parles." Il les utilise

indirectement car ses propres clients lui amènent leurs propres analyses.

Elle adapte régulièrement ses outils en fonction du projet, en particulier du budget. Si les personas

sont utilsés par un grand nombre d'intervenants, ils seront très fouillés et basés sur une recherche

utilisateur approfondie. A l'opposé, il lui est arrivé de se fonder en partie sur son expérience

personnelle et d'extrapoler, faute de moyen : elle a donc utilisé en partie l'intuition, tout

spécialement pour la partie émotionnelle.

"On a fait un entretien avec une personne enceinte et on a ajouté des éléments, soit d’expérience

personnelle - une de mes collègues a eu un enfant il n’y a pas très longtemps - pour ajouter plus

d’informations et mieux comprendre et aussi extrapoler sur certains aspects."

"C’était de l’intuition par rapport au côté émotionnel. Donc il y avait des éléments que l’on n’avait

pas forcement approfondis dans les entretiens parce que c’était un sujet très vaste que l’on avait.

Effectivement, on a imaginé."

Pour une expérience map, le rôle de l'intuition est assez secondaire selon elle : "L’intuition a eu un

rôle pour se dire comment on allait présenter cela sur une expérience map parce que on ne l’avait

pas fait de cette façon avant."

"Je pense que ça reste un outil assez analytique en fait. Il y a un peu une part d’intuition pour dire :

on va donner une priorité à cette étape."

"Différents projets appartiennent à des phases différentes, donc par principe, on utilise des outils différents."

"A chaque projet, on adapte. On a une palette d’outils, on n’est pas obligé d’utiliser tout, tout le temps. C’est un peu dans un

orchestre ou dans un groupe, il ne faut pas utiliser à tous les morceaux la batterie, la guitare et le synthé sinon ça fait un album

qui est bien banal, c’est pareil. Chaque projet à sa propre dynamique, ses propres besoins. Vouloir systématiser le processus de

création et systématiser l’utilisation des outils, à mon avis, c’est une abération."

L'adaptation des outils se fait en fonction des moyens selon DES5 : elle travaille dans une

agence et les clients n'ont pas toujours le budget pour faire une étude utilisateur

approfondie. Dans ce cas, elle utilise son entourage, c'est à dire sa propre expérience

personnelle et fait appel à l'intuition.

DES2 insiste sur le type de produits sur lequel il travaille qui a un influence directe sur les

outils qu'il utilise. Cette influence est aussi clairement mise en avant par DES6 : il dispose

d'une palette d'outils très large et, pour chaque projet, choisi les plus adaptés. Il considère

que vouloir systématiser le processus de création est une aberration.

Q14 Vous arrive-t-il de ne pas

utiliser les outils centrés

utilisateurs pour un projet ?

Si oui, quelle est votre

démarche dans ce cas ?

HYP4 Les informations issues des utilisateurs sont

secondaires, en particulier dans le cadre de la

conception de mobilier : "si le paramètre esthétique

est important pour une marque, l’entreprise, la vie

d’un produit, etc… si ça peut aider, il faut quand

même essayer de le mettre en avant."

La recherche utilisateur est liée à un projet en particulier tout en alimentant les

autres. De plus, les recherches étant aussi au niveau des comportements

sociologiques, la démarche est systèmatiquement centrés utilisateur. Il est

designer intégré et travaille donc toujours sur des sujets très proches : il n'est

jamais novice sur un projet.

"il y a des passerelles qui permettent de croiser, d’injecter un peu ce qui se

fait en background dans les projets réels."

"On est dans un domaine assez précis et on a l’habitude de quand même

savoir ce que l’on fait sur plein d’aspect du projet, donc on ne peux pas à 100

%."

C'est impossible selon lui car nous sommes en permanence en train de vivre avec

d'autres qui sont des utilisateurs potentiels et nous ne pouvons cesser de les observer

dans notre vie de tous les jours. Dans ce cas, son intuition est sa source de travail. "Un

ermite ne peut pas faire de design. Un ermite qui ne va pas se sourcer autour des autres,

qui ne va pas se sourcer auprès des scénarios d’usage de vie au quotidien. L’homme est

un animal grégaire. Il faut qu’il soit entouré en fait. Il faut qu’il soit enrichi par plein de

choses qui se passe autour de lui pour pouvoir créer. Alors, même un créateur qui fait

des choses tout seul, de toute façon, il ne le fera pas… il le fera finalement par rapport à

tout ce qu’il a pu voir autour de lui, son éducation, son… je ne vois pas comment tu peux

te passer en fait de ton environnement."

"Et bien tu travailles complètement par rapport à ton intuition. Là, c’est tout ce qui t’a

nourrit avant par rapport au sujet."

"Tu travailles par rapport à ce que tu as dans la tête, mais pour moi, ça n’a pas d’intérêt.

Si tu n’as pas les ingrédients du cahier des charges, ça n’a pas vraiment grand intérêt."

"Quand tu n’as pas d’élément de cahier des charges, et bien tu vas te les créer toi même.

"

"Je pense que si j’ai rien, j’amène des visions, des projections. " Par exemple

pour une gourde pour un pays asiatique dont il ne connaît pas les utilisateurs, il

utilise "des images d’existants et de produits et de bouteilles et de ce type

d’objet et par rapport à un usage attendu d’une gourde. C’est à dire je me suis

dit : moi, utilisateur, dans quel cas je peux utiliser une gourde."

Les outils centrés utilisateurs sont utiles à un horizon de 2 à 5 ans. Au délà, ils ne sont pas très

utiles et elle fait plutôt appel à des scientifiques pour anticiper les tendances et les comportements

futurs.

"Avec les experts, c’est plus facile d’avoir les informations qui répondent à une question. On peut

leur poser une question assez technique, ils vont répondre correctement. Ce n’est pas comme les

utilisateurs. Les utilisateurs, il faut vraiment utiliser l’intuition pour essayer de leur arracher les vers

du nez."

Dans ce cas d'anticipation, l'intuition est utilisée pour la phase de génération des idées : "A la fin, on

proposait des exemples de service ou produit / service, des offres : là, il a bien fallu l’intuition pour

ce pas créatif parce que c’est quelque chose de nouveau encore une fois. Il faut l’intuition pour faire

ça."

Quand il ne fait pas appel aux outils du design centré utilisateur, il utilise les tendances. C'est tout particulièrement le cas quand

il travaille à moyen ou long terme, c'est à dire à plus de 5 ans.

L'intuition est utilisée pour faire des choix lors d'une démarche très rationnelle et cadrée.

"On sait quand analyser les tendances, et ensuite en tirer des conclusions, en tirer des directions à partir des intuitions."

Au sujet d'un projet : "c’était un processus très rationnel dans l’intuition."

Par contre, il ne l'utilise que dans des projets prospectifs et jamais dans des projets débouchant sur des véritables produits.

L'utilisation de l'intuition seule pose un réel souci pour certains comme DES3. Par contre, il

me en avant l'utilisation des données qu'il recueille lui même dans sa vie quotidienne.

Comme le souligne DES2, les multiples études sur les utilisateurs se nourrissent entre

elles. Il considère qu'il est en évolution permanente sur ces données.

Q12 Quelle est votre approche

pour gérer des données

disparates et complexes,

en particulier quand elles

viennent des utilisateurs ?

HYP2 L'essentiel de ces données proviennent des

tendances et non des utilisateurs directement. Sa

réponse est donc décalée. "Le choix du bon

paramètre, c’est ce qui fait la qualité d’un bon

designer."

"Le talent, c’est qu’il a mis le bon dosage, le bon truc,

la bonne réponse au bon moment".

"Il faut essayer (..) de les assembler et si elles sont trop contradictoires,

d’essayer de trouver des noeuds, d’essayer de faire des groupes qui

permettent des clusters qui permettent peut être d’en tirer quelque chose."

Les informations issues des utilisateurs sont brutes et directes. Le designer doit prendre

du recul, avoir une vision plus globale pour que sa réponse soit pertinente. Cette prise de

recul est essentielle pour amener de la cohérence.

"Sur tout sujet, on arrive et on prend du recul. Puisque les chemins de traverse, tu les

prends en allant voir un peu ce qui se passe à côté."

"Il est bien évident que pour raconter ça, en fait, il faut avoir une vision globale de

l’ensemble." Cette approche demande du temps. Il faut que l'incubation se fasse pour

arriver à prendre du recul :"il faut du temps, bien évidemment, pour tout cela… c’est pas

du jour au lendemain que tu te dis : tiens, dans tout les éléments disparates que j’ai eu,

c’est ça qui faut mettre en avant." Le rôle du designer est essentiel dans ce cas, à

l'inverse d'autres : "Il a tellement les yeux focalisés sur cette fonction là qu’il écoute les

autres mais il n’arrive pas à s’en sortir. Il n’arrive pas à se sortir de la fonction de son

produit pour essayer de globaliser, de voir qu’effectivement, il y a plein d’autre chose

autour. "

Première réponse : "je n’en ai pas d’approche pour gérer cela."

En réalité, il travaille à partir d'information déjà traitées par le client. Il ne gère

donc pas cette complexité.

"je trouve que c’est particulièrement difficile quand il y a des informations qui viennent de différents

pays et de cultures très différentes et des opinions vraiment, vraiment différentes."

"Je pense que c’est un mélange assez difficile à dissocier entre l’analyse et l’intuition. C’est un

mélange des deux, parce qu’on ne peut pas seulement réfléchir d’un point de vue de l’analyse. On

n’est pas des machines à calculer non plus. Donc je pense que c’est les deux qui marchent en

parallèle."

L'intuition est citée comme moyen d'aller vite, d'avoir une vision globale pour prendre du recul par

rapport à ces éléments complexes et leur donne un sens : "Je pense qu’elle aide à nous guider

quand on a crée les groupes et les segments par exemple, parce que, en fait, on l’a fait assez

rapidement."

"C’est l’art de synthétiser d’une façon visuelle et c’est l’art de regrouper ce qui te semble regroupable, c’est l’art d’en extraire

l’essence en quelques mots et donc c’est l’art d’organiser son analyse d’une façon « actionable » "

Nous retrouvons une approche typique du design : la pensée visuelle, la capacité à prendre du recul pour avoir une vision

globale, seule capable de donner un sens à cet ensemble.

"C’est peut être la partie la plus importante parce que ces mécanismes là, tu peux les utiliser pour tout, que ce soit les

utilisateurs, que ce soit l’information sur les technologies, que ce soit l’information sur le marché, que ce soit l’information sur les

tendances."

Au sujet du designer, "Il doit être capable d’avoir la vue générale et de rentrer dans le détail, et d’avoir la vue générale et de re

rentrer dans le détail. Si tu ne rentres que dans le détail, tu te perds. Si tu n’es que dans la vue générale, ce n’est pas

intéressant non plus car tu ne seras pas capable de venir avec l’idée qui sera différente des autres idées. Et c’est donc l’art de

trouver des idées qui ont une place dans la vue générale, mais qui sont, dans le détail, différentes des autres."

DES4 reçoit les informations déjà dans un ensemble cohérent de la part de ces clients. Il

n'a donc pas à gérer cette complexité. DES1 met en avant l'importance de faire une

hiérarchie entre ces éléments et de choisir le bon, qui servira de fils conducteur dans le

projet.

Tous les autres insistent sur l'importance de la vision globale : prendre du recul, reculer,

voir l'ensemble sans se perdre dans les détails.

Cette approche semble être typique des designers. Elle est associée à une approche très

visuelle comme le souligne DES6 : "c'est l'art de synthétiser d'une façon visuelle".

Dans ce cas, l'intuition joue aussi un rôle majeur, conjointement à l'analyse.

DES3 parle aussi de la recherche des "chemins de traverse", de l'idée capable d'amener

une réponse cohérente à cette ensemble tout en étant nouvelle.

Q13 Que pensez-vous de

l'importance d'avoir une

vision globale pour le

design lors de vos

échanges avec les

utilisateurs ?

HYP2 Cette question ne lui a pas été posé : elle a été ajouté

à la suite de ce premier interview.

"c’est essentiel."

"On reste quand même très large et très holistique dans l’approche."

La vision globale est essentielle pour sortir de la demande immédiate, pour

prendre du recul. Avoir une vision globale est un garant pour cerner ce qui est

réellement important.

"Elle est fondamentale cette vision globale… C’est même plus qu’une vision globale,

parce qu’une vision globale, ça veut dire que tu vois tous les ingrédients et on revient aux

chemins de traverse. Si tu veux aller encore plus loin, tous ces ingrédients là, il faut que

tu sortes complètement de la chose."

"en tant que designer, tu ne pourras pas dessiner un élément que l’on va utiliser à un

moment donné si tu n’as pas pris en compte tout son environnement."

La question ne l'inspire pas : il ne gère pas les utilisateurs en direct et semble

plutôt septique sur le rôle de la vision globale lors des échanges avec les

utilisateurs : "Je ne sais pas si des mecs qui dessinent des canapés ont des

échanges avec les utilisateurs des canapés, mais moi j’ai l’impression que j’en

ai assez peu."

La vision globale signifie pour elle associer à la fois les fonctionnalités et l'esthétique lors d'un

projet. Elle considère ça comme essentielle et comme un des apports majeurs du design.

"J’ai un peu une critique envers les gens qui font du design de service, car ils ont tendance à se

focaliser sur les fonctionnalités, sur le cheminement des utilisateurs, etc. Mais beaucoup, je ne dis

pas tous, mais beaucoup ont tendance un peu à oublier les aspects un peu plus soft de design. Ils

deviennent presque trop des scientifiques."

"La vision globale dans le design, pour moi, c’est une des caractéristiques principales du design donc c’est super important

parce que c’est exactement l’inverse de ce qu’apprennent les ingénieurs qui eux rentrent dans le détail directement."

"Donc pour moi, c’est une des caractéristiques du designer : c’est de garder justement cette vue générale pour ne pas perdre

les pédales, ne pas rentrer dans les détails et oublier le plus important."

DES4 ne semble pas comprendre le rôle de la vision globale, peut être parce qu'il ne gère

pas les utilisateurs directement. Par contre, tous les autres insiste sur son importance. La

vision globale est essentielle pour sortir de la demande immédiate, pour prendre du recul.

Avoir une vision globale est un garant pour cerner ce qui est réellement important.

Q2 Comment faites-vous pour

vous mettre à la place de

l’utilisateur et quel est votre

état d’esprit durant cet

exercice ?

HYP1 "il faut que je dessine de telle sorte que j’ai moi-même

envie de l’acheter, que j’ai envie de l’acquérir, de

l’utiliser, que ça me plaise pour moi déjà."

"c’est principalement l’esthétique initialement dans

l’agence où je travaille. Je travaille sous une marque,

dans une maison et je dois retrouver une écriture. "

"Ca demande déjà pas mal de temps pour la mise en abîme, pour pénétrer

réellement toute une problématique."

"Les émotions elles sont grandes puisque tu es dans la création, dans

l’immersion, tu n’es plus vraiment dans le monde réel, donc ça a besoin

quand même de calme, de silence, d’isolation, de concentration."

"L’état d’esprit, il est plutôt concentré, très très positif et créatif."

Il décrit la forte volonté de se mettre à la place de l'utilisateur, de se mettre à sa place tout

en reconnaissant la difficulté à ressentir les émotions des autres.

"Il faut tout le temps se mettre dans la position de la personne qui va l’utiliser, en fait, le

produit. C’est parfois assez difficile, surtout quand on conçoit des nouveaux produits."

"tout ce qu’on a pu faire, tout ce qu’on pu dessiner, tout ce qu’on a pu imaginer, on

aimerait bien tout le temps se mettre à la place de l’utilisateur, mais parfois, on ne peux

pas."

Il a une certaine difficulté à expliquer ça.

"Je ne sais pas trop comment te décrire ça."

Son approche varie fortement d'un projet à l'autre. Premier cas avec du materiel

de ski : "Donc, comment je me mets à la place de ces gens là ? Et bien en

mettant moi aussi les pieds dans des chaussures de ski, par exemple. En allant

sur le terrain et puis en voyant ce que font les concurrents, ce qui se passe sur

la piste. Il y a beaucoup de bon sens encore une fois."

Deuxième cas avec un sac à dos extrème : "C’est un sac à dos, on (...) c’est un

peu orienté vers un axe de travail où c’est l’usage qui devait driver

complètement tout le projet. La fonction et l’usage. Donc on s’est pris un

grimpeur type. Glen Blake c’est un mec que tout le monde connaît dans le

milieu, qui est une tronche, quoi. On s’est dit que : qu’est-ce qu’il aurait sur le

dos, qu’est-ce qu’il mettrait, pourquoi ? Ou est-ce qu’il mettrait ces piolets ?

Comment il range ses skis ? Comment il range ses crampons ?"

"C’est surtout un travail d’écoute."

"Pour moi, c’est la concentration sur la discussion qui est importante."

Elle met en avant un point important pour le designer : la notion de signaux faibles qui sont des

détails minimes mais potentiellement essentielles dans l'environnement de l'utilisateurs. Ces

aspérités sont des pistes possibles pour la pahse de création : "Donc vraiment essayer de repérer

les petits détails qui sont peut être moins visibles, mais qui peuvent être intéressants, donc les

signaux faibles en fait."

"Les signaux faibles (...) : si quelqu’un hésite, repose quelque chose Il peut y avoir (...) des

comportements ou des commentaires qui peuvent être facilement ignorés mais il ne faut pas les

ignorer. Des fois, c’est ce qui apporte des choses très importantes."

Elle souligne aussi l'importance du non verbal lors des observations : "si on n’avait pas ressenti qu’il

y avait un aspect positif par rapport à ce pantalon, on voyait qu’elle l’aimait, et ça, ça n’est pas

passé par la parole, parce qu’elle ne parlait pas."

"on se pose la question : What if ? Et si la personne faisait ça ? Et si il faisait ça ? Et si elle faisait ça ? Oh, imagines, il pourrait

faire ça…"

"Je me mets dans les pieds de l’utilisateur, j’essaye de m’imaginer être cette personne."

"Bien sûr, on ne peux jamais imaginer exactement que d’être quelqu’un que l’on est pas, mais enfin je pense que l’on est tous

capable, une fois que l’on a suffisamment de connaissance, de se mettre dans les pieds de quelqu’un du sexe opposé, d’un

âge complètement différent, d’une culture différente. Quand on a suffisamment de connaissances, on assimile et à partir de là,

on imagine."

"Une fois que l’on sait ce que sont les activités des personnes, leur état d’esprit, leurs frustrations, ce qui est le plus important

pour elle dans la journée, etc. quand on a suffisamment d’insights, moi je met ça dans ma tête et puis, à partir de là, je joue

avec."

DES5 insiste sur l'importance du non verbal ou les signaux faibles que permettent

l'observation. C'est dans ces détails, ces aspérités que peuvent souvent apparaître les

meilleures idées.

C'est à la fois un travail d'écoute et de très forte concentration comme le souligneDES2.

La notion de temps est mise en avant par DES2 et DES3 : il y a comme une forme

d'assimilation qui doit se faire, une décantation de toutes ces informations pour que le

processus créatif en lien avec les utilisateurs puissent se faire correctement.

Q3 Ressentez-vous de

l'empathie envers les

utilisateurs et à quoi cela

vous sert-il ?

HYP1 Cette question ne lui a pas été posé : elle a été ajouté

à la suite de ce premier interview.

"Elle sert à avoir une acuité plus fine sur les problématiques et sur la

compréhension des besoins et peut être justement à rester plus longtemps

aussi concentré sur les besoins réels."

"Il faut bien analyser, il faut bien connaître, il faut bien pratiquer, il faut bien

essayer de comprendre donc et se mettre dans l’état d’esprit de l’utilisateur,

questionner, recueillir les informations pour, après, essayer de mieux

comprendre et donc créer, l’empathie a quand même un rôle assez

fondamentale."

Oui, il ressent de l'empathie : c'est un moteur essentiel pour lui. Il cherche en permance à

s'imaginer à la place de l'utilisateur.

"tu essayes de concevoir des choses où les gens ne vont pas se faire du mal. Tu te dis,

si ils se font mal, il y a quand même une erreur, c’est quand même un bug de conception

si les gens se font mal sur le matériel que tu as conçu."

"Si je ne pense pas à eux maintenant, c’est comme si je ne pensais pas à moi demain ou

à l’ensemble de la population qui est vieillissante."

"On te demande de faire de la puériculture. Ce n’est pas évident quand tu n’as pas eu

d’enfant ou quand tu en as, mais que ça fait très longtemps que tu les a eu. Il faut se

remettre dedans."

"C’est là que tu observes et que tu te dis : ah, tiens, oui, si j’avais des enfants de cet âge

là, ça se passerait comme ça et pas forcement bien."

L'empathie est importante. Elle se rapproche d'une forme d'éthique qu'il ressent

envers les futurs utilisateurs de ses produits. L'essentiel est, dans ce cas,

l'usage plus que l'esthétique.

"Il n’y a rien de plus frustrant que un produit qui est rejeté par un client. S’il n’est

pas acheté parce qu’il est moche, ce n’est pas le problème, mais c’est qu’il soit

mal fait."

Au sujet de son travail : "je suis fier que chez plein de grand-mères, plein de

mamies, il y est des bouilloires et des grilles pains" qu'il a dessinés. L'empathie

autour de l'usage est même opposé à une approche purement formelle, plus

futile : "Je ne suis pas un designer qui fait que de la couv’ de magazine et des

belles formes pour faire joli."

Au sujet d'une stagiaire : "ce qui la fait rêver, c’est les produits de sport. Ce n’est

pas les couv’ de magazine, ce n’est pas faire du mobilier, un lampe ou un

canapé, c’est de dessiner une nouvelle palme pour que les nouveaux

pratiquants puissent s’éclater ou puisse découvrir une nouvelle pratique de

sport."

"Je pense que l’empathie elle va dans les deux sens, dans les choses très positives et les choses

très négatives."

"Je pense que si on a eu des expériences, même légèrement similaires, ça aide à comprendre les

émotions de la personne."

"Si on n’a pas d’empathie et que l’on ne peut pas comprendre que quelqu’un est positif ou négatif

par rapport à quelque chose, après on ne peut pas prendre de décision, savoir ce qui est bien et ce

qui n’est pas bien."

"L’empathie, c’est extrêmement important, sinon, on est pas capable d’imaginer des scénarios pour des personnes

complètement différentes de soi-même."

"l’empathie c’est important, sinon c’est impossible de créer pour quelqu’un qui est dans une situation différente, avec des valeurs

différentes, dans une culture différente que soi-même."

"J’imagine que les acteurs font le même travail : il faut vraiment s’imaginer être une personne différente et ne pas avoir de

jugement. Par exemple, si on invente un nouveau système d’euthanasie, il faut oublier d’être contre l’euthanasie. J’essaye de

me mettre dans la tête de quelqu’un qui en a marre et qui veut se suicider et à partir de là, j’essaye de m’imaginer cet état

d’esprit et je serais capable d’inventer pour quelqu’un qui veut se suicider."

Le rôle de l'empathie est pour tous essentiel, elle donne la capacité à se mettre à la place

de l'utilisateur. La plupart insiste sur le travail et la difficulté rencontrés pour se mettre dans

un état d'esprit différent, intégrer des valeurs, des fonctionnements et des attentes qui ne

sont pas les siennes.

DES6 assimile cette approche à celle d'un acteur qui doit se mettre dans la peau de son

personnage.

Pour DES3 et DES4, cette empathie est fortement chargée en émotion. L'un insiste sur

l'importance de ne pas faire de mal à l'utilisateur avec le produit et l'autre parle de sa fierté

à voir ces produits "chez plein de grand-mères, plein de mamies".

Il est aussi intéressant de noter que très souvent les projets évoqués font référence à des

utilisateurs pour lesquels nous avons envie de ressentir une profonde sympathie comme

les personnes agées, les femmes enceintes, les bébés ou les pompiers.

HYP6 L’intuition émotionnelle, basée sur

la culture et l’observation de

l’environnement, est majeure pour

donner du sens à un produit et

travailler sur sa symbolique.

Q10 Quel est le rôle de

l'intuition losque vous

travaillez sur le sens donné

à un produit ?

HYP6 "c’est une capacité à s’accorder un moment de rêve

qui fait que « clac », c’est la bonne idée. Et ça c’est

l’intuition. C’est primordial."

"C’est garder une certaine légèreté dans l’élaboration

du projet qui va à l’encontre de la gravité du projet."

Difficulté à répondre à cette question. La notion de sens est trop vague.

"L’intuition, une part créative qui mixerait les choses différemment."

"L’intuition, ça pourrait découler vers des choses un peu plus excentrique,

moins attendues justement."

C'est une question compliquée. Il pense que l'intuition joue un rôle majeur pour le sens

donné à un produit tout en admettant que son intuition n'est pas toujours suivie par son

client qui a sa propre intuition, basée sur sa propre connaissance des utilisateurs.

L'intuition donne une formidable capacité de synthèse qui semble essentielle dans ce

cas. "On a le droit d’avoir des intuitions, on a le droit d’avoir des convictions, mais

derrière, il faut savoir écouter, il faut savoir, comme tu disais, avoir un peu d’empathie et

se mettre un peu à la place des autres."

"l’intuition, elle est fondamentale, parce que dans ce cas là, on va commencer

par se raconter des histoires." IL décrit clairement l'intuition comme primordiale

pour le sens donné à un produit, l'histoire qu'il veut raconter. "le langage formel

que l’on a trouvé autour est très aseptisé, c’est des lignes super tendues, c’est

très droit, ça exprime de la performance, c’est plus proche de l’avion furtif que

de quelque chose de rassurant parce que cet utilisateur là, il est en recherche

de high tech performant et de technique. Donc c’est l’expression que porte ce

sac en l’occurrence. Donc mon intuition, ça a été ça."

Pour cela, il se raccroche à sa propre culture formelle et à sa capacité à se

mettre dans la peau de l'utilisateur et à imaginer ce qu'il attend du produit.

Elle insiste sur le rôle de l'intuition pour percevoir ce que ressent un utilisateur par rapport au sens

d'un produit : "je pense que l’intuition est importante lors de l’entretien pour essayer justement de

poser les questions qui vont aider à clarifier leur perception."

"C’est l’expérience du designer et son intuition qui vont permettre de poser des questions pour

amener en douceur la personne à exprimer ce qu’elle ressent par rapport à un objet par exemple,

dans le monde du design visuel."

"Après les interviews, lors de la phase créative, l'intuition est aussi essentielle : "c’est utile pour

pouvoir avoir différentes idées qui sont différentes de ce qu’il y a en ce moment. C’est le pouvoir de

l’imagination. Pouvoir imaginer différentes symboliques pour un objet, un service, je ne sais pas, un

élément d’un service peut être ou une marque."

Il a une certaine difficulté à comprendre la question. Il fait tout d'abord le lien entre le sens et l'utilisateur, mais ne comprend pas

le lien avec l'iintuition.

"Une fois que j’arrive plus ou moins à me mettre dans les pieds de l’utilisateur, il faut que j’ai une dose d’intuition pour imaginer

si ça aura du sens ou non pour cette personne."

Plusieurs ont eu une certaine difficulté à comprendre cette question tout particulièrement

pour comprendre le terme "sens". Nous avons du la reformuler ou l'expliquer pour certains.

Le sens donné à un produit est lié à l'histoire que l'on souhaite raconter : l'intuition est alors

essentielle car elle permet de faire un synthèse, de globaliser et de faire ressortir ce qui est

le plus important.

Le sens est associé à l'imagination par DES5 et donc à l'intuition.

DES4 considère que l'intuition est même fondamentale dans ce cas : elle donne la

capacité à se mettre dans le mode de fonctionnement de l'utilisateur et imaginer les

émotions qu'il aura face à un produit.

HYP6 – cette hypothèse est plutôt validéepar d'autres questions.

Commenta

ires

Il se défini comme pragmatique et analytique, mais

son approche utilise essentiellement l'intuition. Celle-

ce est basée sur son observation quotidienne, les

tendances et les remarques du responsable de

l'agence.

Importance de l'émotion (HYP1) : "c’est justement avec des choses qui font

appellent à des analyses et à des émotions plus profondes que tu vas toucher

pas un consommateur, pas un utilisateur, mais une personne au plus profond

d’elle-même."

"l’utilisateur, lui, ne voit pas tout. Il ne réagit que par rapport à ce qu’il connaît. Il ne juge

que ce qu’il connaît et il n’arrive pas à ce projeter sur ce qu’il ne connaît pas. A toi de

faire acte d’imagination par rapport à ce qu’il te donne comme information et aussi d’aller

plus loin."

"on a une base de données de tendances à différents niveaux, donc là c’était principalement société

et technologie, les deux principaux types de tendance. D’autres fois, ce sera peut être économie,

politique, donc point de vue des tendances macro. IL y avait aussi des tendances plutôt style de vie

qui te montre des choses un petit peu plus spécifique lié au thème, la sante par exemple. Et après

on a aussi des tendances liées au design. Donc ça peut être esthétique, graphisme, produit, etc. ou

plus nouvelles interactions. Donc ça, on a des planches, on a des exemples qui viennent illustrer

ces tendances. On mélange avec les informations qui viennent de l’utilisateur, que ce soit du

présent ou du passé et les tendances qui donnent l’idée du contexte futur ou comment les choses

vont évoluer."

"on a fait un projet qui était assez loin dans le futur : un horizon de 4 à 5 ans. Pour nous, ce n’était

pas suffisant d’avoir des informations du présent ou du passé même. Parce que quand on demande

aux utilisateurs, eux, ils ont seulement leur expérience passée pour donner leur réponse."

Il insiste sur l'importance des informations autres que celles issus des utilisateurs comme les tendances socio-culturelles. Sans

cet apport, il est impossible de créer à plus de2 à 3 ans.

Q6 Quelles sont les qualités

requises pour cette

démarche ?

DEM

toutes les

HYP

"La qualité importante, c’est de trouver une idée clef,

d’avoir comme une vision de ton projet, de pouvoir

garder cette idée là et d’arriver à la construire."

Au sujet de la manière dont cette vision vient, il parle

de circulation des idées au sein de l'agence entre des

projets différents. "Ce sont des coïncidences, mais

c’est surtout de l’intuition."

Non posée : question supprimée. Non posée : question supprimée. Non posée : question supprimée. Non posée : question supprimée. Il insiste sur l'importance des informations autres que celles issus des utilisateurs comme les tendances socio-culturelles. Sans

cet apport, il est impossible de créer à plus de2 à 3 ans.

Non posée : question supprimée.

"De la même manière que dans le bon design traditionnel d’un produit, on fait joujou avec les différentes contraintes, les

contraintes techniques, les contraintes de poids, les contraintes de matériaux et on joue avec, on est créatif à partir de ces

contraintes. Imaginer des scénarios d’utilisation, pour moi, c’est exactement le même processus."

"C’est à dire, après avoir passé un mois, deux mois, dix mois sur ton projet à te baigner dans le monde d’un certain utilisateur,

d’un certain intervenant, tu le comprends ce monde. Donc, quand tu commences à créer des nouvelles idées, tu as intégré la

connaissance en toi-même. C’est devenu en toi, donc ça devient indirect.

Ensuite, tu peux faire de façon plus directe et prendre une information spécifique et la transformer sous forme d’issue, d’un

problème… une problématique possible, il y a une tension, il y a quelque chose et on se pose la question : quelle serait donc

l’opportunité pour nous en tant que prestataire de service ou en tant que fabricant de créer ? Des fois, c’est à partir d’un point

précis. Donc, c’est soit l’information générale qui permet de baigner dans le monde de l’utilisateur, soit c’est une information

précise que tu vas utiliser pour créer. Et il y a une troisième forme d’utilisation qui est rétrospective, c’est une fois que tu as

intégré le contexte d’utilisation et que tu crées des idées, souvent, pour justifier ton idée, tu vas rechercher dans toute ta

documentation et ça, c’est très utile aussi. Donc en fait c’est un peu comme : tu recherches, tu mets ça dans ta tête, t’oublies, tu

crées et ensuite, tes idées, pour les valider, tu vas rechercher l’information."

Il y a une très grande diversité des pratiques pour reccueillir les attentes des utilisateurs.

Le premier cas est celui de DES1 : cette démarche n'est pas formalisée et est en grande partie inconsciente et liée à sa propre expérience personnelle.

A l'opposé, une majorité font appel à ces outils de manière régulière voir systématique. Certains comme DES4, récupère des études réalisées par ces clients.

DES3, DES4 insistent sur l'importance de leur propre expérience, leur observation permanente du monde dans lequel nous vivons. Ils mettent en avant une acuité

particulière qui fait partie des caractéristiques du designer.

HYP1 Le design centré utilisateur est une

démarche intuitive. Son

fonctionnement globale correspond

aux quatre phases de l’intuition : la

préparation, l’incubation,

l’illumination et la vérification.

"Quand tu renouvèles un produit dans une gamme, c’est déjà cadré : (...) quand

tu renouvèles une coque sur une alarme. Si ça doit être seulement un lifting,

ces études vont être un peu surdimensionnées. Mais si c’est un nouveau

produit et qu’on lui donne un nouveau marché, oui, c’est essentiel." La moitié de

la base de son travail provient des informations rationnelles comme les

contraintes de fabrication et l'autre moitié est de l'intuition en lieu avec la

perception du client.

Par contre, lors d'un de ces projets, il utilise une autre forme de source

d'information utilisateur en prenant comme référence un personnage connu :

avec l'aide d'internet, il arrive à en avoir une connaissance assez fine pour

pouvoir imaginer ces comportements, ses attentes et ses craintes. Il en fait

quasiement un persona sans connaître l'outil.

HYP3 - Selon certains comme DES6, le fonctionnement du

design tel qu'il le pratique, c'est à dire centré en grande partie

sur l'utilisateur, est très proche de celui de l'intuition : les

phases qu'il décrit sont quasiment identiques.

Par contre, cette démarche n'est pas linéaire : elle est

itérative comme le signale DES3. L'illumination n'arrive pas

vraiment d'un seul coup, c'est plutôt une série de boucle

intuitive qui se succèdent et permettent d'arriver

progressivement à la solution finale.

HYP5 Pour comprendre les utilisateurs et

percevoir l'ensemble des émotions

qu'ils ressentent, le rôle de

l'intuition émotionnelle est essentiel.

Être à l'écoute de ses propres

émotions est utile pour percevoir

celles des autres et ressentir de

l'empathie pour les utilisateurs.

HYP1 - Il y a très nettement, dans les réponses, un lien très

fort entre l'empathie et la capacité à comprendre les

utilisateurs et percevoir l'ensemble des émotions qu'ils

ressentent.

Par contre, le rôle de l'intuition émotionnelle n'est pas mis en

avant directement dans ce cas. Elle apparaît plutôt lors de la

question 9 : l'intuition est utilisée pour prendre du recul par

rapport à toute les données accumulées.

Selon DES5, "L’intuition c’est important pour dezoomer."

Toujours dans la question 9, DES5 explique le rôle de

l'intuition lors des entretiens : elle permet d'adapter les

questions à l'utilisateur pour mieux percevoir ses émotions.

Cette hypothèse est donc en partie validée, mais au vue des

réponses, c'est plutôt l'empathie qui mise en avant pour

comprendre les utilisateurs.

HYP3 Dans certains cas, les designers

anticipent le comportement des

utilisateurs sans les consulter pour

créer certains outils comme les

personas. Ils font appel à leur

intuition.

HYP4 - En posant les questions relatives à cette hypothèse,

nous avons mis en avant un point essentiel : les données

utilisateurs ne sont pas les seules à être utilisées et elles ne

sont pas toujours pertinentes, tout particulièrement pour les

projets à moyen ou long terme.

L'anticipation du comportement des utilisateurs par l'intuition

n'est pas la règle, même si certains comme DES5, ont utilisé

cette approche, faute de moyens de la part d'un client.

HYP4 L’intuition créative et la vision

globale sont essentielles lors des

phases d’échange avec les

utilisateurs et lors du partage avec

l’équipe de conception. Elles

donnent la capacité à prendre du

recul et à penser le futur à partir de

données disparates.

HYP2 - La vision globale est véritablement essentielle lors du

traitement des informations issues des utilisateurs, c'est

même une des forces des designers. Ils ont une grande

capacité à "synthétiser d'une façon visuelle". Cette synthèse

visuelle est clairement utilisée pour partager les informations

au sein de l'équipe de création.

Par contre, le lien entre intuition et vision globale n'est pas

mis en avant avec les questions Q12 et Q13. Il apparaît plutôt

dans la question Q9 sur l'importance de l'intuition.

Quel est le rôle de

l’intuition pour le

design centré

utilisateur ?

Première réponse : "je n’en

En réalité, il travaille à part

donc pas cette complexité

"Je pense que si j’ai rien, j’

pour une gourde pour un p

utilise "des es images d’existasta

d’objet ett et par rapport à uà un

dit : mmoi, utilisateur, ddans q

Les informations issues des utilisateurs sont brutes et directes. Le designer doit prendre

du recul, avoir unoir unee vision plus globale pour que sa réponse soit pertinente. Cette prise de

recul est essentielle pour amener de la cohérence.

"Su"Sur tout sujet, on arrive et on prend du recul. Puisque les chemins de traverse, tu les

prends en allant voir un peu ce qui se passe à côté."

"Il est bien évident que pour raconter ça, en fait, il faut avoir une vision globale de

l’ensemble." Cette approche demande du temps. Il faut que l'incubation se fasse pour

arriver à prendre du recul :"il faut du temps, bien évidemment, pour tout cela… c’est pas

du jour au lendemain que tu te dis : tiens, dans tout les éléments disparates que j’ai eu,

c’est ça qui faut mettre en avant." Le rôle du designer est essentiel dans ce cas, à

l'inverse d'autres : "Il a tellement les yeux focalisés sur cette fonction là qu’il écoute les

autres mais il n’arrive pas à s’en sortir. Il n’arrive pas à se sortir de la fonction de son

produit pour essayer de globaliser, de voir qu’effectivement, il y a plein d’autre chose ff

autour. "

n train de vivre avec

ons cesser de les observer

on est sa source de travail. "Un

va paa pas se sourcer aaututour des autreutres,

usagage de vie au quotiotidien. L’hommeme est

faitait. . Il faut qu’il soit enr enrichi par pleein in de

uvoir cvoir créer. Alors, mêmême un créateur qur qui fait

ne lene le fera pas… il le ferfera finalement pnt par rapport à

son son éducation, son… je… je ne vois pas cos comment tu peupeux

nnemnement."

lètement par rapport à ton intuition. Là, c’est tout ce qui t’a

port au sujet."

r rapport à ce que tu as dans la tête, mais pour moi, ça n’a pas d’intérêt.

pas les ingrédients du cahier des charges, ça n’a pas vraiment grand intérêt."

and tu n’as pas d’élément de cahier des charges, et bien tu vas te les créer toi même.

"Il faut essayer (sayer (..) de les assembl..) de les assembler et si elles soner et si elles sont trop cont trop contradictoires,

d’essayer de trouver des noeuds, d’essayer de faire des groupes qui

permettent des clusters qui permettent peut être d’en tirer quelque chose."

L'essentiel de ces donnédonnées proviennent des

tendances et non des utilisateulisateurs directement. Sa

réponse est donc décalée. "Le choix du oix du bon

paramètre, c’est ce qui fait la qualité d’un bon bon

designer."

"Le talent, c’est qu’il a mis le bon dosage, le bon truc,

la bonne réponse au bon moment".

Q12 Quelle est votre approche

pour gérer des données

disparates et complexes,

en particulier quand elles

viennent des utilisateurs ?

HYP2

Hypothèse Questions Hypothèses Réponses

Culture générale comme base de l'intuition

Les tendances socio-culturelles, esthétique et macro

Démarche itérative prenant du temps / notion de maturation

Prendre du recul / vision gobale / chemin de taverse / zoomer et dezoomer

Importance de l'intuition pour percevoir le non verbale et les signaux faibles

Rationnalité dans l'intuition

Concentration sur l'utilisateur

Intuition et intelligence collective

Le bon sens

Les données utilisateurs ne sont pas toujours pertinentes DES1 - DM DES3 - FS DES4 - DE DES5 - VP

DEM Démarche du designer par rapport

aux outils centrés utilisateurs.

Q1 De quelle manière

recueillez-vous les attentes

des utilisateurs ?

DEM "Mon prem

"L'ut"L'uti

Q14 Vous aVV

utiliser les

utilisateurs p

Si oui, quelle es

démarche dans ce

c

l’

HYP2

Q4HYP1 Le design centré utilisateur est une

démarche intuitive. Son

fonctionnement globale correspond

aux quatre phases de l’intuition : la

préparation, l’incubation,

l’illumination et la vérification.

HYP3 Danans certain

anticticipent le cc

utilisasateurs sanan

créer r certains oo

personnas. Ils fonon

intuitionn.

HYP4 L’intuition créative et la vision

globale sont essentielles lors des

phases d’échange avec les

utilisateurs et lors du partage avec

l’équipe de conception. Elles

donnent la capacité à prendre du

recul et à penser le futur à partir de

données disparates.

p

"Ii faut un mélange intuition et analys

détails et il faut l’intuition pour essay

sont les patterns."

"L’intuition c’est important pour dezo

"Le but, c’est de trouver une vue d’e

"La version intuition peut te dire qu’i

tête et que l’on essaye de comprend

"en tant que designer, on observe en

un peu des éponges et ça nous perm

même que l’on ai fait des études des

"C’est un mélange expérience, intuit

t’orienter dès le départ du projet pou

tout étudier de te poser un milliard d

Elle utilise très souvent les personas

"on vous introduit une personne et ç

pas, ça se voit tout de suite. Donc o

"Je ne pense pas que prendre seule

"Si le but c’est d’améliorer quelque c

intention de vraiment changer et jus

pertinent."

"Si le but, c’est vraiment de faire que

part des connaissances que l’on acq

un petit peu plus faible en proportion

compte."

"On utilise des tendances ou des pla

avec les gens."

"Pour ce qui est en rupture, ce qui e

un peu plus global : quels sont les c

Pour ces études plus en amont, elle

préférence, besoin, comportement e

Deux notions importantes : la notion

si la piste n'est pas la bonne. La not

va servir de ligne directrice pour le p

"On a plein d’information, on en a pl

faut garder, donc c’est un peu du filt

des fois on casse complètement car

les hypothèses."

Lors de l'analse des interviews, ils re

communs déjà, quelles sont les peti

importantes."

"on a une idée de ce qu’on cherche,

automatiquement."

"Principalement en les rencontrant."

service actuel le plus proche ou en e

ce qui fonctionne bien, qu’est ce qui

des spécialistes et on peut aussi ana

"En ce mettant dans la chaussure de

"on fait des interviews directs princip

maison ou si c’est un sujet général p

t compliqué à décrire parce que c’est

du produit par l'utilisateur : "sur le

t, pourquoi, qu’est ce qu’il souhaite, je

e l'intuition : "je pense que les intuitions

reuses presque."

dee designerers, (…) je e me fais dess banques

e pproduits, dde textureres, de matièères. Je

d’ooù, mais cc’est cultivévé. Moi, des s fois, lors

n vva."

Les infos des consommateurs proviennent des études que le client fait et de sa

propre expérience. "En général, c’est eux qui ont fait le sourcing d’infos et qui

ont le besoin du client.. »

”Il y a beaucoup de bon sens, c’est clair, et puis du retour client."

"Quand tu renouvèles un produit dans une gamme, c’est déjà cadré : (...) quand

tu renouvèles une coque sur une alarme. Si ça doit être seulement un lifting,

ces études vont être un peu surdimensionnées. Mais si c’est un nouveau

produit et qu’on lui donne un nouveau marché, oui, c’est essentiel." La moitié de

la basease de son travail ail provient des informations rationnelles comme les

contraintentes de fabricatioion et l'autre moitié est de l'intuition en lieu avec la

perception don du client.

Par contre, lors d'un de ces projets, il utilise une autre forme de source

'information utilisateur en prenant comme référence un personnage connu :

ec l'c l'aide d'internernet, il arrive à à en avoir une connaissance assez fine pour

voir imir imaginer cesces comportemments, ses attene tes et ses craintes. Il en fait

menent un personona sans connanaître l'outil.

rmations par

uprès des

chez toi."

ropose une double vision. La prepremière est l'observm ation permanente du quotidien qui

un regard particulier sur son envin environnement. La deuxième est celle pratiquée

cifique sur chaque projet. Elle est essentielle selon lui.Par contre, il

tés pour faire accepter ça à ses propres clients. Pour cette raison,

desiesignegner, c’est d’être lui-même ume un utilisateur, donc c’est évident

nsuituite tu regardes ton e t environnonnement, ensuite tu regardes

oir les gens qui posent du matériel, on les

d ‘aller sur le terrain. Je ne conçois pas un

pas les pieds dehors."

nder ça quand tu es extérieur."

Quel est le rôle de

l’intuition pour le

design centré

utilisateur ?

informations issues des

utilisateurs après la phase

de création ?

Lors de votre démarche,

que pensez-vous de

l’importance de l’intuition et

à quoi vous sert-elle ?

toutes les

HYP

"Elle a un rôle assez

métier que je fais. C

L'intuition a un rôle

bonne solution. Au s

"Lui se fit à son intu

rapport à ce qu’il vo

"Elle sert à avoir un

l’intuition est bonne.

"Tu ne peux pas l’ap

l’acquérir, l’avoir en

mystique de l'intuitio

véritable explication

l'analyse des tendances socio-culturelles ou esthétiques sont

aussi des données qui alimentent l'intuition.

"L’empathie, c’est extrêmement important, sinon, on est pas capable d’imaginer des scénarios pour des personnes

complètement différentes de soi-même."ff

"l’empathie c’est important, sinon c’est impossible de créer pour quelqu’un qui est dans une situation différente, avec des valeurs ff

différentes, dans une culture diff fférente que soi-même."ff

"J’imagine que les acteurs font le même travail : il faut vraiment s’imaginer être une personne différente et ne pas avoir de ff

jugement. Par exemple, si on invente un nouveau système d’euthanasie, il faut oublier d’être contre l’euthanasie. J’essaye de

me mettre dans la tête de quelqu’un qui en a marre et qui veut se suicider et à partir de là, j’essaye de m’imaginer cet état

d’esprit et je serais capable d’inventer pour quelqu’un qui veut se suicider."

"Je pense que l’empathie elle va dans les deux sens, dans les choses très positives et les choses

très négatives."

"Je pense queue si on a eeu des expépériences, même légèrement simmilaires, ça aide à comprendre les

émototions de lala personnne."

"Si on n’a pas d’empathie et que l’on ne peut pas comprendre que quelqu’un est positif ou négatif

par rapport à quelque chose, après on ne peut pas prendre de décision, savoir ce qui est bien et ce

qui n’est pas bien."

. Elle se rapproche d'une forme d'éthique qu'il ressent

rs de ses produits. L'essentiel est, dans ce cas,

ue.

ant que un produit qui est rejeté par un client. S’il n’est

moche, ce n’est pas le problème, mais c’est qu’il soit

e suis fier que chez plein de grand-mères, plein de

oires et des grilles pains" qu'il a dessinés. L'empathie

me opposé à une approche purement formelle, plus

designer qui fait que de la couv’ de magazine et des

li."

ce qui la fait rêver, c’est les produits de sport. Ce n’est t

e, ce n’est pas faire du mobilier, un lampe ou un

une nouvelle palme pour que les nouveaux

ater ou puisse découvrir une nouvelle pratique de

Le rôle de l'empathie est pour tous essentiel, elle donne la capacité à se mettre à la place

de l'utilisateur. La plupart insiste sur le travail et la difficulté rencontrés pour se mettre dansff

un état d'esprit différent, intégrer des valeurs, des fonctionnements et des attentes qui ne ff

sont pas les siennes.

DES6 assimile cette approche à celle d'un acteur qui doit se mettre dans la peau de son

personnage.

Pour DES3 et DES4, cette empathie est fortement chargée en émotion. L'un insiste sur

l'importance de ne pas faire de mal à l'utilisateur avec le produit et l'autre parle de sa fierté

à voir ces produits "chez plein de grand-mères, plein de mamies".

Il est aussi intéressant de noter que très souvent les projets évoqués font référence à des

utilisateurs pour lesquels nous avons envie de ressentir une profonde sympathie comme

les personnes agées, les femmes enceintes, les bébés ou les pompiers.

entale, parce que dans ce cas là, on va commencer

es." IL décrit clairement l'intuition comme primordiale L

roduit, l'histoire qu'il veut raconter. "le langage formel

st très aseptisé, c’est des lignes super tendues, c’est

a performance, c’est plus proche de l’avion furtif que

urant parce que cet utilisateur là, il est en recherche

t de technique. Donc c’est l’expression que porte ce

mon intuition, ça a été ça."

à sa propre culture formelle et à sa capacité à se

tilisateur et à imaginer ce qu'il attend du produit.

Elle insiste sur le rôle de l'intuition pour percevoir ce que ressent un utilisateur par rapport au sens

d'un produit : "je pense que l’intuition est importante lors de l’entretien pour essayer justement de

poser les questions qui vont aider à clarifier leur perception."

"C’est l’expérienc"C e dudu designer eet son intuitiition qui vontnt permettre de pososer des questions pour

ammener en douceur la a personne à à exprimer cece qu’elle reressent par rapport rt à un objet par exeà mple,

danns le monde du desiggn visuel."

"Après les interviewews, lors de la pa phase créaéative, l'intuitiouition est aussisi essentielle : "c’ee st utile pour

pouvoir avoir différenentes idées quiui sont di ff fféreérentes de cece qu’il y a en c ce moment. C’est le pouvoir de ff

l’imagination. Pouvoir r imaginer difféférentes symmboliques popour un objet, un service, je ne u sais pas, un ff

élément d’un service pepeut être ou unne marque."."

Il a une certaine difficulté à comprendre la question. Il fait tout d'abord le lien entre le sens et l'utilisateuff r, mais ne comprend pas

le lien avec l'iintuition.

"Une fois que j’arrive plus ou moins à me mettre dans les pieds de l’utilisateur, il faut que j’ai une dose d’intuition pour imaginer

si ça aura du sens ou non pour cette personne."

Plusieurs ont eu une certaine difficulté à comprendre cette question tout particulièrementff

pour comprendre le terme "sens". Nous avons du la reformuler ou l'expliquer pour certains.

Le sens donné à un produit est lié à l'histoire que l'on souhaite raconter : l'intuition est alors

essentielle car elle permet de faire un synthèse, de globaliser et de faire ressortir ce qui est

le plus important.

Le sens est associé à l'imagination par DES5 et donc à l'intuition.

DES4 considère que l'intuition est même fondamentale dans ce cas : elle donne la

capacité à se mettre dans le mode de fonctionnement de l'utilisateur et imaginer les

émotions qu'il aura face à un produit.

HYP6 – cette hypothèse est plutôt validéepar d'autres questions.

"on a une base de données de tendances às à différents niveiveaux, donc là clà c’était principacipalement sociétté éff

et technologie, les deux principaux types de te tendance. D’autrutres fois, ce sesera peut être éce économie,

politique, donc point de vue des tendances macacro. IL y avait auaussi des tendadances plutôt stystyle de vie L

qui te montre des choses un petit peu plus spécifiqcifique lié au thèmeme, la sante parpar exemple. Et apt après

on a aussi des tendances liées au design. Donc ça pa peut être esthétiqétique, graphismesme, produit, etc. oc. ou

plus nouvelles interactions. Donc ça, on a des planchehes, on a des exemxempls es qui vienneennent illustrer

ces tendances. On mélange avec les informations qui viviennent de l’utilise ateateur, que ce soit soit du

présent ou du passé et les tendances qui donnent l’idée du cu contexte futur ou cou comment les cs choses h

vont évoluer."

"on a fait un projet qui était assez loin dans le futur : un horizon dede 4 à 5 ans. Pour nr nous, ce n’était t

pas suffisant d’avoir des informations du présent ou du passé même.me. Parce que quand nd on demande ff

aux utilisateurs, eux, ils ont seulement leur expérience passée pour dondonner leur réponse."e "

Il ins insiste sur l'importance des informations autres que celles issus des utilisateurs commeeurs comme les tendances socio-culturelles. Sans

cet apet apport, il est impossible de créer à plus de2 à 3 ans.

primée. Non posée : question supprimée. Il insisteste sur l'imur l'importance des informations autres que celles issus des utilisateurs commetilisateurs comme les tendances socio-culturelles. Sans

cet apport, il es, il est impossible de créer à plus de2 us de2 à 3 ans.à

Non posée : question supprimée.

HYP1 - Il y a très nettement, dans les réponses, un lien très

fort entre l'empathie et la capacité à comprendre les

utilisateurs et percevoir l'ensemble des émotions qu'ils

ressentent.

Par contre, le rôle de l'intuition émotionnelle n'est pas mis en

avant directement dans ce cas. Elle apparaît plutôt lors de la

question 9 : l'intuition est utilisée pour prendre du recul par

rapport à toute les données accumulées.

Selon DES5, "L’intuition c’est important pour dezoomer."

Toujours dans la question 9, DES5 explique le rôle deTT

l'intuition lors des entretiens : elle permet d'adapter les

questions à l'utilisateur pour mieux percevoir ses émotions.

Cette hypothèse est donc en partie validée, mais au vue des

réponses, c'est plutôt l'empathie qui mise en avant pour

comprendre les utilisateurs.

HYP4 - En posant les questions relatives à cette hypothèse,

nous avons mis en avant un point essentiel : les données

utilisateurs ne sont pas les seules à être utilisées et elles ne

sont pas toujours pertinentes, tout particulièrement pour les

projets à moyen ou long terme.

L'anticipation du comportement des utilisateurs par l'intuition

n'est pas la règle, même si certains comme DES5, ont utilisé

cette approche, faute de moyens de la part d'un client.

HYP2 - La vision globale est véritablement essentielle lors du

traitement des informations issues des utilisateurs, c'est

même une des forces des designers. Ils ont une grande

capacité à "synthétiser d'une façon visuelle". Cette synthèse

visuelle est clairement utilisée pour partager les informations

au sein de l'équipe de création.

Par contre, le lien entre intuition et vision globale n'est pas

mis en avant avec les questions Q12 et Q13. Il apparaît plutôt

dans la question Q9 sur l'importance de l'intuition.

DES5 insiste sur l'importance du non verbal ou les signaux faibles que permettent

l'observation. C'est dans ces détails, ces aspérités que peuvent souvent apparaître les

meilleures idées.

C'est à la fois un travail d'écoute et de très forte concentration comme le souligneDES2.

La notion de temps est mise en avant par DES2 et DES3 : il y a comme une forme

d'assimilation qui doit se faire, une décantation de toutes ces informations pour que le

processus créatif en lien avec les utilisateurs puissent se faire correctement.

DES4 ne semble pas comprendre le rôle de la vision globale, peut être parce qu'il ne gère

pas les utilisateurs directement. Par contre, tous les autres insiste sur son importance. La

vision globale est essentielle pour sortir de la demande immédiate, pour prendre du recul.

Avoir une vision globale est un garant pour cerner ce qui est réellement important.AA

"on se pose la question : What if ? Et si la personne faisait ça ? Et si il faisait ça ? Et si elle faisait ça ? Oh, imagines, il pourrait

faire ça…"

"Je me mets dans les pieds de l’utilisateur, j’essaye de m’imaginer être cette personne."

"Bien sûr, on ne peux jamais imaginer exactement que d’être quelqu’un que l’on est pas, mais enfin je pense que l’on est tous

capable, une fois que l’on a suffisamment de connaissance, de se mettre dans les pieds de quelqu’un du sexe opposé, d’un ff

âge complètement différent, d’une culture diff fférente. Quand on a suff ffisamment de connaissances, on assimile et à partir de là,ff

on imagine."

"Une fois que l’on sait ce que sont les activités des personnes, leur état d’esprit, leurs frustrations, ce qui est le plus important

pour elle dans la journée, etc. quand on a suffisamment d’insights, moi je met ça dans ma tête et puis, à partir de là, je joueff

avec."

"La vision globale dans le design, pour moi, c’est une des caractéristiques principales du design donc c’est super important

parce que c’est exactement l’inverse de ce qu’apprennent les ingénieurs qui eux rentrent dans le détail directement."

"Donc pour moi, c’est une des caractéristiques du designer : c’est de garder justement cette vue générale pour ne pas perdre

les pédales, ne pas rentrer dans les détails et oublier le plus important."

"C’est surtout un travail d’écoute."

"Pourr moi, c’est la conceentration sur la discussion qui i est importante."

EElle met en avant uun point important pour le designer : la notion de signaux faibles qui sont des

ddétails minnimes maais potentiellemment essentielles dans l'environnement de l'utilisateurs. Ces

aaspérités ssont des pistes possiblees pour la pahse de création : "Donc vraiment essayer de repérer

lees petits ddétails qui sont peut êtree moins visibles, mais qui peuvent être intéressants, donc les

siignaux faiibles en fafait."

"LLes signauux faibless (...) : si quelquu’un hésite, repose quelque chose Il peut y avoir (...) des

coomportemements ou ddes commentaiaires qui peuvent être facilement ignorés mais il ne faut pas les

ignnorer. Dess fois, c’esest ce qui appororte des choses très importantes."

Ellele soulignene aussi l'importance du non verbal lors des observations : "si on n’avait pas ressenti qu’il

y aavait un asspect possitif par rapportt à ce pantalon, on voyait qu’elle l’aimait, et ça, ça n’est pas

passsé par la a parole, pparce qu’elle nne parlait pas."

La visioon globalee signifie ppour elle associer à la fois les ffonctionnalités et l'esthétique lors d'un

projet. Elle conssidère ça ccomme essentielle et comme uun des apports majeurs du design.

"J’ai unn peu unene critique eenvers les gens qui font du deesign de service, car ils ont tendance à se

focalisser sur less fonctionnnalités, sur le cheminement dees utilisateurs, etc. Mais beaucoup, je ne dis

pas toous, mais s beaucoupp ont tendance un peu à oublieer les aspects un peu plus soft de design. Ils

devienennent preesque trop des scientifiques."

à expliquer ça.

ment te décrire ça."

ment d'un projet à l'autre. Premier cas avec du materiel

e me mets à la place de ces gens là ? Et bien en

s dans des chaussures de ski, par exempple. En allant

yant ce que font les concurrents, ce qui sse passe suur

e bon sens encore une fois."

c à dos extrème : "C’est un sac à dos, on (...) c’est un

e travail où c’est l’usage qui devait driver

et. La fonction et l’usage. Donc on s’est pris un

c’est un mec que tout le monde connaît dans le

, quoi. On s’est dit que : qu’est-ce qu’il aurarait sur le

t, pourquoi ? Ou est-ce qu’il mettrait ces piolets ?

s ? Comment il range ses crampons ?"

s : il ne gère pas les utilisateurs en direct et semble

de la vision globale lors des échanges avec les

as si des mecs qui dessinent des canapés ont des

eurs des canapés, mais moi j’ai l’impression que j’en

DES4 reçoit les informations déjà dans un ensemble cohérent de la part de ces clients. Il

n'a donc pas à gérer cette complexité. DES1 met en avant l'importance de faire une

hiérarchie entre ces éléments et de choisir le bon, qui servira de fils conducteur dans lee

projet.

Tous les autres insistent sur l'importance de la vision globale : prendre du recul, reculeTT r,

voir l'ensemble sans se perdre dans les détails.

Cette approche semble être typique des designers. Elle est associée à une approche très

visuelle comme le souligne DES6 : "c'est l'art de synthétiser d'une façon visuelle".

Dans ce cas, l'intuition joue aussi un rôle majeur, conjointement à l'analyse.

DES3 parle aussi de la recherche des "chemins de traverse", de l'idée capable d'amener

une réponse cohérente à cette ensemble tout en étant nouvelle.

L'utilisation de l'intuition seule pose un réel souci pour certains comme DES3. Par contre, il

me en avant l'utilisation des données qu'il recueille lui même dans sa vie quotidienne.

Comme le souligne DES2, les multiples études sur les utilisatesateurs se nourrissensent entre

elles. Il considère qu'il est en évolution permanente sur ces donnénnées.

"C’est l’art de synthétiser d’une façon visuelle et c’est l’art de regrouper ce qui te semble regroupable, c’est l’art d’en extraire

l’essence en quelques mots et donc c’est l’art d’organiser son analyse d’une façon « actionable » "

Nous retrouvons une approche typique du design : la pensée visuelle, la capacité à prendre du recul pour avoir une vision

globale, seule capable de donner un sens à cet ensemble.

"C’est peut être la partie la plus importante parce que ces mécanismes là, tu peux les utiliser pour tout, que ce soit les

utilisateurs, que ce soit l’information sur les technologies, que ce soit l’information sur le marché, que ce soit l’information sur les

tendances."

Au sujet du designer, "Il doit être capable d’avoir la vue générale et de rentrer dans le détail, et d’avoir la vue générale et de re

rentrer dans le détail. Si tu ne rentres que dans le détail, tu te perds. Si tu n’es que dans la vue générale, ce n’est pas

intéressant non plus car tu ne seras pas capable de venir avec l’idée qui sera différente des autres idées. Et c’est donc l’art deff

trouver des idées qui ont une place dans la vue générale, mais qui sont, dans le détail, différentes des autres."ff

Quand il ne il ne fait pas appel aux outils du design centré utilisateur, il utilise les tendances. C'est tout particulièrement le cas quand

il travaivaille à moyen ou long terme, c'est à dire à plus de 5 ans.

L'intL'intuition est utilisée pour faire des choix lors d'une démarche très rationnelle et cadrée.

"On sait quand analyser les tendances, et ensuite en tirer des conclusions, en tirer des dns, en tirer des directions à partirirections à partir des intuitions." des intuitions."

Au sujet d'un projet : "c’était un processus très rationnel dans l’intuintuitiontion."

Par contre, il ne l'utilise que dans des projets prospectifs et jactifs et jamais dans des projets débouchant sur des véritables produits.

t difficile quand il y a des informations qui viennent de diff fférents ff

et des opinions vraiment, vraiment différentes."ff

sez difficficile à dissocier entre l’analyse et l’i’intuition. C’est un ff

peut papas seulement réfléchir d’un point dede vue de l’analyse. On

on pluplus. Donc je pense que c’est les dedeux qui marchent en

'alleller vite, d'avoir une vision globale e pour prendre du recul par

et t lleur donne un sens : "Je pense qqu’elle aide à nous guider

ssegments par exemple, parce queue, en fait, on l’a fait assez

tiles à un horizon de 2 à 5 ans. Au délà, ils ne sont pas très

cientifiqueses pour anticiper leer les tendanceses et les comporportements

’avoir les informations qui répondent à une question. On peut

nique, ils vont répondre correctement. Ce n’est pas comme les

raiment utiliser l’intuition pour essayer de leur arracher les vers

n est utilisée pour la phase de génération des idées : "A la fin, on A

ou produit /it / service, dedes offres : là, à, il a bien fallu l’inu l’intuition pour ff

ue chosese de nouveaeau encore uneune fois. Il faut l’inl’intuition pour faire

L'adaptation des outils se fait en fonction des moyens selon DES5 : elle travaille dans une

agence et les clients n'ont pas toujours le budget pour faire une étude utilisateur

approfondie. Dans ce cas, elle utilise son entourage, c'est à dire sa propre expérience

personnelle et fait appel à l'intuition.

DES2 insiste sur le type de produits sur lequel il travaille qui a un influence directe sur les

outils qu'il utilise. Cette influence est aussi clairement mise en avant par DES6 : il dispose

d'une palette d'outils très large et, pour chaque projet, choisi les plus adaptés. Il considère

que vouloir systématiser le processus de création est une aberration.

"Différents projets appartiennent à des phases diff fférentes, donc par principe, on utilise des outils diff fférents."ff

"A chaque projet, on adapte. On a une palette d’outils, on n’est pas obligé d’utiliser tout, tout le temps. C’est un peu dans un A

orchestre ou dans un groupe, il ne faut pas utiliser à tous les morceaux la batterie, la guitare et le synthé sinon ça fait un album

qui est bien banal, c’est pareil. Chaque projet à sa propre dynamique, ses propres besoins. Vouloir systématiser le processus de VV

création et systématiser l’utilisation des outils, à mon avis, c’est une abération."

en fonction du projet, en particulier du budget. Si les personas

ntervenants, ils seront très fouillés et basés sur une recherche

l lui est arrivé de se fonder en partie sur son expérience

moyen : elle a donc utilisé en partie l'intuition, tout

nelle.

sonne enceinte et on a ajouté des éléments, soit d’expérience

a eu un enfant il n’y a pas très longtemps - pour ajouter plus

et aussi extrapoler sur certains aspects."

côté émotionnel. Donc il y avait des éléments que l’on n’avait

entretiens parce que c’était un sujet très vaste que l’on avait.

e l'intuition est assez secondaire selon elle : "L’intuition a eu un

présenter cela sur une expérience map parce que on ne l’avait

ez analytique en fait. Il y a un peu une part d’intuition pour dire :

ape."

de questions, et… ça permet d aller plus vite, d être plus

"je trouve que c’est particulièrement

pays et de cultures très différentes eff

"J"Je pense quue c’est unn mélange e ass

mélange deses deux, paparce qu’onon ne p

n’est pas dedes machinines à calcculer n

parallèle."."

L'intuitionon est citée e comme mmoyen d

rapport àà ces élémments commplexes e

quand oon a crée les groupepes et les s

rapidemment."

Les outils centrés utilisateurs sont u

utiles et elle fait plutôt appel à des s

futurs.

"Avec les experts, c’est plus facile dAA

leur poser une question assez techn

utilisateurs. Les utilisateurs, il faut vr

du nez."

Dans ce cas d'anticipation, l'intuition

proposait des exemples de servirvice o

ce pas créatif parce que c’est qt quelqu

ça."

n ai pas d’approche pour gérer cela."

tir d'information déjà traitées par le client. Il ne gère

.

’amène des visions, des projections. " Par exemple

pays asiatique dont il ne connaît pas les utilisateurs, il

ants et de produits et de bouteilles et de ce type

usage attendu d’une gourde. C’est à dire je me suis

quel cas je peux utiliser une gourde."

Elle adapte régulièrement ses outils

sont utilsés par un grand nombre d'i

utilisateur approfondie. A l'opposé, ilA

personnelle et d'extrapoler, faute de

spécialement pour la partie émotion

"On a fait un entretien avec une pers

personnelle - une de mes collègues

d’informations et mieux comprendre

"C’était de l’intuition par rapport au c

pas forcement approfondis dans les

Effectivement, on a imaginé."ff

Pour une expérience map, le rôle de

rôle pour se dire comment on allait p

pas fait de cette façon avant."

"Je pense que ça reste un outil asse

on va donner une priorité à cette éta

tout étudier, de te poser un milliard d

efficace."ff

: "Je ne vois pas de quoi tu parles." Il les utilise

pres clients lui amènent leurs propres analyses.

r u

nn

snts là, il faut que

a utiliser à un

utilisateurs : Je ne sais pas si des mecs qui dessinent de

échanges avec les utilisateurs des canapés, mais moi j’ai

ai assez peu."

ttre à sa place tout

tiliser, en fait, le

eaux produits."

maginer, on

fois, on ne peux

Il a une certaine difficulté à expliquer ça.

"Je ne sais pas trop comment te décrire ça."

Son approche varie fortement d'un projet à l'autre. Premier c

de ski : "Donc, comment je me mets à la place de ces gens l

mettant moi aussi les pieds dans des chaussures de ski, par

sur le terrain et puis en voyant ce que font les concurrents, c

la piste. Il y a beaucoup de bon sens encore une fois."

Deuxième cas avec un sac à dos extrème : "C’est un sac à d

peu orienté vers un axe de travail où c’est l’usage qui devait

complètement tout le projet. La fonction et l’usage. Donc on

grimpeur type. Glen Blake c’est un mec que tout le monde co

milieu, qui est une tronche, quoi. On s’est dit que : qu’est-ce

dos, qu’est-ce qu’il mettrait, pourquoi ? Ou est-ce qu’il mettra

Comment il range ses skis ? Comment il range ses crampon

Fig. 37 - Matrice des réponses aux interviews

Fig. 36 - Exemple de retranscription des interviews

Page 75: memoire Nathanael Delahaye

75

6.3.2 LesinterviewsNous avons mené les interviews avec les six designers soit en visio-conférence ou soit par téléphone. En fonction du déroulement de chaque interview, des relances ont été faites pour que chaque thème soit correctement abordé. Pour certains, nous n‘avons pas posé toutes les questions car elles étaient sans sujet par rapport à leur démarche. Par exemple, la question Q11 sur l’adaptation des outils du design centré utilisateur n’a pas été posée à DES1 car il ne les utilise pas.

Afin d’avoir une base de travail solide, ces interviews ont été enregistrés puis transcrits par écrit dans leur intégralité (fig. 36). Ces transcriptions ne sont pas mises en annexes par souci de confidentialité, mais elles seront présentées sous la forme d’un cahier à consulter lors de la soutenance.

Une matrice a été réalisée (fig. 37) à partir de ces écrits en synthétisant les verbatim les plus représentatifs ou en faisant part d’un résumé de la réponse recueillie. Au sein de cette matrice, les questions ont été regroupées par hypothèse pour faciliter la lecture. A la lecture de ces résultats, plusieurs thèmes transversaux sont apparus. Nous les avons mis en valeur à l’aide de couleurs différentes.

A partir de l’ensemble de ces résultats, nous avons établi des éléments de réponse globaux à notre problématique. Ces thèmes ont servi de base pour mener la discus-sion.Lors de la confrontation des hypothèses et de la discussion, nous avons utilisé des verbatim. Par souci d’authenticité, la forme n’a pas été corrigée. Pour certains desi-gners comme DES5 ou DES6 qui vivent ou ont vécu plusieurs années à l’étranger, nous signalons que la syntaxe n’est pas toujours correcte. De plus, ils utilisent souvent des termes en anglais, car ne connaissant pas la traduction en français.

6.4 Présentation des résultats

A partir des résultats du sondage, nous avons pu faire plusieurs constats, ci-après, sur l’utilisation des outils centrés utilisateur par les designers interrogés :Ils adoptent progressivement les familles d’outils en fonction de l’ancienneté de ces derniers. Les outils initiaux sont les plus utilisés et sont tous connus par les designers. Pour une majorité, ils les utilisent au moins régulièrement voire systématiquement comme DES2. Cela montre l’intégration de ces outils dans la pratique quotidienne des designers en général. Un seul ne les utilise presque pas : DES1. En revanche, lors de l’entretien, nous avons constaté que les interviews, l’observation ou les scénarios, qu’il ne connaît pas, sont régulièrement pratiqués de manière détournée ou informelle. Par exemple, au sujet d’un bureau pour un particulier :

Il va aussi rejeter une approche utilisant l’observation directe tout en reconnaissant qu’il utilise ses propres observations lors de sa vie quotidienne. Mais cette observation directe n’est pas formalisée ni mise en évidence lors de sa démarche. Elle est même rejetée comme base de travail pour la génération des idées.

6.4.1 Lesondage

« On lui a demandé ce qu’il voulait. Il voulait retrouver les fonctions de son ancien bureau… » DES1

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76

Par exemple, au sujet d’un projet sur les transports en commun :

Les outils issus de la révolution numérique ne sont pas toujours utilisés et les outils du design de service encore moins : plus les outils sont récents, moins ils sont intégrés dans la pratique quotidienne des designers. Les outils du design de service corres-pondent à une approche bien particulière qui n’est pas celle du design de produit. Il est donc normal de ne pas constater l’utilisation de ces outils chez certains designers.Une autre différence apparaît : ces outils sont globalement moins implantés en France que dans les entreprises de culture anglo-saxonne (y compris celles dont les desi-gners sont en France comme DES2 ou DES5). Pour les designers pratiquant dans des entreprises françaises, la différence apparaît aussi entre ceux tournés vers les produits industriels grand public comme DES3 et à l’opposé DES1 dont l’activité est orientée vers le mobilier public ou haut de gamme. Cette différence apparaît flagrante lorsque DES1 insiste sur l’importance de l’esthé-tique et l’appréhension qu’il a, face aux outils centrés utilisateurs :

Les outils centrés utilisateur ne sont pas utilisés et suscitent une crainte quant à leur capacité à bloquer la créativité du designer.

Afin de continuer cette analyse de nos résultats, nous proposons maintenant de confronter les hypothèses formulées à la fin de la revue de littérature avec les réponses exprimées par les designers lors des interviews.

« - Donc, ton terrain d’observation, c’est quand tu circules dans la ville, tu prends le métro ?- Oui, Oui, et encore, non, ce n’est même pas… non, il n’y a pas vraiment d’observation. C’est… Tu proposes un scénario, tu proposes une idée… » DES1

« Moi, à chaque fois, c’est esthétique initialement. Il faut que ce soit es-thétique. » DES1« Il faut des projets, des produits où l’utilisateur donne son point de vue et construise le projet mais sur certains projets, je ne pense pas, sinon le rôle du design ne se justifie plus. » DES1

6.4.2 Confrontationdeshypothèses

6.4.2.1 Fonctionnement global de la démarche

Nous avons posé quatre questions pour confronter cette hypothèse afin d’identifier la présence des quatre phases de l’intuition dans la démarche des designers interrogés.

Les réponses à la première question, traitant de la préparation, ont mis en évidence sa présence chez les designers. Par exemple, DES2 parle de « terreau qui va permettre de bâtir un résultat par rapport à une demande spécifique ». DES5 reconnaît qu’ « on a plein d’informations, on en a plein la tête ». DES3 évoque l’importance des don-nées utilisateurs : « l’information, il faut aller la chercher auprès des utilisateurs. » Pour DES4, la moitié de ces informations est directement apportée par le client qui fait ses propres études consommateur, l’autre moitié venant de sa propre connaissance. DES6 souligne que les données utilisateur ne sont qu’une possibilité : « elles ont utiles, mais elles ne sont pas suffisantes. »

Nous avons donc bien une phase de préparation dans la démarche des designers, même si nous remarquons que les données issues des utilisateurs ne sont pas les

HYP1 - Le design centré utilisateur est une démarche intuitive. Son fonctionnement global correspond aux quatre phases de l’intuition : la préparation, l’incubation, l’illumination et la vérification.

Page 77: memoire Nathanael Delahaye

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seules utilisées. DES1 n’utilisant pas directement des données utilisateur, sa réponse apparaît lors d’autres questions. Il évoque l’importance de la « culture formelle, des références » et pense que les données utilisateurs proviennent de sa propre obser-vation du quotidien : « tu sais ce qu’il faut faire, ce qui est mieux (…) en observant, en regardant. »

La deuxième question portait sur la phase d’incubation. Cette notion est plutôt abs-traite et difficile à mettre en évidence. Nous avons eu, malgré tout plusieurs éléments de réponses. DES5 évoque la notion de « filtrage », de « pondération » et de « modé-ration ». DES6 considère qu’il « intègre la connaissance » en lui-même et donc qu’elle « devient indirecte ». DES3 souligne qu’il va progressivement « intégrer des ingrédients au fur et à mesure de la conception ». Quand à DES2 il parle de « croisement de tout ça qui parfois, peut aider à créer des best sellers ». DES1 a plus de difficultés pour répondre à cette question. Il considère que son travail est « pragmatique » et essentiel-lement « esthétique ».

La troisième question traite aussi d’une notion abstraite, la phase d’illumination. Comme réponse, DES1 parle de sa « capacité d’analyse » et passe au « dessin » très rapidement. DES3 trouve qu’il « avance par itération » et que « personne n’a les idées premières géniales ». DES4 a aussi une approche itérative le faisant passer par diffé-rents supports :

Cependant, il évoque clairement la notion d’illumination, en disant, « Il faut que ça fasse tilt », tout comme DES2 qui pense qu’à partir des connaissances recueillies, « ça peut déboucher tout d’un coup sur des flashs. » DES6 parle plutôt de « mélange » et DES1 « d’une capacité à s’accorder un moment de rêve qui fait «clac» ».

La dernière question était au sujet de la vérification. Pour cela, DES1 utilise par exemple des « protos en bois » pour du mobilier et considère qu’il est « tout le temps en train de vérifier ». Pour cette étape, DES2 explique que lui et son groupe maintiennent à jour une « base de données permanente de veille » et qu’ils font « des tests » avec ce dont ils disposent, ce qu’ils connaissent déjà. DES3 utilise les données utilisateur « princi-palement pendant » son travail de création tout en reconnaissant que « pour vérifier les résultats, il faut maquetter, passer en vrai » et aller tester sur le terrain. DES6 fait systématiquement de la vérification, tout en insistant sur la diversité des méthodes. Il peut juste utiliser les scénarios ou des storyboards qui seront présentés « à des utilisa-teurs potentiels qui ont un peu d’imagination » ou bien réaliser « un prototype qui est quasiment ce qui va sortir sur le marché ».

Si nous regardons les réponses recueillies à chacune des questions, nous pourrions confirmer cette hypothèse. La démarche du design centré utilisateur a un fonctionne-ment global qui reprend les quatre phases de l’intuition comme le synthétise DES6 :

Cependant, même si les étapes de l’intuition sont donc bien présentes, il apparaît que leur enchainement n’est absolument pas linéaire. Cette hypothèse a mis en avant le mode de fonctionnement itératif des designers signalé lors de notre revue de lit-térature. L’illumination n’arrive pas vraiment d’un seul coup, c’est plutôt une série de boucles intuitives qui se succèdent et permettent d’arriver progressivement à la solu-tion finale.Nous nuançons donc cette hypothèse.

« Du dessin, du crobard qui va t’amener des choses, peut être du dessin 2D avec Illustrator qui va m’amener autre chose, un peu de bout de ma-quette à la main ou des lignes sur un produit…» DES4

« Tu recherches, tu mets ça dans ta tête, t’oublies, tu crées et ensuite, tes idées, pour les valider, tu vas rechercher l’information. » DES6

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6.4.2.2 Démarche intuitive

Cette hypothèse propose l’utilisation de l’intuition en tant qu’alternative à la démarche centré utilisateur. Dans les réponses, seul DES1 semble pratiquer régulièrement cette approche.

Tous les autres font majoritairement appel à un ou plusieurs des outils que nous avons décrits. Par contre, pour DES2, la réponse est « non, jamais à 100% ». Etant designer in-tégré, il est « dans un domaine assez précis » et il a « l’habitude de quand même savoir ce qu’il fait sur plein d’aspects du projet. »Ce qui change entre les designers, c’est la matière qui l’alimente : elle ne se base pas uniquement sur les données issues des utilisateurs. L’expérience personnelle, l’observation permanente du monde, les avis d’experts ou de scientifiques, l’ana-lyse des tendances socio-culturelles ou esthétiques sont aussi des données qui ali-mentent l’intuition. Selon DES3, il est impossible de ne pas se baser sur des données utilisateur : nous vivons parmi les autres et ils nous alimentent en permanence incon-sciemment.

Il arrive à DES3 d’avoir des projets sans données utilisateur directes. Dans ce cas, il utilise sa propre expérience comme source de connaissance. DES5 reconnaît ne pas toujours utiliser des outils centrés utilisateur. Elle va cependant « travailler avec des experts » dans ce cas. Cette approche est aussi évoquée par DES6, tout particulière-ment lorsqu’il s’agit de sujets prospectifs. Dans ce cas, l’intuition est utilisée « constam-ment » selon DES6. Pour DES5, au contraire, elle est un peu moins utile car, avec les experts, « c’est plus facile d’avoir des informations qui répondent à une question ».

Les designers basent systématiquement leur travail sur des connaissances externes, mais ne font pas toujours appel à des outils centrés utilisateur pour les recueillir. Cette hypothèse est donc nuancée tout en précisant que les outils du design centré utilisa-teur ne sont pas les seuls à amener des informations.

HYP2 - Dans certains cas, les designers n’utilisent pas les outils du de-sign centré utilisateur et font appel à l’intuition pour leur projet.

Au sujet de son directeur d’agence : « lui se fie à son intuition, en instan-tané, il réagit par rapport à ce qu’il voit. » DES1

« Un ermite ne peut pas faire de design. Un ermite qui ne va pas se ressourcer autour des autres, qui ne va pas se ressourcer auprès des scé-narios d’usage de vie au quotidien. L’homme est un animal grégaire. » DES3

6.4.2.3 Intuition anticipatrice

Cette hypothèse est très proche de l’HYP2 et met l’accent sur le détournement des outils centrés utilisateur. Nous avons constaté que pour certains projets, l’intuition est la base qui alimente les outils centré utilisateur. Par exemple, DES4 explique que son client n’a pas toujours la possibilité d’amener des informations sur l’utilisateur.

HYP3 - Dans certains cas, les designers détournent les outils centrés utilisateurs en anticipant les comportements des utilisateurs sans les consulter. Ils font appel à leur intuition pour anticiper les comporte-ments des utilisateurs.

« Je pense que si je n’ai rien, j’amène des visions, des projections. » Par exemple pour une gourde pour un pays asiatique dont il ne connaît pas les utilisateurs, il utilise « des images d’existant, de produits, de bouteilles, de ce types d’objet et par rapport à un usage attendu d’une gourde. C’est à dire je me suis dit : moi, utilisateur, dans quel cas je peux utiliser une gourde ? » DES4

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Il fait donc clairement appel à son intuition en se basant sur des recherches person-nelles sur internet pour anticiper les attentes des utilisateurs. Pour DES3, cette approche est à éviter : « tu travailles par rapport à ce que tu as dans la tête, mais pour moi, ça n’a pas d’intérêt. » De même, DES6 reconnaît ne jamais utiliser cette approche sur des projets réels à cause du risque que cela représente. Comme nous l’avons signalé, DES2 travaillant toujours sur le même domaine, selon lui, « il y a des passerelles qui permettent de croiser, d’injecter un peu ce qui se fait en back-ground dans les projets réels. »

En posant les questions relatives à cette hypothèse, nous avons mis en avant un point essentiel : les données utilisateur directes ne sont pas les seules à être utilisées et elles ne sont pas toujours pertinentes, tout particulièrement pour les projets à moyen ou long terme.Malgré le cas cité, l’anticipation du comportement des utilisateurs par l’intuition n’est pas la règle, même si certains comme DES5 ont utilisé cette approche, faute de moyens de la part d’un client.De plus, nous n’avons pas réussi à mettre en évidence l’utilisation d’outils du design centré utilisateur sans connaissances terrain.

Nous infirmons cette hypothèse car ce n’est pas la pratique courante pour la majorité des designers interviewés.

6.4.2.4 Intuition créative et vision globale

La vision globale est véritablement essentielle lors du traitement des informations is-sues des utilisateurs ; c’est même une des forces des designers. Ils ont une grande ca-pacité à synthétiser d’une façon visuelle. Cette synthèse visuelle est clairement utilisée pour partager les informations au sein de l’équipe de création.

DES2 explique sa démarche durant laquelle il crée « des groupes qui permettent des clusters qui permettent peut être d’en tirer quelque chose. » DES4 pense ne pas avoir cette approche : ses clients font eux-mêmes ce travail pré-paratoire. En revanche, il reconnaît créer « des banques de données d’images » qui lui servent de sources.La vision globale est utilisée comme la base du travail créatif pour sortir du cadre de l’existant et proposer des solutions nouvelles et innovantes.

Le lien entre l’intuition et la gestion de données disparates est spontanément cité par DES5. Pour elle, c’est « un mélange assez difficile à dissocier entre l’analyse et l’intuition ». Ce lien apparaît de manière plus claire dans les réponses à la question Q9 au sujet du rôle de l’intuition.

Cette hypothèse est confirmée, tout en précisant que le lien entre la vision globale et l’intuition n’apparaît pas toujours spontanément.

HYP4 - L’intuition créative et la vision globale sont essentielles lors des phases d’échange avec les utilisateurs et lors du partage avec l’équipe de conception. Elles donnent la capacité à prendre du recul et à penser le futur à partir de données disparates.

« C’est une des caractéristiques du designer : (…) garder justement cette vue générale pour ne pas perdre les pédales, ne pas rentrer dans les détails et oublier le plus important. » DES6

« Sur tout sujet, on arrive et on prend du recul. Puisque les chemins de traverse, tu les prends en allant voir un peu ce qui se passe à côté. » DES3

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6.4.2.5 Intuition empathique

Le rôle de l’intuition émotionnelle n’est pas mis en avant spontanément dans les en-tretiens. Cependant, l’importance de leurs propres émotions est citée par plusieurs designers comme DES2 :

DES5 explique le rôle de l’intuition lors des entretiens : elle permet d’adapter les ques-tions à l’utilisateur pour mieux percevoir ses émotions, tout particulièrement ce qui concerne le « non-verbal » et les « signaux faibles ».

Il y a très nettement, dans les réponses, un lien très fort entre l’empathie et la capacité à comprendre les utilisateurs et percevoir l’ensemble des émotions qu’ils ressentent.

DES6 reconnaît même que le rôle de l’empathie est primordial, « sinon, on est pas capable d’imaginer des scénarios pour des personnes complètement différentes de soi-même. »DES4 évoque plutôt l’importance de créer des produits reconnus par les utilisateurs : « je suis fier que chez plein de grand-mères, plein de mamies, il y est des bouilloires et des grilles pains » que j’ai dessinés. DES3 parle aussi du devenir de ses projets et de l’importance d’une bonne création pour les utilisateurs afin d’éviter « un bug de conception. »Cette hypothèse est donc confirmée, mais à la vue des réponses, c’est plutôt l’empa-thie qui est mise en avant pour comprendre les utilisateurs.

HYP5 - Pour comprendre les utilisateurs et percevoir l’ensemble des émotions qu’ils ressentent, le rôle de l’intuition émotionnelle est es-sentiel. Être à l’écoute de ses propres émotions est utile pour percevoir celles des autres et ressentir de l’empathie pour les utilisateurs.

« Les émotions elles sont grandes puisque tu es dans la création, dans l’immersion, tu n’es plus vraiment dans le monde réel. » DES2

« Je pense que si on a eu des expériences, même légèrement similaires, ça aide à comprendre les émotions de la personne. » DES5

« Elle sert à avoir une acuité plus fine sur les problématiques et sur la compréhension des besoins et peut être justement à rester plus long-temps aussi concentré sur les besoins réels. » DES2

6.4.2.6 Sens et intuition émotionnelle

Plusieurs ont eu une certaine difficulté à comprendre la question en lien avec cette hypothèse, tout particulièrement pour comprendre le terme «sens». Nous avons dû la reformuler ou l’expliquer pour certains.Le sens donné à un produit est lié à l’histoire que le designer souhaite raconter : l’in-tuition est alors essentielle car elle permet de faire une synthèse, de globaliser et de faire ressortir ce qui est le plus important. Elle donne la capacité à se mettre dans le mode de fonctionnement de l’utilisateur et d’imaginer les émotions qu’il aura face à un produit.

De même, pour DES2 et DES5, l’intuition est très « importante » dans ce cas. DES3 donne un exemple pour expliquer le rôle de l’intuition tout en expliquant qu’elle était « partagée » avec son client qui avait une meilleure connaissance des utilisateurs fi-naux.

HYP6 – L’intuition émotionnelle, basée sur la culture et l’observation de l’environnement, est majeure pour donner du sens à un produit et tra-vailler sur sa symbolique.

« L’intuition, elle est fondamentale, parce que dans ce cas là, on va com-mencer par se raconter des histoires. » DES4

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La notion de sens est transversale et assez abstraite et fait appel à la projection que l’utilisateur va faire sur un produit ou un service. Pour imaginer et percevoir cette pro-jection, le designer doit donc se mettre dans l ‘état d’esprit de l’utilisateur.

Malgré les difficultés rencontrées pour obtenir des réponses à la question posée, cette hypothèse est confirmée.

« Une fois que j’arrive plus ou moins à me mettre dans les pieds de l’uti-lisateur, il faut que j’aie une dose d’intuition pour imaginer si ça aura du sens ou non pour cette personne. » DES6

Nous commençons par le rôle de l’intuition sur le design de manière globale : sur l’ensemble de la démarche. Quatre thèmes seront abordés : la démarche itérative des designers, l’intuition en tant que guide, le rôle de l’intuition pour hiérarchiser des in-formations et le rôle de l’intuition pour trouver des chemins de traverse.

Nous allons maintenant engager la discussion autour des résultats obtenus au travers des données terrain et de la confrontation des hypothèses. Plusieurs thèmes transver-saux sont apparus dans les interviews, comme nous l’avons mentionné. Pour mettre en évidence ces thèmes transversaux, nous proposons une lecture au travers des trois niveaux décrivant le design centré utilisateur : la démarche, les outils et l’attitude.

6.5 Discussion

6.5.1 Ladémarche

6.5.1.1 Démarche itérative et maturation Nous avons présenté une similitude entre la démarche du designer et le fonctionne-ment de l’intuition en quatre phases : préparation, incubation, illumination et vérifica-tion. Le questionnement sur cette similitude est exprimé dans l’hypothèse HYP3.Lors des interviews, la démarche des designers est apparue comme beaucoup plus complexe : ils fonctionnent par itérations successives comportant chacune, les quatre phases de l’intuition que nous avons citées. Ces boucles successives se nourrissent les unes les autres et correspondent à une maturation progressive du projet. Cette démarche demande du temps. La maturation d’une idée est importante et plusieurs designers insistent sur cette durée pour arriver au bon compromis, à la bonne solution qui fera la synthèse de toutes les contraintes d’un projet.

Cette démarche itérative est associée à la notion de test : chaque idée qui arrive doit être analysée, évaluée et comparée. En fonction des résultats, elle sera améliorée ou rejetée. Ces tâtonnements sont essentiels pour la qualité du résultat. Ils sont les ga-rants de la solidité des choix réalisés.

« Ça demande déjà pas mal de temps pour la mise en abîme, pour pé-nétrer réellement toute une problématique. » DES2

« Quand on a une hypothèse, on fait un prototype d’une hypothèse, on la met en place quelque part, on la teste et on peut faire une nouvelle version plus élaborée et ainsi de suite. » DES6

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Durant cette démarche itérative, les informations seront aussi triées pour évaluer ce qui est réellement important par rapport au projet et qui devra être retenu comme une idée maitresse pour la solution finale.

Ce temps de maturation et d’itération va à l’encontre de l’image du créateur de génie qui se lève un matin avec une idée révolutionnaire. Ce temps semble plutôt être la réalité des designers pour arriver à trouver une solution nouvelle. Ce mode de fonc-tionnement confirme celui que nous avions décrit lors de notre revue de littérature pour le design en général.

« On a plein d’informations, on en a plein la tête, on va essayer d’iden-tifier ce qui est important, ce qu’il faut garder, donc c’est un peu du fil-trage en fait. Donc souvent on a des hypothèses au départ que des fois on casse complètement car on se rend compte qu’elles sont fausses, mais c’est fait pour ça les hypothèses. » DES5

6.5.1.2 Hiérarchiser et trierUn des rôles de l’intuition exprimé par les designers est d’être un moyen pour trier et hiérarchiser les informations nécessaires sur un projet.

L’intuition permet de choisir, d’aller à l’essentiel, de regrouper les informations entre elles et de déterminer celles qui sont les plus importantes. Ce rôle est d’autant plus important que les informations traitées par les designers sont de natures très diverses. A côté de celles issues des utilisateurs, il y a celles provenant des autres intervenants, les contraintes techniques ou encore les produits concurrents.

« Il faut essayer (...) de les assembler et si elles sont trop contradictoires, essayer de trouver des nœuds, essayer de faire des groupes qui per-mettent des clusters qui permettent peut être d’en tirer quelque chose. » DES2

« Elle me sert aussi dans les phases de synthèse. Synthétiser de l’in-formation, c’est illimité la façon dont on peut synthétiser l’information, donc il faut prendre des décisions constamment (…). Donc synthétiser, il y a plusieurs façons et là aussi, il y a une part d’intuition. » DES6

6.5.1.3 Avoir une vision globaleL’objectif de ce tri et de cette hiérarchisation des informations est en premier lieu de proposer une vision globale à cet ensemble d’information. Cette vision globale est une des caractéristiques qui semble différencier les designers d’autres professions comme les ingénieurs. Elle inclut l’ensemble des éléments que nous avons cités comme les informations issues des utilisateurs ou les tendances.

Cette vision globale devient la principale source capable de nourrir l’intuition. La vi-sion globale est essentielle pour prendre du recul. Elle donne une lecture simplifiée et cohérente d’un ensemble complexe. Avoir une vision globale est un garant pour cerner ce qui est réellement important.

« La vision globale dans le design, pour moi, c’est une des caracté-ristiques principales du design donc c’est super important parce que c’est exactement l’inverse de ce qu’apprennent les ingénieurs qui eux rentrent dans le détail directement. » DES6

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Le rôle de l’intuition par rapport à la démarche créative s’est exprimé au travers d’une autre notion : être un guide tout au long du processus.

L’intuition agit comme un point à atteindre lors du projet qui apparaît parfois très tôt. La provenance de cette vision n’est pas toujours explicable mais son rôle est crucial.

L’intuition agit alors comme un accélérateur au sein de la démarche centrée utilisateur. Elle sert à aller plus vite pour aller à l’essentiel, à la fois prendre du recul et avoir cette vision globale.

Lors de la démarche créative, la vision globale a pour fonction de cerner le rôle de chacun des détails dans un ensemble plus général, de mieux comprendre les consé-quences de chacune des actions. A l’opposé, garder cette vision globale est néces-saire pour ne pas se perdre dans les détails et se concentrer sur l’essentiel.

Par rapport à cette double lecture, à savoir la vision globale et les détails, l’objectif du designer est de faire en permanence des allers-retours entre les deux, d’être proche et éloigné simultanément. L’intuition joue un rôle important durant cet exercice pour savoir comment naviguer parmi des informations et réaliser les bons choix. Elle est en permanence présente dans ce mouvement de balancier entre les détails et la vision globale.

« C’est l’art de synthétiser d’une façon visuelle et c’est l’art de regrou-per ce qui te semble regroupable, c’est l’art d’en extraire l’essence en quelques mots et donc c’est l’art d’organiser son analyse d’une façon «actionable» » DES6

« En tant que designer, tu ne pourras pas dessiner un élément que l’on va utiliser à un moment donné si tu n’as pas pris en compte tout son environnement. » DES3

« Il faut un mélange intuition et analyse parce que si on a que de l’analyse, on va se perdre dans les détails et il faut l’intuition pour essayer juste-ment de sortir du niveau des détails pour sentir quels sont les patterns. » DES5

6.5.1.4 Guider la démarche design

« Ça émerge, tu ne sais pas forcement d’où, mais c’est cultivé. Moi, des fois, lors d’un «brief», j’ai une vision et je sais où l’on va. » DES4

« La qualité importante, c’est de trouver une idée clef, d’avoir comme une vision de ton projet, de pouvoir garder cette idée là et d’arriver à la construire. » DES1

« C’est un mélange expérience, intuition, les deux sont très liés de toute façon, qui permet de t’orienter dès le départ du projet pour éviter d’avoir à prendre tout de zéro et ne pas avoir aussi à tout étudier, de te poser un milliard de questions, et… ça permet d’aller plus vite, d’être plus ef-ficace. » DES5

Avoir une vision globale est essentielle mais ce n’est pas suffisant. Le designer doit aller au-delà du constat que cette vision apporte. Le rôle central de l’intuition est dans cette capacité à transcender la réalité à partir de cet ensemble de données. C’est agencer les éléments présents autrement pour proposer quelque chose de nouveau. La majorité des designers considèrent que c’est une de leurs qualités importantes.

6.5.1.5 Trouver les chemins de traverse

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Plusieurs designers considèrent que les informations directes issues des utilisateurs au travers des outils que nous avons décrits, ne sont pas toujours pertinentes. Plusieurs raisons sont évoquées :La première est liée à la difficulté, voire le plus souvent l’incapacité, qu’ont les utilisa-teurs à anticiper leur réaction pour le futur. Il est possible d’utiliser ces informations pour des projets à court terme, mais au-delà de 3 à 5 ans, tout particulièrement pour les projets qui traitent de nouvelles technologies, elles sont inutiles.

Etant donné leur incapacité à prédire l’avenir, les utilisateurs sont essentiellement utiles pour l’amélioration de l’existant. Pour des innovations de rupture, ils sont inutiles voire contre productifs dans les phases initiales. Plusieurs designers comme DES5 ou DES6 préfèrent faire appel à des experts ou des scientifiques pour recueillir des infor-mations sur les comportements futurs.

Le point de vue des utilisateurs est utile mais pas suffisant.

Cette qualité est exprimée différemment mais en se raccrochant à la même notion : « chemin de traverse », « pas créatif », « pouvoir de l’imagination ». C’est la capacité du designer à proposer une solution nouvelle et innovante, à sortir de l’existant pour se projeter vers un futur différent.

« Cette démarche là, tout le monde l‘a, tout le monde a son intuition, mais tout le monde ne regarde pas suffisamment loin pour aller vrai-ment investiguer sur des chemins de traverse. » DES3

6.5.1.6 Conclusion démarcheAu travers de ces rôles exprimés de l’intuition pour le design dans sa globalité, nous pouvons constater qu’elle joue un rôle majeur. Elle agit comme un catalyseur et un propulseur pour favoriser l’innovation par le design. Sans intuition, une démarche centrée utilisateur serait incapable de fonctionner correctement et l’équipe de travail serait rapidement perdue, incapable de choisir la direction à prendre, de mettre en avant les données les plus pertinentes pour un projet ou de sortir de l’expression im-médiate des besoins utilisateur.

« Si on a seulement des informations sur l’utilisateur, on ne peut pas être réellement créatif et penser à plus long terme que 2 ou 3 ans à l’avance. Si on veut penser pour des concepts sur les 10 ou 15 années à venir, interviewer les utilisateurs, ça ne sert à rien. » DES6

Après la démarche, nous souhaitons aborder le rôle de l’intuition pour les outils du design centré utilisateur. Nous évoquerons en particulier la nature très variée des in-formations qui servent de base pour le designer. En effet, elles ne proviennent pas uniquement des utilisateurs. Les designers, au travers de l’intuition, ont une approche plus globale.

6.5.2 Lesoutils

6.5.2.1 Pertinence des données utilisateurs

« Si le but, c’est vraiment de faire quelque chose de différent, d’apporter une rupture, dans ce cas, la part des connaissances que l’on acquiert en rencontrant les consommateurs ou les utilisateurs est un petit peu plus faible en proportion parce qu’il y a d’autres éléments qui doivent être pris en compte. » DES5

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Cependant, dans les approches orientées vers l’utilisateur, nous pouvons faire une différence entre les focus groups et les interviews qui ont pour objectif de recueillir directement l’avis des utilisateurs sur un projet et l’observation qui est orientée vers l’analyse des comportements et du fonctionnement des utilisateurs. Cette différence entre le déclaratif et l’observation est fondamentale : le résultat de l’observation est une base de travail pour imaginer les futurs comportements pour un service ou un produit.DES6 insiste aussi sur l’importance d’élargir l’étude au-delà des utilisateurs et préfère plutôt parler des parties prenantes (stakeholders) pour véritablement englober l’en-semble des personnes concernées.

La nature des projets traités influence aussi beaucoup l’importance des données utili-sateurs. Pour certains designers comme DES1 et DES2 qui travaillent sur du mobilier et de l’équipement de la maison, ils ne ressentent pas un besoin important pour recueillir des informations précises sur l’usage d’une chaise, d’un meuble ou d’un robinet.

Dans ce cas, le recueil des données utilisateur n’aura pas la même finalité et s’orientera plutôt vers l’influence des évolutions sociologiques sur le comportement des utilisa-teurs comme DES2 l’exprime.

Cette approche spécifique exprime la différence entre le monde des produits tirés par le digital et celui des objets d’usage courant sans contenu technologique comme le mobilier. Les premiers développent de nouveaux usages et doivent donc en per-manence comprendre et qualifier le comportement des utilisateurs. Les deuxièmes suivent des évolutions plus lentes et sont beaucoup plus influencés par les tendances esthétiques ou socio-culturelles que nous traiterons plus loin.

Au sujet d’un projet pour un produit d’équipement pour les hôpitaux : « Tu dois penser au groupe financier d’un hôpital, tu dois penser aux docteurs, tu dois penser aux opérateurs des machines, tu dois penser aux infirmiers, tu dois penser aux patients. Et donc, on essaye de com-prendre tout cela et les interactions entre tout ce petit monde et en plus comprendre dans l’espace de l’hôpital, où se passe quoi et comment. » DES6

« L’utilisateur, c’est mon expérience du projet, c’est du bon sens. » DES1

« On est plus réellement dans (...) l’évolution des styles de vie et les évo-lutions sociétales, (...) on est plus dans des observations de sociétés qui peuvent réellement avoir une forte influence sur ces objets. » DES2

En dehors des informations issues des études des utilisateurs sur un projet, les desi-gners font appel à l’intuition basée sur leur propre expérience. Cette dernière a plu-sieurs origines.La première est l’observation permanente de la vie quotidienne, de ses proches et des personnes qu’ils rencontrent.

Cette accumulation régulière de micro-informations est une source d’information pri-mordiale dans les projets. L’intuition basée sur cette connaissance diffuse permet d’al-ler à l’essentiel sur un projet et de trier les informations issues des utilisateurs, voire d’être capable de définir la nature des études à réaliser.

6.5.2.2 Culture générale comme base de l’intuition

« Je ne suis pas poli et à chaque fois que j’arrive chez quelqu’un, je visite toute la maison en posant plein de questions. Alors, ça effectivement, c’est de l’impolitesse totale, mais ça fait parti du métier. » DES3

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L’origine de l’expérience des designers provient d’une deuxième source : les études réalisées lors des projets passés. Cette approche est particulièrement vraie pour les designers intégrés dont les projets sont toujours sur un même domaine comme DES2. Chaque étude utilisateur enrichit une base en perpétuelle évolution et construite par l’ensemble des projets de l’entreprise. Le rôle de certains projets prospectifs qui n’ont pas de finalité industrielle immédiate est aussi d’alimenter cette base :

Cette approche privilégie donc à la fois la transversalité entre les projets et une vision globale sur l’ensemble des réalisations de l’équipe design de l’entreprise.La troisième source est internet : certains pratiquent une veille permanente et enri-chissent une banque d’images triées par thème. Cela met aussi en évidence le fonc-tionnement très orienté vers le visuel des designers. L’image rejoint la notion de vision globale car c’est très souvent une synthèse d’un ensemble plus complexe. L’image est aussi un vecteur privilégié pour l’émotion, en particulier lorsqu’elle est suscitée par un produit.

DES4 utilise même cette source d’images comme base pour certains de ses projets. Associée à sa propre intuition, elle lui permet de donner un cadre cohérent et de ra-conter une histoire compréhensible pour l’élaboration d’un produit :

« En tant que designer, on observe en permanence l’espace autour de nous, on lit, enfin bon, on est un peu des éponges et ça nous permet d’avoir un sens de l’intuition par rapport à un sujet avant même que l’on ai fait des études dessus. » DES5

« Il y a des passerelles qui permettent de croiser, d’injecter un peu ce qui se fait en background dans les projets réels. » DES2

« Je suis très visuel comme beaucoup de designers, (…) je me fais des banques de données d’images par catégories de produits, de textures, de matières. Je me fais des banques de sources. » DES4

« On s’est pris un grimpeur type. Glen Blake c’est un mec que tout le monde connaît dans le milieu, qui est une tronche. On s’est dit que : qu’est-ce qu’il aurait sur le dos, qu’est-ce qu’il mettrait, pourquoi ? Ou est-ce qu’il mettrait ses piolets ? Comment il range ses skis ? Comment il range ses crampons ? » DES4

Le rôle des tendances que nous avons évoqué est en réalité primordial pour nourrir les projets. Lors des entretiens, les designers en ont cité plusieurs formes :- les tendances sur un domaine (le sport ou la cuisine par exemple),- les tendances esthétiques,- les tendances technologiques,- les tendances socio-culturelles,- les tendances politiques,- les tendances économiques.En fonction des projets, le type de tendance à analyser varie :

Leur objectif est d’avoir une vision de l’avenir la plus précise possible. Au sujet des uti-lisateurs, elles ont pour rôle d’imaginer le cadre dans lequel ils évolueront plus tard et d’anticiper leurs futurs comportements. Pour certains, comme DES2 qui travaille pour

6.5.2.3 Les tendances

« Des fois, ce sont les informations sur les tendances socio-culturelles qui sont plus utiles dans un projet, des fois ce sont les informations à un niveau plus général. » DES6

« On utilise des tendances ou des planches de tendances pour essayer de comprendre ce qui fait clic avec les gens. » DES5

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de l’équipement dans la maison, la problématique n’est pas de modifier des usages ou d’en créer des nouveaux mais de détecter des modifications des comportements sociaux qui influenceront ses produits.

Cette approche par les tendances est privilégiée tout particulièrement lors des inno-vations de rupture, l’étude directe des demandes des utilisateurs étant peu pertinente comme nous l’avons constaté.

Pour ces études plus en amont, DES5 regarde cinq notions chez les futurs utilisateurs : « attitude, préférence, besoin, comportement et perceptions. »La matière utilisée pour ces tendances est, semble-t-il, assez variée, quoique nous ayons eu peu d’informations précises sur les sources dans les interviews. Nous pou-vons tout de même citer les magazines de décoration évoqués par DES1, les experts pour les domaines technologiques et la recherche sur internet. Plusieurs sociétés comme Peclers ou Nelly Rodi proposent leur propre analyse de tendance pour la mode et le design.

La restitution des tendances se fait sous forme de planches composées de mots et/ou d’images. L’objectif est de faire une synthèse donnant une impression générale tout en proposant des détails lors d’une lecture plus fine.

« On est plus réellement dans (...) l’évolution des styles de vie et les évo-lutions sociétales, (...) on est plus dans des observations de sociétés qui peuvent réellement avoir une forte influence sur ces objets. » DES2

« Pour ce qui est en rupture, ce qui est utile, c’est de comprendre le contexte d’utilisation donc c’est un peu plus global : quels sont les com-portements ? » DES5

« On a une base de données de tendances à différents niveaux, donc là c’était principalement «société» et «technologie», les deux principaux types de tendances. D’autres fois, ce sera peut être «économie», «poli-tique», donc point de vue des tendances macro. Il y avait aussi des ten-dances plutôt «style de vie» qui te montre des choses un petit peu plus spécifiques liées au thème, la santé par exemple. Et après on a aussi des tendances liées au design. Donc ça peut être esthétique, graphisme, produit, etc. ou plus nouvelles interactions. Donc ça, on a des planches, on a des exemples qui viennent illustrer ces tendances. On mélange avec les informations qui viennent de l’utilisateur, que ce soit du présent ou du passé et les tendances qui donnent l’idée du contexte futur ou comment les choses vont évoluer. » DES5

Le design place au cœur de sa démarche les données des utilisateurs. La pratique quotidienne du design que nous avons mise en avant élargit considérablement la base des sources. Seules, les données utilisateur ne sont pas suffisantes. La culture générale liée à l’observation quotidienne de la vie, l’expérience des projets passés, la collecte régulière d’informations et les tendances amènent une profondeur essen-tielle à la pratique du design. Dans ce cadre, l’intuition agit doublement. Elle se nourrit de ses connaissances extrêmement variées pour sa préparation et agit comme un filtre pour en extraire l’essentiel. Sans intuition, il serait impossible de donner un sens et une cohérence à toutes ces connaissances.

6.5.2.4 Conclusion outils

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La notion d’intelligence collective, en particulier au sein d’une équipe design apparaît très clairement pour DES1, DES2, DES5 et DES6. Le travail de designer est comme un mélange entre des phases de travail en solitaire et des phases d’échange au sein de cette équipe ou avec des personnes autres, comme les utilisateurs, les clients ou les personnes de l’entreprise.Selon DES2, la phase de création est une étape plutôt solitaire :

A l’opposé, les échanges au sein d’une équipe permettent de partager les expériences pour enrichir le fondement de l’intuition :

Le rôle de cet échange est aussi lié à la diversité des profils. Cette diversité multiplie les regards sur les utilisateurs et le domaine étudié et alimente une base commune sur le projet.

Les échanges au sein d’une équipe design agissent aussi comme une première vé-rification des propositions réalisées par le designer. Cette confrontation apporte un regard nouveau et enrichit la qualité du résultat.L’intuition est aussi évoquée comme un mode de fonctionnement du directeur ar-tistique. Pour DES1, il intervient auprès de son équipe et donne son avis de manière quasiment instinctive.

DES6 est surement celui qui exprime le plus clairement l’importance de l’intelligence collective et de l’intuition des designers dans ce cas. Il pratique régulièrement des « workshops » au sein de l’entreprise voir avec des experts externes ou des utilisateurs. Au sein de son entreprise, il pratique une forme de workshop à grande échelle appe-lée « hackaton », en référence aux sessions de programmation collective pratiquées par certaines communautés de développeurs informatiques sur un weekend (Wiki-pédia).

L’intuition au sein du design enrichit donc la qualité des propositions avec l’aide des échanges et de l’intelligence collective.

« Les émotions elles sont grandes puisque tu es dans la création, dans l’immersion, tu n’es plus vraiment dans le monde réel, donc tu as besoin quand même de calme, de silence, d’isolation, de concentration. » DES2

Le dernier thème que nous souhaitons aborder est le rôle de l’intuition pour l’attitude du designer. Nous évoquerons l’intelligence collective, la volonté de rationalité dans l’intuition des designers, la concentration sur l’utilisateur et l’importance des signaux faibles.

6.5.3 L’attitude

6.5.3.1 Intuition et intelligence collective

« On a fait un entretien avec une personne enceinte et on a ajouté des éléments, soit d’expérience personnelle - une de mes collègues a eu un enfant il n’y a pas très longtemps - pour ajouter plus d’informations et mieux comprendre et aussi extrapoler sur certains aspects. » DES5

« On a des sociologues intégrés, on a des ergonomes intégrés, plein, plein de choses, donc on a réellement un truc de fond. » DES2

« Lui se fie à son intuition, en instantané, il réagit par rapport à ce qu’il voit. » DES1

« Ce sont des workshops avec vraiment beaucoup de participants, une cinquantaine, une centaine pendant 2 jours, 3 jours et puis des gens de l’extérieur, des utilisateurs potentiels, des ingénieurs, des designers, tout ce petit monde mélangé. » DES6

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Lors d’un projet, le designer cherche à se mettre à la place de l’utilisateur pour com-prendre ses attentes, ses craintes et son état d’esprit. Cet exercice demande d’oublier ses propres pensées et ses propres modes de fonctionnement.

Le designer doit ressentir une profonde empathie pour l’utilisateur, ce qui demande de la concentration au même titre qu’un acteur face à son personnage. Il doit emma-gasiner des informations sur l’utilisateur et les mettre en avant au détriment de ses propres modes de fonctionnement.

Les designers cherchent à rationnaliser leur démarche et à avoir une analyse précise comme pour contre balancer l’intuition tout en l’alimentant. Ils revendiquent une forme de rationalité dans l’intuition. DES1 se définit même comme étant pragmatique et ana-lytique tout ayant une démarche profondément intuitive. Les designers naviguent en permanence entre l’intuition et la rationalité et n’hésitent pas à les monopoliser en même temps dans leur démarche.

Le premier avantage de cette rationalité est de s’assurer que les données récoltées et les méthodes utilisées sont fiables et capables de donner les bonnes informations pour la base d’un projet. La rationalité permet aussi d’assurer une légitimité et une meilleure clarté sur les choix réalisés par les designers. Dans l’univers de l’entreprise, être capable de se justifier est essentiel pour assurer la légitimité de son propre rôle.

Cette rationalité s’exprime aussi sous la forme d’une vision pragmatique, sans équi-voque et évidente. La notion de « bon sens » est, par exemple, exprimée par DES1 et DES4.

Tout comme la rationalité, cet ancrage dans le réel est une manière de légitimer leur démarche, comme pour montrer que la solution proposée est une évidence qui n’a aucune raison d’être remise en cause.

6.5.3.2 Rationalité dans l’intuition

« Je pense que c’est un mélange assez difficile à dissocier entre l’analyse et l’intuition. C’est un mélange des deux, parce qu’on ne peut pas seule-ment réfléchir d’un point de vue de l’analyse. On n’est pas des machines à calculer non plus. Donc je pense que ce sont les deux qui marchent en parallèle. » DES5

« On ajuste le panel et on fait des photos, vraiment avec des manières qui sont les plus objectives possibles. Donc, d’abord, on passe par l’ob-servation, la photographie et machin et tout et vraiment on essaye de vraiment avoir des choses qui soient claires et nettes et franches et après il peut y avoir interview aussi des personnes. » DES2

« En allant sur le terrain et puis en voyant ce que font les concurrents, ce qui se passe sur la piste. Il y a beaucoup de bon sens encore une fois. » DES4

6.5.3.3 Être concentré sur l’utilisateur

« L’empathie c’est important, sinon c’est impossible de créer pour quelqu’un qui est dans une situation différente, avec des valeurs diffé-rentes, dans une culture différente que soi-même. » DES6

« Il faut bien analyser, il faut bien connaître, il faut bien pratiquer, il faut bien essayer de comprendre donc et se mettre dans l’état d’esprit de l’utilisateur, questionner, recueillir les informations pour, après, essayer de mieux comprendre et donc créer, l’empathie a quand même un rôle assez fondamental. » DES2

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A l’inverse de la concentration sur l’extérieur lors de l’usage des outils centrés utilisa-teurs comme les interviews ou l’observation, la démarche de création est beaucoup plus intériorisée et solitaire chez certains designers. Cette phase requiert une forte im-plication émotionnelle. Contrairement à l’observation et à la prise de données qui de-mandent de l’ouverture vers autrui, la création est donc plutôt une phase renfermée.La concentration est nécessaire durant les deux phases : concentration ouverte vers l’écoute de l’utilisateur et concentration sur les données recueillies sur l’utilisateur lors de la phase de création, pour leur intégration.Plusieurs des designers ont exprimé l’importance de l’empathie au travers de leur res-ponsabilité envers les utilisateurs et ont insisté sur l’importance de l’usage plus que sur celle de l’esthétique.

L’empathie se rapproche dans ce cas d’une forme de responsabilité éthique du desi-gner face aux utilisateurs.

Le rôle de l’intuition face à l’empathie envers l’utilisateur est, comme nous l’avons ex-pliqué, de faire le tri parmi les informations recueillies, de les hiérarchiser et de les synthétiser. Sans intuition, il serait impossible de donner un sens et une cohérence à cet ensemble de données et d’imaginer des solutions nouvelles.

« Il n’y a rien de plus frustrant que un produit qui est rejeté par un client. S’il n’est pas acheté parce qu’il est moche, ce n’est pas le problème, mais c’est qu’il soit mal fait. » DES4

« Tu essayes de concevoir des choses où les gens ne vont pas se faire du mal. Tu te dis, si ils se font mal, il y a quand même une erreur, c’est quand même un bug de conception si les gens se font mal sur le matériel que tu as conçu. » DES3

« Une fois que l’on sait ce que sont les activités des personnes, leur état d’esprit, leurs frustrations, ce qui est le plus important pour elles dans la journée, etc. quand on a suffisamment d’insights, moi je mets ça dans ma tête et puis, à partir de là, je joue avec. » DES6

Lors des interviews, DES5 évoque une nouvelle notion : les signaux faibles et le non verbal. La démarche est particulièrement intéressante et rejoint ce qui peut être utilisé à partir de l’observation. Dans ce cas, ce que nous cherchons n’est pas ce qu’exprime directement un utilisateur face à un objet ou un service, mais plutôt la signification de ses comportements.

Ces signaux faibles sont des détails minimes mais potentiellement essentiels dans l’environnement de l’utilisateur. Ces aspérités sont des pistes possibles pour la phase de création :

L’observation est un moyen très efficace pour capter les comportements. DES5 sou-ligne l’importance du non verbal dans ce cas :

« Les signaux faibles (...) : si quelqu’un hésite, repose quelque chose Il peut y avoir (...) des comportements ou des commentaires qui peuvent être facilement ignorés mais il ne faut pas les ignorer. Des fois, c’est ce qui apporte des choses très importantes. » DES5

6.5.3.4 Percevoir le non verbal et les signaux faibles

« Si on n’avait pas ressenti qu’il y avait un aspect positif par rapport à ce pantalon, on voyait qu’elle l’aimait, et ça, ça n’est pas passé par la parole, parce qu’elle ne parlait pas. » DES5

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Dans le cas d’une interview menée par un designer, le rôle de l’intuition semble aus-si essentiel pour avoir de l’empathie envers la personne et supposer les sentiments qu’elle ressent :

DES4 met en évidence une autre forme du non verbal : les émotions. Leur compréhen-sion est importante pour analyser les relations entre un utilisateur et un produit ou un service. DES4 utilise sa propre expérience pour percevoir les émotions des utilisateurs :

Cette implication de la vie antérieure du designer pour comprendre les émotions des utilisateurs est très proche du fonctionnement de l’intuition. Elle joue donc un rôle important lors des interviews et de l’observation pour percevoir des données peu vi-sibles mais essentielles pour le projet.

« Je pense que si on a eu des expériences, même légèrement similaires, ça aide à comprendre les émotions de la personne. » DES4

« C’est l’expérience du designer et son intuition qui vont permettre de poser des questions pour amener en douceur la personne à exprimer ce qu’elle ressent par rapport à un objet par exemple, dans le monde du design visuel. » DES5

L’attitude du designer pour sa démarche centré utilisateur comporte plusieurs fa-cettes. La première est l’importance de l’intelligence collective avec les autres desi-gners, l’équipe de conception ou les différentes parties prenantes comme les utili-sateurs. Cet échange se base sur les connaissances des autres et leurs intuitions. Le processus de création, tout en étant un acte souvent solitaire, tire un grand bénéfice à utiliser l’intelligence collective et le partage.Une autre facette est la dualité de l’approche face aux utilisateurs. Elle est pragmatique et rationnelle au travers des outils du design centré utilisateur. Elle est aussi émotion-nelle, sensible et empreinte d’empathie. Dans ce cas l’intuition joue un rôle crucial pour percevoir cette diversité.

La connaissance des utilisateurs ne peut pas être que directe et basée sur du déclaratif. Pour être véritablement utile et source d’innovation par le design, cette connaissance doit être plus large, plus fine et basée sur l’observation et l’analyse des comporte-ments, des émotions, de l’univers de vie et de l’usage des objets. Cette connaissance requiert une implication plus forte de la part des designers et une profonde empathie envers les utilisateurs.

6.5.3.5 Conclusion attitude

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Observation comportements

émotions, univers de vie, usages.

Non-verbal et signaux faibles

Informationsdirectes

déclaratives

Connaissance des utilisateurs et des intervenants

Projets passés

Bases de veille

Observationde la vie

quotidienne

Culture générale

esthétiques

sur un domaine

technologiques

économiques

politiquessocio-culturelles

Tendances

Rationnalité del'intuition

Intelligence collective

Guider ladémarche

Trouver leschemins de traverse

Avoir une vision globale

Démarche itérative

Maturation

Hiérarchiser et trier

Fig. 38

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Au travers de cette discussion, nous avons mis en avant la grande richesse et le rôle majeur de l’intuition pour les designers interrogés. Nous avons fait ressortir trois thèmes importants. Le premier est le rôle de l’intuition en tant qu’outil d’aide utilisé tout au long de la démarche de création. Le deuxième porte sur le rapport entre l’in-tuition et les outils du design centré utilisateur. Le troisième s’attache à l’importance de l’intuition pour l’attitude du designer. Nous avons résumé les résultats de cette discussion au travers d’un schéma (fig. 38).

Dans l’introduction de cette recherche, nous avons évoqué les différences entre le design industriel et le design centré utilisateur. Ces deux approches sont parfois op-posées l’une contre l’autre. La mouvance du design centré utilisateur revendique un processus plus rationnel comme celui proposé par Jesse James Garrett (2010) et n’uti-lise que des informations directes issues des outils centrés utilisateurs.Notre travail a permis de mettre en avant la diversité pour le recueil des connaissances nécessaires pour un projet. La vision proposée par le design centré utilisateur semble trop restrictive et le design propose une vision plus large, plus riche et plus diversifiée. Cette approche fait fortement appel à l’intuition pour hiérarchiser, trier et orienter le designer parmi ces connaissances. Le design centré utilisateur propose une simplifi-cation du métier du design en oubliant des facettes essentielles.

6.5.4 Conclusionanalyse

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7 APPORTSAu cours de notre revue de littérature, nous avons montré le fonctionnement de la démarche design, la diversité des outils centrés utilisateur, leur utilisation dès les pre-miers designers et leur évolution constante pour s’adapter au nouvel environnement de notre société. Nous avons aussi décrit le fonctionnement de l’intuition, ses diffé-rentes formes et proposé des hypothèses sur son rôle pour le design centré utilisateur. L’étude terrain est venue confirmer une grande partie des hypothèses émises. Elle a surtout mis en valeur l’intérêt considérable de l’intuition pour les designers.L’apport essentiel de cette recherche est d’avoir concilié deux visions du design sou-vent présentées comme contradictoires : une démarche centrée utilisateur et une dé-marche intuitive. L’analyse des propos des designers interrogés à, au contraire, mis en évidence le rôle complémentaire de ces deux notions. L’une et l’autre ne peuvent fonctionner indépendamment.Nous avons aussi mis en valeur l’importance de sortir du simple constat des demandes des utilisateurs pour proposer des solutions innovantes pour le futur. Le design, en ayant en permanence la culture d’une vision globale plus large et plus décalée, est une force pour aller chercher au-delà, vers les « chemins de traverse ».Cette recherche replace aussi l’importance de la culture et de la formation au cœur de la qualité des propositions faites par un designer. L’utilisation seule des outils n’est pas une garantie pour avoir une démarche créative performante. Nous exprimons donc clairement une différence entre le design centré utilisateur et une démarche centrée utilisateur pratiquée par d’autres disciplines.

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8 LIMITESCependant, nous pouvons exprimer plusieurs limites à ce travail de recherche. La pre-mière est la taille de l’échantillon que nous avons utilisé. Etant donné la diversité des pratiques que nous avons mises en valeur, certaines approches comme celle expri-mée par DES1 n’ont pas été confrontées à d’autres cas.Les designers que nous avons interviewés ont entre 30 et 60 ans. Il aurait été intéres-sant d’avoir un panel plus large pour identifier, par exemple, l’approche des géné-rations plus jeunes sur les outils du design centré utilisateur. Leur vision du monde, profondément influencée par les réseaux sociaux, le digital et la latéralité, est peut-être différente.Nous pouvons aussi supposer que cette diversité pourrait être plus grande si nous avions aussi interviewé des personnes pratiquant essentiellement dans le monde des interfaces numériques.Le panel que nous avons interrogé était composé de designers qui n’étaient pas tous des pratiquants du design centré utilisateur. Certains avaient même une idée très vague de cette approche. Nous aurions pu concentrer notre étude sur des designers se revendiquant clairement du design centré utilisateur. Nous avons préféré élargir notre panel pour avoir une plus grande richesse dans les réponses et cerner la diver-sité des pratiques.Nous avons concentré notre étude sur les designers. Nous avons évoqué, durant notre revue de littérature, l’utilisation de ces outils par d’autres métiers comme le marketing. De plus, d’autres professions comme l’éthologie ou l’anthropologie sont présentes dans certaines agences de design et apportent une vision particulièrement intéres-sante sur ces outils.Lors de la confrontation des hypothèses, nous avons constaté que certaines réponses ne donnaient pas un éclairage suffisamment précis. Nous pouvons donc penser que la formulation de certaines hypothèses était trop large et que les questions associées n’étaient pas assez précises.Toutefois, nous pouvons considérer que cette étude apporte un premier regard et une exploration du rôle de l’intuition pour le design centré utilisateur.

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9 CONCLUSIONNotre objectif, au cours de ce mémoire, était d’évaluer le rôle de l’intuition pour le de-sign centré utilisateur et d’observer si ce processus et cette démarche sont réellement contradictoires comme cela peut être exprimé, tout particulièrement en France.

Durant notre revue de littérature, après une description de la spécificité de la dé-marche design, nous avons exploré les outils du design centré utilisateur autour de trois familles liées à leur évolution au cours de l’histoire du design : les outils initiaux comme les interviews ou les prototypes, présents dès les premiers pas du design, les outils liés à la révolution numérique débutée dans les années 90 comme les personas ou les scénarios et les derniers outils apparus pour accompagner le design de service comme les cartographies, le storytelling ou la co-création. Cette diversité est liée aux changements profonds que notre monde est en train de vivre. Elle s’exprime par une spécialisation de certains designers sur les interfaces ou l’expérience utilisateur.

Nous avons ensuite exploré l’intuition au travers de son rôle pour le management en général. L’intuition fonctionne au travers de quatre étapes : la préparation, l’incuba-tion, l’illumination et la vérification. Elle comprend plusieurs niveaux dont l’intuition émotionnelle et l’intuition mentale particulièrement importante pour le design. Il y a plusieurs types d’intuition dont l’évaluation, la créativité et la prédiction qui sont ma-jeures pour le design. Enfin, parmi les applications de l’intuition, deux ont attiré notre attention : la vision globale et le contournement d’une analyse.

A partir de ces données, nous avons proposé une lecture académique du rôle de l’in-tuition pour le design centré utilisateur : elle semblait intervenir à plusieurs niveaux. Le premier concerne l’intuition fonctionnelle. C’est une des qualités requises en entre-prise comme pour tout manager. Le deuxième, l’intuition empathique, est utile pour la qualité de la démarche centrée vers l’utilisateur. Le troisième, l’intuition créative et la vision globale concerne la capacité des designers à proposer une lecture cohérente et transversale d’un problème et à être capables de sortir de ce cadre pour proposer des solutions nouvelles et innovantes.

Pour conclure notre revue de littérature, nous avons exploré les fondements de l’intui-tion dans l’intelligence émotionnelle et son rôle pour l’empathie, en particulier quand elle s’exprime envers les utilisateurs.

A partir de notre question principale et des sous questions associées, nous avons exprimé six hypothèses. La première a porté sur la similitude entre fonctionnement global de la démarche du design centré utilisateur et celui de l’intuition. L’hypothèse suivante a porté sur l’utilisation de l’intuition à la place des outils centrés utilisateur. Nous avons ensuite parlé du détournement de ces outils en utilisant l’intuition à la place d’informations utilisateur. La quatrième hypothèse a porté sur l’importance de l’intuition créative et de la vision globale lors de la démarche vers les utilisateurs. La cinquième a porté sur l’importance de l’intuition émotionnelle et de la capacité à écouter ses propres émotions pour ressentir de l’empathie envers les utilisateurs. Enfin, la dernière hypothèse a porté sur l’importance de l’intuition émotionnelle pour donner du sens à un produit.

Notre étude terrain, structurée autour d’un sondage et d’une interview auprès de six designers, a confirmé la majorité des hypothèses émises sur le rôle de l’intuition pour le design. Seule l’hypothèse HYP3 a été infirmée et les hypothèses HYP1 et HYP2 se sont révélées nuancées.

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Durant notre discussion, nous avons exprimé l’importance de l’intuition pour le de-sign, au-delà de ce qui avait été mis en évidence dans la revue de littérature. L’intuition ne se base pas uniquement sur les données utilisateurs, mais aussi sur l’expérience, le vécu, le regard particulier du designer et les différents types de tendances. C’est une aide permanente tout au long de la démarche du designer pour hiérarchiser, guider, trouver de nouvelles pistes créatives et avoir une vision globale. L’intuition est liée à l’empathique pour percevoir les émotions des utilisateurs, en particulier le non verbal, ce qui requiert une forte implication émotionnelle de la part des designers.

Cette approche plus globale que nous avons constatée parmi les designers que nous avons interrogé, contredit en partie et enrichit celle proposée par certains designers centrés utilisateur. Le schéma simplifié et linéaire proposé est en réalité plus com-plexe. Il ne se base pas que sur les demandes directes des utilisateurs, il prend en compte l’expérience, l’environnement ou les tendances et utilise l’intuition lors de la démarche d’innovation pour l’utilisation des outils et dans l’attitude des designers.Malgré les limites de ce mémoire liées en particulier à la taille et à la composition du panel de designers interrogés, il nous a permis de mettre en évidence ce lien étroit entre intuition et design.

Cet apport nous semble essentiel, tout particulièrement en cette période où le « De-sign Thinking » (la pensée design) est fortement mis en avant. Cette approche propose l’application des méthodes de travail et des outils du design à l’innovation en général. Etant profondément ancrée autour de la compréhension et de l’analyse des utilisa-teurs, l’approche empreinte la majeure partie des outils que nous avons décrits durant ce mémoire.

En revanche, la maîtrise de ces outils ne transforme pas les pratiquants du « Design Thinking » en designers. Tous les designers que nous avons interviewés ont plusieurs années de pratique et ont surtout été formés pour développer des capacités autour, par exemple, de la vision globale avec l’aide du dessin, ou pour acquérir un regard qui leur est spécifique sur le monde. Leur expérience acquise au fil des projets est aussi une base essentielle pour nourrir leur démarche et leur intuition en particulier.

La démarche design n’est pas uniquement l’application d’outils rationnels aboutissant systématiquement au même résultat. L’intuition et la part de créativité des designers sont liées à leur vécu et donc à leur personnalité. Les propositions comportent tou-jours une part d’inattendu et de surprenant qui est une richesse importante pour les entreprises.

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Fig. 2 - Logotype AEG (1907), Peter Behrens, http://www.brandingbusiness.com/2012/11/pushinglimitslogodesign/

Fig. 3 - Hall d’assemblage de l’usine de turbine AEG à Berlin-Moabit (1927), Peter Bahrens, http://www.siemens.com/history/en/news/assembly_hall.htm

Fig. 4 - Ventilateur Circa (1908), Peter Berhens, www.artfinding.com/Auction/Peter-behrens-1868-1940-amp;-aeg-ventilateur-circa-1908-base-tronconique-en-fonte-la-quee-noi/4481.html

Fig. 5 – Logo Merlin Gerin par l’agence Technès, d’après Merlin et Gerin, Catalogue Charte graphique, Archives Technès, Henri Viénot, http://designethistoires.lecole-dedesign.com/2011/12/marque-et-image-de-firme-dans-la-france-des-annees-60-lexemple-de-merlin-gerin/img_4713/

Fig. 6 - Les cinq plans du design centré utilisateur, Jesse James Garrett (2011), Les Eléments de l’expérience utilisateur, Pearson.

Fig. 7 - The Process of Design Squiggle by Damien Newman, Central Office of Design, http://v2.centralstory.com/about/squiggle/

Fig. 8 - Focus group (2011), Masters of Design and Innovation, Focus group Design Reaktor in Berlin, http://blogmdi.iednetwork.com/2011/07/01/focus-group-design-reaktor-in-berlin/?lang=en

Fig. 9 - Exemple de persona, à partir de : http://www.servicedesigntools.org/tools/40 image de : http://www.atmb.com/?article627&id_document=561

Fig. 10 - Exemple de storyboard (2009), à partir de Story, layout and lettering, thinkpu-blic, http://designforservice.wordpress.com/2009/01/20/thinkpublic-comic/

Fig. 11 - Logo et veste Guy Cotten, http://www.guycotten.com

Fig. 12 - Fiat 500C (2013), www.fiat.fr

Fig. 13 - Sotha Ith (2012), Lovely 500 in Paris, http://www.flickr.com/photos/so-thachoo/7990891656/

Fig. 14 - Fiat 500 (1957), http://www.leblogauto.com/2006/07/la_fiat_500_rei.html

Fig. 15 - Exemple de carte du trajet utilisateur, http://www.servicedesigntools.org/tools/8

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Fig. 16 - Exemple de plan de service, http://www.servicedesigntools.org/tools/35

Fig. 17 - Kit robotique Lego Mindstorms NXT 2.0 (2010), Lego, www.lego.com

Fig. 18 - Aloft Starwood Hotel Second Life (2009), Electric Sheep Company, Second Life, www.flickr.com/photos/electricsheepcompany/282003469/

Fig. 19 - Aloft Starwood Hotel réel (2009), Business Week, images.businessweek.com/ss/06/08/starwood/source/8.htm

Fig. 20 - Nathanaël Delahaye (2013).

Fig. 21 - Paquet de cigarettes Lucky Strike (2010), Lawrence Bush, jewishcurrents.org/november-5-the-streamlined-designer-3094

Fig. 22 - Système audio SK4 Braun (1956), Musée de les Arts Decoratives de Barcelo-na-DHUB, http://www.specialauctionservices.com/large/me260213/lot0600-0.jpg

Fig. 23 - Prototype présenté par Jonathan Ive (2009), image tirée d’un documentaire, Objectified, Gary Hustwit, www.objectifiedfilm.com

Fig. 24 - Nathanaël Delahaye (2013).

Fig. 25 - Nathanaël Delahaye (2013).

Fig. 26 - Nathanaël Delahaye (2013).

Fig. 27 - Nathanaël Delahaye (2013).

Fig. 28 - Nathanaël Delahaye (2013).

Fig. 29 – Schéma d’après NORMAN Donald A. (2003), Emotion & design: Attractive Things Work Better, Magazine interactions, vol. 9, Issue 4, July 2002.

Fig. 30 - Nathanaël Delahaye (2013).

Fig. 31 - Liste terrain de recherche.

Fig. 32 - Sondage partie 1, Nathanaël Delahaye (2013).

Fig. 33 - Sondage partie 2, Nathanaël Delahaye (2013).

Fig. 34 - Questionnaire interview, Nathanaël Delahaye (2013).

Fig. 35 - Réponses aux sondage, Nathanaël Delahaye (2013).

Fig. 36 - Exemple de retranscription des interviews, Nathanaël Delahaye (2013).

Fig. 37 - Matrice des réponses aux interviews, Nathanaël Delahaye (2013).

Fig. 38 - Nathanaël Delahaye (2013).

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29 juillet 2013