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Maurizio Cilli le pages de reecrire le Palais Ideal 21 - 45

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Maurizio Cilli

refiguration drômoise

réécrire le Palais Idéal

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Ô

réécrire le Palais Idéal

Installation d’un Serveur Bluetooth dans le jardin de Hauterives

2009 - 2011

Proposition de projet de Maurizio Cilli.

Programme interrégional de soutien à la production artistique Piémont-Rhône-Alpes. Bourse de recherche et production.

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réécrire le Palais Idéal est une des actions dont se compose un projet plus général de Maurizio Cilli:

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Musée international de la Chaussure, Rue Bistour à Romans, Drôme exposition du 10 février au 15 avril 2012.

refiguration drômoise

è un progetto curato e coordinato da Sylvie Vojick art3 – art contemporain 8 rue Sabaterie 26000 - Valence L’artiste a bénéficié du programme de résidences de recherche et de production soutenu par la région Rhône-Alpes et le Piémont en partenariat avec a.titolo. Avec l’aide spécifique de la région Rhône-Alpes du département de la Drôme (aide à la création), de la Ville de Romans Fondation CRT di Torino

En collaboration avec le Palais Idéal du Facteur Cheval à Hauterives.

Maurizio Cilli, C.so Casale n° 12 – 10131 – Torino, Italia. [email protected] - +39 3474210989

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Cahier réalisé à la main, par Maurizio Cilli en 4 exemplaires pour l’édition de la boîte de l’oracle – réécrire le Palais Idéal

exemplaire N° / 4

Turin, janvier 2012

Maurizio Cilli, C.so Casale n° 12 – 10131 – Torino, Italia. [email protected] - +39 3474210989

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L’auteur tient à remercier chaleureusement Silvie Vojik qui a dirigé l’ensemble du projet refiguration drômoise pour Art3 Valence .

Mes remerciements s’adressent aussi à Rebecca Rossati pour ses nombreux conseils,

à Hector Rinaldi et à la Gear

sans lesquels je n’aurais pu définir les aspects techniques du Serveur Bluetooth.

Un remerciement tout particulier à Hélène Leng pour son dévouement et son précieux travail de traduction et de révision des textes,

et une affecteuse pensée à la mémoire d’Evelina Calvi qui fut la première à me raconter l’histoire du

facteur Cheval.

Furent enfin déterminantes dans la mise en œuvre de ce travail de recherche, les pages du livre « Le Palais Idéal du Facteur Cheval - Quand Le Songe Devient Réalité »

de Jean Pierre Jouve, Claude Prévost, Clovis Prévost, Editions ARIE -1994, sans lesquelles je n’aurais pu saisir, dans toute sa complexité, la valeur et la beauté du Palais Idéal.

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21. le décapité

Entre 1905 et 1908, ces criminels s'introduisaient la nuit chez leurs victimes et leur brûlaient les pieds dans la cheminée ou sur les braises pour leur faire avouer l’endroit dans lequel ils cachaient leurs économies avant de les assassiner, d’où leur surnom de « chauffeurs ». On leur impute le meurtre de 18 personnes. Alors qu’ils tuaient la nuit, le jour les « chauffeurs » reprenaient leurs activités professionnelles de cordonnier ou de maçon. Cet anonymat leur permit d'agir en toute impunité pendant plusieurs années. Leurs méfaits feront la une du Petit journal. Démasqués, Octave David, Louis Berruyer et Urbain Liottard furent arrêtés, tandis qu’un quatrième complice Jean Lamarque échappa dans un premier temps à la police. La plupart des crimes auraient été préparés au domicile Berruyer, rue Pêcherie à Romans-sur-Isère, en compagnie de leurs complices, Noémie Nirette surnommée « La Poule Noire », Hippolyte Caleu dit « Bel-Oeil » et Romanin Finet. Jugés, les trois principaux instigateurs furent condamnés à mort et, le 22 septembre 1909, à Valence, ils sont guillotinés par le bourreau Anatole Deibler. Jean Lamarque, lui, fut finalement arrêté le 1er avril 1910 et sa condamnation à mort par contumace confirmée par les assises de la Drôme, puis commuée en travaux forcés à perpétuité par le président Armand Fallières. Il finira ses jours à Cayenne.Ce sont leurs méfaits qui vont notamment conduire Georges Clemenceau à créer les fameuses Brigades du Tigre pour pouvoir les intercepter. Le 22 septembre 1909, très tôt le matin, une foule dense et bruyante se trouve route de Chabeuil, devant la prison de Valence, où une guillotine a été dressée la veille. Les trois complices sont exécutés sous les vivats de la foule et enterrés au cimetière de la ville, en dehors du mur de clôture. Les corps ne seront pas réclamés par leurs familles comme l’atteste, entre autre, la déclaration de l’épouse de Berruyer : « Je soussignée, Bret Adrienne, épouse Berruyer, déclare que, n’ayant pas les moyens de supporter les frais d’inhumation de mon mari, après son exécution,

j’abandonne le projet que j’avais formé d’entrer en possession de son corps. Adrienne Bret. Romans,

21 septembre 1909». Jean Lamarque, qui était parvenu à s’échapper lors de l’arrestation de ses complices, fut finalement pris deux ans plus tard et condamné aux travaux forcés à perpétuité, le 29 octobre 1910.

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22. la bête La Bête du Gévaudan serait un animal à l'origine d'une série d'attaques contre des humains survenues entre le 30 juin 1764 et le 19 juin 1767. Ces attaques, le plus souvent mortelles, entre 88 à 124 recensées selon les sources, eurent lieu principalement dans le nord de l'ancien pays du Gévaudan (qui correspond globalement à l'actuel département de la Lozère). Quelques cas ont été signalés dans le sud de l'Auvergne, et dans le nord du Vivarais et du Rouergue. La « Bête du Gévaudan » dépassa rapidement le stade du fait divers, au point de mobiliser de nombreuses troupes royales et de donner naissance à toutes sortes de rumeurs, tant sur la nature de cette « bête » - vue tour à tour comme un loup, un animal exotique et même un loup-garou, voire un tueur en série à une époque plus récente - que sur les raisons qui la poussaient à s'attaquer aux populations - du châtiment divin à la théorie de l'animal dressé pour tuer. De 1764 à 1767, deux animaux, identifiés, l'un comme un gros loup, l'autre comme un animal s'apparentant au loup sans en être pour autant (bien qu'appartenant aux canidés), furent abattus. Le gros loup fut abattu par François Antoine, porte-arquebuse du roi de France, en septembre 1765, sur le domaine de l'abbaye royale des Chazes. À partir de cette date, les journaux et la cour se désintéressèrent du Gévaudan, bien que d'autres morts attribuées à la Bête aient été déplorées ultérieurement. Le second animal fut abattu par Jean Chastel, enfant du pays domicilié à La Besseyre-Saint-Mary, le 19 juin 1767. Selon la tradition, l'animal tué par Chastel était bien la Bête du Gévaudan car, passée cette date, plus aucune mort ne lui fut attribuée.

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23. atavisme

Il est possible d’établir un parallèle entre les théories de Charles Darwin, Owen Jones et Ernst Grosse et les recherches sur l’atavisme réalisées entre 1888 et 1893 par Cesare Lombroso et Gugliemo Ferrero sur la base d’une étude menée sur les inscriptions carcérales publiée dans l’œuvre « Les palimpsestes de la prison ». Les études de Lombroso et Ferrero mettaient au centre de leur réflexion la signification de certaines formes compulsives de primitivisme expressif qui se vérifiaient chez de nombreux sujets atteints de graves pathologies liées à la démence criminelle. Leurs recherches se concentrèrent sur les inscriptions et les incisions retrouvées sur les parois et les meubles des cellules, puis s’étendirent à une classification des signes et des tatouages présents sur le corps des détenus. Le travail de classification consistait à dessiner sur les papiers toilées des cartes de corps tatoués. Dans l’image datée de 1887 est reproduit le corps tatoué de Giovanni Mullè, un marin français déserteur.

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24. le filage Le filage est le fait de produire des fils textiles à partir de divers matériaux bruts. Cette opération peut se faire à la main, à l'aide d'un fuseau ou d'un rouet. Avec la révolution industrielle, le filage s'est réalisé dans des usines : les filatures. Le filage à la main s'effectue avec un fuseau ou un rouet. Les fibres peuvent être filées sans avoir été lavées ni cardées, c'est le filage en suint. Mais on peut choisir de laver la laine avant filage, il sera nécessaire de dessuinter la laine à l'aide d'un tensioactif ou de cristaux de soude. L'étape suivante consiste à carder ou à peigner les fibres. Le cardage s'effectue avec une paire de cardes à main, ou une cardeuse à rouleau, et l'on obtient un rouleau avec les cardes à main, ou une nappe avec la cardeuse. On carde généralement les fibres courtes (mérinos, coton). Le peignage s'effectue avec une paire de peignes et l'on obtient un ruban-fil. On peigne généralement les fibres longues (alpaga, mohair). C'est lors du cardage ou du peignage que l'on peut faire des mélanges de matières et de couleurs. Il peut être intéressant par exemple, de mélanger du mohair avec de la laine afin de conserver l'élasticité de la laine et la brillance du mohair.

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25. l’ami

Joseph Cadier est le dessinateur auquel l’on doit le premier relevé graphique du Palais Idéal. Fils de M. Joseph Cadier, maître boulanger à Saint-Antoine (Isère) et de Josephine Chabert originaire de Hauterives. Son oncle Régis Cadier est émigré à Stockolm. Joseph Cadier quitte ce dernier à vingt et un ans pour revenir à Hauterives où il vote en 1871. Son amitié pour le facteur Cheval et sa sensibilité firent qu’il s’éprit du travail de celui-ci et dessina donc les premiers relevés connus de l’œuvre en chantier.

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26. le château D’un intérêt tout particulier est la salle des Rocailles du Château de la Bâtie d’Urfé à Saint-Etienne-Le-Molard dans la Loire, réalisée parmi les premières en France, aux alentours de 1551. Précurseur Claude d’Urfé et pour cause ! Dès 1535, ce fin lettré proche de François Ier transforma son ancien manoir féodal en une œuvre symbolique, pionnière en matière de Renaissance dans le Forez. Et nul doute que sa mission d’ambassadeur à Rome l’inspira dans ses choix architecturaux. Vous pénétrez dans le château par la cour d’honneur, remarquable par sa galerie dont les voûtes étaient ornées de caissons en châtaigniers, puis une rampe d’accès menant à l’étage et au pied de laquelle trône un sphinx est le symbole de la connaissance. Votre déambulation vous amène à découvrir la salle des Rocailles, unique en France dans cet état de conservation. L’ornementation est composée de galets, coquillages et sables de couleurs. Raffinement, références antiques et symboles mythologiques et pourtant, vous êtes bien en présence d’une œuvre du XVIe siècle. La chapelle succède à cette salle de fraîcheur. Ce chef-d’œuvre a été dépouillé au XIXe siècle cependant on peut encore admirer les peintures et gypseries tirées de l’Ancien Testament réalisées par des artistes italiens. Et sur les murs des inscriptions en hébreu. Nul doute que la chapelle et l’ensemble du château sont à prendre comme un message ésotérique.

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27. modernisme

Adolf Loos (Brünn, 10 décembre 1870 - Vienne, 23 août 1933) est un architecte autrichien, l’un des plus grands théoriciens de l’histoire de l’architecture moderne à l’époque durant laquelle le facteur Cheval est en pleine construction du Palais Idéal. En 1908 il publie un essai «Ornement et crime » (Ornament und Verbrechen) sur ses théories architecturales dans lequel il soutient la thèse selon laquelle tout langage formel ou nouvelle décoration aurait évolué donnant naissance à « l’art architectural des éléments étrangers » permettant un retour à « une façon de construire classique et pure ».

« Si nous rencontrons dans une forêt un tertre de six pieds de long, trois pieds de large,

tassé avec la pelle en forme de pyramide,

nous nous arrêtons et une voix grave nous dit : quelqu’un est enterré là.

Voilà ce qu’est l’architecture.

Adolf Loos in « Malgré tout »

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28. le chien de berger

La transhumance, du latin trans (de l'autre côté) et humus (la terre, le pays), est la migration périodique d'une part du bétail (bovidés, cervidés, équidés et ovins) de la plaine vers la montagne ou de la montagne vers la plaine, d'autre part des abeilles d'une région florale à une autre, en fonction des conditions climatiques donc de la saison. En ce qui concerne le bétail, on distingue deux types de transhumance : la transhumance estivale (ou transhumance normale) qui est la montée dans les pâturages d'altitude comme les alpages, les montagnes, des troupeaux originaires des basses plaines (dans le Valais et en Vallée d'Aoste on parle d'inalpe). La transhumance hivernale (ou transhumance inverse), qui est le fait de troupeaux de montagne, lesquels, l'hiver venu, fuient les rigueurs du climat montagnard en descendant vers les plaines tempérées (dans le Valais et en Vallée d'Aoste on parle de désalpe). En Europe, l'estive dure en général de fin mai à mi-octobre.

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29. évolutionnisme

Charles Robert Darwin (1809-1882) est un naturaliste anglais dont les travaux sur l'évolution des espèces vivantes ont révolutionné la biologie. Célèbre au sein de la communauté scientifique de son époque pour son travail sur le terrain et ses recherches en géologie, il a formulé l'hypothèse selon laquelle toutes les espèces vivantes ont évolué au cours du temps à partir d'un seul ou de quelques ancêtres communs grâce au processus connu sous le nom de « sélection naturelle ». Il publie un résumé de sa théorie mais les aspects les plus controversés de son « grand livre » restent incomplets, y compris la preuve explicite du fait que l'humanité descendrait d'animaux antérieurs à elle, et la recherche de causes possibles qui seraient à la base du développement de la société et des capacités mentales de l'homme. A ce stade, il doit encore expliquer des caractéristiques sans utilité évidente si ce n'est dans un but esthétique.

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30. le détail Il est possible de retrouver certaines ressemblances entre les détails des modelés des parties élevées du Palais Idéal de Ferdinand Cheval et quelques objets sculptés par Eugenio Lenzi, durant ses 20 années d’internement à l’hopîtal psychiatrique de Lucques. Son médecin le docteur Cristiani décrit ce dernier en ces termes : « Il s’agit d’un paranoïaque « originaire » qui manifeste un délire systématisé, immodéré, persécutoire, à tendance artistique. Il pense avoir un esprit vaste, sans limites, en particulier dans les domaines de la sculpture et de la peinture ; ses travaux coûteraient des milliards […] pourtant avant qu’il ne devienne délirant il n’était autre qu’un médiocre graveur » […] notre artiste commença tout d’abord à exécuter ses travaux dans l’argile, puis la pierre, même l’os et finalement le bois et le métal […] pendant des années et des années, il travaille infatiguablement, fébrilement et cependant ne perfectionne en rien sa technique ; les derniers de ses travaux sont identiques aux premiers ». Dans les images du haut sont reproduits deux œuvres d’Eugenio Lenzi (datées de 1890) : un simili-miroir en bois et une pipe-calumet tournante. Ces objets sont définis comme exemples « d’atavisme dans l’art d’un paranoïaque « originaire » avec délire immodéré-persécutoire ». En bas, les parties élevées du Palais Idéal de Ferdinand Cheval, photographies d’Henriette Grindat -1969

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31. primitivisme

Les positions d’Adolf Loos se fondent sur les nombreuses recherches conduites, à cette époque, par Charles Darwin dans La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe (The Descent of Man, and

Selection in Relation to Sex), par Owen Jones dans Grammaire de l'ornement (Grammar of Ornament) et en particulier par celles de Ernst Grosse qui publia en 1894 « Die Anfänge der Knust », une étude mieux connue sous le titre « Les débuts de l’art » de 1897. Ernst Gross y affirmait que l’homme sauvage est incapable d’établir une distinction entre le superflue et l’indispensable. Plus un peuple est primitif, plus il est prodigue en ornements, en décorations ; l’indien recouvre le moindre objet, la moindre embarcation, la moindre rame, la moindre flèche de d’abondants ornements. Loos tire ses considérations en affirmant que le besoin expressif et compulsif à travers l’usage de formes décoratives ornementales appartient aux hommes primitifs et sauvages donc à mille lieux de la sobriété de l’homme moderne et évolué de la jeune société intellectuelle européenne.

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32. anarchisme

Jules Joseph Bonnot est né à Pont-de-Roide (Doubs) le 14 octobre 1876. Sa mère décède le 23 janvier 1887 à Besançon alors qu’il n'a que dix ans. Le père de Jules, ouvrier fondeur, analphabète, doit alors assumer seul l’éducation du garçon. Les études de ce dernier se passant mal, il abandonne vite l’école. À quatorze ans, il entre en apprentissage. Il n’est pas très motivé par ce travail pénible et se dispute souvent avec ses patrons successifs. En 1891, à quinze ans, Bonnot est condamné pour la première fois pour pêche avec engin prohibé, puis en 1895 suite à une bagarre dans un bal. Il se marie après son service militaire en 1901 avec Sophie, une jeune couturière, avec laquelle il part pour Genève. Son frère aîné se suicide par pendaison en 1903 suite à un amour déçu. C’est à cette époque que Bonnot commence à militer pour l’anarchisme. Il se fait renvoyer des chemins de fer de Bellegarde suite à son engagement politique et plus personne n’accepte de l’engager. De 1906 à 1907, il ouvre deux ateliers de mécanique à Lyon, tout en commettant quelques casses avec Platano, son bras droit. En 1910, il se rend à Londres et serait devenu le chauffeur de Sir Arthur Conan Doyle (ou d'Ashton Wolfe, ami et collaborateur du romancier), grâce à ses talents de chauffeur qui lui seront plus qu’utiles dans son aventure illégaliste. Signalons que ce fait est controversé : certaines biographies de Bonnot y font bien référence, mais aucune de Conan Doyle ne confirme ce point. Edmond Locard rapporte, quant à lui, que Conan Doyle, alors qu'il visitait son laboratoire de police scientifique à Lyon, tomba en arrêt devant un portrait et s'écria : « Mais c'est Jules, mon ancien chauffeur ! ». Fin 1910, Bonnot est de retour à Lyon et utilise l’automobile (une De Dion-Bouton) comme technique criminelle, une innovation.

Jules Joseph Bonnot (le bandit Bonnot) signe le livre d’or du Palais Idéal le 8 avril 1912 ; cependant un doute demeure quant à l’authentification de sa signature.

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33. le dessin Il y a d’évidentes ressemblances de traits, de détails, de thèmes décoratifs et de formes figuratives entre le dessin le plus grand ci-dessous et celui (en bas) le plus ancien de Joseph-Ferdinant Cheval qui correspond à la partie centrale du monument édifié de 1879 à 1884. Certains dessins appartiennent à la collection du Musée d’Antropologie criminelle Cesare Lombroso. En haut à gauche, portant la date du 30 novembre 1867: dessin à la mine de plomb exécuté par un patient psychiatrique sur une feuille usagée de la municipalité de Pavie. En haut à droite, dessiné en 1889 par l’aliéné Engelbert Hafner, technique mixte, forme de blason.

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34. le songe Dans les années vingt du XIXe siècle, le Palais Idéal de Hauterives devient un plaisant détour pour les flâneurs qui parcourent la route nationale 7 en provenance du nord, traversant Lyon et Valence, vers la côte d’Azur. Des faits divers racontent la visite de Picasso. Pour André Breton et des surréalistes cette folie aurait fait palir d’envie les Dadaïstes et autres provocateurs parisiens de l’époque car elle possède un grand sens symbolique:

« le songe peut dominer la réalité »

André Breton, en guise de témoignage de sa considération pour le « merveilleux palais du facteur Cheval » lui dédiera un passage, dans ce qui deviendra, à proprement parler, une oeuvre culte, son « Art magique » publié en 1957 en tirage limité pour ses Amis du Club français du Livre puis, seulement bien des années plus tard, par les éditions Phébus et celles d’Adam Biro à Paris. André Breton revisita maintes fois avec ses amis le Palais Idéal.

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35. situationnisme Même Guy Debord, fondateur de l’Internationale Situationniste, figure parmi ceux qui estiment le Palais Idéal au point que, dans son « Manifeste pour une construction de situations » Paris, 1953 il écrit: « sans aucun doute plus important que le Parthénon et Notre-Dame ensemble » …et l’année suivante dans Potlach n°4 – 13 juillet 1954, Bulletin d’information du groupe français de l’Internationale lettriste, on lit: « Le facteur Cheval a bâti dans son jardin d’Hauterives, en travaillant toutes les nuits de sa vie, son

injustifiable « Palais Idéal » qui est la première manifestation d’une architecture de dépaysement.

Ce Palais baroque qui détourne les formes de divers monuments exotiques, et d’une végétation de

pierre, ne sert qu’à se perdre. Son influence sera bientôt immense. La somme de travail fournie par un

seul homme avec une incroyable obstination n’est naturellement pas appréciable en soi, comme le

pensent les visiteurs habituels, mais révélatrice d’une étrange passion restée informulée. »

En 1955, les Lettristes visitèrent le Palais Idéal.

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36. les ruines

La Grande Armée est engagée, à partir de 1863 et jusqu’à 1953, dans la colonisation d’un vaste territoire dénommé l’Indochine française.Une colonie très étendue regroupant le Tonkin, l'Annam et la Cochinchine - regroupés à partir de 1949 au sein de l'État du Viêt Nam - le Protectorat du Laos, le Protectorat du Cambodge. Il est fort probable que J.F. Cheval en tant que facteur ait eu à remettre des cartes postales, envoyées par les soldats engagés dans ces colonies à leurs familles, représentant les ruines d’Angkor Vat. Cela peut avoir contribué à éveiller chez le facteur-batisseur des évocations et ce goût si particulier et pittoresque pour l’archéologie, les ruines et édifices préexistants. De même qu’il n’est pas à exclure que Cheval ait visité les vestiges de nombreux châteaux et édifices religieux présents dans le département de la Drôme. Parmi ces derniers, les plus suggestives sont certainement les ruines du château de Grignan.

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37. le bandit

Louis Mandrin est né le 11 février 1725 à Saint Etienne de Saint Geoirs. La famille paternelle de Mandrin appartient à une vieille bourgeoisie originaire de Mours, aujourd'hui département de la Drôme. Fils de François-Antoine Mandrin, négociant marchand de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs, dans le Dauphiné, et aîné de neuf enfants, Louis Mandrin dit, selon certains, « belle humeur » devient chef de famille à 17 ans, à la mort de son père. Il est issu d'une famille établie autrefois riche mais sur le déclin. Son premier contact avec la Ferme générale (si on excepte les relations fiscales ordinaires et obligatoires) est en 1748, un contrat pour ravitailler avec « 100 mulets moins 3 » l'armée de France en Italie. Or, il en perd la plus grande partie dans la traversée des Alpes et à son retour à Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs, il ne lui reste que 17 bêtes dans un état déplorable, la Ferme générale refuse de le payer. Le 27 juillet 1753, suite à une rixe mortelle, Louis Mandrin et son ami Benoît Brissaud sont condamnés à mort. Mandrin est en fuite, mais Brissaud est pendu sur la place du Breuil, à Grenoble. Le même jour, Pierre Mandrin, frère cadet de Louis, est également pendu pour faux-monnayage. Il déclare alors la guerre aux collecteurs de taxe de la Ferme générale. Les fermiers généraux sont alors haïs par la population. Ils prélèvent les taxes sur les marchandises (la plus connue est la gabelle, la taxe sur le sel, mais d'autres marchandises, comme le tabac, sont lourdement taxées). Le système d'affermage de la collecte des taxes entraîne des abus considérables. Les fermiers généraux accumulent d'énormes richesses en ne reversant au Roi que le montant convenu, parfois le quart des taxes qu'ils prélèvent. Mandrin entre alors officiellement dans une bande qui fait de la contrebande, en particulier de tabac, entre les cantons suisses, Genève, la France et les États de Savoie, alors souverains. Il en devient vite le chef. Se définissant lui-même comme « Capitaine Général de Contrebandiers de France », il a plusieurs centaines de personnes sous ses ordres (en majorité des savoyards), organisés comme un véritable régiment militaire. C'est en Savoie (duché faisant partie, à l'époque, du Royaume de Sardaigne) qu'il a ses dépôts d'armes et de marchandises, se pensant ainsi hors d'atteinte des Français. Son aire d'influence en France va bien au delà du Dauphiné et couvre pratiquement toutes les actuelles régions Rhône-Alpes et Auvergne, la Franche-Comté, ainsi qu'une partie de la Bourgogne.Durant l'année 1754, il organise six campagnes de contrebande. Ne s'attaquant qu'aux impopulaires fermiers généraux, il reçoit rapidement le soutien de la population et d'une partie de l'aristocratie locale, ainsi que l'admiration de personnalités comme Voltaire. Il achète en Suisse et en Savoie des marchandises (principalement tabac et étoffes), qu'il vend dans les villes françaises sans qu'elles soient soumises aux taxes des fermiers généraux. La population est enchantée. Bien vite une interdiction est faite d'acheter ses produits de contrebande. Mais à Rodez, il provoque les fermiers généraux en obligeant, sous la menace des armes, leurs propres employés à acheter ses marchandises.La Ferme générale, exaspérée par ce « bandit » qui devient toujours plus populaire, demande le concours de l'armée du Roi pour l'arrêter. Des troupes légères et mobiles, les fusiliers de La Morlière et les chasseurs de Fischer, viennent en renfort des volontaires du Dauphiné en place. Mais il parvient encore à se réfugier en Savoie près des deux villes frontières de Pont-de-Beauvoisin. Les fermiers généraux décident alors de pénétrer illégalement dans le territoire du Duché en déguisant 500 hommes en paysans. Ils arrêtent Mandrin au château de Rochefort-en-Novalaise, grâce à la trahison de deux des siens. Lorsque le Roi Charles-Emmanuel III de Sardaigne apprend cette intrusion sur son territoire, il exige la restitution du prisonnier à Louis XV, qui s'exécute. Mais les fermiers généraux, pressés d'en finir avec Mandrin, accélèrent son procès et son exécution. Il est jugé le 24 mai 1755, puis roué vif à Valence le 26 mai, devant 6 000 curieux.

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38. le Rhône

Le Rhône est un fleuve européen, long de 812 kilomètres, qui prend sa source dans le glacier du Rhône, à Gletsch, en Suisse, à l'extrémité est du canton du Valais, dans les Alpes uranaises. Il parcourt 290 km dans ce pays, puis peu après son passage à Genève, il entre en France où il parcourt environ 540km. Il finit son cours dans le delta de Camargue pour se jeter dans la mer Méditerranée. Il alimente au passage le lac Léman. Le Rhône a le second débit de tous les fleuves s'écoulant en Méditerranée, après le Nil. Se jetant dans une mer sans marée, le fleuve a formé un delta avec des bras qui se sont déplacés globalement d'ouest en est au cours de la période historique. Désormais endigué, son delta est figé hormis lors de crues exceptionnelles comme par exemple en 1993, 1994 et 2003. Il est parfois identifié à l'Éridan qui est le nom d'un dieu fleuve de la mythologie grecque, fils d'Océan et de Thétys.

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39. les roches Les roches monumentales des gorges du Vercors et de l’Ardèche peuvent avoir concouru à développer chez Cheval une certaine sensibilité dans la sélection des pierres qu’il assemble, en divers points de son Palais Idéal, en des compositions antropomorphiques et des micro-paysages empreints d’une force dramatique notoire.

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40. l’archiviste

André Lacroix fut archiviste départemental de la Drôme de 1863 à 1910. Né en 1824 à Hauterives dans la Drôme de parents agriculteurs, André Lacroix fut élève au petit séminaire de Valence, au grand séminaire de Romans-sur-Isère puis enseignant de 1848 à 1856 (notamment instituteur à Hauterives en 1853). Il fut ensuite journaliste de 1856 à 1860 : rédacteur en chef du journal « le Courrier de la Drôme et de l'Ardèche », il collabora aussi à la revue drômoise « l’ami des familles », à « la Muse des familles » et il écrivit des articles dans le Dauphiné. Mais ce qui fut essentiel pour lui, ce fut sa nomination comme archiviste du département sur l'initiative du préfet Antoine Ferlay. Les archives étaient alors dans un état déplorable et le travail important pour inventorier et reclasser cette masse de documents laissés alors sans ordre. Ses talents de paléographe étaient remarquables. Plongé dans ces documents, l'archiviste André Lacroix devint un historien ayant une grande connaissance de la Drôme. Il écrit de très nombreux ouvrages sur l'histoire locale. Il est aussi le fondateur de la société d'archéologie et de statistiques de la Drôme. À propos du Palais Idéal du facteur Cheval, il écrit : "Il n'est pas permis de passer à Hauterives sans visiter le travail de patience et de bon goût du facteur

qui, n'ayant jamais reçu de leçon d'architecture, laissera après lui une œuvre fort curieuse".

Il s'intéressa également beaucoup aux dialectes et aux patois. Il mourut à Valence le 5 juillet 1910

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41. le tombeau C’est suivant la logique de ses propres thèses, qu’Adolf Loos (Brno 1870 - Kalksburg 1933) qui prônait donc un retour à une architecture et à une composition aux lignes classiques et épurées, dessina son propre monument funéraire comme le fit aussi, de son côté, le facteur Cheval. L’austérité des lignes du tombeau d’Adolf Loos, un cube de granit gris, semble totalement antithétique confrontée à l’opulence de composition et aux abondants motifs décoratifs de la stèle funéraire que le facteur Cheval réalisa à partir de 1914 dans le cimetière de Hauterives et qu’il nomma :

« le tombeau du silence et du repos sans fin »

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42. le philosophe

Paul Ricœur né le 27 février 1913 à Valence ( Drôme). Il soutient qu’il existe une « connexion significative » entre la fonction narrative et l’expérience humaine du temps (RF, 63), c’est la supposition qui sous-tend la thèse développée au fil des trois volumes de Temps et récit. Selon cette thèse, « le temps devient humain dans la mesure seulement où il est articulé de manière narrative » (TRI, 17). Le récit, d’abord, réalise une synthèse du temps : d’une succession de moments quelconques, il fait une histoire sensée. Il médiatise, en outre, le temps de l’âme et le temps du monde, à l’égard desquels il apparaît comme un « tiers-temps » (TRIII, 354). Enfin il ouvre à l’homme condamné à une mort certaine une perspective que celle-ci n’épuise pas. Ces trois fonctions du récit correspondent à trois entrées possibles dans la problématique – complexe – du temps raconté. La première est introduite par une lecture croisée des Confessions de saint Augustin, qui définit le temps comme une « distension de l’âme », et de la Poétique d’Aristote, dont Ricœur reprend la notion « d’intrigue » (muthos) élaborée à propos de la mimesis tragique. L’intrigue est le centre organisateur du récit; elle met en relation les différents événements qui le composent. A l’ordre épisodique de leur succession, elle superpose l’ordre logique d’une « configuration ». Le croisement des deux lectures est justifié par le fait que l’analyse augustinienne « donne du temps une représentation dans laquelle la discordance ne cesse de démentir le vœu de concordance constitutif de l’animus » – l’analyse aristotélicienne établissant au contraire « la prépondérance de la concordance sur la discordance dans la configuration de l’intrigue » (TRI, 18). De là, suit la définition du temps raconté comme « concordance discordante » – définition vérifiée aussi bien par l’histoire que par la fiction et avant elles par la narration quotidienne de nos plus humbles expériences. Mais les limites de l’approche augustinienne sont plus généralement celles d’une phénoménologie du temps et de son ambition, double, de faire paraître le temps et de fonder sur ce temps apparaissant (réputé « originaire ») le temps mesuré par la montre et le calendrier (qualifié quant à lui de « vulgaire » ou de « dérivé »). Cette ambition est autant celle de Heidegger que de Husserl, comme le montre la distinction qu’il fait entre la « temporalité authentique » de l’individu confronté dans l’angoisse à sa propre mortalité et le temps commun de la « préoccupation quotidienne ». D’où la deuxième entrée dans la problématique du temps raconté, tenu pour un « pont jeté » entre le temps phénoménologique et ce temps commun. La « poétique du récit » répond alors à « l’aporétique de la temporalité ». Ce qui importe à cette poétique est moins, cependant, la « configuration » que la « refiguration » du temps par le récit, autrement dit le pouvoir qu’a celui-ci de transformer notre manière d’être au monde. C’est ici que peut être posée la question de savoir si la mort est le sens ultime du temps humain. Cette troisième entrée n’est dessinée qu’en filigrane dans Temps et récit. Elle n’en autorise pas moins à lire celui-ci comme une réplique à Etre et temps – le temps raconté ouvrant des possibilités qui, certes, supposent la mort, mais n’en restent pas captives. Les ressources du récit ne peuvent faire oublier cependant ce que Ricœur tient lui-même, au terme d’une relecture critique de son ouvrage, pour ses « limites » (TRIII, 349). Il n’y a pas, d’abord, de récit total, d’ « intrigue de toutes les intrigues », comme le suppose à sa façon la philosophie hégélienne de l’histoire: l’unité introduite par le récit dans la multiplicité de l’expérience temporelle reste une « unité plurielle ». Cette unité elle-même, d’ailleurs, ne doit pas tromper : « le temps enveloppe toutes choses, y compris le récit qui tente de l’ordonner » ; il reste donc proprement « inscrutable » (ibid., 389). A cette limite « interne » s’ajoute enfin une limite « externe » : le débordement du genre narratif par d’autres genres de discours – épique, dramatique, lyrique – plus propres peut-être à dire « la brièveté de la vie, le conflit de l’amour et de la mort, la vastitude d’un univers qui ignore notre plainte » . www.fondsricoeur.fr

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43. la cathédrale La collégiale Saint-Barnard de Romans-sur-Isère et la cathédrale Saint-Apollinaire de Valence, sont les exemples les plus manifestes de l’architecture romane de la Drôme. Aujourd’hui encore les édifices préexistants sont très nombreux sur tout le territoire, petit hameau, prieurés et édifices de service conservent encore les traits originaux des systèmes de construction et en particulier les décors originaux qui peuvent être considérés comme faisant partie des principales sources d’inspiration du modellé sculptural du Palais Idéal. La collégiale Saint-Barnard est une église de Romans-sur-Isère. L’histoire raconte que Barnard, archevêque de Vienne, construisit en 838 une abbaye bénédictine au bord de l’Isère, près d’un gué très fréquenté. Il dédia son monastère à Saint Pierre et Saint Paul, puis son propre nom les supplanta au XIIIe siècle. Au IXe siècle, l’abbaye fut dévastée par les Normands. Elle fut reconstruite en 908 et incendiée par Silvion de Clérieux. Le clocher, haut de 36 m, est flanqué d’une tour d’escalier hexagonale, qui permet d’accéder aux 4 cloches (dont une de 1610). La première travée de la nef dont le bas est roman (arcatures en plein cintre, minces contreforts). Tout le reste de l'édifice est gothique : grandes baies à triple lancette de la nef et du transept, ouvertures de style flamboyant de la chapelle latérale (chapelle du Saint Sacrement) et du haut du clocher . Le matériau utilisé est la molasse locale de couleur jaunâtre, très esthétique mais aussi très friable. La façade parfaitement symétrique, elle permet de bien apprécier le matériau et la disposition roman/gothique en hauteur. Un auvent repose sur le départ d’un porche disparu. À l’angle nord de la façade, la base du clocher est roman. Le portail roman a été fortement dégradé par les Protestants pendant les Guerres de Religion : toutes les têtes sont brisées. Église classée en 1840 par Mérimée; celui-ci ne put empêcher les édiles municipaux de faire détruire le cloître pour construire le quai de l’Isère. Il ne réussit à sauver que momentanément la galerie nord. L’inculte mairie contourna le Service des Monuments Historiques et obtint la destruction de la galerie subsistante en 1863, grâce à des appuis en haut lieu. Le Pont Vieux fut dynamité en 1940 et l’explosion souffla les vitraux de la collégiale. La cathédrale Saint-Apollinaire est le plus ancien monument de la ville de Valence dans le département de la Drôme. C'est l'évêque Gontard (1063-1099) qui impulse la construction de cet édifice. Elle a été consacrée le 5 août 1095 sous le triple nom de saints Cyprien, Corneille et Apollinaire par le pape Urbain II qui se rendait au concile de Clermont pour prêcher la première croisade. On peut toujours voir la pierre de dédicace dans le mur sud de la cathédrale. En 1281, la foudre touche le clocher qui sera remplacé par une flèche en charpente recouverte d'ardoises. Au XVe siècle, une nouvelle chapelle est édifiée à la place de l'abside du transept sud (c'est l'actuelle sacristie. Détruite lors des guerres de religion, elle est reconstruite au XVIIe siècle et son clocher, qui menaçait ruine après avoir été foudroyé, est remplacé au XIXe siècle. L'architecture de cette cathédrale l'apparente à d'autres monuments d'Auvergne et du Velay, notamment les décors en pierres polychromes. Elle possède un déambulatoire, permettant le passage des pèlerins et confirmant son rôle d'église étape sur le chemin vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Elle a été incendiée à deux reprises, en 1562 et 1567, et refaite à l'identique. Elle est classée monument historique depuis 1862.

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44. les gorges

Dans de nombreux détails et raccourcis des architectures imaginaires de Cheval se distinguent d’obscurs profils, claire référence à la roche, aux gouffres, aux gorges des paysages de l’Ardèche et de l’Isère.

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45. l’éléphant

J.F. Cheval fut un lecteur assidu et passioné du Magasin Pittoresque, revue populaire de divulgation scientifique, géographique et artistique. Nous pourrions citer nombre d’architectures extraordinaires publiées sur cette revue et sont susceptibles d’avoir influencées l’imagination du facteur-batisseur. Parmi celles-ci, certaines plus que d’autres purent transmettre à Cheval le goût des formes singulières et symboliques en architecture. En particulier, l’éléphant de la Bastille, projet napoléonien de fontaine parisienne destinée à orner la place de la Bastille. Alimentée par l'eau de l'Ourcq acheminée par le canal Saint-Martin, cette fontaine monumentale devait être surmontée de la statue colossale d'un éléphant portant un howdah (sorte de palanquin) en forme de tour. Confiée après 1812 à l'architecte Alavoine, sa réalisation fut remise en cause par la chute de Napoléon avant d'être abandonnée, après la Révolution de 1830, au profit de la colonne de Juillet. Seuls les infrastructures, le bassin et le socle de cette fontaine furent réalisés entre 1810 et 1830. Encore visibles de nos jours, ils servent de base à la colonne. La statue de l'éléphant ne fut jamais exécutée en bronze, mais un modèle en plâtre à l'échelle 1, élevé en 1814 près du chantier puis détruit en 1846, constitua pendant une trentaine d'années un objet de curiosité qui suscita les commentaires de plusieurs écrivains avant d'être immortalisé par Victor Hugo dans une scène des Misérables mettant en scène le jeune Gavroche.

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