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MALADES - MÉDECINS - MÉDIAS UNE NOUVELLE COMMUNICATION? CHRISTIANISME ET FOI CHRÉTIENNE Bimestriel 168 Mars/ Avril 1987

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MALADES - MÉDECINS - MÉDIAS

UNE NOUVELLE COMMUNICATION?

CHRISTIANISME ET FOI CHRÉTIENNE

• Bimestriel N° 168 Mars/Avril 1987

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HÉMODYNAMIQUE CÉRÉBRALE ET FACTEURS DE RISQUE VASCULAIRE.

Cc cliché représente une division d'artère pie-méricn11e profonde (échelle= 60 p) . Les branches scco11daires partc11l d'imc dilatation irrégulière d11 tro11c pri11cipal. Les flèches 111ontre11L des zo11es de ·vasoco11striclio11 à l'origi11e des bra11ches secondaires. 0 11 note les empreintes des cellules c11dotlzélialcs. Réf : Brain Research Bulletin. Vol. 11, 1983 H. Duvemoy et coll.

Certains facteurs de risque (artériosclérose, HTA, diabète, hyperlip idémie ... ) ont pour corollaire une hyperréactivité des parois artérielles cé rébrales aux catéch olamines et une augmentation des résistances vasculaires.

Le blocage des alpha-récepteurs par

Sermion contribue à réduire cette hyperréactivité et à diminuer l'élévation des résistances artérielles.

Cette activité pharmacologique permettrait ainsi à Sermion d'améliorer les conditions hémo­dynamiques céré­brales des sujets à ri sque.

1-

SERMION LYOC

LYOPKIUSAT ORAL A DtSSOUOAE

Sermion a-bloquant. nicergol1ne

Améliore les conditions hémodynamiques cérébrales. Propriétés. I.e Scr111io11ni1111 a!plw-bloq11alll qui présclllc 3 proprié1és co111plé111cmaircs: accroisscmem du débi1 ar1érid, 0 1d:plwliquc 1101a111111c111; a 11g111c111a-1io11 de I it1ilisa1io11 dl' lilxyginc a d11g/11cosc ptir la cd/11/c cérébrale; ac1io11 amiagréga111c p!aq11e11aircdé1110111rfr in 1•i1ro l'i cx1·fro l'11 cli11iq11cl111111ainc. / 11dica­tio11s. I.e Su'lllion t·s1 proposé d1111s: - les 1ro11bfrs rdt"1•11n1 dime poilwlogiccérébralcd 'origine iscliémiquc ;-les 111a11ifcs1a1io11s dcl<màiudn membres inférieurs. Effets indésirables. Très rarcmt'lll : épigas1ralgics discrèœs 011douleursà1ypedecra111pcs ;bo11fléesvaso11101riccs c1/ 011 sc11sa1io11s dci•cr1igt' s111"1•cnan1 gé11érale-111c111 en ortlws1111is111c. Posologie. l labi111ellc111c111 3 gélules (à a·mlcr 1el/es quelles) 011 3 Lyocs (à prendre après disso/111iv11dans1111 dc111i-1•1'1TC d l-1111 011 dime <11t1rc boisson) p11rjo11r, en 3 prises m•a111 les repas. Co1i1111oyc11de 1raiLC111cmjo11malicr: F 5,32. Présentations. 'liibc de 30 gd11/cs dosées ù 5 111gdc11iccrgolinc. Prix : F 51,40 + SHP. - / l..1/..1/. 314 880-3. 1~·111 i de 30 !,nies dosés ù S 111g dc 11iccrgoli11c. Prix: F 54,20 + SHP. :1..\1..\/. 31706.J-2. Pourm 2 pri'sc111tuio11s : 111b/1'11 11 C- lfr111h. S.S. 40 "1• - Colfrcm·ilt's. SPEC/A IXpc1nc111c111 Cardioi•asculaircs:/6,ruc Clisson -ï56361,. lRIS CED/:'.\ 13-1<'1.{1)45.84.11.33. "'----

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WimIDllllCDllFIIm <8 IDim lli~WCDWWim Revue du Centre Catholique des Médecins Français

BIMESTRIEL

RÉDACTEUR EN CHEF

pr Claude LAROCHE.

CONSEIL DE RÉDACTION

MM. les Docteurs BARJHOUX (Chambéry). BOISSEAU (Bordeaux).

BREGEON (Angers). CHARBONNEAU (Pans). DEPIERRE (Paris).

GAYET (Dijon) , GERARDIN (Brive ). Mme le D' GONTARD (Paris).

MM. les o rs MALBOS (Le Mans). MASSON (Bar-sur-Aube).

MERCAT (Château-Renault). UEFOOGHE (Lille). RÉMY (Garches).

de SAINT-LOUVENT (Pans). SOLIGNAC (Perpignan). VIGNOLLES (Tours).

COMITÉ DE RÉDACTION

M . ABIVEN - M . BOST F. GOUST - J. GUINNEPAIN

M .J. IMBAULT-HUART - J.M . JAMES J . MASSELOT - J.M . MORETTI

H. MOUROT - A. NENNA

ADMINISTRATION RÉDACTION

Centre Catholique des Médecins Français

5. avenue de l'Observato1re 75006 Pans

Tél · 46 34 59 . 15

SERVICE PUBLICITÉ

158. bd Malesherbes Pans 17"

Tél. : 47 .63.23.92

ABONNEMENTS

Un an : 250 F Étranger : 260 F

Le numéro franco : 50 F C C.P .. C.C.M.F 5635-34 T Pans

N° 1 68 - MARS-AVRIL 1987

SOMMAIRE • Liminaire

par le P' Claude Laroche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2

• Information et médecine par le P' Yves Pélicier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

• Information médicale par les médias et comportement du public et des malades par le P' Maurice Tubiana . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

• Malades, Médecins, Médias par le P' André D. Nenna . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

• Le médecin face aux médias

- Le généraliste face aux médias par le D' Marc Bost . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . 16

- Allergiques et les médias par le D' Marie-Thérèse Guinnepain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 8

- Le savoir paradoxal du mourant par Marie de Hennezel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

- Gynécologie. sexualité et médias par le D' Cordier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . 22

• Le christianisme et la foi chrétienne par le Père Doré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

• Note de lecture Le miel et la ciguë par le D' Fr . Goust . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

• Nouvelles mentalités dans le monde de la santé par des groupes du C.C.M.F. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

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LIMINAIRE

par le P' Cl. LAROCHE

Le droit à l'information est une des revendications majeures de nos contemporains ; la médecine ne saurait s'y soustraire à partir du moment où, rejetant les formules magiques, elle utilise tous les progrès scientifiques et perfectionne chaque jour ses méthodes diagnostiques et thérapeutiques en assimilant au fur et à mesure toutes les acquisitions accomplies des sciences exactes. Cette information est respectable puisqu'elle répond au désir profond d'un public avide de connaître tout ce qui a trait au domaine de la santé ; elle est seule capable de per­mettre au patient d'assumer ses responsabilités devant la maladie et d'év.iter «cette déviation de l'entendement qui a transformé le droit à la santé en droit à la guérison» (F. LHERMITTE). Cette information, assumée autrefois par le médecin dans un dialogue personnel et intime avec son patient, est maintenant fournie de plus en plus largement par les médias: la presse, la radio et surtout depuis 30 ans, par la Télévision.

Il ne faut jamais oublier que tout ce qui touche à la santé et à la médecine renvoie à la souffrance et à la mort et a donc un poids affectif considérable : elle doit donc être maniée avec prudence et il est bon de distinguer avec Yves PELICIER ce qu'il appelle l'information médicale normale, trait d'union entre le public et la médecine, de l'information médicale­spectacle, qui est le domaine privilégié des médias. Il ne faut d'ailleurs pas mésestimer la valeur de cette information : pourquoi le public ne serait-il pas mis au courant des progrès de la greffe du cœur comme on lui montre le lancement de la dernière fusée interplanétaire ? Dans la société moderne, les dépenses de santé atteignent des sommes considérables gérées par divers organismes de prévoyance, mais leur poids retombe en définitive sur "l'ensemble des citoyens. N'est-il pas nécessaire de leur faire savoir à quoi sert tout l'argent dépensé dans la recherche médicale ? Comme le souligne Maurice TUBIANA, des secteurs entiers de la recherche et des grands centres tels que Pasteur ou Villejuif ne pourraient continuer à fonc­tionner normalement sans les contributions volontaires du public. Une grande partie des dif­ficultés réside dans le fait, que dans l'information médicale, la charge émotionnelle est telle qu'il est bien difficile de faire la différehce entre information et publicité - d'où le danger du vedettariat, de l'information prématurée, et des réactions souvent violentes du corps médical devant des images qui ne lui paraissent pas objectives et sont taxées de publicité personnelle -autant et aussi souvent d'ailleurs pour une équipe ou un centre que pour une personnalité médicale. Combien de fois ai-je entendu critiquer le centralisme parisien l'hospitalo­centrisme ou l'éloge exagéré des spécialistes par rapport aux praticiens dont les efforts ne sont évidemment pas matière à présentations sensationnelles mais pèsent peut-être plus lourd dans

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l'ensemble des soins de quelques interventions spectaculaires ou des images qui font rêver parce qu'elles pénètrent dans l'intimité du corps humain, avec tout ce que ceci peut com­porter de fantasmes ...

Mais, une fois de plus, pourquoi le public ne jouirait-il pas du même droit à la vulgari­sation dans le domaine médical que pour les autres progrès scientifiques ? et le Scannographe ou la fibre optique du matériel endoscopique ne nécessitent-ils pas d'être aussi bien connus que les progrès dans la fusion de l'atome et ses retombées technologiques ... ou guerrières? L'une des retombées négatives de cette vulgarisation est sans aucun doute l'infiltration de la peur du progrès - à côté de l'espoir de mieux vivre - dans le cerveau de nos contemporains. Mais la connaissance des dangers nocifs de certaines méthodes d'investigations ou des effets secondaires de certains médicaments me paraît une des conditions de l~ responsabilisation des patients; et la pression du public vis-à-vis de certaines expériences médicales est peut-être aussi bénéfique, en fin de compte, que les réactions des écologistes vis-à-vis des dangers ato­miques ou industriels. La vérité ne prendrait peut-être pas toujours la mesure des ·dangers physiques ou moraux imputables au progrès technique si celui~ci n'était -pas soumis en per­manence à la critique universelle ; cet équilibre a toujours eXisté mais se jouait entre un nombre très restreint d'hommes dits cultivés, qui avaient bien le temps de réfléchir, vu la lenteur des progrès.

Avec l'assimilation de celui-ci et la généralisation de l'instruction, les médias sont seuls à pouvoir répandre l'information assez rapidement - nous vivons à l'heure des satellites - et à un très grand nombre de lecteurs et d'auditeurs.

Tous les médecins, généralistes ou spécialistes, s'accordent pour penser que cette infor­mation interfère dans le « colloque singulier » et peut modifier le comportement des patients vis-à-vis de nos conseils et de nos prescriptions. Il est certes plus difficile d'expliquer et de convaincre que d'ordonner; mais en s'établissant entre deux interlocuteurs conscients de leurs propres responsabilités et de leur liberté respective, il me semble que la relation méde­cin-malade acquiert une profondeur et une qualité indispensable à l'établissement d'une véri­table confiance.

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INFORMATION ET MÉDECINE

par le P• Yves PELICIER (*)

Après avoir fa it le constat trivial de l' importance du pouvoir médiatique dans le monde contemporain, le texte qui suit interrogera la façon dont les médecins sont affectés dans leurs comportements profes­sionnels par l'inflation de cette information médicale qui est destinée au grand public . Sans doute, font-i ls eux­mêmes partie de ce public mais leur formation les place dans une situation différente de celle de leurs patients et clients. Cette information du grand public revêt l 'allure d'une diffusion mult imédia, sans spécificité par rapport aux besoins propres de chaque individu. Elle est donc différente dans sa forme et sa fonction de l'infor­mation qu'un médecin peut délivrer à un patient déterminé avec, pour objet, l 'obtention d'une partici­pation à l 'action thérapeutique, d'un consentement ou d 'une attitude favorable.

TYPOLOGIE DE L'INFORMATION MÉDICALE

Si l'on recense les données informat ives qu'on peut trouver dans les journaux, dans les revues, à la radio, à la télévision , l 'impression est une grande diversité, une grande hétérogénéité. Là, tout est dit ou suggéré en quelques phrases et on ne va pas au fond des choses. Ailleurs, la documentation est très fournie et elle comporte beaucoup de détails. Du point de vue «pression » de l'information, il s'agit de distinguer deux grandes catégories : l'information médicale-spectacle et l'information médicale normale.

1 . Le spectacle

C'est par excellence l'objet même des médias. Ce qui est t ransmis doit avoir un pouvoir émotionnel, un aspect dramatique. On y voit à l 'œuvre une sorte de magie scientifique . L'information nous parle d 'un exploit qui, d'un certain point de vue, n'est pas si différent de ce que l'on peut observer dans le domaine sportif. Ainsi , la chirurgie card iaque et la greffe du cœur ont eu, en leur temps, un impact considérable, accaparant les premières pages des journaux. On a vécu cela encore récemment avec les bébés éprouvette . Ce n'est pas que l' information concerne dans ce cas un grand nombre de situations cl iniques. Le plus souvent, elle reste du domaine de lexceptionnel mais elle parle à l'imaginaire ; elle touche bien évidemment aux origines.

(•) Professeur à l'Université René-Descartes. Médecin de !"Hôpital Necker.

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On attend de cette magie une sorte d'exorcisme col­lectif de l'angoisse et de la mort. Notons que l'informa­tion-spectacle peut, à l'opposé, concerner des phéno­mènes très négatifs : l'affaire de la thalidomide, l 'huile frelatée espagnole , l'intoxication mercurielle de Minamata, etc. Dans ce cas, le pouvoir émotionnel réside dans le caractère massif et sournois du danger et le thème est facilement lié à celui de la population. On voit cette information-spectacle prendre appui sur deux courants profonds du psychisme collectif, la foi dans le progrès scientifique ou, au contraire, la défiance à l'égard des technologies.

D'autres informations médicales peuvent prendre ce ton spectaculaire mais, en général, l'impact est plus réduit. 11 peut s'agir de la découverte d'un nouveau médicament, d'une nouvelle hormone, etc. Il y a éga­lement. depuis quelques années, une extraordinaire inflation concernant des appareils, qu' il s'agisse du bétatron ou des techniques d'imagerie médicale. Dans ce dernier cas, le spectaculaire de l'information est relayé par le spectaculaire de l'image.

2. L'information médicale normale

L'historien des sciences, Thomas Kuhn, entend par science normale, l'appareil théorique et pratique dont l'extension et le fonctionnement font l'objet d'applica­t ions utiles mais qui ne nécessitent pas un changement de paradigme. La science normale s'oppose ainsi à la science extraordinaire, les deux termes n 'incluant pas un jugement de valeur. Cette information normale main­tient de façon irrégulière le contact entre un public et sa médecine. Les informations font état de progrès d'utili ­sations particulières, l 'ouverture d'institutions, de créa­t ions de centres disposant d 'un matériel. On y fait le point à un niveau beaucoup moins spectaculaire, bien que, dans certains cas, le pouvoir d 'émotion soit consi­dérable. On y parle de stratégies thérapeutiques dans le t rait ement du cancer, d 'espoir dans le domaine de la sclérose en plaques, de l'épilepsie. On peut évoquer les problèmes psychosociaux des familles de psychotiques ou de déments. En général, ce qui différencie l' informa­tion-spectacle de l'information normale, est que cette dernière vise un public plus limité et, pour des raisons particulières, intéressé par les données présentées. Cet intérêt se marque d'ailleurs dans beaucoup de cas par la création de revues spécialisées formant une sorte de relais entre la grande presse et la presse dite scienti­fique. L' information normale s' intéresse à des aspects d 'hygiène, de diététique de prévention. Avec le pré­texte de la cure de l'obésité, elle est amenée souvent à associer des considérations d'ordre physiologique et d'ordre cosmétologique. Le public. à ce niveau. devient plus difficile à saisir dans sa demande et dans ses moyens de déchiffrement des textes. On remarquera que ce type d'information fait également t ransition avec des méthodes d'éducation permanente ou d'éducation sanitaire développées dans le cadre d 'entreprises publiques ou privées. Il faut mettre à part l'information concernant les abus d'alcool ou les toxicomanies. Mais un grand nombre de données concernant la gestion de la santé, la conservation des équ~ibres physiologiques et psychologiques peuvent fa ire l'objet de programme pour les adultes. Un exemple intéressant mais lui aussi très différent concernerait la préparation à la retraite qui est devenue une exigence dans nombre de profes­sions.

11 est évident que l'origine même de l'information va déterminer son mode de présentation. La dépêche d'agence résume le fait médical, en général dégagé de tout contexte critique: c'est une nouvelle comme une autre . Par contre, l'interview du clinicien ou d'un cher­cheur, le compte rendu détaillé d'un colloque se pré­sentent avec plus de richesse informative . Les com­mentaires, qui sont le fait de journalistes spécialisés ou non, ont pour but de faciliter l 'assimilation de cet te information. L'espace d'un livre ou d 'un grand article de revue permet bien évidemment d'aller plus loin.

LA NOTION DE VULGARISATION

Vulgariser, c 'est transmettre avec une langue accessible au lecteur profane un message qui concerne une donnée scientifique mais il est clair que la vulgari­sation n'a pas pour seul objet cette transmission et la production d'une compétence chez le lecteur; elle a aussi une fonction sociale (Ackermann et Dulong) . En tant que transmission du message, il faut reconnaître que l'échec est fréquent . Il ne suffit pas de dire pour être entendu. Le message, quel qu'il soit. entre en com­pétition avec d'autres messages, d'autres contenus collectifs ou individuels qui l'acceptent ou le rejettent. La vulgarisation est gratifiante, au moins en apparence. Elle est en principe un processus qui exclut la peine et l'effort . Mais la passivité du récepteur n'est pas un gage du succès de la transmission . Tout va dépendre à la fois du degré d'instruct ion et de la position sociale du récepteur. On risque ainsi de voir la vulgarisation rater son objet et finalement n' intéresser qu'une petite fraction du public qui est déjà mobilisé. On voit d'ail­leurs en jeu deux aspects de la vulgarisation. Ce que nous avons appelé l'information-spectacle est fondé sur l 'étrangeté, la surprise. Tout se passe comme si on voulait d 'abord étonner, briser les représentations fami­lières pour proposer ensuite la solution du moment. c· est au fond la technique du roman policier où le mystère initial prépare la solution terminale. Dans d'autres cas, la vulgarisation a l' intention plus modeste d'un enrichissement des connaissances individuelles mais, sur ce point, il faut bien dire que les résultats sont aléatoires. En fait , plutôt que des acquisitions spéci­fiques, il faudrait voir dans la vulgarisation des visées plus générales, changement d'attitude à l'égard de la science et de la technologie, stimulat ion à l'égard des co nnaissances scientifiques, affin ement critique rendant moins crédule aux propositions de charlatans. Dans ce dernier cas , on jugera, à propos du cancer, de la valeur des résultats obtenus. En fait , il serait trop simple de ne voir dans la vulgarisation qu'une sorte de connaissance dégradée. Au-delà de ce qui est transmis comme contenu, il y a une intention et une forme qui n'est pas négligeable. Dans un domaine comme le sommeil, on peut êt re convaincu que la diffusion inlas­sable d 'informations de tous niveaux sur ce que repré­sente la physiologie du sommeil n'aura pas uniquement comme effet d 'augmenter le corpus scientifique de nos contemporains : par contre, on peut observer des effets non négligeables sur la manière d'user des médi­caments qui contraste avec des abus généralisés qui sont encore trop fréquents. On peut dire que la cible de la vulgarisation est beaucoup moins un individu donné concernant un problème ayant fait l'objet d 'un message qu 'un climat collectif, progressivement transformé.

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Information et médecine

PUBLIC, MEDIAS ET MÉDECINS

Nous aurons en vue le médecin généraliste qui, du fait même de l'ampleur de son domaine, est plus vulné­rable qu'un spécialiste devant le pouvoir médiatique. Il est à l'interface entre le public formé potentiellement par ce futur client et, de l'autre, le monde proprement scientifique représenté par un corpus acquis pendant les études à la Faculté, par les réactivations de ce corpus dans lenseignement post-universitaire, dans les messages des laboratoires. D'une certaine façon, ses clients sont des consommateurs avec les réactions désormais bien connues de ce qu'on a appelé le consommatisme ; ils sont sensibles aux multiples infor­mations qui les concernent ou concernent leur famille. Ils évoquent volontiers ces aspects magiques de la médecine mais ils ne cessent d'être défiants. On peut penser, par exemple, à ce qu'on a appelé l'affaire Pradal, avec la publication du Guide des Médicaments les plus courants ( 19 7 4). La défiance de nos compa­triotes, au moins, est en général plus marquée à l'égard de l'ensemble du corps médical que de leur propre médecin auquel ils sont très attachés, mais ce médecin lui-même est sommé, en quelques sorte de donner des réponses sous la forme de conduites thérapeutiques et de prescriptions avec la double exigence de satisfaire le consommateur, sans déroger au corpus du savoir médical. Sans doute, l'un des modèles qui continuent à stimuler la publicité médicale concerne cet entre-deux­mondes profane-médecin. La publicité a un objectif très précis qui est de se saisir d'un marché en maîtrisant plus ou moins la prescription. Il se trouve que dans la généralité des cas, c'est du moins l'expérience de notre pays, l'essor de l'industrie pharmaceutique suit de très près le progrès de la science. De ce fait, les actions publicitaires de l'industrie pharmaceutique ont un rôle globalement positif dans la plupart des cas. L'éthique des professionnels de santé est tout à fait cohérente avec l'essentiel de ce que les laboratoires nous pro­posent. La cohérence n'est pas parfaite mais ce serait le rôle de la formation dans des écoles de médecine que d'établir chez les futurs médecins une instance critique suffisante pour qu'ils puissent faire face à un univers de persuasion. On remarquera d'ailleurs que l'affiliation au groupe professionnel, la participation active à des réunions et à des discussions donne aux médecins plus de capacité pour évaluer et adapter les messages qu'ils reçoivent. Cela n'empêche que ces clients ont reçu eux­mêmes d'autres messages. Le médecin n'était pas le destinataire des informations médiatiques. Tout le flux quotidiennement déversé constitue comme un univers

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para-scientifique qui rend le patient moins innocent, même si, sur certains points, il reste très naïf. L'un des résultats immédiats de cette situation est que le médecin est invité à argumenter, à expliquer. Il doit parfois défendre sa prescription, menacé à la fois parce que son patient croit savoir et aussi par l'entourage. Ces problèmes sont intimement liés à la notion d'obser­vance. Nous avons décrit, sous le nom d'objecteurs thérapeutiques, ces patients qui refusent d'être nos malades, nous consultent pour rejeter ou négliger nos indications. Souvent, ils puisent la force de leur objection dans des données mal interprétées de l'infor­mation ou dans des informations fausses. Dans le champ de la psychiatrie, il y a quelques années, l'em­prise idéologique a atteint un tel niveau que certains patients psychotiques jeunes ont perdu toute occasion d'être convenablement traités et stabilisés. On ne peut donc négliger ces indications et on doit même être très attentifs à ces mouvements psychosociologiques qui sont, à côté de la clinique, un élément capital de notre action d'assistance et de thérapeutique, mais il ne fau­drait pas voir ce rapport médiatique comme complè-: tement négatif. D'une part, comme nous l'avons déjà souligné, il contribue, d'une certaine façon, à une édu­cation sanitaire du public, ce qui n'est pas rien, et, d'autre part, il oblige le médecin à rester vigilant, à l'affût de ce qui se passe dans la médecine. Certes, un routinier peut le rester en justifiant son abstention au nom de la prudence mais de tels arguments ont moins de poids aujourd'hui, justement parce qu'une meilleure connaissance du mouvement général de la médecine, même vague, même imprécise, même faussée, tend à rendre plus exigeants à l'égard de leur santé un certain nombre de nos contemporains. Il s'agit de m~nifester un optimisme modéré mais l'orientation non modifiable, par ailleurs, du pouvoir médiatique peut avoir, à ce niveau, quelques retombées positives. L'homme qui sait, disait à peu près Platon, ne peut être que bon. Il faut espérer qu'un savoir sur le corps et l'esprit un peu mieux réparti faciliterait à chacun l'exercice de sa res­ponsabilité dans le domaine de la santé. •

RÉSUMÉ

L'auteur évoque d'une pan la typologie dœ informations mtklicsles mises à la disposition du grand public, d'autre pan la nature mime de la vulgarisation ainsi réalisée. Il en tire quelques conclusions par rappon à la conduite du mtklecin.

BIBLIOGRPAHIE

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MARCUS-STEIFF J. - L'information comme mode d'action des organi­sations de consommateurs. Rev. Franç. Social., XVIII, 1977, 85-107.

PELICIER Y., MOUCHEZ Ph. - Abrégé de Sociologie et Économie médicale, Masson, Paris, 1972.

PELICIER Y. - Les images de la Science, Éditions Economies, Paris, 1984.

PELICIER Y. - Guérir et le Guérissage. Psychologie MtJdicale, 1984, 16, 7, pp. 1133-1136.

PELICIER Y. - Le jeune objecteur thérapeutique. Médecine et ArmtJes, 1986, 13, 2, pp. 131-134.

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INFORMATION MÉDICALE PAR LES MÉDIAS ET COMPORTEMENT DU PUBLIC ET DES MALADES

par le pr M. TUBIANA (*)

L'attitude du corps médical vis-à-vis des médias a profondément évolué depuis une trentaine d'années. Au début des années 50, la méfiance des médecins vis­à-vis des journalistes était la règle. Donner une interview, laisser paraître sa photo dans les journaux, apparaissaient comme la quête douteuse d'une publicité de mauvais aloi. La bienséance exigeait la dis­crétion. Un médecin ne pouvait pas être un cabotin. D'ailleurs à cette époque, sa carrière et sa réussite ne dépendaient en rien de sa notoriété auprès du grand public, celle-ci comportait des inconvénients mais n'ap­P,Ortait aucun avantage. Lors de mon premier séjour aux Etats-Unis en 1948, j'avais été surpris d'y voir les plus grands médecins n'hésitant pas à passer des heures avec les journalistes et ayant pour eux la considération que l'on a pour les puissants.

L'évolution des mentalités s'explique par plusieurs facteurs convergents. Le premier est la prise de conscience de l'influence des médias dans une société démocratique moderne. D'une part ils conditionnent le comportement du public, d'autre part la recherche médicale coûte cher et si lon veut obtenir des fonds suffisants, il faut la faire connaître par le public. La contribution de celui-ci à la recherche médicale et biolo­gique dépasse chaque année. 1 milliard de francs actuels et, sans cette aide, des secteurs entiers de la recherche et de grands centres tels que l'Institut Pasteur ou Villejuif ne pourraient continuer à fonc­tionner normalement. De plus l'aide privée sert souvent de starter pour l'aide publique en permettant d'initier des actions que le C.N.R.S. ou l'l.N.S.E.R.M. prennent ensuite en charge. A Villejuif, l'aide privée représente le tiers du budget recherche. On se rapproche ainsi de la situation américaine. Deuxièmement, dans le subcons­cient collectif de notre époque, la mort et la crainte de vieillir ont pris une importance primordiale, le public est avide d'informations médicales et de nombreuses enquêtes concordantes montrent que la santé est la principale préoccupation des Français, aussi les médecins sont constamment sollicités par les médias. Nous examinerons successivement les avantages, les limites et les inconvénients de cette abondante infor­mation médicale médiatique.

(*) Institut Gustave-Roussy, Villejuif.

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1. - INTÉRÊT DES CAMPAGNES MÉDIATIQUES

A la fin du XIX0 et au début du XX0 siècle, l'amélio­ration des conditions sanitaires et l'allongement de la durée de vie ont été essentiellement le fruit d'une action collective : la réglementation sanitaire, les grands travaux tels que l'adduction d'eau ou le tout-à-l'égoût, les campagnes de vaccination obligatoire. les mises en quarantaine, ont joué un rô le majeur dans la fin des grandes épidémies. Cependant. même à l'apogée de ces mesures collectives, les comportements individuels conservaient une importance primordiale : se laver les mains, se brosser les dents par exemple, constituaient les fondements du credo sanitaire de l'adolescent au début du siècle.

A u fur et à mesure que tout ce qui pouvait être fait sur le plan co llectif s'achevait, le rô le de l' individu prit une importance croissante. Nous savons aujourd'hui que plus de la moitié des cancers, des maladies cardio­vasculaires, des affections dégénératives, sont dus à des habitudes individuelles (tabac, alcool, sédentarité, suralimentation ou déséquilibre alimentaire). Nous avons pris conscience du fait que chaque individu est dans une très large mesure maître de son destin, il en résulte que pour améliorer l'état de santé d'une nation, il faut d'abord l'informer.

Par exemple, le registre du cancer de Stockholm montre que le taux de survie à 5 ans des cancéreux est passé d'environ 25 % à la f in des années 40 à environ 50 % au début des années 1980. Pour moitié au moins ce progrès est dû à un diagnostic plus précoce, ce qui signifie qu'en moyenne les malades consultent plus tôt et attachent plus d'importance à des symptômes qui aut refois ne les inquiétaient pas. L'effort d'information a donc déjà été payant ; beaucoup cependant reste à faire. Prenons l'exemple du tabac, il cause en France environ 90 000 morts par an (cancers, infarctus, bron­chites chroniques) et environ le quart des personnes fumant régulièrement 15 cigarettes par jour ou plus meurent d'une affection provoquée par le tabac. Sa consommation a augmenté en France au rythme de 5 % par an pendant 30 ans, elle est étalée depuis 1976-1977 mais ceci est insuffisant car il faudra it arriver à la fa ire nettement diminuer, comme aux États­Unis. en A ngleterre, en Norvège ou en A ustralie. Dans ces pays, la fréquence des cancers du poumon diminue déjà signif icativement alors qu'en France elle continue à augmenter. Cependant, dans tous les pays, même dans

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ceux où la campagne ami-tabac a été la plus efficace, l ' impact est toujours moindre dans les couches socio­professionnelles les moins élevées et chez les femmes, notamment les adolescentes. Ceci souligne que l'effort d 'information qui a été fait est insuffisant dans certains secteurs et que son contenu mériterait d'être recon­sidéré. Il faudrait surtout obtenir le concours des médecins praticiens et des professeurs des lycées et collèges qui, en France, fa it cruellement défaut.

Quand on parle du tabac, il ne faut jamais oublier que les campagnes ami-tabac ne font que tenter d'équi­librer le gigantesque effort de publicité en faveur du tabac effectué par les marchands de cigarette;:;. Le budget annuel de publicité pour le tabac est aux Etats­Unis de 2 milliards de dollars, il dépasse 1 milliard de francs en France , en regard dans les années les p lus fastes le budget des campagnes ami-tabac n'a jamais dépassé 2 millions de francs. On voit la nécessité d'un effort collectif d'information en ce domaine. Cependant il ne faut pas être pessimiste. Deux résultats notables ont été obtenus : 1) les fumeurs ont mauvaise conscience, ils connaissent les ri sques qu'ils encourent et font courir, du fait du tabagisme passif, à leur entourage; 2) dans la tranche d'âge 35 -50 ans, le nombre de fumeurs dans les classes moyenne et supé­rieure de la société a considérablement diminué, sur le p lan de l'exemple ceci est très important car l'habitude de fumer se contracte par l'exemple. Un pas dans la bonne direction a donc été franchi qui aurait été accompli beaucoup plus vite si les médias avaient été plus coopérants, mais qui n'aurait pas pu l'être sans la télévision car, comme les journaux dépendent étroi­tement de la publicit é pour le tabac, ils sont quasi para­lysés.

Un autre exemple illustrera l'effet bénéfique de l 'in­form~tion et l' impact des médias sur le comportement. Aux Etats-Unis une campagne sur le rôle du cholestérol et des graisses animales à l'origine des affections car­dio-vasculaires a, en 20 ans, profondément modifié les habitudes alimentaires. Ainsi la consommation de beurre (par tête d'habitant) a diminué de moitié et celle des yaourts et des produits laitiers pauvres en graisses a considérablement augmenté. La fréquence des irifarctus du myocarde a régressé très notablement aux Etats-Unis pendant cette période, en grande partie grâce à ces campagnes.

Les choses ne sont cependant pas toujours aussi simples.

Il. - LIMITES

L'information médiatique n'est pas t oujours d 'une qualité satisfaisante, el le est souvent inutilement alar­miste et l'exemple de la panique provoquée il y a quelques années par des émissions de radio sur les colorants synthétiques, alors que ceux-ci éta ient tota­lement inoffensifs, montre les risques d'une information non contrô lée faite par des journalistes peu compé­tents . En ra ison de son caractère excessif et de la recherche du sensationnel, elle peut même être dange-

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reuse. Par exemple la mode du jogging aux États-Unis a causé bien des morts par infarctus du myocarde alors qu'initialement le but était de les éviter en luttant contre la sédentarité. Mais de même qu'on ne peut pas lutter par le jeOne contre la suralimentation. un excès n· est pas un remède contre un autre excès. La compré­hension du but à atteindre, celle des mécanismes phy­siopathologiques, font souvent défaut dans l'infor­mation médiatique, soit que le journaliste n'ait pas compris le message ou l'ait gauchi, soit qu'il l'ait transmis au lecteur sous une forme difficile à saisir.

Une autre difficulté est l'atteinte par le message d'une cible qui n'est pas celle qui était visée. Par exemple en Grande-Bretagne, les campagnes d'infor­mation faites pour lutter contre le cancer du col de l'utérus et préconisant aux femmes de se faire faire un frottis cervical tous les 3 ans, n'ont eu aucun effet bénéfique. En effet, celles chez qui les cancers du col utérin sont fréquents appartiennent surtout aux couches socio-professionnelles défavorisées, elles ont eu plusieurs fausses couches ou enfants et lisent peu les magazines féminins. Au contraire les lectrices de ces magazines sont en général des femmes sachant manier la contraception, ont peu d'enfants, respectent une hygiène gynécologique satisfaisante et se font déjà surveiller sur le plan gynécologique pour contraception. Le résultat des campagnes a donc été de multiplier inu­tilement les frottis chez les femmes qui s'en faisaient déjà faire et n'ont qu'un faible risque de cancer du col, sans atteindre celles qui en auraient eu besoin. A la suite de ces enquêtes, les autorités sanitaires anglaises ont compris qu'il fallait reprendre le problème à zéro car une campagne n'est utile que si elle est, dès le départ, conçue en fonction du public visé.

Ill. - INCONVÉNIENTS

Les inconvénients de l'information médiatique sont évidents, tant en ce qui concerne les médecins que les malades. Le goOt des journalistes pour la personnali­sation de l'information aboutit fréquemment au vedet­tariat, c'est-à-dire à la focalisation de l'attention du public sur quelques médecins qui personnalisent en quelque sorte, aux yeux du public, la discipline qui est la leur. S'ils n'y prennent pas garde, ces médecins peuvent peu à peu se laisser aller à exprimer des juge­ments dans des domaines qui ne relèvent pas de leur compétence et à glisser insensiblement d'un langage ayant pour objet l'information du public, à un langage qui plait au public. La frontière est difficile à fixer car, pour atteindre le public, il faut que celui-ci écoute, donc apprécie ; mais si pour capter 1· attention du public on se laisse aller à le flatter et à altérer le contenu du message, on risque de faillir à sa mission. C'est là un piège d'autant plus difficile à éviter que le journaliste qui interroge peut, par goOt du sensationnel, avoir ten­dance à pousser le médecin sur cette pente.

Cependant, même si le médecin et le journaliste parviennent à demeurer rigoureusement objectifs, l'in­formation médicale, même de bonne qualité, peut avoir un effet nocif sur le public, d'une part en accentuant son anxiété: à force d'entendre parler de maladie, on finit par se sentir malade, d'autre part parce que le malade

applique à son cas des enseignements qui sont des­tinés à d'autres. Nous avons tous vu des malades qui, par exemple, refusaient une intervention parce qu'ils avaient écouté à la radio ou vu à la télévision des médecins qui, croyaient-ils, avaient dit que l'on pouvait soigner leur maladie sans opération. Ainsi un rensei­gnement médical exact et donné en toute bonne foi peut avoir un effet désastreux s'il est mal interprété par une partie du public, soit qu'il éveille des espoirs incon­sidérés - ce qui est souvent la conséquence de nou­velles spectaculaires prématurées ou non fondées -soit au contraire qu'il plonge dans le désespoir des familles entières en faisant croire que le traitement qui a été prescrit n'est pas celui qui aurait dO être fait.

Cependant, la plupart des émissions médicales par­viennent à éviter ces pièges quand les journalistes ont le sens de leurs responsabilités et que les médecins ont suffisamment d'expérience pour éviter des paroles qui pourraient être mal interprétées par un public non averti. De ce point de vue, il faut insister sur la nécessité de relations confiantes entre des médecins avertis et des journalistes spécialisés et compétents. C'est heu­reusement fréquemment le cas en France depuis deux décennies et ceci a contribué à améliorer notablement l'état sanitaire en France; mais ce n'est, hélas, pas tou­jours le cas. Trop d'animateurs incompétents à la radio ou à la télévision recherchent le sensationnel ou jouent, pour flatter le public, la carte des charlatans et des remèdes douteux appartenant à la médecine dite parallèle. Trop de rédacteurs en chef passent outre les protestations des journalistes spécialisés pour rechercher l'attention du public. La vogue des méde­cines parallèles n'aurait jamais pris l'essor qu'elle a eu sans le besoin de miracle du public, mais aussi sans le manque de sérieux de quelques journalistes et, il faut bien le dire, sans la vénalité de certains. Or ces méde­cines dites douces ne sont pas seulement inefficaces, elles sont souvent dangereuses en empêchant que soient instaurés à temps des traitements efficaces. T eus les cancérologues par exemple voient chaque année des dizaines de malades qui auraient pu être guéris mais qui arrivent trop tard après avoir été long­temps bernés par d'illusoires remèdes-miracles.

Au total, l'information médicale médiatique est iné­vitable car elle est souhaitée par le public qui est évi­demment le maître du jeu ; elle est généralement béné­fique mais peut être nocive si l'informateur manque de sérieux ou oublie ses responsabilités. Les médecins, sous peine de laisser le champ libre à d'autres, ne peuvent pas s'en désintéresser mais ils doivent peser chacune de leurs paroles, être d'une extrême prudence et demander, aux journalistes avec qui ils dialoguent, la même prudence. Enfin, en aucun cas cette information médiatique n'est suffisante, elle n'est pas un substitut à léducation sanitaire qui devrait être donnée à 1· école à partir de l'âge de 8-10 ans, c'est-à-dire au moment où les esprits se forment et sont réceptifs.

IV. - LES RÉACTIONS DES MALADES

L'information médicale médiatique a modifié consi­dérablement les réactions du malade. Celui-ci est plus averti, donc souvent plus coopérant mais il est aussi

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plus anxieux, donc plus revendicatif. Cette évolution des mentalités est particulièrement évidente pour les cancéreux.

Il est devenu aujourd'hui impensable de dire à une femme à qui l'on vient de faire !'exérèse d'un nodule mammaire: il s'agit d'un nodule bénin, précancéreux, mais par prudence on va effectuer 30 séances de radio­thérapie et 6 mois de chimiothérapie. Ce langage ne passe plus et les enquêtes montrent que, quoi que lui ait dit - ou non dit - le médecin, dans 90 % des cas le malade connaît la nature de son affection. Le problème de la vérité au malade est, nous avons eu l'occasion de l'écrire, un faux problème ; ce qui importe est l'établis­sement d'un bon contact humain. Si un dialogue confiant s'est progressivement instauré, ce qui reste toujours extrêmement difficile, il sera possible au malade de faire comprendre au médecin ce qu'il sou­haite savoir ou ne pas savoir. On ne peut pas refuser à un malade un diagnostic qu'il sollicite, pas plus qu'on ne peut le lui imposer s'il ne le réclame pas. Le, malade, surtout maintenant qu'il est_ informé, doit rester le maître du jeu. Dans l'immense majorité des cas, après que la confiance soit née, le malade pose de multiples questions sur le traitement et les séquelles thérapeu­t!ques, il demande souvent le diagnostic mais ques­tionne peu sur le pronostic et s'il le fait, c'est généra­lement en tendant la perche pour qu'on le rassure car le besoin d'espoir reste indissolublement lié à la vie.

Il y a 20 ans on pouvait dire à un malade : je vous ai prescrit ce qui est bon pour vous, faites-moi confiance. Tenir aujourd'hui ce langage paternaliste amènerait le malade à en interroger d'autres: un autre médecin une infirmière, d'autres malades, voire un charlata~. Le malade, sa famille, liront une littérature para-médicale qu~ sera plus ou moins bien comprise. Il faut l'aider, le guider, dans sa légitime quête d'information. Ce n'est que dans ces conditions qu'il sera coopérant. Or cette coopération est indispensable car les traitements actuels, en particulier la chimiothérapie adjuvante, peuvent être éprouvants et démoralisants, ils épuisent un malade qui, lopération ayant été effectuée, se sent en pleine forme et n'accepte ces moments difficiles que s'il en comprend l'utilité. Une étroite entente entre le médecin et un malade qui refuse d'être considéré comme un mineur est donc un préalable indispensable au succès.

Mais le prix de la connaissance, de l'information, est l'angoisse. Il était relativement facile. autrefois de

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rassurer un malade inquiet mais peu instruit. Il est beaucoup plus difficile d'y parvenir avec un malade informé, mais souvent mal informé, exigeant. Un trop grand optimisme risque de le rendre méfiant ou scep­tique, une nuance de pessimisme de le désespérer. De plus un malade informé par la télévision ou les maga­zines sera facilement enclin à considérer qu'on l'a mal traité, par exemple qu'on lui a inutilement enlevé un sein qu'on aurait pu lui conserver, ou qu'on a pris des risques en le conservant. Nous n'avons pas encore en France les cascades de procès intentés par les malades aux médecins, comme on le voit aux U.S.A. depuis plus d'une décennie, mais déjà les lettres aigres ou revendi­catives se font plus fréquentes. Nous en arrivons, peu à peu, au moment où il faudra faire participer le malade au choix de la stratégie thérapeutique.. Prenons par exemple une maladie de Hodgkin chez un homme de 30 ans. S'il s'agit d'une bonne forme clinique, la radiothé­rapie seule sera suffisante ; si le tableau est très défavo­rable, lassociation chimiothérapie-radiothérapie s'impose mais elle rendra le malade stérile. Dans les ca~ intermédiaires, fréquents, on peut hésiter entre pl4-sieurs stratégies: par exemple pousser plus loin le bilar et effectuer une laparotomie avec splénectomie po4r acquérir une information pronostique supplémentair~, ou commencer par la radiothérapie seule en acceptant un risque accru de récidives tout en sachant que ce's récidives pourront être guéries par une chimiothérapje intensive, ou encore jouer la carte de sécurité en insti­tuant d'emblée une chimiothérapie bien que celle-ci ~it 90 chances sur 1 OO de rendre impossible toute pro­création, ce qui peut profondément perturber la vie d'~n homme (ou d'une femme) de 25 ou 30 ans. Dans tous les cas, le taux de survie sera voisin mais l'histoirt:t de fa maladie et les séquelles thérape1,Jtiques seront trf}s dif­fére.ntes'. Si l'on pre~d seul la décision, même aptès ~n avoir parlé à la famille, on s'expose à des reproch~s ultérieurs ; si l'on interroge le malade, on risq~e qe déclencher une crise d'anxiété mais c'est néanmoins souvent la meilleure solution. ·

On pourrait multiplier les exemples montrant ·la nécessité du dialogue et ses risques. Le malade instruit est devenu un partenaire et il faut savoir l'accepter comme tel. '

Cependant il ne faut pas dramatiser le problème, l'immense majorité des malades ne demande qu'à fajre confiance à son médecin. Le dialogue est souvent plus aisé qu'on ne pourrait le craindre, un malade averti~ lucide, est souvent un partenaire plus facile pour: le médecin, il est aussi plus attachant mais cela est source d'un risque d'une autre nature pour le médecin. En· effet la lutte en commun avec le malade crée des liéns affectifs et, en cas d'échec thérapeutique, le choc sera plus rude pour le médecin ; or les échecs restent fré­quents. Ainsi le métier des cancérologues devient de plus en plus envahissant, éprouvant, et c'est peut-être ce qui explique que beaucoup d'entre eux cherchent un dérivatif, une bouée de secours dans les médias. :- •

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MALADES MÉDECINS MÉDIAS Évolution de la Communication

par le P' André NENNA (*)

La quantité et la qualité d'informations élaborées, mises en réserve, diffusées et utilisées dans le domaine de la santé témoignent de l'effort incessant de progrès scientifique et de l'accroissement des possibilités de communication entre les hommes. La puissance des moyens modernes d'information fait passer la médecine du domaine privé du soin au domaine public et de l'hygiène au droit à l'information. Il ne s'agit plus alors de comprendre ou de traiter, mais de distraire, de surprendre, de montrer, avec l'émotion que donne le voisinage de la douleur et de la mort conjurées par l'usage. Baignés par les médias, les interlocuteurs, médecins et malades engagent un dialogue sur fond de fausse connivence: l'un a soif de tenir à jour son action, l'autre veut coniprendr~ et maîtriser son destin. Entre les deux, les méprises de l'oui-dire et de l'usage .

• • •

Le lecteur de tà presse quotidienne et des pério­diques peut chaque jour trou.ver une information concernant la santé,· la maladie, les performances des techniciens du soin, les vicissitudes de la vie des hommes et des femmes célèbres. Chaque jour, au réveil, dans sa voiture, sur les diverses chaînes de la bande F.M., des ondes moyennes ou grandes, en lisant le journal, en regardant l'écran de télévision, le citoyen reçoit les nouvelles du dernier médicament, les images du famélique, celles du sida, les performances du chi­rurgien. Il n'est pas de chambre d'hôpital, de salle d'opération qui ne puissent brusquement devenir la scène du drame proposé à notre attention entre le potage et le dessert, entre la publicité vantant lessive, dentifrice ou antalgique et l'information sur le risque atomique, leau qui rend alerte et le biscuit qui fait les beaux bébés.

Malades et soignants sont irrigués par un flux incessant d'informations concernant la maladie et la santé infiniment plus important en France depuis les trente dernières années. Que de chemin depuis la gazette que Renaudot, médecin de Louis XIII, proposait en 1631. L'avènement de la presse écrite moderne sortie de la linotype de Mergenthaler à Baltimore en 1886 réalise l'information de masse. La radio-diffusion

(*) Hôpital Raymond Poincaré, Garches.

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Malades Médecins Médias

(confiée en France en 1923 au monopole des P.T.T.) ne comporte de 1930 à 1940 en pratique aucune nouvelle médicale. A ses débuts, la télévision reste discrète sur les faits du soin ou de la maladie. C'est à partir de l'année 1950 avec les équipes de Lalou et Barrère, que la télévision et la radio entrent dans les hôpitaux et célè­brent les efforts thérapeutiques et les grandes pre­mières chirurgicales. L'utilisation de la télévision pour lenseignement médical, sous l'impulsion du Professeur Léger réunit d'éminents médecins français. L'ordre des médecins précise les conditions d'anonymat, de res­ponsabilité et de gratuité qui doivent être préservées. Dès lors un nouveau style va apparaître : ce qui était enseignement ou nouvelle devient très vite recherche du sensationnel, propositions d'espérances, célé­bration de performances. Les actes les plus délicats nécessitant du temps, de la réflexion deviennent un spectacle étincelant croqué en quelques instants. Le vedettariat de l'opérateur, du biologiste donne à celui-ci des allures d'augure. Bientôt apparaissent les nouvelles quotidiennes du progrès (dans un domaine où un an d'étude est parfois nécessaire). La radio informe, la télévision montre, le quotidien donne à penser. De toute part, le déferlement de l'information se fait. Le potentiel de novation et d'émotion que recèle la bio­logie et la thérapeutique de l'homme offre un champ culturel sans limite. Pêle-mêle sont distribués les conseils de prévention, les recettes thérapeutiques, les considérations sur l'évolution des sciences, les tech­niques de la naissance à la mort. Apparaissant main­tenant avec un succès commercial difficile à chiffrer, les médias individuels, les cassettes, les centres de rensei­gnements téléphoniques, les banques de données sur· les accidents thérapeutiques. Quelle efficacité ? Quel bienfait ? Quel coOt ? Quelle source de financement ? Ceci demeure difficile à apprécier actuellement.

• . . LE MÉDECIN ET SA FORMATION PERMANENTE

le médecin est formé depuis les origines par I' ensei­gnement initial puis sa vie durant par l'échange confra­ternel et l'expérience. La nécessité de la mise à jour s'est faite plus pressante sous l'influence du progrès: plusieurs circuits d'information sont superposés et enchevêtrés ; - conférences, congrès, réunions scientifiques ;

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- correspondance écrite, téléphonique entre confrères, spécialistes, hospitaliers, biologistes, pharmaciens; - presse technique spécialisée ; - information pharmaceutique.

A ceci se sont ajoutées dans les dernières années diverses acquisitions : • une presse médicale quotidienne utilisant les moyens de production de diffusion et d'abonnement des grands quotidiens d'information est née, subventionnée par les pouvoirs publics, la publicité.

• Des banques de données ont été créées : informa­tions sur les intoxications, les médicaments, fichier PASCAL du C.N.R.S., réseaux MEDLINE. Des systèmes d'information au service des praticiens sont réalisés dans certaines facultés... etc... Des abonnements à la livraison de cassettes d'enseignement sont proposés par divers producteurs.

Cet ensemble fournit aux médecins une information technique sur les nouvelles explorations cliniques, bio­logiques et morphologiques et, les nouveaux procédés thérapeutiques, médicamenteux ou autres, les tech­niques d'hygiène et de prévention, les problèmes admi-nistratifs, fiscaux, les loisirs. ·

La place de la santé dans la presse quotidienne et périodique, les multiples stations de radio, les chaînes de télévision, est considérable. Certaines émissions de télévision le dimanche matin sont dévolues à l'ensei­gnement médical mais peuvent être vues par tous les citoyens. Ce dernier groupe de communications constitue le fond culturel médiatique commun, latent entre le médecin et le patient.

Pour le médecin, la multiplicité des médias et des informations crée des difficultés et apporte des avan­tages. On peut être informé de tout à tout instant. Dans le village médiatique, le téléphone ne laisse aucun médecin isolé. Par contre, l'abondance d'informations est dispersive (comment trier l'information utile du fatras des nouvelles). Elle crée une inquiétude (suis-je au fait du dernier progrès et puis-je donner au patient toutes ses chances). Elle est coOteuse en attention, en temps et en argent, pour le médecin dont les res­sources sont amenuisées et le temps de culture très réduit. Enfin, elle constitue un savoir technique mais n'éduque pas la sagesse du soin. La prudence, la patience, l'attention, la sagacité, la modestie thérapeu­tique, le discernement dans les choix ne se livrent pas par afflux d'images, ni par telex.

LE PUBLIC ET LES INFORMATIONS MÉDICALES

l'information générale sur la santé est élaborée et accumulée par lexpérience des praticiens du soin et de la recherche. Elle est saisie, choisie et diffusée par les techniciens de l'information. Le choix soulève un dif­ficile problème : critères, quelle prétendue neutralité du fait alors que le choix privilégie une seule donnée. Comment séparer le bon grain de l'ivraie. Où trouver la pierre de touche autant pour l'information scientifique que pour les autres. Mémoire et discernement sont délicats (une maîtrise pour les informateurs médicaux a été créée dans certaines universités). Elle s'adresse à lensemble des citoyens pourvus de moyens de réception. Elle a deux buts : elle permet la mise en

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garde en cas d'épidémie, d 'intoxications. de danger collectif (pollution, risques divers de Tchernobyl au Rhin ... ). Elle propose un système de distraction, vulgari­sation scientifique, élan vers la découverte. Les émet­teurs sont ici tout puissants : ils sélectionnent le fait de santé souvent pour son aspect émotionnel et spectacu­laire, ils le présentent avec une conviction parfois vulné­rante et affolante en simplifiant souvent les données pour être plus démonstratif. Comme toujours, la qualité du récepteur détermine le niveau de compréhension et de la communication. Cependant le récepteur de l'infor­mation n'est pas directement impliqué, il n'a en pratique aucune possibilité de réponse ou de dialogue. Fina­lement le message est souvent banalisé parmi les autres nouvelles, du monde, de la nature, du sport, du théâtre et des variétés . L'information de santé const itue alors une masse pléthorique qui n 'est pas reçue dans une situation de demande. Elle est ainsi en partie inadaptée même si elle éveille un désir de lucidité et un appétit de savoir. L'information suivante chasse la précédente. Ainsi se constitue dans un flux continu d'inquiétude tempéré de scepticisme ou d' indifférence. une culture en confettis de sons et d ' images. La presse et les revues périodiques consacrées au soin. à la santé des enfants, des femmes sont une une source plus sûre d 'informations utiles d'une réelle qualité dans bien des cas. L'épanouissement du corps, de l'enfant, de l'esprit sont proposés. La santé apparaÎt comme l'un des besoins fondamentaux. L' idéal de beauté, de force. de vigueur sexuelle, de bonheur est proposé comme un droit pour tous.

Ainsi se constitue un monde d'où la douleur et la mort sont exclues, où la sécurité du soin semble totale. L'illusion y tient lieu de vérité. La retombée dans le réel à l'occasion de la maladie personnelle ou familiale risque d'être violente et cruelle.

Les avantages de cette information sont nombreux. L'espace offert au regard est étendu aux dimensions de la terre et parcourt le temps de l'histoire. L'accent sur l'appel vers le futur est en matière de santé plus important que l'apport sur l'évolut ion des idées. Le fait diagnostique ou thérapeutique, saillant et nouveau, est présenté sans que la lente progression qui le prépare soit évoquée. L'ensemble constitue certes, une simplifi­cation souvent trop parcellaire mais donne aussi une vision optimiste des progrès qui sont réels. Depuis peu la crise du pétrole, l'ouverture du regard sur le monde, la mise en question des pouvoirs des sciences phy­siques, biologiques et médicales, donne une coloration nouvelle plus mesurée. Les trésors accumulés dans les bibliothèques se complètent de nouvelles archives sonores et visuelles qui donnent à revoir les visages et les techniques avec une force décuplée par la fluidité de l' image et du son. La stabilité du livre est complétée par la vivacité du flux d'informations. En matière de santé, on passe aussi de l'anatomie descriptive à l'homéos­tasie du corps et de l'esprit. L'aptitude évolutive des médias sonores et visuels, la perfectibilité du contenu, sont portées par la merveilleuse qualité des instruments de la communication moderne. La puissance peut être utile pour le meilleur comme pour le pire . L'épreuve que constitue la maladie sera le moment de vérification de la justesse de l'information . On passe ainsi d 'un amas de faits extérieurs à l'intériorité de la sensation et de l'émotion vécue.

LES NOUVELLES DONNÉES DE LA RENCONTRE ENTRE MÉDECIN ET MALADE

L'exigence de succès, le refus de toute limitation, la surprise devant le caractère abrupt de la douleur, l'an­goisse de la décision d'urgence vont intervenir, magnifiés par les médias, à l'arrière-plan de la rencontre du public et de l'hygiéniste, du médecin et du malade.

L'éducation sanitaire et l'hygiène publique ont grandement bénéficié des techniques de communi­cation moderne. Conseillés par les médecins, les pou­voirs publics déterminent les lois qui assurent l'hygiène nécessaire à la vie sociale. Les médias apportent un précieux concours en diffusant l' information qui autrefois était donnée par les seuls médecins et per­sonnels de santé. Les progrès des techniques de pré­vention, l'élan de prospérité en Occident et l'apport des médias ont ainsi fait éclore des désirs de propreté, d'épanouissement du corps. d 'hygiène aussi bien chez les individus que dans les ensembles collectifs au travers du ruissellement des publicités hydriques et mousseuses. Le respect des vaccinations, les risques de la nutrition, les dangers de l'alcool, du tabac, des drogues constituent des informations bénéfiques. Combien de nouvelles possibilités sont-elles pro­posées ? Contrôle de la procréation, surveillance des grossesses, nouvelles techniques de fécondation, croissance des enfants dans les journaux et sur les écrans de façon répétitive. L'ensemble créé des désirs, améliore la vulgarisation scientifique . L'appel des médias sollicite le public par les enquêtes sur le tiers monde, la faim et la misère, les conséquences du chômage. Au cours des semaines consacrées aux grands problèmes des maladies : cancer, tuberculose, lèpre, la générosité du public est stimulée par la répé­tition des annonces auxquelles les « vedettes du show bizz ». du cinéma et de la médecine donnent un éclatant relief.

Il y a là participation à un effort de solidarité face au malheur dont l'importance a été réellement majorée avant tout par la télévision.

D'autre part les menaces sur la nature et l'environ­nement, étude des conditions sociales, d 'habitat, de travail montrent combien sont fragiles l' homme et ses civilisat ions malgré les prouesses ou à cause d'elles. (Tchernobyl, la pollution du Rhin, l'explosion de la navette montrent au monde entier la puissance et la précarité de nos conquêtes) .

Plus récemment les débats sur l'éthique médicale sont largement diffusés ou ouvrent au plus grand normal des espaces de réflexion. N'y-a-t-il pas là une singulière évocation de la Noosphère de TEILHARD DE CHARDIN ...

La relation médecin-malade constitue un lieu d'épreuve pour le contenu et les bienfaits des mes­sages véhiculés par les médias. Cette relation peut être interprétée dans la dynamique d'un échange de données et de points de vue. Mais des différences avec l'information fournie par les médias tombant comme l'eau d'une pomme d'arrosoir, sont nombreuses. Face à l'émetteur tout puissant des médias, il n'y a que pas­sivité et possibilité dérisoire de réponse. Là au

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LE MÉDECIN FACE AUX MÉDIAS

Le généraliste face aux u Medias »

par le Dr. Marc BOST(*)

Depuis quelques décennies, les moyens d'infor­mation « grand public » ont touché la médecine et les médecins dans un but certes louable, mais on peut se demander si un stade de «matraquage» n'est pas maintenant atteint.

Avant d'écrire ces quelques réflexions person­nelles, j'ai réalisé une expérience très simple et me suis attaché à regarder les émissions médicales de la télé­vision pendant deux mois ainsi qu'à «collationner» les articles de deux quotidiens (Figaro, Le Monde) et de trois hebdomadaires (Express, Le Point, Le Nouvel Observateur).

L'épaisseur de la pile est impressionnante ...

Utiliser les médias pour informer le public et faire un travail d'éducation en mettant en garde contre tel ou tel excès (alcool, tabac) contre une pratique dramatique (la drogue) ou contre le dernier fléau (S.l.D.A.) est une très bonne chose. Encore ne faudrait-il pas en négliger cer­tains aspects néfastes ou pervers.

Les temps ont changé et il est certain qu'il était nécessaire de partager « le pouvoir médical». Les patients possèdent par la vulgarisation une certaine connaissance médicale et donc n'acceptent plus comme autrefois qu'un diagnostic et une prescription tombent comme une sentence ou un « diktat » sans une explication, voire une discussion, d'autant que nous ne sommes pas infaillibles et que nos patients confrontent volontiers nos «dires».

Cette perte du «pouvoir médical», en partie jus­tifiée, va de pair avec une certaine perte d'autorité et de crédibilité. Il est désormais indéniable que nous sommes face à des malades possédant des connais­sances médicales acquises par des articles de journaux,

(*) Médecin généraliste - Paris.

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quotidiens ou hebdomadaires, voire revues spécialisées de santé, par les livres de vulgarisation, par la radio, par la télévision.

Cette situation nouvelle amène le généraliste que je suis à faire quelques commentaires que j'essaierai d'il­lustrer par des exemples vécus : - Les patients, souvent, ne comprennent pas, au len­

demain d'une émission médicale à la T.V., que nous ne l'ayons pas regardée, et il n'est pas rare qu'ils nous en fassent le reproche, ceci est le premier constat.

- Le deuxième est la critique de nos attitudes thérapeu­tiques et de nos décisions par le malade ou son entourage à propos de la maladie, objet de l'émission de la veille. Par exemple, il y a quelques années, avait eu lieu, à une heure assez tardive heureusement, une émission télévisée sur le cancer du sein au cours de laquelle un professeur de cancérologie strasbour­geois put s'exprimer librement, sans «contra­dicteur» en face de lui. Pour ce médecin, le trai­tement de cette affection résidait dans la radiothérapie et ses variantes, associées ou non à la chimiothérapie, mais jamais dans la chirurgie. Il alla jusqu'à dire qu' « il n'y a désormais que des bouchers (sic) pour faire encore de la chirurgie». Bien que n'étant pas cancérologue, j'ai reçu le lendemain et dans les jours suivants quelques appels télépho­niques «difficiles», certains patients et même un époux me reprochant d'avoir poussé à l'ampu­tation ... décision qui me paraissait alors non seu­lement souhaitable, mais nécessaire.

- Autre exemple encore, citons la sortie du livre du or Pradal« le guide des médicaments», depuis laquelle il est fréquent de rencontrer des malades se méfiant des antibiotiques et des hormones, déclarant ne pas vouloir d'anti-inflammatoire, refusant les corti­coïdes ... etc., avant même d'avoir commencé à rédiger une ordonnance. Et, l'effet inverse se mani­feste par la demande spontanée d'oligo-éléments, de traitement par des plantes (Chère Rika Zaraï, vous avez parfois fait monter ma tension artérielle 1).

- Un autre aspect, à mon sens, « pervers des médias » se résume à travers deux exemples récents :

L'arrivée sur le marché d'un nouvel antidépresseur appelé « pilule antitristesse » fut annoncée par un poste périphérique et par un quotidien à grand tirage, méthode surprenante et inhabituelle ... d'autant plus agaçante et critiquable lorsque l'on sait qu'un an plus tard ce médicament fut retiré en raison d ·effets secon­daires parfois mortels ... Il s'agissait pourtant d'un labo­ratoire pharmaceutique sérieux.

Plus récemment encore, les ondes périphériques et la presse écrite annoncèrent qu'un nouveau médi­cament, prescrit habituellement dans les vertiges, était un parfait antimigraineux avec ce titre à la première page d'un quotidien «la migraine enfin vaincue». Le standard téléphonique du laboratoire père du produit mais non responsable de ce « scoop » non fondé a failli sauter ...

Outre ces exemples, la presse écrite nous amène à parler du problème posé par des annonces souvent trop précoces ou des informations plus ou moins tram-

peuses concernant certaines méthodes d'investigations ou de traitement, voire certains nouveaux médica­ments.

Actuellement le « laser » est mis à toutes les « sauces » et est présenté pour certaines applications alors qu'en fait, on est encore au stade expérimental (telle la destruction des lithiases urétérales).

Ou bien on parle d'une molécule qui en fait ne sera commercialisée que quelques années plus tard.

Combien ces annonces ont pu décevoir des patients atteints de maladies longues et pénibles, telle la maladie de Parkinson ou la sclérose en plaque. Rap­pelons à ce propos l'annonce du traitement possible du Sida l'an dernier, avec conférence de presse et caution du ministre de la Santé de l'époque.

Restons dans « l'écrit » pour évoquer la multiplicité des livres concernant un grand nombre de patients à la recherche du traitement miracle :

de la migraine ; de la spasmophilie ; de l'insomnie ;

ou concernant l'obésité et les régimes radicaux et sans difficultés et qu'un généraliste de bonne foi et conscien­cieux se sent obligé de lire ou de parcourir, espérant toujours, dans un fatras de conseils simplistes, d' expli­cations erronées, trouver quelques recettes encore inconnues ... Mais que de temps perdu et d'argent gas­pillé.

L'outil médiatique le plus important, par son impact extraordinaire sur le public reste la télévision.

Moyen remarquable de communication, d'édu­cation et de vulgarisation, au bon sens du terme, elle présente néanmoins des dangers.

En effet le producteur de T.V. voudra avoir une écoute la plus importante possible et la tentation est grande de choisir une émission médicale traitant d'un sujet «dans le vent» et donc accrocheur ...

Ainsi ces derniers mois avons-nous pu voir des émissions sur le cancer, l'euthanasie, la mort, le Sida.

Quelques réflexions s'imposent au généraliste que je suis et n'engagent que moi-même ... - il est indéniable que ces sujets ont un aspect « rac­

coleur » sur le grand public et le temps imparti est souvent trop court pour aborder les problèmes à fond;

- il est parfois lassant de voir toujours les mêmes «Diva» présentes sur le plateau de l'émission n'étant pas toujours les plus habilités pour parler d'un sujet donné (mais ils passent bien à l'écran ... me disait récemment un ami journaliste à la télévision) ;

- ou à lopposé parlant de façon très catégorique, pouvant même aller jusqu'à faire des déclarations abusives, certaines même ayant pu émouvoir l'Ordre des Médecins ...

Enfin il m'arrive d'avoir une impression désagréable en regardant ces émissions d'information: on semble

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Le médecin face aux médias

oublier que des malades regardent ces programmes et peuvent être choqués et démoralisés. Dernièrement, lors de la 2° émission concernant le Sida, on insistait beaucoup trop sur l'évolution mortelle de cette affection (en particulier le «meneur de jeu» s'en est finalement excusé, rappelé à l'ordre par le or W. Rozenbaum). Pensons aux patients atteints ...

Je reconnais la difficulté de celui qui dirige les débats, mais je dois avouer ma déception lors de l'émission des dossiers de l'écran sur la mort et I' eutha­nasie, d'avoir par manque de temps, si peu entendu le spécialiste en Morale et en Théologie (Père Verspieren en particulier). Le cas de Mme Martin était certes émouvant ... mais à l'avoir un peu trop utilisé, le débat n'a pas véritablement eu lieu.

Par contre, je ne dirai jamais assez, en tant qu'homme et en tant que médecin accompagnant dans la mesure du possible, mes malades jusqu'au bout, combien j'ai apprécié les 4 émissions de« Voyage au bout de la vie». Je sais que le sujet était plus difficile, faisait peut-être peur, et la présentation faite sans concession pour le public. J'ai su que l'écoute avait été très moyenne ... et pourtant comment ne pas rappeler et conseiller de revoir la partie enregistrée dans le service hospitalier du pr R. Schaerer à Grenoble.

. . Au terme de ces propos et réflexions, je

m'aperçois de leur aspect critique, car je crois que les médias pourraient mieux être utilisés et ne pas se consacrer quasi uniquement à des sujets à « la mode » ou à «sensation».

Certes le S.l.D.A. est un problème mais on en parle trop et pas toujours assez clairement. Un article tou­chant ce fléau, quasi journalier dans la presse quoti­dienne, et une première page d'un hebdomadaire toutes les semaines: c'est un peu trop. Rappelons qu'en France le tétanos chaque année, tue plus que le Sida pour le moment.

Le Cancer est un drame, mais que dire du tabac, de l'alcool, des accidents de la route, là où des mesures simples, peu populaires et efficaces pourraient être mieux appliquées.

La stérilité est un grave problème dans un couple, mais pourquoi tant parler des mères porteuses (A noter que l'émission de la semaine dernière sur la fécondation

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in vitro et ses applications, se terminait par l'interview d'un couple qui, finalement adoptait un enfant ... ).

Étant donné le formidable pouvoir des médias, et en rappelant leur rôle positif déjà important, il me paraît souhaitable de moins utiliser le côté « accrocheur » mais de faire un meilleur usage pour - les informations utiles au public (prévention du Sida,

en essayant toutefois de ne pas nous montrer des films trop agressifs, tel ceux venus des U.S.A.) ;

- l'éducation sanitaire; - en tant que support essentiel des grandes cam-

pagnes de prévention.

Ainsi puis-je donner deux exemples parmi tant d'autres, mais peu attirants et « aguichants » pour les «médias», d'où leur faible publicité: • on constate de plus en plus souvent des problèmes

vasculaires graves chez des femmes jeunes, après l'utilisation associée de pilule et tabac pendant des années ... que de pilules et de paquets de tabac dans les sacs de ces dames ;

• enfin, s'il existe plusieurs millions d'hypertendus en France, traités, l'observance du traitement n'est que de 50 % - pourquoi ne pas sensibiliser le public à ce problème? •

Les allergiques et les médias

par le pr Marie-Thérèse GUINNEPAIN (*)

Quelle aubaine pour un journaliste que le grand public des allergiques ou de ceux qui craignent de le devenir: près d'un quart de la population selon des enquêtes épidémiologiques récentes; c'est une popu­lation jeune, des réglons urbaines, plus souvent des femmes, avide de toute information concernant ces maladies d'environnement devenues plus fréquentes avec les modes actuels de vie. Fait qui ne semble pas pouvoir être expliqué par les progrès du diagnostic et r étude de leurs mécanismes.

Selon que l'on est allergologue ou non initié on entend par allergie les réactions cliniques en rapport avec une hypersensibilité immunologique ou touté manifestation récidivante anormale à l'environnement. Ainsi la vulgarisation du terme d'allergie entraîne bien souvent des abus de langage.

De la petite pathologie récidivante au grand han­dicap de toute une vie, dans la moitié des cas c'est la peau qui est malade et ~ela retentit sur la psychôlogie

(*) Hôpital Pasteur, allergologie, Paris.

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de l'apparence quelle qu'en soit la gravité. Pour les autres, la gêne respiratoire ou oculaire est parfois lourde de conséquences sur la vie professionnelle et sociale. D'autres enfin risquent d'y perdre la vie. Quoi qu'il en soit, les deux tiers de ces plaignants recourent à l'automédication largement influencée par les médias.

Les titres à la une - Moyens de diffusion

Il est peu de « médecins stars » dans cette spé­cialité alors que tant les manifestations cliniques que les progrès de l'immunologie fournissent nombre de sujets attrayants: - L'allergie tue: plus de morts par piqOres de guêpe ou

d'abeille que par morsures de serpents. - L'allergie inquiète: l'œdème de Quincke impres­

sionne. - « La saison des allergies » : réactions solaires, rhume

des foins ... - Petits conseils de soins pour les fesses de bébé ou

les rougeurs du visage de la maman. - Combien de « rubriques santé » sont alimentées par

les colorants, les conservateurs et les allergies ali­mentaires et médicamenteuses 1

Un grand nombre de moyens techniques sont utili­sables par les journalistes : - Les flashs d'information, percutants, mais trop

courts pour expliquer, sont bien souvent mal inter­prétés. A l'issue de conférences de presse, pas tou­jours désintéressées, organisées par des labora­toires pharmaceutiques (présentation d'un antihistaminique supplémentaire) ou par des médecins qui cherchent à s'attirer une notoriété: ils donnent parfois de faux espoirs à nos patients .

- Les conseils du docteur A., réponse ou courrier de votre magazine préféré.

- Les forums radio ou télédiffusés et même le dernier né le Minitel.

- Sans oublier la publicité dont i'impact est considé­rable en matière de cosmétiques (produits hypo­allergéniques).

INFLUENCE SUR LE PUBLIC DE L'INFORMATION FAITE PAR LES MÉDIAS

- La maladie allergique n'est plus aussi « mysté­rieuse » : les patients consultent de ce fait fré­quemment les jours qui suivent la publication d'un article ou d'une interview, pour des symptômes qu'ils n'araient pas soupçonnés auparavant comme pouvant être d'origine allergique : instruits par lenvi­ronnement médiatique le malade a déjà fait le dia­gnostic ou le suspecte (manifestations respiratoires récidivantes, asthme d'effort, éruptions cutanées diverses ... ), ou encore il attribue à l'allergie tout symptôme qu'il n'explique pas; ailleurs une interpré­tation erronée, parfois délirante, des signes les plus divers, fait d'un psychopathe un «allergique à tout» (intolérances médicamenteuses multiples).

- D'autres sont en quête de moyens de prévention

dans la crainte d'un risque allergique comme cette jeune future mère de famille souhaitant éviter la trans­mission de son eczéma.

- La révélation de nouvelles investigations ou de nou­velles thérapeutiques est au centre des préoccupa­tions des journalistes qui proposent ainsi le recours d'emblée et à l'aveugle des examens biologiques, modernes certes, mais coûteux : tels les dosages multiples d'lgE spécifiques, faisant fi des tests cutanés qu'ils présentent comme pénibles et obso­lètes et que par conséquent les malades refusent ensuite.

- Nos patients réclament de nouveaux médicaments qu'ils savent être commercialisés dans d'autres pays.

- Ils revendiquent des thérapeutiques curatives en l'ab­sence d'éviction stricte de l'allergène alors que seule la prévention est raisonnable : ils veulent garder leur chat dans la chambre, poursuivre les sports hip­piques en dépit d'une allergie manifeste ...

- La contraction excessive de l'information aboutit à la constitution d'un véritable « miroir aux alouettes » comme dans le cas de la désensibilisation dite rapide («rush») qui devient la thérapeutique qui« guérit l'al­lergie en 3 jours». Cette technique est comprise à tort comme écourtée, non contraignante et adaptée à tous les types d'allergie alors que son application est limitée en principe aux venins d'hyménoptères et à certains pneumallergènes. Elle oblige en réalité à une hospitalisation brève et se poursuit par un traitement d'entretien identique à celui des techniques clas­siques.

- Des informations à sensation incitent au recours à des thérapeutiques d'intérêt clinique ou d'innocuité non prouvés scientifiquement telles « les scienti­fiques sortent l'homéopathie du ghetto » à propos d'un effet d'apis melifica relevé in vitro ou l'éloge des œufs frais de caille consommés crus contre l'allergie. Cette publicité a même conduit un laboratoire à la commercialisation d'œufs de caille lyophilisés pour pallier les aléas des élevages de cailles à domicile.

MÉDIA ET PRÉVENTION

- Les médias peuvent permettre la prise de conscience de l'existence d'un risque et de l'existence de moyens pour y remédier.

- Ainsi ils fournissent des informations sur les modifi­cations utiles dans l'environnement de l'allergique par exemple dans l'allergie aux acariens: publicité pour des peintures et des aérosols acaricides, sup­pression des nids à poussière, publicité pour des séjours climatiques et d'altitude.

- La diffusion des comptes polliniques de l'atmosphère dans les médias (journaux locaux, radio, Minitel) ren­seigne les porteurs de rhume des foins quant aux régions dangereuses à la saison où le risque est élevé : elle peut les inciter à ne pas partir à la cam­pagne tel« week-end», d'autres décident même de déménager après avoir pris connaissance de ce type d'information.

- Ils ont bien fait comprendre que la prévention du risque vital encouru par l'allergique à l'abeille ou à la

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guêpe passe obligatoirement par la désensibili­sation.

- Leur rôle positif est incomplet pour souligner l'intérêt d'une hygiène de vie dans le traitement et la pré­vention des maladies respiratoires et cutanées : « le souffle c'est la vie» et on signale que l'entraînement au sport est bénéfique (des asthmatiques champions de natation ou encore montant au Mont-Blanc pour le bicentenaire de son ascension), mais on commence à peine à dénoncer le rôle du tabagisme familial ou pro­fessionnel, même passif, comme facteur de risque dans les maladies respiratoires. Les médias se taisent vis-à-vis du risque d'allergie aux animaux familiers, peut-être pour ne pas avoir l'air de contredire l'influence bénéfique par ailleurs de ces animaux au domicile, ou pour ne pas s'attirer les reproches de leurs défenseurs. On conseille à grand renfort de publicité d'hydrater sa peau (cosmétiques, crèmes pour les mains), mais on oublie de dire qu'il ne faut pas l'irriter par l'usage ina­déquat de produits ménagers (concentration, rinçage, absence de protection). On conseille aussi de la protéger contre le soleil mais tous les corps étalés dans les magazines sont la couleur du pain d'épices. On vante bijoux-fantaisie, produits parfumés, extraits de plantes et, là aussi, les risques allergiques pos­sibles sont oubliés.

- A l'inverse, les accidents médicamenteux sont annoncés à grand bruit mais ces inconvénients ne sont pas comparés au grand nombre de sujets traités par ailleurs avec un bénéfice indiscutable et une bonne tolérance.

Nous savons bien que tout public est à l'affOt des découvertes qui pourraient lui donner une explication satisfaisante de sa maladie ou lui en fournir le traitement radical,- quasi miraculeux. Les moyens modernes que nous avons pour communiquer répondent souvent à cette attente mais ils devraient 'aussi permettre de donner à chacun des éléments de prévention au niveau de l'environnement, prévention capitale en matière de maladies allergiques. •

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LE SAVOIR PARADOXAL DU MOURANT

par Marie de HENNEZEL(*)

Le problème de l'information aux malades ne se limite pas à la révélation d'un pronostic ou du diag­nostic. C'est un problème de communication et de relation.

Pour E. Kubler Ross, le malade sait toujours. La question n· est donc pas tant de savoir s'il faut c;>u non lui dire la vérité, mais comment partager ce savoir avec lui, comment lui permettre de nous dire ce qu'il sait. On condamne trop souvent le malade au silence lorsqu'il exprime la conscience qu'il a de l'aggravation de son mal. La question est de savoir si nous pouvons sup­porter de parler avec lui de sa mort. Si les malades savent tout, il n'en demeure pas moins que de ne pas pouvoir partager ce qu'ils savent est pour eux une souf­france réelle. Un malade mutique et douloureux, visage et yeux fermés, évitant le contact, ne nous dit pas for­cément par là qu'il refuse de parler de sa mort. Peut­-être nous dit-il qu'il a déjà risqué le dialogue et ren­contré la peur dans le regard des autres, peut-être nous dit-il qu'il se sent seul. Si l'on doit absolument respecter le refus d'un malade de nous parler, il faut savoir lui faire comprendre que nous sommes prêts à le rencontrer dans sa question et dans sa peur, au moment où il le voudra, et au niveau où il le souhaitera, il faut lui faire sentir que nous ne nous déroberons pas. Un jour ou l'autre, le sujet est mis sur le tapis, et les malades s'étonnent eux-mêmes de la disparition de leur douleur ou du calme qui s'installe chez eux.

Il n'y a pas de recette, pas de truc, pas de principe. Il s'agit d'un art qui demande de mobiliser au plus profond de soi-même toutes ses forces d'amour, pour comprendre et deviner la réponse que le malade attend de nous. Cette question doit se résoudre dans une ren­contre d'amour.

A l'intérieur de ce problème, une question particu­lière nous occupe : Que devient l'information donnée ? Qu'en fait le malade? On croit avoir été clair, avoir eu une conversation franche et directe au cours de laquelle le pronostic mortel est évoqué, et puis le malade fait comme s'il n'avait rien entendu. La vérité, une fois lâchée, suit un mystérieux chemin.

Nous évoquerons ici deux interviews avec des malades hospitalisés dans le Service du pr Scherer à Grenoble. Ces interviews filmées par Bernard Martino,

(•) Psychologue clinicienne et psychothérapeute à l'hôpital International de l'Université de Paris.

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pour son émission «Voyage au bout de la vie», nous semblent représentatifs.

Le premier s'adresse à un homme âgé qui se sait gravement malade. Il insiste sur l'importance de l'espoir et de la confiance : « se battre et se croire perdu, ça ne va pas ensemble», dit-il.

On voit ensuite un homme qui, bien que sachant qu'il a un cancer, n'en a jamais prononcé le mot. Il ne veut pas en parler, nous dit sa fille, c'est sa manière de se défendre. La séquence suivante nous montre la visite du pr Scherer auprès de ce malade :

Le médecin: Comment allez-vous 1 Le malade: Je vais beaucoup mieux, c'est net, net, net. Le médecin: Qu'est-ce qu'ils vous ont dit en chirurgie, sur ce qu'ils ont trouvé 1 Le malade: Je n'ai pas posé la question directement, j'étais fatigué. Le médecin: Vous avez compris quoi 1

Le malade: J'étais confus, je m'attendais à ce que ce soit plus sérieux que çà. Le médecin: Vous avez l'impression que ce n'est pas sérieux 1 Le malade: Si, mais pas comme je me l'étais mis dans la tête.

Que se passe-t-il dans la tête des malades ?

E.K.R. décrit un processus en cinq étapes - déné­gation, colère, marchandage, dépression, acceptation -qui rend compte de toutes les réactions possibles. Mais ce qui nous déroute le plus, généralement, c'est le che­vauchement d'une lucidité devant la mort et d'une sorte de déni ou de rêve. Nous avons coutume de dire : il se défend, ou il est dans la dénégation.

Cela est sans doute vrai dans les premiers temps : le malade occulte en partie la réalité, il a besoin d'ou­blier. Mais, la mort approchant, cette attitude para­doxale ne peut être seulement le fait d'une dénégation. Certains malades, à quelques jours de leur mort, vous parlent d'elle avec une simplicité lapidaire, qui ne fait aucun doute quant à la conscience qu'ils en ont. Puis, dans la même conversation, ils échafaudent des projets à long terme, comme s'ils étaient éternels, ou disent qu'ils se sentent mieux et qu'ils reprennent espoir. S'agit-il alors d'un déni? Il semble plutôt que le malade communique ainsi la nature paradoxale de son expé­rience: il sait qu'il va mourir, et il sait que la mort n'existe pas. Max-Pol Fouché disait:« mourir existe, la mort n'existe pas». C'est un savoir de cet ordre qu'aurait le malade, et qui s'exprimerait dans des chan­gements d'attitudes déroutants, allant de la tristesse à l'euphorie, parfois dans la même journée.

Un malade de 40 ans, atteint d'un cancer fulgurant de la prostate, est passé brutalement dans la semaine qui a précédé sa mort d'une agitation angoissée à une sérénité presque euphorique. Lorsque je lui ai fait remarquer cette transformation, il m'a dit: «je suis guéri». N'est-ce pas trop rapide de parler de délire ou même de déni 1 Il éprouvait une paix intérieure inat­tendue, qui d'ailleurs provoqua l'étonnement de l'équipe. C'était de l'ordre du miracle (dans le sens éty-

mologique du verbe mirari : contempler avec éton­nement).

Pour vivre cette dernière étape de la vie, il semble qu'il faille entretenir un rapport à double face avec la mort: assumer le mourir et nier la mort tout à la fois. Pour tenir ce paradoxe, une force: l'espoir.

Tout le processus du mourir est sous-tendu par un espoir permanent qui prend les formes les plus variées : espoir de guérison, espoir de la découverte au dernier moment d'un nouveau traitement, espoir d'un miracle et, à la dernière phase, espérance d'une vie après la mort.

Pour E.K.R., dire à un malade qu'il n'y a plus d'espoir est à la fois une erreur psychologique grave et une contre-vérité médicale. Une erreur psychologique certes, puisque le malade lui-même nous fait savoir qu'il peut à la fois rester dans la conscience de sa mort pro­chaine et garder une frange d'espoir et de confiance. Une contre-vérité médicale car nul ne peut dire l'heure de la mort. Le mystère des corps reste entier et on voit parfois des rémissions étonnantes.

Le médecin ne devrait pas aller plus loin que de marquer la limite de ce qu'il peut faire. C'est ainsi que plutôt que de dire qu'il n'y a plus d'espoir, le «je ne peux plus rien pour vous guérir, mais je ferai tout ce que je peux pour vous soulager», tout en marquant la limite du pouvoir médical, laisse la porte ouverte à l'espoir.

Accompagner signifie s'ajuster au plus près de ce que vit le malade et le soutenir jusqu'au bout au niveau qu'il a lui-même choisi. Il ne s'agit pas de mentir mais de partager avec lui l'espoir que quelque chose d'im­prévu peut arriver, une détente soudaine, une rémission ...

Deux écueils sont à éviter :

- Communiquer son propre dllsespoir, celui de l'équipe, celui de la famille quand le malade a encore besoin d'espoir.

Ceci pose d'ailleurs la question de l'information à donner au malade lorsqu'une thérapeutique curative est abandonnée au profit d'une thérapeutique palliative. Le malade perçoit tout: les changements d'attitude, les regards échangés, les visites écourtées, le ton faus­sement rassurant. Il perçoit donc la peur, et l'absence d'espoir de l'entourage. Or la plupart des malades ont besoin d'une continuité des soins qui témoigne d'une continuité de l'espoir. Peu leur importe, à ce stade de leur maladie, que le soin soit à visée curative ou pal­liative, l'essentiel étant qu'il médiatise la sollicitude sans défaillance de l'entourage. Les malades ont besoin qu'on les soutienne dans leur espoir, aussi longtemps qu'ils s'appuient sur lui pour vivre.

- Le deuxième écueil à éviter est de s'accrocher à l'espoir, quand le malade nous fait signe qu'il n'en a plus. La tris­tesse d'un malade qui abandonne tout espoir doit IJtre accueillie comme telle. C'est alors qu'on voit parfois poindre quelque chose qui serait plut6t de /'espérance. Il y a là un saut de l'espoir à l'espérance, qui passe au­dessus d'un abfme de tristesse, et que /'entourage ne perçoit pas toujours. Continuer à donner de l'espoir est alors déplacé. Mieux vaut, si on le peut, offrir dans le silence intérieur, ce pont invisible que Victor Hugo dans ses Contemplations, appelle la prière.

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Le médecin face aux médias

Cette double conscience des choses prend dans l'agonie une forme que ceux qui passent de longues heures au lit des mourants connaissent bien : le visage douloureux et tendu, témoin sans doute d 'un difficile travail de deuil et de séparation d'avec la vie, connaît de surprenantes éclaircies . On voit alors les yeux s' ouvrir tout grand, et fixer un mystérieux lointain, le visage devenir lisse, revêtu d'une expression inconnue, sorte de beauté secrète. Cela dure quelques secondes, le temps d 'une pause respiratoire, et la souffrance reprend sa place sur le visage fatigué. Ces éclaircies se répètent ainsi de plus en plus souvent, jusqu'à la mort, telles les contractions d 'un laborieux accouchement, elles nous semblent ouvrir la voie vers une ouverture de lumière, vers quelque chose d ' absolument neuf.

Chestov dit que l'ange de la mort a les ailes constellées d 'yeux. Lorsqu'il s'approche de l'un de nous, il lui donne des yeux nouveaux, qui voient au-delà de l'apparent.

Qu' on soit au début ou sur la fin de son chemin vers la mort, la conscience lucide de celle-ci se double d'une sorte d'irruption intermittente de l'inconscient . On le sait, pour l'inconscient, la mort n 'existe pas . Fran­çoise Dolto affirme qu' ayant accompagné jusqu'à la veille de leur mort, certaines patientes, la mort n'est jamais apparue dans les rêves comme angoissante. La mort ne se présente comme angoissante que dans les fantasmes de notre imagination. Parlant de « jouissance de l'imminence de la mort », elle la compare à l' immi­nence jouissive de la naissance dans l'état menaçant d'asphyxie du fœtus : «cette asphyxie est le dernier souvenir d'une intimité délicieuse, d 'une sécurité à jamais perdue » ( 1) .

Les rêves des personnes confrontées à la mort montrent tous que l'inconscient ne prépare pas la conscience à une fin , mais plutôt à une transfor­mation .

Inviter un malade en fin de vie à raconter ses rêves, l 'encourager à mythologiser, est sans doute une façon de partager son savoir inçonscient sur la mort. C'est aussi une façon de l'aider. Ecouter non pas seulement la souffrance et l'angoisse du «mourir» , mais la pro­messe d 'une naissance dans l'ailleurs, qui se dit sur un mode symbolique. •

( 1) En face de la mort - Philippe Ariès - Françoise Dolto -Cardinal F. Marty - Ginette Rimbault - Léon Schwartzenberg. 1983, Éd. Privat, p. 104-105.

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GYNÉCOLOGIE, SEXUALITÉ ET MÉDIAS

par le D• CORDIER (*)

Les découvertes médicales fondamentales , leur impact sur les thérapeutiques pharmacologiques et chi­rurgicales, ont donné, depuis moins d'un demi-siècle, un nouveau visage à la médecine. Les relations entre les soignants et les patients s'en sont trouvées profon­dément modifiées.

1. - Les médecins sont contestés. La médecine a cessé d'être perçue par le public comme un art exercé par quelques notables . Certains les considéraient comme porteurs de pouvoirs quasi magiques. Pour les plus éclairés, les médecins étaient des « sages», détenteurs de quelques solides recettes physiques et morales pour guider la «bonne nature». soit vers le retour à la santé, soit peut-être aussi vers la non guérison. Cette éven­tualité était admise comme possible, comme à long terme inéluctable. Certains médecins ne disaient-ils pas d'eux-mêmes : «je soigne mes malades, Dieu les guérit ! ».

La médecine est entrée maintenant dans le domaine de la science et sa réussite est indiscutable . Chacun a pu expérimenter, pour lui-même ou ses proches, l'efficacité de certaines thérapeutiques et nous sommes tous les témoins obligés des « miracles de la médecine», largement diffusés par les médias, la télé­vision en particulier. D'où cette difficulté à accepter parfois les lenteurs de la guérison et, à l'extrême, l'échec du traitement qui fait immédiatement soup­çonner la faute ou l'ignorance du thérapeute.

Le savoir médical, d 'ordre scientifique, est, par nature, accessible et n'est pas un refuge réservé aux médecins. On veut, de plus en plus et à juste titre, com­prendre, ne plus s'abandonner aveuglément . Ce n 'est qu'un apparent paradoxe de constater que c'est au moment où la médecine devient plus efficace que le médecin est le plus contesté. Il y a là un piège où se prennent, à la fois, le soignant et le soigné. Ce dernier peut y perdre la confiance nécessaire et s'enliser dans une angoisse préjudiciable au succès thérapeutique. Le médecin, lui, perturbé par une attitude par trop défensive, peut sembler parfois . en multipliant par exemple les investigations techniques, surtout soucieux de ne rien oublier et qu'on ne puisse rien lui reprocher.

1·1 Hôpital International de l'Université de Paris .

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11. - Sont aussi bouleversés certains comportements touchant la sexualité. Dans cette même revue, vers les années 72, j'ai souvenir de m'être interrogé sur ce qui avait changé dans mon expérience de gynécologue, après les dures et brutales remises en question de 68. Il me semble qu'était majeure la revendication à un certain nombre de droits : droit au libre exercice de la sexualité, droit à l'orgasme, droit à l'avortement ... Tout celà était déjà rendu possible par l'avènement d'une contraception efficace, par des techniques mieux maî­trisées de l'interruption de grossesse, par les projets d'abolition d'une loi répressive interdisant l'avor-tement. ·

Mais, pour autant, rien n'allait obligatoirement de soi. Combien constations-nous de refus ou d'échecs d'une contraception mal appliquée, combien de «reconnaissances tardives» d'une grossesse qui ne permettaient plus ce choix pourtant revendiqué de lavortement.

Qu'en est-il aujourd'hui ? Une analyse au premier degré permet de constater une disparition apparente de toute culpabilité. Il y a un glissement évident du « pos­sible» au «permis». Je n'ai plus l'impression, dans l'exercice de mon métier, que le recours à la contra­ception pose un problème à qui que ce soit, même aux catholiques. La banalisation du recours à l'avortement est une constatation quasi quotidienne et on est très loin des uniques « situations de détresse » évoquées par le législateur. Comment ne pas être frappé aussi par le témoignage d'une jeunesse délirante d'enthousiasme à Lyon, pour la personne du Pape Jean-Paul Il, tout en affirmant ne pas être d'accord avec ses positions sur la morale sexuelle, comme si cette question était pour elle sans importance.

Pourtant, même si nous constatons que l'évolution des techniques de maîtrise sur la vie est « pour quelque chose» dans le relâchement des mœurs sexuelles, on voit aussi apparaître d'autres menaces, d'autres entraves au vain espoir que, dans ce domaine comme en d'autres, tout puisse être possible. Le surgissement des maladies sexuellement transmissibles est un pro­blème grave - stérilités liées à des infections traînantes et facilement méconnues à chlamydiae ou myco­plasmes - relation entre certaines viroses (he~pès ou papilloma-virus) et l'apparition ultérieure d'un cancer du col - progression rapide, surtout du S.LD.A., dont l'évolution jusqu'à présent encore inexorablement fatale, le mode de transmission, au début surtout homosexuel, ont suscité aussi chez les médecins des réactions passionnelles.

Je reçois couramment, aujourd'hui, des jeunes, des adolescentes, préoccupés par le risque des M.S.T. et qui viennent s'informer des mesures de prévention pos­sibles. Il y a là une démarche tout à fait positive, sOrement favorisée par l'information qui commence à être diffusée par les médias. Prendre conscience que la multiplicité des partenaires sexuels est un risque de maladie pour soi-même mais aussi pour l'autre que l'on peut contaminer est une première et indispensable prise de conscience de la réalité. Au même titre que l'usage d'une contraception efficace, ce peut être l'amorce d'un comportement responsable et donc d'une morale.

111. - L'éternel conflit entre le plaisir et la réalité n'est sans doute pas aussi masqué qu'il le paraît. Le vertige d'une toute puissance thérapeutique, partagé par le public et les médecins, ne saurait faire oublier « qu'on ne manquera pas de mourir ».

C'est un signe, par exemple, que les émissions médicales ne semblent plus exclusivement réservées aux succès des techniques de pointe. On a vu appa­raître à la télévision une remarquable série d'émissions sur le traitement de la souffrance et l'accompagnement des mourants.

Ce rôle, traditionnellement tenu par les médecins praticiens, tout particulièrement en médecine rurale, peut être parfois un peu oublié à l'hôpital où toute l'équipe soignante paraît submergée par les exigences du «plateau technique». Et pourtant, l'espoir même que suscite la technique hospitalière fait qu'on meurt de plus en plus à l'hôpital.

Il n'est pas question de mettre en doute la compé­tence et le dévouement qui règnent dans un très grand nombre de services hospitaliers mai% nous savons tous que des progrès sont à faire. La création, dans certains hôpitaux, de centres de « soins palliatifs » peut dépasser le bénéfice ultime que vont en retirer les malades, peu nombreux, qui y seront accueillis. Ils peuvent contribuer à modifier des mentalités : souci et amélioration des techniques de traitement de la douleur, acceptation plus consciente que le médecin qui a été longtemps celui qui a pu guérir, soit celui-là même qui aide le patient et la famille à vivre décemment la fin de la vie.

A côté du risque d'enfermement acharné dans une technique, cet effort à l'hôpital pour une meilleure prise en compte de l'homme dans sa réalité physiologique et spirituelle est un très grand espoir. •

ADHÉRENTS ET AMIS DU C.C.M.F.

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La théologie en dix volumes + un

Le christianisme et la for chrétienne

Manuel de théologie Sous la direction de Joseph Doré

Desclée ( 1985-1987)

par le Père DORÉ (*)

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1. POURQUOI UN MANUEL 7

Vous avez mis en route, avec un certain nombre de colla­borateurs, un manuel de théologie en dix volumes. Comment avez-vous eu l'idée - et /'audace - d'entre­prendre cette œuvre monumentale'?

La tâche de la théologie, c'est d'aider à mieux com­prendre la foi et à mieux la vivre. Mais la théologie ne fournit évidemment cette aide que dans la mesure où elle répond aux questions des hommes. Or, comme ces questions sont différentes selon les pays, les milieux, les âges, les mentalités, etc., les réponses aussi varient... si du moins les théologiens font bien leur métier.

Livres et articles de revues manifestent bien, de fait, une grande diversité. Malheureusement, celle-ci donne parfois une impression de dispersion. A tel point que beaucoup de lecteurs se sentent aujourd'hui un peu perdus devant une telle richesse 1

C'est justement là, me semble-t-il, qu'apparaît l'in­térêt d'un manuel.

Comme l'indique bien l'étymologie elle-même, le mot « manuel » évoque en effet l'idée d'un ouvrage que l'on a« sous la main», à sa disposition constante, pour s'y référer quand on le veut. S'y référer pourquoi et comment ? - Justement pour être toujours et partout en mesure de se repérer dans la diversité des réponses et des opinions qui fleurissent en théologie. Telle est en effet la visée de ce manuel : sur tous les points impor­tants de la foi, exposer la variété des prises de position et fournir les repères généraux et les axes de référence qui permettront à chacun de s'y retrouver et de se faire lui-même une opinion motivée.

Voilà pour répondre à quel type de besoin j'ai eu, comme vous le dites, « l'idée et le courage » non seu­lement de mettre en route un ensemble articulé d' ou­vrages de théologie, mais encore de donner à cet ensemble l'allure et les caractéristiques précises d'un manuel.

2. DIVERSITÉ DE LA THÉOLOGIE ET UNITÉ DE LA FOI

Vous parlez de diversité: le credo est pourtant bien le m§me pour tous les chrétiens I

(•) Professeur à l'Institut Catholique, Paris.

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Assurément. Mais prenons un exemple, central d'ailleurs. où nous rencontrerons justement à la fois l'unité de la foi et une grande diversité dans la manière d'en comprendre l'affirmation.

Il y a au cœur du Credo chrétien un membre de phrase très important : « pour nous les hommes et pour notre salut». Tout ce qui est affirmé dans le Credo concerne notre salut. Cette affirmation de foi est (ou devrait pouvoir être) le bien commun de tous les chré­tiens. Mais précisément, si ce salut est vraiment pour nous, il ne peut que se traduire sous des formes variées, dès lors qu'il répond aux questions et s'adapte aux besoins des hommes. au cœur de leur histoire. Et, de fait, le constat est facile à faire : à travers les siècles et les sociétés, c'est bien du même salut que l'on a parlé, et pourtant les croyants se sont exprimés à son sujet en fonction de situations, d'expériences et d'inter­rogations qui, en fait, variaient beaucoup.

Notons tout d 'abord que, traditionnellement, on désigne le salut à l'aide du mot «rédemption» . Mais ce mot-là n'épuise pas toutes les expériences possibles du salut chrétien 1 Lui aussi. il est en rapport avec une situation et des circonstances très précises, puisque, à vrai dire, c'est à l'histoirE! du peuple hébreu, à sa libé­ration de la captivité en Egypte qu'il nous renvoie. De sorte que lorsqu'on utilise ce terme, on désigne en réa lité le salut comme une libération ...

Diriez-vous donc que la libération est au cœur de la théo­logie?

Oui. Dans les écrits du Nouveau Testament, la libé­ration tient une place considérable. Relisez St Paul : « Car le Seigneur c'est !'Esprit et où e~t !'Esprit du Sei­gneur, là est la liberté» (2 Co 3, 17). Ecoutez St Jean : «la vérité nous rendra libres» (Jn 8, 32) . Libres par rapport au péché, par rapport à la Loi, par rapport à la mort même ; mais aussi, plus largement, libres par rapport à toute forme d'esclavage, de captivité, de ser­vitude.

Malheureusement, un glissement s'est opéré au cours de l'histoire : la rédemption, avec la libération qui l'accompagne, en est arrivée à être localisée presque exclusivement dans « l'âme». Au point que, parlant du salut, on pensait quasi-uniquement au salut individuel et au salut par rapport au péché. Vous voyez bien toutes les dimensions proprement chrétiennes du salut que lon risquait du même coup de laisser de côté 1 Mais vous savez bien aussi, n'est-ce-pas, que tout un courant de la théologie contemporaine est justement en train de revaloriser ces aspects trop estompés : je pense naturellement au courant qui est représenté par ce qu'on appelle les «théologies de la libération».

Cela dit, il y a eu et il y a toujours plusieurs autres manières d'exprimer le salut. Au xv1e siècle, par exemple, au temps de la Réforme, on parlait surtout de la «justification». Mais il est aussi arrivé (voir déjà St Paul) que l'on parle, encore, de «réconciliation». Ou bien de « divinisation » : les tpéologiens grecs des pre­miers siècles, les Pères de l'Eglise. affectionnèrent par­ticulièrement cette dernière désignation.

Vous voyez bien que, malgré une même visée croyante fondamentale et en son sein même, grande est la diversité des explications et théorisations théolo­giques, aujourd'hui comme hier.

Ainsi toute théologie est partielle, relative à un temps et à des circonstances données ?

La théologie est une manière de répondre de la foi en répondant aux questions des hommes. C'est parce que les questions varient, que la (bonne) théologie varie elle aussi. Il n'y a, vous le voyez, ni à s'en étonner, ni à déplorer l 'évolution et la diversité que l'on peut constater. Ici, la diversité est plutôt le signe que la théo­logie répond effectivement à sa mission 1

Il faut seulement que toute tentative théologique, quelle qu 'elle soit, reste toujours en mesure de fa ire apparaître en quoi elle se propose bien, elle aussi, de mettre en œuvre et de valoriser l'unité et l'unicité de la foi chrétienne.

Et c'est précisément dans les époques où les tenta­tives se multiplient et où donc la diversité augmente, qu'apparaissent plus nettes l'uti lité voire la nécessité de manuels. Le regard plus aigu que nous venons de jeter sur la théologie et ce qu'il nous a révélé de la diversité des courants qui la traversent, nous ramène à notre point de départ : l'intérêt de cette «entreprise» dans laquelle je me suis lancé !

3. LES UTILISATEURS ET LES AUTEURS

Qui seront les utilisateurs de ce Manuel?

Sont d'abord visés tous ceux qui ont reçu et/ou poursuivent directement une formation théologique ; prêtres, religieux, re ligieuses et, grâce à Dieu, laïcs. Il me semble cependant que ce Manuel pourra aussi inté­resser, beaucoup plus largement alors, bien des hommes et des femmes qui regardent du côté du chris­tianisme, sans être chrétiens ... Mais, à vrai dire , pour préciser ce dernier point, il me faudrait m'expliquer quelque peu sur la conception générale de ce Manuel. Nous allons y venir dans un instant ?

Pour l'heure, j'en reste plutôt à la question de l'utili­sation . Je voudrais en effet préciser encore ceci : tous les ouvrages ne présenteront pas la même difficulté . Ceux, entre autres, qui traitent d'histoire et de socio­logie seront parfaitement accessibles à quiconque a reçu, par exemple, une formation de niveau secondaire - à plus forte raison de niveau universitaire. T el ou tel autre supposera en revanche une culture chrétienne déjà approfondie : ainsi celui qui traite de « la Révé­lation». notion théologique fondamentale dont la juste compréhension exige une réflex ion assez poussée.

En élaborant ce Manuel, avez-vous pensé particulièrement aux laïcs? Certains d'entre eux, hommes et femmes, y ont-ils écrit?

Il y aura quelques signatures de laïcs , surtout dans le volume d ' introduction générale. Je dois bien recon­naître, cependant, que la majorité des auteurs sont des prêtres ... et donc des hommes 1 Mais, que voulez-vous, c'est là, tout simplement, un reflet de la situation ecclé­siale contemporaine. J'espère seulement que, essayant de mettre la théologie à la portée d 'un vaste public, ce Manuel contribuera pour sa part à faire devenir théolo­giens nombre de lecteurs intéressés à la foi et à l'intelli­gence qu'on peut s'en donner dans le monde d'aujour­d'hui . En réalité , et on le verra bien, la préoccupation des laïcs est partout présente, ne serait-ce que parce

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Christianisme et Foi chrétienne

que tous les auteurs se veulent soigneusement attentifs aux grands débats de notre temps.

Un mot des auteurs ?

Disons que, dans leur ensemble, ils vérifient deux types de caractéristiques. D'un côté ils ont été formés selon les méthodes classiques de la théologie (langues bibliques, tradition patristique, théologie médiévale et classique). Mais, d'un autre côté, ils ont aussi connu: la guerre d'Algérie, Mai 68, la récente crise économique mondiale et ses effets. Tous ont, par ailleurs, acquiescé aux ouvertures théologiques que le Concile Vatican Il a entérinées ou déclenchées.

Ils ont en commun de reconnaître que leur parole est appelée à devoir faire ses preuves face à des inter­rogations dont ils n'ont pas l'initiative, puisque ce sont les interrogations mêmes des hommes, chrétiens ou non, de notre société.

Comment voyez-vous ce face à face entre la théologie et les interrogations actuelles ?

Moins que jamais, la foi ne va de soi. Pour qu'elle puisse intéresser nos contemporains, il ne suffit pas qu'on répète machinalement lenseignement de la tra­dition chrétienne et du magistère ecclésial. Mais il ne suffit pas non plus qu'on se contente de répéter, sans plus, les acquis, les perplexités ou les soupçons des discours profanes 1 En quelque sorte, on attend la foi au tournant, on lui demande ce qu'elle peut proposer d'unique, qu'on ne trouverait pas ailleurs.

Mais on attend aussi qu'elle le propose d'une manière qui puisse apparaître crédible même à ceux qui ne s'y sont pas déjà ralliés.

4. CONCEPTION GÉNÉRALE ET RÉALISATION

Comment avez-vous tenu compte de cela dans votre Manuel? Ce serait peut-Dtre le moment de dire un mot de ce que vous appeliez tout à l'heure sa «conception générale J>.

En effet. Venons-y donc. La foi n'est pas seu­lement un ensemble d'idées, de doctrines, de représen­tations, de valeurs. Elle prend corps dans des compor­tements, des attitudes, des rassemblements, des institutions, qui lui donnent sa réalité repérable dans l'histoire et la société. C'est en fait par cette réalité visible, concrète - appelons-la « le christianisme » - ,

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que les non-chrétiens rencontrent la foi; et c'est par son entremise qu'ils sont susceptibles, peut-être, d'y adhérer.

Si notre intention est bien, certes, de présenter« la foi chrétienne », nous avons pris le parti de 1' exposer sans la décrocher de ce «christianisme» dans lequel, de fait, elle se rend donc visible, présente, active parmi les hommes. C'est cela qui nous a conduits à distinguer et articuler deux points de vue, deux approches - le « Christianisme » et la « Foi chrétienne » - , auxquelles correspondent les deux termes du titre général du Manuel. Et par conséquent, aussi, les deux séries dont il se constitue.

Il y aura cinq volumes e~ tout pour le versan~ «Christianisme», et cinq aussi pour le versant «Foi chrétienne». Le tout sera couronné par un volume col­lectif d'introduction mais il est capital de bien noter que les deux séries sont indissociables l'une de l'autre. La foi chrétienne ne sera pas présentée indépendamment des conditions historiques concrètes dans lesquelles elle se donne à rencontrer et à vivre par quiconque (le Chris­tianisme) ; mais, inversement, ces dernières ne prennent tout leur sens que lues à la lumière de ce qu'elles révèlent du mystère de Dieu et de notre salut (la Foi chrétienne).

Nous espérons que ce renvoi mutuel du christia­nisme à la foi chrétienne et inversement sera à double effet. D'un côté, il pourra permettre même à des non­croyants de s'intéresser aux choses de la foi; de l'autre, il pourra conduire les croyans eux-mêmes à adopter eux aussi un type d'approche qui, différent de celui de la foi, importe cependant à sa compréhension correcte aujourd'hui et à son annonce pertinente dans le monde qui est le nôtre.

Quel est le parcours que nous proposent, alors, ces dix volumes?

Le premier volume, écrit par Gérard Defois (Facultés catholiques de Lyon), présente le christia­nisme tel que le sociologue peut l'analyser à travers les institutions, les appareils, les idéaux, les pratiques, les symboles, les rites, etc., en lesquels il s'incarne.

Le deuxième, de la plume de Pierre Vallin (s.j., Centre Sèvres-Paris) montre comment ce christianisme s'est constitué à travers l'histoire, et analyse les rap­ports que les chrétiens ont eux-mêmes entretenus avec lui.

Le troisième, élaboré par le C.E.R.l.T. (Centre d'Études et de Recherches Interdisciplinaires Théolo­giques de Strasbourg) s'attache à l'étude des doctrines et enseignements chrétiens.

Le quatrième, de Marcel Neusch (Institut Catholique de Paris), étudie les comportements, les attitudes, les principes moraux, la vision de l'homme, etc., qui sont liés au christianisme.

Le cinquième (demandé à Julien Ries, spécialiste de Louvain) considère les rapports et l'originalité du chris­tianisme à l'égard des autres grandes religions du monde.

Sur le second versant, le sixième volume (dû à André Dartigues, de l'Institut Catholique de Toulouse)

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est consacré à la notion fondamentale de Révélation : si en effet l'on peut professer la foi chrétienne, c'est jus­tement parce que lon peut considérer que dans le christianisme (premier versant) s ·accomplit, ni plus ni moins, la « Révélation » de Dieu lui-même pour nous les hommes et pour notre salut.

LE CHRISTIANISME ET LA FOI CHRÉTIENNE en 10 volumes + 1 vol. double

L'axe historiqù'e et culturel du Christianisme

Le septième (que je signerai moi-même) scrute la figure de Jésus-Christ, en qui culmine cette révélation.

Le huitième (par Alexandre Ganoczy, de l'Université de Würzburg) regarde vers le Dieu révélé en Jésus­Christ : Dieu source de grâce et de salut pour les hommes, mais aussi créateur du monde, et finalement découvert comme Trinité.

Le neuvième (Maurice Vidal, Séminaire St Sulpice et Institut Catholique de Paris) traite de l'Église et des sacrements en et par lesquels continue de nous sauver et de se révéler le Dieu de Jésus-Christ.

1. Les chrétiens dans la société, par G. Defois, Recteur des Facultés catho-liques de Lyon .................... .

2. Les chrétiens et leur histoire, par P. Vallin, Professeur à la Faculté de théologie jésuite de Paris .......... .

3. Les chrétiens et leurs doctrines (fév. 87), par le C.E.R.l.T. de l'Université de Strasbourg ........................ .

4. Les chrétiens et leur vision de l'homme, par M. Neusch, Professeur à l'Institut catholique de Paris ................ .

5. Les chrétiens parmi les religions, par J. Ries, Professeur à l'Université de Louvain ........................... .

paru

paru

à paraitre en avril 198 7

paru

à paraitre en avril 198 7

Quant au dixième et dernier, Henri Bourgeois y traite de /'espérance. De l'espérance «maintenant», c'est-à-dire vue comme le dynamisme présent de notre existence humaine; et de l'espérance «toujours», c'est-à-dire considérée sous l'angle des accomplisse­ments ultimes auxquels elle nous ouvre.

L'axe social et doctrinal de la Foi chrétienne

Et la réalisation ?

Quatre ouvrages sont donc déjà parus, ensemble, à l'automne 1985, pour lancer l'opération. Deux autres sont sortis en octobre 1986. Le reste suivra par vagues de deux, à intervalle d'environ un semestre, le volume d'introduction paraissant seul puisqu'il sera double.

Ainsi les lecteurs qui nous auront fait confiance n'auront-ils pas à attendre trop longtemps la réalisation des promesses que nous avons cru pouvoir leur faire. •

6. La révélation: du sens au salut, par A. Dartigues, Professeur à l'Institut catho-lique de Toulouse ................. .

7. Jésus-Christ: l'homme de Dieu, par J. Doré, Professeur à l'Institut catholique de Paris .......................... .

8. Dieu: la gr§ce du monde, par A. Ga­noczy, Professeur à l'Université de Würzburg ......................... .

9. L'Église et ses Sacrements, par M. Vidal, Professeur au Séminaire Saint-Sulpice ...................... .

10. L'Espérance maintenant et toujours, par H. Bourgeois, Professeur à la Faculté de théologie de Lyon .............. . Introduction à l'étude de la théologie sous la responsabilité de J. Doré ...

paru

à paraitre en mai 1988

paru

à paraitre en mai 1988

paru

à paraitre en octobre 198 7

VI• CONGRÈS DE LA F.E.A.M.C. Fédération des Associations de Médecins Catholiques

• Médecine et liberté

PARIS - VERSAILLES 8-12 mai 1988

Fiches d'inscriptions et programmes à retirer au secrétariat du Centre Catholique des Médecins Français - 5, av. de !'Observatoire - 75006 Paris - France - Tél. : 46.34.59. 15 (l'après-midi).

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LE MIEL ET LA CIGUË par Jean HAMBURGER (*)

Une lecture par le D• Fr. Goust

L'auteur - nul besoin de le présenter dans cette revue - a accumulé, sa vie durant, une somme excep­tionnelle de connaissances sur l' homme et le monde. Il a participé, dans sa discipline, aux découvertes qui bou­leversent actuellement notre société. Changent-elles notre regard sur l'aventure existentielle et font-elles dis­paraître notre désarroi fondamental? Il s'interroge à ce sujet .

Les premières pages survolent rapidement l' his­toire de la terre et de la vie. Elles insistent sur la « féroce interdépendance entre toutes les pièces du puzzle cos­mique », l'homme étant une de ces pièces. La complexi­fication de la matière donne, sur terre au moins, nais­sance aux espèces vivantes qui, dans leur diversité, sont soumises à un système écologiquement équilibré : loi du plus fort, du p lus apte, régulation opérée par la compétition, la prédation, le parasi tisme. Enfin l' homme émerge doté d 'une liberté inconnue de t out autre espèce. Le dessein moral, fruit de cette liberté, opère un viol des règles de l'organisation naturelle. Il apporte « le désordre dans tous les équilibres ». L'inégalité devient injustice. Le respect de l'individu est proclamé, appliqué mais difficilement. La médecine, science humaine par excellence, acquiert de p lus en plus d'effi­cacité dans sa lutte contre le mal. Or qui dit liberté, dit choix. L'individu peut donc s 'enfermer dans son moi, donner libre cours à ses passions aveuglantes, et écraser ses semblables. Les connaissances techniques ont certes amélioré le sort des humains. Mais n'ont ­elles aussi le pouvoir de détruire la terre par la pollution ou l'arme atomique, entre les mains des collectivités ivres de domination ?

Les hommes en communauté posent d 'ailleurs des problèmes quasi-insolubles. Observez les cellules de notre corps. Elles vivent en interdépendance rigou­reuse, et, sauf maladie, dans un équilibre harmonieux. Regardez les hommes rassemblés. Ils entrent en guerre les uns contre les autres, pour des motifs des plus futi les, invoquant les idéologies apparemment les plus nobles .. . Les conflits certes déstabilisent la vie col­lective mais sans changer pour autant les citoyens. Aussi l'auteur fait-i l justement l'éloge de la stabilité: « Les habitudes sociales ne doivent pas être boule­versées trop brusquement . » Poussés par des motifs louables , certains veulent forcer les gouvernants à modifier l' inacceptable, à faire une société d'emblée

(') de l Académie française.

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parfaite 1 Le biologiste suggère au contraire « qu'imitant la nature, l'homme se cherche un rythme de chan­gement qui ne heurte pas de front les capacités adapta­tives des sociétés humaines» (p. 74). Que les révolu­tionnaires méditent 1

La communication interhumaine , servie depuis tou­jours par la parole, les gestes, puis l 'écriture, se dis­perse actuellement dans d'innombrables techniques. Cet excès provoque par choc en retour l ' incommunica­bilité, la « babellisat ion ». Chacun s'enferme dans l'univers des médias, dans le langage de sa spécialité ou de son idéologie. « Le bruit de fond d'une infor­mation surabondante et continue n'est favorable ni au chant de la pensée intérieure ni à la disponibilité néces­saire aux échanges. »

Le progrès incessant des connaissances a au moins le mérite de mettre en évidence les « pièges de la raison» . L'auteur s'attarde avec pertinence sur ce point. Pour lui, la notion d'infini n'est qu' imagination parce que invérifiable : «notre vision du monde n'est qu'un reflet du monde dans les miroirs déformants de notre cervelle» . « L 'extrapolation, l'anthropomor­phisme nous guettent à chaque instant. Nous sommes limités . La réalité vraie, indépendante de notre esprit , nous échappera toujours. Plusieurs images du monde peuvent exister selon les techniques et les instruments intellectuels auxquels on a recours» (p. 102). Il y a une coupure (une césure selon le t erme poétique de l 'auteur) entre les différents ordres de grandeurs qu 'on utilise dans l 'étude du cosmos. Alors pourquoi ne s'ap­puyer dans nos diverses démarches que sur la raison bornée? Et l'auteur de plaider pour « les vertus de la pluralité». « L'art , la passion, la foi, la morale, et bien d 'autres chemins de l'esprit sont des démarches tout à fait différentes. Pourquoi ( ... ) s'embarrasseraient-elles des règles et des limitations de la connaissance scienti­fique? » (p. 105).

M ais n'est-ce pas dangereux et erroné d'admettre un cloisonnement rigoureux entre raison et passion ? Dans un précédent livre, le P' Hamburger était plus nuancé, soulignant l 'existence de « passerelles» entre la raison et la passion. Distinguer mais pour unir, disait Maritain. La «passion » a besoin du cont rôle de la raison. La raison est souvent stimulée par quelque passion. L'une et l'autre forment un couple dont chaque membre s'entraide en gardant sa lucidit é spécifique. Cette union aide puissamment la maturation humaine. Leur séparation est source de graves erreurs et d 'un désarroi existentiel sans remède. Ces deux facteurs

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humains conjoints font d'ailleurs surgir la question que nous considérons, avec l'auteur, comme fonda­mentale : « Quelle est la signification de notre monde, de notre vie ? » Pour lui, cette question est « sans doute, entachée de non-validité . » «Elle extrapole à la dimension du monde notre désir d'attribuer un sens aux événements de notre activité quotidienne» (p. 180).

Mais, compte tenu de ce danger d'extrapolation, la raison, sans nous donner une réponse absolue, fournit des arguments indiscutables en faveyr d 'un sens dans le monde et dans la vie humaine. Evoquons certains d 'entre eux, essentiels. La raison n 'admet pas le néant. Par définition, rien ne peut naître de lui. Alors s' impose l'existence d'un Absolu irréductible au temps et à lespace, l'Être, Dieu, etc., toutes ces appellations ne peuvent être que des pseudonymes. Inexplicable par nos moyens humains, au-delà de tout anthropomor­phisme, Dieu ne peut pas ne pas exister rationnellement parlant. De lui émanent la matière, que le savant d'au­jourd'hui a bien du mal à expliquer, et l'esprit , lui-même indéfinissable . Dans ce « réel voilé» (Bernard d'Es­pagnat) dont il est fait et qui l'environne, l'homme a découvert progressivement de nombreuses lois régissant la matière, les corps vivants, le cosmos même. Or toute loi prouve un sens. Toute loi à notre portée est en relation avec d'autres lois. Il ne peut exister de lois sans un sens général . même si le phé­nomène est apparemment absurde à nos yeux. L'évo­lution de l'homme en est un exemple étonnant. « Frères des astres et cousins des étoiles », nous voici émer­geant des anthropoïdes et nous distinguant de tout par l'apparition d ' un « principe» grâce auquel nous prenons progressivement conscience de nous- mêmes , connaissons et comprenons , éprouvant une certaine liberté. La question de notre destinée ne peut pas ne pas se poser à nous. La raison nous incite à penser que, au moins dans son ensemble, la réalité n'est pas le fruit du « hasard et de la nécessité ». On ne peut prétendre que les questions fondamentales sur ce que nous sommes, sur nos origines et notre devenir, sont irra­tionnelles. Ce sont les réponses qui souvent le sont. On doit les soumettre à lesprit critique en tenant compte des limites de la raison.

Ainsi certains rationalistes ne voient en nous que matière . Or, raisonnablement, on peut affirmer que l'homme est plus que matière. Pascal, irréfutable sur ce point, constate: « Il n'y a rien de si inconcevable que de dire que la matière se connaît soi-même. La matière est incapable de connaître la matière. » La raison nous

conduit donc à admettre la présence en nous de lesprit (c 'est encore un pseudonyme) qui nous ouvre la porte de la connaissance du réel concret (des phénomènes) comme du réel voilé , qui nous permet d'agir et de per­cevoir un au-delà mystérieux. On peut aller plus loin. Cet esprit (cette conscience) qui fait notre originalité, l'homme le perçoit comme l'émanation du «Créateur » (pseudonyme), le lien avec Lui. Et s' il tente d 'entrevoir ce que pourrait être le Créateur de tout, ce n ·est pas sous forme d'une énergie anonyme, infra-humaine, mais sous celle d 'une Personne, d'une conscience infi­niment au-delà du pleinement humain. Nous ne pouvons que balbutier en évoquant fugitivement ce mystère insondable.

Est-i l vra iment sage de « renoncer à rechercher le pourquoi du monde et de notre vie 7 ». A notre avis, ce n'est ni sage, ni possible, ni raisonnable. On découvre, dans cette recherche où la raison et le cœur ont leur rôle, des sens, un sens, un sens où connaissance et amour sont identiques, le Sens (Dieu).

Si la raison et le cœur sont incapables d 'entrevoir le Sens, alors sur quoi appuyer solidement son effort pour améliorer les conduites humaines? Le matérialisme, l'agnosticisme, mènent à !'insignifiance de l'existence, au désarroi : « Sans Dieu, tout est permis» (Dosto­ïevski).

Or la lutte contre le mal sous toutes ses formes (en nous comme dans les collectivités) est plus urgente que jamais. Il faut éveiller en l'homme «ce qui passe l'homme infiniment». «C'est probablement ce que les âmes rel igieuses expriment en parlant de la condition divine de l'homme qui lui donne la liberté de vaincre le mal. »

Ce livre nous a passionné parce qu'il t ouche aux problèmes qui nous concernent tous, médecins et non médecins. Certains points nous ont paru mériter dis­cussion. Mais la conclusion de l 'auteur emporte évi­demment notre assentiment. Que les chrétiens aient la même lucidité fraternelle avec les agnostiques et leurs espérances communes auront plus de chances de se réaliser. F.G. •

Jean Hamburger. «Le Miel et la Ciguë » (Éditions du Seuil. 187 pages).

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NOUVELLES MENTALITÉS DANS LE MONDE DE LA SANTÉ

la Section Santé de rtpiscopat a demandé au C.C.M.F. son opinion sur /'évolution des mentalités dans les milieux professionnels de la santé. Voici les avis qui ont été recueillis sur le retentissement du chômage. de la solitude et des nécessités économiques auprès de six médecins du C.C.M.F.: deux hospita­liers. deux généralistes. deux spécialistes répartis dans des Régions différentes : grandes villes et villes moyennes et milieu rural.

Une réponse de Généraliste - J .M .B. Reims

Voici quelques réponses schématiques. courtes, sans doute imparfaites.

1. - Nouvelles mentalités dans le monde de la santé, du corps médical. de /'Adminis­tration

- Notre métier reste merveilleux puisqu'il concerne l'homme et bénéficie dïnvesti­gations et de traitements toujours plus extraordinaires.

- Mais les tOches administratives aug­mentent sans cesse, les relations entre médecins pour assurer le suivi continu du malade prennent de plus en plus de temps.

- la population est de plus en plus mani­pulée par les médias inconscients et exige en fonction de son faux-savoir.

- Nos revenus sont manifestement en baisse et nécessitent plus d'attention à la gestion du cabinet. Je ne parle pas ici des jeunes médecins qui rencontrent de véri­tables difficultés et qui ne parlent plus qu· en «actes par jour».

- les contrôles à la Sécurité sociale sont plus ridicules que policiers (ASPEGIC 500, un coffret donné indûment m 'a été reproché : certificat nécessaire !).

Il. - Retentissement du chômage. de la solitude

- Il est indiscutable et vécu très diffé­remment ; il nécessite de la part du médecin un soutien constant de la per­sonne . Cette question mériterait un livre.

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Ill. - Répercussion des nécessités écono­miques sur le soin et /'hospitalisation

- La population n'est pas très consciente et comprend mal qu'on renonce à cer­taines investigations. Mais le gros pro­blème est /'hospitalisation des vieillards handicapés qui est pratiquement impos­sible : quand faudra-t-il les tuer ?

Conclusions : Un peu harcelés 12 à 13 heures par jour, par toutes ses démarches. ses attentions. ses préoccupations. ses contre-ordres, ses nécessités, les médecins risquent d'entrer dans une phase de pauvreté cultu­relle qui ne peut qu'avoir des conséquences regrettables sur son action, sur sa vie et sur ses malades. La prochaine réunion du C.C.M.F. aura pour titre « Les Chrétiens au Liban » pour tâcher de nous faire prendre conscience du vrai problème.

Merci. Amitié.

Avis d'un Spécialiste - Angers C.B.

Mon avis sera sûrement très subjectif.

1 . les mentalités Le monde de la santé perd sa hiérarchi­sation ancienne, au moins dans les rap­ports humains. Au sein des services, les jeunes membres de toutes catégories se tutoient volontiers, ce qui gomme les dif­férences et tend â diminuer lauréole clas­sique du médecin mais à augmenter la familiarité et la simplicité des rapports. Depuis 15 ans, /'administration s'est consi­dérablement hypertrophiée. Elle tend à concentrer autour d 'elle les pôles de décision. On l'entend parler sans arrêt de contrôle et d'audit des actes médicaux, mais il n ' existe à ma connaissance aucune tentative d'évaluation de son rôle et de son coût dans la santé.

2 . Retentissement du chômage Dans le monde médical qui m'entoure, le chômage est certainement très rare. Mais je suis assez surpris de voir des jeunes médecins. y compris des femmes. sïns­taller à la campagne, dans des conditions de solitude professionnelle juste tem-

pérées par lïnsertion dans un tour de garde. Dans beaucoup de cas, chez les jeunes médecins, le deuxième salaire du couple est indispensable pour boucler le mois et vivre décemment.

3. Répercussions des nécessités écono­miques La prise de conscience des contraintes économiques me paraïr assez nette au sein des hôpitaux. Je ne suis pas certain qu'elle modifie beaucoup les conditions de prise en charge des maladies lourdes. le temps d 'hospitalisation se raccourcit par contre de plus en plus, et lon veille à ne pas maintenir les malades convalescents dans les structures de soins t rès spécia­lisées et onéreuses. La mainmise de la Sécurité sociale sur la santé est ainsi passée sans heurts alors qu'on avait assisté il y a dix ans à une véritable levée de boucliers .

4 . la dynamique actuelle du C.C.M.F. Par le biais de la réflexion éthique, le C.C.M.F. paraît s'orienter vers un rôle d'éducation à la responsabilité des médecins dans des choix nouveaux souvent imposés par la pression scienti­fique ou par l'ambiance générale ou médiatique. De l'extérieur, on peut inter­préter ce choix comme un réflexe restant corporatiste. Mais ce rôle de réflexion ne peut être éludé, ni confié totalement à d'autres. l 'ouverture «sociale» des médecins et du C.C.M.F. est certainement à développer. Les difficultés actuelles et la mutation du monde médical nous occupent peut-être trop ? Les essais de dialogue avec d'autres catégories de soignants se sont-ils toujours déroulés dans des condi­tions suffisamment sereines et exemptes d'amëre-pensées politiques ?

Groupe de médecins - Cherbourg J .P.L.

1. - Nouvelles mentalités dans le monde de la santé, du corps médical de /'adminis­tration

- Dans le secteur hospitalier. l'éthique médicale chrétienne est devenue minori­taire. Certains se sont moulés dans r éthique médicale devenue majoritaire. Celle-ci suit !" évolution des mœurs concrétisée par l'évolution des lois vot ées par lAssemblée Nationale . D'autres estiment que la parole de Jésus vient accomplir la loi naturelle pour l'épa­nouissement de la personne humaine.

- Dans le secteur privé : Le malade cotisant à la Sécurité sociale est plus conscient de son « dû » en tech­nique et en présence médicale. l'autorité médicale est battue en brèche par /'accrois­sement du nombre des médecins (on redoute de perdre sa clientèle, on redoute

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d'affronter les organismes sociaux, les administrations , les collectivités locales).

Il. - Retentissement du chômage, de la solitude

- Le plus évident : la solitude des gens âgés abandonnés par leur famille et les ins­tances économiques (ils ne sont plus ren­tables) isolés dans /'habitat y compris la place réservée dans l'urbanisation.

- En fait, la société protège plus volon­tiers les enfants, les adolescents qui représentent un potentiel de production. Tout s'arrête à 45 ans et plus. Quant aux vieillards, en particulier les grabataires, I' eu­thanasie les guette.

- Réflexions d'assistante sociale locale : « les fam1ïles d'abord, les enfants ensuite, puis les couples en difficultés, les femmes seules et les vieillards, on ne se déplace plus.»

Il l. - Répercussions des nécessités écono­miques sur les soins et /'hospitalisation

- Elles font la loi et les médecins sont appelés à gérer la pénurie.

- Les choix sont de plus en plus difficiles à assumer tant dans les investigations que dans les traitements en raison du coût.

- L' Administrat ion, les élus, les sociétés philantropiques cherchent à mettre à la disposition des malades des moyens thé­rapeutiques ou diagnostiques sans envi­sager ou en assurer les frais de manipu­lation ou de maintenance ent raînant pour le corps médical qui en a la charge un sur­croît de travail.

IV. - La dynamique actuelle du C.C.M.F. tient-elle compte des caractéristiques domi­nantes des mentalités sociales actuelles

Enfants du Père ou Enfants du Siècle ; Enfants du Père et Enfants du Siècle. Enfants du Père d'abord. De plus en plus minoritaires et isolées, la connaissance du Père et son approche, cell~ du fils dans l'Esprit Saint à l'aide des Ecritures, des sacrements et de la théologie, nous paraissent indispensables, prioritaires.

Un groupe de M édecins à Paris

Consultants et m alades

L'information a radicalement transformé, par l'irruption des médias, le rapport médecin-malade . Le malade se veut informé et responsable de sa santé . La prédominance des nouvelles sensation­nelles entraîne des exigences dont les malades ne mesurent pas l'impossibilité technique ou le poids économique . D'autre part, le malade se veut respon­sable de sa santé. ce qui est louable mais pas toujours possible à réaliser. Bien souvent, il faut apprendre à s'en remettre à un autre pour le choix et la réalisation

des soins. La résignation d'antan a fait place à l'exigence de guérison qu'il n'est pas toujours possible de satisfaire . L'en­semble entraîne un climat d'agressivité revendicative dans la relation, aussi bien de la part des malades de plus en plus exigeants, que de la part des médecins qui ont tendance à diluer leurs responsa­bilités ou à répondre à l'exigence par l'au­toritarisme ou l'indifférence, ou l'appât du gain. Au point de vue social, les diffi­cultés économiques aggravent les ma­laises de la solitude des célibataires isolés et des vieillards .

Pour les professionnels de la santé

Étudiants et jeunes médecins : chez les étudiants en médecine, diminution des compétences techniques, augmentation de l'inquiétude, crise de la réflexion cli­nique entraînent dans l'acte médical, par crainte ou scrupule, la multiplication d'examens complémentaires et de trai­tement. Un malaise supplémentaire est créé par l'élévation considérable du nombre des médecins . Un cert ain nombre de généralistes s'installe dans des conditions difficiles d'isolement, leur situat ion matérielle est extrêmement médiocre et un deuxième salaire est devenu nécessaire dans les ménages des jeunes médecins. La menace d'une pau­vreté culturelle du médecin est réelle.

Médecins installés : chez les prat iciens ins­ta llés, difficulté des rapports inter­confrat ernels stimulée par l'accrois­sement du nombre des médec ins, crit ique constante de l'autorité médicale par les malades. On redoute parfois de perdre sa clientèle, d'affronter les orga­nismes sociaux, les administrations et collectivités locales. Les médecins ont l'impression d'être pris entre le malade et sa maladie, le malade et les difficultés sociales, notamment pour les soins des handicapés et des vieillards dont le poids a cons idérablement augmenté. Le médecin demeure très démuni face au problème du chômage et au cortège de suicides, dépression, alcoolisme, qu'il entraîne parfois ainsi que des troubles de ladolescence.

Tentat ives du C.C.M .F. Le regard et l'action chrétiens sur /'éthique médicale sont devenus minori­taires, l'évolution des mœurs entérinée et stimulée par l'évolution des lois a aboli un certain unanimisme de la profession. La transmission des traditions de respect de l'homme de sa naissance à sa mort, est devenue une notion contestée. On veut une «qualité» de vie. Minoritaire et relativement isolé, le C.C.M.F . essaie de maintenir la recon­naissance du Père, son approche par le fi ls, et de fournir un ressourcement chrétien du médecin comme fondement de son éthique. Il s'efforce de promouvoir dans les diverses régions une réflexion sur les nouveaux problèmes induits par le progrès technique, en liaison avec les délégués de la Pastorale Santé. «Médecine de /'Homme>> représente un moyen d'information et de culture qui

permet de préparer les réunions régio­nales ou nat ionales. Un Congrès Européen est prévu pour 1988. Ceci permet de réaliser une certaine éducation à la responsabilité des médecins dans les choix nouveaux imposés par le progrès scientifique ou l'instance médiatique. On peut interpréter ces choix comme un réflexe de repli de type corporatiste. En fait , cette réflexion ne peut être éludée ni confiée à d'autres. Elle permet d'établir ensuite un échange plus riche avec les partenaires du monde de la santé.

L'avis du Professeur Boisseau, ancien Président du C.C.M.F., Doyen de la Faculté de M édecine de Bordeaux.

Cher Ami,

Je réponds un peu tardivement à votre lettre du 20 novembre 1986, concernant les avis que le C.C.M .F. pourrait donner sur une série de thèmes, à la demande de l'épiscopat.

Je crois qu'effectivement, un certain nombre de lignes de force se dégagent actuellement très nettement, sur les­quelles il sera certainement important de faire des mises au point et de développer une recherche.

En ce qui concerne les nouvelles menta­lités dans le monde de la santé, le fa it qui prédomine, à mon avis, est que celui-ci est maintenant composé de deux corps, administratif et médical. Il s'agit de deux mondes qui ont longtemps vécu en parallèle, l'un, l'administration, étant infé­rieur en nombre et en importance, mais qui maintenant ont égalisé leur influence dans la vie de l' hôpital et de soins aux malades et qui commencent à s'interpé­nétrer.

Fini le temps où les postes administratifs étaient occupés par des emplois réservés. On trouve maintenant des ingé­nieurs, des personnes ayant suivi des cursus universita ires de très haut niveau, en droit ou en sciences économiques. Il n'est plus question de rejet er ces gens là comme ont tendance à le faire encore pas mal de nos confrères. Il faut travailler avec eux, qu'on le veuille ou non, admettre leur importance. leur influence, leurs avis.

Peut-être est-ce une « capitulation » de la part du corps médical? De toute façon , vouloir s'intéresser à la vie hospitalière, et au travers d'elle, aux malades en barrant délibérément et a priori toutes les données du rôle administratif me semble une aberration totale.

Peut-être le C.C.M.F. a-t-il justement un rôle à jouer à ce niveau, c'est-à-di re dans létude de l'interface entre ces deux mondes intriqués.

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Nouvelles mentalités dans le monde de la santé

primordial dans la relation médecin-malade. Mais, il faut être clair : beaucoup de pro­blèmes que trouvent les gens actuel­lement dans les structures. ce qu'effecti­vement on pourrait appeler évolution des « mentalités sociales » ne concerne plus guère le médecin.

En ce qui concerne les nécessités écono­miques. la discussion est très largement ouverte. mais certains points me sem­blent à nouveau importants : des idées fausses sont ancrées dans l'esprit de beaucoup de nos confrères. l'une en par­ticulier qui consiste à dire que le frein éco­nomique est un frein aux soins. Ceci n 'est pas vrai, le contraire peut être. je crois, aisément démontré.

La recherche de la maîtrise du coût de la santé ne va pas forcément contre le soin aux malades. qu'on le veuille ou non. les aberrations dans les prescriptions de la demande des examens complémentaires continuent malheureusement, malgré une information considérable depuis ces der­nières années. à se développer. Mais il est à noter que ces aberrations sont cependant moindre en milieu hospitalier : là, effectivement, il y a eu de très gros progrès.

Le développement du parc d'investiga­tions complémentaires s'est toujours bien développé en France (Scannie, RMN, etc.). l'irruption de la greffe et de ses dépenses fantastiques se fait, qu'on le veuille ou non, de bonne façon. Donc, il y a quand même Jà un procès d'intention qui est fait à l'Etat, de manière un peu générale.

Il n'en demeure pas moins vrai que la poli­tique qui consiste à essayer de maîtriser d'une part l'hôpital public et en même temps de permettre l évolution d'hô­pitaux privés y compris pour la chirurgie cardiaque est assez aberrante quand on pense que la Sécurité Sociale dépensera beaucoup plus d'argent au niveau de ces structures privées qu'au développement raisonnable d 'un recrutement de per­sonnel par exemple au niveau de l'hôpital public.

Le C.C.M.F. doit avoir une réflexion pour ces différentes sortes d'évolution, en ce sens que la démographie galopante (quoique transitoire , paraît- il) des médecins, s 'appuyant sur ce pluralisme assez criticable retentira fatalement sur la prise en main et le soin des malades.

Enfin, le dernier point qui apparaît dans votre lettre concerne la dynamique actuelle du C.C.M. F. En effet, plus que jamais, certaines réflexions de groupes tendent à rendre le médecin responsable des difficultés que rencontrent les patients à l 'hôpital. ou dans les structures privées équiva lentes. Je crois, personnel­lement, que paradoxalement, le rôle du médecin diminue progressivement dans un type de relation malade-structure alors qu'il demeure. j 'en conviens, très important et

Le monde administratif s'est beaucoup développé. Il existe de nombreux parte­naires maintenant dans ces structures et on ne peut tout ramener au seul fait que le médecin est le personnage important, le charger comme le bouc d'Israël des péchés de la communauté.

Donc, l'évolution d'une mentalité sociale, c'est-à-dire la volonté d'être bien reçu. bien accueilli dans des structures propres et prenant l'aspect d'hôtels trois ou quatre étoiles, de jouir de moyens de communication qui soient corrects, tout cela ne passe plus obligatoirement par le médecin et lon doit donc absolument rechercher d'autres données. Seule la relation médecin-malade reste priviligiée, mais n 'est qu'une partie de toute /'aventure que subira le patient depuis le diagnostic jusqu'à sa guérison.

Enfin, peut-être aussi, lévolution des mentalités sociales devrait-elle permettre aux gens de comprendre que les médecins ne gagnent plus assez d 'argent üe parle de la médecine privée) et que les malades donnent maintenant beaucoup plus au plombier ou au tiercé qu'à leur médecin .

Voici mon Cher Ami quelques réflexions jetées sur le papier.

Très cordialement.

Nous informons nos lecteurs et nos amis, que la rencontre à « I' Abbaye de La Pierre qui Vire » ne pourra avoir lieu .

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HORS SERIE

PANORAMA LE MENSUEL CHRETIEN

LA ORT ••• ET APRÈS?

UN NUMERO CONSACRE A UNE QUESTION QUI CESSE ENFIN D'ETRE TABOU

UN NUMERO EXCEPl\ONNEl

A NE PAS MANQUER

AU SOMMAIRE LA MORT ICI ET MAINTENANT PAR FRANCE QUERE. Comment est-elle vé cue oujourd'hui da ns notre société. LA MORT A TRAVERS LES AGES. FACE A CELUI QUI MEURT. Un entretien avec le Père Patrick Verspieren. Des témoignages de médecins et de soignants. Un reportage dans un hôpital. UN ARTISTE DEVANT LA MORT : GEORGES ROUAULT. DIRE LA MORT A UN ENFANT? LA FOI CHRETIENNE ET LA MORT. Un entretien avec le Père Gustave Mortelet. LA MORT DANS LES GRANDES RELIGIONS. Islam, Judaïsme, bouddhisme. CES QUESTIONS QUE rnN SE POSE. r enfer. Le purgatoire. r incinération. Donner son corps à la médecine ... DES LIVRES, DES REVU ES, DES ADRESSES.

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Illustra tion Pierre Varlet

Infections respiratoires à germes sensibles