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A survey of anacrusis in phraseology
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-^ l/^^-r^^/ r
L ANACROUSE
DANS LA MUSIQUE MODERNE
OTJVRAGrES DE M. MATHIS LTJSSY
AUX MEMES ADRESSES
Traite de 1 expression musicale. Accents, nuances et mouvements dans la musique
vocale et instrumenlale, 7" 6dition( ).
C est un ouvrage remarquable, original, serieusement utile; vous y avez formula, pour la pre
miere fois, lex principes /ondamentaux de la diction et de I expression musicales. (F. G. Gevaert,
directeur du conservatoire royal de Bruxelles.)
Je n hesite point a vous accovder le prix d une tres ingenieuse et scientiflque solution du pro-
bleme en question. C est done de nouveau aux Krancais que nous devons 1 impulsion acultiver une
nouvelle branch* de la science musicale. (DrHugo Riemann.)
Un jour viendra oil la musique sera reliee a la philosophie comme elle 1 est depuis longtemps a
la physique. C esl M. Lussy gui a dcril la premiere page de cette nouvelle science. (Rapport ojftciel
de I exposition universelle de 1ST8.)
Le Traite de I expression musicale est 1 ouvrag e de science musicale le plus important, le plus
utile, qu ait produit notre ai6cle. (Verdi.)
Aucuu ouvrage de theorie musicale des temps modernes ne merite autant d etre universellement
repandu pour/le salut et la pratique de 1 art que le Traite de I Expression. (Kastners musikalische
Zeitung.) ]/]/i l^^
1 rofesseurs et eleves pourront puiser dans le Traite de I expression de precieux conseils et des
principes certains sur la maniere d interpreler, dans le sentiment et la couleur voulus, les oeuvres
des maitres. (Marmontel, professeur an conservatoire de Paris.)
Le Rythme musical. Son origine, sa fonction et sou accentuation, 3 edition.
Eu Iroitant le premier, d uae maniere scientifique, et avec un tel bonheur, une partie comple-tement negligee de la theorie musicale, le rythme, vous vous files acquis le grand merite que votre
livre gardeca toujours sa haute et independante valeur. (Philippe Spitta, professeur a 1 Universite de
Berlin.)
Par votre Theorie du Rythme, vous vous etes acquis un droit imprescriptible a 1 admiration de la
Republique des lettres et des sons. Comme vous avez reussi a eclaircir les gros nuages qui obscur-
cissaient 1 horizou musical du commun des mortels ! Tout ce que vous exposez est clair, logigue, va
droit an but, saisit le taureau par les comes. Je ne manquerai aucune occasion, aucune, de faire
la propagaade des bienfaits que votre excellente ceuvre sur le Rythnie pourrait, devra repandre sur
le monde des artistes. Une traduction en allemand me semble extrfemement desirable. (Hans von
Biilow.)
Histoire de la notation musicale. En collaboration avec M. Ernest David.
Ouvrage couronne par 1 lnstitut de France, imprime aux frais de I Etat a 1 imprimerie Rationale.
Exercices de piano, a composer et a ecrire par 1 eleve lui-mfime. Ouvrage recommande parLiszt, Thabberg, Mascheles, Marmontel, etc., etc.
Pupitre. Exercices du pianiste. Carton de six pages contenant les amorces d exercices modeleseu ut mojeur et mineur, a transposer et a ecrire dans tous les tons.
(I) Ouvrage traduit en allemand sous le litre : Knnst da miuikaliachen Vortranet, chez Leuckart a Leipzig euinglais, chez Novello, a Londres et a New-York
; en ruiSe, eflez Besaelt, a aamt-^eKrabourg.
GRAMMAIRE DE L EXEGUTION MUSIGALE
L ANACROUSE
DANS LA MUSIQUE MODERNE
PAR
MATHIS LUSSY
L anacrouse, qae nous sentions, queLussy a dfevoilee et d^crite. est Time des
rythuies et de rinterpriHation musicale.
HANS v. BULOW.
PARIS
AU MENESTREL, 2 BIS,RUE VIVIENNE
H-E-UG-EL & C1E
EDITEUKS DES 80LFEGES ET METHODES DU CONSEKVATOIEE
19O3
Monsieur le Professeur D r OSCAR FLEISCHER
ET A LA MEMOIRE
DE
PHILIPPE SPITTA
Son maitre et predecesseur a I University de Berlin
M. LUSSY,De Stanz (Suisse).
PREFACE
L Anacrouse, dont nous aliens nous occuper, forme un chapitre de la
Grammaire de I Execution musicale, que nous esperons pouvoir publier
bientot. C est la premiere fois que ce sujet si important est traite; nous
prions done les musiciens, nos confreres, de lire cet essai avec indul
gence. Nous exposons sans prevention les resultats de nos observations
personnellcs, 1 ensemble des faits observes par nous et classes de notre
mieux. Cela suffira pour attirer sur cette branche toute nouvelle de la
musicologie 1 attention des artistes et pour les encourager a pousser plus
avant dans la voie qui leur est ouverte. Quelques-unes des anacrouses
citees se sont revelees a nous dans les executions de Biilow, Rubinstein,
Saint-Saens, F. Plante, etc. Nous nous sommes efforce d en faire 1 analyse
exacte. Billow, a qui nous en soumettions I explication, 1 accueillait avec
une veritable joie d enfant. Quant a Rubinstein, plus flegmatique, il se
contentait de la satisfaction de les avoir inconsciemment senties et expri-
mees. To us les deux nous encourageaient a continuer nos recherches :
leur conseil a ete suivi.
Ces recherches nous out ete beaucoup facilities par Mle de Muthel,
de Kursk (Russie), qui, apres avoir travaille avec le celebre professeur
Klindworth a Berlin, est venue, durant deux annees, prendre des lemons
avec nous a Paris et a Montreux. Nature curieuse et artistique, Mlle de Mu
thel ne jouait pas une phrase, nn rythine, une note, sans vouloir se rendre
compte de Vaccentuation, de la ponctuation et du procede d execution neces-
saires pour exprimer d une fac,on claire et rationnelle ce qu elle sentait.
Cette exigence necessitait de notre part des efforts d attention, une inten-
site de reflexion qui parfois depassaient nos forces. Mais aussi, quelle joie
pour nous d avoir trouve une explication didactique des phenomenes
qui, jusqu ici, n avaient ete pergus que par 1 instinct musical de quelques
rares artistes !
VIII
C est clans cct esprit de curiosite scienlifique que nous avons fouille
los oeuvres les plus importantes, les plus difficiles, depuis Bach jusqu a
Saint-Saens, Grieg, Sinding, d AIbert, Hans Huber, d Indy, etc.
Grace a cette methode d analyse, rationnellement appliquee a 1 inter
pretation musicale, nous avons pu formuler un ensemble de principes,
de lois et, par consequent, de preceptes, qui complement la Branche de
la science musicale, dont les plus savants musicographes et compositeurs
de 1 Europe : Gevaert, Ph. Spitta, H. Riemann, Liszt, Hans de Billow,
Meyerbeer, Rossini, Verdi, etc., nous ont fait 1 honneur de nous attribuer
la decouverte; science basee sur le concours que la raison peut preter a
1 executant, en suppieant aux defaillances ou meme a I absence de son
sentiment. Or, la raison est generale; elle constitue le patrimoine de tous.
Le sentiment musical est le privilege de quelques rares ames d elite! C est
done une ceuvre de progres, celle qui permettra aux compositeurs d ecrire
intelligiblement, aux interpretes de comprendre facilement et de tra-
duire rationnellement toutes les ceuvres musicales.
OEuvre eminemment utile, surtout a notre epoque, oil la musique est
universellement reconnue, par les philosophes, les philanthropes et les
souverains, comme un des leviers les plus puissants, les plus efficaces de
la civilisation, comme un instrument de pacification et de moralisation
des pcuples.
La musique eclaire, vivifie et adoucit les esprits et les ames : c est
dans ce but qu il faut la cultiver et la comprendre ,affirniait recem-
ment 1 empereur Guillaume II.
Puisse notre modeste travail aider a atteindre ce noble but!...
Mathis LUSSY,de Stanz (Suisse).
Cours profess^ au Pensionnat des Essarts, a Territet et Plans-sur-Bex (Vaud, Suisse),
1903.
LEXIQUE
Anacrouse. Note ou notes qui precedent le premier temps fort du rythme auquel elles
appartiennent.
Nous esp6rons que ce terme sera sous peu aussi familier aux musiciens que le mot syn
cope, qui, cependant, n a jamais ete exactement defini.
Arsis. Terme metrique. Temps leve ou dernier temps d une mesure.
Coda. Nom donne a une ou plusieurs mesures qui suivent la fin reelle d une strophe,
d un morceau, afin d imprimer a la phrase une fin plus complete en eteignant toutes les
attractions des notes et les desirs de I oreille. Voyez les sept dernieres mesures de 1 adagio
de la Senate pathetique de Beethoven, les dernieres mesures du PMude n 11 de Chopin et
les quinze dernieres mesures de la derniere variation de la Sonate op. 36 de Beethoven.
Evidemment les trois premieres mesures de la coda de 1 adagio de la sonate pathetique
auraient suffi pour terminer. Beethoven ajoute encore Irois autres mesures qui forment
1 expiration de la coda. Au lieu d ecrire une coda, les composileurs ralentissent souvent les
dernieres mesures de leurs phrases. En ralentissant, ils eloignent les notes les unes des
autres et affaiblissent leur attraction mutuelle. Plus deux notes sont proches, plus leur
attraction est forte; plus elles sont 6loign6es, moins elles s attirent.
Coule. Arc qui couvre un groupe de sons formant une incise ou un rythme. Jamais le
coule ne devrait chevaucher sur deux rylhmes, c est-a-dire sur les dernieres notes d un
rythme et sur les premieres du rythme suivant. Le coule est un signe d unification, de grou-
pement des notes qui contiennent une idee musicale. Le coule est aussi employe pour indi-
quer un jeu lie, ainsi que les triolets, sextolets, etc.
Ellipse. Note qui joue une double fonction : elle finit une periode et en commence
une autre. Elle supprime done une mesure en concentrant deux mesures en une seule. Par
ce fait, elle detruit la regularite de la carrure de deux periodes successives, dont 1 une, au
lieu d avoir, par exemple, 4 ou 8 mesures, n en a plus que 3 ou 7. L ellipse sert a eviter le
vide qui se produirait entre Victus final d un rythme masculin et Yictus initial du rythmesuivant.
Ictus. Terme rythmique. Du verbe latin icere, frapper, poser. Nous donnons ce nomau premier et au dernier temps fort d un rythme, auquel ils servent de point d appui. Tout
ictus implique la force double d un accent metrique et d un accent rythmique. Dans noire
TraiU du Rythme, nous avons compare les rythmes aux arceaux qui se trouvent dans les
constructions architecturales. Ces arceaux ou travees reposent sur des points d appui,
points statiques, materiels. Les rythmes, de m&me, forment les arceaux dont une O3uvre
musicale est composee. Les points d appui de ces arceaux sont appeles ictus, points d appui
physiologiques et psychiques, immaleriels, percus par le sentiment : c est la respiration qui
les fournit. Enlevez-les et les rythmes s ecroulent. Les ictus coincident avec Yexpiration.
II ne faut pas confondre les termes Ictus et Thesis. Le premier se rapporte au rythme, le
second a la mesure. Un rythme a autant de thesis que de mesures, mais il ne peut avoir
plus de deux ictus.
1 . Afin d eviter I explication des termes techniques que nous employons dans le courant de cette
Etude, nous la donnons une fois pour toutes dans ce vocabulaire.
Incise. Une incise est un fragment, un troncon d un rythme, c est-a-dire une ou plu-
sieurs notes d un rythme, separees par uri silence reel ou latent (resultant d une note repe-
tee). Le silence remplit done la fonction de bislouri. La derniere note d une incise est suivie
d une interruption, mais non d un repon.
Jonction (Notes de). Notes qui, a la fin d une periode ou d une phrase, servent d e-
chelle pour transporter un theme dans un diapason, dans une voix plus haute ou plus
basse. Generalement, les notes de jonction precedent par degres disjoints, ce qui les dis
tingue des notes de soudure. Voyez la 8 mesure de 1 adagio de la Senate pathetique de
Beethoven.
Mesure. Terme de comparison, 1 unite, le metre avec lequel on mesure la longueur
des rythmes, des periodes, des phrases, des strophes, etc., dont une ceuvre musicale est
compos6e.
Metrique. Qui se rapporte a la mesure. Ex. : accent metrique : son fort qui fait sentir
la mesure, le temps, les fractions du temps.
Modale. Nom donne aux 3 et 6 e
degres d une gamme. Tierce et sixte majeures, mode
majeitr; tierce et sixte mineures, mode mineur.
Pathetique (Note). Toute note destructive du Ion, du mode, de la regularM metrique
ou rythmique. (Voir le Trailed* I Expression, chapitre Accent pathetique , de 1 auteur.)
Periode. Groupe de deux ou plusieurs rythmes formant un membre de phrase musi
cal. La derniere note d une periode musicale apporte a 1 oreille apeu pres la meme sensation
de repos qu un point-virgule a la fin d un groupe de mots.
Phrase. Ensemble de ileux ou plusieurs periodes dont la derniere note termine une
idee musicale et apporle a 1 oreille la sensation d un repos complet, analogue a celui que
produit un point a la fin d une phrase grammaticale.
Progression. Groupe de sons, sous forme de gamme ou d arpege, repete, transpose
par marche ascendante ou descendante. Les progressions ont la faculte de detruire la regu-
larite des periodes, de les allonger d une ou de plusieurs mesures.
Rythme. Groupe de sons dont le dernier apporte a 1 oreille le sentiment d un repos
plus ou moins complet. Un rylhme correspond a un vers ou a un hemistiche d un vers
alexandrin. Comme il y a des vers masculins ou forts, fdminins ou faibles, de meme il y a
des rythmes masculins et des rythmes feminins. La derniere note d un rythme masculin
coincide avec son ictus final; celle d un rythme feminin, avec n importe quel autre tempsou fraction de temps de la mesure. Un rythme masculin, fort, peut etre ftminist, rendu
faible; un rythme feminin, faible, peut etre masculinise, rendu fort. Nous attirons 1 atten-
tion du lecteur sur les rythmes syncopes, c est-a-dire ceux dont la derniere note est une
syncope. Voyez 1 exemple de Weber, pages 55 et 56 .
Rythme decapite. Rythme qui a pour ictus initial un silence.
Rythme decaude. --Rythme prive de son ictus final. Voir 1 exemple de Beethoven,
page 9. Generalement, quand les ictus manquent dans le chant, ils se trouvenl & la basse.
L ictus initial manque completement dans le dernier rythnae de 1 exemple que nous venons
de citer.
Pour caracteriser le nombre de mesures qui cotnposent un rythme, nous employons les
l. II nous est impossible d entrer ici dans tous les details concernant le rythme. Voyez notre
Traite du Rylhme.
XI
termes suivants : mono-, di-, tri-, tttra-, elc.,podies ou aussi, indilFeremment, mono-, di-,
tri-, etc., metres, ce qui signifie rythmes de 1, 2, 3, 4, etc., mesures.
Soudure (Notes de). Une ou plusieurs notes qui servent de lien pour raltacher diffe-
rents rythmes ou phrases musicales. C est un moyen employe pour combler les vides qui se
produiraient, si Ton supprimait ces notes, et pour donrier unite" et cohesion aux differents
membres qui composent une phrase, une strophe musicales. Certains points Morgue, gen6-
ralement depourvus de mesure et quc les Allomands appellent Fermate, Cadentz, etc., ren-
trent dans cette categoric de notes. Trop souvent ils servent de trcmplin aux jongleurs
desireux de montrer leur habilele, leur virtuosite et de Jeter de la poudre aux yeux et aux
oreilles d un public au gout plus ou moins raffine.
Strophe. Ensemble de phrases musicales appele aussi couplet dans la chanson et verstt
dans la musique religieuse.
Syncope. La 2eet la derniire note d une mesure, A un temps ou A une fraction de temps
prolongee : c est une note a cheval sur 2 mesures, 2 temps ou 2 fractions de temps. La
syncope aflaiblit et deplace 1 accent metrique ;c est done un accent pathetique ;
elle heurte
et blesse notre sentiment en detruisant 1 accent metrique et en creant un accent a contre
temps.Notation ratlonnelle :
jiu j JN j jiu j j j
Notation usuclle :
j jj[j j ji ;j j j JITJ j j
j^i
Les musiciens francais detournent souvent le mot syncope de sa signification. Ils appellent
syncopee une note simplement prolongee. Exemple : J J J Jj ,etc.
Formez de meme des groupes de doubles, triples croches, etc., le phenomene d affaiblis-
sement de 1 accent metrique reste le meme; car, c est le mouvement qui imprime a un
groupe de sons le caractere de mesure ou de temps : dans un mouvement lent, le tempsdevient mesure; dans un mouvement vif, la mesure devient temps.
Temps. Partie, fragment principal d une mesure. En realite, c est YunM avec laquelleon forme les mesures. De la les mesures a 2, 3 ou 4 temps. Synonyme d un mouvement de
la main, dti pied ou d une oscillation d un pendule, d un metronome, etc.
Thesis. Terme metrique. /" temps, temps fort, frappe de chaque mesure.
Thetique. Qui se rapporte a la thesis, au temps fort de la mesure.
L ANACROUSE
DANS LA MUSIQUE MODERNE
Nous donnons le nom d anacrouse a la note ou aux notes qui commencent un
rylhnie dans la meme mesure ou fmit le rylhme precedent2
.
Goninie nonibre mclrique, les notes qui forment 1 anacrouse appartiennent a
la mesure dans laqiiclle dies se trouvcnt, qu cllcs IcnnincnL ct completent;
comme idee musicale, elles appartiennent a la mesure ct au rylhme suivanl ,
auquel elles servent d introduction.
L anacrousc precede done Victus initial du njthmc dont ellc fail parlie. Gel
ielus tombe toujours sur le premier temps, le temps fort, le frappc de la pre
miere mesure de ce rylhme.
De la le nom : ana = avanl, croud je frappe.
Pour savoir le nombre de mesures qui formenl un rylhme, il iaul com pier un,
non sur 1 anacrouse, mais sur I ictus initial qui la suit.
Dans la Marseillaise, que nous allons analyser, la 1 mesure est formee par
1re mfisurn.
La 2 mesure conlient les noles :
1. Nous devons ce litre a 1 obligeance de notre savant ami M. Gevaert, directeur du Conserva
toire royal de Bruxellcs.
2. Voir page 8 de noire Rytlime musical. Les Allcmands donnent aux anacrouses le nom dc
Auftakt, ce qui veut dire liileralement : mesure qui tombe sur le temps Iev6 . Ce Icnne est
inexacl;
tous les Auftakt sonl des anacrouses, mais toutes les anacrouses ne sont pas des
Auftakt, car 1 anacrouse pent commcncer sur tous les temps el sur toutes les fractions de
temps d une mesure, sauf sur 1 ictus initial d un rythme. Le tertne Auftakt repose sur la fausse
idee qu il y a des mesures fortes et des mesures faibles. C est imc erreur. En realile, il n y a quedes temps forts et des temps faibles. Voyez Concordance entre la Mesure et le Uythme ,
a la
fin de ce volume.
ANACHOUSES. 1
Les notes: do-mi-do, qui tcrminent la 2" niesure, (Constituent Yanacrouse :
dies appartienncnt, comme nombrc, a la 21
niesure, et rwwwe pensee musicale
au rythinc suivant.
Les anacrouses jouent un role extraordinaire dans la musique : elles sont
Tame des rytltmcs et, par consequent, de \execution. Elles ont la faculte depro-
duire Vaccent palhetique, celle de modifier le mouvement general, le dynamisme,
c est-a-dire la force, les nuances d une phrase musicale et celle de provoquer
des gestes.
Chantez la Marseillaise sans anacrouses :
vous n avez plus qu un appel sans elan, sans entrain, sans energie. On dirait
un chant emaseule ;les Grecs 1 auraient appele hesichastique, c est-a-dire calme,
religieux. Restituez-lui les anacrouses, aussitotle chant reprend son allure virile
et guerriere, son elan enthousiaste.
r rythme, feminin. " rythme, maficulin.
auacr. ictus initial.
Xict. final.
Xanacr. ict. init.
Xict. fin. anacr.
X
Al-lons, en-fantsde la pu- tn Lc jour de gloire est ar - ri - \6. CuiMre
f rythme, fuminin. 4 C rythmo, masculin. 5 i-ythmo, masculin.
r r
iious de la ty-ran-ni-e J/e-ten-dard san-glant est le -ve, 1/e - ten-dard san-glant est le-
6^ rythme, feminin. 7 r rythme, mnseuVin.
anacr. anacr. anacr.
ft. En- ten-de/- vuus dans les cam -pa-gnes Mu-gir ces fg - ro - ces sol-dats; 11s
8 rythme, masc. 9 rythme, fuminin. 10^ rythme.
S 7mr
vicnnent jus-que dans nos bras, E-gor-ger nos fils et noscompagnes. Aux ar -mes, ci-toj-
11" rythme, mase. 12 rythme. 13 rythrne. H rythme.
auacr.
-P-1J~
t=4ens! For-mez vos ha-tailloas ! Marchons, marchons. Qu un sang im-jmr A - breu - ve nos sit-lous.
Analysons ce chant, voyons si 1 anacrouse y tient ses promesses, si elle pro-
vogue \ accent palhetique, les nuances, les mouvements, les ijestcs.
Le chant est compose de 14 rythmes. Tous les rythmes sont des dipodies,
c est-a-dire que chaque rythme est forme de deux mesurcs. Les rythmes 1, 3, 6,
9 sont feminins: leur note finale ne coincide pas avec I ictus final, avec la pre
miere note de la derniere mesure du rythme ; elle tombe sur un temps faible et
coincide avec une syllabe faible, feminine. Ce sont des dipodies anacrousiques
feminines. Remarquez, en respirant, en reprenant haleine, que les anacrouses
coincident avec Vaspiration, les ictus avec { expiration, CE FAIT EST CAPITAL !
Les rythmes 2, 4, 5, 7, 8, 10, 11, 12, 13 et 14 sont masculins : leur note
finale tombe sur la lrenote de la derniere mesure, sur I ictus final, le temps fort,
et coincide avec une syllabe forte, masculine. Ce sont des rylhmes anacrousi
qucs masculins.
Le 13 rythme seul est t/iefique, c est-a-dire que sa \fnote tombe sur le
temps fort de la mesure, sur la thesis. C est un rythme thetique masculin; aussi
est-il prive de 1 entrain qu impriment les anacrouses aux rythmes precedents.
Remarquez 1 elan, la force, qui jaillissent des 3 sol formant 1 anacrouse com-
posee de 3 notes, du 1" rythme ! II en est de meme de toutes les anacrouses
ascendantes triples et doubles, c est-a-dire composees de 2 ou 3 notes; au con-
traire, sur les anacrouses doubles ou triples descendantes , 1 artiste a une ten
dance a s arreter, a ralentir, malgre le mouvement de vitesse imprime a cette
elonnante composition2
.
Remarquez le mouvement d epaule, F explosion violente, le geste endiable que
les sol croches^ des 10" et 11" rythmes impriment au finale de ce chant. EnN
realite, ce sont des triples croches ,de veritables appogiaturcs. Etonnez-vous,
apres cela, de 1 enthousiasme, de 1 exaltation que la Marseillaise a excites et
excite dans le monde entier !
1. Pour vous convaincre de rimpor,tance du role que la respiration joue dans le rythme, cban-
tez la Marseillaise en battant la mesure a 2 temps. Faites coi ncider les ictus, les syllabes fortes
avec une aspiration, avec, le temps leve, et vous verrez que c est tout simplement monstrueux.
Faites la meme operation sur un air quelconque, par exemple stir le choeur des chasseurs du
Freischiitz, de Weber; faites coiiicider le lr
temps de chaque mesure avec une aspiration du
souffle, et le resultat sera le meme; tout va contre nature, tout devient machinal. Triste experience! Au bout de quelque temps, le sentiment s habitue a cede monstruositi : il est fausse !...
I ausser le sentiment, cela parait impossible! Helas, non! Toutes les plus nobles facultes dont
Dieu a dote I homme peuvent etre fauss^es, detournees de leur but; la raison faussee engendredes ergoteurs, des sophistes; le sentiment de la verite fausse prodiiit des menteurs qui finissent
par croire a leurs propres mensonges ;la conscience faussee produit
2. Ce ph^nomene nous I avons constate en entendant chanter la Marseillaise par Mmes Krauss
et Cabel et par M. Lasalle, de 1 Opera de Paris. Bien entendu, quand ce sont des masses qui
chantent, tambour battant, meche allum^e, ces phenomenes ^ accelerando ou de raUentando ne
se produisent pas.
- 4 -
Remplacez ces %sol croches / par des noires J et instantanemcnt gestes et
vehemence disparaissent du chanl.
Pretez toute votre attention au w Nu 7" rythme. G est la scule anacrouse
rnimiiriicant sur le 3" temps, la seule qui vaille 2 temps, une blanche _. De
plus, c est une note etrangerc a la gamme d ut, dans laquelle la composition est
ecrile. Done c est une note irreijidicre, destructive dii ton, du mode, de la n !
gu-
lariie du dessin metrique et de la symetric rytlimique qui caracterisent ce chant :
bref, c est un accent patlielique*. Toutes ces irregidaritis impriment a ce sib
une puissance d expression extraordinaire, d un caractere sombre de rage con-
centree;c est une veritable onomatopee, une des plus belles anacrouses qui exis
tent dans toutes les oeuvres musicales. Ecoutez ce mugissernent ! c est un cride
fureur qui donne le frisson et qui electrise toutes les energies du citoyen, du
patriote. Remplacez ce si\> par un si
t], remplacez les deux mi b, dans les deux
rythmes suivants, par des mi\.Tout le caractere sinistre etmenacant disparait.
Vous n avez plus qu une melodic morte.
Bien entendu, le texte contriine a imprimer a ce si|?une expression farou
che. Meltez a la place du mot mugir y>, qui coincide avec ce si b, celui de
chanter ou celui qui, dans les autres couplets, correspond au mot mugir ,
et la note perd une partie de sa force expressive2
.
Wagner, de tous les musiciens, est celui qui a pris le plus de soin d estomper,
de mettre en relief certains mots du texle par des notes et des accords qui leur
donnent une valeur expressive provoquant de veritables frissons d art. Par con-
tre, et en raison meme do cette sorte d adequation entre le texte et la musique,
1. Voyez le chapitre Accent palhetique dans notre Traite de [ expression musicals,7 edition.
2. 11 est evident que Rouget de Lisle a compose la musique de la Marseillaise sur le 1" cou
plet seul; les autres sont Irop defectueux, sous le rapport de la prosodie, el exigent de noin-
breuses modifications dans la musique. 11 faut tantot ajouter des notes, tantot en retrancher, ou
bien chanter, couler plusieurs notes sur uue seule svllabe, si Ton vcut conserver a cct hymncguerrier toute son ardour, toute sa force expressive et 6viter les desarrois, les hurlements.
C esl le defaul qui cnracterise presque tous les poetes lyriques francais; pourvu que leurs vers
aient le nombre voulu de syllabes, fortes ou faibles, la place qu elles occupent dans le vers, la
coincidence des sons forts avec les syllabes fortes, des sons faibles avec les syllables fai-liles, est leur moindre souci!... Certes, quand on Ocrit pour des professionnels, et surtout pourdes solistes, celte discordance n offre que peu d inconvenients : souvent, les artistes saveiit
corriger ces defauts du texte. Mais i|uand on compose des choeurs patriotiques, des cantiques,c est-a-dirc des morceaux devant 6tre chantes par des masses, par le peuplc. de telles crreurs
engendrent dans 1 cxicution des tiraillements desordonnes, des hurlements.Les anciens Grecs formaient un couplet moJele, un schema et y appliquaient la musique; les
sons forts coincidaient avec les syllabes fortes et les sons faibles avec les syllabes faibles. La oule sens grammatical se terminal!, la note finale apportait un repos correspondant a 1 importancedu sens grammatical. Les autres couplets, vers par vers, syllabe par syllabe, correspondaienlexactement au premier. De la les differents noms des strophes : sap/tiques, alcaiquei, etc. ; de la
aussi une execution rigoureusement homogene.
les ceuvres du mailre allemaatl, Iraduites dans une antre langue, pcrdenl snnvmi
tout on partiedeleuretonnante intensite dramatique, parl adaptalionmaladroite
d un mot nul ou insigaiflant a une note tres expressive ou a un accord patheli-
que. C est que Wagner no composait que sur des textes ecrits par lui-meme, ei
dorit il connaissait tout le sens intinie, toutes les portees psychiques, expressives.
On a dd remarquer que la premiere note des anacrouses de la Marseillaise
coincide avec la premiere syllabe et que la note finale des rylhmes tombe sur la
derniere syllabe d un vers, apportant ainsi au sentiment le rejios qu il attend.
En effet, un rythme musical nest autre chose qu un groupe de sons qui corres
pondent aux syllabes d un vers. De meme que le vers classique contient une
idee grammatical plus ou moins complete, de meme un groupe rythmique de
sons contient une pensee musicale plus ou moins terminative. Avant tout, il faut
done savoir decouvrir le commencement ct la fin des ryt/imcsqui composentune
phrase musieale, en saisir 1 idee, en degager 1 esprit, afinderinterpreterconfor-
mement a son essence spirituelle. Leur delimitation et enchainement se saisis-
sent facilement dans la musique vocale. II n en est pas de meme dans la musi-
que instrumentale. II arrive souvent que les compositeurs melent et embrouillent
les rythmes, beaucoup plus varies que dans la musique de chant, et en cachent
les anacrouses comme a plaisir.
La Marseillaise nous offre une seule anacrouse qui coincide avec le commen
cement du 3 temps de la mesure, d autres dontla 1 note tombe sur la 2emoitie
du 3 C
temps, d autres encore commencent sur le 4" lemps, cnfin deux tombent
sur le dernier huitieme de la mesure. Mais la premiere note d une anacrouse
peut tomber sur chaque temps de la mesure, sur chaque fraction de temps,
excepte sur la note qui coincide avec le coup frappe de la 1" mesure d un
ry thine thetique. La derniere note d un rythme anacrousique doit tomber sur
le temps ou la fraction de temps qui precede immediatement la lre
note de
r anacrouse suivante.
De la resulte la possibilite d un grand nombre d especes d anacrouses. En
effet, a 1 heure qu il est, nous en connaissons une vingtaine, dont chacune im-
prime a la phrase un sens, une expression speciale et exige un procede d exec/i-
tiou different, une accentuation et un mouvement propre, ad hoc.
On comprendra aisement que pour distinguer, delimiter ces rythmes et ces
anacrouses dans la musique instrumentale et pour en saisir I idee, il faut un
sentiment exquis du rythme, ou une grande attention, de la sagacite, du discer-
nement. II faut surtout savoir ecouter, faire attention au repos que certaines
notes apportent d I oreille! Ce sont precisement ces notes que 1 oreille desire et
attend, qui terminent et delimitent les rythmes. Enlevez-les, I oreille est inter-
dite, trompee dans son attente, les notes qui precedent n ont plus de sens. 11 se
- 6 -
produit un vide semblable a celui qu on eprouveraitsi 1 oa enlevait a uu verbe
son regime.
Enlevez a la Marseillaise ou a tout autre chant la note qui tombe sur la der-
niere syllabe des vers, et la phrase reste en suspcns. Evidemment, les veritable*
artistes out senti les rythmes et les anacrouses et les out rendus conformement
a leur nature et a leur caractere, instinctivement, sans s cn rendre compte. Mais
ces artistes d elite sont rares ! Et d ailleurs, celui-la seul qui a la parfaite con
science des oeuvres qu il compose ou qu il interprete, qui les analyse et s en rend
compte dans la plenitude de sa raison, celui-la seul merite ce beau titre ! Quant
aux virtuoses, aux jongleurs et croque-notes- -
helas, si nombreux !- ils ren-
dent les anacrouses comme ils rendent toute la musique : sans intelligence, sans
comprehension du sens musical contenu dans la phrase, sans sentiment et par
consequent sans expression, car ils ne peuvent exprimer ce qui ne les a pas im-
pressionnes I Heureusement pour eux, ils trouvent un auxiliaire de leur vogue
usurpee dans 1 approbation et 1 enthousiasme des gens qui ecoutent ..... avec les
yeux, des critiques par trop indulgents, chez lesquels souvent Vimagination etla
fanlaisie suppleent aux connaissances techniques. Ils out aussi pour eux ces
innombrables amateurs qui se contentent du charme physique exerce par la
musique sur leur sentiment (comme, du reste, sur celui de certains animaux,
les elephants, les araignees, etc.), mais auxquels est refuses la jouissance esthe-
tique, intellectuelle, divine que procure aux artistes de race la connaissance ins
tinctive ou acquise du rythme, ame et lumiere de la musique!
Nous aliens consacrer a cliaque espece ftanacrouse un examen special1
.
Mais, avant tout, posons quelques principes qui puissent guider dans la re
cherche des anacrouses dans la musique inslrunientale, et aider a les decouvrir:
1 II faut examiner si la mesure indiquee par 1 auteur est la bonne; sinon, il
faut la changer. C est Toperation principale. La mesure est correcte si Yictus
initial et Victus final des rythmes coincident avec la thesis de leur premiere et
de leur derniere mesure*.
2 II faut se penetrer de la verite que toutes les notes de meme valeur com-
mencant une mesure ont la meme force. La noire J ou la croche j\ etc., qui
commence la 1" mesure d un rythme a metriquement la meme force que la
noire, la croche, etc., qui en commence la2",
3e
,4e
mesure, etc. Done, si,/)mo-
1. Afin d eviter des frais d impression trop clevis, nous supprimons [esaccompagnements dans
DOS exemples, ear le ryiltme est du domaine de la melodie. Nous nous permettons aussi de trans-
poser, tantot plus haut, tantot plus has, les exemples dont les notes etleurs queues depasseraientla portee. Enflu, (res souvent, nous supprimons les notes d agrement, les appogiatures, acciaca-
tures, etc., quand elles ne sont pas indispeusables pour conserver 1 idee musicale.
2. Yoyez Concordance entre la mesure et le rytlnne, a la fin du volume.
diqiiemcnt, il se presents de 2 en 2, do 3 en 3, de 4 en 4 mesures, etc., sur le
1" temps d une mesure, une noire, une croche, etc., plus forte, c est qu elle tire
sa force non seulement d un element metrique, mais aussi d un element ryt/i-
mifjue: elle cunwlc V accent d unc thesis et Vaccent A un ictus.
3 Nous avons dit, page 3 de notrc Traite clu Rythme : La respiration four-
nit le prototype de la mesure musicale et du njlhme. En effel, sur \aspiration
se fait Varsis, le temps leve de la mesure; sur Vexpiration se fait la thesis, le
temps frappr. Chaque ictus, chaque temps fort doit coincider avec Vexpiration;
les anacrouses, au conlraire, doivent coincider avec I aspiration. Rythrnique-
ment, la note seule qui est produite par une expiration du souffle peut apporter
au sentiment le repos fmal{
. G est naturel ! La premiere chose qu un etre vivant
fait en venant au monde, c est aspirer, prendre 1 air;la derniere chose, c est expi-
rer, rendre le dernier soupir. Inspiration est \eprincipe d action, d effort, Vexpi
ration est le principe de repos, de fin! Done, toute note finale de rythme ou de
phrase doit coincider avec une expiration, c est-a-dire avec le temps fort d une
mesure;toute anacrouse doit coincider avec une aspiration.
Quand, par exemple, dans les mesures a 2 temps, la note finale, 1 ictus final
des rythmes tombe sans cesse sur le 2e
temps, quand, dans les mesures a
4 temps, il tombe sur le 3% cela indique que les mesures sont mal formulees,
fausses ; en les battant, les mouvements sont mecaniques, machinals, et ne cor
respondent pas a la pensee musicale. II faut les remplacer par une mesure qui
reponde aux exigences du rythme. C est le rythme qui determine la mesure; c est
le rythme qui impose aux phrases musicales la mesure qui leur convient, dans
laquelle 1 idee devient lumineuse et comprehensible. Seule la mesure conforme
aux exigences du rythme, permet de preciser, de delimiter le commencement et
la fin des rythmes, de decouvrir les anacrouses et de penetrcr dans les secretes
pensees de 1 ceuvre.
Tels sont les principes qui vont nous guider dans la recherche des anacrou
ses instrumentales.
Ges principes sont empruntes a 1 opuscule intitule Concordance entre la
Mesure et le Rythme, que nous reproduisons a la fin de ce volume.
1. Nous savons que cette note Jlnale, afm d eviter un trop long silence, un vide a la fln d une
periode, peut etre recule e artificiellement par une pou.tsee, resultant d une progression, d un
entrainement, etc., jusqu d la Jin de la mesure finale. Cela a lieu quand le1",
le 2 e ou le 3 e
temps de la derniere mesure d une periode, d une phrase musicale est divise, c est-a-dire conte-
nant ylusieurs notes; alors le temps non divise ou contenant une note ayant une plus grandevaleur que celles qui la precedent, a la faculte d apjjorter au sentiment un repos linal.
L ictus reel esl toujours sous-entendu sur le premier temps de la derniere mesure. Dansnoire Rijtltme, page 93, nous avons appele ces repos : ictus Jictifs : ce sont des rythmes temi-
nins masculinises ou syncopes. Voyez 1 exemple de Weber, pages 55 et 56.
- 8 -
Avant de conlinuer la lecture de cette etude, nous engageons expressementle
lecteur non seulement a le lire, mais&s assimilri- les principes que nousy avons
cnonces : cela 1 aidera enormement dans la recherche des anacrouses.
Ce n est qu au dernier moment que nous nous sommes decide a reproduire
cet opuscule dans cette elude. On trouvera done forcemeat des redUes dans le
present ouvragc. Esperons que ces redites ne seront pas vaines, mais qu elles
faciliteront, au conlraire, la penetration de ces principes dans la raison et dans
Ic st iiiimenl du lecteur, Nous attachons une telle importance aux principes con-
tenus dans cet opuscule, que nous aimerions le voir entre les mains de tous les
musiciens : car, tant qu on ecrira dans une mesure defectueuse, on rendra la
musique, de prime abord, difficile a comprendre. Gomrne preuve de I impor-
lance que nous y attachons et de la conviction que nous avons des services qu il
cst appele a rendre, nous aulorisons la reproduction et la induction de la Con
cordance entre la Mesure et le Rythme , memo sans mentionner le nom de 1 au-
teur. Nous ne pouvons pas donner de plus grande preuve de notre arnour de
1 art et de notre desinteressement.
Par cette analyse des anacrouses, nous n avons pas la prevention de depeindre
les impressions et les sentiments que la musique est susceptible de provoquer :
cela est subject!f et varie d individu a individu; plus encore, cela varie, pour le
memo individu, scion les dispositions du moment et les circonstances dans
lesquelles il se truuve. Nous disons ce que la musique est : cela est objectif
ct reste le meme pour tous et en toute circonstance.
Anacrouses integrantes. Nous donnons ce nom a celles qu on ne sau-
rail supprimer sans defigurer la melodie et la rendre meconnaissable.
BEETHOVEN. Op. 31, n 2.
sans anacrousc.
BEETHOVEN. Op. 22. Mi
anacr. anacr.
g
BEETHOVEN.O/>. 31, n 2. .-llleyrelto.
8-nq 7-4-
sans anacronsc.
3EFd F-f=7=- ^ ^^^^
Ces espcces d anacrouses sont innombrables.
Anacrouses accessoires. Dans la meme phrase, dans la memo strophe,
elles sont tantot employees, tantot delaissees. On dirnit quo 1 auteur n y atlache
aucune importance. Erreur ! quand on les examine de pros, on distingue le role
qu ellcs jouent et leur raison d etre. Ex. :
BEETHOVEN. Adagio. Op. 2, n 13.
"
1^"^ Dtcaite. Dccatttfr.
.f- f--
^ife= ^-^^-1
-^fe
Decapite. Decaude.
i
Les premiers rythraes n ont pas d anacrouse; les 3 et 4 e en out chacun une.
Pour quelle raison ? Remarquez dans le texte original que le 3 e
rythme presente
une contexture ascendante et que la mesure est plus chargee de notes, plus
lourde. L anacrouse s/^lui donne comme un coup d eperon, lui imprime un
certain elan, un leger accelerando et crescendo 1. II en est de meme de 1 ana-
crouse si du rythme suivant. Ces deux anacrouses jouent un role analogue a
celui que remplissent les prefixes dans la grammaire : elles prennent de la force
mi detriment de la note suivante. Evidemment dans le mot reviens,re prcnd
de la force et vicns en perd. Tout cet, adagio est une pure merveille.
Dans les 7 et 9 mesures, 1 anacrouse est sijncopee et joue le double role
\. Tracez entre les deux portees une ligne ascendante au-dessous du chant en suivant sa
direction et une lig/ie descendante au-dessus de la basse cela vous donnera le signe du cres
cendo -. Lc plus souvent, ce procede nous indique le dijnainiiine, c est-a-dire
le crescendo ou le diminmndo iiu on doit employer pour rendre le passage .
10
d anacrouse et d ictus anticipc ; le rtjthme final n a ni tele ni queue. C est un
rythrne a la fois decapite et decaude; comme tel, il engendre Vagitation au com
mencement et un rallcntando a la fin. L executant se jette sur ses noles initiales
comme uu noye sur la perche qu on lui tend.
Nous avons respecte la mesure indiquee par Beethoven, quoiqu elle nous
paraisse defectueuse; la note forte, 1 ictus final du rythme y coincide conti-
nuellement avec le 2C
temps, le temps faible, le leve. Selon nous, il faudrait trans
former au moins mentalcment chacune des mesuresa 2/4indiquees par Beetho
ven en 2 mesures a 2/8. Alors 1 idee musicale penetrerait mieux dans le senti
ment, 1 accent rythmique acquerrait toute sa predominance. La mesure indiquee
par Beethoven donne des monopodies ; la mesure a 2/8 produirait des dipodies.
C est surlout a partir de la 6 mesure que la mesure a 2/8 s impose. Voyezun exemple analogue ecrit correctement dans \ Allegro vivace de la senate,
op. 78, de Beethoven.
Dans [ Adagio de la senate pathetique, nous trouvons deux anacrouses qui
paraissent accessoires.
Examinons la 2" strophe en fa mineur de cet Adagio; elle commence par une
anacrouse :
Est-ce bien une anacrouse accessoire, ou une note && jonction, comme les
notes qui terminent la 1 strophe ?
Notes de jonction.
II ne faut pas confondre les notes de jonction avec \essoudwes. Les premieresservent d echelle, d escalier pour monter ou descendre un theme d un etage a
un autre, d un diapason superieur a un inferieur, de I alto au soprano, de la
basse au tenor, etc. Selon nous, cette triple croche ^ est une anacrouse motrice
d appocjiaturc, analogue a celles que nous avons rencontrees a la fin de la
Marseillaise, aux mots : Aux armes ! etc. Elle a pour but d imprimer a la
phrase suivante force, intensite, elan.
Dans la 3e
strophe du meme Adagio, I anacrouse suivante se trouve uneseule fois :
- 11
Chopin, Mazurka, op. 7, n 2, emploie 1 anacrouse toutes les huit mesures
comme note initiale de la phrase. On rencontre Ires souvent cette sorte d ana-
crouse.
Anacrouses brod6es, fleuries. Elles servent d ornement et impriment
aux rythmes une grande cohesion en comblant les vides qui resulteraient de
leur suppression. De plus, elles apportent a la phrase grace et legerete :
au lieu de
BEETHOVEN. Op. 26.
CHOPIN. Polonaise. Op. 26, n"
3 w^E-
au lieu de
Cette anacrouse formant un grupctlo = est mal ecrite dans toutes les editions
que nous connaissons et produit un eiFet boiteux, desagreable ;le la qui la com
mence devrait tomber sur la quatrieme croche de I accompagnement et non
apres.
En verite, Chopin abuse de cette sorte de notes d agrement; elles donnent a
quelques pages de ses 03uvres une allure de minauderie.
CHOPIN. Prelude n" 15, A" mesure.
Est-ce une anacrouse brodee ou une soudure ? A coup sur, a la 4e mesure de
la phrase finale, elle joue le role de soudure.
BEETHOVEN. Op. 10, n" 2, phrase en re]
7. Allegretto.
Beethoven, dans 1 allegretlo de cette sonate, n emploie ce yrupelto qu une
seule fois, a la 4e mesure : trois fois il emploie 1 anacrouse sans note d agre
ment.
BEETHOVEN. In tempo d un Menuetto
iDix fois de suite, Beethoven ecrit 1 anacrouse sans broderie ; la onzieme et
l,i douzieme fois, il 1 accompagne d un grupetto. Pourquoi ? Voyez aussi
les dernieres mesures du Largo appassionato de la sonate, op. 2, n 2, de
Beethoven.
Anacrouses motrices. - - Elles se divisent en deux classes : anacrouses
acceleratrices et anacrouses suspcnsives. Les unes comme les autres, si Ton
olieit a leurs incitations, jettent une perturbation dans le mouvemont general
d un morceau : elles Vaccelerent ou le ralenlissent.
Anacrouses acceleratrices. Elles exercent leur action surlout dans les
morceaux a mouvement lent ou modere. On les distingue aisemenl a leur forme.
Generalement, elles presentent des groupes de notes ayant un dessin, une con
texture ascendante, ou bien elles forment des groupes de notes repetees, comme
1 anacrouse initiale de la Marseillaise.
Ces groupes de notes provoquent surtout 1 elan quand leur premiere note
tombe sur la 2 partie d un temps. Cela s explique facilement : ces sortes d ana-
crouses sont privees du point d appui qu offre la 1" partie d un temps. De la une
certaine inquietude, une certaine agitation nerveuse analogue a celle qu eprouve
un baigneur perdant pied, qui se traduit par un accelerando. De plus, monter,
au physique comme au moral, c est lulter, depenser une plus grande force;
repeter, c esiinsistcr, c est s animer, surtout au commencement d une phrase.
En un mot les anacrouses acceleratrices servent de tremplin, de coup de fouet
pour imprimer a une phrase une allure decidee, de 1 elan et de l animation.
BEETHOVEN. Sonate palhetique, Rondo.
WEBER. Invitation d la valse.
7 --
MENDELSSOHN. Rondo capriccioso.
V-
13 -
Anacrouses suspensives.- - Comme les anacrouses acceleratrices, elles
exercent leur action surtout dans les morceaux a moiivement lent ou modere.
Ellcs se presentent sous des aspects tres varies, generalement comme notes
aigues, point culminant au commencement d une strophe, comme note voisine
digue ou voisine (/rave dans le grupetto, etc. Les notes des anacrouses suspen
sives jouent le role de freia, de crampon. D une part, les artistes s y cram-
ponnent instinctivement ;ils semblent craindre. de les lacher, afin d eviter une
chute precipitee; car, au physique comme au moral, descendre, c est subir une
attraction vers un point inferieur, et la descente est d autant plus rapide que
la pente offre moins d obstacles, d asperites. D autre part, on eprouve du plaisir
a occuper une position elevee et a s y maintenir!...
CRAMER. 31 Etude, edition Billow.
rail.
CHOPIN. Nocturne, op. M, n" 2. Anacrouse initiale de la strophe cn/ mill.
En realit6, c est une mesure a 6/8. L accent melrique tombe sur le re\du
3 C
temps. II devrait etre precede d une barre de mesure.
SCHUBERT. Impromptu./Ts
En realite, a la main droite, c est une rnesure a 9/8.
CHOPIN. False en re ? au finale.
rait. vite.
A la reprise, Rubinstein et Billow faisaient un arret sur le fa, anacrouse, qui
suit le re\>,
note finale de la 2 C
strophe.
rail. vile.
De meme, Rubinstein el Biilow s arretaienl sur le la\>,
anacrouse initiale de la
3e
strophe, et imprimaient force et vitesse a la phrase.
Generalement, sur les anacrouses ayant une contexture descendante, on ne
- 14 -ralentk pas; cependant, dans les mouvemenls moderes, quand elles sont excep-
tionnellemenl doubles, triples, ou caraclerisees par un accident, % ou b, ou
presentant une espece de recrudescence, d insistance, on ralcntil tant soil peu.
BeETHOVE.x. Senate, op. 2, n 1. Minuetto.
Sur le / simple, 2 mesure, on ne ralentit pas ;sur les sol, fa, anacrouse
double, 4 mesure, on fait un leger ralentissement, sur solfr, fa, 6 mesure de la
2 strophe, on fait un ralentissement plus prononce, car ce solb n est pas seule-
ment anacrouse aigue, il est aussi notepathetique, modale mineurede sij,,c esl-
a-dire note destructive du mode majeur.
CHOPIN. Op. 7, 2, 8 mesure, 2 strophe.
rail.
MENDELSSOH.V. Hondo capriccioso.
rail.
Voyez aussi I introduction de YInvitation a la valse de Weber et I anacrouse
a la 8 C mesure du 61
"
prelude de Chopin.
Fait curieux : le peuple, sans instruction musicale, ralentit sponlanement sur
les a-nacrouses aif/ues exceptionnelles . Exemples :
Ma Normandie, par Frederic BERAT, 3 mesure, a la fin.
rail.
1. Nous donnons ici, a noire honte et a simple lilre dc curiosite, un exemple bien vulgaire
d une anacrouse aigue excepiionnelle, a laquelle nous devons peut-fitre 1 impulsion de nos travaux
didactiques et, en parliculier, de nos rechcrches sur I anacrouse. Nous enlendions Lefebure-Wely
jouer les Cloches du Moiiasttre.i^\
. f
^=
Musique sous les yeux, nous constations que rauteur ralentissait sur le sol \>, 4, mesure. Cet ut pour nous une revelation! la petite ponune de Newton..., qu on nous pardonne ce rapprochement. Pourquoi cet arret et cette force sur la dcrniere note d unc mesure finale de periode? Le
professeur ne nous donnait pas une raison satisfaisante. Nous avons cherche et voici ce que nousavons trouve : c est une anacrouse exceptionnelle, suspensive, aigue; elle apparlient a ce quisuit et non a ce qui precede. Notre curiosite eiait evei/lee et n a cesse depuis de nous sue/-
15 -
A oeV, canlique catholi<jue : Venez, divin Messie.
Ve-nez, rli-vin Mes-si-e, Ve-nez, vc-nez, ve-ncz.
Souvent nous avons ete temoin de ce ralentissement dans differentcs eglises;
raccompagnaleur avait beau presser, bon gre, mal gre, il fallait qu il cedat,
subissanl le frein des masses !
Bien entendu, quand ces anacrouses nigues se presentcnt sous forme de
groupes de notes ayant une petite valeur, on ne ralentit pas : voyez la 6" mesure
de YAdagio grazioso de la sonate Op. 31 de Beethoven.
Ralentissement resultant des anacrouses funnees pin- des groupes de
notes conten ant line note voisinc aigue ou une note voisine grave, dans les
mouvements moderes ou lents.
Nous dounons le nom de note voisine aigue a une note qui esl precedee et
miivie de sa seconds inferieurc : c est un re entre deux do, un mi entre deux re,
un [a entre deux mi, etc.
Nous appelons note voisine grave une note qui est prrcedce et suivie de sa
seconds superieure : c est un si entre deux do, un do entre deux re, etc.
Ces notes jouent un role extraordinaire dans la musique. Bach, Mozart,
Beethoven, Mendelssohn, Chopin, Schubert, Schumann, etc., en font un usage
frequent. Chopin en abuse et s en sert dans ses oeuvres les plus graves, les plus
serieuses, aussi bien que dans ses danses et dans ses osuvres ou la vitesse du
mouvement imprime a la phrase rend leur execution difficile et exige une deli-
catesse du doigte infmie.
Pour que tous les musiciens, sans exception se servent plus ou moins fre-
quemment de cet ornement, disons plutot de ce precede energique, il faut qu ils
subissent tons, inconsciemment, dans des cos identiques, la meme incitalion.
Quelleen est la cause ?Selon nous, c est, pour la note voisine aigue, la necessite
de la tenir suspendue, atliree qu elle est par Vattraction de la note qui la pre
cede et de celle qui la suit. On la rend forte au moyen d une appogialure,
yerer inille jionrquoi? C est ainsi que nous (k vuns rcxplioation de ^accent pal/ietique au la \?
de 1 air de /"/ Diavolo :
Remplacez dans ccl air le la ^ par un la ^ et vous screz en possession du secret; cettc note
est une module mineure ct a une grande valeur exceptionnellc; clle delruit le mode niajeur dans
lequel I air est compose et le dessin du rjthme, c est un accent palhelique.
16
aimfile, double, triple, ele.; c est-a-dire qu on la fait preceder d un moyen ener-
(]ique. Exemple :
K tfw ^r __^j r_ K . . c?j 1
La note voisinc grave, au contraire, a la tendance de dcscendre, d echapper
vers le has. Pour 1 cn empecher, on Y attache a la note qui precede en forlifiant
celle-ci au moyeu de Yap/iogiaturc, simple, double on triple, souvent par un
trioJel. Examples dr notes voisiiies graves :
BEETHOVEN. Op. 13, Finale. Op. 49, n" 1. Hondo.
CHOPIN. Nocturne, op. 9, H 2, 5" mesure.
Mazurka, op. 7, n 2, 3" mesure.
pourw
ffe
Exemples de notes voisines aigue s :
WEBER. Invitation a la valse. Introduction.
MENDELSSOHN. Romance n 22.
b. .0 !S~j^^rLz:
CHOPIN. Op. 37, n 2, 13" mesure.
CHOPIN. Mazurka, op. 7, n" 3, i6" mesure.
BIUHMS. Danse Itongroise n" 6.
^ ft"
y y- ~-
jf \-.jlocg sosf
- -2)iu fit.
La 11C mesure est une exclamation; elle crie : attention ! La phrase musicale
commence a la 2C mesure sur la 2" croche la
l>. Est-ce un rythme decapite ?
Chantez I air, tel qu il est ecrit, a 2/4. Remarquez comme il en resulte une chose
machinale, sans vie, sans poesie : une balancoire ! Chantez I air;commencez
17
par une expiration, le si b de la 3" mesure par une aspiration, etc., et vous sen-
lirez comme c est faux, contre nature. Remarquez que tout le poids de 1 accent
tombe sur le si b de la 3e
mesure, sur le do de la 5e
mesure, sur le do de la 1
et le si b de la 9" mesure. fividemment, les notes noires conimencant les 3e,5",
1*
et 9" mesures ont plus de force que celles qui commencent les 4Cet 8
e mesures :
done, les noires qui commencent les3", 5", 7% et 9 mesures ciimulent deux forces,
celle ftaccent metrique et celle d1
accent njthmique; elles doivent etre prece-
dees d une barre de mesure et rendues par une expiration, d oii resulte une
mesure a 4 temps, ce qui donne a 1 air 1 aspect que voici :
tr tr
4-4 ^
IS otez bien que \& point et le chevron ou accent sous le lcr w b de la 2" mesure
a 4 temps et sur le la de la 4e mesure sont fautifs. Brahms ecrit un rythme
syncope; done, le si b ne doit pas avoir au-dessous un point qui diminue la
valeur de la note de moitie et un point a sa droite qui en augmente la valeur de
moitie. 11 y a contradiction, et 1 ecriture correcte est la suivaote :
tr A tr
i .
i
Bien enteridu, nous laissons les points sous les notes : ils indiquent un jeu
staccato : J J J .
Maintenant, enlevez 1 anacrouse et 1 air conserve son identite.
Done, c est une anacrouse jleurie contenant une note voisine grave, incitant
a un leger rallenlando, ce que Brahms indique par le poco sost. sous la lre ana
crouse et par le pin ril. sous la 10 mesure de son texte. Ainsi presente, a
4 temps, cet air a pris toute sa grace, toute sa legerete ;lourdeur et allure
machinale en disparaissent. Tel, nous 1 avons entendu interpreter par Billow,
Rubinstein, Plante, etc.
II est vraiment etonnant que Brahms, si riche dans ses conceptions rythmi-
ques, ait ecrit cette phrase a 2/4. Les ergoteurs disent : . Si Brahms a voulu
ainsi! Est-ce que Brahms ou tout autre genie peuvent vouloir 1 impossible,
1 absurde, ce qui est centre nature ? Brahms, comme Beethoven, etc., pouvait
avoir des moments de distraction. A nous de resister a leurs fausses incitations !
II est plus que probable que Brahms jouait ce morceau autrement qu il ne 1 a
2AN XGROUSES.
18
ecril. En tout cas, Billow, qui fnisait travailler Bralims, le jouait comme nous
ecrivons.
C est un dos milliers d exernples auxqucls la mesure vraie (qui cependaut
n est qu un clement tie discipline, un element regulateur, machinal, pour ainsi
dire) imprime un caractere qui poetise et spiritualise une suite de sons, Iw
rend comprehensibles et perrnet de les soumeltre aux lois de 1 entendement et
de la logique.
Anacrouses agglutinees, enehainees a la fin de notes de soudure, de pro
gression, etc.
CHOPI.X Ktude 27 e, op. 25, n" 7, Se el te* mesures.
^,^fe*:1
anacr. rut.
Impromptu en (a ?, op. 29, avant le trio.
-a - c
Cette anacrouse est reproduce deux octaves plus haul, trois mesures plus
BEETUOVEX. Sonate, op. 7, Rondo, S* mesure.
1?anacrouse a la fin de cet exemple est des plus interessantes, elle est inte
grante, fleurie, non motrice et fait parlie de la soudure. Ce Rondo, d une harmo- -
nie si simple, d une grace si coquette, n a peut-etre pas son pareil, si ce n est la
2 variation du 3" Impromptu de Schubert, op. -142.
CHOPIN. Polonaise n" 4. Op. 26, n 2. Edition de Klindworlh.
etc., au J
Dans toutes les editions de nous connues, il y a sous cette progression un
crescendo termine par un pin forte. Rubinstein et Bulow, au contraire, faisaient
19
un pp subito et rallenlando : sur les 4 notes qui lerminent la progression a la
/i." mesure. Leur sentimenl ne les avail pas trompes. L effet qu ils obtenaient
etait empoignant et eslhetiquement vrai! Car ces 4 notes forment une anacrouse
brudee contenant une note voisine ai/jue demandant douceur et un rallentando.
Ne fflt-ce que le dessin, la contexture ascendante des notes qui forment ce
groupe, elles auraient du attirer 1 attenlion des reviseurs et leur indiquer que
ce groupe ne fait pas partie dc la progression, que ce n est pas la fin de ce qui
precede,mais bien le commencement de ce qui vient et qu il repond a la double
anacrouse, aux re^ mi^, qui commencent la phrase cinq mesures avant.
Ces fails de fausse annotation sont d autanl plus deplorables que, imposes par
de grands virluoses, tambourines brulalement dans 1 oreille du public, des
amateurs et des critiques, ceux-ci les conservent, si faux qu ils puissent etre, et
en font aisement une norme, un modele d apres lequel ils jugent ceux qui
Jjouent autrement, si correct, si conforme que leur jeu puisse etre aux lois de
1 esthetique. Plus tard, il faut toute 1 autorite de vrais artistes, d un Rubinstein,
d un Billow, d un Plante, etc., pour faire triornpher le beau et le vrai, la raison
-el le sentiment.
Ah ! si les musiciens connaissaienl a fond la puissance pictnrale de noire
merveilleux sysleme de notalion ! Dans une foule de cas, ils n auraient rneme
pas besoin d ecouter pour saisir 1 idee musicals et pour produire des effets
surprenants d interpretation : le dessin forme par les notes les leur indiquerait1
.
Anacrouses cachees a la basse, quand le chant est au soprano.
BEETHOS EN. Sonate pathelique, finale du Rondo.
=Tk &
pour -t:j~E
-**-
Cette anacrouse a la basse nous fait comprendre le p indique sous 1 accord.
Dans ce meme rondo, H. Germer ecrit :
an lieu de
Evidemment, le I" mi 1
? a la basse est accentue : c est une anacrouse; mais
mib, au soprano, a la fin de la 4" mesure, est faible; c est la note finale d un
l. Nous voudrions bien renvoyer nos lecteurs & \ Hisloire de la Notation, par Ernest David et
Mathis Lussy, couronnee par I lnstitut de France et impriinee aux frais de 1 Etat. Helas! elle est
epuisee et introuvable aujourd huil...
20
rythme ferainin; elle joue peut-etre le double role de note finale d ua rythme et
celui d anacrouse. On pent bien lui refuser le role d anacrouse, mais non celui
de note derniere d un rythme feminiu, car le fa qui le precede, ne faisant pas
partie de 1 accord, ne peut pas etre regarde comme note finale; il n apportc
pas a Foreille la sensation de note finale du rythme.
BEETHOVEN. Suitate, op. 2, n" 1. Meiiueito.
Voyez 1 exemple de Chopia : Mazurka op. 7, n 3, dans le paragraphe : Ana-
crouses agglutinees, page 18.
CHOPIN. Polonaise, op. 26, n" 1, S mesure.
Pourquoi Chopin a-t-il mis un accent sur le sol\ a la basse ? G est une ana-
crouse qui correspond au $ol$croche qui commence la phrase, a la fin de la
4" mesure, au soprano.
Anacrouses fourvoyees, mises au commencement et non a la fin d une
mesure.
Le Chasseur de chamois, chant populaire suisse.
/ de Flueh-ne isl mis Le - be Und im Thai tkue ni kei Guel.Au pied Je 1 al - tie - re ci - me, J aime a gra - vir lea ro - cheri.
Ne parlous pas de la prosodie francaise Ghantez les notes, attaquez-les
par 1 emission du souffle, par Vexpiration; vous verrez que c est centre nature,sinon impossible ! Attaquez la phrase par Vaspiration, du souffle, c est aise,
naturel; la 3 note do coincide avec 1 expiration : c est 1 ictus, le 1" temps fort
du rythme; elle doit etre precedee d une barre de mesure; le rythme devient
anacrousique et presente Fimage suivante :
I Irail, tempo.
Jouez la phrase sur le violon; attaquez-la par un tire de I archet : elle devient
impossible. Attaquez-la par impousse, tout devieut aise, naturel. Eh bien ! dans
21
aucune edition de ce chant si populaire en Suisse, pas meme dans celles failes
par des directeurs de cc Liedertafel,nous n avons trouve cette anacrouse
rnise a sa place. Cependant, tons les chanteurs la font sentir et ralentissent
sur mi-re.
Faisons la meme operation sur 1 exemple suivant:
Souvenir de Hapsal. TicnuKowsKY. Lied ohne /P orte. Op. 2, n" 3.
__p _^ _^ ^m f ^ __, *S^_J>vT i r i i ^ .
- jr^ ^ ^ . . !.
^*"__-TiI^.
Chantez ce lied ou jouez-le sur le violon et vous verrez qu a partir de la 8" me-
sure du texte original, 6" mesure ci-dessus, vous eprouverez un malaise, une
sorte de tiraillement : les doubles croches veulent etre rendues par une aspira
tion du souffle, par un pousse de I archel. Faites-le, et le deu.xieme re croche de
la 9" mesure prendra de la force, il comcidera avec 1 expiration du souffle,
avec un tire de 1 archet; en un mot, c est 1 ictus, le 1" temps d un rythme :
il devrait etre precede d une barre de mesure. Posez-la, et la phrase devient
anacrousique et demande a etre attaquee par une aspiration, par un coupd archet pousse. Tout devient aise, naturel, le malaise et le tiraillement dispa-
raissent. Le chant prend 1 aspect suivant :
Les groupes de doubles croches au soprano coincident avec le 3 temps,
comme dans la lre
strophe. Dieu nous garde de vonloir donner des lecons a
Tschaikowsky ! Mais nous avons une telle crainte de blesser le sentiment du
rylhrne, que nous n hesitons pas a croire que Tschaikowsky aurait mieux fait
d ecrire comme nous indiquons.
Voici un exemple d une anacrouse deplacee par une progression qui ne
heurte pas autant notre sentiment :
Air de Louis XIH.
soudare. X
Quel rnalheur que les compositeurs ne chantent pas leurs liecler et ne fassent
pas attention s ils attaquerit leur phrase avec une expiration ou avec une aspi
ration /Mais non, toujours ils se servent du piano, qui n a ni poumoiis niarchet,
mais une respiration pour ainsi dire infinie, non interrompue !
UNIVERSITY DE MONTREAL
Anacrouses latentes, cachees par une mesure defectueuse.
MENDELSSOHN. Romance sans paroles, n" 23.
iPour peu qu on ait le sentiment da rythme, on percoit que )e fa qui com
mence le 3 e
temps de la i" mesure et le mi qui commence le 3 temps de la
2e mesure prennent de la force : ils cumuknt un accent metrique et un accent
rijthmique et devraient done etre precedes d une barre de mesure.
gu-gH-f* v Fic^-E
Sous cet aspect, les anacrouses sautent aux yeux el impriment au chant une
allure d une legerete charmante. Bien entendu, un changemeut dans la contex
ture rythmique devrait entrainer un changement de la formule metrique. Quel-
quefois, dans une meme page on peut rencontrer plusieurs de ces changements.
Dans cet exemple, a partir de la 6e mesure du texte original, commence une
nouvelle strophe; le rythme et la contexture changent et exigent la mesure a
4 temps. Cette 2" strophe est composee de 9 mesures, la 2 e
partie ayant 5 me-
sures. Puis, la i" strophe a 2/4 revient pour ceder la place a une 3 strophe a
4 temps, etc.
BEETHOVEN. Op. 27, n"
^ I I
/>, tie :
J~rg:4=t1
an lieu de :
MENDELSSOHN. Recueil des Canliques du canton de Vand, n" 176.
"*~*" f ~M=J j^ V V
Yoi-ci l heureu-se jour-ne-e Qui nous ou-vre le saint lieu.
Chantez cet air tel qu il est ecrit : Taccent tombe toujours sur le 3e
temps;c est faux ! Ghantez-le a 2 temps et il devient machinal; les notes qui commen-
cent le 1" temps n ont pas toutes la meme force; il y en a une plus forte de
deux en deux mesures. Done, cette note cumule la force d un accent metriqueet d unaccenl rylhmique; elle devrait etre precedee d une barre de mesure:
23
L anacr .sc saute auxyeux et irnprhne au chant 1 accenLuution qui rend 1 idee
musicale cSaire et la prosodie correcte.
CIUMEH. 31" Etude.
Scion nous, cette 6tude devrait etre ecrite a 6/16 pour la main droite. Biilow
1 a laissee a 54/10 et ne s est occupe que du doigte. Le D r
Bencla, edition de
Litolff, conserve aussi la mesure indiquee par Cramer, mais il met une ligue
pointee* - sur les ictus, ce qui facilite la comprehension de 1 oeuvre. II nous
semble que la virgule sur les ictus vaudrait mieux. La virgule exige qu on leve
le poignet plus haul qu on ne le fait sur le point, ce qui produit un choc plus
fort, une accentuation plus prononcee.
CHOPIN. Nocturne. Op. 48, n" 2.
n it . Inchtntino.%J
Ou finit le \" rythtne ? Au /;:, lro note de la 3e
mesure. (Test done un rythme
masculin decapite. La 1" mesure commence sur le 2 temps aveclerfo^ blanche.
Oii commence le 2 rythme ? Par le fa i aigu, 2 enote de la 3 e mesure. Essayez
d attiiquer ce /jfpar une expiration du souffle : vous n y parviendrez pas. La
force, 1 accent rythmique, tombe indubitablementsurle/w/du 3" temps qui veut
etre rendu par une expiration ;done il devrait etre precede d une barre de me
sure.
Metlons la mesure qui convient a cette phrase :
s la discipline de la mesure a 2/4, les rythmes et les anacrouses sautent
aux veux et 1 idee musicale se degage instantanement avec une clarte eton-
nante. Remarquez, en ch;mtant, que les anacrouses coincident avec les aspi-
24
rations, et les temps forts des inesiires avec 1 expiration. Aussi le chant en
est-il aise.
Cepcndant, nous avons trouve de savants ergoteurs pour nous objecter que
Chopin a voulu precisement obscurcir sa pensee ! Corame si Chopin avait pu
se proposer d ecrire une chose qui fill centre la nature et le bo us sens !
SCUUMA.NN. Etude symphonique. Op. 13, -I* tar.
,- 3 ft
Analysons d abord le theme :
Le 1" rythme est forme de deux mesures a 4/4. II est thetique feminin mascu
linise, c est-a-dire que sa note finale sol $ est forte, parce que le temps qui la
precede est divise, contenant 2 notes :
au lieu de EjP; 3T~i i ,,--^""- i
/ ~
1. II est vraiment etonnant que Mendelssohn et Chopin, natures si fines, si artistiques, aient si
frequemment employe des raesures defectueuses. qui rendent 1 execulion de leurs oeuvres peu
comprehensible de prime abord, jusqu a ce que I executant en ait inslinctivement, an raoins men-
talement, corrige la mesure et adopte celle qui peut rendre 1 idee musicale comprehensible. Enverite, noire admiration pour Mendelssohn et pour Chopin est grande, malgre cette defaillance;
cependant, nous sommes force d admettre qu il leur manquait une des faciiltes qui competent le
musicien de gfinie : celle de sentir la concordance entre la mesure et le rijtlime, qui rend1 idee musicale saisissable des les premiers rythmes. II est arrive a Beeihoven, Mozart, Weber,Brahms, etc., d indiquer une mesure defectueuse, mais si raremenl que le fait peut etre attribuea une inadvertance; chez Mendelssohn et Chopin, la meprise est vraiment par trop frequente, et
nous comprenons, sans la partager, 1 antipatbie que Wagner et Billow eprouvaient pour la musiquede Mendelssohn.
Le 2" rylhme, forme aussi de deux mesures a 4/4, est anacrousique feminin,
faible. Schumann indique clairement, par le coule qui va du second sol de la
2 e mesureau 2 n? de la 4 mesure, que ce sol$ forme anacrouse, qu il est o/e
initiale du 5" rythme. Le so/if qui le precede est done #0/0 /?//? cju 1" rythme;
comme telle, elle perd un peu de sa valour : ce n esl plus une noire (J),mais
tout au plus une croche pointee () suivie d un petit silence.
Maintenant, prenons la partie dusopra/io de cette variation :
-4=. - * ^c
Evidemment, en la chantant, on sent que le solzde la lrc mesure est fort,
qu il apporte a 1 oreille un repos; c est Victus final d un rythme thetique, com
pose de deux mesures a 2/4; il devrait elre precede d une barre de mesure, ce
qui donne la forme suivante :
US-f^-f-
Du premier coup d ceil, on voit que la mesure a 4/4 disparait et fait place a
2 mesures a 2/4. En realite, le sol % final du premier rythme devrait etre suivi
d un petit silence */; ce n est plus qu une noire (j). Les trois notes do$,
re i,do%,
forment une anacrouse triple brodee, pathetique, a cause de la note voisine
aigue appartenant au 2 C
rythme. Elle n est pas integrante; supprimez-la commesuit :
^La phrase garde son integralile, mais perd toute sa beaute expressive, toute
sa passion ! Ainsi estropie, le 2 e
rythme, compose de deux mesures a 2/4, est
tlietlque, fi.minin masculinise syncope; 1 ictus final do % cede sa force au fa % quiest syncope.
Chaque mesure indiquee par Schumann produit, au soprano, deux mesures
a 2 temps.
Reproduisons maintenant 1 ensemble, le theme et la variation, tel qu il resulte
de 1 analyse que nous venons de faire :
ictua final.
Du premier coup d ceil, on voit que Yictus du 2e
rythme du soprano coin
cide avec 1 ictus final, le temps fort final du rythme du theme. On voit que
ce sont trois rythmes different superposes. Le soprano joue deux rythmes
composes chacun de 2 mesures a 2,4, pendant que la basse, form ant le theme,
ne joue qu un seul rythme compose de deux mesures a 4/4. L anacrouse du
2" rythme, au soprano, au-dessus de la 4 noire de la basse, saute aux yeux;
elle nous prouve la defectuositd de la mesure indiquee par Schumann, car
1 anacrouse, fatalement, doit premier 1 ictus initial, le 1" temps fort, et non
Victus final, le dernier temps fort d un rythme. G est dans 1 execution de Ru
binstein que s est revelee a nous cette anacrouse si interessante. Comme on le
voit, elle contient une note wisine aiyue, precedes d une appogiature, qui la
rend pathetique. Rubinstein 1 exprimait avec une telle passion de sonorite que
nous en gardens encore aujourd hui 1 impression profonde ! II n est pas dou-
teux que la mesure indiquee par Schumann masque cette anacrouse et rend la
phrase obscure a quiconque n a pas un sentiment delicat du rythme. Le moyen
de rendre cette 2e variation claire et facilement comprehensible, ce serait d in-
diquer pour le soprano la mesure 12/16 et, pour le theme, celle de 24/16; car
il n y a pas, dans 1 accompagnement de cette variation, un seultemps,_une s^ule
noire (J) qui ne regoive 6 doubles croches, groupees trois par trois/J"] j"j~,
formant des triolets. Of, nous le repetons, un triolet est une exception ; quand
il n y a que des triolets d un bout a 1 autre d un morceau, ils forment des mesures
composees, qui devraient etre indiquees par les chiffres G, 9 ou 12, selon le
nombre de temps qu elles contiennent. Ouelle page geniale que cette 2" varia
tion ! Quelle ceuvre etonnante que ces etudes symphoniques ! Quel effort artis-
tique elles ont exige ! Et dire que c est 1 op. 13 de Schumann La senate
pathetique de Beethoven, aussi, porte le meme numero d ordre !
Anacrouses pathetiques.-- Ce sont des anacrouses presentant une note
ayant un earactere absolument exceptional, destructif du ton, du mode, de la
regularite du dessin metrique ou du dessin ryllimique. qui caraclerisaient les
rythmes precedents. Par exemple, si les anacrouses precedentes etaient com
posees de notes ayant une petite valeur, et qu il se presente exceptionnellement
une anacrouse composes d une seule note ayant une grande valeur, cette ana
crouse est tres forte, puisqu elle prend un double accent, metrique et rylhmique.
Si, avec cela, elle est encore accompagnee d un dieze ou d un bemol, sa force
devient formidable. Le si? de la Marseillaise, 126
mesure, nous en a fourni un
exemple remarquable.BEETIIOVE.V. Op. 27
;n" 2. mesure 19. x
EiEjSEiSiEB
27
Outre uuc valeur exceplionnelle, une blanche, le 2Csi de la 4* mesure preml
encore la force d un accord ohromatique. Voyez Senate pathetique, Allegro
molto, i7 c
inesurc, etc.
Anacrouses servant d ictus initial. On pourrait aussi les appeler ictus
antidpes. Beethoven et surtout Chopin en font un usage tres frequent; Chopin
les emploie meme dans ses valses el mazurkas.
BEETHOVEN. Op. 3i, n" I.
x x
BEETHOVKN. Op. 26, variations IV, I,III.
Voyez aussi Beethoven, Op. 27, n 2, trio de I Allegretto.
CHOPIN. Mazurka, op. 6, n" 1. Mazurka, op. 6, w 4.
-H*CHOPIN. Nocturne, op. 55, n" 1.
Cette derniere anacrouse est des plus remarquables; le do blanche joue le
quadruple role de note finale du rythme precedent, A anacrouse, de thesis et
d1
ictus initial unlidpe du rythme suivant.
Anacrouses soudees, agglutinees a la note finale d un rythmemasculin.
CHOPIX. Nocturne, op. 37, n" 1, 8 e niesure.
fr
^^i^^^pfc^ic. -r-iir trszd
Chopin a ecrit ce Nocturne a 4 temps : 4 ictus, dans la meme strophe, coinci
dent fautivernent avec le 3" temps. Voyez, pageJ
\\, ((Anacrouses brodees,
fleuries .
-28
Anacrouses trillees.
BEETHOVE.V. Op. 31, n 3, scherzo, 9 raesure.
fr
BEETHOVE.V. Of. 14, n 2, andante, 9" mesure.
***" A ^^
BEETHOTO. Op. 10, n 2, allegretto, 34" raesure.
CHOPIX. Xocturne. op. 32, n" 2, 2 einesure, 9 e mesure.
-tr
CHOPIN. Mazurka, op. 59, n" i, 5 mesure.
-*-*- TT^ g
Le trille sur le fa $ joue le role de note finale d un rythme feminin masculi
nise et d anacrouse trillee.
Anacrouses soudees a la note finale d un rythme feminin.
CHOPIH. Kocturne, op. 9, ?i 2, finale.
. f"
CHOPIN. Nocturne, op. 48, n" 2, 4.1e mesure.
Ce Nocturne est ecrit, dans le texte original, a 4 temps; aussi 1 anacrouse
tombe a faux sur le 2eet 1 ictus, sur le 3 C
temps. (Yoye/ p. 23.) A 2 temps,comme nousle donnons, il est correct et lacilement comprehensible.
29
Souvenir du Jiiirgenstocli, valse suisse.
3.*CQOPIN. Mazurka, op. 2<J,
x 4, 2 strophe, 8" mi-sure.
f*fl ___, N^, au lieu de
~E^_J
La derniere note du rythme feminin, le re b, a la 8 mesure, 2 strophe, est-
clle en meme temps la note initiale d une anacrouse ou d une soudure?L accent
que Chopin met sous le do, avant-derniere note de cette mesure, laisse supposer
qu il la regardait comme commencant 1 anacrouse...
BRAHMS. Op. 79, 2 erapsodie.
annur. et note finale.
C est le la noire, au 4 e
temps, qui terminc le rylhme ;il coincide avec la note
initiate de 1 anacrouse; Billow et Rubinstein traitaient ce la en appogiature.
Anacrouses devenant thesis.
MENDELSSOHN. Romance sans paroles. 11 36, -2S" mesure.
Comme anacrouse, au commencement du morceau, il fallait la mesure 6/8 ;
comme ictus, la phrase exige la mesure a 3/8.
BEETHOVEM. Op. 31, n 1. /tdaylo, I6e mesure.
anacr. ictus. anicr. ictus.
Voyez surtout le Hondo de cette senate. Le Presto qui letermine est une puremerveille. Remarquez que 1 accord final manque ;
il est remplace par un silence
surmonte d un point d orgue /^ qui equivaut a deux mesures. Ce n est pas une
phrase, une strophe decaudee, ce qui est frequent: c est la note finale de la So-
nate, de 1 oeuvre tout entiere qui est supprimee, sous-entendue !
30
Anacrouses et ictus latents sous-entendus on supprimes.
.uopiM. ]\fa:-vr/<a, op. 7, n 3.
La premiere anacrousc tombe sous la derniere note d un rythmc feminin.
au lieu de
3-i^ -t-U^ "^-^ -"-to-
-"-U^j
! *~-^ I
X 3 notes supprimtes sous-eutendue.-*.
CIIOPI.V. Mawrka, op. 63. n 3.
xx xxLes croix sous les silences indiquent qu il y a des notes supprimees, corres
pondent a 1 anacrouse et a 1 ictus du i" rythme.
Voyez aussi 1 exemple, page 27, de Chopin, Nocturne, Op. 55, n 1, dans
lequel il y a deux notes supprimees, sous-entendues.
Anacrouses bien ecrites et le plus souvent mal interpretees.
BEETHOVEX. Op. 10, n i. Finale.
II n est pas douteux que Beethoven a voulu et a cent une anacrouse inle-
grante, composee de cinq notes; enlerex-la, et il ne reste plus rien. Son indica
tion de la mesure a 2 temps par un$,, la lettre p, piano, qu il met sous la
irenote do, la liaison, le coutt sous les trois premieres noles, ne laissent aucua
doute sur son intention; car le coule enleve au si:, commengant le 2" temps,
la force, I accent qu il prendrait s il n etait pas eiichaine a la note precedenle.Beethoven a done ecrit des monopodies anacrousiques masculines, puisque les
. "mies sont composes d une mesure, I anacrouse ne comptant pas.
Mai^t-J. ^ela, souvent, trop souvent, nous avons entendu executer ce passage,meme par des niJfres de haute reputation, comme s il elait ecrit ainsi qu il
suit:
II est evident que I ceuvre de Beethoven, ainsi rendue, est denaturee, depoe-tisee
;cela donne des rythmes de deux mesures. Le si \ qui, dans ce cas, com
mence une mesure et un rythme prend alors la force double d un accent me-
31
trique el d un accout rythmique. En realite, Yiil initial peutetre supprime, niais
le role qu il joue a pour but d affaiblir la force du si ;, afm de mieux fairc
scntir la grace et la legerete de 1 anacrouse et de readre plus claire 1 idee musi-
cale. Si on donne de 1 accent an si ;, on bat machinalement la mesure a
2 temps ;de chaque mesure indiquee par Beethoven on en fait deux. Aussi 1 idee:
musicale est materialisee, alourclie; on lui enleve grace et sveltesse.
Oserions-nous demander si Beethoven a bien fait d ecrire celte phrase char-
mante dans la mesure a 2 temps, avec une blanche Jpour chaque temps, et si
cette mesure, indiquee par un (, fait bien ressortir 1 allure legere et aimable
de cette oeuvre? 11 nous semble que la mesure a 4/4 lui conviendrait mieux. Si
on bat la mesure a 2 temps indiquee par Beethoven, les mouvcments sont force-
ment un peu longs, energiques et nerveux, Failure de la rnusique s en ressent.
Au contraire, si Ton battait la mesure a 4 temps, les mouvements seraient plus
courts de moitie, plus legers, plus vifs, puisqu on ferait dans le meme espacede
temps 4 battements au lieu de deux. Exernple :
Prestissimo.
Ainsi, la force de 1 accent metrique diminue, 1 accent rythmique prend la pre
dominance et spiritualise 1 ceuvre, en lui imprimaut grace, elegance, poesie.
II en est de meme du Rondo de la Senate, Op. 49, n I, de Beethoven, ecrit
a 6/8 avec une anacrouse de 4 notes :
Nous avons mis une double croche pour la note finale du rythme, aux I10
, 2"
et 4e mesures.
Beethoven, pour les trois premiers rythmes de cette phrase, indique claire-
ment qu il veut une anacrouse composee de 4 croches. G est pourquoi il detache
la ire croche des anacrouses, des notes qui forment le 1" temps. II ecrit:
JVJT]_J5 iJ33 et non ^ JT5 J"7T JTI1
i Hj. Si on accentue la 2^ note
de chaque anacrouse, la inesure 6/8 indiquee par Beethoven disparait et fait
place a la inesure 3/8, ce qui engendre des rythmes composes de deux mesures
ayant une seule note pour anacrouse ! Et Beethoven exige des rythmes feminins
anacrousiques composes d une seule inesure. Done 1 idee de Beethoven est
faussee, materialisee, par la brutalite de 1 accent metrique, occasionne par 1 ac
cent qu on donne a la 2" note de chaque anacrouse. Helas ! c est ce qu on en-
tend le plus souvent dans 1 execulion de cette ceuvre si fine, si delicieuse.
3-2
Dans les 3 dernieres mesures de la -I "strophe, eomposee de IS mesures,
Beethoven ne detache plus la 3 croche cles groupes formant le lcr
temps. Aussi,
les anacrousesdisparaissentet font place a desrythmes thetiques energiques. Les
rythmes de la 2 9
strophe, en sol mineur, excepte le -1" et le 4 e
,sont thetiques :
In 3 croclie des groupes de notes formant le 1" temps n en est pas delachee.
Dans la 3" strophe, en si b majeur, les anacrouses comrneucent avec la 1"
note du 2 temps el soat formees par trois notes. II y a deux rythmes anacrousi-
ques d une mesure, lies a un rythme de deux rnesures par urie soudure de deux
notes: mi b, re, etc.
La 4 C
strophe, au contraire, est composee de deux rythmes anacrousiques de
trois notes, suivis de deux rythmes d une mesure.
Toute cette sonatine facile (?), qu on donne en general a des commencants,
est done composee d anacrouses et de rythmes varies. Certes, elle est d un as
pect simple; mais elle presente des difficultes tres grandes et exige de 1 execu-
taiit un sentiment exquis des rythmes et des anacrouses, une grande connais-
sance de Femploi Aes precedes d execution, facultes qui ne sont guerealaportee
des enfants ! Aussi est-elle massacree, le plus souvent, cette pauvre sonatine,
non pas seulement par les dehutants, mais aussi par les... maitres et les profes-
seurs.
Pour dormer une idee des difficultes qu elle offre au point de vue de 1 execu
tion, prenons la 1" mesure qui suit I anacrouse initiale. On y trouve six croches,
qui, a 1 exception des deux premieres, sont accompagnces d un point : J_J /J ^ J.
Eh bien ! chacune de ces notes exige un mouvement de la main d une ampleur
differente, une force d accentuation tout autre, d une delicatesse si incroyable
qu il serait difficile de la figurer (ce qu en tout cas il faudrait eviter). II s agit de
faire sentir, de faire saisir a 1 oreille hote initiale de I anacrouse, la note initiale
du temps et cellede la mesure, dont chacune exige un accent, une force autres.
En un mot, il faut que 1 oreille de 1 auditeur voie, pour ainsi dire, les notes
qui limitent les groupes formant mesure, temps et rythme. Essayons !
Selon nous, la premiere croche, le premier re devrait elre muni d un point,
le 2 e
,d une virgule , les notes sol et la finissant la mesure, d un point ;
ce qui
donne :
1. On sail que le point sar ou sous une note lui enleve la moitie de sa valeur; il remplace un
silence dont on profile pour lancer la main elastiquement, dite main morte, en 1 air. La virguleenltve i la note les trois quarts de sa valeur; elle remplace un silence plus long, dont on profile
pour lever la main plus haul. On la tient suspendue pour la relancer de toute la Lauteur. Evidem-
ment, 1 aiupleur du mouvement de la main depend de failure plus ou moins rapide du morceau.
Mais si, a la force que reroit, tine note pointer s ajoute la force double d un
accent melrique et rythmique, Yamj>leurflu mourement do la main doit etre
plus grande, afin que le choc produit soil plus fort; aussi avons-nous marque le si
do la i" et le do de la 2" mesure par un chevron - on v accompagne d une barre
horizontal. Cette barre( \ d apres II. Ilerz, qui, IP premier, en a fail usage,
indique que la note doit etrc frappee avec une certaine lonrdenr, par un mouve-
nient du bras: avant-bras, poignet, main et doigts ne doivent former qu imc
piece, sans articulation du poignet ni des doigts. La figuration exacte, la voici:
Tout cela rend rait la lecture fastidieuse et ne serait guere pratique. Aussi,
I execution est-elle le plus souvent abandonnee au sentiment, disons-le franche-
ment, a 1 arbitraire de I executant; car, dans aucune methode, on netrouvecles
indications suffisantes a ce sujel1
. La profusion des signes que nous employons
serait simplement ridicule, si Ton devait 1 appliquer a tont un morceau; nous les
employons simplement pour essayer de peindre ce que nous sentons et cc que
la raison nous dicte. Nous osons esperer que, lorsqu il nous aura hi et compri-s,
le lecteur produiva spontanemenl et sans le secours des siynes graphiques les
phenomenes que nous tachons de rendre visibles. Nous savons de reste que,
plus on met de signes, moins 1 eleve y fait attention. II n etait pas moins ntile
d attirer Fattention du lecteur snr les diJIicultes que peutoffrir Tceuvre en appa-
vence la plus facile.
La Sonatine dont nous venons d extraire cet exemple ne nous donne pas
line idee de la surhumaine inspiration qui anime les grandes ceuvres de Beetho
ven, rnais elle prouve, plus que toute autre de ses Senates, la sensibilite exqnise
de son sentiment du ry thine et des anacrouses, la finesse et la delicatesse excep-
tionnelles de sa technique an piano, la morbidesse de son louche. Peut-etre ses
critiques ct biographes ne seronl-ils plus aussi etonnes de trouver la Sonatine,
Op. 49, precedant immediatement sa grande Sonate Op. 53 !...
On nous accusera peut-elre d enlrer dans des details Irop minulieux, trop
subtils. Nous n ecrivons pas pour ceux auxquels Bulow a donne le nom si doux,
si poelique et si pictural de musicastres ; nous ecrivons pour des artistes, pour
ceux qui cherchent a aifiner le sentiment musical si susceptible de culture, de
perfectionnernent, comme toule aulre faculte dont Dieu a done I homme.
Combien de fois n avons-nous pas enlendu affirmer par des critiques ponti-
1. Nous avons publie dans la Vierteljahrschrift fiir die Musikwissenschaft, page 516, un
article concenuiiil les proceiles d execution.
A.NACROUSES- 3
- 34
fin ut que lei ou lei artiste jouail Beethoven, Chopin, Schumann, etc., dans la
perfection. Helas! nous les avons entendus, ces artistes, et constate que, pour
ineriler cette reputation, il leur iiianquait settlement 1 intelligence de la phrase,
la connaissance, Fintuition des promtis de mecuiiisme, e est-a-dire des moyens
techniques que la phrase exige pour reveler sa portee psychique, enfin, le senti
ment des rythmes et des anacrouses .
Les sujets que nous aliens aborder sunt les plus difficilcs de noire travail. 11s
exigent de 1 executant un ensemble de facultes qui sont le don rare de quelques
artistes de race : uu sentiment delical du rythme, un esprit d observation exercc
a 1 analyse, le don de la sagacite et du discernement. Helas ! nous sentons toute
noire impuissance pour fournir a 1 executant des regies precises, un guide sur,
qui puissent 1 aider a rendre certaines notes, certains groupes de notes, confor-
mement a 1 esprit et al intenlion qui aniraaient 1 auteur etalesfaire comprendre
a 1 auditeur. Nous devrions done abandonner ces sujets a des musicolo-
gues, clisons a des psychologues plus savants, plus competents que nous. Ajou-
tons que ce sont des cas rares ou 1 interpretation est livree, sinon a 1 arbi-
traire, du moins au gout, au sentiment personnel de I lnterprete. 11 n est done
pas etonnant que les plus grands artistes que nous ayons entendus aient dii-
fere totalement dans la rnaniere de rendre et d accentuer certains passages,
certains groupes, que nous allons examiner. Certes, nous le savons, le senti
ment, du rythme saisit dans une spontaneite infaillible 1 esprit vrai de 1 idee nui-
sicale contenue dans ces groupes, mais nous ne devons pas compler sar le
sentiment de 1 executant, noire etude ayant precisement pour but tie siyi/ileer j>a>
-
la raison aux defaillances da sentiment.
Ayons done recours a la logique et a 1 observalion: elles fmiront bien par
nous fournir quelques indices, quelques luinieres, qui puissent nous guider dans
ce labyrinths obscur.
1. Us ne jonaient meme pas en mesure. Us prenaient grand soin de faire coincider la note qui
suit un trait avec le coup qui marque la mesure ou le temps siiivnnts, mais ils iravaient auoun
souci de rendrc pour ainsi dire visible a I oreille, par une aceenluation claire, rationnelle, qui en
iasse comprendre la division, le fractionneraent, les notes fonnnni les groupes inlenncdiaires des
traits. Que de tois nous avons entendu massacrer la Fanlainie chromatique de Bach. la Sonalc,
op. 53, de Ueethoven, la Sonate en la ? de Weber, les Xoclurn.es dc Cliupin, eto., etc., par une
accentuation melrique fausse, detestable. Taiiiuonrineiirs doues d une dexterite, d une virtuosite
verliginenses, mais sans ame, sans expression, auxquels Liszt preferait justeinent 1 liabilete et le
clianne des pianos mecaniques . Le public, bon niouloii de Panurge, ii y entend goutte et n en
applaudit pas moins a oulrance! Et les critiques, faute d avoir la musique sous les yeux, n en sonl
guen! plus avanct s! Couibien doit-on se mefier dt; loute critique! Tout coinple rendu musical,
non base sur la connaissance du njtlnne, de Yanacrouse et des procedes d execution, n est
qu une (Buvrc d huaginatiou ct de fantaisie, siiion un aete d cxtreme bienvevllance ou de camaraderie.
Tout, d abord, comphUous les principes quo nous avons poses pages 6 et 7 :
1 Quoad il s agit de musique classiqm1
,il taut se conformer aux. indications
de 1 aulenr; done, si possible, se procurer les editions originates des oeuvres
de Bach, Mozart, Haydn, Beethoven, Weber. Dans Ic cas contraire, choisir les
editions qui out le moins subi les manipulations, nous n osmis pas dire les ou
trages dcs reviseurs.
2" Teuir comple de Vattraction que les notes exercent les lines sur les aulres,
du repos plus ou moins complet que la derniere note d un rylhme, d un groupe
de sons npporle a 1 oreillt:, en un mot tenir compte de la satisl action que la reso
lution d un accord dissonant apporte an sentiment.
3 Examiner si la contexture du rytlime qui suit eslascendanteou descendant
et s assurer s il renferme des notes, diezes ou bemols, qui puissent determiner des
modulations ou des changements de mode; ne pas oublier la force, Vaccelerando,
ou le rallentendo, qu une note considered comme anacrouse est susceptible
de communiquer an rytlime suivant.
4 L anacrouse doit se trouver dans la mesnrc a Ictf/uelle appartient la note
finale du njtltmc precedent. Elle doit etre einise par 1 aspiration du soulfle et
stdvie d une barre de mesitrc.
5 Generalement les anacrouses n ont pas d accontpagitemeiti propreet passent
sur celui qui accompagne les notes finales du rylhme precedent. Le plus sou-
vent, les anacrouses afiectent une allure plus legere et plus gracieuse que le
commencement des rythmes decapites qui, au contraire, orit une marche hesi-
lante, lourde, inquiele. Cette inquietude resulte de 1 absence du temps fort, de
1 ictus initial qui sert de point d appui a 1 arceau rythmique, ce qui engendre
une espece de suffocation1.
\. Les rylhmes decapites sont appeles par les inusiciens frangais : mesures d contre-temps.
Ce phenomene de suffocation etait si bien connii dt>s anciens theoriciens franfais, qu ils ont
donne le nom de soupir au silence qui se trouve a la place d une note au commencement d une
niesure contenant un rythrae thetii|ue. Malheureusement, ils out generalise cette epithete et I ont
appliqueea tous les silences remplacant des noires, croches, duubles-croches, etc. De la les noras
baroques d soupir, demi. quart, /iititiime de soupir, etc., deuouiinationsqui pourraient cunvenir
aux inorceaux con amore. Remarquez, en passant, combien, a partir de la croche, le signe du
silence est pictural; il indique la vuleur, la duree que la note aurail si elte etait presents.
Elle ttbsente, le signe est prive du son : done il indique seulenient un silence et non la louche a
frapper. Selon nous, on devrait dire : silence d une ronde, d une blanche, d une noire; employer
A autres signet pour le silence de la ronde et celui de la blanche el conserver pour la noire la
barre comrae unite de temps. Cette barrefractionnee rationnellement fournit a merveille le
signe du silence valant une croche, un demi ou un tiers de temps; une double croche, valant un
quart ou un sixieme de temps; une triple croche, valant un huitieme de temps, etc. Enlevez les
notes et vous aurez les silences qui leur correspondent :
n-- - - r - b^ C-- : Phn " -
. F n~n n j"t ........ " *** I I M etc.
6 La premiere note, d uu njtlnue decapile doit se trouver dans la mesure qni
suit edle oil ye truuue la note finale du njlkme precedent: elle doit elre emiso
immedialcmenl, aprcs I expiration du souffle et precedee d uue barre de mesure.
Les indices suivauts peuvent etre Ires utiles pour distinyuer les njlhmes ana-
crousiques des rythmes decapites. Chautez la phrase soumise a votre examenjlc
plus souvent si, instinctivement, vous la commencez par une aspiration, elle
sera anacrousique; si elle commence par une expiration, c est un rythme l/wti-
que decapite ayant pour ictus initial un silence. Ce simple fait peut aussi guider
le violouiste dans le choix de ses coups d archet et le joueur d instrumenta vent
dans remission du souffle. Bien entendu, ces indices ne sont pas absolus. Des
necessites propres a I instrument peuvent cxiger des modifications dans les coups
d archel aussi bien que dans remission du souffle. Enfin, in cauda te/Frequem-
ment c est la derniere note d une strophe qui fournit la clef du secret : Ires sou-
vent cette note sert a la fois A ictus final et de note initiate a cette strophe.
Voyez le Scherzo de la sonate en la b de Weber, YAlleyro de la senate, Op. 28,
de Beethoven, etc.
Guide par ces principes, nous allons risquor une repouse aux questions qui
vont suivre. Toutes les fois qu on nous offrira une solution meilleure, plus
rationnelle, nous 1 accepterons avec reconnaissance. Qu on n oublie pas que
c est pour la premiere fois que ce sujet si important, ame du rythme et de 1 in-
terpretation, comme disait Billow, est sournis a la meditation des musicians!
D ailleurs : Errare humanum est!
Des nialins, appeles par Biilow, musicaslres, nous out objecte bien des fois:
Votre theorie ne s applique qu au piano ! Non ! elle s applique a la musiqm!
Les rythmes et les anacrouses sont les memes, quel que soit 1 instrument quiles
interprete, comme la phrase grammaticale reste la meme, quelle que soit la
personne, homme, femme ou enfant qui la declame ! Ponctuation, inflexions,
accents, chaleur et mouvements de I ame restent identiques.
COMMENT PEUT-ON DISTINGUEK si une note, a la fin d un njtltme feminin, est
finale de ce rythme, ou si c est une soudure, ou enfin si elle est la note iniliale d une
anacrouse? Considered sous chacun de ces trois aspects, la note exigeum accen
tuation tout autre. Le cas est done d une tres grande importance ;car de cette
accentuation depend le sens de 1 idee musicals et la facilite de la comprendre!
Voici un exemple celebre, qui contient deux cas douteux. Que de fois n a-t-il
pas ete mis a la torture !
BEETHOVEN. Sonate, op. 13. Adagio.**
Si Beethoven avail ecrit comme suit :
le donle ne serail pas possible; cela fornierait un rythme thetique ferninin com
post de deux mesures : ce re ? serait sans force ni duree el devrail etre delica-
tement enchaine et enleve en meme temps que le mi ? qui le precede.
Mais, puisque Beethoven a mis ce re ? croche a la fin de la deuxieme mesure,
c est qu il ne vent pas qu on le premie pour note finale du rythme, ni comme
anacrouse et qu il le considere comme note d& passage, comme une espece de
soudure rythmique, ce qui lui enleve toute importance et produit un rythme ter-
mine sur le mi \> de la 4 1
mesure.
Considere comme anacrouse, il preadrait 1 accerit rythmique et imprimerait
aux notes suivanles de Felan et une force excessive; et cela d autant phis que
leur contexture esl ascendants et qu elles fonnent un monvement coniraire avec
la baste, le chant rnontant, la basse descendant, et que le rejj,
clans 1 accompa-
gnement, determine une modulation en mi \>. Ce re ?, considere comme ana
crouse, produirait le meme effel que le si \ double croche a la fin de la 2 me
sure de VAdagio de la sonale op. 2, n" 3, de Beethoven que nous avons cite page 9.
Le mi %de la 4e mesure de 1 Aclagio de 1 Op. 13 exige encore plus de reflexion.
Est-ce une anacrouse on une soudure? Car, comme note etrangere a 1 harmo-
nie, il ne peut elre note finale du rythme. II est certain que, considere comme
anacrouse, ce mi \ imprimerait a la fin de la strophe une vitesse qu il faut eviter.
Beethoven, le plus souvent, considere ces sortes de notes chromaliques comme
soudnres et les lie a la note precedente. Exemple:
BEETHOVEN. Senate, op. 10, n" 1. Adagio.
mII va sans dire que, si cette note chromatique a la fin d un rythme eslprecedee
d un silence, elle prend 1 accent d une anacrouse. Voyez Chopin, Noclunies,
Op. 32, ne
"l et2.
Cette note chromatique a la fin d un rythme est Ires frequente el accompa-
gnee lanlot par un crescendo, lanlot par un diminuendo.
JeJz
X. Romance sans paroles n"
x
AS
Voyez aiiss t les n* 9, 16, etc. Le "2* do\, croche, est-ce la fm des notes qui
precedent ou le commencement de celles qui suivent? lei, c estla necessitequi
va nous donncr la reponse. Evidemment, pour faire sonner cette note, il faut
lever le doigt, quitter la touche: aussitot un silence s intercale et la note, bon
gre, mal gre, prendra de la force et produira refTet d une anacrouse. Jl est
incroyable que Mendelssohn ait ecrit cette phrase a 4 temps. Dans toutes les me-
sures, 1 accent tombe sur le troisieme temps. Elle devrait etre ecrite comme suit :
Cela donne des rylhmes anacrousiquesde deuxmesures, c est-a-dire des dipo-
dies anacrousiques.
Pourquoi, chez Mendelssohn, ceLte persislance a ecrire dans une fausse me-
sure? Puisque les mesures a 2, a 3 et a 4 temps existent, pourquoi ne pas ecrire
chaque phrase dans celle qui convient a son rythme et qui rend 1 idee musicale
immediatement comprehensible? Et Mendelssohn a ete appele impeccable!
quand continuellemcnt il peche centre le rythme, cette troisieme personne de
la Trinite musicale, comme disait Billow, et cela, meme dans ses Fugues et Ora
torios !
CHOPIN. Koclurne, op. 15, n i.
-f- f F S< - 1
Evidemment, ce Nocturne devrail etre ecrit, au moins pour la main gauche,
a 9/8; il n y a pas une seule mesure qui ne contienne 9 croches a la basse. -
Le I" mi, dans la 6 mesure, que nous avons surmonte d une croix, est-il note
finale d un rythme feminin, ou note iniliale d une anacrouse? II ne pent etre
finale d un rylhme feminin, car // ne fait pas partie integrante de I accord si-re-
fa qui 1 accompagne. Comme anacrouse, il prendrait une force impulsive quine
repondrait nullement au caractere tranqidlle, simple, indique par Chopin.
Done, c est une note de passage, une soudure njthmique faible, et 1 accent
tombe sur le re qui suit, note iniliale d une anacrouse exceptionnelle.
CHOPIN. Nocturne, op. 32, n" i.
Jiu_
Les mi, dans les 2 9et 4 mesures, marques d une croix, sont-ce des notes
qui terminent des rythmes feminins, des soudures rythmiques ou des ana-
crouses ? Le mi, a la fin de la 2 e
mesure, etant suivi a peu pres par les memes
notes qui forraent la 1rn
mcsure, qui n est pas precedes d une anacrouse, et le
rythme suivant ne contenant ni dessin ascendant, ni modulation, nous le traite-
rons comme soudurc rytlnnique sans force, et cela d autant plus qu il ne peut
etre re-garde comme note finale d un rythme feminin, ne faisant pas partie de
1 accorcl fa-la-do qui 1 accornpagne. Le mi de la 4 mesure etant suivi d nn
rythme a dessin ascendant et contenant line modulation en ri; $, nous le regar-
derons comme anacrouse et le ferons preceder d nn petit silence; il imprimera
force et elan an rv thine snivant.*f
Oserions-nous le dire ? La premiere fuis quo nous avons entendu jouer ce
Nocturne, c etait par une eleve de Leschetizki; elle faisait des soudures partout.
Nous sentions, nouspressentions que le mi de la 4? mesure etait une anacrouse!
Notre sentiment ne nous a pas trompe; car, 13 mesures plus loin, Chopin sanc-
tionne notre impression en faisant preceder ce mi d un silence, qui lui imprimele role d anacrouse :
(Riu.ow) CRAMER. Etude n" 50.
Modulat. en ut miu. morlulat. on re raaj.
Biilow regarde les notes n;jf
et fa -J, croches dela 2 mesure, comme soudure;
selon nous ces deux notes forment une anacrouse. Combien nous regrettons
que eel excellent et illustre ami ne vive plus ! Comme il serait heureux de voir
achevee notre ccuvre, a laquelle il s interessait si vivement ! Lui, qui regardait
le rythme comme la troisieme personne de la Trinite musicale; lui, si terrible,
quand il s agissait de combattre les erreurs rythmiques, cause de toutes les
dillormites et defectuosites de 1 execution musicale,au lieu de se froisser,
nous temoignait la plus vive reconnaissance, quand nous lui signalions ce quenous croyions etre des fautes dans les editions des ceuvres qu il avail revisees,
lui, le maitre des maitres. Fait des plus curieux : dans son edition des Etudes
de Cramer, il numerote les mesures de 5 en 5 : 5, iO, 15, etc., sans s occupersi ces chiffres coincident avec la fin des periodes !....
1. Chose curieuse, en dehors de la logique musicale qui fait desirer au musicien le moins hien
doue line suite de notes comme pendant a une suite de notes entendues. une antithese a une
these, il existechez les artistes une faculte qui leur fait pressen ir et prevoir de loin certains fails
d une delicatesse, d une subtilite incroyables. Ht51as! les coiupositeurs modernes font tout au
nionde pour ne pas satisfaire ces desirs harmoniques et melodiqiies, qu ils remplacent par des
imprecus. des soubresauts sans tete ni queue. C est fort, c est malin, c cst riche et surtout pascomniun!... Ils traitent leurs auditeurs comme les maratres traitent leurs enfants; ils ont faim et
demandent du pain : une claque! Ils desirent, ces chers auditeurs, une note qui satisfasse leur
aitente et procure un rcpos a leur sentiment : un accord d une faussete, d une durete endiablee,
qui de>onte leur desir et leur logique, est applique to leur oreiile! C est beau et surtout pas banal!
- 40
Void deux exemplcs auxquels Rubinstein et Biilow, les deux plus grands
pianistes que nous ayons eu le bonheur d entendre et de connaitre personnellf-
nient, out donne urie interpretation toute differente, 1 une dicte"e par le senti
ment, 1 autre par le raisonnement, 1 ime subjective, I autre objective. Qui I aiinii!
cru? Biilow, 1 apntre du rythme, jouait comme suit :
CHOPIN. Ma-urka n 16. op. 24, n 3.
La phrase commence par une anacrouse qui persiste jiisqu a la fin. Des Je
2 e
rythme, Biilow abandonnait 1 anacrouse et regardait le do qui termine la
2e mesure comme note finale d un rythme feminin. Les trois rythmes suivants,
il les regardait comme theliques et y laissait dorniner Vaccent metriqne
Rubinstein, subjectif, fanlaisiste s il en fut, conservait 1 auacrouse initiale et
interpretait comme suit :
Biilow terminait les rythmes sur un accord parfait, Rubinstein, sur un accord
de 7ede dominante.
Dans la charmante phrase en re Me la Mazurka, op. 50, de Chopin, Biilow,
au contraire, traitait et accentuait la derniere note de chaque mesure commeanacrouse et faisait des rythmes d une mesure, des monopodies. Rubinstein
faisait des rythmes feminins ct laissait. AominerYaccent metriqne.
BilLOW.
llUBINSTEltl.
Biilow jouait comme 1 indiquent les coules superieurs, Rubinstein acoen-
tuait conformement aux coules inferieurs. Lequel de ces deux incomparablesartistes avail raison ? Tons les deux suivaient le precepte de Liszt : 11 ne faut
pusjoiier, il faut chanter du piano, plus que cela, il faut declamer ! Nous nous
souvenons de 1 enthousiasme avec lequel cette delicieuse Mazurka de Chopin,
interpreted par Biilow, dans un concert donne par lui a la salle Pleyel, a ete
accueillie, bissee, trissee;on 1 aurail entendue toute la nuit; la salle etait elec-
trisee, et cela a la fin du concert dans lequel il avail joue, entre aulres, les
Sonates de Beethoven, op. 31, n 3, et op. 53, avec cette impeccabilite qui le
- 41
caraclerisait. Nous etions a cote du professeur Deluborde, qui etait aussi en-
fievre que nous.
Cela prouve que les artistes out tort de se produire exclusivcmenl avec des
oeuvres de longue haleine ct de grande difficulte. Des perles melodiques, comme
les Ma/.urkas, les Preludes de Chopin, une foule de pages de Schumann, etc.,
interpretees par des artistes dignes de ce nom, prodnisent infmiment plus
d cfTet, ineme sur un public raffine.
Ces deux grands artistes differaient dans d autres oeuvres, par exempt dans
1 interpretation de V Alleyrello de la Sunate, o/i. 10, n n
5, de Beethoven; 1 un
laissail senlir 1 anacrouse de deux en deux mesures, 1 aulre laissait dominer
1 accent metrique.
A QUOI PEUT-ON RECONNAh RE ET DiSTiXGUER si un (jroupe de sons a la fin
d nn rylhme forme une anacrouse, ou si c est unc, soudnre d exclamation, on- si
ce son des notes de remplissacje ?
Generaleinent, les anacrouses ont une tendance plus forte a sincorporer
dans le njthme sidvant que les soudures declamatuires, dont le role est surtout
de jeter un dernier cri de I rime, -de servir de moyen de cohesion, de lien, pour
enchainer deux periodes, deux phrases, et pour donner aux differents membres
d une construction musicale toute Tunite desirable.
Cnoi i-\. j\ocliirne. oji. 37. n" I.
f.enlo.
(Voyez aussi, dans le meme iXocturne, la soudure en syncopes qui suit la note
linale du Trio en mi 7.) La basse, sous la derniere mesure de cet exemple,
indique que c est une soudnre d exclamation ou dedamatoire : soudure pathi-
/fque admirable, peignant d une rnaniere saisissante 1 explosion douloureuse,
le gemissement d un cceur oppresse. Supprimez-la et la phrase perd toute sa
merveilleuse beaute. La meme soudure se trouve dans le Nocturne, op. 62,
n 2, de Chopin. Mais, les plus belles qne nous commissions sont les suivantes :
CIIOPI.V. Marche fun&bre, trio.
^-^ -
Voici uu dernier exemple pour terminer ce paragraphe. Nous le declarons,
longtemps nous n y avons rien compris. Le deplacement des accents metriques
42
et rythrniques, racoon! do T de dominante de n- suv la 2e
moitiedu 1"
temps
de la -I" mcsure, revenanl a la fin de la 4" racsiire >0iw anacrouse, Ic,?/snr
1 avant-derniere note tie la 2 C mesure accompagne d un crescendo, les notes
formantrnnacrou.se initialc commencant sur la 2 nioitie du 2" temps, et, ; i la
<{ mesure, sur la 2" inoitie du -J" temps tout ccla irnprime a la phrase ua
caractere extremement desordonnJ el. lui etileve slabilite et equilibre; tout
cela nous paraissaitmorbide. Eli bien ! nous nous sommes trompe; c ost toul
simplement mi chef-d oeuvre de peinlure musicale, c est de la nuisique reul/xtc.
Si iv iis avions fait attention aux mots Rauschend und festUcli (qui v<;uli:nl
dire . ivresse et soleunite)mis en lete du morceau, nous aurions compris iln
premier coup ;mais nous avons cherche a cote.
15. SCHUMANN. beieUeltes. n" 5.
Ranschend mttl jrxtlirh (J lie)
5 tofj ^
j*
i - "I rr
TfFf
Selon nous, Un s i premieres notes la, la, si\r,
sol % ferment line anacroitse
motrice : supprime/ ces notes et faites comme suit :
le rythme conserve son identite, mais il perd de son elan. Quel role joue le f(t$
noire, syncope, 2" note de la 2" inesure, surmonte d un */? Nous n en savons
rien ! Ce fa % appartient-il au rythme qui precede on a celui qui suit ? Est-ce la
1. Traduisez ces mots par ivre et solennel . traduetion vraie ou fausse. et vous aurez in clef
de 1 interprfetation.
note initials d une soudure, d une anacrouse on la note finale masculinises,
syncopee, dii premier rythme ?
I! ne peut pas appartenir an rytliine suivant : Schumann, expressement, a lie
ensemble, coule le fa i: nigu et le mi\
et en accompagnant le fa % d un sf, il (lit
rl.iiremt iil qn il le veut fort, accentuc : done c est un rytlime syncope.
Mais, il y a encore une autre petite contradiction : sinon Schumann, du
moins son reviseur, edition Peters, met un cresc. - ==^_ du/izit, 2enote de
la 2 e
mesure, jusqu au mi a la fin de la mesure Selon nous, la force toinbe
sur le fa $ aigu, et le mi qui termine la mesure doit etre faible; c est une note
de passage de soudure. Nous arrivons a Ja 4 mesure; elle contient les notes
qui forment 1 anacrouse initiate; elles s y reproduisent, mais sur la 2" moitie du
i" temps, et elles sont terminees par le hi, qui est suivi d une anacrouse formee
par 1 accord parfait de. la. Un rythme ne peut avoir deux sortes d anacrouses;
done, ces notes forment une soudure ou bien elles sont la prolongation, la
feminisation du rythme precedent, comme nous en avons des exemples a
1 infmi.
CIIOPI.V. Polonaise, op. 40, n" I.
*JLJL__ -_ _P> . If .
Ces cinq dernieres notes ne sont ni soudure, ni anacrouse. : ce sont des notes
de remplisxage ; elles comblent le vide que produirait un silence prolonge; elles
sont produites par un instrument ou par une voix a part, qui n executait pas le
rythme precedent, dont ces notes ne font pas partie. Ces notes forment une
espece de pendant a 1 anacrouse. On pourrait les appeler poslcrouses; elles
jouent a la fin des phrases a pen pres le meme role que les anacrouses de bro-
derie au commencement des rvthmes :
Les auvres des grands Maitres sont remplies de ces sortes de postcrouses ou
bouche-trons, souvent de mauvais goflt dans les chants populaires.
L exemple de Schuninnn que nous venous de citer est extrernement remar-
quable; il nous semble qu il peint admirablement 1 etat d tui homnie ivre sor-
lant d un banquet, d un festin, so demarche chancelante, son manque d equi-
libre, ses gestes et exclamations a la Don Ouicholte, son sorameil agite, son rnal
de mer, occasionne par le tangage et le roulis des vagues montantes du vin,
ses hauls de occur jusqu a leurs dernieres consequences ! Schumann, tcs
ceuvres sont remplies de merveilles pareilles; que tu es grand, que tu es pro-
fond! Qui a jatnais plonge son regard jusqu a u fond de ta pensee ? Tu formes,
avec Bach, Haendel, Mozart, Haydn, Beethoven, Weber, Schubert et Wagnerune pleiade unique au monde, 1 incarnation pure du genie musical allemand, do
ses obscurites troublantes, desesperantes, de sa beaute eblouissante, fasciriante!
Anacrouses dont la note initiale sert de note finale de la periode
ou meme du morceau.
B.VCH. Prelude 6. clacecin bien tempere. 2 epartie.
Selon nous, la lre mesure forme une anacrouse. Kile revient comme soudure
a la 5C
mesure, dont le re, a la basse, est note finale d un rylhme masculin.
Les deux Preludes que nous allons analyser sont pour nous des mysteres. Us
semblent aller a I encontre de toutes les regies et principes que nous avons
poses. Pourtant, nous ne pouvons considerer un genie tel que Chopin comme
ignorant les principes de 1 art qu il cultivait avec uue superiorite aussi trans-
cendante. Done, si nous nous heurtons contre ses inspirations, si nos regies
sont en contradiction avec ce qu il ecnt, taut pis pour nos regies ! Un Chopinne pent se plier sous le joug des formulas d un malheureux tbeoricien.
Heureusement, ces contradictions ne sont qu apparentes. Chopin, quoi qu en
dise Schumann, ji est pas plus c frech (hardi) que Bach;et rien, dans nos
ref/les, next en contradiction avec les inspirations de ce dieu de la musique.Tachons done de soulever le voile qui couvre ces mysteres; examinons-les
sous toutes les faces et peut-etre finirons-nous par decouvrir quelque lumiere,
pour eclairer notre esprit et notre sentiment. D ailleurs, nous presentons notre
solution sans avoir la prevention de vouloir 1 imposer; qu on nous en donne une
meilleure, qui satisfasse mieux noire logique, et nous I acceplerons avec empres-sernent et reconnaissance.
45
. Prelude n It.
CHOPIN.
i
lu.i.NDWOiini.
RUBINSTEIN.
sans accouipagnenient.
teitafcrit
! Introduction. lot. ini;. kt. tiu.
CH,
K.
U J UjJ
L Jntruduction devient fiuale dup>
rioile.
CH.
K.
11.
r i r~ -J."
~-S !- v - Vornrit...
sSL==J2::
-*-** *_.- >=^^SE^^^^^^^^^^^^^-^ -- =- =- L rrfTPii:t. fin. ret. ict. initial.
\. Klimlwortli met un accent sur le do[;
cela pi-ouve qu il regardait cette note comme ana-
crouse, comme appartenant au rythme suivant. II aurait du en faire une croche separee; telle
(|u il 1 ecrit, c est une soudnre. L accent qu il ini-i sur le do^ contredit la maniere d ecrire qu il
emploie.
^ . ^
iutrud. tlevenaat thesis, an.icr. rit.
L nbsence d accompagnemeiit sous les deux premieres mesures laissemit
supposer que Chopin les considerail cornrae anacrouse. Or, comme chacune est
precedee d une barre de mesure, cette cireonstance leur retire le caractere
d anacrouse. Ces deux mesures forment une espece ^introduction, un point
d exclarnation, un appel ayant pour but d attirer 1 attentiou sur ce qui suit. Elles
sont analogues aux gestes et mouvcments que fait une personne qui bailie,
commencant par une aspiration et finissant par une trainee sur Texpiration. An
fond, elles ne sont pas absolument necessaires; cependant, si on les supprimait,
le morceau paraitrait manquer de tele et son debut provoquerait un certain
etonnernent .
Remarquez que, comme introduction, ces deux mesures pourraieut etre rem-
1. 11 faut done bien se garder du prendre pour anacrouses certaines notes, mesures et triiles
qui se trouvent partois en tele des morceaux : ce sont des inti eductions, des points d ejccluma-
tion, d interrogation, qui ont pour but de reveiller 1 atlenlion; ils ne font pas partie de la phraseet pourraient etre supprimes sans grand inconvenient. Examples : 1" mesure de 1 adagio de la
Sonate, op. 32, n" 2, de Beethoven; IPS deux accords en tele de I example cite de Brahms,
page 16, t le trille qui commence la false, op. 31, de Chopin, etc.
17
i*^ r* 1.1
placees p;ir line suite de / ; crochet *** *y ou>*, qui rempliraient le
ineme role d invitation, d incitatiun, do mise en train, que les deux premieres
mesures du prelude n 17, cite page 49. Plus que cela ! Supprime/ la ^ c me-
sure, gardcz seulement le [a j, blanche pointee, , ., doinirtunte de la gammcdans laquelle le Prelude est ecrit, il.est tellement impregne d attraction, d ap-
pellation, qu il sui firait a lui servir, sinon de tete, du moins <\ introduction :
c est la note finale du Prelude prise pour servir d introduction.
II est clair que le 1" rythme du Prelude commence au doifde la 3
e
mesure,
note qui coincide avec I entree de la basse. Ou finit la lre
periode ? Sur lc/
du 2 temps de la 6 mesure, car le mi + qui commence cette mesure, ue faisant
pas partie integrants de 1 accord qui Faccompagne, n est pas terminatif. Fait
cxtremement curieux : tout en etant me-mre finale de la 1 puriode, cette mesure
prend a nouveau le caractere appellatit qu elle avait au commencement ! Chopinaurait pu terminer celte periode de 1 une des manieres suivantes :
* ^i^-^f-g-Trl
^--,*--^-*n|-*^--1E etc.
La 2 1 mesure de I lotroduction joue done ici le double role de mesure finale
de periode et d introduction de la periode suivante; conime telle, elle satisfait
la raison et le sentiment, en imprimaut a la 5 mesure le caractere nettement
initial qu elle a deja donne a la [" mesure de la 1" periode.
La 2 r
periode se presente done correctement; elle se termine conime suit :
. r.__
Evidemment, la note finale de cette periode, c est le lcr
fa $ de sa derniere
mesure : fa x el soli forment une soudure et pourraient etre supprimes. [/inter
pretation de Rubinstein, que nous donnons plus loin, jette au contraire la note
finale surle sol%.
- Les 4 premiers rytlnnes de ce Prelude sont thetiqucs, et les periodes, com-
posees de 4 mesures, sauf la derniere, terminee par le/ajf J_blanche pointee, qui
n en cornptc que "3. Chopin a enleve a cette periode la 3" mesure qui se trouve
dans les periodes precedentes. Ce fa z, qui termine cette strophe sur la domi-
nanle, a plutot un sens smpensif (\\\Q terminatif : c est un point d interrogalion.
Remarquez que ce fa j, qui est note finale reelle du morceau, quoiqu il ait
un caractere suspensif, et la mesure qui le suit sont la reproduction exacte des
deux premieres mesures de ce Prelude. Chopin laisserait-il supposer qu il ait
[ intention de recommence/ ? S il 1 avait cue, il aurait evidemmentsupprime, lors
48
de la repetition, le / : initial, <.-l attaque par le mil de laL2" mesure ; mais il no
1 a pas fait,. Sentant que \zfa i de la 21 e mesure n est pas terminatil, qu il no
salisfaitpas le sentiment, il ajoute une Coda. Le icr
rylhme de cette Coda a pour
mesuri 1 iniliale la -2* mesure mise en tele du Prelude : ce rytlnne est thctiijne.
Les notes qui torment la 2" mesure do I introduction jouent done le triple role,
d introduction, de mesure finale de periude el de mesure initiate du ier
njlhnu;
de la Coda. Le 2 J
rylhme de la Coda commence, an contraire, par nne an;i-
crouse sur le 2 temps. Le reste s affalc sur une contexture de notes descendants
pour expirer, epnise, >ur la mediaiite, n ayant pas meme la force d atteiadiv la
totiique si.
Mais nous ne soinmes pas au bout de nos peines : Yappoffiature, on plulot
\ acciacaturu sur Je sol ;., note voisine aigue, qui finit le I" temps des 1*ct
2 mesures du rythrne, iniprime a ce sol une force qui annihile complelement
Vaccent melrique, qui tomberait sur le fa t au commencement du 2e
temps, cl
rejelte 1 accent sur la note suivante, la 2 e du temps; et cela cl autanl plus quo
cette seconde note est une repetition; elle ne pent otre frappee sans qu on quitle
le clavier, ce qui entraine un Uije,r silence et un accent sur la note qui le suit.
Tous ces phenomenes engendrent, pour le chant, une mesure d 3j4, avec 2 notes
par temps, tandis que la ba-$se conserve la mesure d 2 temps, avec 3 notes pat-
temps. II parait que les Grecs connaissaieut ce phenomena et lui donnaieiit le
nom de diuresis, ce qui vent dire a 1 encontre, dechirement, tiraillement . En
effet, notre ame, tiraillee, subit une espece d entrainernent en sens contraire.
Pretex 1 oreille au chant, et vous aurez la sensation nette d une mesure d 3 temps
avec 2 notes par temps; pretez, avec la meme attention, 1 oreille a 1 accompa-
gnement, et vous subirez la discipline d une mesure a 2 temps avec 3 notes par
temps. De cette Itttte de deux elements /tdteroyenes , il resulte une espece tie
lluide psychiqne, qui envahit notre ame et la remplil d un charme douloureux,
ineffable, auquel elle s abandonne d une maniere inconsciente, extatique, plon-
gee comme dans une sorte de vapeur etheree, divine.
Cette sensation, nous 1 avons eprouvee quand Rubinstein el Biilow inter-
pretaient cc Am Abend , de Schumann, .\lalhenreusement, 1 interpretation de
Rubinstein est rarement irnitee. 11 n y a pas lougtemps que nous avons entendu
un pianiste grandissime, qui, nialgre rinstruction que Clara Schumann donne
de ce morceau dan? ( edition de Breilkopf et Ha rtel, et malgre la inesure 2/8
indiquee par Schumann lui-meme, jouait cette merveille d un bout a 1 autre a
3/4. II disloquait meme les groupes contenant 3 notes, dans la soudure en re b
qui succede a la phrase en mi, et cela aux applaudissements freneliques des
auditeurs qui entendent avec les yeux et sont sourds d oreille et d esprit !
Klindworth, dans son admirable et savante edition des teuvres de Chopin, si
- 49 -recommandee par Billow, nous p avail aussi etre dans Kerrem* en cc qui con-
cerne ce prelude : parlout, excepte sur Ics notes qui fonnent la 2" mcsure de
introduction, il fait sentir la mesure a 3 temps, avec 2 notes par temps. Nous
croyons qiicn dehors des mcsures qui conliennent des notes roisincs digue,*, la
mesure 6/8 doit imposer son accentuation de 3 en 3 notes par temps, et cela
d autaut plus que Chopin, a la 12 e
mesure, nous invite lui-meme a accentuer
ainsi, en ecrivant une appoginlure stir la 1" note du 2 e
temps. II est vrai, 1 ac-
centuation de Kl hidworth est plus scienlifique. N importe !
Ici, nous devons rapporter un fait personnel : Rubinstein, incarnation du
sentiment rythmique etpathetique, executait instinctivement ce Prelude comnie
s il etait ecrit a 3/8. Quand nous lui en fimes la remarque, il nous regards avec
des yeux ^tonnes et, en nous tendant la main, il ajouta : <r Yous avez raison !
Certes, nous avions raison ! Jouez ce Prelude a 6/8, comme il est ecrit, et vous
constaterez que chaque mesure forme un rythme : ce sont des monopodies
Mais, faites attention ! En jouant ainsi, Y ictus final tombe sur le temps Icve, ce
qui est faux. A 3/8, au contraire, cet ictus lombe sur la thesis de la 2 mesure,
ce qui donne des dipodies :
Le 1" fa% de la 2" mesure, quoique ictus final du rythme, perd de sa force et
de sa duree parce qu il esl precede d une note voisine aigue et suivi d une repe
tition, qui prend un accent d incise.
Nous avons fait notre possible pour expliquer et legitimer interpretation de
Klindworlh et de Rubinstein, et meme la facture du Prelude de Chopin. Evi-
demment, c est 1 ceuvre d une esthetique, d une ecole nouvelle, d un genie mala-
dif, qui ne peut etre completement goulee et appreciee que par des musiciens
arrives a un haul degre de culture du sentiment rythmique, natif ou acquis par
1 etude approfondie, ou par une perseverante pratique de la musique.
CHOPI.N. Prelude n 17.
KLI.VDWORTII
"*"- 1-*-- -P"*"*-*--*"*- f f f f f f *-- * V
L_J LLJ LU L_J uU UU u MJp ===
-
;;==_ ctolce
Introduction rvthuio ft-inlnin
aa.icronaeU UJ
IctusAKACROUSES.
50
K. |=|$fc=i^^^E
*-f-*?2*-* T-y^xppfe^i^*.^=^==^F=^J^^
K.
ygr^, -^^-> ^-^-^=^bfcg=^
K.
U uj u
ryth. thetique masc.
R. :
= -/ r r ff +*
? *++ +.+.+7-<&?3rj&t:U rail.
.-/
LJict. iuit. ict. fin.
K.
ellipse,ict. fin. et initLal.
UNIVERSITE DE MONTREAL
Musique Bibliotiiequa
51
K.
&~ t fp f ~~-^i~^ f~f f*
i* ^r~^ri*~!/ rl_J ,.// "H _J
K.
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1. Rubinstein suppritnait ces deux temps.
53 -
jtSLu-J., -^ lJ=?5r?3$^^^^p&^&Jiig^ggf^^^- *. _/ -j I: _. ^ i_ - J (f LT_ , f i 1
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|_
Ce Prelude aussi, nous 1 avons entendu jouer difFeremment par Biilow et par
Rubinstein. Gommence-t-il reellement, comme il sernble, par un rythme dccapite?
L absencc de melodic et d accompagnement, clans les deux premieres mesures,
ne laisse aucun doute a cet egard, car 1 accord de quarte etsixte plaque qu elles
contiennent ne peut etre considers comme un veritable accompagnement, mais
simplement comme moyen pour reveiller 1 attention et pour affirmer la mesure
et la tonalite. Un seul accord plaque, de grande valeur. remplirait le meme role,
mais ne ferait pas sentir du premier coup la mesure.
La basse veritable commence avec le chant, a la 3 mesure. Ce qui deroute,
c est le re\> qui commence cette 3" mesure et qui a 1 air de servir Rictus initial
au ler
rythme. Chopin, en le groupant avec les notes qui forment le chant sous
la barre-temps J~"^ J"7"3>
la queue en 1 air, ne semble pas le considerer comme
appartenant simplement a 1 accompagnement, mais vouloir aussi lui imprimer le
caractere de note initiale du rythme, ce qui en ferait un rythme thetique. Klincl-
worth, en mettant au commencement de ce 1" rvthrne un sol, prolongs sur le
2 e
temps (nous ne savons pas pourquoi, d autant plus qu il ne le fait que pour le
1" rythme), augmente encore le caractere thetique de ce rythme; car, malgre le
silence qu il met au-dessus, ce sol, dans la partie du soprano, produira sur
1 auditeur I effet d un ictus. - - A partir du 2" rythme, tous les rythmes qui
composent la 1" phrase, jusqu a la 19 e
mesure, sont decapites par hi prolonga
tion de la note finale du rythme precedent sur I ictus suivant. Chopin nous
parait avoir raison quand il indique la mesure a 6; 8 ;mais il a cu tort de ne
pas la remplacer par une mesure a 12/8 a partir de la 27 mesure jusqu a la
35,
etc.
C est sous la discipline de rythmes decapites que Biilow executait ce Prelude.
Rubinstein, au contraire, imprimait au 1" rythme le caractere d anacrouse; il
ne jouait que la 2 mesure de I introduction et regardait comme ecrit a 12/8 le
commencement du Prelude.
Ouvrons ici une parenthese. A la 6" mesure des lextes de Chopin et de
Klindworth, il y a un accent sur le ml v et le fa. Ce fa est-il la note finale
54
d un njtlnne fiminin wasmlinise ou est-ce une anacrouse servant Xictus anli-
cipdl ?En tout cas, Rubinstein le considerait comme un rythmefeminin mascu
linise, puisqu il traitait la mesure suivante comme anacrouse; Chopin et Klmd-
wortlt eux-memes semblent lui donner raison, car, a la derniere reprise du
theme initial, ils n accentuent et ne prolongent plus ce fa.
Revenons a Rubinstein. II jouait ce Prelude sous la discipline de la mesure
12/8, comme nous 1 avons deja dit, jusqu a la 19< mesure, ou les rythmes devien-
nent thetiques. Mais, aftn d eviter une mesure incomplete, \\ changcait de mesure
deja a la 18". A partir de In, il subissait le joug de la mesure a 6/8 jusqu a la
27 mesure ; puis, durant 8 mesures du texte original, il jouait a 12/8, puis de
nouveau a 6/8 jusqu a la 35" mesure ;en un mot, il changeait la mesure indiquce
quand elle ne repondait plus a la contexture des njlhmcs. C est ainsi qu il altt-r-
nait les mesures 6/8 et 12/8 jusqu a la fin.
II est certain que 1 execution de Rubinstein imprimait a ce Prelude une svel-
tesse, une elegance extraordinaire*; en un mot, une expression delicieuse, d un
caractere chantant, qui manquait a 1 execution correcte, mais moins poetique de
Biilow. Rubinstein, subject if, charmait;Bulow,ofy ectf/, instruisait; fun sentait,
1 autre raisonnait, disent les critiques. Nous sommes en contradiction avec
1 opinion qu on a generalement de Rubinstein. Certes, il avail un sentiment du
rythme et de 1 accent pathetique d une exquise delicatesse. Mais nous savons
aussi qu il apportait a 1 etude des ceuvres qu il executait un soin raisonne tres
minutieux. II ne livrait rien au hasard de 1 execution: il se rendait compte de
toutes les incitations que subissait son sentiment. Ce qui a peut-etre porte
Rubinstein a considerer In 1" mesure du chant comme anacrouse, c est Vac-
cord de l e de dominante dont elle est accompagnee; car cet accord imprime
au commencement des phrases un caractere ^aspiration, d elan et non d ex-
piralion, de repos.
Faisoas encore quelques remarques. Les deux premieres periodes de ce
Prelude sont composees de hull mesures a 6/8; la 3% qui commence au sol%,
en contient neuf, c est-a-dire un nombre impair...
Pourquoi?Parce qu a la 6e mesure de cette periode, il y a une ellipse ou
suppression d une mesure, c est-a-dire contraction de 2 mesures en une
seule. Le sol $, note initiate de cette mesure, est en merne temps note finale du
rythme precedent. II coincide avec la 1" note de la progression chroma lique
descendante qui se trouve aux 6, 7 eet 8" mesures de cette periode. La 8 et
avant-derniere mesure contient des elements essentiellement pathetiques : le
1" temps, exceptionnellement, contient 3 notes; il s y determine en outre une
1. Voyez page 27.
modulation ea mi majciir, elements qui jettent sur la fin de cette phrase une
tres grande sonorite, accompagnee d un rallcnlcndo.
Rcmarqnons enfin 1 analogie qui existe entre la fin de ce Prelude et celle du
n 1 1 : la note finale dn Prelude que nous venons d analyser sc trouve sur la
tonique, a la 12" mesure de la derniere periode; ensuite vient la Coda, que
Chopin a sentie indispensable ;elle aussi expire, languissante, sur la mcdiante,
sur un accord de quarte et sixte, qui a 1 air de s enchainer a la \" mesure du
chant...
WEBER. Minuetto capriccioso presto assai de la Sonate en la 7, Op. 39.
Quel est le violoniste qui, de prime abord, altaquerait le la\> aigu par un
poussp, 1 anacrouse ne lui sautantpas aux yeux?
Nous n allons pas fatiguer nos lecteurs par une analyse trop detaillee, trop
minutieuse de cet exemple. L interpretation que nous en donnons, c est Plante
qui nous 1 a reveleejil la tenait lui-meme de Liszt. Neanmoins, nous allons
chercher a la legitimer et a en donner brievement 1 explication. Rappelons seule-
ment: 1 qu m temps dans un mouvement lent produit le meme effet qu une
mesure dans un mouvement rapide et vice versa (Voyez page XI et Traite de
I Expression, page 16); 2J
que la note finale d un rythme et la note initiate de
1 anacrouse du rythme suivant doivent se trouver dans la meme mesure (Voyez
page 35); 3 in Cauda lux!
Maintenant, chantez ce Scherzo; battex la mesure indiquee a 3/4 et vous verrez
qu il n en resulte qu un tapotage vide de sens: instinctivement vous reunirez les
3 noires de chaque mesure dans un seul mouvement de la main, c est-a-dire
que vous transformerez les mesures en temps. Quelle mesure cela nous donnera-
t-il?Ce sont les ictus qui vont nous 1 indiquer.
Quelle est la note initiate du \" rythme? C est le 5 re 7 noire J. Les 4 pre
miers rei>ne font pas partie du 1" rythme ;
on pourrait meme les supprimer si
la strophe n etait pas repitee; mais le let
re ?, qui pourrait bien remplir toute
la mesure, est une ellipse; il sert de note finale a la soudure, a la fin de la stro
phe, en meme temps que de note initiale au morceau. Ces 4 re 7 jouent un role
analogue a celui des 3 re noires de VAllegro de la Sonate Op. 28 de Beethoven :
ce sont des notes d introduction, d exclamation comme 1 accord qui se trouve en
tele de 1 exemple de Brahms, page i 6 et les notes qui commencent le i7 Prelude
56
de Chopin, page 49. Oil se irouve V ictus final de ce 1" rythme? C est le mi ?
blanche Jde la 5" mesure. Combien y a-t-il dc mesures en Ire cet ictus et la note
initiale du rythme? Quatrc. Done, cela formera une mesure a 4 temps.
Afin de rendre 1 ecriture plus lisible, plus synoptique, nous allons remplacer
les noires du texte original par des croches : nous obtieudrons, jusqu a 1 ictus
iinal mi v, 4 groupes de 3 croches, autrement clit une mesure a 15/8.
A 6/8, 1 anacrouse sauterait aux yeux; mais nous aurions une perturbation a
la [[ mesure du texte original, un vide d une mesure. Avec 12/8, au contraire,
tout devient clair, comprehensible ;1 ide e musicale se degage, frappe les yeux
et le sentiment. Le tout nous offre des monopodies anacrousiques feminities
masculinisees syncopees*. Eh bien! sur le violon, ces anacrouses doivent etre
attaquees par un pousse de 1 archet.
r rythme, fen), niasc. * rvthmp.
Note initiaJe, ictus anacroase.final ct note elliptique.
3* rythrae, fern.
ictus svucope. auacrorue.final.
4eryttxrae, fern. 5C rythme,
ictus final. anacr. ictus,
fera. 6C rythme, fein. masc.
auacr. ictus, (i ) anacr. trillee.
7 e rythmo, fim. S erj thme,
syncope, anacr. ictus. anacr. ictus, syncope, aaacr.
masc. feminise. Qe rythme, fern, mase. I0e rytUme, fein. nasc. 11 rythme,
"ff-XV4 ->- -L ~^-
JW /-^T" ZvT" ~
i ^~"c; c ^^^h^^-pv^r *~~^*"^5*~^7 -u -t" ^-H : .
&S3E=^= = =-S-^===t=^^-^l::^^~~ =
ictus. aaacr. letus. syncope. anacr. ictus. syncope, anacr. trillcc.
1. Evidemment, cette enonciation est Lien longue. II faudrait trouver une serneiologie plus
rationnellc, plus courte, analogue a celle dunt on se sert en cliirnie, pour enoncer brievement la
forme, la longueur et les caracteres des diflferents rythmes. Rn attendant, celte enonciation est
necessaire pour se former une image nette, complete, de la forme de ce rythme.
2. La syncope, non prectdte d un silence, d la Jin d un rythme, n est pas forte, n est pasaccentuee
;c est une simple prolongation de la note finale, afin d eviter un trop long silence.
Voyez 22% 23% 24% 25", 2G",27 et 28 mesures dans le Presto de la sonate Op. 27, n 2, de
Beethoven.
57
12 erythine, f-Jm. ma.sc.
ictus. syncopo. anuc.r. ictus. floudurc.
Nous savous que 1 anacrouse, comine nombre metrique, apparticnt a la
mesure dans laqitelle elle se trouve et non a la mesure qui suit. Voyez page 2.
Dans la mesure a -12/8, 1 anacrouse, du 3" rythrae de ces Minuctto, saule aux
yeux; de meme, on voit instanlanement que le 1" rythme est anacrousique et
non dt capitc: car il commence an 2 etiers du 2* temps. C est un rythme feroinin,
rendu fort par la syncope.
Le 2 e
rythme est la reproduction exacte du ler
,un ton plus haut; c est un
rythme masculin; son ictus final est suivi d un silence, qui vaut 1 temps, auquel
succede 1 anacrouse du jythrne suivanl: ce fait sufn rait pour prouver que la
mesure 6/8 serait fausse in Cauda lux et que la mesure a 12/8 s impose.
Les 2 premiers rythmes forment une espece de phrase interrogative, formulee
par un vieux grognon ;le 2e
rythme est la transposition du 1" a la secoude
superieure; c est une espece de recrudescence dans le grognement, a laquelle
repond le theme proprement clit, qui commence a 1 anacrouse, sur le /> aigu,
4e
temps du 2 e
rythme. Ce theme forme une periode de quatre rythmes syncopesa 12/8. La note finale de la l
ro
periode, en se prolongeant sur le 2 e
temps,
usurpe la place des 3 premieres notes de 1 anacrouse, qui cette fois ne com
mence que sur le 2etiers du 3 P
temps.
La soudure qui suit le la (, note finale du dernier rythme de la strophe, se
resout, comme nous 1 avons deja dit, sur le re 7 qui commence ce Minuetto.
Beethoven, Allegro, Op. 28, met la note finale de la soudttrc qui terrnine la
lre
volta, immediatement apres la soudure et renvoie a la 2 e mesure en tele de
1 Allegro. Weber renvoie la note finale de la soudure, qui suit le la 7, note
finale de la slrophe, an premier re\>de la premiere mesure du Minuetto; il
aurait pu aussi bien renvoyer a 1 ictus final du 2e
rythme. Le tout produit des
rythmes anacrousiques syncopes de ] mesure a 12/8. Le 2a
rythme seul est
masculin. La lre
volta termine en la\> majeur: ce n est qu une fin suspensive.
Pour terminer d une maniere definitive, la phrase a besoin de la tonique ini-
tiale re\>: done les notes qui suivent le la\>,
dans la derniere mesure, forment
une espece de soudure codalc, qui ramene a la tonique re y. La fin de la strophe,
apres la 2 e
volta, est enchainee au commencement du Scherzo.
Telle est 1 explication que nous donnons de cette inerveille musicale.
II nous semble inutile de donner d autres exemples. Les cas sont innombra-
bles. Nous sornmes d ailleurs convaincu que celui qui aura etudie notre travail
- 58
et s en sera bicn penetre ne se heurtera a aucune difficulte insurmontnble, c/
cherchanta serendre compte des diffcrcnts pMnomenes rythmiques qu il rencon-
trera sur son cliemin. II aura pleine et entiere conscience de ses agissenients ;
sa curioslte sera stimulee, et grande sa jouissance de faire chaque jour des decoa-
vertes nouvelles. II sera penetre d adrairatioa pour la puissance creatrice du
sentiment musical, qui saisit spontanement les phenomenes les plus subtils el
les plus complexes. Son admiration pour les genies dont il cherche a comprendre
les ceuvres n en sera que plus grande. II sera convaincu aussi des difficulty s
immenses que les compositeurs rencontrent souvent dans la realisation de leurs
conceptions.il n y a pas longtemps quelecelebrecompositeurnorvegien Sindiug
nous a avoue, avec une franchise charmante : Composer n est rien, mais ecrii-e
dans la mesure qui rend exactement ce qu on a concu, c est difficile ! Oui,
c est difficile ! Quand nous etudions les dernieres senates de Beethoven, cer-
taines oeuvres de Schumann, de Chopin, etc., en voyantl accumulation des notes
sur une seule portee generate de 11 lignes, la complexite de leurs roles, la mul-
tiplicite des parties; quand nous pensons aux efforts de reflexion, de science, de
genie qu il a fallu pour peindre, pour realiser sur le papier les inspirations, les
evolutions psychiques qui se deroulaient dans leur imagination creatrice, nous
sommes confondus, saisis d etonnement et d admiration pour la puissance intui
tive du sentiment, appele par Linne le 6" sens, le sens divin, et qu on pourrait
appeler la vision de 1 invisible,les rayons X de notre etre psychique.
En verite, il nous semble que celui qui a conscience des phenomenes eton-
nants que nous venons de passer en revue doit eprouver des sensations plus
in tenses, des jouissances esthetiques et intellectuelles plus profondes, que celui
qui compose ou joue simplement par instinct, sans s en rendre compte.C est notre recompense et notre bonheur, apres avoir consacr quarante ans a
1 etude du rythme, tie comprendre les oeuvres des maitres et d avoir 1 espoir de
pouvoir contribuer a les faire comprendre aux autres.
Nous donnons, pour terminer, une lisle de morceaux sur lesquels le lecteur
pourra exercer sa sagacite et son esprit de discernement. Qu il n oublie pas quela mesure indiquee en tete n est pas immuable, qu elle change, au contraire,
souvent, comme nous 1 avons vu dans 1 exemple de Mendelssohn, page 22, et
dans le Prelude 17 de Chopin. De plus, tres souvent, les formes des rytlunes
changent; des njtlimes anacrousiques font place a des rythmes thetiques et vice
versa. Evidemment, quand la contexture rythmique change, la mesure aussi
doit changer.
PROBLEMES
Mozart. Sonale en la maj., Minuelto. La 5 mesure, sans accompagnement,
est-ce une anacrouse ou le commencement d un rythnie thctique? La lcc me
sure de la 2 e
phrase, en si min., est-ce le commencement d un rythme thetique
ou une anacrouse? Phrasez, ponctuez ce Mtnuelto!... Examinez si la mesure
indiquee est bonne ou non, voyez Finegale longueur des periodes et leur irregu
lar! te.
Mozart. 1" Sonale en re (Edition Peters). Le l"
r
accord, est-ce une excla
mation ou la note initiate du \" rythme? Ce qui est certain, c est que le fat a la
4e mesure est note finale de la 1" periode; Ie3 e etle4e
temps qui suivent forment
anacrouse: done les 3 et 4* temps de la 1" mesure doivent etre regardes aussi
comme anacrouse. Le re de la 7e mesure est ellipse, note finale d un rythme et
note initiale du rythme suivant. Divin Mozart! si nos jeunes et savants composi-
leurs modernes etudiaient seulement tes Sonnies au point de vne du rythme et
de 1 anacrouse, ils ne les mettraient pas au rancart...
Beethoven. Sonafe pathetique, Adagio, derniere mesure de lasoudure qui
precede la rentree du theme primitif :
:fcfr *
-2=^ frjf ff^ 3 t^r^? ~^~l
.
Le dernier re best-il aaacrouse ou note finale d un rythme feminin? Ne devrait-
il pas plutot se trouver au commencement du 3e
temps, sur le silence de la
basse? Billow 1 affirmait.
Allegro motto de la meme sonate. Pourquoi Beethoven a-t-il intercale les me-
sures 39, 40 et 41 qui ne sont pas absolument necessaires?L /l//^rotout entier
ne devrait-il pas etre ecrit a 4 lemps, en reunissant 2 mesures en une? A4 temps, les anacrouses deviennent d une puissance pathetique extraordinaire.
Chopin.- - Prelude n" 15. Pourquoi la 19 mesure? Prelude n 25. -
i" Nocturne. Est-il bien anacrousique, et jusqu a quelle mesure? Nocturnes,
Op. 32, 2, Op. 62, n" 1.
60
Schumann. -- Etude symphonique, OIL 13, ire
variation. Quel role doubl.
triple, jouent les deux croches sol ;, fa if, reinplacant a la fin de la 40 mesui t
4 doubles croches? Sont-elles notes finales d ua rylhme fcminin, anacrouse ov
soudure?
Ouand on aura analyse ces morceaux, il nous semble que la curiosite de no*
lecteurs sera assez eveillee, et leur esprit d observation sufllsamment exerc
pour leur permettre d aborder avec profit 1 etude rythmique de n importe queHi
ceuvre musicale.
Le lecteur a du etre frappe des nombreux changements de mesure que nou?
avons operes durant notre Etude. Peut-etre merne croit-il que nous avons misdf
la passion a critiquer des corapositeurs qu ils aimcnt et admirent a juste litre.
Loin de nous cette pensee ! Nous le repetons: la gloire de ces maitres est au
dessus de nos critiques ;ils ont ete victimes de theories fausses. De plus, les lois
sur lesquelles la concordance entre la mesure et le rythme est basee n existaienl
pas : or, si nul ri est cense ignorer la loi, il faut au moins qu elle existe; malheu-
reusement, ces lois n orit ete formulees pour la premiere fois que dans le TrailL
du Rijthme musical que nous avons public en 1883. Tous les grands musiciem*
les sentaient, mais ils ne savaient pas I importance que la formule metriqiie
employee cxerce sur notre entendemenl et sur la comprehension de I idee musi
cale: c est pourquoi leur maniere d ecrire est si souvent en contradiction avec
leur sentiment. Les plus grands compositeurs auxquels nous avons fait des obser
vations a ce sujet, nous repondaient invariablement : Vous avez raison! nous
n avons pas pense a cela. C est qu ils n en sentaient pas le besoin; leur senti
ment, avec une spontaneite fulgurante, leur faisait saisir et comprendre I idee,
le sens spirituel de leur inspiration, meme Iravestie sous unfatix veternent. Mais,
pour le commun des mortels, prives du sentiment musical, cette intuition
divine, c est autre chose: ceux-la ont besoin qu on mette pour eux la lumiere
dans la lanterne.
C est done pour obvier a ces inconvenients et pour reagir contre ces erreurs
que nous ajoutons a notre travail sur 1 Anacrouse le chapitre de la Concordance
entre la mesure et le rythme, avec le desir que les principes qu il renferme pen >
trent partout ou Ton s occupe de musique, enparticulier dans les Conservatoires
et Ecoles. Nous regardons ce chapitre comme le plus important et le plus utile
de nos travaux didactiques. II est indispensable pour comprendre les autres.
La fausse idee, repandue partout, que le 3e
temps de la mesure est fort, qu il
y a des mesures fortes et des mesures faibles, qu il y a identite entre les mesures
a Set a 4 temps, a eu des consequences si desastreuses, qu on ne sauraitjamais
Irop les combattre.
61
Helas! il ne suffit pas de lire ce petit travail; il faut que le lecteur s en assi-
mile Ics priiiripes ; il faut qu il en soil sature; il faut, comme disait notre
regrette ami, Victor Wilder, qu ils circulent en nous avec les globules de notre
sang. Gombien de fois n avons-nous pas eu le regret de constaler que des com-
positeurs, des eltives, des amis, enthousiastes de nos travaux, ecrivaient dans
une fausse mesure apres comaie avant nous avoir lu;cc qui nous inspirait les
doutes les plus serieux sur rulilite et 1 efficacite de notre cnseignement : quandle sentiment se tail, 1 appel au cerveau est bien peu efficace. Brillat-Savarin a
dit : On nait rotisseur, on devient cuisinier! D Boileau plus poetiqnement a
dit : On nait poete,on devient versificaleur! I/attention est le reveil de Fame!
Done, lecteur, pretez toute volre attention an petit travail, par lequel nous
terminons cette fitude, ecoutez ce que vous jouez, analysez vos impressions et
sensations, puis appliquez les regies.
CONCORDANCE
ENTRE LA FISSURE ET LE. RYTHME
Le rythme est 1 agent, le vehicule au moyen duquel la musique penelre
dans notre entendement. C est le rythme qui transforme une suite de sons
ft sans lien logique, en une entile esthetique et en fait une idee musicale, ua
element intelligible, transportant ainsi cette succession de notes tin domaine
purement sensorial dans celui de 1 intelligence : c esl lui qui spiritualise la
musique.
Voila les affirmations qu on attribue aux Grecs, nos maitres dans les Beaux-
Arts. Que les Grecs aient tenu ce langage, le fait nous importe peu : nous
1 acceptons pour vrai. A nous de le prouver. A notre tour, nous affirmons que
c est Vaccentuation rythmiqite qui rend la musique intelligible et jette la lumiere
inlcllecluelle sur une suite de sons. Sans accentuation, rythmique rationnelle,
conforme au sens spontane resultant des attractions qu exercent les sons d un
groupe les uns sur les autres, sans mise en relief, au moyen de sons plus forts,
des elements constitutifs de la musique, la succession des notes reste inintelli-
gible, depourvue de sens. Le tableau musical ressemble alors a une palette chargee
de couleur, mais qui n offre aux regards aucune composition, aucune idee. Une
telle musique peut chatouiller les oreilles, mais ne peut rien dire ni au cceur, ni
a 1 esprit. C est 1 air, entendons-nous, c est 1 accent qui fait la chanson ! Oui,
c est 1 accentuation qui met en relief le sens d une serie de sons, comme elle
fixe le sens des mots, des propositions, des phrases grammaticales. Plus celte
accentuation est naturelle, calquee sur 1 attraction, 1 action et la reaction mu-
tuelles des notes, sur le sentiment qu elles sont susceptibles d exprimer, plus
le sens devient lumineux, accessible a 1 intelligence. Plus 1 accentuation s eloi-
gne de cette pensee, plus le sens devient obscur, inaccessible a I esprit. Or, la
ou I esprit ne regne pas, domine un principe purement sensuel.
L accentuation musicale a pour mission, au moyen de sons forts, de reveler a
1 intelligence de 1 auditeur, qui alors compare, juge etcomprend, les trois entiles,
les trois bases sur lesquelles repose tout le systeme musical moderns. Ces bases
sont : la tonalite dans son double mode, la mesure et le rythme.
Ici nous ne nous occuperons que des deux dernieres de ces bases.
Nous savons que les mesures sont engendrees et delimitees par des accents
ou sons forts arrivant dc 2 en 2, de 3 en 3, ou de 4 en 4 coups ou temps, regu-
03
licrement frappe s. Ces sons forts tombent loujours sur le premier temps de
chaque mesure, et sont appeles thesis ,accents melrigues ou temps forts. Ouand
on parlc de la mesure en general, c est cette division, ceUe fragmentation,
binaire ou ternaire, d une regularite absolue qui est sous-entenduc. Quand on
parle d une mesure, c est un troncon de cette fragmentation, c est un groupe de
sons entre deux thesis ou temps foils, entre deux barres de mesure, qu on a en
vue.
Mais dans la musique, les mesures et les temps ne repre"sentent que des mots,
mono-, bis-, tri-syllabiques. Pas plus que les mots dans le discours ils ne consti
tuent des propositions, des phrases. Par eux seuls, mesures et temps n ont pas
de sens musical proprement dit. Pour les rendre aptes a exprimer une pensee
musicale complete, il faut grouper en une entile deux, trois ou quatre mesures
et les soumettre a un autre principe, a une discipline plus elevee : le rythme-
Le rythme exerce une force attractive, logique ;c est le Saint-Esprit de la
musique, dit Hans de Bulow;c est le rnedialeur entre les virtualites expressives
des sons, noire entendemenl et noire sentiment. 11 a la puissance de coordonner
une suite de sons, une suite de rnesures et d imprimer a cet ensemble_le carac-
lere d entite, d individualite, et de 1 impregner d un element intellectual. A
chacun de ces groupes, ou rythme, appele kola par les Grecs, notreentendement
se plait a attribuer un sens, une signification jM2/c/^Me; car chacun est suscep
tible de provoquer tel ou tel sentiment, telle ou telle emotion dans notre ame !
Comme les mesures, les rythmes soul caracterises et delimites par des accent*,
des sons forts arrivant periodiquement de 2 en % de 3 en 3, de 4 en 4 mesures,
etc. Ces sons forts sont appeles ictus ou accents rythmiqnes ! Les rythmes peu-
vent avoir leur note initiale et finale sur chaque temps ct sur chaque partie du
temps de la mesure; les ictus, ou notes de support des arceaux rythmiques
doivent tomber sur le 1" temps d une mesure.
Grace a Fattraclion, a I appellation que les sons, vivifies par le rythme, exer-
cent les uns sur les autres, le dernier de chaque groupe procure a 1 oreille la
sensation d une fin d idee musicale plus ou moins complete, c est-a-dire d un
arret, d un repos, suivi d un silence.
Le mot rythme, comme le mot mesure, a deux significations : une generate ei-
une speciale. On parle du rythme en general el d un, deux, Irois rythmes, etc.,
\. Thesis, mot grec qui veut dire poser, abaisser .
2. Gounod le dit exccllemment : Les sons tout seuls ne constituent pas plus la musique que les
mots tout seuls ne constiiuent la langue. Les mots ne forment une proposition, une phrase
intelligible, que s ils sont associes entre eux par un lien logique repondant aux lois de Fenten-
denient. II en est de meme des sons qui doivent obeir a certaines lois d attraction, d appellation
qui regissent leur production successive ou siinultane e pour devenir une realite musicale, une
pensee musicale. (Meneslrel du 2-2 Janvier 188:!.)
- 64
comme on parle do la mesure en general el d une on dc plusieurs mesures
speciales.
Dans le Rijlhme musical, page 5, nous avons compare les groupes rylhmiqucs
aux arceaux ou travees que presents 1 architecture. En effet, comme lesarccanx,
les rythmes soul poses sur des points ftappui, de support, nppeles ictus. Gomine
les points d appui des travees, les ic.lus des rylhmes peuvent etre precedes et
sitivis de notes d ornement, nullement indispeasables a leur solidite. Les noles
a la tele d un rythme, celles qui precedent I ictus initial, s appellent anacrouses,
integrantes, anacrouses de broderie ou d ornement, notes d attaque, notes
d elan. Les notes a In fin d un rythme, celles qui suivent Wete final, sontappelees
notes candales, feminines ou soudures. Le mot ictus ne s applique qu au premier
et dernier temps fort d un rythme suv lesquels il est, pour ainsi dire, appuye,
tandis que le mot thesis s appliquu a tous les temps forts, ou premiers temps
des mesures, qu un rythme peut renfermer. Done un rythme pent avoir plu
sieurs thesis, mais il ne peut avoir que 2 ictus au plus. (Voyez page 73 1 exemple
de la Traviata.)
Mesures et rythmes, nous venous de le voir, ferment deux entiles, deux indivi-
dualites distinctes. Oui, mais elles sortent du meme principe; elles sont enfanU
du meme pere : Finfini du temps; elles ont une meme mere : la necessite de
cliviscr le temps, de le partager au moyen de sons forts qui portent a notre
oreille cette fragmentation et la rendcnt sensible a notre intelligence. Mais, la
mesure s est arrelee dans la sphere de { instinct ; elle ne parvient qu a apporter
a notre oreille la notion de la fragmentation, de la division reguliere, machinale
du temps. Le rythme s est eleve plus haut : il a atteint la sphere de \ intelligence
a laquelle il se presente sous la forme d une entile intelligible, comprehensible.
Or, quand les elements de force, les accents metriques et rythmiques qui
caracterisent et delimitent mesure et rythme, qui leur impriment independance
et personnalite, coincident, quand la thesis et Yicttis, quand 1 accent metrique et
rythmique tombent sur une m^me note, ils lui communiquent un redoublement
de force, de synergic, une vitalite particuliere, une porte intellectuelle et
psychique etonnante. De cet accouplement d accents, produit synthetique de la
compenetration de deux elements : mesure et rythme, il resulte un effluve, un
rayon de lumiere intellectuelle qui, avec une force et une vitesse fulgurantes,
envahit 1 entendement. Instantanement la raison de 1 auditeur et de 1 executant
reconnait 1 harmonie des phenomenes metriques pergus par le sentiment et des
phenomenes rylhmiguesreQus par Vintelligence. Instantanement cette unite dans
la diversite, elle la transporte dans la sphere superieure ou 1 homme comprendce qu il sent et s en rend compte dans la plenitude de la clarte spirituelle : la
conscience ! !
65 -
Oui, unifjuement cle cette penetration cle 1 esprit du rythme dans In matiere
fournie par la mesure, uniquemeut do cette fecondation spirituelle,resulte In
comprehension d une ceuvre musicale !
Et cclui-la seul, musicien vraiment superieur, qui possede la faculte de saisir
cette penetration, peut gouter dans toute leur plenitude esthetique les ravisse-
ments quo la musique, cet art divin, est capable de procurer. Quoad cette fusion
n est pas percue, ou quand cette assimilation n a pas lieu; quand mesure et
rythme se tournent le dos et chevauchent chacun de sou cote; quand les notes
fortes, les thesis, qui delimitent les mesures, ne coincident pas avec les notes
fortes, avec les ictus qui delimitent les rythmes; quand le lien qui doit unir
indissolublemeiit mesure et rythme est rompu, 1 unite se disloque, se desa-
grege, 1 idee s en echappe : on bdtonne la mesure raachinalement,dit Liszt,
mais aussitot Fame subit des tiraillements, des malaises; rincomprehensible et
I obsciu1 envahissent notre cerveau; le sens et 1 esprit disparaissent de la mu
sique et ne laissent place qu a un plaisir purement sensuel!
II est facile de se procurer la preuve de ce que nous avancons ici. Changez la
mesure de quelques morceaux correctement ecrits ; rcmplacez la mesure a
2 temps par celle de 4 temps, la mesure 6/8 par celle de 3/8 et vice versa; mettez
un chant a 4 temps en mesure a 3 temps au moyen du displacement des barres
de mesure;chantez un air au rebours, en reculant de la derniere a la premiere
note, ct vous verrez qu il n a pas de sens; de suite clarte, idee, intelligibilite en
disparaitront. Pourquoi ? Paree que thesis et ictus lombent au hasard sur des
notes sans importance, ni metrique, ni rythmique; parce queaucun liezi, aucune
force logique et attractive ne les dominent et ne les disciplinent.
Done, il y a des mesures bonnes et des mesures mauvaises, fausses. Mais dire
a priori que telle mesure est bonne, que lelle autre est mauvaise, c est affirmer
une lot superieure; c est reconnaitre un principe auquel il faut se conformer,
sous peine de mal faire;c est s incliuer devant une necessite.
Comment et ou trouver cette loi? Ce n est ni impossible, ni meme difficile.
Connaissant le role et I importance de la force de Y accent qui resulte dela
concordance entre la mesure et le rythme, nous n avons done qu a cherclier la
cause de ce phenomene : les principes en decouleront d eux-memes.
Page 4 et page 51 du Rythme musical, nous avons affirme que la derniere
note d un rythme, d une periode, d une phrase musicale doit tomber au com
mencement de la mesure, sur le temps fort. Pourquoi ? Voici 1 explication phy-
siologique et psychique de cetle necessite, dans laquelle reside, selon nous, la
base de toute la science, de toute la theorie du rythme musical.
L homme nail avec des penchants esthetiques ;il porte en lui le sentiment du
beau, le besoin de mesure, de regularite, d ordre, de symetrie. La nature lui
- 66 -
offre deux infinis dans lesquels il puise les materiaux necessaires pour satisfaire
a ses instincts dc creation artistique : Vespace et le temps. Ne pouvant ni embras-
scr ni elreindre ces in finis, il les divise, les fragmente. 11 divise pour regner!
Dans 1 cspace, I homme plante des jalons, des points de repere, des points
d appui, pour briser 1 uniformite de la ligne droite. Ainsi, il realise 1 architec-
ture et les arts plastiques. Leurs points statiques, de support, sont solides,mate-
riels : c est la terre, la rnatiere qui les lui fournit. Dans le temps, I homme, pour
en briser la contiintite et pour en obteuir la rupture et la sensation de sa frag
mentation, etablit des points d arrel afin de satisfaire a ses besoins njthmi-
ques : il realise ainsi la poetique et la musique. Leurs points d appui, leurs
limites sont intangibles; ce sont des impressions, des instants physiolorjiqiies:
c est son organisme, c est sa respiration qui les lui fournit.
Lerythme est done a la musique ce qu est la symetrie a 1 architecture;
il
resulte de la division de 1 infini du temps, au moyen de notes plus fortes, de
grandes valeurs ou de silences, comme la symetrie resulte de la division de
1 espace par 1 interruption de la ligne continue au moyen de points statiques, de
repere.
Le njthme presente des points Garret, des repos, des silences periodiquesf
;
la symetrie offre des jalons, des points de repere distances regulierement ou
irregulierement.
Mais, quelle est la mesure, quel est le terme de comparaison au moyen
duquel I homme peut mesurer, diviser le temps ? En d autres termes, quelle est
1 origine de la mesure et du rythme ?
fividemment cette origine ne peut resider que dans v.n phenomene dont les
mouvements reguliers offrent Valternance de force et de faiblesse, le retour
periodique de deux en deux, de trois en trois d un choc, d un son, d une syllabe
dont la force plus yrande impressionne plus particulierement le sentiment et
lui apporte la sensation de repos, d arret. La respiration, seule, possede cette
particularity. Done, c est la respiration qui est le prototype de la mesure musi-
cale et le generateur du rythme ; c est dans la respiration que reside la faculte,
la puissance de mesurer le temps et de fournir a notre ame la sensation de
repos, d arret dans le temps2
.
En effet, la respiration se compose de deux instants physiologiques, de deux
1. C est le silence qui en musique remplit 1 office du bistouri. 11 divise line oeuvre musicale en
phrases, periodes et rythmes; il coupe les rythmes en troncons, en fragments et produit les
incises, dont chacune evidemmenl, comme les rythmes. a un commencement et une fin que 1 ac-
centuation doit faire sentir et ressortir.
2. Chose curieuse, il pjrait que les peuples de 1 Asie, en parlant d une personne mourantn,disent : elle n a plus que quelques respirations a. vivre.
67
mt>it.i niii !ity : \ aspiration et Yexpiralion. L aspiralion personnifie 1 action, 1 ex-
piration represente le repos, le temps d arret. 1?expiration est symbolisee par le
temps fort de la mesurt,la thesis, le frappe; Vaspiration correspond au coup
faible, a Varsis de la mesure, au leve. II est de toute evidence qu avant de rendre
il faut prendre; avant de baisser, il faut lever. Exemple :
J J J J J J etc.V
La respiration, divisant le temps en fragments egaux, engendre spontanement
la mesure a 2 temps.
Ce n est pas seulement la mesure a 2 temps que la respiration engendre,
mais aussi celle a 3 temps. Ecoutez respircr une personne qui dort d un som-
meil calme, tranquille; le temps qui s ecoule entre 1 expiration et 1 aspiration
est deux fois plus long que celui qui s ecoule entre 1 aspiration et 1 expiration.
Une personne a 1 etat calme respire a 3 temps : Exemple :
J J J|J J J etc.
V V V
Prendre et rendre, telle est la fonction physiologique de 1 homme. La pre
miere chose que fait un etre en venant au rnonde, c est aspirer, prendre 1 air.
La derniere chose qu il fait c est expirer, rendre le dernier soupir : c est Yarrel,
le repos supreme ! Done, le temps frappe de la mesure correspondant au
mouvement physiologique expiration, symbolisant Fetal de I am? en repos,
repondant ainsi a une concordance physiologique et psychique, est seul aple a
apporter a notre sentiment la sensation de repos, A arret, de fin rythmique.
Voila pourquoi loutes les constructions rythmiques ne peuvent avoir leur ictus,
leur note d arret, que sur le premier temps ou temps fort1
. Voila pourquoi nos
phrases musicales, aussi bien que celle des Grecs, des Chinois, etc., se termi-
nent sur le premier temps. Le rythme, c est 1 element absolu de la musique.
La demonstration que nous venons de faire nous permet de regarder les lois
suivantes comme certaines, d une evidence irrefutable. Bien entendu, nous
n avons pas la prevention de legiferer : ces lois ne nous appartiennent pas. C est
une elude comparee, longue et patiente des oeuvres de Bach, Mozart, Beetho
ven, de tous les maitres classiques, qui nous a permis de les saisir. Les voici
telles que nous les avons formulees, page 93 de notre Traitb du Rijthme.
1.11 est vrai que les corapositeurs emploient frquemment certains precedes artificiels qujsemblent porter atteiule a cetle regie. II n en est rien. Ces precedes consistent a faire suivre
1 ictus final par des notes qui produisent I effet d un remplissage, d une expiration. Leur but est
de retablir la symetrie entre le rythme Onal et les rytlimes precedents, d amortir un arret trop
brusque, de reniplir le vide qui resulterait d un long silence, negation meme de la musique, d e-
teindre tous les desirs de 1 oreille et d apporter au sentiment la sensation d une fin complete. Mais
la fin reelle se trouve toujours sur le 1" temps.
- OS -
1 Une note tombant sur le temps frappe pent scule offrir au sentiment la
sensation de rcpos. Done I ictus final d un rythme doit tomber sur le premier
temps ou temps fort de la mesure : il doit fit re precede d mie barre de mesure.
Si done, dans une mesure a 2 temps, 2,4, 6, S, elc.(Yiclustombe sur le 2 temps,
sur le leve, c est quo la mesure est faufivc, ma!formulee^Daas
ce cas, il faul
dedonbler chaque mesure et mettre, au mains mentalement, Tine barre de mesure
devant le 2" temps. Par exemple dans YAdagio de la Sonalc pathetique, dans
celiii de la Sonate,0/>.
2, n" 3, de Beethoven, il faut faire de chaque mesure
2 mesures, prendre comme unite de temps la croche, battre la mesure deux fois
plus vile qu auparavant, c est-a-dire faire deux mouvements de la main dans le
meme espacc de temps qu on employait a n en faire qu un seid ; en un mot,
remplacer une mesure en mouvement Adagio par deux mesures en mouvement
Andante. Si, dans une mssure a 4 temps, Y ictus tombe continuellement sur le
3 temps, il faut de meme dedoubler chaque mesure, mettre une barre de mesure
devant le 3e
temps, transformer une mesure d 4 temps en 2 mesures d 2 temps.
Par exemple, dans le Nocturne mi ?, Op. 9, n" 2, de Chopin, et dans son Im
promptu en la\> ecrits a 12/8, il faut faire de chaque mesure 2 mesures d 6\8,
tout en conservant le meme mouvement.
2 Au point de vue purement metrique, les notes d egale valeur qui commen-
cent les mesures ont une egale force. La force que recoil la blanche, la noire ou
la croche, etc., qui commence la premiere mesure, est egale d la force que
recoil la blanche, la noire ou la croche, etc., qui commence les 2% 3% 4, etc.,
mesures. Done, si parmi ces notes il y en a une plus forte, c est qu elle tire sa
force d un element rylhmique ou pathetique, etranger a la mesure.
3" II n y a pas de mesures fortes et de mesures faibles. II n y a que des temps
forts et des temps faibles. Ce qu on appelle mesures faibles sont des anacrouses,
des notes d elan, d attaque ou de broclerie : elles doivent se trouver devant la
barre de mesure, avant le frappe . (Voyez page 7 du Rythme musical.}
4 Le 3* temps n est pas fort metriquement ; comme toute autre note de la
mesure, il peut deveuir fort pour une raison rylhmique ou pathetique. Exemple :
3^pT
u
Le si de la premiere mesure, note aigue, prend un leger accent pathetique ;
le si de la deuxieme mesure prend un leger accent rylhmique, parce qu il
1. Les Irois quarts des valses modernes sont anacrousiqu.es, ecrites dans une fausse mesure et
out inspire 1 idee fausse des mesures fortes et faibles. Toutes ces valses devraient etre ecrites a
6/4 ou a 6/8.
EJNIVERSITE DE MONTREAL
Musique B ;
b!i:.t
- 69
cst precede d un temps divise contenant deux crochcs : cliantez 3 noires :
soli-la-si, et 1 accent disparait ;le re de la 3" mesure est une vote voisinc digue:
meltez 3 do noires et sa force disparait. Eli-mine:- tons les elements rythmiques
et pathetiques et le 3e
temps devient faille :
Voyez aussi la Senate, Op. 49, n" 2, et le Rondo Allegro de la Sonate pathetique
de Beethoven. Des 4 noires qui en remplissent un grand nombre de mesures,
c est plutot la 2 qui serait plus forte, parce que la premiere succede a une
anacrouse ou termine le trait qui precede.
5 Les rythmes etant de longueurs diverse? et contenant souvent plusieurs
thesis intermediaires, il faut, autant que possible, employer des mesures dont
hi longueur reponde a 1 espacement des ictus et a 1 elendue des rythmes.
C est le rythme qui determine la mesure! C est 1 arrivee periodique de deux
en deux, de trois en trois, de quatre en quatre mesures de Yictus rythmique qni
exige telle mesure et non telle autre !
Done, pour trouver la bonne mesure, guettezl ictus final des rythmes ; mettez
une barre de mesure devanl lui; complez le nombre de temps entre ces barres
success! ves et vous aurez la mesure normale, la bonne, la vraie, celle qiii fiision-
nera mesure et rythme, et leur donnera unite, cohesion, homogeneite ;celle qui
etablira 1 harmonie entre la raison et le sentiment; celle qui evitera le malaise,
les tiraillements;celle qui rendra 1 oeuvre comprehensible !
Constatons encore que souvent on rencontre des rythmes qui semllent avoir
Yictus final sur le temps faible et qui pourtantne 1 ont pas ! En les examinant
de pres, on s apercoit que ce sont des ictus fictifs, deplaccs : ce sont des rythmesfeminins masculinises, rendus forts, soil par la division en. plusieurs notes du
i",2 ou 3" du temps de la derniere mesure d un rythme, soil par une syncope,
soit par 1 interpolation d un silence precedant la note finale. (Voyez dans le
Rythme musical, la note page 23; page 4(3, 1" et 2 e
regies, et pages 77 et 90.)
Example : Vivace de la Sonate, Op. 79, de Beethoven.
au lieu de
rythme femiuia.
Enfin, pages 42 et 43 du Rythme, nous avons vu que les progressions melo-
diques engendrent souvent des periodes irregulieres de 3, 5 mesures, etc. Les
progressions ont encore un pouvoir plus perturbateur, plus extraordinaire : elles
70
peuvent deplacer, reculer a la fin d une mesure V ictus d un rythme. Yoyez :
Beethoven, Senate, Op. 27, n 2 : Presto arjitato,2 et 4 e
mesures, etc. Imaginez-
vous que Beethoven ait interrompu la progression et mis Victus sur le premier
temps de la deuxieme mesure! Quel vide, quel silence! Voyez aussi clans ID
Polonaise en la, Op. 40, de Chopin, la derniere mesure de la phrase en re
majeur.
Tels sont les principes, telles sont les lois qui doivent guicler les composi
teurs. Qu ils s y conferment en ecrivant, et leur musique deviendra claire, et
facilement comprehensible pour celui qui 1 execute comme pour celui qui
1 entend.
Tout musicien qui ne s y conforme pas, court le risque de rendre sa musique
de prime abord incomprehensible et de priver 1 executant et 1 auditeur de la
jouissance intellectuelle et esthetique, que son ccuvre est susceptible de leur
procurer.
Toute notre presente etude prouvant 1 importance du role que joue 1 accen-
tuation resultant de la fusion de la mesure et du rythme pour la comprehension
d une oeuvre musicale, le lecteur doit necessairement conclure que les compositeurs font tout leur possible pour rendre cette accentuation claire, visible,
palpable, qu ils s evertuent a la rendre facilement saisissable.
De"trompez-vous. Quoique les compositeurs aient a leur disposition un
systeme de notation parfait, d une clarte incomparable, ils ne s en servent le
plus souvent que pour embrouiller, cacher leurs pensees1
.
C est surtout 1 accentuation resultant de la fusion de la mesure et du rythme
qui est le plus souvent negligee; ce sonl les principes qui president a leurs
rapports que les jeunes compositeurs semblent ignorer, aussi bien en France
qu en Allemagne, aussi bien en Angleterre qu en Italie !
Venons a 1 application et aux preuves.
Page 49 du Rythme, nous avons donne 1 exemple suivant, comme com-
mencant sur le deuxieme quart du premier temps. Exemple :
fejL. ,^=-mC est une erreur : il commence sur le deuxieme quart du deuxieme temps
parune anacrouse et devrait etre ecrit comme suit :
FrfcCT :cr
\. Yoyez Histoire de la notation musicale, par Ernest David et Matliis Lussy; ouvrage cou-ronne par 1 Institut (section des Beaux-Arts). Iiuprime, aux frais de 1 Etat, a rimprimerie natio-nale.
71
Indubitablement Yicftts tombe sur Ic sol de la premiere mesure, les trois pre
mieres notes re, mi, fa ft,forment an acrouse.
Enfiu, page 41, dernier exemple, nous citons la Chanson a boire, le Brindisi
de la Traviata, comme offrant des rythmes de 6 et de 4 mesures.
B
_, ___ -.-_
rJ*~~*Tr -S^
Bu-voiis au bon-heup de la vi -e, Aux doux moments oil Ton ou - bli - e.
C est encore ua exemple fautif. Voici comment il devrait etre ecrit :
3 mesures. r/thme feminin. 2 mesures.anaur. ictus. iutus. ictus. ictus.
F-,*j!
. ^j-.-*-^ ff y-g=^^^ ^ *^
Cu - vons au boaheur de la vi -e, Aux doux moments oil Ton oti - bli - e.
Evideminent, Victus tombe sur le premier re, sur le fa aigu de la troisieme
mesure, sur le premier ut de la quatrieme et sur Yut de la cinquieme mesure.
Done, c est une periorle de cinq mesures et non de dix. Les trois premieres
mesures en forment le premier rythme, la these ; les deux dernieres Yanti-these.
Comparez 1 adaptation des paroles et vous remarquercz que sous la forme actuelle
paroles et musique s harmonisent mieux; la premiere syllabe aux y> du
deuxieme vers ne tombe plus sur la derniere note du rythme feminise, car ce
re ne peut etre considere comme anacrouse, mais bien sur I ictus du deuxieme
rythme. Done, I exemple cite page 41 du Ryllime contenait des fautes de mesure
et de prosodie.
Ges exemples prouvent qu a 1 epoque ou nous avons publie le Trails de I ex
pression, en 1873, nous ignorions les lois que nous venons d exposer.
Nous ne soupconnions alors ni leur existence ni leur importance !
Voici comment notre attention fut attiree sur ce sujet.
Nous entendions chanter avec des paroles le n" 36, Op. 67, des Romances
sans paroles de Mendelssohn, appele la Serenade.
Le chanteur se balancait, dodelinait, trainait sur la premiere mesure d une
maniere si extraordinaire, que nous en fumes frappe.
Comment peut -on trainer, s attarder pareillement sur !a premiere mesure
d uu chant ? Cela nous paraissait etonnant, suspect.
Aussitot nous nous mimes a i analyse de ce numero, dont voici le commence
ment :
72
Tout portc a cruire que Ic rytlime de ce chant est thetique, c est-a-dire qu il
commence sur le temps fort et que Victus initial del air tombe sur le premier*/.
Eh bien, il n en est ricn ! Remarquons que cette premiere mesure du chant cst
la quatrieme du morceau et qu elle est precedee.de trois mesures dans 1 accom-
pagnement, formant une espece d introduction qui pose le dessin de I accompa-
gnement suivant. Pourquoi le chant commence-t-il sur la quatrieme mesure de
1 accompagnement et non sur la troisieme ? L air offre-t-il des rythmes com
poses de trois mesures ? Nullement. Mais alors pourquoi commencer sur la
quatrieme mesure et non sur la troisieme ou la cinquieme ? La reponse est
facile. Chantez ou jouez Fair avec les mesures d introduction, guettez la note qui
prend Yictus final, la note forte;
il est certain que c est sur la plus grande
valeur du rythme, sur le si de la septieme mesure que tombe Victus final du
premier rythme. Gontinuez de chanter ou de jouer et toujours Yictus tombera
de quatre en quatre mesures sur le premier temps. En ce cas, dira-t-on, Men
delssohn s esttroinpe"
: il aurait du commencer apres la quatrieme mesure d in
troduction et non apres la troisieme. Non, Mendelssohn s est trompe en ecrivant
la mesure a 3/8, tandis qu il la fallait a 6/8; il s est trompe en ajoutant foi a
1 erreur qu il y a des mesures fortes et des mesures failles; il etait victime,
comme tantd autres musiciens, de ce fatal prejuge. Yoila la cause de son erreur.
Jouez 1 accompagnement tel qu il est ecrit ; supprimez la premiere mesure du
chant ; commencez 1 air par les notes : sol%, mi, re $. Vous verrez que 1 idee
musicale ne souffre pas de cette mutilation. Exemple :
**~| r| I -- m
A 1 instant on reconnait 1 air;chante ou joue sur 1 accompagnement, il ne
laisse rien a desirer comme identitc; il est devenu seulement un pen moins
expressif, un pen lourd, de svelte, de gracieux qu il etait : tout au plus aimerait-
on que la premiere note du chant, que Yictus sol fut precede d une note ana-
crousique ou d un gruppetto. Exemple :
Sous cet aspect, 1 air regagne presque toute son elegance et son entrain.
Done, :-< ->?sure initiale de 1 air, telle que Mendelssohn 1 a ecrite, forme une
anacrouse brou -- Mais, enfm, qui nous autorise a enlever ces notes? Qui? 1 au-
teur lui-meme ! En eflet, a la 20 mesure il les remplace ;il les enchevetre dans
un dessin rythmique qui leur ote compieLei-^at le caractere anacrousique et
leur donne cette fois le caractere de notes initiales, torucaat sur le premier
temps du rythme.
73
Encore une fois, ces notes forment une anacrouse brodee;elles doivent pre-
cider iictus initial ; done, 1 auteur aurait du faire ressortir leur caractere ana-
crousique, leger, accessoire, en les ecrivant d la fin d une mesure et non au
commencement.
II aurait obtenu ce resultat en employant la mesure 6/8. Exemple :
De cette maniere Taccent rythmique, Viet its initial, tombe sur le sol % : le si
qui commence 1 air, qui absorbait toute la force, n a plus qu un accent acces
soire : il devient note initiale du rythme qu il delimite, rnais il ne porte plus
Yictus. L anacrouse brodee s affirme surtout mesure 58.
Ce qu il y a de plus curieux, de plus original dans cette ceuvre charmante,
c est que le yroupe de notes qui formait anacrouse devient thctique aux mesures
29 et 33 !
Gombien de milliers de pianistes, baltant la mesure regulierement, machina-
lement, ont joue cet air sans rien y sentir, ni comprendre ? Combien y en a-t-il
qui aient eu conscience des corrections qu ils y apportaient d instinct ?
II va despi que, si durant un morceau le dessin rythmique, le caractere,
la contexture changent, les compositeurs devraient aussi changer la mesure.
Par exemple, dans la Serenade que nous venons d analyser, les strophes formees
par les mesures 38 a 35, les mesures 69 a 83, ainsi que IBS 9 dernieres mesures devraient etre ecrites a 3/8. II en est de meme de la Fileuse, n 34, Op. 67,
6eRecueil. Cette Romance est ecrite en 6/8. Le chant commence sur la sixieme
partie de la mesure par une anacrouse et \ictm initial tombe sur le premier
temps, sur la thesis de la 3e mesure. Plus loin, SO" mesure, Vanacrouse tombe
sur la troisieme partie de la mesure et Yictus sur la quatrieme. Cette mesure est
elliptique : Mendelssohn, afin d eviter une mesure de silence qui paralyserait
tout 1 elan de 1 ceuvre, reunit en une seule mesure Yictus final, Yttt de la phrase
precedente et Yictus initial de la phrase suivante. Selon nous, 1 auleur aurait du
poser une barre de mesure devant le re de cette 80 mesure et ecrire a 3/8 les
rnesures suivantes, afin que Yictus ne tombe pas sur le levc, ce qui est toujours
fautif. Du reste, la mesure 3/8 conviendrait mieux a cette partie de la Romance.
L auteur 1 a evitee a cause de 1 excessive vitesse du morceau qui rendait les bat-
tements de la mesure a 3 temps saccades, spasmodiques.
Une foule de compositions de Schumann, de Chopin et de tous les compositeurs modernes exigent de meme des changements frequents de mesure.
Puisque nous avons cite un numero des Romances sans paroles de Mendels
sohn, ne quittons pas ce channant el precieux recueil. Analysons-en, au point
74
de vue de la concordance entre la mesure et le rythme, quelques numeros. CeUn
analyse nous prouvera que les plus grands compositeurs, ceux-la meme qu oi
oime a considerer comme irnpeccables, tels que Mendelssohn, ne tiennen
aucun compte des lois qui gouvernent les rapports entre la mesure et le rythmo
Trop souvent ils emploient des indications de mesures completcment fautives
en disaccord avec ces lois, avec la contexture et le caractere de I osuvre, ei
fourvoient les executants, les empechent de saisir, du premier coup, la pensef
et la portee de leurs osuvres.
Examinez 1 indication de la mesure du n 4, Op. i9, en la majeur, di
1" recueil.
Nous serions etonne si vous n etiez pas frappes de 1 obscurite qui resulte dt
cette indication. Que signitie le C en tete du morceau immediatement apres le:
troisjf? Ce C dit que c est une mesure a 4 temps, n est-ce pas? Est-ce bier
sur ? Les trois notes : mi, la, si, de la 5" mesure forment-elles bien une ana-
crouse? Chantez, ecoutez. La force que prend le la, 1 energie qu on esl tentt
de lui donner nous inspire des doutes a cet egard. Comme anacrouse ces troii
notes devraient etre faibles : ce la est fort! Ge la de la 5" mesure, quoique sui
le 3" temps, est pour le moins aussi fort que le 1" do % de la 6emesure. Done
comme lui, il devrait tomber au commencement d une mesure ! Le meme pheno-
mene de force se reproduisant dans les mesures suivantes, chaque mesun
devrait etre dedoublee; chaque mesure devrait fournir deux mesures a 2 temp;
au lieu d une mesure a 4 temps. Le mi croche de la 5" mesure, le 2= do diesf
croche isolee de la 6,le 2 e de la 7
e
, etc., sont des anacrouses et encore des
anacrouses accessoires que nous appelons appogiatures rythmiques. Elles nt
sonl pas indispensables au rythme et peuvent 6tre supprimees sans que lerytmtu
en souffre la plus petite atteinte ! Ce ne sont que des notes correspondant a des
prefixes, et, comme telles, elles enlevent un peu de force a la note suivante.
Faites la meme analyse sur le n 9 en mi majeur, Op. 30, 2" Recueil. Li
mesure est aussi indiquee par un C. La phrase commence sur le 3" temps3" mesure; done Mendelssohn a encore ecrit un rythme anacrousique. Est-c(
bien ? Nous ne le pensons pas. Le sol qui commence prend une force qui mressemble nullement a celle que prendrait une anacrouse : il est tres fort : done
il devrait commencer une mesure. II en est de meme du fa% de la 4e
,de la note
tombant sur le 3e
temps de chaque mesure. Elles forment ictus, el devraien 1
coincider avec la thesis &l etre precedees d une barre de mesure. Cette Romance
encore devrait etre ecrite a 2 temps, de chaque mesuve il faul en former deux.
Ici il y aurait a se demander si le sol # croche de la 4" mesure appartient ai
rythme precedent ou au suivant, c est-a-dire s il est anacrouse ou note de sou-
dure. Cette analyse, nous 1 avons faite page 36.
75
Prenons le n 16, Op. 38, 3" Recueil. Toujours un C pour indiquer la mesure.
Le rythme initial commence a la tin de la 3" mesure par un mi qui est ana-
crousc, il termine sur le la au 4e
temps de la 4 mesure. C est un rythme feminin
ou feminise; car ce la pourrait tomber sur le 3 e
temps et le si qui le precede
etre supprime.
Supprimez-le et vous oblenez un rythme masculin;le la jouera le role d
1
ictus.
Done il devrait tomber sur la thesis, c est-a-dire au commencement d une
mesure. Oui ce devrait etre ainsi. Done, ici encore chaque mesure devrait etre
dedoublee et la formule metrique qui convient a ce numero est 2/4. Remar-
quez quelle energie, quelle force extraordinaire prend le 2" si que nous avons
supprime. En le supprimant on emascule, on affadit le rythme. Gardez-vous de
1 enlever, il est fort parce qu il forme repetition lemporale : parce qu il sonne
faux : c est un retard harmonique.
Le n 17 est ecrit en 12/8, il devrait etre en 6/8. Ecoutez et vous sentirez que
le 5 mi de la 1" mesure, le la de la 2 mesure portent Y ictus, done ils devraient
coincidcr avec la thesis et etre munis d une barre de mesure, ce qui donne la
formule metrique 6/8 pour ce numero. Pour le n18, Bach aurait present la me
sure 18/16; car il y a dans I accompagneincnt 18 doubles croches dans chaque
mesure. Or, un triolet est une exception et ici il n y a pas d exception, depuis
le commencement du morceau jusqu a la fin, chaque temps offre une division
lerno-ternaire.
Le n 19, en lat> majeur, Op. 53, 4 e
Recueil, est marque par la meme mesure
12/8. Chantez-le et vous verrez que 1 ictus initial du rythme tombe sur le 1" ut
de la 3C
mesure; done il devrait etre precede d une barre de mesure. Les notes
cles 3eet 4C
temps ne forment aucunement anacrouse. Chaque mesure devrait
etre deboublee et la formule 6/8 remplacer celle de 12/8. Laissons la Mendels
sohn et prenons encore quelques autres exemples.
L harmonieux Forgeron de Heendel se presente sous 1 aspect suivant:
-fi-
Tel que, c est un rythme decapite (voyez page 15 du Rt/lhme musical), un
rythme prive de 1 ictus initial, ou a contre-temps, comme disent les musiciens.
Nous savons que ces sortes de rythmes sont extremement distingues et pathe-
tiques. (Voyez Au Printemps, de Gounod.) A vrai dire, ce silence au commence
ment du chant d un forgeron a de quoi surprendre. Ce mi a la basse (premiere
note) ne serait-ce pas un avant-coup? le forgeron laisse tomber son marteau sur
I enclume et prend haleine avant d attaquer avec tout 1 entrain sa chanson ! Entout cas, enlevez-le et I idenlite du chant n en sera nullement atteinte. Selon
nous, ce sonl des rythmes de 2 mesures a 2 temps avec anacrouse commengant
sur le 28
temps. Les ictus tombent an commencement de chaque mesure et im-
priment a 1 air une carrure, une franchise et un entrain dignes d un forgeroti.
Exemple :
C est surtout dans la 2 partie de Fair, a partir de Ja 5C mesure du texte pri-
mitif, que la mesure a 2 temps s affirme et nous parait sauter aux oreilles.
Exemple :
3_ . 1-=" _a_L=^:q-f p^-f- -*-
1.
i H^s^fcFrf+^iijS
Du reste, le titre meme de 1 ceuvre parait protester centre la mesure indiquee
qui transporte ce rythme essentiellement carre, regulier, rude, dans le domaine
de la passion la plus delicate. (Voyez page 15 du Rythme}Peu de jours avant la mort du si aimable et si regrette Leo Delibes, nous
eQmes avec lui une discussion au sujet de la chanson suivante:
=p=FR~T"7F^* 7 [ ~h * i^rL.^: [A?
Pe- tit gril-lou, il fuut vous ma - ri - er. Le rat ufapris moamo-dos-te foy-er.
Nous pretendions que la mesure 3/8 etait fausse et qu il faudrait 6/8. II soute-
nait que la mesure prescrite etait bonne. Faure, le grand chanteur, prenant
part a la discussion, partageait notre opinion. Delibes tenait a la sienne. Nous
lui fimes observer la lourdeur de la lrcmesure, imprimant un caractere boiteux
a tout 1 air et combien la prosodie en etait defectueuse des la I" note, la syl-
labe faible Pe tombant sur Victus initial, sur le 1" temps fort, qui exige une
syllabe forte. Nous prenions sa main et battions la mesure avec lui, observant
combien, en la battant a 3 temps, les mouvements etaient mecaniques, depour-vus de sens, nuls d effet sur rintelligence et le sentiment. II n en convenait
pas : il ne le sentait pas.
Essayons autre chose. Selon nous 1 air presente le m^me cas que la Serenade
de Mendelssohn. On doit done pouvoir en faire Fablation d une, de deux ou de
trois notes au commencement de 1 air, sans en alterer I integralite, sans le
rendre meconnaissable.
Exemple :
mE=S
L air d conserve son identite; mais est-il devenu clecapite, a contre-temps ou
anacrousique? Enlevez les 2 premieres notes; ne con-ervez que la derniere.
Sous cet aspect encore on reconnait facilement I air; maisil a fallu prolonger
1 ictus du 1" rythme, le /a, afin de retablir la carrure et la symetrie des
rythmes.
Enfin, enlevez les trois premieres notes de cet air, la premiere mesure tout
enliere ! Prolongez le la de la 3 e mesure afin d obtenir la symelrie rythmique et
I air garde encore son identite; a I instant on le reconnait! G est evident, on lui
a conserve les elements vitaux: 1 ictus initial utz et 1 ictus final la. Done, cette
premiere mesure ne lui est pas indispensable ; ces trois premieres notes forment
anacrouse; ce sont des notes faibles, des notes d altaque, d elan, etcommetelles
elles devraient se trouver a la fin d une mesure et non au commencement. Deli-
bes, tout etonne, ne comprenant pas un traitre mot a ce que nous lui expliquions,
nous regardait d un air de bonte et de commiseration!...
Eh bien, pour que ces notes se trouvent a la fin d une mesure, il faut que Fair
se presente a 6/8 sous 1 aspect suivant :
. ff o_ I a * iSentez-vous la fusion, 1 harmonie entre les paroles et la musique? La syllabe
<r Pe perd de sa force; la syllabe a Ion de grillon en acqaiert une formidable
et coincide avec Victus initial.
Sentez-vous en battant la mesure a 6/8 combien le detixieme temps de chaquemesure devient faible, le premier fort, combien chaque mouvement de la main
secoue I intelligence et le sentiment?
Ce n est plus un balancier qui execute des mouvements machinaux : c est une
force qui fait penetrer dans notre etre avec un element metriqne, une notion
rythmique. On dirait que chaque coup y fait jaillu- un rayon de lumiere.
Clarte, jouissance intellectuelle, remplacent confusion et obscurite.
C est pour la deuxieme fois que nous voyons redresser, corriger par la mesure
exacte la prosodie defectueuse.
Faisons la contre-preuve de cette operation. Con-servons la premiere mesure
avec ses trois notes; gardons le texte primitif de I air; remplagons seulement la
mesure 3/8 par celle de 6/8. Exemple:
etc.
I
78
Tout est faux, tout est prive (J _ sens, tout va centre les lois qui regissent !a
fusion des accents metriques et rythmiques ;1 ictus initial est ecrase, escamote et
I ictus final tombant sur le dernier la, coincide avec le deuxieme temps, le leve !
Aussi, quelle absence d inlelligence et de sentiment!
A present, lecteur, etes-vous convaincu? Sentez-vous le phenomene? Com-
prenez-vous la demonstration ? Qu elle doit etre delicate, subtile la question de
la concordance eutre la mesure et, le rythme, pour que des musiciens de la
valeur de Delibes puissent s y heurter ! De la, des milliers de mauvaises indica
tions de mesure, des milliers de mauvaises executions. Cependant, le probleme
est trop important pour que sa solution puisse etre abandonne"e a 1 appreciation
personnelle. II ne s agit ici ni de couleur ni de gout; il s agit de la question la
plus imporlante au point de vue de 1 execution d une oeuvre, au point de vuc de
Yintelligibilite, de la comprehension, de la jouissance intellecluelle et esthelique
d une ceuvre musicale.
La discussion que nous avons eue avec Leo Delibes nous en rappelle une
autre. Quelque temps apres la publication de notre Rythme musical, nous nous
rencontrions chez un prince de la critique musicals avec un compositeur des
plus spirituels, prix de Rome. La conversation fut amenee sur la concordance
entre la mesure et le rythme, et le critique se plaignait de la negligence des com-
positeurs a cete"gard
et du peu de souci qu ils prennent pour 1 etude du rythme.
Cependant ils en auraient grand besoin; car la moitie des compositeurs ne sau-
raient meme pas ecrire correctement en mesure J ai du Ion taiac ! C est trop
fort, s ecria le musicien ! Avec un elan, avec une desinvolture charmante, quine doute de rien, il prit un crayon, traga une portee musicale sur une feuille, et
ecrivit comme suit :
Allegro
etc.
Le critique se mil a rire et s ecria : Ce n est pas ca !
Comment ce n est pas ca? Kon! Concentrez votre mesure et vous verrez
qu elle tombe a faux :
t
Vous voyez que les notes rythmiquement fortes, le re du 2 temps et le mi du
4",tombent sur le leve. C est archi-faux! Quellessontles syllabes fortes du vers?
Indubitablement a bac ~s> du mot tabac et iere de tabatiere; done, ces syllabesseules doivent tomber sur le temps fort et absorber toute la force metrique et
rylhmique. Eh bien, ces syllabes tombent sur la partie forte du temps. Oui,
- 70 -
mais avec noire ecriture celte force tombe sur le i" ut et le i" fa qui n ont
aucune importance : c est la lr "
note de la mesure qui absorbe toute la force ,
ce sont les syllabes/W et ta qui sont mises en relief.
Le musicien traca une autre portee ;il mil :
*j -f-* - * w
C est mieux; les syllabes tombent bieu; mais, rnalgre la vitesse que vous cher-
chez a imprimer a 1 air, c est un peu serieux, meme loiu d. Ces quatre mouve-
ments sont un peu genants, gauches, ca manque d entrain : on dirait des notes
chaussees de sabots ! Eh bien, mettez-leur des mules, et commencez 1 air par
une aspiration du souffle :
Allegro
u^_ <-^*++
Qa y est! Remarquez que les quatre premieres notes formentune anacrouse
integrants. Enlevez-les, supprimez-les, et 1 air devient meconnaissable, il perd
non seulement son caractere, mais aussi son identite. (Voyez page 7 du
Rylhme.)
Abordons une autre face du meme sujet.
Schumann a ecrit le Lied intitule : Les Freres ennemis, comme suit :
Anirue (Tleireyl).
mCinq faits nous frappent et nous etonnent :
1 Les rythmes sont thetiques: ils commencent sur le temps fort ;
2 ISidus final de la periode tombe sur la blanche du 3C
temps et c est la seule
blanche de la periode.
Concentrez-en la mesure (c est la la pierre de louche), formez-en une mesure
a 2/4 et 1 ictus tombe sur le level Exemple :
3" Le terme anim-ev comme indication du mouvement.
Nous avons dit, dans la note 2 de la page 15 du Rythme musical, que les
Grecs employaient des rythmes thetiques pour les chants graves, calmes, solen-
nels, et les rythmes anacrousiques pour les chants vifs, agites, passionnes!... Get
indice suffirait;
4 Le point d orgue sur la blanche de la 16e
mesure, finale de la strophe ;
80
5" L absence d une basse frappee au ler
temps cle chaque periode, composeede deux rytlimes, excepte une seule fois sous le 1" temps du 1" rythme.
Tous ces fails out attire notre nttention et eveille nos soupcons stir la mesurc
indiquee.
Ecrivez le nieme chant avec anacrouse et chantez les 2 premieres notes sur
une aspiration du souffle.
^ I * =tp
Paroles et musique se fondent mieux. La lourdeur du texte primitif, rnalgre
le niouvement vif qu on cherche a imprirner au chant, cu disparait ct fait place
a une allure plus animee, plus vehemente, plus passionnee : tout penetre 1 esprit
et le sentiment.
Schumann semble avoir senti le malaise resultant de son rythme thetique.
Pourquoi a-t-il mis le point d orgue sur la blanche de la 16" mesure? Pour lui
donner une plus longue duree, pour completer, regulariser la mesure et le
rythme de la strophe. En effet, le rythme anacrou-sique pressenli e\igeune.rondeet non une blanche ah -16
e
mesure, afin de completer la mesure et amenerYictus initial de la strophe suivante, d un caractere plus calme, sur le temps fort.
A present qu on joue ou qu on chante cette remarquable oeuvre avec les deux
disciplines, et executants et chanteurs apprecieront. Sculement, n oubliez pas da
frapper a la basse de la 1" mesure deux si blanches au lieu d zm si ronde.
Nous arretons la notre demonstration. Les exemples defectueux que nous
pourrions citer foisonnent, surtout parmi les jeunes compositeurs, ct nous
tenons a ne froisser personne. Qu on medite les principes que nous venons de
poser; surtout qu on les applique, et peut-etre se fera-t-on mieux sentir, mieux
comprendre et mieux apprecier.
Repetons-le, il est inutile de changer I ecriture des ceuvres imprimees; qu on
les execute dans la discipline que nous venons d indiquer en comptant mentalc-
ment. Par exemple, dans la Senate Pathetique de Beethoven, comptez pour le
premier niouvement, le grave, deux fois quatre dans chaque mesure; dans le
mouvement Allegro motto, au coutraire, comptez a 4 temps, en reunissant men-idement deux mesures du texte en une seule, etc.
Peut-on attribuer ces negligences a 1 inadvertance, a la distraction, a Tinsuf-
fisance des connaissances des lois du rythme ? Non; selon nous elles sont dues
ou au prejuge qu il y a des mesures fortes et des mesures faibles, que le 3e
temps
UNiVERSJTE DE MONTREAL
Musique Bi :
!
iot;i?cne
- 8-1
est fort, quo la mesure a 2 temps el a 4 temps, c est la meme chose, ou bien a 1 ab-
sencc clu sentiment de la correlation entre mesure el njthme .
Ou dim peut-etre que nous exagerous le role de la mesure dans ses rapports
avec le rythme et les incbnvenients qui resultent d une indication defectueuse
de la mesure. Won, certes. Cent fois nous avons vu des musiciens qui execu-
taient des morceaux de musique sans les sentir, sans les comprendre, tant qu ils
jouaient avec la mesure indiquee, tant que leur intelligence subissait la disci
pline d une mesure defectueuse. Aussitot que la mesure correcte leur etait indi
quee, ils voyaient clair, ils comprenaient, ils s identifiaient avec 1 ceuvre. Aussitot
ils phrasaient etaccentuaient intelligiblement et traduisaient a leurs auditeurs le
sens spontane, le sentiment vrai que cette ceuvre pouvait exprimer.
II n en peut etre autrement. Quand on bat une mesure fautivc, mal ecrite, la
main produit 1 eflet d un balancier qui se leve et s abaisse machinalement, sans
but; cela pent frapper les yeux, mais cela ne feconde pas, cela ne fait pas pene-
trer la pensee musicale ni dans 1 esprit, ni dans le sentiment. Quand, au con-
traire, on bat la mesure correcte, chaque rnouvement enfonce dans notre enten-
dement, dans notre sentiment, avec une entile metrique, une notion rythmique,
et sous son choc fecondant jaillit une etincelle qui illumine notre raisonet notre
sentiment.
Mal ecrire, c est suggerer une fausse accentuation, une fausse interpretation,
c est fourvoyer 1 executant. Or, c est 1 accentuation qui rend la musique compre
hensible, qui permetseule d en jouir intellectuellement. Quand on ne comprend
pas, on ne s eleve pas, on reste terre a terre, on n aborde pas les spheres supe-
rieures ou le musicien se rend un compte exact de ce qu il sent.
Sans doute, les musiciens d elite, quand ils se trouvent devant une ceuvre
obscure, cherchent a se degager de ses tenebres. Leur sentiment corrige, reforme
instinctivement 1 ecriture fautive et retablit le parfait accord entre la mesure et
le rythme. Mais combien sont pen nombreux les amateurs qui possedent cette
precieuse faculte.! D ailleurs, pourquoi exposer meme les mieux doues a lulter
eta perdrele temps?
Combien de fois ces admirables petits poemes, les Romances sans paroles,
ont-ils ete edites, doigtes, revus, corriges?Pas un reviseur n a fait les correc
tions les plus indispensables. Pas un n a cherche a faciliter, par Vindication de
la mesure correcte, 1 accentuation vraie, la seule qui puisse aider a les com-
1. Un pi-ofesseur de musique distingue, M. La Nicka, de Berne, nous a anirrae que Mendelssohn,dirigeant Torchestre a Leipzig, demandait souvent a son ami intime, M. Thomas ou Thomanndans quelle mesure se trouvait reellement tel ou tel morceau qu on executait. D apres ce que nousvenous de d&nontrer, et d apres la deuxieme note, page 8 du Traite de ( Expression musicale,cette particularity n offre absolument rien d etonnant.
ASACKOUBCS. 6
82
prondre. Fait capital, le rythme impose la mesure qui lui est necessaire el ccttc
m exure seule fait sentir et comprendre le sentiment et Fidee que le rythme
renferme...
Des milliers de pianistes ontjoue ces petits chefs-d oeuvre, pea les ont com-
pris. Aussi, les veritables jouissances esthetiques et intellectuelles que ces
poemes devaient leur procurer leur ont echappe. Pareils a ces ignorants qui
lisent et chantent dans une langue etrangere sans comprendre le sens des
mots et qui cependant finissent par trouver un certain charnie mysterieux a ce
ramage, des milliers de musiciens se sont contentes de delectations purementsensuelles!
En terminant cette etude, nous eprouvons le besoin de declarer qu il nous
fallait un certain courage pour la publier, que 1 amour de la science seul nous a
inspire el non 1 esprit de denigrement ou une aveugle presomption.
Dieu nous garde de vouloir insinuer ou laisser supposer que les maitres
classiques : Bach, Handel, Mozart, Beethoven, Weber, Mendelssohn, que
Chopin, Schumann, Brahms, etc., n aient pas sentl et compris toute Fame,toute la poesie, toute la puissance expressive, divine, de leurs oauvres. Non !
nous ne sommes pas capable d un tel blaspheme! Nous le repetons expresse-
ment : le sentiment de ces genies immortels leur faisait saisir et comprendred emblee, avec une spontaneite fulgurante dans leur sublime synthese, le sens
spirituel, toute la porlee psychique et expressive de leurs inspirations, memeecrites dans une mesure fautive, meme travesties sous un faux vetement. Nous
croyons seulement que ces genies, dotes d une intuition et d une puissance de
sentiment extraordinaires, ne se doutaient pas de 1 importance que la mesure
employee exerce sur 1 entendement des amateurs et virtuoses pour la com
prehension de Fidee musicale. De la le peu d importance qu ils attachaient a
faire concorder la mesure avec le rylhme.
Mais que les exemples cites servent de legon a tous les musiciens !
Faute d avoir prete une attention suffisante a cette question du rythme, les
compositeurs les mieuxdoue"s,
les plus instruits, fours oient des milliers d execu-
tants et les empechent de gouter leurs oauvres dans la plenitude intellectuelle.
Et nous, musiciens de tous les pays, de tous les temperaments, de toutes les
ecoles, sachons done que ni i etude de 1 harmonie, ni celle du contre-point etde
la fugue, ni la plus extraordinaire habilete d orchestration mise au service de
1 inspiration la plus riche et la plus puissante, ne suffisent pour transporter nos
inspirations dans cette sphere elevee de la conscience artistique, ou le musicien
comprend ce qu il sent : seules la connaissance de la mesure, la science du
rythme, fournissent la clef pour ouvrir la porte de ce sanctuaire ferme a tant de
profanes.
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Exercices pratiques.
Ne vous fiez pas a la mesure indiquee.
Jouez une ceuvre quelconque devant un veritable artiste et instantanement il
vous dira dans quelle mesure elle doit etre ecrite. Eeoutez, guettez;;3 ictus ou
sons forts rythmiques des morceaux que vous jouez ; mettez, au moias mentale-
ment, devant chacun une barre de mesure; comparez ensuite la mesure ainsi
obtenue a celle indiquee. S il y a concordance, tant rnieux, sinon etudiez, exa-
minez, scrutez encore. Si 1 examen ne vous permet pas d abandonner votre me
sure, abandonnez mentalement, bien entendu, celle qui est ecrite et substituez-y
la votre. C est la bonne ! Certes le compositeur ne s est pas donne autant de
peine que vous et n avait pas pour guide des principes aussi certains.
II se presente Ires frequemment des rythines (la Serenade de Mendelssohn,
page 73, nous 1 a prouve) qui ont toute Tapparence d etre thetiques, c est-a-dire
de commencer sur le frappe, sur le temps fort, et qui cependant sont ana
crousiques. Ces sortes de rythmes exigent de Fattention et de la vigilance. Les
rythmes reellement anacrousiques bien ecrits sautent aux yeux, et frappent
a premiere vue, puisque leur premiere note nest, pas au commencement d une
mesure et est precedee d un ou de plusieurs silences, tandis que les rythmes
fallacieux commencent, souvent meme, par une grande valeur sur le 1" temps et
remplissent la lrumesure. Neanmoins, les notes de cette premiere mesure ne
prennent pas de force. Ce sont precisemenl ces sortes de rythme, nous le repe-
tons, qui ont trompe, fourvoye les musiciens les plus eminents et leur ont fait
admettre lafausse idee qu il y a des mesures fortes et des mesures faibles. Si done
vous rencontrez des phrases contenant dans la 1" mesure des notes de petite
valeur et de grande valeur a la 2 e
mesure, mefiez-vous-en. Mefiez-vous des mesures
a 2 temps, dans lesquelles 1 accent, la nole forte tombe continuellement sur
le 2 temps; mefiez-vous des mesures dans lesquelles se trouvent des notes
prolongees ou des silences sur le \" temps de deux en deux mesures; mefiez-
vous des mesures a 4 temps, a 12/8, etc., quand il y a continuellemprH une
grande valeur, une blanche ou une blanche pointee, sur le 3" temps, surtout
si le 1" et le 2" temps sont divises, offrant des noires, des croches, etc.
Mefiez-vous surtout de certaines mesures a 4 temps dans lesquelles 1 accent
tombe continuellement sur le 3 temps. Vous avez envie de les dedoubler, de
mettre une barre de mesure devant le 3 temps. Mais, si de cette operation il
resulte un tapotage machinal, c est que la mesure a2 temps ne leurconvient pas:
ce sonl des mesures anacrousiques a 4 temps. Elles exigent bien une barre de
mesure devant le 3* temps du texte primilif, mais les 2 premiers temps, formant
.-I
r
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anacrouse, appartiennent a la mesure precedente. (Voyez page 22, 1 excmplede Mendelssohn.)
A present, qu elle vole, cette chere concordance, dans le monde enlier,
les e"coles et conservatoires : nous la livrons an domaine public! queles editeurs
de musique s en emparent et lui donnent des ailes, et nous quitterons cette
terre avec la certitude d avoir ete utile aux musiciens et d avoir contribue aux
progres de la science et de 1 art de la musique, charme et bonheur de notre vie!
TABLE DES MATIERES
Pages.
PREFACE VH
LEXIQUE ix
L anacrouse; analyse de la Marseillaise 1
Principes qu il faut observer pour decouvrir les anacrouses clans la musique instru-
mentale 6
Anacrouses integrantes 8
Anacrouses accessoires; analyse de 1 adagio de la Senate, op. 2, n 3, de Beethoven. 9
Anacrouses brodees, fleuries 11
Anacrouses acceleratrices 12
Anacrouses suspensives 13
Anacrouses suspensives resultant de groupes de notes contenant des notes voisines
aigues ou voisines graves. Analyse du n 6 des Danses hongroises, par Brahms. 15 et 16
Anacrouses agglutinees, enchainees a la note (inale des soudures, progression et
notes de jonction 18
Anacrousses cachees a la basse 19
Anacrouses fourvoyees, inises au commencement et non a la fin d une mesure.
Analyse du n" 3 du Lied ohne Worte de Tschalkowsky 20Anacrouses latentes, cachees par une mesure defeclueuse 22
Analyse du Nocturne, op. 48, n 2, de Chopin 23
Analyse de la 2 evariation de YEtude symphonique, op. 13, de Schumann 24
Anacrouses pathetiques 26
Anacrouses servant d ictus initial 27
Anacrouses soudees, agglutinees a la note finale d un rythine masculiu 27
Anacrouses soudees a la note finale d un rythme feminin 28
Anacrouses trillees 28
Anacrouses devenant thesis *. 29
Anacrouses et ictus lalents sous-entendus ou supprimes 30Anacrouses bien ecrites et le plus souvent mal interpreters 30
Analyse du Finale, op. 10, et du Rondo, op. 49, des Senates de Beethoven, . . 30 et 31
Principes et regies supplemeutaires pour trouver les anacrouses dins la musiqueinstrumentale 35
Comment peut-on distinguer si une note a la fin d un rythme ftminin est note finale
de ce rylhme, ou si c est une soudure, ou enfin si elle est la note initiale d uneanacrouse? 35
Analyse de 1 adagio de la sonale pathetique des Nocturnes, op. 15, n 1, et op. 32,n 1, et de la Mazurka, n 16, op. 24, n 3, de Chopin 38, 39 et 40
/ - -c-
86Page.
A quoi peut-on reconiuiitve si un groupe cle notes, a la fin d une periode, forme une
anacrouse, ou si c est une soudure d exclaniation, ou enfin si ce sont des notes de
rernplissage? 41
Analyse du n 5 des Nooelieltes, de Schumann 4"2
Anacrouscs dont la note initiate sert de note finale de la periode ou du morceau. . 44
Anacrouses prtcedees de notes $introduction, de points d exclamation, d interro-
gation 46 a 56
Analyse des preludes 11 ell 7 de Cliopiii 45 a 56
Analyse du Minuetlo de lu Sonate en la 7 de Weber 55
Problemes 59
Concordance entre la mesure et le rythine 62
Exercices pratiques 83
Nancy, impr. Bercer-Levrault et O*.
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