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494 Geobios 25-4, 1992 - Analyse d'ouvrage MASS EXTINCTIONS, PROCESSES AND EVIDENCE STEPHENK. DONOVAN (ed.) Columbia University Press, New-York, 1992, 266 p., 12 fig., 12 tabl. ISBN 02 310709 18. Prix : $ 28.50. Je disais nagu~re, en ees m~mes pages, quelle inflation de littErature suscite depuis quelques armEes le probl~me des "extinctions en mas.~". Voici un nouvel ouvrage qui vient s'ajouter ~ cette dEjh longue thEorie. Pourtant le coordonnateur S.K. Donovan, justifie d'emblEe son entre- prise en soulignant qu'aucun des multiples ouvrages et articles antdrieurs ne constitue un r661 ouvrage de base. I1 a done confiE ici gl douze Sl~cialistes le soin de traiter des principales crises (il en retient 9 dans son introduction) dans leurs aspects et leurs processus. I1 en r~sulte un texte indubitablement tx~s intEressant et stimulant, de lecture agrEable ; il aurait toutefois 6tE judieieux de regrouper en fin de volume l'ensem- ble des rdfErences, cela les eltt rendues plus consultables et aurait EvitE des redondances (l'article d'Aivarez et al. de 1980 est ainsi eit6 8 fois !). A. Hoffman, connu pour ses vues iconoclastes sur de nombreux sujets, ouvre le feu. A l'issue d'un bref historique du d6bat, il fait part de son seepticisme it l'6gard des theories rdeentes. I1 croit, en definitive, que les extinctions en masse, it l'exeeption de celle du Permien terminal rEsultant peut ~tre d'un unique 6vtnement (modification de la composition des eaux oetaniques), doivent relever d'un ensemble de causes ind~pendantes, al~atoirement eontemporaines. Dans le chapitre 2, S.K. Donovan, apr~s avoir rappel6 que les Etudes sur les extinctions globales ont connu, dans les ann~.s 80, la marne mode que celles sur les &tuilibres ponctuts dans les anndes 70, fait une rapide revue critique des crit~res paltontologiques permettant de dtceler les extinctions en masse. I1 introduit ia notion d'extinetion des taxons, rappelle les eas de pseudoextinctions, les difficult~s lides/~ la taxinomie, paldogtographie, 6chantillonnage et corrdlations temporeUes. La ddcouverte de teneurs anormales en iridium it la limite Cr~tae~-Tertiaire ayant Et6 le dEtonateur de l'engouement pour les extinctions, le chapitre 3 est consacr6 ~ la gtochimie des horizons marqueurs de bioEv~nements. CJ. Orth y expose avec clart6 les techniques utilis~es pour ces analyses. Passant ensuite en revue les r~sultats obtenus pour les diffErentes crises, l'auteur, qui est un adepte de l'impactisme et d'un 6ventuel volcanisme induit pour la crise f'mi-crEtacEe, penche en faveur de causes terrestres et vari6es pour la plupart des autres extinctions. Pour M.D. Brasier (chapitre 4), les extinctions de la fin du Prdcambrien ne peuvent &re trait~es qu'avec une extrdme prudence ; cUes paraissent liEes it des changements divers des palEoenvironnements (rEgression, glaciation, dEveloppement des prEdateurs, etc...). Les crises qui frapl~rent les Trilobites au Cambrien montrent, scion S.R. Westrop (chapitre 5), que les families survivantes furent celles adaptdes au sommet du talus, c'est-it-dire d'eaux assez profondes. L'auteur souligne aussi que la richesse sptcifique n'intervient pas darts le maintien de ces families : il conforte ainsi l~s observations de Jablonski (1986) sur les rtgles diffErentes qui prdsident aux extinctions habituelles et aux extinctions en "masse". La grande crise fini-ordovicienne fit disparattre environ 50 % des esptces et affecta de nombreux groupes. P.J. Brenchley (chapitre 6) montre qu'elle a touchd avec des ampleurs diffdrentes et it divers moments les prineipaux groupes ; l'Hirnantien correspond ndanmoins aux crises les plus drastiques. Les causes doivent en rdsider dans les effets induits (variations eustatiques, refroidissement des eaux, changement de leur composition) par l'importante glaciation gondwanienne. D'une durte largement inddterminEe (0,5 it 15 MA scion les auteurs !), la crise du D~e'vonien supdrieur reste dnigmatique quant ~ ses origines (G.R. Mc Ghee, ehapitre 7"). La rdduction ayant surtout frapl~ les faunes des plates-formes et celles de basses latitudes, un refroidissement elimatique est, en gdndral, invoqud sans que les causes de celui-ei soient ~claireies. W.D. Maxwell (chapitre 8) fait un bilan clair et eoncis de l'extinction de la fin du Permien, la plus importante qu'ait connue le monde vivant puisque 90 % des esp~ces auraient disparu selon certaines estimations. Les causes de cet dvEnement majeur sont pourtant real cireonserites. Probablement plus graduelle qu'on le crut jadis, cette crise pourrait r~sulter de la conjonction d'un refroidissement global et de vastes regressions, ce qui reduisit, en particulier, les mers dpicontinentales chaudes des marges de la Pangte. Pour les extinctions du Trias sup~rieur (Carnien), A.L.A. Johnson & MJ. Simms considtrent seulement les Pectinacts et les Crinoi'des (chapi- tre 9) . II en rEsulte done un article de portde beaucoup plus limitEe que les prEc6dents. Curieusement, pour la fameuse crise de la fin du CrEtac6, c'est aussi un seul aspect, eelui des modifications des flores continentales nord-amdricaines, qui est envisage par G.R. Upchurch Jr (chapitre 10). L'auteur, qui admet qu'un 6vEnement brutal (impact) est compatible avec certaines variations de la composition des flores, souligne pourtant que le monde vtgEtal montre aussi des changements progressifs pouvant avoir d'autres causes dont il exelut une baisse des teml~ratures. Apropos du Pal6og~ne, D.R. Prothero (chapitre 11) insiste sur le caract~re complexe des extinctions, abusivement ramentes it un seul 6v~ne- ment fini-doc~ne. Ce sont, au contraire, au moins einq 6pisodes d'extinction qui sont ici rdpertoriEs sur une dizaine de M.A. Ces crises affectent divers domaines oe~aniques comme beaucoup d'organismes continentaux ; elles paraissent lides essentiellement ~ ds refroidissements climati- ques. La disparition de nombreux grands Mammiftres ~ la f'm du Pldistoctne rtsulte aussi, selon A.D. Barnosky (chapitre 12), de variations climati- ques auxquelles vient n~anmoins s'ajouter un nouvel 616ment perturbateur, l'homme prtdateur. Inttgrant pourtant ce dernier effet parmi les stress biologiques classiques, l'auteur 6tablit, d'aprts eet exemple du Pl6istoc~ne, un modtle applicable aux diffdrentes ext.inctions mamma- liennes. Cet ouvrage eonstitue, finalement, un excellent document de synth~se sur les grandes crises et extinctions. IIen ressort, une fois encore, mais cela paratt ~tre ddsormais le point de rue de beaucoup, qu'il n'y a pas de modtle unique applicable it toutes les extinctions ; les causes de celles-ci doivent avoir 6t6 diverses et souvent convergentes. P~disons le succts, m6rit6, it ce livre en gageant qu'il ne sera pas le demier consacr6 it ce sujet. Analyse Claude BABIN

Mass extinctions, processes and evidence

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494 Geobios 25-4, 1992 - Analyse d'ouvrage

MASS EXTINCTIONS, PROCESSES AND EVIDENCE

STEPHEN K. DONOVAN (ed.)

Columbia University Press, N e w - Y o r k , 1992, 266 p . , 12 fig. , 12 t ab l . I S B N 02 310709 18. P r i x : $ 28.50.

Je disais nagu~re, en ees m~mes pages, quelle inflation de littErature suscite depuis quelques armEes le probl~me des "extinctions en mas.~". Voici un nouvel ouvrage qui vient s'ajouter ~ cette dEjh longue thEorie. Pourtant le coordonnateur S.K. Donovan, justifie d'emblEe son entre- prise en soulignant qu'aucun des multiples ouvrages et articles antdrieurs ne constitue un r661 ouvrage de base. I1 a done confiE ici gl douze Sl~cialistes le soin de traiter des principales crises (il en retient 9 dans son introduction) dans leurs aspects et leurs processus. I1 en r~sulte un texte indubitablement tx~s intEressant et stimulant, de lecture agrEable ; il aurait toutefois 6tE judieieux de regrouper en fin de volume l'ensem- ble des rdfErences, cela les eltt rendues plus consultables et aurait EvitE des redondances (l'article d'Aivarez et al. de 1980 est ainsi eit6 8 fois !).

A. Hoffman, connu pour ses vues iconoclastes sur de nombreux sujets, ouvre le feu. A l'issue d'un bref historique du d6bat, il fait part de son seepticisme it l'6gard des theories rdeentes. I1 croit, en definitive, que les extinctions en masse, it l'exeeption de celle du Permien terminal rEsultant peut ~tre d'un unique 6vtnement (modification de la composition des eaux oetaniques), doivent relever d'un ensemble de causes ind~pendantes, al~atoirement eontemporaines. Dans le chapitre 2, S.K. Donovan, apr~s avoir rappel6 que les Etudes sur les extinctions globales ont connu, dans les ann~.s 80, la marne mode que celles sur les &tuilibres ponctuts dans les anndes 70, fait une rapide revue critique des crit~res paltontologiques permettant de dtceler les extinctions en masse. I1 introduit ia notion d'extinetion des taxons, rappelle les eas de pseudoextinctions, les difficult~s lides/~ la taxinomie, paldogtographie, 6chantillonnage et corrdlations temporeUes.

La ddcouverte de teneurs anormales en iridium it la limite Cr~tae~-Tertiaire ayant Et6 le dEtonateur de l 'engouement pour les extinctions, le chapitre 3 est consacr6 ~ la gtochimie des horizons marqueurs de bioEv~nements. CJ . Orth y expose avec clart6 les techniques utilis~es pour ces analyses. Passant ensuite en revue les r~sultats obtenus pour les diffErentes crises, l'auteur, qui est un adepte de l'impactisme et d 'un 6ventuel volcanisme induit pour la crise f'mi-crEtacEe, penche en faveur de causes terrestres et vari6es pour la plupart des autres extinctions.

Pour M.D. Brasier (chapitre 4), les extinctions de la fin du Prdcambrien ne peuvent &re trait~es qu'avec une extrdme prudence ; cUes paraissent liEes it des changements divers des palEoenvironnements (rEgression, glaciation, dEveloppement des prEdateurs, etc...).

Les crises qui frapl~rent les Trilobites au Cambrien montrent, scion S.R. Westrop (chapitre 5), que les families survivantes furent celles adaptdes au sommet du talus, c'est-it-dire d'eaux assez profondes. L'auteur souligne aussi que la richesse sptcifique n'intervient pas darts le maintien de ces families : il conforte ainsi l~s observations de Jablonski (1986) sur les rtgles diffErentes qui prdsident aux extinctions habituelles et aux extinctions en "masse".

La grande crise fini-ordovicienne fit disparattre environ 50 % des esptces et affecta de nombreux groupes. P.J. Brenchley (chapitre 6) montre qu'elle a touchd avec des ampleurs diffdrentes et it divers moments les prineipaux groupes ; l 'Hirnantien correspond ndanmoins aux crises les plus drastiques. Les causes doivent en rdsider dans les effets induits (variations eustatiques, refroidissement des eaux, changement de leur composition) par l ' importante glaciation gondwanienne.

D'une dur te largement inddterminEe (0,5 it 15 MA scion les auteurs !), la crise du D~e'vonien supdrieur reste dnigmatique quant ~ ses origines (G.R. Mc Ghee, ehapitre 7"). La rdduction ayant surtout frapl~ les faunes des plates-formes et celles de basses latitudes, un refroidissement elimatique est, en gdndral, invoqud sans que les causes de celui-ei soient ~claireies. W.D. Maxwell (chapitre 8) fait un bilan clair et eoncis de l'extinction de la fin du Permien, la plus importante qu'ait connue le monde vivant puisque 90 % des esp~ces auraient disparu selon certaines estimations. Les causes de cet dvEnement majeur sont pourtant real cireonserites. Probablement plus graduelle qu'on le crut jadis, cette crise pourrait r~sulter de la conjonction d'un refroidissement global et de vastes regressions, ce qui reduisit, en particulier, les mers dpicontinentales chaudes des marges de la Pangte.

Pour les extinctions du Trias sup~rieur (Carnien), A.L.A. Johnson & MJ. Simms considtrent seulement les Pectinacts et les Crinoi'des (chapi- tre 9) . II en rEsulte done un article de portde beaucoup plus limitEe que les prEc6dents. Curieusement, pour la fameuse crise de la fin du CrEtac6, c'est aussi un seul aspect, eelui des modifications des flores continentales nord-amdricaines, qui est envisage par G.R. Upchurch Jr (chapitre 10). L'auteur, qui admet qu'un 6vEnement brutal (impact) est compatible avec certaines variations de la composition des flores, souligne pourtant que le monde vtgEtal montre aussi des changements progressifs pouvant avoir d'autres causes dont il exelut une baisse des teml~ratures.

A p r o p o s du Pal6og~ne, D.R. Prothero (chapitre 11) insiste sur le caract~re complexe des extinctions, abusivement ramentes it un seul 6v~ne- ment fini-doc~ne. Ce sont, au contraire, au moins einq 6pisodes d'extinction qui sont ici rdpertoriEs sur une dizaine de M.A. Ces crises affectent divers domaines oe~aniques comme beaucoup d'organismes continentaux ; elles paraissent lides essentiellement ~ ds refroidissements climati- ques.

La disparition de nombreux grands Mammiftres ~ la f'm du Pldistoctne rtsulte aussi, selon A.D. Barnosky (chapitre 12), de variations climati- ques auxquelles vient n~anmoins s'ajouter un nouvel 616ment perturbateur, l 'homme prtdateur. Inttgrant pourtant ce dernier effet parmi les stress biologiques classiques, l 'auteur 6tablit, d 'aprts eet exemple du Pl6istoc~ne, un modt le applicable aux diffdrentes ext.inctions mamma- liennes.

Cet ouvrage eonstitue, finalement, un excellent document de synth~se sur les grandes crises et extinctions. I Ien ressort, une fois encore, mais cela paratt ~tre ddsormais le point de rue de beaucoup, qu'il n'y a pas de modtle unique applicable it toutes les extinctions ; les causes de celles-ci doivent avoir 6t6 diverses et souvent convergentes. P~disons le succts, m6rit6, it ce livre en gageant qu'il ne sera pas le demier consacr6 it ce sujet.

Analyse Claude BABIN