Memoire ESJ - Journalisme Eco & Nouveaux Formats

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Mémoire réalisé par Romain Fonsegrives et Damien Brunon dans le cadre de la formation de l'ESJ à Lille.

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Mmoire ESJ - Journalisme co & Nouveaux Formats.docx

COLE SUPRIEURE DE JOURNALISME DE LILLE

DEUXIME ANNE

MMOIRE Pour l'obtention du Diplme,

LES NOUVELLES FORMES DE JOURNALISME APPLIQUES L'CONOMIE : LA DMOCRATISATION D'UN OBJET COMPLEXE

Par MM. Damien BRUNON & Romain FONSEGRIVES

Mmoire ralis sous la direction deM. Bernard DELFORCE

Mai 2013

LESJ Lille nentend donner aucune approbation ou improbation aux opinions mises dans ce mmoire. Ces opinions doivent tre considres comme propres leurs auteurs.

MOTS-CLS

PresseJournalismeconomieNouveaux formatsInternetDmocratieCrise

RSUM

La presse franaise est confronte une double crise lourde denjeux, en ce dbut de XXIme sicle. Dun ct une crise didentit, sous leffet de la rvolution numrique, qui loblige repenser la pratique du journalisme travers de nouveaux formats tels que la datavisualisation, la vido web, le serious game et le webdocumentaire. De lautre une crise conomique, la plus grave depuis celle de 1929, qui replace au centre du dbat public un objet dtude longtemps dlaiss par une part importante de la profession. Lconomie tait auparavant laffaire de rubricards qui crivaient en sadressant une certaine lite du lectorat, mais elle devient aujourdhui laffaire de journalistes plus gnralistes, qui tentent grce de nouveaux supports den vulgariser les enjeux destination du plus grand nombre. La double dynamique de crise pourrait ainsi savrer bnfique tant au journaliste quau citoyen. Examen pratique et prospective sur cette volution en marche. SOMMAIRE

Partie I Analyse de quelques exemples de nouveaux formats face au traitement de lactualit conomique

Chapitre 1. La datavisualisation : la simplicit du dtail Chapitre 2. La vido web : un concentr de cours magistral, plus drleChapitre 3. Le serious game : une plonge dans lconomie relleChapitre 4. Le webdocumentaire : problmatiques multi-facettes

Partie II Choisir un format novateur pour raconter lconomie : quel processus journalistique ?

Chapitre 1. tre clair et complet Chapitre 2. Des moyens limitsChapitre 3. Des projets positifs mais pas toujours populairesChapitre 4. Un public inconnu

Partie III La rinvention du journalisme conomique : prospective sur une entreprise dintrt public

Chapitre 1. Simplifier la comprhension ncessite des efforts importantsChapitre 2. Les formats les plus prometteursChapitre 3. Les journalistes devront multiplier les collaborations

Introduction

Lconomie est lun des domaines les plus mal couverts par les journalistes. Cest lantienne qui revient rgulirement au sein dinnombrables discussions de la profession. La mission dinformer du journaliste, qui est cens sexercer dans lintrt public, bute souvent sur la complexit inhrente cet objet dtude, qui influence pourtant quotidiennement le dbat politique et dmocratique.Le premier organe dinformation franais, lAgence France Presse, a par exemple conu un lexique spcifique lintention des journalistes en interne, pour que ceux qui effectuent une rotation au sein des services conomiques de lagence puissent garantir une qualit minimale de la copie. Lconomie est dailleurs le seul domaine pour lequel il existe un tel document. La plupart de nos journalistes nont pas la formation ncessaire ou manifestent leur dsintrt. Il est difficile pour nous de recruter : en gnral, on tombe soit sur des journalistes comptents en co mais qui nont pas les codes de lcriture dagence, soit sur de bons agenciers qui ne connaissent rien lco[footnoteRef:1] , explique Bertrand Pinon, chef du reportage conomique lAFP. [1: Conversation informelle lors dun stage lAFP, le 15 fvrier 2013.]

Dans un mdia diffrent, Patrick de Saint-Exupry partage galement cette frustration. De manire gnrale, la profession a du mal bien couvrir lconomie, la mettre en histoire, la rendre simple et comprhensible[footnoteRef:2] , reconnat le fondateur de la revue XXI. [2: Propos tenus lESJ Lille lors de la leon inaugurale pour lanne 2012/2013, le 4 octobre 2013.]

Le traitement journalistique de lconomie est par tradition laffaire de rubricards ou de journalistes spcialiss. Un tat de fait qui a des consquences sur le paysage du journalisme conomique franais, divis en trois grands secteurs : linformation conomique gnrale pour cadres suprieurs (Les Echos, La Tribune, Alternatives Economiques, pages ddies dans les grands quotidiens de PQN), la gestion de patrimoine (Investir, Le Journal des Finances, Mieux vivre votre argent), laide la dcision (Agefi). Traditionnellement donc, le traitement journalistique de lconomie ncessite des pr-requis importants pour sa comprhension, ou bien sadresse des lecteurs dj acteurs de lconomie plutt quaux citoyens dans leur ensemble.Pourtant, le journalisme conomique occupe une place de plus en plus importante au sein de lagenda mdiatique. La profession traite avant tout du rel, et le rel aujourdhui, cest une crise de longue haleine, la plus grave depuis celle de 1929, qui touche lensemble des nations europennes. La dernire campagne prsidentielle a ainsi t marque par lavnement dun journaliste conomique une heure de prime time. Franois Lenglet sest lev au rang dintervieweur incontournable dans lmission Des Paroles et Des Actes, grce ses questions sur la dette publique, le retour de la croissance ou la politique fiscale. Le transfuge de BFM TV nhsite pas jouer la carte de la pdagogie pendant ses interventions, grands renforts de diagrammes et de camemberts. Une particularit remarque et apprcie : lhebdomadaire Tlrama dcrit Franois Lenglet comme une manation grand public du data journalisme, faisant triompher la rigueur des statistiques sur l'impressionnisme de l'exgse politique[footnoteRef:3] . Lintress lui-mme reconnat quil pratique une forme un peu primitive de data journalisme[footnoteRef:4] . [3: FLIX, Virginie, Lenglet, un journaliste qui compte , Tlrama, n3281, 1er dcembre 2012, http://television.telerama.fr/television/francois-lenglet-un-journaliste-qui-compte,90054.php ] [4: KERLOCH, Anne, Interview de Franois Lenglet, Je pratique une forme primitive de data journalisme , 20 minutes, 31 janvier 2012, http://www.20minutes.fr/medias/869894-francois-lenglet-je-pratique-forme-primitive-data-journalism ]

Ainsi, le succs de Franois Lenglet peut se lire laune des nouveaux formats journalistiques. Le chroniqueur est en quelque sorte le symptme tlvisuel dun dveloppement significatif qui se manifeste sur Internet : la volont de vulgariser lconomie grce dautres formes de journalisme. Depuis quelques annes, les journalistes semparent de nouvelles formes de narration et dexplication. Datavisualisations, vidos web, serious games[footnoteRef:5] et autre webdocumentaires fleurissent au sein dune profession en plein questionnement identitaire, qui tente de se renouveler en ligne sans abandonner compltement ses navires de papiers. [5: On prfrera lappellation originale serious games dans ce mmoire, plutt que la traduction franaise, jeu srieux , peu utilise par les journalistes.]

Appliqus lconomie, ces nouveaux formats tentent de porter le dbat au-del du cercle dinitis auquel il est dhabitude rserv. Le data journalisme, la vido web, le serious game et le webdocumentaire permettent-ils de mieux comprendre la crise conomique que nous sommes en train de traverser ? Ces nouveaux formats simplifient-ils les termes de la discussion conomique ? quel prix ? Quelle est leur place aux cts du journalisme conomique traditionnel ? Quel avenir peut-on esquisser pour le traitement de linformation conomique ? Autant de questions auxquelles ce mmoire propose des rponses. Dans cette optique, nous avons slectionn un corpus de productions journalistiques pertinentes : datavisualisations, vidos web, serious games, webdocumentaires, tous traitant dconomie. Lexamen critique de ces travaux permet dans un premier temps de mettre en vidence lapport pdagogique inhrent ces nouvelles formes de journalisme en matire dconomie, tout en soulignant les forces et faiblesses de chaque projet, au cas par cas. Ensuite, le regard des professionnels lorigine de ces productions permet de mieux cerner la faon dont le traitement journalistique de lconomie se rinvente, et dans quelles limites les nouveaux formats peuvent dmocratiser le dbat conomique. Enfin, un exercice de prospective ralis auprs de ces journalistes doit permettre dimaginer ce que sera le journalisme conomique de demain.Pour raliser ce mmoire, nous avons labor un questionnaire type, mme de prendre en compte la diversit des formats apprhends, tout en proposant une grille de lecture globale sur le nouveau traitement de lconomie effectu par les journalistes. Cependant, ce travail ne saurait prtendre une quelconque rprsentativit quantitative. Les contraintes rencontres au cours de la rdaction de ce mmoire, quelles soient matrielles ou de temps, nous ont conduit retenir un corpus restreint. En ce sens, lapport de ce mmoire la recherche ne rside en aucun cas dans ses rsultats bruts, mais plutt dans sa mthode, qui pourrait tre rutilise sur un chantillon beaucoup plus significatif, dans le cadre dun vritable travail de recherche, conduit dans des conditions acceptables.

Partie I Analyse de quelques exemples de nouveaux formats face au traitement de lactualit conomique

Pour commencer, il convient de raliser un examen critique du corpus slectionn pour ce mmoire. travers plusieurs cas pratiques (deux datavisualisations, deux vidos web, serious games et deux documentaires), on se propose de montrer comment les nouveaux formats rendent le journalisme conomique plus accessible. Chaque format a dailleurs des qualits spcifiques en tant que vecteur de vulgarisation, que lon tente ici de mettre en vidence.

Chapitre 1. La datavisualisation : la simplicit du dtail

La datavisualisation obit au principe selon lequel une bonne image vaut mieux quun long discours. Elle est un mdium particulirement adapt au traitement de lconomie de par sa propension faire ressortir visuellement des tendances partir de donnes chiffres. Bien ralise, la datavisualisation permet dinitier le nophyte en un coup doeil, tout en faisant figurer assez de dtails pour que le lecteur averti ou moins press puisse creuser le sujet trait.

A) Laustrit europenne, mise en perspective grce une carte interactive

En fvrier 2013, le site du quotidien Le Monde publie une carte interactive[footnoteRef:6] intitule Plus de 40 plans de rigueur en zone euro. En un coup doeil, le lecteur se rend compte que la quasi-totalit des pays de la zone euro subissent des mesures daustrit. En quelques clics, il peut mesurer limportance de ces plans et les mettre en relation avec laugmentation du chmage et le dbut de la rcession. [6: BARUCH, Jrmie et VAUDANO, Maxime, Plus de 40 plans de rigueur en zone euro , Le Monde, 21 fvrier 2013, http://www.lemonde.fr/economie/visuel/2013/02/21/plus-de-40-plans-de-rigueur-en-zone-euro-depuis-2010_1836482_3234.html]

1/ Une carte accessible et profonde

Ce travail brille dabord par sa simplicit et par le bilan quil dresse. Quarante plans de rigueur au sein de la zone euro depuis 2010 : le chiffre frappe tous les observateurs, mme les plus assidus. En un coup doeil, le lecteur constate que laustrit touche lensemble de la zone euro : 14 pays sur 17 sont estampills de cercles rouges, marqueurs des plans de rigueur ; seuls le Luxembourg, lEstonie et Malte sont pargns. La qualit visuelle de cette carte permet galement de reprer immdiatement les pays qui souffrent le plus : lEspagne, lItalie et la Grce cumulent les points rouges. La taille des cercles suggre immdiatement limportance des efforts raliss et permet une comparaison intuitive entre les diffrents pays, sans mme avoir utiliser le moindre chiffre.Sur le fond, ce travail met en relation trois variables simples, grce aux graphiques en bord de carte, qui permettent au lecteur de tirer une conclusion par lui-mme. Laustrit impose dans la zone euro concide avec laugmentation du chmage et le ralentissement de la croissance, puis lentre en rcession. L encore, le constat se fait au premier coup doeil.Au-del du simple regard, linteractivit de cette carte fait galement toute sa valeur. En cliquant sur les diffrentes annes, le lecteur peut suivre la mise en place progressive des mesures daustrit. Slectionner les points rouges lui permet davoir un bref descriptif de chaque plan de rigueur. Il peut aussi choisir dafficher les plans de rigueur en pourcentage du PIB plutt quen milliards deuros. Cela lui permet par exemple de mesurer limportance des efforts imposs lIrlande, au Portugal ou Chypre, ce qui napparat pas au premier abord en valeur absolue.Enfin chaque descriptif des plans de rigueur fait figurer un onglet Pour en savoir plus , qui renvoie vers un article crit, dtaillant le contexte politique et conomique li la mise en place des mesures daustrit. Le lecteur qui le souhaite peut donc explorer cette carte en profondeur et en tirer des donnes chiffres, prcises et contextualises. Tandis que linternaute press comprend limpact de laustrit sur le chmage et la croissance, sans mme lire un article.

2/ Un angle qui pourrait ressortir plus

Cette carte dmontre rapidement les effets de la rigueur dans la zone euro. Le fond est l et pourtant, Le Monde se garde de le mettre trop en valeur, prfrant laisser linternaute le soin de tirer ses propres conclusions. Lintention est louable, mais la carte est prsente telle quelle, sans chap qui fasse ressortir linformation principale de ce travail : la mise en place de cures daustrit successives a plomb la croissance de la zone euro, ce qui sest traduit par une augmentation du chmage. Un court texte introductif aurait permis de mieux faire ressortir lintrt de cette carte et daccrocher le lecteur, mme le plus distrait ou le moins inform, sur le fond.Sur le fond toujours, on peut regretter labsence de comparaison avec un pays hors de la zone euro et moins soumis la rigueur. Lexemple polonais est ainsi examin ailleurs par Le Monde, un mois avant la publication de cette carte. Dans un article, le quotidien souligne les 15,8% de croissance cumule entre 2008 et 2011 par la Pologne, et raconte le succs dun pays qui a l'avantage de ne pas tomber dans le cercle vicieux de l'austrit, l'instar de ses voisins europens[footnoteRef:7]. Un lien vers dautres articles aurait donc pu tre utile pour creuser la perspective. [7: VILLECHENON, Anne, La recette anti-crise de lconomie polonaise , Le Monde, 22 janvier 2013, http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/01/22/la-recette-anti-crise-de-l-economie-polonaise_1819798_3234.html ]

Ainsi, la forme cartographique permet dobserver les effets de laustrit, sans pour autant dvelopper un discours rellement approfondi sur ses avantages ou ses inconvnients. Ce travail invite des lectures complmentaires.

B) Lengrenage de la dette grecque, en une infographie anime

Octobre 2011, la crise conomique europenne est son plus haut niveau. Les dettes souveraines de la Grce, de lEspagne, du Portugal et de lIrlande plombent les finances de lUnion Europenne et menacent demporter tous ses membres dans une crise financire catastrophique. France24 propose alors un sujet accompagn dune infographie anime[footnoteRef:8] afin de revenir sur le mcanisme qui a men lconomie europenne au bord du gouffre. [8: France 24, Crise de la dette : lengrenage europen , France 24, 27 octobre 2011, http://www.france24.com/fr/20111021-economie-europeenne-crise-dette-grece-infographie-explication-banque-bourse-systemique]

1/ Le format au service de la comprhension

La premire chose qui saute aux yeux lorsque lon parcourt linfographie anime propose par France24, cest le lien direct qui est fait entre le format utilis : une infographie anime montrant un engrenage ; et lide de fond du sujet : le fait que cette crise conomique est profondment systmique. La trouvaille est brillante et sert directement le sujet propos. Progressivement, le lecteur est appel cliquer sur chaque engrenage, reprsentant des pays ou des vnements. A chaque clic, on lui propose un texte court (jamais plus de deux paragraphes), qui explique lvnement et donne les chiffres cls qui permettent la comprhension de lengrenage.Mme si le format est intuitif, France24 a tout de mme fait le choix de laccompagner dun article court remettant en perspective ce travail dexplication. Sans donner toutes les informations, il reprend cela dit une partie des donnes utilises pour la visualisation. On peut donc se demander si une introduction plus courte naurait pas t aussi efficace. En relguant linfographie en fin de page (sur un cran classique on ne la voit pas louverture), le rdacteur prend le risque que le lecteur ne la voit pas, ou simplement ne la considre plus suffisamment intressante pour tre parcourue.

2/ Un projet ambitieux mais qui aurait pu ltre plus

Le principal dfaut que lon pourrait trouver concernant cette infographie anime est le fait que lambition de vulgarisation de lconomie nest pas pousse son maximum. Certes linformation gnrale est dispense sous un format novateur et est bien ralise. Nanmoins, le fond de linformation, les chiffres, les donnes, les lments qui peuvent rester abscons pour des lecteurs non-avertis restent dans un format classique de texte.Des chiffres sur les dettes souveraines, lendettement des mnages, le PIB, les aides internationales sont fournis en grande pompe mais jamais sous un format qui permet de les comparer, de comprendre ce quils reprsentent rellement. Pour exemple, linfographie explique : Le 5 mai, [le Portugal] est son tour contraint daccepter une aide internationale de 78 milliards deuros[footnoteRef:9]. Linformation est l mais que reprsente-t-elle ? Quelle importance a-t-elle ? Des questions qui auraient srement trouv des rponses en ajoutant ce travail des formats interactifs de visualisation de donnes qui auraient permis des comparaisons visuelles. [9: Ibid.]

Chapitre 2. La vido web : un concentr de cours magistral, plus drle

La vido web est un format en plein essor dans le traitement de lactualit conomique. Son format court et son ton libr de la solennit tlvisuelle permettent de raliser des sujets trs pdagogiques et de transmettre les principales cls de comprhension ncessaires lapproche dun sujet donn. Avec la vido web, le journaliste dispose dun temps limit pour donner une mini leon dconomie. Lesprit de synthse qui en dcoule est la fois utile et populaire.

A) Les Playmobils donnent des cours dconomie

Jessica Dubois est une jeune journaliste sortie de lEcole Suprieure de Journalisme de Lille en 2011. Passionne par lconomie, cette diplme de la 85me promotion sest rapidement lance dans la ralisation de vidos explicatives de lconomie en utilisant des Playmobils, grce la technique dsormais assez rpandue sur le web du stop-motion[footnoteRef:10]. Nous parlerons donc ici non pas dun sujet en particulier mais bien de la production gnrale de la journaliste. [10: Technique danimation image par image, permettant de crer un mouvement partir dobjets immobiles. ]

1/ Une ide trs web

Un ton, plutt enjou, une ide, lutilisation des playmobils, un timing, jamais plus de deux minutes, le format utilis par Jessica Dubois pour parler dconomie est parfait en terme dinformation sur Internet. Ses explications sont claires, les sujets abords sont dans lactualit. Grce son travail, lconomie est simplifie et ramene ce quelle est : un jeu de lutte, de systmes et de ngociations.Autre bon point, lconomie explique par les Playmobils a un potentiel viral assez puissant. Ce type de vido calibre, courte, efficace, simple est un outil parfait pour les rseaux sociaux, aujourdhui autant vecteurs dinformations que les grands mdias renomms.En alliant un format efficace des sujets compliqus, Jessica Dubois russit le pari de parler dconomie sans que cela ne soit ennuyeux. Cela dit, son travail ne comprend pour linstant que cinq vidos.

2/ Un manque de moyens flagrant

Le seul point ngatif concernant le travail de Jessica Dubois est unique mais de taille : un manque cruel de moyens. Les vidos semblent tre tournes la maison, la voix nest pas toujours enregistre dans un lieu adquat, les images utilises en incrustation sont manifestement tires de Google Image ou de Youtube. Difficile croire pour un lecteur lambda dimaginer que ce type de travail puisse tre ralis par un professionnel.Cet exemple permet de toucher ici lun des points sensibles du journalisme web en gnral : le manque de latitude donn aux journalistes qui veulent investir dans de nouveaux formats. Sans financement, un bel appareil photo, un ordinateur et des logiciels efficaces, un outil de prise de son, comment raliser des vidos parfaites pour parler dconomie ? La plupart des mdias ont fait leur choix en ne pariant que trs peu sur la vido pdagogique en terme dconomie. Le seul succs en la matire tant Dessine moi lco [footnoteRef:11], ralis par Sydo, une agence de conseil, pour Le Monde. [11: SYDO, Dessine-moi lco, Le Monde, http://www.lemonde.fr/dessine-moi-l-eco/ ]

B) La crise des subprimes pour les nuls

En dcembre 2008, Rue 89 publie une vido remarquable[footnoteRef:12], construite autour de petites figurines en carton qui dmystifient la crise des subprimes. peine trois mois aprs la chute de la banque dinvestissement Lehman Brothers, les principaux rouages de la crise financire sont rassembls dans un petit scnario accessible et attachant, qui nhsite pas adopter un ton caf du commerce. [12: RICH Pascal et BDDP Unlimited, Le B.A-BA des subprimes, un thriller , Rue 89, 12 dcembre 2008, http://www.rue89.com/2008/12/12/eco89-presente-le-b-a-ba-des-subprimes-un-thriller ]

1/ Un scnario bien ficel et vivant

La vido est adapte dune bande dessine amateur qui circulait de bote mail en bote mail Wall Street. Le ralisme est donc de mise, et le scnario de cette vido est immdiatement incluant. Il est facile de sidentifier aux personnages. Lhistoire dbute dailleurs par un rendez-vous entre un salari et un courtier en prts hypothcaires. Le salari rve de devenir propritaire, mme sil na pas rellement les moyens dacqurir une maison. Hormis les dcors en carton, la situation ressemble la vie relle, pas aux arcanes de la finance.Les dialogues sont savoureux et recourent un langage on ne peut plus commun. Le spectateur navigue entre des moments cocasses si ces prts sont merdiques, comment a peut marcher ?[footnoteRef:13] et dautres dune sincrit confondante on va vous concocter une dclaration bidon[footnoteRef:14] , ce qui fait tout le sel de cette vido. [13: Ibid.] [14: Ibid.]

Cette dsinvolture du langage permet dexpliquer un mcanisme priori complexe, celui de la titrisation, sans mme avoir prononcer ce mot. Ainsi, le court-mtrage ne dfinit pas la titrisation comme le fait de transfrer des actifs ou les risques de crdit y affrents sous une forme structure des investisseurs tiers[footnoteRef:15], comme peut le faire le quotidien Les Echos. Il prfre plutt parler de crer de nouveaux titres ngociables, auxquels on donne, pour contrepartie ces crdits immobiliers pourris[footnoteRef:16]. Les choses sont demble beaucoup plus claires. [15: BLIMAN, Marianne et CARCELIER, Julie, Subprime : explications dune crise , Les chos, 26 dcembre 2007, http://www.lesechos.fr/26/12/2007/lesechos.fr/300194636_-subprime----explications-d-une-crise.htm] [16: RICH Pascal et BDDP Unlimited, op. cit.]

La pdagogie mise en oeuvre pour expliquer la fois le mcanisme du crdit hypothcaire, sa titrisation et son maquillage en un produit driv opaque mais bien not, ainsi que le manque de rgulation au sein du secteur bancaire est saisissante. En six minutes, tout est l et la crise des subprimes est mise la porte de tous. Pas besoin davoir suivi de cours dconomie. Enfin, le squenage de cette vido permet de ne pas accabler seulement les banquiers ou la finance. Le climat dirresponsabilit et deuphorie qui rgne chaque tape du scnario se rapproche de celui qui prvalait aux tats-Unis avant cette crise. Grce ce format, le spectateur saisit comment laccumulation de petites irresponsabilits plusieurs niveaux de la socit sest transforme en dsastre financier mondial.

2/ Une vido un peu longue selon les standards du webIl faut bien le reconnatre, cette vido mrite la palme de la vulgarisation en matire dconomie. Tout juste peut-on lui reprocher une dure de six minutes et demie, qui excde les standards du web en la matire et peut peut-tre rebuter les internautes les plus presss. Certains concepts comme celui des agences de notation sont galement parfois voqus de manire rapide, mais la volont centrale reste de ne pas alourdir les dialogues. La dimension pdagogique pose toujours la question do doit sarrter lexplication, mais ce projet a selon nous trouv un bel quilibre. Linternaute qui clique sur cette vido ne gaspille en rien ses six minutes.

Chapitre 3. Le serious game : une plonge dans lconomie relle

Le serious game sattaque souvent des sujets ardus. Il ne propose pas un concentr de connaissances, mais plutt une immersion pratique au coeur dune problmatique. Linformation se transmet de manire intuitive, elle infuse lesprit du joueur progressivement au fur et mesure de lexprience de jeu. Ce type de format ne suffit pas en gnral faire le tour dun sujet. En revanche, il propose une premire porte dentre exprimentale et aide la comprhension ultrieure des mcanismes affrents de nombreux sujets conomiques abondamment traits par la presse. Ce format demande un investissement important, ncessitant lintervention de dveloppeurs capables de travailler en collaboration avec des journalistes, et vice-versa.

A) Matriser le budget de la France, comme celui de son foyer

Fin 2011, le gouvernement propose son budget pour lanne 2012. Lconomie franaise souffre, il sagit de trouver une solution pour viter lendettement dun ct et stimuler la croissance de lautre. La rdaction web du Figaro propose alors Objectif Budget[footnoteRef:17], un petit jeu qui permet tout le monde de proposer son ide pour la France. [17: HYPOLITE, Damien et GUICHARD, Guillaume, Objectif budget : pilotez les finances de la France , Le Figaro, hiver 2011, http://www.lefigaro.fr/economie/objectif-budget.php]

1/ Un serious game court et efficace

Dans lunivers encore restreint des serious games, beaucoup se sont casss les dents sur des exercices compliqus et fastidieux. Jouer avec ce type doutil peut aussi prendre normment de temps, parfois simplement pour en comprendre les rgles. Un temps assez rare sur internet. Objectif Budget russi le pari de proposer un jeu qui ne prends pas plus de cinq minutes finir pour linternaute. Linterface de navigation est simple et agrable, les rgles expliques en six phrases lapidaires. La mission est simple : il y a un objectif de rduction du dficit, vous devez choisir quelles dpenses publiques il faut supprimer et quels impts il faut utiliser pour rtablir les comptes de ltat.Pour chaque ministre et chaque type dimpts, plusieurs solutions sont proposes, chacune est explique. Si bien que rapidement on se prend au jeu dessayer dimaginer les effets que pourraient avoir nos dcisions sur la France relle. Les choix peuvent parfois tre cornliens et on comprend assez vite la difficult de raliser un budget lquilibre dans un pays endett comme la France.

2/ Un scnario Figaro-compatible

Si le jeu est trs bien ralis et donne normment de cls de comprhension, il donne tout de mme une vision de lconomie assez oriente. Ainsi, au tout dbut du jeu, on propose au no-ministre du Budget dadopter une logique qui sera rigoureuse , trs rigoureuse ou intransigeante. Autant dire quil faudra adopter une politique de rigueur, un point de vue sur lequel on est en partie revenu depuis. Impossible dimaginer alors un budget bas sur une logique de croissance et dinvestissement. Les seules solutions proposes sont des coupes directes dans le financement de structures. Il devient quasiment cornlien de choisir entre les aides aux centres dhbergement durgence et la moiti des moyens dans les coles maternelles. Moins de militaires ou moins de policiers ? Fini les boursiers ou la recherche spatiale ? Cest en devenir fou.Au terme du jeu, le joueur se voit not et class par rapport toutes les personnes qui ont particip au jeu. Ici, difficile de comprendre sur quels critres on est not. Une chose est sre, il nest pas compliqu dtre jug comme tant une catastrophe pour le pays.

B) Histoire de la Politique Agricole Commune : vis ma vie dagriculteur

En fvrier 2013, le site dinformation pro-europen Toute LEurope dvoile un serious game ddi la politique agricole commune[footnoteRef:18] (PAC). Le jeu, intitul Cap Odyssey ou LOdysse de la PAC , est disponible en trois langues : Franais, Anglais et Allemand. Il propose linternaute dincarner un agriculteur des annes 1950 nos jours pour mesurer comment la PAC a transform la profession. Lobjectif est dapprhender une politique complexe, souvent rserve un traitement spcialis dans les mdias. [18: LEQUEUX, Vincent et KTM Advance, CAP Odyssey, Toute lEurope, fvrier 2013, http://www.capodyssey.eu/index.html#.UYk-uRzTwe9 ]

1/ La stratgie de limmersion

Cap Odyssey se divise en sept missions : chacune dentre elles correspond une priode historique au cours de laquelle les dfis imposs lagriculteur changent en fonction de lvolution de la PAC. Le joueur traduit donc de manire trs concrte limpact des dcisions politiques au fil des dcennies. Cette stratgie dimmersion savre payante. Le droul du jeu permet de saisir de manire intuitive lintrt dinstaurer une politique agricole commune en Europe et la difficult de faire voluer un tel projet. Le joueur dmarre dans les annes 50, alors que la PAC nexiste pas encore. Il fait lexprience de la volatilit des prix : les intempries font baisser sa production et lempchent de rellement profiter de la hausse des cours, et lorsque la mto est clmente, inonder le march de ses produits fait mcaniquement baisser les prix, ce qui le met en danger en cas de nouveaux alas climatiques. Lorsque la PAC instaure un systme de prix garantis en 1962, le joueur se rend compte que le jeu devient plus facile : ses objectifs de production sont plus facilement atteints et son exploitation prospre. Il peut produire aisment et sans limite.Linternaute bnficie ensuite de subventions lexportation mises en place par la communaut pour viter la surproduction. Il doit galement respecter des quotas pour chacune de ses productions partir des annes 1970-1980. On lui demande de nourrir sa communaut et dexporter ses excdents, sans ruiner le budget de subventions allou la PAC.Lexprience gestionnaire sarrte en 1992. Sous la pression des pays extrieurs, la communaut abandonne les subventions lexport et les prix garantis. Le joueur dcouvre la mise en place des aides directes aux agriculteurs. Aides qui sont dans un premier temps couples, cest--dire lies au type de production et sa quantit, avant de devenir dcouples dans les annes 2000, bases sur des critres dattribution en fonction de lhistorique de lexploitation. Le joueur se familiarise mme avec les aides spcifiques, attribues en fonction de critres environnementaux et pour lagriculture bio par exemple. Il rencontre diffrents agriculteurs et doit utiliser son expertise pour leur attribuer le type daides qui convient leur exploitation et leur production.La dernire mission accomplie, linternaute, mme novice, a acquis une connaissance intuitive de la PAC et peut lapprhender de manire beaucoup plus concrte, du point de vue des agriculteurs. Il comprend comment lEurope a fait voluer sa politique dune aide au march une aide directe lexploitant[footnoteRef:19] . [19: VASLIN, Jacques-Marie, 1962, lEurope fait sa rvolution agricole, Le Monde, 28 janvier 2013, http://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2013/01/28/1962-l-europe-agricole-fait-sa-revolution_1823453_3234.html ]

2/ Un sujet trs technique : le manque de repres-cls et de perspective

Ce serious game a le mrite daborder un sujet trs technique, et de fournir linternaute une vritable exprience pour en retirer une matrise rsiduelle, qui senracine aprs le parcours de jeu. Mais la technicit de la PAC aurait mrit des efforts de pdagogie supplmentaires.Cap Odyssey manque notamment de rcapitulatifs des connaissances. Le jeu dissmine quelques repres au fil de la progression du joueur : linstauration de la PAC et des prix garantis en 1962, le passage aux aides directes en 1992 ou encore la part du budget de la PAC 70% consacre ces aides directes. Mais malgr quelques squences animes, aucun encadr ou onglet ne permet de concentrer en un mme endroit les connaissances acquises par le joueur au cours du jeu.Ce manque est dautant plus patent quune partie complte ncessite un investissement consquent. Chaque mission dure environ un quart dheure et le joueur a peu de chances de toutes les russir ds le premier essai. Ainsi, la dure de vie de ce serious game atteint facilement deux heures. Il est possible de crer un compte pour interrompre sa partie l o on la laisse, mais en cas de coupure, il nexiste pas vraiment de rappel des connaissances acquises.De plus, le discours institutionnel adopt par le jeu ne permet pas de mettre en perspective les acquis du joueur. Pourquoi les rformes de la PAC provoquent-elles systmatiquement une leve de boucliers parmi le monde paysan[footnoteRef:20] ? Quelles sont les tensions qui rgnent entre pays europens cause de cette politique ? Pourquoi lAllemagne soppose-t-elle par exemple la France sur un sujet cl : le maintien des aides couples certaines productions[footnoteRef:21] comme llevage ? Autant de mises en perspectives quil faudra aller chercher dans la presse traditionnelle. [20: Ibid.] [21: GIRARD, Laurence, Les tats europens trouvent un accord sur la politique agricole commune , Le Monde, 20 mars 2013, http://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2013/03/20/les-etats-europeens-trouvent-un-accord-sur-la-politique-agricole-commune_1850891_3234.html ]

En dfinitive, CAP Odyssey est une porte dentre pour un lecteur qui ne connat pas la PAC. Le jeu remplit une mission ducative qui permet ensuite linternaute de comprendre le traitement fait par la presse de ce sujet.

Chapitre 4. Le webdocumentaire : problmatiques multi-facettes

Le principal avantage du webdocumentaire rside dans le pouvoir quil laisse linternaute. Grce au dcoupage dun sujet conomique en plusieurs facettes et une exprience narrative dstructure, le spectateur dispose dune large latitude de choix pour apprhender la probmatique selon langle qui lintresse. Le journaliste propose un schma de comprhension, mais cest laudience peut se lapproprier son rythme et sa manire.

A) Pntrer lunivers de Goldman Sachs, le supermarch de la financeEn aot 2012, Arte publie sur son site Internet un webdocumentaire[footnoteRef:22] sur les pratiques de la banque dinvestissement amricaine Goldman Sachs. Intitul Goldman Sachs, le supermarch de la finance, le projet web sert la fois de teaser et de prolongement du documentaire tlvis Goldman Sachs, la banque qui dirige le monde, diffus dbut septembre en prime time. En adoptant lapparence dun grand magasin, la production permet linternaute de rentrer dans une banque habituellement rpute impntrable, de sillonner ses rayons, et de dcouvrir ses pratiques selon la thmatique qui lintresse. [22: ROMANOS, Chadi et CAPA Press, Goldman Sachs, le supermarch de la finance, Arte, 29 aot 2012, http://www.arte.tv/fr/Goldman-Sachs--le-supermarche-de-la-finance/6820372,CmC=6892050.html]

1/ Un dcoupage pertinent

L'intrt de ce webdocumentaire repose sur la forme retenue par Arte et Capa Press pour le mettre en ligne. Le dcoupage thmatique des activits de la banque en rayons permet au public d'avoir une dmarche pro-active. L o le tlspectateur se laisse happer par le documentaire qui reprend les codes du thriller, l'internaute choisit sa navigation et commence par ce qui l'intresse le plus. Le fil rouge, centr autour du pouvoir excessif de la banque et de ses abus, permet de maintenir la cohrence de l'ensemble. L'audience peut ainsi dcouvrir, grce plusieurs extraits vidos, la manire dont Goldman Sachs spcule contre ses clients, son rle dans l'explosion des cours des matires premires, les appuis politiques dont elle dispose grce son rseau d'anciens, etc. La volont de vulgarisation de cette production est vidente : elle profite du support en ligne pour intgrer, au rayon librairie, un glossaire des termes techniques utiliss dans le film. Le webdocumentaire propose galement une datavisualisation trs simple, qui montre comment Goldman Sachs a maintenu ses profits entre 2007 et 2011, alors que la crise financire se transformait en crise conomique. L'ensemble des extraits proposs n'excde pas 35 minutes, et chaque rayon propose des liens vers des articles ou des vidos pdagogiques pour aller plus loin. Que le spectateur dispose de 5 min ou de plus d'une heure devant lui, il est certain d'apprendre quelque chose.

2/ Un recyclage du produit tlvis

Le ton roman policier employ par le documentaire fait beaucoup pour la comprhension et l'accessibilit du sujet. Goldman Sachs, la banque qui dirige le monde a d'ailleurs ralis un record d'audience pour lmission Thema sur Arte, avec 717.000 spectateurs. En ce sens, il est agrable pour le tlspectateur d'avoir une trace permanente du documentaire, qu'il peut retrouver en ligne. Mais en dehors du glossaire et de la datavisualisation voqus plus haut, on peut regretter que le webdocumentaire se limite une reprise des meilleurs moments de son pendant tlvisuel. Les heures de rushes tournes par la production auraient srement pu tre exploites pour diffuser des indits, pour prolonger la plonge du tlspectateur dans lenqute mene sur Goldman Sachs. Dautant que le co-ralisateur du film, le journaliste conomique du Monde Marc Roche, ne sest pas priv de dcliner des lments complmentaires de son enqute sur dautres supports[footnoteRef:23]. [23: ROCHE, Marc, Goldman Sachs, enqute sur une socit secrte, M le magazine du Monde, 11 mai 2012, http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/05/11/goldman-sachs-enquete-sur-une-societe-secrete_1698970_3234.html ]

Le webdocumentaire est incontestablement grand public, mais il reste un produit d'appel pour le film diffus la tlvision. La vision d'ensemble est concrtise avant tout dans le documentaire, quil convient de visionner pour avoir une perspective complte sur les activits de la banque.

B) Revivre la chute de Florange, au ct de ses ouvriers

Florange est devenue tristement clbre ces dernires annes pour avoir abrit lun des dsastres industriels franais les plus cuisants. En 2012, pendant sa campagne, Franois Hollande vient voir les hauts-fourneaux et leur promet de lavenir. Finalement, cest la fermeture qui les attend. La cellule web de France 3 Lorraine dveloppe un webdocumentaire[footnoteRef:24] sur le sujet, ARCELORMITTAL, la saga Florange. [24: MESSANG Hlne et FRANCE 3 Lorraine, ArcelorMittal, la saga Florange, jusqu la fin et au-del, France Tlvisions, http://arcelorf3lorraine.wix.com/arcelor ]

1/ Le multimdia au rendez-vous

Des vidos, des cartes, des photos, des frises chronologiques, des lments denqute, les techniques offertes par Internet sont exploites au maximum dans ce travail. Dcoupe en chapitres, lhistoire de la fin de vie des haut-fourneaux de Moselle suit un droul chronologique, depuis les premiers mois de chmage technique aux discussions sur le rachat en passant par le bal des promesses et les actions coup de poing des syndicalistes.Beaucoup de place est laisse au vivant. Certains outils utiliss sur le web manquent parfois de terrain et dinterview, ici ce nest pas le cas. Chaque chapitre a au moins une vido, que ce soit celle dun syndicaliste prs des fosses de fonte ou celle dun politique interview sur Europe 1. Le tout jouit dun dveloppement simple et esthtique, dune iconographie adapte et trs belle. Les journalistes ont utilis Wix, un outil qui leur a permis de raliser leur travail sans connaissance en code.

2/ Un format novateur pour un sujet qui ne lest pas

Objectivement, le travail ralis par la cellule web de France 3 Lorraine, mme sil a tout de mme certains dfauts de dveloppement, est un exemple de lutilisation du webdocumentaire pour parler de faon multimdia dun sujet de long court. Le produit peut tre encore augment par de nouvelles tapes dans lavenir des hauts-fourneaux, il peut tre dcoup, repris. Simplement on peut se demander si un tel travail touche le public quil est cens viser : la population de la rgion sur Internet. Il rend accessible linformation, cest indniable, reste savoir sil y a vritablement un public pour aller voir ce type de production. Nanmoins, le statut de service public de France Tlvisions pourrait justifier lui seul la ralisation de ce type de travail.

Conclusion

Lexamen de notre corpus a permis de dgager les principaux avantages des nouveaux formats de journalisme lorsquils sont appliqus lconomie. La datavisualisation simpose comme une vidence pour rendre le traitement de lconomie plus accessible. Sa capacit dgager de grandes tendances et des informations centrales, tout en conservant un niveau lev de dtails en fait un format trs pris pour aborder des ralits chiffres et quantifiables. La vido web constitue galement un outil majeur la disposition du journalisme conomique. Ses qualits pdagogiques, sa brivet et son potentiel viral permettent de transmettre lessentiel dun sujet une audience plus large que celle des lecteurs traditionnels de la presse conomique.Le serious game reprsente un investissement consquent. Il ne se suffit pas lui-mme mais constitue une porte dentre pour comprendre les mcanismes et les enjeux dun sujet conomique.Enfin, le webdocumentaire permet dimpliquer le spectateur. Il lui laisse une latitude de choix afin quil sapproprie la comprhension du sujet. Bien ralis, il peut mme intgrer des datavisualisations et des vidos web vocation pdagogique.

Partie II Choisir un format novateur pour raconter lconomie : quel processus journalistique ?

Aprs avoir tabli un jugement critique empirique des objets dtude que nous avons choisis, il semble important de savoir quel regard portent les auteurs de ces formats sur leur travail. Comment lide leur est-elle venue ? Pourquoi lont-ils choisi? Quelles difficults ont-ils rencontr ? Le format a-t-il fonctionn ? A-t-il eu du succs ? Autant de questions que nous avons poses directement aux rdacteurs et rdactrices de tous ces projets. Nous prsentons dans cette partie les grandes lignes de la dmarche journalistique qui les a pousss choisir un format novateur pour parler dconomie.

Chapitre 1. tre clair et complet

A) La clart

L'conomie n'est pas accessible tous, et elle a pourtant un impact important dans la vie des gens[footnoteRef:25] , explique Jessica Dubois, la ralisatrice des vidos de lconomie explique par les Playmobils. Dans un contexte o les problmes conomiques sont omniprsents dans lactualit, tre capable de les expliquer clairement pour que tout le monde puisse sen emparer est lun des devoirs des journalistes. Il faut pouvoir prsenter les informations complexes et nombreuses dans des formats concis et prcis, selon les auteurs. [25: Cf Annexes, p. 52.]

La datavisualisation [] permet souvent de clarifier en un simple coup d'il ce qui aurait t laborieusement crit en texte. L'adage une image vaut mille mots" prend ici tout son sens[footnoteRef:26], ajoute Jrmie Baruch, lun des auteurs avec Maxime Vaudano de 40 plans daustrit en Europe. Par ailleurs, qui aurait envie de lire une liste en format texte de 40 plans de rigueur en Europe ?[footnoteRef:27], sinterroge-t-il. Concernant les serious games, lintrt rsidait l aussi normment dans la question pdagogique. Que ce soit pour expliquer le fonctionnement de la PAC ou celui du budget de lEtat, la clart est fondamentale. [26: Cf Annexes, p. 64.] [27: Ibid.]

B) tre complet

Lun des avantages travailler sur Internet est que lon nest jamais bloqu par la longueur. Ainsi les auteurs des travaux tudis ont pu se permettre dtre complets dans le traitement de leur information. Dans un papier on crit quatre ou cinq chiffres maximum. Dans une infographie, on peut aller jusqu' plusieurs centaines[footnoteRef:28], commente Guillaume Guichard du Figaro. Sur des questions conomiques, souvent pointues, on ne peut pas se permettre de survoler les considrations chiffres des problmatiques tudies. [28: Cf Annexes, p. 74.]

Dans le cas du webdocumentaire Goldmans Sachs, le supermarch de la finance, lobjectif tait par exemple de venir en complment du documentaire qui avait t ralis par Arte. Le film glissant avec nonchalance sur des sujets aussi complexes que la titrisation, les options d'achat ou le financement des dettes souveraines, il nous a sembl utile de livrer quelques clefs[footnoteRef:29] , explique Chadi Romanos, le rdacteur en chef du ple web de la chane franco-allemande. [29: Cf Annexes, p. 48.]

Pour Helne Messang, de France 3 Lorraine, ctait loccasion rve de rassembler au mme endroit toute la matire qui avait pu tre ralise par les quipes de sa locale. Ainsi, le lecteur intress par le sujet trouve tout ce dont il a besoin sur un site ddi sans avoir naviguer dans diffrentes ditions de journaux.

Chapitre 2. Des moyens limits

Aucun des auteurs des travaux que nous avons interrogs ne nous a dit que son travail stait pass sans difficults. Souvent limits par les moyens parfois par le temps, la galre reste souvent le matre mot en matire de nouveaux formats. Les cots et le temps disponibles ont barr la voie (...) un projet plus immersif[footnoteRef:30], explique par exemple Chadi Romanos. Jessica Dubois, seule pour raliser ses vidos, a elle aussi beaucoup de difficults raliser ce quelle voudrait en termes esthtiques. Je ne suis pas graphiste, (...) ce qui pourrait vraiment apporter une touche en plus qui ferait passer la vido d'un truc un peu low-cost quelque chose de vraiment chiad[footnoteRef:31], note-t-elle. [30: Cf Annexes, p. 49.] [31: Cf Annexes, p. 53.]

Jrmie Baruch, spcialis dans le domaine de la datavisualisation, reconnat lui aussi avoir manqu de temps pour aller au bout de son ide. J'aurais voulu avoir plus de temps pour que les graphiques soient dynamiques. (...) Jaurais voulu que la courbe du chmage et la croissance de ces pays s'affichent. Manque de temps![footnoteRef:32], sexclame-t-il. [32: Cf Annexes, p. 64-65.]

Les rdactions pourtant assez demandeuses de ce type de formats, ne financent pas toujours de faon adquate leur ralisation. Une difficult laquelle sest confronte Helne Messang. Il a fallu que je structure le projet tout en essayant de trouver des outils gratuits et les adapter mon projet. J'tais limite dans le budget (0 en matriel), limite parfois en installation de logiciel sur les ordinateurs de mon entreprise[footnoteRef:33], dplore la journaliste. [33: Cf Annexes, p. 71.]

Dans ce type de projet, le fait que les journalistes aient travailler avec des techniciens, notamment des dveloppeurs peut aussi poser problme. Pour Guillaume Guichard du Figaro, il a ainsi fallu trouver un langage commun avec le dveloppeur et apprendre travailler avec les quipes informatiques[footnoteRef:34]. [34: Cf Annexes, p. 74.]

Chapitre 3. Des projets positifs mais pas toujours populaires

Il ressort beaucoup de choses positives du travail des rdacteurs. De manire gnrale, ils sont fiers du travail quils ont ralis. Pascal Rich, rdacteur en chef de Rue 89, est par exemple trs heureux du travail que sa rdaction a effectu sur le projet Le B-A BA des subprimes : Je le trouve encore super[footnoteRef:35] , dclare-t-il. [35: Cf Annexes, p. 45.]

Hlne Messang, de France 3 Lorraine est elle aussi convaincue par le travail fourni : Objectivement, je trouve que pour un mdia qui n'a pas l'habitude dexprimenter ce type d'criture en rgion et au vu des moyens consacrs ce travail, le temps pass (une semaine environ) et vu mon manque d'exprience au moment de la ralisation de ce mini-site, je trouve que le produit est la hauteur des esprances[footnoteRef:36]. [36: Cf Annexes, p. 72.]

Ces projets ont dailleurs souvent eu de beaux retours de la part des rdactions qui les ont produits. Les collgues ont vu ce qu'on pouvait faire sur le web, diffremment. A l'extrieur aussi, a a bien buzz sur Twitter et Facebook, l'audience a t bonne. En interne, les responsables se sont flicits du fait que cela donnait une bonne image au site[footnoteRef:37], confirme Guillaume Guichard du Figaro. [37: Cf Annexes, p. 75.]

Les audiences nont cela dit pas toujours t au rendez-vous. Pascal Rich estime ainsi que le projet sur les subprimes de Rue 89 a eu un beau succs destime mais une audience dcevante. Mme constat pour Jrmie Baruch du Monde. Au vu des commentaires assez peu nombreux, je dirais qu'elle [linfographie] n'a pas eu le succs qu'elle mritait sa sortie , reconnait le journaliste. Cependant (...) elle sera probablement mise jour et remise en avant, lui assurant un regain d'audience, ce dont ne pourrait pas profiter un article texte par exemple[footnoteRef:38] , ajoute-t-il. [38: Cf Annexes, p. 65.]

Chapitre 4. Un public inconnu

Que leur travail ait fonctionn ou non, il y a une inconnue qui reste difficile valuer pour les journalistes : savoir sils ont russi dmocratiser les questions conomiques. Si cest un objectif pour la plupart, ils sont souvent incapables dvaluer si leur but a t atteint. Vincent Lequeux, lun des auteurs du serious game Cap Odyssey est le seul pouvoir donner un dbut de rponse cette question pineuse. Bien que les donnes que nous avons ne nous permettent pas de connatre avec prcision les CSP des utilisateurs, nous avons pu dterminer qu'une grande partie d'entre eux provenait de grandes ou de moyennes villes, et que la moyenne d'ge tait plutt faible, essentiellement 15 - 25 ans[footnoteRef:39]. [39: Cf Annexes, p. 61.]

Pour le reste des auteurs interrogs, les rponses oscillent entre lincantation et la mthode empirique. J'espre [que lon a russi toucher un nouveau public]. C'est tout le principe : dmystifier l'conomie, la vulgariser, la rendre moins austre[footnoteRef:40] considre Jrmie Baruch au Monde. Du ct de France 3 Lorraine, on estime que le contrat est rempli : j'ai tent de vulgariser les informations que me donnaient mes collgues, de transmettre ce que je comprenais, et je sais que ce produit est donc accessible. Si moi je comprends, les autres aussi ![footnoteRef:41] , sexclame Hlne Messang. Le message est similaire dans la rdaction du Figaro. Guillaume Guichard explique non sans une pointe dhumour: mes collgues du service community management se sont amuss et ont ralis que rduire le dficit, c'tait dur ! Cela ncessitait des choix difficiles en terme d'arbitrages budgtaires. C'tait le but de la manoeuvre[footnoteRef:42] . [40: Cf Annexes, p. 65.] [41: Cf Annexes, p. 72.] [42: Cf Annexes, p. 75.]

Conclusion

Si les expriences des personnes interroges sont trs diffrentes, elles ont tout de mme des traits en commun. Ce que lon a pu observer fortement dans leurs discours est le manque cruel de moyens et de temps allous ces projets novateurs qui malgr tout commencent merger srieusement dans les mdias en ligne. Manque de dveloppeurs, de logiciels adquats, de temps et de personnel en gnral. Lautre inconnue rside dans le public touch par ce type de travaux. Labsence daudience ne permet pas toujours de juger du succs vritable de ces genres de travaux et surtout de savoir sils parviennent rellement rendre la question conomique plus attrayante.

Partie III La rinvention du journalisme conomique : prospective sur une entreprise dintrt public

Aprs avoir examin les apports des nouveaux formats journalistiques en matire d'conomie et vu quelle dmarche ils rpondent, on se propose d'valuer leur place dans le journalisme conomique de demain.Les nouveaux formats vont-ils devenir la rgle ? Dans quelle mesure vont-ils tre utiliss et pourquoi ? Quels obstacles s'opposent leur gnralisation ? En comprenant les pratiques actuelles, on peut imaginer comment l'conomie peut tre mise la porte de tous par un journalisme en pleine mutation.

Chapitre 1 - Simplifier la comprhension ncessite des efforts importants

Les journalistes interrogs lors de nos recherches font ressortir deux lments parallles qui permettent de spculer sur la multiplication des nouveaux formats en matire de journalisme conomique. Dun ct, la datavisualisation, la vido web, le serious game et le webdocumentaire sont considrs comme des vecteurs de vulgarisation plus puissants que les articles et reportages conomiques classiques. De lautre, le temps et les ressources ncessaires la ralisation de ce genre de formats complique la tche des journalistes. Ils sont donc plus susceptibles de passer la trappe lors des arbitrages des responsables ditoriaux, surtout dans les mdias en proie des coupes budgtaires.

A) Les nouveaux formats, vecteurs de vulgarisation incontestables

Les nouveaux formats permettent de simplifier la comprhension des problmatiques conomiques : 100% de nos interlocuteurs en sont convaincus lorsqu'on leur pose la question. Tous se sont aventurs au-del dun article ou dun reportage classique pour proposer une vision plus accessible du sujet quils avaient traiter. Maxime Vaudano, co-auteur de la datavisualisation du Monde sur la rigueur europenne, est encore celui qui rsume le mieux lavantage des nouveaux formats. Ils permettent d'instaurer diffrents niveaux de lecture pour permettre une comprhension gnrale, puis ventuellement aller plus loin, si a intresse le lecteur[footnoteRef:43], explique ce nouveau diplm de lESJ Lille. Mme approbation pour Chadi Romanos, la tte du ple web dArte : Indniablement, la profondeur du mdia internet autorise plusieurs registres de langage, plusieurs couches d'expertise, plusieurs modes de narration, dans une dynamique d'enrichissement progressif (une version simple cache des couches de complexit) ou de propositions alternatives (positions contradictoires, par exemple)[footnoteRef:44]. [43: Cf Annexes, p. 69.] [44: Cf Annexes, p. 50.]

Les vertus des nouveaux formats sduisent largement les journalistes interrogs, qui trouvent l un moyen de prsenter lessentiel dune information sous un jour original. La vido oblige choisir un angle trs resserr, le format court est plus facile regarder. Et on peut tre plus cratif[footnoteRef:45], souligne Jessica Dubois, qui compte continuer travailler avec ses Playmobils. Pour Hlne Messang galement, laffaire est entendue : aujourd'hui avec une infographie cre en ligne en trois minutes, on peut livrer une information claire, prcise et accessible rapidement[footnoteRef:46]. [45: Cf Annexes, p. 54.] [46: Cf Annexes, p. 72.]

B) Un traitement plus exigeant et parfois coteux

Si tous les auteurs saccordent pour souligner les multiples avantages des nouveaux formats, la moiti dentre eux (4 sur 8) insistent galement sur les contraintes spcifiques propres ce genre de journalisme. Le temps et le cot investis dans ces productions journalistiques pourrait ainsi leur porter prjudice dans des rdactions de moins en moins rentables. Exploiter cette richesse potentielle du mdia [Internet] a un cot, rappelle Chadi Romanos, en sa qualit de responsable ditorial dArte, il faut imaginer les dispositifs et produire/diter les contenus idoines. Et aujourd'hui, l'heure tant la rduction des cots, les journaux, tlvisions ou sites web capables de servir davantage sont rares, voire inexistants[footnoteRef:47]. [47: Cf Annexes, p. 50.]

Au Figaro, Guillaume Guichard considre les nouveaux formats comme des outils capables de complexifier le traitement pour le journaliste et simplifier la comprhension pour linternaute[footnoteRef:48]. Mais dans un contexte budgtaire difficile, sa rdaction paie aujourdhui le prix darbitrages dplaisants. Nous avons perdu des comptences, ce qui ne nous permet plus de raliser des projets aussi ambitieux quObjectif Budget, tmoigne le journaliste. Il faut que cela soit une priorit ditoriale porte au plus haut niveau. Nous avons relanc en interne des projets de datavisualisation et datajournalisme, mais cela prend dsormais du temps[footnoteRef:49] . [48: Cf Annexes, p. 75.] [49: Cf Annexes, p. 76.]

Ainsi, il est lgitime de se demander si lusage des nouveaux formats ne correspond pas une mode de la profession susceptible de steindre, faute de fonds ncessaires. Pourtant, on constate un vritable engouement des journalistes interrogs pour les nouveaux formats. Aprs avoir achevs leurs projets respectifs, 100% dentre eux comptent travailler sur dautres formats novateurs, pour aborder des sujets conomiques ainsi que dautres domaines[footnoteRef:50]. Le phnomne parat donc dj bien install dans la culture des rdactions, et il y a fort parier que les usages vont se multiplier, notamment dans un domaine aussi complexe et chiffr que lconomie. [50: Cf Annexes, pp. 46, 50, 55, 62, 66, 69, 72 et 76.]

Chapitre 2 - Les formats les plus prometteurs

Parmi lensemble des formats tudis dans ce mmoire, deux semblent tre particulirement adapts au traitement de lconomie, de laveu mme des journalistes questionns. La datavisualisation recueille la majorit des suffrages grce sa facilit daccs et sa profondeur de traitement. La vido web est galement trs apprcie pour les qualits pdagogiques quelle propose.

A) La datavisualisation

Dans quelques annes, une bonne partie du traitement de lconomie sera certainement ddie la datavisualisation. La majorit des journalistes interrogs (5sur 8)[footnoteRef:51] mettent en avant ce format comme le plus prometteur pour amliorer laccs linformation conomique. [51: Cf Annexes, pp. 46, 50, 54, 62, 66, 69, 72 et 76.]

Guillaume Guichard du Figaro estime que ce format est le plus porteur car le journaliste co est notamment confront deux problmes (...) : faire comprendre les mcanismes l'oeuvre et rendre concret les chiffres en jeu[footnoteRef:52]. La datavisualisation, par sa simplicit et son interactivit, permet daller au coeur dun sujet. [52: Cf Annexes, p. 76.]

Jrmie Baruch soutient galement la mme position au Monde. Selon lui, l'conomie est, comme le sport d'ailleurs, une discipline de chiffres. La dataviz permet de simplifier, de slectionner les chiffres regarder, mais aussi quand le produit est bien construit d'aller chercher des informations. Grce ce format, il peut satisfaire les lecteurs les plus pointus tous comme les novices, car la datavisualisation autorise ceux qui s'y intressent d'aller plus avant dans leurs propres analyses tout en permettant ceux qui ne s'y connaissent pas de comprendre au moins les grandes tendances, les grands phnomnes en mouvement[footnoteRef:53]. [53: Cf Annexes, p. 66.]

Arte, Chadi Romanos dsigne galement la datavisualisation comme une valeur sre. Pour ce responsable de la rdaction web, aprs 30 ans de rgne sans partage de l'conomtrie, o les chiffres ont pris une place centrale dans l'analyse conomique, une nouvelle intelligence, une nouvelle pdagogie du chiffre sont prcieuses[footnoteRef:54] . [54: Cf Annexes, p. 50.]

Au-del des commentaires directement en faveur de la datavisualisation, il est galement instructif dobserver les titres considrs comme les meilleurs sur le traitement de lconomie. Parmi les journalistes interrogs, les noms qui reviennent le plus rgulirement sont le Guardian et le New York Times ct anglo-saxon, ainsi que Le Monde et Le Figaro au sein de la presse franaise[footnoteRef:55]. Ces rdactions se rejoignent toutes sur un point : les efforts quelles consacrent au dveloppement de la datavisualisation. [55: Cf Annexes, pp. 46-47, 51, 56, 63, 66, 69, 73 et 76.]

B) La vido web pdagogique

La vido web semble galement promise un bel avenir en matire dconomie. Elle est le second format le plus cit par les journalistes interrogs (3 sur 8)[footnoteRef:56] et quelques exemples peuvent dmontrer sa popularit. [56: Cf Annexes, pp. 46, 50, 54, 62, 66, 69, 72 et 76.]

Jessica Dubois, cratrice des Playmobils de lco, est convaincue de limportance croissante de la vidographie. La sobrit reste le premier avantage de cet objet : le format court est plus prometteur que le long, en tout cas pour toucher ceux qui ne sintressent pas tant que a lconomie[footnoteRef:57] , souligne-t-elle. [57: Cf Annexes, p. 62.]

Vincent Lequeux de Toute lEurope favorise galement la vido web pour sa capacit faire comprendre un sujet complexe en un minimum de temps[footnoteRef:58]. Les qualits pdagogiques intrinsques ce format sont galement renforces par la dimension sociale et virale que peuvent prendre ces productions. Ainsi, Jessica Dubois rappelle que la vido reste un choix intressant s'il s'agit de quelque chose de rgulier, qui peut s'appuyer sur les commentaires et les questions des internautes. [58: Cf Annexes, p. 62.]

Il est dailleurs important de noter que les vidos web pdagogiques se multiplient pour parler dconomie. On peut videmment voquer linitiative du Monde, qui rencontre un certain succs avec sa srie de vidos Dessine-moi lco[footnoteRef:59]. Mais le quotidien ne se contente pas dexternaliser sa production de vidos conomiques avec cette srie, il commence galement crer ses propres formats courts pdagogiques, lorsque le besoin se fait sentir, comme sur laffaire des Offshore Leaks[footnoteRef:60]. Du ct de France 5, la chane diffuse galement une mission conomique pdagogique : Dr CAC[footnoteRef:61], comme Cest assez clair. Le format, avec des vidos plutt humoristiques et limites quatre minutes est clairement inspir du web, et la production a naturellement nou un partenariat avec Dailymotion pour faire mieux exister[footnoteRef:62] le personnage du Dr CAC sur Internet. [59: SYDO, op. cit.] [60: BOYER, Marianne ; MICHEL, Anne ; LOURADOUR, Jacques et SANTI, Jean-Guillaume, Offshore Leaks : comment des banques franaises aident leurs clients pratiquer lvasion fiscale, Le Monde, 30 avril 2013, http://www.lemonde.fr/economie/video/2013/04/05/offshore-leaks-comment-des-banques-francaises-aident-leurs-clients-a-pratiquer-l-evasion-fiscale_3154624_3234.html ] [61: France 5 et Program 33, Dr CAC, lconomie cest assez clair ! , France 5, http://www.france5.fr/emissions/dr-cac ] [62: ENGURAND, Renault, Dr CAC veut sinviter dans la campagne prsidentielle, Le Figaro, 1er fvrier 2012, http://www.lefigaro.fr/medias/2012/01/31/20004-20120131ARTFIG00593-thomas-thery-invite-du-buzz-media-orange-le-figaro.php ]

Chapitre 3 - Les journalistes devront multiplier les collaborations

Puisque le renouveau du journalisme conomique se produit essentiellement sous limpulsion du web, il sera forcment collaboratif. De nombreuses rdactions franaises se rorganisent actuellement pour passer un mode de production bi-mdia . Les nouveaux formats vont prolonger ces transformations et devraient notamment amener les journalistes rubricards des services conomie une plus grande coopration avec leurs collgues moins spcialiss. De plus, lensemble des journalistes devra probablement apprendre travailler avec dautres coeurs de mtier, pour concrtiser les futurs projets qui feront le journalisme conomique de demain.

A) Collaborations entre rubricards et gnralistes

Il est frappant de constater quune large majorit des journalistes que nous avons contacts (6 sur 8)[footnoteRef:63] se prsentent comme gnralistes, avec quelques comptences en conomie. Seuls deux dentre eux se disent spcialiss en conomie, et sans rellement revendiquer la qualit de rubricard. Ainsi, la dmocratisation du dbat conomique dans la presse semble avant tout passer par le travail de journalistes non spcialiss, plus enclins exprimenter de nouvelles formes de journalisme. Comme le rsume Chadi Romanos, savoir mettre en scne l'info est aussi important que savoir la chercher. C'est la dfinition mme de la mdiation. Il faut naturellement des comptences en conomie pour savoir hirarchiser l'info. Mais il en faut tout autant pour la rendre intelligible et accessible aux diffrents publics[footnoteRef:64]. [63: Cf Annexes, pp. 46, 51, 56, 63, 66, 69, 73 et 76.] [64: Cf Annexes, p. 51.]

Cette impression est en partie confirme par les relations quils entretiennent avec les rubricards des services conomie dans leurs mdias respectifs. La moiti des journalistes interrogs[footnoteRef:65] constatent que les rubricards ne sintressent pas vraiment aux nouveaux formats en matire dconomie, et nen ont pas encore adopt lusage. La Tribune, Jessica Dubois note dailleurs que la plupart d'entre eux sont gs, ont connu l'ge d'or de la presse papier et rechignent se mettre au web[footnoteRef:66]. [65: Cf Annexes, pp. 46, 50, 56, 63, 66, 69, 73 et 76.] [66: Cf Annexes, p. 55.]

Pourtant, les journalistes questionns pour ce mmoire saccordent sur le besoin de coopration entre rubricards et gnralistes. Arte a dailleurs dj mis en oeuvre cette collaboration, que la chane estime ncessaire. Au sein de la rdaction ce sont des tandems, minima, qui crent les nouveaux formats (...) : rdacteur/diteur ou rdacteur/chef de projet ou diteur/chef de projet , souligne Chadi Romanos.

B) Collaborations avec dautres coeurs de mtiers

De plus en plus, les collaborations ne sarrtent plus aux murs de la rdaction. Les techniques et comptences du web sont souvent dtenues par des prestataires extrieurs, plus mme dassister les journalistes dans la cration de nouveaux formats.Ainsi, plusieurs lments tudis dans ce mmoire ont ncessit un travail conjoint de la part de journalistes, mais aussi de professionnels trangers ce mtier. Ds 2008, Rue 89 a contact lagence de communication BDDP Unlimited pour laider raliser sa vido sur les subprimes. Le site Toute lEurope a galement d sattacher les services de KTM Advance, une socit spcialise dans lapprentissage en ligne, pour dvelopper son serious game sur la PAC. La rdaction a galement travaill avec des experts du ministre de lAgriculture.En matire dconomie, les journalistes devraient donc tre appels multiplier les collaborations extrieures et intgrer cette variable dans leur quotidien. moins que les rdactions nintgrent directement de nouvelles comptences, ce qui revient finalement au mme. Au Figaro, Guillaume Guichard souligne notamment ses difficults pour trouver un langage commun avec le dveloppeur maison, et apprendre travailler avec les quipes informatiques[footnoteRef:67]. [67: Cf Annexes, p. 74.]

Conclusion

Aprs rflexion, on peut donc esquisser un portrait du journalisme conomique qui sannonce : une matire toujours trs technique et couverte par une plthore de mdias spcialiss, relays et complts par des mdias plus gnralistes qui mettraient lemphase sur des formats novateurs en ligne, plus pdagogiques. tant donn le cot et linvestissement humain ncessaires la ralisation de ces nouveaux objets, la rapidit de leur dveloppement dpendra avant tout de la sant financire des rdactions franaises. Mais comme le note Vincent Lequeux, la diffusion et la dmocratisation des "nouveaux" supports, plus adapts ces formats (tablettes tactiles, trs haut dbit...) pourrait y contribuer[footnoteRef:68]. [68: Cf Annexes, p. 63.]

La tendance suggre que le journalisme conomique senrichira avant tout grce la gnralisation de la datavisualisation et des vidos web pdagogiques. Ce dveloppement ncessitera une collaboration accrue entre journalistes gnralistes et rubricards, ainsi que la recherche ou lintgration de comptences complmentaires au sein des rdactions. Dans un contexte de crise, le dveloppement du traitement de linformation conomique parat probable. Comme le note Pascal Rich Rue 89 : les gens s'intressent de plus en plus aux enjeux conomiques. Les sujets que nous publions sur l'co marchent bien[footnoteRef:69] . [69: Cf Annexes, p. 47.]

Conclusion gnrale travers ce travail, on a pu voir quel point les nouveaux formats journalistiques que sont la datavisualisation, la vido web, le serious game et le webdocumentaire constituent des outils capables de vulgariser le traitement de lconomie. Ces formats se sont dvelopps au cours des dernires annes, alors quune crise conomique exceptionnelle clatait pour toucher la plupart des pays dvelopps dans le monde. Lconomie, souvent vue comme rbarbative dans les mdias, revient ainsi sur le devant de la scne au moment mme o la palette doutils qui permettent de la traiter senrichit de manire considrable. Ces nouvelles techniques, en particulier la datavisualisation et la vido web, sont en train de simposer comme des supports lgitimes du dbat conomique. Mais si elles simplifient grandement la comprhension de nombreuses problmatiques conomiques, elles posent des difficults en matire de traitement journalistique. Linvestissement humain et les moyens matriels ncessaires la ralisation de tels objets est notamment difficile assumer pour certaines rdactions. Des contraintes financires au milieu dune presse en crise pourraient ainsi freiner le renouveau du journalisme conomique.Pourtant, de nouvelles entreprises (Mediapart, XXI, Causette, etc.) montrent que la presse est un march de loffre, dont le redressement passe par la rinvention des propositions ditoriales. Ainsi, il convient de se demander si le moment nest pas historique pour tenter de repenser le traitement de lactualit conomique. BFM Business diffuse en ce moment des spots publicitaires aux slogans accrocheurs pour attirer une nouvelle audience : 100% des Franais sont contre la crise. Combien sintressent lconomie ?. La question est lgitime, mais mriterait peut-tre dtre pose diffremment. Si 100% des Franais sont effectivement contre la crise, les mdias couronns de succs pourraient bien tre ceux qui sempareront des moyens leur disposition pour rpondre cette interrogation : Comment intresser les Franais lconomie ?

BIBLIOGRAPHIE

I - Corpus principal : lconomie traite par les nouveaux formats

Datavisualisations & infographies

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Vidos web

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Serious games

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LEQUEUX, Vincent et KTM Advance, CAP Odyssey, Toute lEurope, fvrier 2013, http://www.capodyssey.eu/index.html#.UYk-uRzTwe9

Webdocumentaires

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MESSANG Hlne et FRANCE 3 Lorraine, ArcelorMittal, la saga Florange, jusqu la fin et au-del, France Tlvisions, http://arcelorf3lorraine.wix.com/arcelor

II - Autres sources utilises lors de la rdaction

Articles de presse

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VASLIN, Jacques-Marie, 1962, lEurope fait sa rvolution agricole, Le Monde, 28 janvier 2013, http://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2013/01/28/1962-l-europe-agricole-fait-sa-revolution_1823453_3234.html

VILLECHENON, Anne, La recette anti-crise de lconomie polonaise , Le Monde, 22 janvier 2013, http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/01/22/la-recette-anti-crise-de-l-economie-polonaise_1819798_3234.html

Vidos web

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SYDO, Dessine-moi lco, Le Monde, http://www.lemonde.fr/dessine-moi-l-eco/ANNEXES

ENTRETIEN AVEC PASCAL RICHE, RDACTEUR EN CHEF DE RUE 89

Pourquoi avoir choisi un format diffrent pour traiter un sujet conomique complexe ?C'est au dpart une BD trs pdago qui circulait d'email en email, de banque en banque. Un vrai petit phnomne, mais trs "corporate"... Un ami, directeur financier d'un grand groupe, me l'a signale, je l'ai traduite en franais :http://www.rue89.com/explicateur/2008/09/18/crise-la-petite-bd-qui-court-de-banque-en-banqueUn jour une agence m'a propos de l'adapter avec des petites marionnettes en carton. J'ai trouv cela amusant. Nous l'avons donc publiehttp://www.rue89.com/2008/12/12/eco89-presente-le-b-a-ba-des-subprimes-un-thriller

Quel tait lobjectif fix au dbut du projet ?Expliquer clairement la crise des subprimes. Cette BD tait parfaite pour cela. Drle et claire.

Selon vous, quapporte le format que vous avez choisi de mettre en avant ?La vido est trs amusante et mme impressionnante dans la reconstitution de l'univers de bureau via des petits bouts de carton. La bande sonore est trs raliste.Le caractre ludique est idal pour faire passer des raisonnements complexes.

Y a-t-il des aspects de votre sujet que vous auriez mieux trait avec un format classique ?non

Quelles difficults techniques et de fond avez-vous rencontr lors de la ralisation du projet ?Aucune : c'est le prestataire BDDP qui s'en est occup. Nous n'avons t en appui que pour les dialogues.

Quel regard portez-vous sur ce travail dsormais ?Je le trouve encore super. Oui.

Quels ont t les retours que vous avez pu avoir sur ce travail ?Trs bons retour d'estime. Audience correcte, mais un peu dcevante. Les rseaux sociaux de l'poque taient moins dvelopps qu'aujourd'hui.

Avez-vous touch un public qui na pas lhabitude de sintresser aux sujets conomiques ?J'imagine, mais c'est dificile dire.

Le journalisme conomique sur format classique est-il un journalisme destin une lite ou une catgorie suprieure de la population ?Pas forcment. Certains lecteurs non spcialistes et "non-lite" aiment les articles classiques sur l'conomie. Mais il est sr de de tels formats facilite la sduction du lecteur.

Les nouveaux formats permettent-ils de simplifier le traitement et la comprhension des sujets conomiques ?oui

En prenant en compte lensemble des nouveaux formats, lesquels vous paraissent les plus prometteurs pour rendre le journalisme conomique plus accessible ?Les graphiques anims.

Votre travail sur un nouveau format vous a-t-il donn envie den exprimenter dautres, pour continuer parler dconomie ?Oui. J'adore les graphiques anims. Avec des petits dessins.

Avez-vous limpression que les journalistes economiques sintressent aux nouveaux formats ?non

Diriez-vous que vous tes un rubricard ou bien un journaliste gnraliste avec des comptences en conomie ?journaliste gnraliste avec des comptences en conomie

En matire de traitement de lconomie, quel mdia effectue selon vous le traitement le plus en pointe et le plus accessible ?Sur le web, le Monde.frSur le papier, Alternatives conomiques

Comment imaginez-vous le traitement de lactualit conomique dans 10 ans ?Je pense que les gens s'intressent de plus en plus aux enjeux conomiques. Les sujets que nous publions sur l'co marchent bien. Donc je n'ai pas de souci pour l'avenir du traiment de l'conomie... Sous quelle forme, je ne sais pas.

ENTRETIEN AVEC CHADI ROMANOS, DIRECTEUR DU PLE WEB CHEZ ARTE

Pourquoi avoir choisi un format diffrent pour traiter un sujet conomique complexe ?Le projet web "Le Supermarch de la finance" s'inscrit dans une logique d'accompagnement d'un film, "Goldman Sachs, la banque qui dirige le monde". Le documentaire, sign Jrme Fritel et Marc Roche, est ralis dans la plus pure tradition du storytelling : un thriller politico-financier la dramaturgie exacerbe. Ce qui laissait un champ considrable pour d'autres formes de narration.Nous avons privilgi une approche pdagogique sur le web, ancre dans un concept de navigation engag : chez Goldman Sachs, on trouve de tout, pour tout, partout. En d'autres termes, la banque d'affaires amricaine peut tre compare un supermarch. On trouvera le ngoce des mtaux au rayon bricolage et le trading de matires premires agricoles occupera un rayon alimentation. Un parti pris aussi satirique qu'intuitif pour des sujets d'une grande complexit.

Quel tait lobjectif fix au dbut du projet ?Apporter un regard complmentaire, rassembler des lments de comprhension de problmatiques pour le moins pineuses. Le film glissant avec nonchalance sur des sujets aussi complexes que la titrisation, les options d'achat ou le financement des dettes souveraines, il nous a sembl utile de livrer quelques clefs. En crant les contenus idoines ou en allant les chercher sur le web.

Selon vous, quapporte le format que vous avez choisi de mettre en avant ?Un diffuseur de tlvision est lgitime sur un format : la vido. Or les habitudes de consommation de la vido sur le web ne nous permettent pas de drouler des propos sur la longueur. Il nous faut donc privilgier des squences plus courtes ou trs angles.Par ailleurs, le mdia web s'accommode de formats beaucoup plus diversifis que la seule vido : textes, videmment, mais aussi infographies, photos, objets interactifs...Une question, donc : comment assembler des lments aussi htroclites? En inventant une interface, support d'une narration alternative, dans le cadre d'une proposition ditoriale globale.

Y a-t-il des aspects de votre sujet que vous auriez mieux trait avec un format classique ?Le format "classique" est dj largement explor avec le film, qui a d'ailleur eu un succs norme en replay (563000 lectures en 7 jours, le record d'ARTE).

Quelles difficults techniques et de fond avez-vous rencontr lors de la ralisation du projet ?Dans les difficults techniques/artistiques, le choix d'une solution du march pour raliser l'interface a limit les options cratives. Une solution sur mesure nous aurait permis de proposer un projet plus immersif. Mais les cots et le temps disponible nous ont barr la voie.Sur le fond, l'engagement de Jrme Fritel, ralisateur du film, a t dterminant : il a facilit les choix ditoriaux de Margaux Bergey, qui a pu ainsi concentrer son effort sur l'ensemble des lments collecter sur le web ou crer ex nihilo.

Quel regard portez-vous sur ce travail dsormais ?Si c'tait refaire aujourd'hui, j'ajouterais encore une bonne dose de rseaux sociaux. La conversation sur Twitter et les partages sur Facebook ont t nourris, et il aurait t judicieux d'intgrer ces lments dans la proposition ditoriale.

Quels ont t les retours que vous avez pu avoir sur ce travail ?Le projet web a cumul 400000 visites et le replay 563000 lectures en 7 jours, le record d'ARTE.

Avez-vous touch un public qui na pas lhabitude de sintresser aux sujets conomiques ?Je ne saurais le dire catgoriquement, mais, concernant le film, le pari consistant inscrire une narration conomico-financire dans les codes du thriller a sans doute largi la base d'audience. En parallle, le projet web a servi une dimension didactique qui a t loue.

Le journalisme conomique sur format classique est-il un journalisme destin une lite ou une catgorie suprieure de la population ?L'offre mdiatique en conomie est trs dcoupe : le patrimonial, l'approche business grand public et les outils d'aide la dcision. Je dirais donc que, d'Investir aux Echos ou l'Agefi en passant par Capital ou Challenges, il y en a pour tous les publics : petits actionnaires, qui ne relvent pas toujours d'une lite, cadres moyens sensibles l'actualit de leurs secteurs, patrons ou professionnels de la finance.

Les nouveaux formats permettent-ils de simplifier le traitement et la comprhension des sujets conomiques ?Indniablement, la profondeur du mdia internet autorise plusieurs registres de langage, plusieurs couches d'expertise, plusieurs modes de narration, dans une dynamique d'enrichissement progressif (une version simple cache des couches de complexit) ou de propositions alternatives (positions contradictoires, par exemple).Mais exploiter cette richesse potentielle du mdia a un cot : il faut imaginer les dispositifs et produire/diter les contenus idoines. Et aujourd'hui, l'heure tant la rduction des cots, les journaux, tlvisions ou sites web capables de servir davantage sont rares, voire inexistants.

En prenant en compte lensemble des nouveaux formats, lesquels vous paraissent les plus prometteurs pour rendre le journalisme conomique plus accessible ?La datavisualisation reste une valeur sre. Aprs 30 ans de rgne sans partage de l'conomtrie, o les chiffres ont pris une place centrale dans l'analyse conomique, une nouvelle intelligence, une nouvelle pdagogie du chiffre sont prcieuses (voir, ds lundi, notre travail sur Hati). Et le web permet cela.Certains formats courts en vido, qui ne trouvent pas toujours de place l'antenne, sont galement admirables. On connat Dr CAC, mais au-del, des projets unitaires se posent l : http://www.youtube.com/watch?v=HkD2JO0ZgRMPar ailleurs l'exprience second cran peut se rvler fructueuse : dans une logique de contenus, d'abord, pour enrichir le propos ou apporter la contradiction; dans une logique "sociale", aussi, pour rassembler et orienter la discussion.

Votre travail sur un nouveau format vous a-t-il donn envie den exprimenter dautres, pour continuer parler dconomie ?Voir question prcdente pour l'essentiel.

Avez-vous limpression que les journalistes economiques sintressent aux nouveaux formats ?Mon exprience personnelle m'a montr que les journalistes conomiques, qu'ils soient rdacteur ou diteurs, s'intressent davantage la diffusion effective de leur info qu' la forme qu'elle prend. Ils versent dsormais volontiers dans Twitter, mais rares sont ceux qui ont explor des formats originaux. La plupart ont fini par accepter d'crire indiffremment pour le papier ou pour le web (hors pure players), mais sans changer de mthode. A leur dcharge, il faut toutefois reconnatre que les incitations ne sont jamais venues d'en haut.

Diriez-vous que vous tes un rubricard ou bien un journaliste gnraliste avec des comptences en conomie ?Au-del de la comptence conomique, c'est la vision ditoriale qui est en jeu : savoir mettre en scne l'info est aussi important que savoir la chercher. C'est la dfinition mme de la mdiation. Il faut naturellement des comptences en conomie pour savoir hirarchiser l'info. Mais il en faut tout autant pour la rendre intelligible/accessible aux diffrents publics. Je ne crois pas q'un rubricard ou qu'un gnraliste puisse apporter la solution tout seul. Ce sont des tandems, a minima, qui crent les nouveaux formats (chez nous, en tout cas) : rdacteur/diteur ou rdacteur/chef de projet ou diteur/chef de projet.

En matire de traitement de lconomie, quel mdia effectue selon vous le traitement le plus en pointe et le plus accessible ?Les classiques Guardian et NYTimes pour leur effort sur le traitement visuel de l'information. Bloomberg aussi, parfois (http://www.bloomberg.com/billionaires/2013-04-11/aaa). Indniablement, le FT pour son ton unique, notamment dans le Lex. Mais aucune proposition globale satisfaisante.

Comment imaginez-vous le traitement de lactualit conomique dans 10 ans ?Voir "Diriez-vous que vous tes un rubricard ou bien un journaliste gnraliste avec des comptences en conomie ?"

ENTRETIEN AVEC JESSICA DUBOIS, ANCIENNE DE LESJ ET CREATRICE DES PLAYMOBILS DE LECOPourquoi avoir choisi un format diffrent pour traiter un sujet conomique complexe ?Parce que l'conomie n'est pas accessible tous, et qu'elle a pourtant un impact important dans la vie des gens. Elle n'est pas accessible et elle n'est pas "sexy". La vido est intressante parce qu'il s'agit d'un format court, que l'on peut regarder facilement. Si la mise en image est suffisamment "sexy", elle peut mme (c'est peut-tre plus un espoir qu'une vrit) intresser des gens qui ne s'intressaient pas au sujet au dpart.

Quel tait lobjectif fix au dbut du projet ?Faire comprendre un sujet complexe des personnes qui n'ont pas forcment l'envie de se renseigner sur le sujet en question. Leur apporter une base, puis des liens sur des articles plus pousss. Bref, qu'ils puissent lire et comprendre les Echos ! :)

Selon vous, quapporte le format que vous avez choisi de mettre en avant ?Il permet d'expliquer trs rapidement, et de manire pdagogique, la base d'une actualit conomique. Il permet d'tre ludique et un peu drle (chose que peut difficilement faire la dataviz). Il permet d'tre cratif galement (ce que peut aussi permettre le webdocu).Il attire plus l'oeil (et l'oreille) que le format crit. Et les internautes, je pense, sont plus attentifs une vido sur laquelle ils auront cliqu qu' un reportage TV qu'ils regardent en mangeant. Bref, il touche plus.La vido a un fort potentiel de viralit sur Internet galement.

Y a-t-il des aspects de votre sujet que vous auriez mieux trait avec un format classique ?Les vidos (en tout cas avec les Playmobil) ne peuvent pas tout illustrer. Tout dpend de l'angle choisi. Elles illustrent trs bien des mecanismes, des sujets un peu abstraits. Mais lorsqu'il s'agit de raconter comment les banques chypriotes (par exemple) se sont laisses prendre dans la dette grecque, c'est quelque chose qui se raconte plus facilement l'crit. de manire gnrale, une histoire se raconte mieux l'crit. (et il y a peu d'histoires sur lesquels on veut voir des images en co...)

Quelles difficults techniques et de fond avez-vous rencontr lors de la ralisation du projet ?La difficult de fond c'est toujours de se dire que la personne qui regarde ne sait pas ce que vous savez dj. La question subsidiaire c'est : faut-il aller jusqu' expliquer ce qu'est le PIB ?La difficult sur la forme, c'est que je ne suis pas graphiste, premirement pour connatre toutes les subtilits de photoshop, et deuximement pour vraiment apporter une touche en plus qui fera passer la vido d'un truc un peu low-cost quelque chose de vraiment chiad.

Quel regard portez-vous sur ce travail dsormais ?L'avantage de faire des vidos c'est qu'on en fait plusieurs et que les premires servent surtout d'essais. La premire tait clairement trop longue, l'image ne correspondait pas assez au commentaire, il y avait trop d'informations, ce qui pouvait noyer l'internaute. L'important c'est de faire attention ne pas refaire les mmes erreurs sur les suivantes. Et de continuellement s'amliorer ! (en trouvant de meilleures manires d'illustrer, en rajoutant des clin d'oeil, du son, de nouvelles illustrations,...)

Quels ont t les retours que vous avez pu avoir sur ce travail ?Plutt positives.Pour l'audience : seulement poste sur facebook, la premire vido a t beaucoup partage et a atteint 1.000 vues en une semaine. La suivante, sur un sujet "bancaire", n'a pas du tout march. Le point positif c'est que sur ma 4me (le fiscal cliff - 40.000 vues en 1 semaine), les gens ont aussitt t regarder mes autres vidos (dont certaines taient sur dayilymotion alors que le fiscal cliff tait sur youtube).J'ai galement reu des mails de personnes me remerciant pour ma vido (en plus des commentaires positifs), ou voulant me donner des prcisions, voire mme me demandant "mon avis de journaliste et conomiste" (!)

Avez-vous touch un public qui na pas lhabitude de sintresser aux sujets conomiques ?Hlas, je n'ai pas pu le mesurer ! (outre mes amis sur facebook...) Si c'est le cas, a aura t parce que les personnes se sont c