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maintenant,

maintenant, un secret

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ateliers gap

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maintenant,

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textes et images des élèves de seconde 1 & 2 du lycée aristide briand à gap, dans le cadre du prix littéraire des lycéens et apprentis de la région paca.

ateliers animés par anne foti, avec le concours de laurence silva, enseignante en lettres au lycée aristide briand.

le thème du secret a été inspiré par deux romans sélectionnés pour le prix littéraire : le terrier du lapin blanc de juan pablo villalobos et le premier été d’anne percin.

remerciements monsieur le proviseur jean-françois reynaud;danielle collobert, christophe tarkos, virginia woolf;marina pollas de l’agence régionale du livre pacacatherine maitre, documentaliste.

graphisme et conception d’ anne-sophie lacombe.direction artistique par anne foti.

gap marseille avril

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une chose est interdite. Il existe une chose interdite. Une chose en moi ne doit pas être dite. Il existe une chose qu’il est interdit de dire. Il ne faut pas la dire. Une chose qu’il ne faut pas dire. Une chose interdite. Il est interdit de la dire, de la penser. Il ne faut pas y penser. Il ne faut le dire, il ne faut le penser. Il existe une interdiction. Il est une chose interdite. Il ne faut y penser en pensant, il ne faut pas en parler en parlant car elle ne doit pas être dite. Elle ne doit pas être prononcée, il ne faut pas la penser, il faut faire attention de ne pas la dire, une chose est interdite, ne pas la penser, elle est interdite.

christophe tarkos, ma langue - I. carrés.

Le secret n’est pas, et de loin, identique au mystère. Il nous questionne, émet une indication, attend une réponse. (…) Le secret se montre en quelque sorte et se dérobe. kostas axelos

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long trajet

Je suis dans la voiture en rentrant du supermarché, à l’arrière évidemment. Je suis petite, la route est longue, très longue. Je me demande quand est ce qu’on va enfin arriver. Je suis dans la voiture, je suis coincée, impossible de sortir, pourtant je voudrais, car sans paroles les regards se sentent. Je passe devant le parc. Plein d’enfants. Heureux. Le rond-point. Il y a beaucoup de bouchons. Énormément, je n’aime pas ça. Surtout dans cette humiliation incessante. En même temps, je m’en fiche un peu, tout ce que je veux c’est manger les cookies au caramel à côté de moi, ma sœur regarde par la fenêtre, à l’avant ça crie, argumente, se dispute, mon regard reste posé sur ces cookies qui ont l’air absolument délicieux, la ceinture de sécurité me bloque, à part ces cookies personne ne me regarde, je ne regarde personne, je n’aime personne sauf les cookies, le caramel, les noisettes et le chocolat les recouvrant, plus rien n’a d’importance que l’envie du caramel au beurre salé et pourtant ça se dispute devant, ça pleure même et ma sœur regarde par la fenêtre, moi je regarde les cookies, on passe à côté d’une forêt, le rétroviseur est cassé, la ceinture bloquée et les sièges sales, le coffre est fermé, les fenêtres mi-ouvertes.

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une semaine

Je la vois, elle est moi, son reflet est moi. Je connais tout d’elle, ses changements, ses réflexions,

ses gestes, son corps, ses émotions.

LundiElle arrive, se poste devant moi, elle a les yeux rouges, son maquillage a coulé, elle a pleuré. Encore. Elle se regarde, elle me regarde. Elle passe de l’eau sur son visage. Elle part.

MardiElle est là, sereine, silencieuse. Elle enlève son t-shirt. Une grimace apparaît sur son visage. Elle me tourne le dos et je la vois. Je vois sa marque. Bleu sur blanc.

MercrediElle ne vient pas, je reste seule, sans reflet. Inutile, impuissante.

JeudiElle est en face de moi. Cela commence à disparaître.

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Elle regarde, elle paraît vide, son regard sur moi est plein de rancoeur. A force d’être rabaissée, elle se rabaisse. A force d’être haïe, elle se hait. Elle se déteste, elle me déteste.

VendrediDevant moi elle se maquille. Rien d’anormal. Faux. Elle me berne comme un trompe-l’œil. Elle va mal, son sourire le cache. Elle refoule ses sentiments.

SamediElle est là, il est tard, elle s’habille. Il ne se voit plus, il a disparu. Un autre va le remplacer.

DimancheElle me parle, ou plutôt elle se parle, elle aime les monologues. Quelques fois elle se confie, elle ferme les yeux et laisse couler ses larmes.

Des semaines et des semaines.Identiques.

Du bleu sur du blanc, Le blanc sur du bleu.

L’immaculé raréfié.

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le parc

Chaque jour je grandis, je grandis grâce aux rosées et aux jours de pluie. En période de sécheresse, je fane. J’ai soif. Quand il y a un peu de vent, je m’envole. Quand la tempête surgit, j’ai peur. Je ne me déplace jamais. Je remue. Grâce à ma tige, je reste immobile. Le soleil ne veut pas que je dorme. Il m’oblige à garder la tête tournée vers lui. Le jaune pâle de mes pétales fait ma beauté. Les autres aussi ont la tête tournée vers le soleil. Ils me ressemblent. Nous sommes à côté d’un parc. Un parc pour se reposer. Les chants des oiseaux seuls, pas d’autres bruits. La seule chose que je peux voir, c’est un banc. Un homme s’y assoit souvent. Cet homme, je le connais bien : naturel – mystérieux – seul – libre – heureux, malgré sa tristesse - son désespoir - ses nombreuses pensées dans sa tête - ses pensées – insurmontables – il veut parler – pouvoir s’exprimer – il n’a personne – réfléchir – marcher – penser – parc – habitude – solitude, voilà à quoi se résume sa vie – angoisse – renfermé – peur. Auparavant, cet homme venait. Sur ce banc. Accompagné d’une jeune femme. De son sourire. De son heureux visage. Je ne saurai jamais ce qui a pu se passer. J’aimerais bien lui parler. Mais je ne parle pas.

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J’ai oublié d’avancer et oublier de poursuivre. J’ai oublié de dévoiler ce mal-être qui m’entourait. J’ai oublié ces sensations qui autrefois me hantaient. J’ai oublié de m’aventurer, de me livrer pour m’retrouver. J’aurais aimé un grand coup de pied pour me remettre sur pied. Mais j’ai oublié d’y penser. D’y penser. Pour éviter d’oublier. J’aurais dû m’reprendre toute seule pour éviter de m’enfoncer.Je m’enfonçais doucement, calmement, librement.J’ai oublié de m’arrêter.Ma quête ne pouvait pas se terminer.Mais j’ai oublié d’oublier… En oubliant d’oublier, j’ai perdu la force.Celle qui me faisait avancer pour continuer à aimer, à rêver et imaginer comment je pourrais oublier. Oublier ce passé qui autrefois me hantait.

slam secret

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Je suis grande, ronde, tous les jours des centaines de personnes veulent prendre de la hauteur. Un jour, il y a eu un accident. Je m’en rappelle comme si c’était hier. C’était un samedi vers 20H30, lors d’un soir d’été, il faisait chaud et la fête foraine était bondée. Ca n’arrêtait pas. Je tournais, tournais sans cesse. Quelques fois, je faisais des pauses de 5 minutes, le temps que les gens s’installent. En moi. Puis ça repartait pour un tour. Une bande d’amis, je les avais déjà repéré ces cinq là. Deux filles, suivies de près par trois garçons. Ils rigolaient, s’entendaient bien. Ils prenaient de plus en plus de hauteur, mais ça ne les dérangeait pas. Puis, sans prévenir, je m’arrêtais à cause d’un manque d’énergie. L’atmosphère s’était refroidie, il commença à pleuvoir. Du côté des cinq amis, l’ambiance n’était plus la bienvenue. Il y avait des cris, des mauvaises paroles. Deux des garçons étaient debout dans la balancelle qui tanguait dangereusement. La pluie s’abattait de plus en plus fort, puis ce fut le drame.

fête foraine

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Je l’entends. Oui mais nous tergiversons sur des sujets communs à nos deux vies. Ces vies qui se ressemblent en tous points. Paisible en apparence, sa voix ressemble à la mienne. Elle est grave et douce. Elle s’exprime mieux que moi, Ses arguments tiennent la route et détrônent de loin toutes idées m’appartenant, fussent-elles plausibles ou non.

Je ne le vois pas, son visage m’ est inconnu. Seule sa voix persiste en moi, comme un disque qui n’en finit jamais. Son visage, je ne peux que l’imaginer, et son odeur, je ne la sens pas. Sentir est un verbe à double sens. Son odeur m’est inconnue et son corps, si agréable puisse-t-il être, je ne l’ai jamais touché.

Ce secret m’appartient,

il est à moi, peut être est-il moi, qu’en sais-je ? Improbable, étrange, fascinant.Je suis folle, folle de ce secret. Il persiste dans ma tête. Il frappe, il cogne, il parle sans arrêt.

la voix en moi

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Mais quand vas-tu t’arrêter ?

Quand le calme revient enfin, il est encore là. Ce secret qui n’a pas de nom. Mais il est calme. Si calme. Trop calme. Je veux l’entendre encore pour être sûre. Il m’essaie, il se joue de moi, Il est fourbe. Il est malin. Il est méchant. Il essaie de prendre ma place. Ce secret que personne ne connaît, je lutte contre lui.

Mais je ne suis rien sans lui. Nos deux âmes se complètent, je ne suis rien sans lui.

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Un gymnase - un jeu - un gymnase - une cage - un terrain - des joueurs bleus- des joueurs verts, - trente minutes - un ballon - un joueur - une sensation - des questions - une sensation - un gymnase - des maillots - un coup de cœur - trente minutes - gagner - un regard - un trouble - un gymnase - un terrain - vert - rouge - jaune - des cages - des vestiaires - blancs - des gradins - marron - du monde - des applaudissements - un panneau d’affichage - un score : un mois, six mois, un an - un lycée - des regards - un lycée - s’en doute-t-il ? Pas le moins du monde - le remarque-t-il ? Les regards - les indiscrétions - pas du tout - un faux espoir - des soupirs - une pensée - occupée - désespérée - aucun regard - continuer ou abandonner ? - fait-il attention à elle ? sent-il sa présence ? - pense-t-il à elle, doit-elle changer ? doit-elle faire le premier pas ? Surtout, elle se demande : ses sentiments sont-ils réciproques ? Elle le regarde - ils s’échangent quelques regards - du moins c’était le cas il y a quelques temps – Comment pourrait-elle lui faire part de ce qu’elle ressent sans que cela soit perçu comme un jeu ? Question sans réponse - efforts - remarquer - croire - ne pas dire - ridicule obsession - tentatives - effondrées - peur - tout perdre - garder - regards perdus - regards échangés

gymnase

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- regards oubliés -elle n’a pas à faire autant d’efforts pour qu’il puisse s’intéresser à elle - elle est formidable - comme elle est - quoiqu’il puisse en penser - une obsession - penser - tout le temps - hantée - lui - illusion - pieds sur terre - aucun espoir - il faut tourner la page.

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Il va me dire, il hésite, regarde ailleurs, cherche du regard n’importe quoi, s’attarde sur un coquelicot. Je me dis : dis dis dis dis. Je me dis patiente, laisse lui le temps, ne le presse pas. Il dit. Ou plutôt il tente, il zozote, il ne me regarde pas, il regarde le sol. Il s’arrête sur un coquelicot, dans toute cette étendue de prairie, il n’y a que ce coquelicot qui ressort, à côté de lui tout semble décoloré. Je me dis d’attendre, mon regard se met même à le supplier de me le dire : allez, dis dis dis ! Je me dis calme toi, il va finir par le dire, oui je suis impatiente. Sois patiente ou tu n’obtiendras pas ce que tu souhaites Tout mon corps le souhaite, tremble, s’agite, au rythme de ce mot « dis » qui circule à haute vitesse dans mon corps tel un électron emprisonné dans une molécule. STOP ! Je me dis stop, détends-toi et tu verras l’atmosphère autour de toi se détendre, et autour de lui, et donc en lui aussi. Oui, tu a raison, je suis prête. Il dit : «fini de regarder ce coquelicot qui attire ma vision et mon esprit pour éviter de dire ! ». Il l’a dit. C’est bon, je me remémore cette impatience extrême et je me dis qu’elle n’en valait peut-être pas la peine.

le coquelicot

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- Je veux oublier.- Non, tu as choisi de le savoir, tu as le devoir de le garder.- Mais... C’est trop lourd !- Supporte. Enferme le.- Mais dans quoi ? Ma tête est remplie.- Dans un trou que tu te crées.- Je n’y arrive pas.- Essaye. Tu regardes fixement le coquelicot. Fixement, pensive et perdue…- Oui, c’est ça, je me perds.- Remonte tes yeux, ne reste pas là fermée avec ce coquelicot, il ne t’évitera pas la vérité, accepte ton sort comme il accepte le sien. Viens, viens, on y va… Tu viens ? - Oui.................................................................On vient !

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Le secret attend, il attend derrière un blocage, il attend que je le retrouve.Je l’ai eu…et je l’ai perdu…C’est un secret que personne ne connaît et quand même il existe.Ma famille, je les vois, je les vois comme des gens sur la rue, comme des étrangers.Quand ils me voient, ils pleurent, moi, moi, je ne peux pas sentir avec eux.Je veux me rappeler, je veux sentir que c’est ma fille devant moi, mais...Bloqué – mur – rien.Le secret existe dans quelque part, il faut que...Ma vie n’est plus pareille, je pense à certaines choses mais... Bloqué – mur – rien.Pour trouver la solution, je m’imagine.Ailes – échelle – porte Das geheimnis bleibt ein geheimnis.

das geheimnis bleibt ein geheimnis

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Je sais tout, je touche, frôle tout, tout est à ma portée, aujourd’hui, je suis particulièrement froid, froid comme le début d’un hiver triste, froid et fort, je caresse toutes les matières et les textures, qu’elles soient sèches, douces, dures, molles, fines… Après mon passage, plusieurs autres matières se dressent, d’autres durcissent et deviennent aussi froides que moi, je passe partout et je sais tout, le sol froid et dur, les bruits, mes bruits et ceux des arbres aussi, plusieurs feuilles mortes se détachent par ma faute, mais elles m’accompagnent ; ailleurs il fait chaud, je suis doux et calme, mais une partie de moi est très chaude et bruyante, et elles sont là, seules, autre part la porte s’ouvre, laissant entrer mon froid triste, défiant mon chaud calme, puis nous nous unissons, après que la porte soit fermée, plus un bruit, je suis calme et doux, juste le son du bois qui craque. En haut, j’entends des petits bruits sourds, des bruits de rats ou d’oiseaux grignotant, puis au même étage, des pas, des pattes de velours, d’un doux coton sur lequel j’apprécie de passer, doux coton tout léger et discret, ils entrent, se promènent dans cette grande maison où seules elles résident, ils cherchent, à la recherche d’une quelconque nourriture mangeable ou jouable, ils cherchent, mais

l’odeur du vent

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sans grand succès, puis on les appelle, elles les appelle, ils courent, dévalent les escaliers de bois, où multiples craquements se font entendre et je les suis, prenant un raccourci et j’attends avec elle, j’emmène la chaleur de la cheminée, puis c’est calme, et un autre craquement d’escalier, sûrement un en retard, ils arrivent, entrent dans la pièce qui n’a pas gardé la chaleur, devenue doucement froide, je m’entends à l’extérieur taper contre les volets des fenêtres, c’est tellement plus agréable d’être à l’intérieur. Plusieurs bols remplis attendent leur venue, puis les bruits des dents qui claquent répondent dans toute la pièce calme et froide, fini, ils repartent, cherchent un autre coin, sûrement pour ce reposer, digérer, elles aussi, elles repartent, à leurs occupations, personne ne les voit à part moi, pendant plusieurs heures je reste seul, me promenant et volant dans cette grande demeure, ils se réveillent, vont à la découverte du lieu, avec moi, cherchant quelque chose, mais quoi ? Je ne sais pas, éparpillés, ils vont bien, je suis partout pourtant je ne comprends pas les pensées, mais c’est arrivé, tous dehors avec moi, et mon odeur, elles détestent aussi, sous la colère d’elles, était-ce de leur faute? Ni de la mienne...Je souffle, plus froid encore et triste, elles font le nécessaire, l’odeur étouffante, j’essaye de me cacher, elles essayent de me cacher, tant bien que mal, de cacher quelque chose.

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Tard dans la nuit, un ami me contacte, pour une histoire glaciale, rencontrer un dieu, mais se tromper d’endroit. Partir, quitter pour faire son chemin et avoir des responsabilités, de la déception et de la tristesse. L’aventure m’appelle, avec deux amis chers, dans un pays où la neige ne fait que de tomber. La guerre, la destruction pour construire. Avec le blanc cotonneux mixé avec du rouge. Abandonner les gens que j’ai aimé. La poudre rouge pour avoir un rapport avec la vie réelle, pour le temps que cela prendra de le faire. Personne ne sait ce départ secret. La distance fait mal mais l’amour tient. Personne ne sait le départ pour rencontrer un dieu. Personne ne sait l’agrandissement à partir du rien.

l’agrandissement à partir du rien

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Entendre un son, une sonnerie, un appel. Entendre une voix, une voix familière, un air de famille qui réjouit, donne le sourire. «Tout va bien pour moi et toi ?» . Une discussion anodine entre une mère et sa fille, mots doux, réconfort. Quelque chose ne va pas. Je le sens, le ressent. Je l’entends dans sa voix, dans sa manière de parler qui pourtant paraît rassurante, paraît. Une mère se doit de ne rien faire transparaître à son enfant sauf son sourire, sa chaleur ou peut-être encore quelques froncements de sourcils pour la remettre dans le droit chemin. Quelque soient les circonstances, elle doit montrer l’exemple, rester digne. Elle n’a pas le droit à l’erreur. Mais une fille est reliée à sa mère. En début de vie, physiquement, puis le médecin coupe le cordon et à cet instant tout passe dans l’esprit. Malgré ses efforts, je comprends que quelque chose ne va pas. «Je dois te parler» . «Est-ce que c’est grave ?» . Pas de réponse directe à cette question. Un long monologue, fraîchement réfléchit je suppose, pour ne pas m’inquiéter. Je m’inquiète, me pose des questions. Ne comprends pas, ne veux pas comprendre. J’entends des ordres, des directives, quelques vacillements de voix.

cordon téléphonique

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- Pourquoi ? Où ça ? Quand cela est-il arrivé ? Pourquoi ? Réponds-moi...

Pas d’explications, mon visage tombe. Cette voix qui me rassurait, maintenant me fait peur.

- Et toi, ça va ? Promets le moi.

Une dernière question. Un silence.

- Allo ?

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Il lui prit la main et l’entraîna au milieu de la pièce. Elle ouvrit les yeux et prit conscience de l’endroit où elle se trouvait. Elle s’immobilisa et tous les souvenirs qu’ elle avait cachés dans un coin de sa tête, espérant les oublier, remontèrent brusquement à la surface. Elle leva les yeux et en quelques secondes son regard se porta sur une boite dissimulée en haut d’une étagère. Elle gémit et son corps tout entier se déchaîna en criant dans tout son être : «1er étage ! Le gaz ! J’ai peur ! 1er étage ! J’ai peur ! Les flammes ! Je dois m’envoler ! J’ai peur !». Mais sa voix inaudible aux alentours se noya dans un flot de regrets. Toutes ces heures passées à se remémorer ce regrettable accident, ce complot contre elle. Elle se rappela la douleur qu’elle avait ressentie en voyant ses proches lui tourner le dos, la laissant seule avec sa conscience. Elle tomba à terre. Tenta de repousser son amie quand elle voulu la sortir de cette pièce, mais l’étreinte était trop forte. Elle se sentit piégée, suffoqua et bascula en arrière, se frappant brutalement la tête. Elle n’eut pas peur, mais au contraire se sentit apaisée, heureuse même, pour la première fois de sa vie. Dans un souffle, elle murmura : «L’ombre de cet oiseau qui a pêché ne brûlera jamais plus».

La boite

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- La couleur claire des murs m’envahit, dit-elle. Chaque membre de mon corps le long de ces murs, il me suit, il me rattrape, silhouette à l’intersection, j’entends son souffle, je cours, il s’approche au fur et à mesure que mes jambes fléchissent, je vois cette haie venir à moi, je la vois, elle me tend la main pour me sortir de là.

- Je la vois, elle est proche, je l’atteins, dit-il. Elle est là, tout près de moi. J’avance à grand pas. Mais je ne la vois plus. Ses grandes jambes disparaissent. Une haie, dit-il, une haie nous sépare.

- La peur m’envahie, je tremble, mes larmes le long de mon corps, dit-elle. Je cours malgré mon souffle lent, mes jambes exténuées, mes battements irréguliers.

Le bruit de ses pas encore en elle, elle regarde autour toutes ces choses ahurissantes lui bloquer le passage. Elle hurle, la douleur de la peur, la peur que cette course avec l’étrange silhouette persiste. Cette ligne blanche, cette ligne dans laquelle elle peut percevoir l’opacité de la situation, tout semble la trahir.

La Haie

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Jeanne : Bon elle est nulle la musique. On bouge ?Hugo : Ouais. On va où ? Max : Je ne sais pas et je m’en fous. Moi j’vous suis.Lucas : On va manger une pizza au pire…Hugo : Ouai. On monte tout en haut regarder les vagues.Jeanne : Ah ouai ! Carrément !Lucas : Oh moi... ça me va. Max : Moi aussi, allez, on y va. Hugo : Ascenseur ou escaliers ?Lucas : T’as vraiment besoin de poser la question ?Jeanne : Mouai.. Moi je pense que c’était une question inutile.Max : Il fait froid quand même…Lucas : Ouai, grave. Jeanne : Bon, on s’assoie là.Max : Bon, on va manger du coup. Hugo : Ah ben oui ouais… j’avais oublié du coup.Lucas : bon allons-y alors.Jeanne : Rhoo, j’ai tellement faim que j’pourrais manger un bus.Max : Ah tu t’es mise à manger du métal toi ?Hugo : Ca peut être cool.Jeanne : Mais non… les gens dedans !

bulles

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Je ris, tout comme les amis. La raison ? Elle importe peu, le résultat est là. Nous rions, puis nous nous arrêtons d’un coup, tous, et nous reprenons notre souffle. Naviguant parmi toutes ces idées, une me fait rire. Les autres, sans vraiment comprendre, me suivent dans ce fou rire. Nous sommes assis, debout, allongés, la position nous importe peu, tout comme le lieu. L’inconfort nous est inimaginable comme si nous étions installés dans une bulle. Merveilles. Nous rions toujours, dans un bien être total. Combien de temps ? Une poignée d’heures. Nous recommençons toujours et cela nous convient. Certains partent, par choix ou par obligation. Je me baisse puis me relève, souffle un bon coup. Enfin, je m’allonge et replonge dans cette mer de pensées qu’ est mon esprit.

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Tu me prends les mains pour me faire assoir, tes mains tremblent, elles sont douces mais osseuses. Tu retiens mes mains dans les tiennes. Je m’assois sur le fauteuil matelassé, il est rouge et éventré, on entend un vieux ressort qui se rétracte. Je me suis assise sur le fauteuil. Tu es en face de moi, tu passes ta main dans tes cheveux comme quand tu es gênée. Je remarque ton vernis, rouge, tu baisses la tête, ton vernis rouge rappelle la couleur de tes boucles d’oreille. Celles qui devaient m’appartenir. On les avait trouvées, je les avais trouvées sur la plage pendant le voyage au Brésil avec les parents. JE les ai vues en premier, mais tu les as toujours gardées pour toi. Je t’en veux toujours pour les boucles d’oreille, celles de Rio, et pour toutes les choses que tu t‘es approprié, que tu m’as volé pour te valoriser, toujours un peu plus et pour m’humilier toujours un peu plus. Et tu mets aujourd’hui ce bijou qui fait que je te hais depuis si longtemps, ce bijou, tu le portes maintenant, pour me l’annoncer, et au moment où tu baisses la tête, juste après avoir caressé ta crinière, à ce moment là, je te déteste, je te déteste tellement ! Et tu vas me le dire maintenant, tu vas me le dire enfin ! Mais non, toujours pas. Tu n’assumes pas, tu n’admets pas, tu ne me soulages pas. Tu voudrais y échapper, alors tu me souris, avec ton

les boucles d’oreille

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sourire idiot que tu as depuis l’enfance, tu espères peut être que je vais t’épargner, te pardonner ? Tu es vraiment si stupide ? C’est trop tard. Combien de temps ça va durer encore ? Cette torture que tu m’infliges. Cette torture que tu t’infliges désormais. Que comptes-tu faire pour retarder, encore, ce moment ? Pendant tout ce temps où tu réfléchis et tournes autour du pot, je regarde ce qui nous entoure, et je me rends compte que chaque objet du décor a été une source de conflit avec toi. Mais maintenant c’est mon tour. Tu ne peux plus reculer désormais. Tu poses ton regard en face du mien et tu ouvres la bouche. Un son sort de tes lèvres, à peine audible, tu balbuties quelques mots. C’est étrange, je pensais que je tirerai quelques satisfactions de cette torture, mais ça ne me fait rien, j’ai presque de la peine pour toi. Tu vois, finalement, je ne suis pas faite pour oppresser. Peut-être que j’ai été faite pour être dominée et toi pour dominer. Ce rôle ne me va pas, la comédie a assez duré. Je me lève, je m’en vais. Je sors dans la rue, je sens l’air frais sur mon visage, et l’odeur du fleuriste dans mon nez, le rire d’un enfant qui joue dans le parc, le soleil qui réchauffe ma peau. Tous mes sens sont aux aguets. Je redécouvre ce monde, et pour la première fois, brûle dans mes yeux une étincelle de liberté.

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Le jour, la vie, la nuit, l’espoir, le temps.Le ciel bleu, la pleine lune, un sourire, un vœu, trois aiguilles.Le vent est léger aujourd’hui.Les fines branches des arbres se balancent légèrement.Le vent les berce doucement.Elles qui attendent le printemps dans la désolation laissé par l’hiver.Le temps passe.Il nous suit et rattrape même les coureurs, ceux qui vont contre le temps. Ils ont peur. Ils ont peur de quelque chose d’inévitable. Personne ne lui échappera, même ceux qui courent très vite.Ils essayent quelque chose les retient. Quelque chose qui pourrait leur manquer, ou quelqu’un.Beaucoup de choses me manqueraient.De ne plus marcher seule sur la route inanimée un soir d’hiver, de ne plus me réveiller avec le chant des oiseaux et le soleil envahissant peu à peu ma chambre de sa chaleur. Et le temps continu de passer. Il nous rattrape, il est proche. Il est proche bien trop tôt.

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Quel jour sommes-nous ? Je ne sais plus, je ne veux pas savoir à vrai dire, qu’importe ? J’ai perdu la notion du temps depuis ce jour, ce jour si beau qui marqua ma naissance. Mes journées je les passe immobile à rester là, dévastée. Pourquoi dévastée ? Pour tellement de raisons plus ou moins joyeuses, désastreuses, ennuyeuses, pathétiques ou même horrifiques.

Je suis là, là à regarder des enfants jouer, durant cette pétillante journée d’été, s’amuser dans un bac à sable et ne plus rien penser. Observer les vieilles dames qui se baladent par-ci, par-là, n’ayant que pour objectif d’arriver au bout des longs chemins grisâtres, sinueux et caillouteux, dont la fin pour elles semble être à chaque pas de plus un saut vers une mort plus belle encore.

L’herbe sur laquelle je me trouve semble douce, d’un vert émeraude fraîchement perlée par la rosée et étincelant à l’aube, où le soleil d’un infini éclat orangé s’illumine déjà, rejoignant bientôt le haut du ciel, bientôt d’un bleu azur et perçant les nuages à l’aspect cotonneux, d’un jet de lumière éblouissant.

éphémère

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Je pense, repense et attend patiemment que mon heure vienne, m’emporte.

Aujourd’hui est un moment parfait pour cela, le soleil a enfin atteint son zénith et je le vois briller, s’accordant harmonieusement avec sa façon d’être, autant calme que l’océan et autant mystérieux qu’une nuit sans étoile. L’intrigue d’une fin, la fin du monde, le début d’un nouveau, le gouffre noir de la mort m’enveloppant, m’aspirant vers des contrées oubliées. Je regardai une dernière fois ce paysage, un dernier regard. La fin d’une vie, la mienne à son entrée pour l’enfer. Je me laisse m’évader, oublie jusqu’à mon dernier souffle, mon dernier pétale d’un rouge flamboyant.

La dernière chose que je vis, mon voile rouge se posant délicatement sur le sol. Fanée et quasi morte, je sombrai, enfin, enterrant mon secret, l’enfouissant avec moi dans les profondeurs des ténèbres.

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Imposante, centenaire, je brûle, je brûle de colère. Mon brasier interne s’étend car il y a au-dessus de moi l’écrasant poids des souvenirs : babioles, poussière, pipe froide qui ne fumera plus. Je suis la mère, le foyer chaud, le cocon rassurant. Mais aujourd’hui lorsqu’elle ouvre la bouche, elle lève un linceul taché de sang noir. Un premier cadavre sort de la fausse sombre, apportant avec lui l’odeur faisandée de la mort, et ses terribles trophées que j’ai dû rôtir.

Je me souviens de l’écho des cris, et tombent enfin les bandelettes de sa momie. Les paroles prisonnières du quand dira-t-on sont ramassées et tout retombe sur le foyer. Il y a l’odeur âcre et rance, le moisi des livres du salon, que le lecteur a abandonnés. Avec une vigueur teintée de désespoir et de colère, une pelle vide les cendres de son passé : jeunesse, oppression, pas lourds dans l’escalier, peur, révolte, lèvres brisées, goût de fer.

Une petite main affronte, violemment, ingénument, mon souffle cuisant et mes mèches ondulantes. Ses gestes inexpérimentés sont comme un diamant mal senti.

souvenirs brulés

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Enfant qui veux grandir, ne brûle pas tes mains si vite et entend raison. Ne vois tu pas ces grandes personnes et leurs mines nuageuses, toujours pleines de mouvements tristes. Entre sourcils soucieusement plissés, drapées en une étoffe de problèmes, et courbure de bouche vers le bas, arrachée au ciel car les adultes sont terre à terre.

Il n’est pas venu le temps de savoir jouer et de se jouer du feu. La pelle vengeresse, épée guerrière, la parole libérant le secret et la main se fixent, s’évaluent ; méfiant, le terrible portrait, dément et cris, tout comme moi, il mène une conversation muette. Des regards, l’un vert : pain noir d’après guerre et regrets. Un autre, noir de nuit : colère, trahison. Une petite main ferme au sol a projeté le portrait.

Le cierge de respect est éteint, déjà sa peau neuve se cloque et se plaint. L’homme est enfin enterré, l’enfant sait, l’enfant sait pourquoi elles sont brûlées.

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Ressentir cette sensation - la redécouvrir et la partager - ne voir qu’elle et ses couleurs tels mille feux d’artifice et rien d’autre - seulement pour le plaisir.

Tenir sa main, la retourner pour ses traits qui ne sont pas semblables aux miens, mon doigt qui trace ses lignes - regarder son visage - ses yeux verts - auréoles de cils long et noirs - ses cheveux doux et soyeux, être tous les deux dans notre monde, une bulle où personne ne peut entrer, où nous sommes les seuls à posséder la clef - sentir l’herbe fraîche nous chatouiller les pieds - encore une nouvelle sensation - regarder ce ciel changer - bleu avec des formes et des images - le vent soulève nos cheveux qui sont aussi légers que des plumes - ma main replace sa mèche et son regard - sentir qu’il me regarde et sourire - détourner mon visage et l’ignorer - ne voir qu’au loin les champs vastes d’herbes vertes sous ce soleil - le vent du sud souffle un air chaud, apaisant - entendre grillons et criquets près de nous - se laisser bercer par leur chant estival - fermer les yeux - s’abandonner dans cet endroit unique sur la terre - m’allonger à côté de lui et rêver - arracher un brin d’herbe et chatouiller son nez - avec - mon rire raisonne dans la campagne - et lui - sa moue - le prendre dans mes bras

ses yeux verts

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- le regarder dans les yeux - apaisée par le bruit de l’été magique , enivrant, chaleureux - ne penser qu’au moment présent pour ne pas s’imaginer de meilleures choses - lever encore les yeux au ciel pour s’ en imprégner - le graver dans notre mémoire, toujours - toujours - à jamais - et toujours cette peur - alors être seulement des enfants durant cette après-midi - avant de faire face aux problèmes secouant et bousculant notre vie.

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Je tremble, le sol bouge de plus en plus vite, je ressens et suis ce mouvement intense me laissant emporter vers divers endroits, tous plus différents les uns que les autres. Je suis petit, tout petit, enveloppé sur moi-même. Inconsciemment.

Les gens m’ignorent et ne portent aucune attention, ni importance à mon existence. Je ne suis qu’un sédiment pâli par l’eau de mer, des pierres navigant dans les fonds marins, me retrouvant ici, à rester dans l’ignorance, attendant que l’on me piétine encore une fois. Nous sommes sans doute des millions à être comme ça mais la solitude persiste en moi. Comme si la ressemblance de chacun n’apportait aucune différence – et donc aucune importance, ni rareté.

Le soleil me brûle, sa lumière rayonne autour de moi. L’insouciance d’être là, le danger qui peut arriver à tout moment sans savoir pourquoi vraiment on est là et pourquoi le destin joue de ses pouvoirs sur nous. Nous sommes si peu et tellement à la fois, comme cette petite fille insouciante qui n’est que la naissance d’un nouveau grain de sable se laissant bousculer par la vie.

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Suivre un chemin sans voir ce que cache son virage, mais ayant seulement l’envie de découvrir ce qu’il y a, caché dans l’éphémère mystère du futur ?

Le grain de sable ne sait pas, il est simplement là et se laisse glisser entre les doigts fins de la petite fille qui elle non plus ne sait pas pourquoi elle est là. Mais elle découvre et s’émerveille du petit grain de sable solitaire auquel on porte peu d’attention.

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‘‘What is depression ?’’ There are many ways to describe depression, but the most accurate one is the feeling of drowning.

When you drown, you suffocate, slowly, and your life source is literally taken from you. You can feel it, forcefully leaving you, and there is nothing you can do about it. Despite how much you struggle, despite how much you call out for help, all your efforts are useless, because drowning is against your will, just as depression is. When you drown, it’s painful, you can feel yourself slipping away, and what makes it worse is that you can see everybody smiling, laughing, happy, breathing. They are aware that something is wrong with you, that you need help, but they are too busy being happy to come and rescue you. So they keep breathing and smiling, and they encourage you to do the same, even though it’s impossible. But for the sake of keeping everybody happy, you try.

You try to smile, you try to laugh, you try to breath, and everyone forgets that you are drowning, just because you smile for a while. But when they go back to worrying about themselves, when they go back to being happy, and

drowning

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only worrying about material things, like their hair and clothes, their make-up, their boyfriends and girlfriends, when they forget about you, is when you drown again. And every time they remember you, every time they remember you’re not okay, they look at you. And expect you to be better, to be breathing.

So you put on that smile again, you laugh at the most ridiculous little things, you try to be happy about insignificant things, things that don’t matter, you try to breathe again. You lie to them. Tell them you’re ok, and not to worry. And they forget again, and you’re drowning again. And each time, you drown faster, you struggle more, and after a while of this vicious circle, it starts having physical effects on you.

When you drown, the water closes in on you from all sides, it envelopes you. For some, this is a safe feeling. But there is nothing safe about depression. The water takes you, you start to lose air, you can’t see the surface, your lungs hurt, your head hurts, your arms go numb, your legs go numb, you’re drowning faster. You’ve run out of air, you can’t move at all, your vision’s going dark, you can barely see anything. You’re done fighting, you’re done struggling, you’re done trying to reach the surface. Your vision’s

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completely gone, all you see is black, but the one image that is burned into your mind forever is everybody else smiling, laughing, happy.

What is depression? Depression is drowning, and still being able to see everyone else breathing

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Le soir, la nuit, le sombre.

On se perd dans nos pensées, notre passé ressurgit, nos secrets refont surface. Dans mon lit, des images reviennent, le début d’une histoire comme chaque soir, chaque nuit, à chaque fin de journée.

Un jour d’hiver, le froid, la neige virevolte, pas un bruit, rien hormis sa voix que j’entends matin, midi et soir. Y penser, repenser sans cesse.

Me trouble.

Impossible de le dire, de décrire cette souffrance en nous. J’ai peur en repensant à ceci, attendre encore et encore en essayant de se rassurer. Une image me revient : ce lieu froid blanc vide. Nous sommes seuls au monde, seuls les arbres, les animaux, les plantes nous écoutent mais restent muets. Le temps passe, le froid toujours présent. Cela devenait impossible de penser à autre chose qu’à cette parole qui retentit chaque jour, chaque nuit en moi.

le soir, la nuit, le sombre.

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Il devient insupportable à vivre. Pourtant, grâce à nous, il vit en nous, et nous poursuivra. Un jour il me tuera, restera en moi, en lui. Me taire encore, toujours, je suis dans une impasse où je ne trouve pas d’issue. Comme ce jour où le froid me glaçait les mains, me piquait les yeux, comme ces quelques paroles.

Souffrance. L’attente pesante. Crier tout haut ce que je pense tout bas - proverbe. Un rêve dans mon cas, sauf ce moment, à jamais gravé en moi.

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Une situation – le calme – le noir – le désir.

Le « secret commun » existe-t-il ?

Une appréhension – une hésitation, malgré une envie.

S’il existe doit-on réellement le qualifier de « commun » ?Puisque, même s’il se partage à deux ou à plusieurs, il n’est surement pas ressenti de la même façon.

Un murmure - une voix, rassurante - une phrase.Des mots, des mots doux… Peut-être que le secret est individuel mais qu’il comporte des détails, certaines émotions, sensations, sentiments communs.

Une caresse – des frissons – un regard – toujours, une envie.

le secret d’un désir

Le secret est l ’écrin du bonheur.Alice Ferney

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A-t-on conscience, lorsque l’on agit, que le secret futur peut influencer l’avenir ?

Un baiser.

Des battements, forts, de plus en plus forts. Un souffle, son souffle. Ma respiration – ses mains, ma peau – ses lèvres, mon cou.

Et s’il influence, est-il forcément bénéfique ou maléfique ? C’est-à-dire, s’il influence d’innombrables « choses », scènes, choix…Peut-être la suite de ces événements ne peut pas se distinguer du bien ou du mal.

Ses yeux, mes yeux – un regard, un sentiment.Une envie, toujours – une confiance maintenant.

La confiance, elle, caractérise-t-elle le secret ?

La chaleur - la respiration –nos deux corps – un plaisir, une envie de partage, un respect.

Pourquoi certaines personnes n’arrivent-elles pas à garder un secret individuel ? Ont-elles réellement besoin qu’il devienne commun pour se sentir mieux ?

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Maintenant, un secret.

Un secret que l’on garde à deux, un secret que l’on n’oubliera jamais.

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Laure : Le ciel est bien triste. Angélique : Le soleil pourtant veut l’écumer de toute sa lumière comme pour éclairer une personne perdue.Éric : C’est vrai.Marie : Il faut regarder par delà le ciel, les espaces infinis, ou bien voir, voir quelque chose de plus proche.Angélique : Le sol paraît bien terne. Laure : La lumière ne l’éclaire pas assez.Éric : Le carrelage est sombre.Angélique : La nature, regardez plutôt la nature, forte et fragile ! Laure : Elle est si triste, toutes choses se détruisent.Angélique : La nature est également clémente.Marie : Et pourtant je ne vois qu’une échelle de force. Laure : Plus de respect, le respect de chacun, de son prochain. Le respect n’existe plus et l’espoir est perdu !Marie : Regardez plutôt cet oiseau sur sa branche qui chante et exprime son bonheur. Laure : Il pourrait tomber et se briser, ne plus exister. Marie : Ce serait sa fin, il deviendrait poussière, poussière que l’on souffle et qui se disperse dans l’infini, un infini qui n’en fini pas d’être fini comme un cercle, comme un serpent qui se mord la queue pour faire un cercle, une

un ciel bien triste

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ronde infinie. Éric : Le serpent mange le crapaud qui lui-même mange la libellule.Marie : C’est un cercle qui n’en fini pas d’être fini. Laure : La fin peut s’évaporer comme une larme sur une joue éphémère.Angélique : Tout comme un papillon qui vit dans la nature, une nature trop forte pour son corps. Marie : Un corps qui lâche et une vie qui s’envole pour rejoindre le ciel. Laure : Un ciel bien triste.

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La chambre est froide, malgré le soleil et le chauffage. Elle est assise sur le fauteuil, le fauteuil vert, celui à côté de la fenêtre, elle fume, un peu de cendre tombe; distraitement, elle la pousse, ses longs cheveux noirs qui lui tombent presque aux reins se mettent à glisser le long de ses épaules, elle les relève tout en formant un «O» avec ses lèvres en levant légèrement la tête. Le soleil passe à travers la fumée qui s’étire, cela crée une sorte de voile entre nous, un voile qui me fait tousser, un voile que je tente de balayer d’un revers de main mais qui persiste. Elle ferme les rideaux, la lumière devient faible, l’air devient glacial, l’air à un goût de tabac froid. Elle parle doucement, si doucement que j’ai du mal à l’entendre, elle chuchote et je m’approche un peu.

C’est important, très important. Trop important, surtout pour moi. Les gouttes tombent, on a mal fermé l’eau, mais je ne tourne pas la tête, je ne la coupe pas, je fronce les sourcils, mais l’eau coule et c’est si fort, elle parle si doucement. Je me concentre, je fais de mon mieux, elle voit que je ne l’écoute pas, elle a les yeux rouges, et ses joues prennent cette couleur spéciale des jours où elle se retient de pleurer.

le non-dit

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Elle parle, elle parle, elle se perd elle s’éloigne, les mots s’emmêlent, s’entrechoquent, les mots tombent comme des gouttes d’eau. Mais cela ne nous concerne pas, ni elle, ni moi.

Le rideau tiré, la chambre est noire, le monde lointain. Sa cigarette s’est éteinte. Dehors il fait beau, dehors les voisins rient parce que dehors ils ne savent pas. Je voudrais sortir et leur dire toute l’histoire, pour qu’ils s’arrêtent, pour être un peu moins seule, mais ça ne changera rien, parce que comme moi cela ne les concerne pas. Alors je m’enfonce dans mon fauteuil, je touche le bras en bois, je m’y agrippe, je suis mal assise, j’ai mal, je me sens mal, mais cela n’a pas d’importance, parce que ce n’est pas de moi dont on parle, et ce n’est pas vraiment à moi que l’on parle.

Alors je me tais, j’écoute. Je vois, mais je suis en dehors de la scène. Elle parle seule, elle est là dans le noir, elle raconte en détails, lentement, et elle pleure en silence, à l’intérieur d’elle-même.

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allongée dans l’herbemon corps se fait de plus en plus lourd

contre le sol le soleilbrûle ma peau

mes doigts arrachent une touffe d’herbesà ma droite

une grosse pierreblanche

caillou blanc et rondje m’élance

sur la collinela pierre roule

sur l’herbe verte tous mes membresse recroquevillent

le soleil brûlela peaula roche

la pierre roule sur la petite collinedans la rivière

je tombel’eau rafraîchit

la peaul’eau

pierre

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mouille la rochele souffle ralentiaprès la course

le long de la collinela pierre

vacille dans le creux de l’eau je m’arrêtela pierre

immobile

(je pleure, je tremble, je meurs)

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long

traje

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sem

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Photographies

Illustration

Photographie de couverture

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