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Médiathèque André Malraux – Département Langues et Littératures 14-18 : la littérature, outil de propagande ? une sélection bibliographique 1 LA POUDRE, L’ENCRE ET LE PLOMB ILLUSTRATIONS ET CONTRE ILLUSTRATIONS DURANT LE 1ER CONFLIT MONDIAL Du 03/10/2014 au 17/01/2015 Salle d’exposition Médiathèque André Malraux Le premier conflit mondial est une guerre en image mais aussi et surtout une guerre des images. Si les photographies du front sont aujourd’hui largement diffusées, qu’en est-il des illustrations pour enfants, des journaux dessinés, des caricatures ? Livres et revues illustrent l’autoreprésentation des belligérants et la description, sans concessions, qu’ils font de leurs antagonistes. Les images « en guerre » extraites du fonds patrimonial révèlent une société en pleine déliquescence qui assiste, non sans ironie, à l’asservissement des images au profit des idéologies politiques et à l’émergence sournoise d’un système de manipulation diaboliquement efficace : la propagande. Si l’exposition La poudre, l’encre et le plomb, illustrations et contre illustrations durant le 1 er conflit mondial s’attache principalement à tracer la propagande dans les illustrations de l’époque, les œuvres littéraires méritent elles aussi d’être interrogées. 14-18 : la littérature, un outil de propagande ? Oui, avec de rares auteurs purement bellicistes et cocardiers aux accents militaristes revanchards depuis la défaite de 1870 contre les allemands. Le cœur des femmes de France : extraits de la "Chroniques de la Grande Guerre" (1914-1920), Plon, 1928 Romans et voyages / Maurice Barrès, Laffont 2014 (Bouquins) Pendant la Grande Guerre, Barrès est un acteur important de la propagande de guerre qui lui valut d’être élu par Le Canard enchaîné, chef « de la tribu des bourreurs de crâne. » L'écrivain se fait le champion du « jusqu'auboutisme » dans les articles qu'il écrit chaque jour pendant quatre ans à l’Écho de Paris. Il exalte les combats en cours et se voit décerner par Romain Rolland le surnom de « rossignol des carnages. » Gaspard / René Benjamin Archipoche, 2014 Août 1914, des trains amènent à Alençon les mobilisés de Paris. Parmi eux, un petit marchand d'escargots de Montparnasse qui se retrouvera avec ses camarades face aux mitrailleuses et aux obus allemands dans un régiment d'infanterie. Prix Goncourt 1915. Briefe von Walter Flex / Walter Flex C. H. Beck'sche Verlagsbuchhandlung, [s.d.] Voyageur entre les deux mondes (1916), de même que les lettres et poèmes de guerre de Walter Flex furent le bréviaire posthume de toute une génération allemande après la défaite de 1918. Ces écrits demeurent comme un témoignage du lyrisme national allemand et exaltent le patriotisme, les sentiments d'humanité, de camaraderie et de souffrance des soldats de la Première Guerre mondiale. Non, avec de rares auteurs purement pacifistes, comme Romain Rolland. Au-dessus de la mêlée / Romain Rolland Payot & Rivages, 2013 "Au-dessus de la mêlée" est le plus célèbre manifeste pacifiste de la Grande Guerre. Comparable au "J'accuse" de Zola, il fut publié par Romain Rolland le 24 septembre 1914 dans Le Journal de Genève. Ce texte exceptionnel, qui exhorte les belligérants à prendre de la hauteur pour saisir l'ampleur du désastre, provoqua aussitôt de nombreuses réactions violentes et haineuses envers son auteur, dont la lucidité, l'idéal de non-violence et de communion entre les peuples furent néanmoins récompensés, dès l'année suivante, par le prix Nobel de littérature.

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LA POUDRE, L’ENCRE ET LE PLOMB ILLUSTRATIONS ET CONTRE ILLUSTRATIONS DURANT LE 1ER CONFLIT MONDIAL Du 03/10/2014 au 17/01/2015 Salle d’exposition Médiathèque André Malraux Le premier conflit mondial est une guerre en image mais aussi et surtout une guerre des images. Si les photographies du front sont aujourd’hui largement diffusées, qu’en est-il des i llustrations pour enfants, des journaux dessinés, des caricatures ? L ivres et revues illustrent l’autoreprésentation des belligérants et la description, sans concessions, qu’ils font de leurs antagonistes . Les images « en guerre » extraites du fonds patrimonial révèlent une société en pleine déliquescence qui assiste, non sans ironie, à l’asservissement des images au profit des idéologie s politiques et à l’émergence sournoise d’un système de manipulatio n diaboliquement efficace : la propagande. Si l’exposition La poudre, l’encre et le plomb, illustrations et contre illustrations

durant le 1er conflit mondial s’attache principalement à tracer la propagande dans les illustrations de l’époque, les œuvres littéraires méritent elles aussi d’être interrogées.

14-18 : la littérature, un outil de propagande ? Oui, avec de rares auteurs purement bellicistes et cocardiers aux accents militaristes revanchards depuis la défaite de 1870 contre les allemands.

Le cœur des femmes de France : extraits de la "Chroniques de la Grande Guerre" (1914-1920), Plon, 1928 Romans et voyages / Maurice Barrès, Laffont 2014 (Bouquins) Pendant la Grande Guerre, Barrès est un acteur important de la propagande de guerre qui lui valut d’être élu par Le Canard enchaîné, chef « de la tribu des bourreurs de crâne. » L'écrivain se fait le champion du « jusqu'auboutisme » dans les articles qu'il écrit chaque jour pendant quatre ans à l’Écho de Paris. Il exalte les combats en cours et se voit décerner par Romain Rolland le surnom de « rossignol des carnages. »

Gaspard / René Benjamin Archipoche, 2014 Août 1914, des trains amènent à Alençon les mobilisés de Paris. Parmi eux, un petit marchand d'escargots de Montparnasse qui se retrouvera avec ses camarades face aux mitrailleuses et aux obus allemands dans un régiment d'infanterie. Prix Goncourt 1915.

Briefe von Walter Flex / Walter Flex C. H. Beck'sche Verlagsbuchhandlung, [s.d.] Voyageur entre les deux mondes (1916), de même que les lettres et poèmes de guerre de Walter Flex furent le bréviaire posthume de toute une génération allemande après la défaite de 1918. Ces écrits demeurent comme un témoignage du lyrisme national allemand et exaltent le patriotisme, les sentiments d'humanité, de camaraderie et de souffrance des soldats de la Première Guerre mondiale.

Non, avec de rares auteurs purement pacifistes, comme Romain Rolland.

Au-dessus de la mêlée / Romain Rolland Payot & Rivages, 2013 "Au-dessus de la mêlée" est le plus célèbre manifeste pacifiste de la Grande Guerre. Comparable au "J'accuse" de Zola, il fut publié par Romain Rolland le 24 septembre 1914 dans Le Journal de Genève. Ce texte exceptionnel, qui exhorte les belligérants à prendre de la hauteur pour saisir l'ampleur du désastre, provoqua aussitôt de nombreuses réactions violentes et haineuses envers son auteur, dont la lucidité, l'idéal de non-violence et de communion entre les peuples furent néanmoins récompensés, dès l'année suivante, par le prix Nobel de littérature.

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Mais la réponse est probablement plus subtile et l’engagement des écrivains évolue au fil des années. Avant tout, les auteurs patriotes s’expriment dans une culture de guerre : ils consentent à la guerre et s’y engagent pour la plupart, beaucoup y laissent d’ailleurs leur vie sur les champs de bataille. Ce sera le sort de 525 écrivains dont 450 français, parmi eux, Guillaume Apollinaire, Rupert Brooke…

Si je meurs : 1914 et autres poèmes / Rupert Brooke Bartillat, 2003 Recueil de poèmes de cet auteur anglais (1887-1915) mort pendant la Première Guerre mondiale précédé d'une étude de ses œuvres et notamment de son plus célèbre sonnet, Le soldat.

Calligrammes : poèmes de la paix et de la guerre : 1913-1916 / Guillaume Appolinaire Gallimard, 1995 (Poésie) Comme beaucoup d'étrangers, par peur d'être internés ou expulsés, Appollinaire, d’origine polonaise, a pu bénéficier de la loi du 5 août 1914 accordant la naturalisation aux engagés volontaires. Malgré les vicissitudes de l'existence en temps de guerre, Appollinaire écrit dès qu'il le peut pour tenir et rester poète (Case d'Armons, une abondante correspondance avec Lou, « Si je mourais là-bas » dans les Poèmes à Lou…) Calligrammes est édité en 1918 peu avant sa mort.

Le Feu (suivi du) Carnet de guerre : journal d'une escouade / Henri Barbusse Librairie générale française, 1988 Le chef-d’œuvre d'Henri Barbusse où il raconte la guerre dans toute son horreur. Prix Goncourt 1916.

Nocturne : fragments / Gabriele D'Annunzio Seuil, 1996 Récit autobiographique de D'annunzio pendant la première guerre mondiale blessé et en convalescence après que son son hydravion se fut écrasé en mer en janvier 1916. Il commence la rédaction de Nocturne sur des bandelettes que lui prépare sa fille Renata (la Sirénetta de Nocturne), qui déchiffrera et recopiera ainsi dix mille bandes de papier.

Le songe dans Romans et œuvres de fiction non théâtrales / Henry de Montherlant Gallimard, 1989 (Bibliothèque de la Pléiade) Dans « Le Songe », premier roman de l'auteur, s'emmêlent le thème de l'amour et celui de la guerre. Alban de Bricoule, figure romanesque de Montherlant lui-même, part volontairement pour le front voyant dans le combat le moyen de durcir son corps et son âme. Il se ferme à la pitié, s'exalte dans le meurtre qui le transforme et le grandit.

Soldats bleus : journal intime 1914-1918 / Pierre Loti La Table Ronde, 1998 1914, au tout début de la guerre, le capitaine de vaisseau Pierre Loti se bat auprès de l'état-major pour être mobilisé et envoyé au front. Officier de liaison, il parcourt la zone de combat, rencontre poilus et généraux, témoigne. Il découvre les villes sinistrées, raconte dans son style à la fois précis et épique l'horreur de la guerre. Mais, comme militaire de carrière, il entretient la propagande antiallemands et en même temps, il continue de mener une vie mondaine.

Romans d'espionnage de la Grande Guerre / édition établie et préfacée par François Rivière R. Laffont, 2014 (Bouquins) Deux nouvelles méconnues, l'une de Rudyard Kipling, Mary Postgate, l'autre d'Arthur Conan Doyle, Plaidoirie pour un homme seul, restituent l'atmosphère hallucinante de cette guerre telle qu'elle fut vécue par la population d'outre-Manche.

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Pourtant transparait déjà un premier engagement avec la naissance de la littérature de guerre des auteurs combattants et/ou se voulant les témoins des atrocités et souffrances des soldats. La guerre n’est plus décrite avec lyrisme, on la vit à présent dans des descriptions très réalistes. Peu de ces récits/fictions sont publiés pendant la guerre, non pas du fait de la censure mais de l’opinion publique qui ne supporte pas l’idée que le sacrifice de millions de morts ait été vain. En face de Maurice Genevoix ou Georges Duhamel, le même vécu pour Andreas Latzko, Ernst Jünger, Liviu Rebreanu, Gabriele D'Annunzio, Rudyard Kipling…

Ceux de 14 / Maurice Genevoix Omnibus, 2002 Sous Verdun, Jeanne Robelin, La joie, La mort de près… L’étonnante faculté d’observation, la précision de la mémoire, ‘attention aux hommes, aux regards, à la tonalité des voix, la rigueur, la simplicité, la clarté du récit portent la marque du génie d’un grand écrivain. Les "livres de guerre" de Genevoix sont, à côté de ceux de Barbusse ou de Jünger, les témoins de notre siècle cataclysmique, portés par le devoir de faire comprendre l'indicible aux générations futures.

Vie des martyrs et autres récits des temps de guerre / Georges Duhamel Omnibus, 2005 Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, G. Duhamel refuse de se soustraire au chaos provoqué par le conflit : médecin mobilisé, il pratiquera des milliers d'opérations sur le front. Son œuvre témoigne de ce désastre, de la fin d'un monde et de l'héroïsme des hommes. Contient également Civilisation, d’abord publié sous pseudonyme : « Je vous le dis, en vérité, la civilisation n'est pas dans cet objet, pas plus que dans les pinces brillantes dont se servait le chirurgien. La civilisation n'est pas dans toute cette pacotille terrible ; et, si elle n'est pas dans le cœur des hommes, eh bien ! elle n'est nulle part. »

Hommes en guerre / Andreas Latzko Agone éditeur, 2013 L'auteur, hongrois d'expression allemande, fut surpris à Goritz par la Première Guerre mondiale. Blessé en 1915, il se mit à la rédaction d'Hommes en guerre, qui parut pour la première fois en 1917, publié sous anonymat à Zürich. Six nouvelles qui racontent la fabrique à malheurs de la guerre, suivies d'un portrait de l'auteur par Romain Rolland.

Les silences du colonel Bramble / André Maurois Grasset, 2003 (Les cahiers rouges) Pour ce roman plein d'ironie, publié en 1918, l'écrivain a choisi de s'inspirer directement de son expérience d'agent de liaison auprès de l'armée britannique pendant la Première Guerre mondiale. Il dresse les portraits d'officiers-gentlemen, exposés à la mort mais doués pour la vie.

Le chemin du sacrifice : roman / Fritz von Unruh La Dernière goutte, 2014 Écrit alors que la bataille de Verdun fait rage et censuré jusqu'à la fin de 1918, Le chemin du sacrifice raconte le destin d'une compagnie de soldats allemands pris dans la tourmente de la Première Guerre mondiale. Les rêves de paix et de fraternité sont loin lorsqu'ils sont confrontés à la terreur de l'assaut. Unruh dénonce l'absurdité d'une guerre qui fait sombrer les hommes dans la folie.

Clavel soldat / Léon Werth V. Hamy, 2005 Comme beaucoup de pacifistes en 1914, Werth s'engagea pour faire «la guerre à la guerre», et passa quinze mois dans les tranchées. Clavel soldat, publié en 1919, fit scandale: ce récit du front n'allait-il pas à contre triomphalisme et patriotisme d'Épinal? Paru également en 1919, Clavel chez les majors transmet cette vérité en chapitres courts, où un désespoir violent explose en rage, en dégoût, en mépris.

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Les croix de bois / Roland Dorgeles Albin Michel, 1996 Loin de tout idéalisme, ce roman décrit avec réalisme ce que fut la Grande Guerre, son âpreté quotidienne dans la boue et les tranchées, sa tragédie parfois misérable, parfois grandiose, le combat de tous les jours non seulement avec l'ennemi mais aussi avec la misère et la peur, le face-à-face avec la mort. Prix Femina 1919.

Orages d'acier : journal de guerre / Ernst Jünger C. Bourgois, 1981 Le témoignage d'un combattant du front en première ligne. Mais c'est surtout la découverte par Jünger de son "moi", de l'aventure d'un être très jeune confronté à la réalité atroce de la guerre. Orages d'acier (In Stahlgewittern), publié en 1920, est le premier livre d'Ernst Jünger, qui raconte après guerre son expérience de la guerre des tranchées, comme simple soldat d'abord, puis comme officier des Sturmtruppen, ancêtres de commandos.

L'initiation d'un homme : 1917 / John Dos Passos Gallimard, 1996 (Folio) Publié en 1920, premier grand roman d'un jeune américain qui considérait la guerre comme la dernière des barbaries humaines et qui s'engagea comme brancardier dans l'armée française. Après cela, ce grand écrivain de la Génération perdue publie un roman antibelliciste intitulé Three Soldiers qui lui apporte une considérable reconnaissance.

La forêt des pendus / Liviu Rebreanu Zoé, 2006 (Les classiques du monde) Lors de la Première Guerre mondiale, Apostol Bologa, jeune Roumain de Transylvanie, se retrouve soldat de l'armée austro-hongroise et participe à la pendaison d'un soldat tchèque déserteur. Envahi par le remords, il déserte et reste fasciné par la mort.

Lâlé la blanche : nouvelles / Ömer Seyfettin Turquoise, 2014 Né en 1884 en Anatolie occidentale, Omer Seyfettin voit sa vocation littéraire s'éveiller à travers la lecture des écrivains français réalistes. Entre fiction et souvenirs, les 18 nouvelles de ce recueil, écrites entre 1913 et 1920, montrent la réalité des Balkans et de l'Anatolie du début du XXe siècle, le traumatisme de la guerre et la fin de l'Empire ottoman.

Dans mon dos, l'océan des étoiles / Ludwig Meidner Éd. Allia, 2011 Textes écrits entre 1916 et 1918, alors que L. Meidner est traducteur dans un camp de prisonniers. L'écrit remplace la peinture, son matériel se réduisant à des carnets. Cette prose poétique devient le pendant de l'oeuvre dessinée, qui illustre par ailleurs l'ouvrage. Ces réflexions, souvent drôles, sont des mémoires de guerre d'un genre nouveau.

Et chaque lent crépuscule ; suivi de Á la recherche de Wilfred=[War poems] and [Selected Letters] : poèmes et lettres de guerre, 1916-1918 / Wilfred Owen Le Castor astral, 2001 (Escales du Nord) Témoignage d'époque, ces poèmes, parus en 1920, sont devenus un classique de la production anglaise, avec un art sombre et lumineux. C'est de la condition humaine dont il est question ici, de l'homme meurtri, humilié, nié jusque dans son humanité même.

Le monde sans sommeil / Stefan Zweig Payot & Rivages, 2013 Ce texte est tiré d'une série de textes, tous parus pendant la guerre dans la Neue Freie Presse, le journal le plus estimé de Vienne. Le premier, Le Monde sans sommeil, peint le désarroi d'une humanité qui ne peut plus échapper à la guerre, car, pour la première fois dans l'histoire, celle-ci concerne tous les hommes et il n'est plus de tour d'ivoire. Que faire ? sinon espérer qu'un ordre nouveau (lequel ?) sortira du chaos sanglant. C’est l’opiniâtreté de Romain Rolland dans sa lutte contre la guerre qui sauve Stefan Zweig de la dépression et fait qu’il admire de plus en plus celui qu’il considère comme son maître.

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C’est dans l’entre deux guerres, en particulier dans les années 1930, que nait réellement un mouvement international d’écrivains et de poètes qui militent pour la paix et donnent le jour à des textes de fiction ouvertement pacifistes. A côté de Romain Gary ou Jean Giono, Erich Maria Remarque, Sándor Márai, Frederic Manning, Emilio Lussu… Quelques nuances cependant pour certains romanciers qui changent de position au fil du temps, comme Anatole France ou Stefan Zweig de « Clarissa » au texte « Monde sans sommeil ». D’autres ont réécrit ou remanié leurs romans pour gommer l’exaltation patriotique ou militariste, comme Henri Barbusse ou Ernst Jünger. Enfin sont publiés des romans antimilitaristes qui n’empêcheront pas leurs auteurs de s’engager aux côtés des nazis lors de la seconde guerre mondiale : parmi eux, Louis Ferdinand Céline, Pierre Drieu La Rochelle.

Manifestes du surréalisme / André Breton Gallimard, 2005 (Folio. Essais) La Première Guerre mondiale mit en évidence le dérisoire de l'humanisme occidental. Celui-ci venait d'aboutir à une des plus grandes catastrophes de l'histoire. Ses valeurs ne résistaient plus à la réalité : il fallait les redéfinir. Il fallait redéfinir l'homme et le monde. Dada réagit violemment. Il eut pour but de détruire ; le surréalisme prit la relève. Détruire d'abord, agir ensuite, tenter de susciter une re-naissance en tenant compte des grandes révolutions intellectuelles et politiques de l'époque.

La montagne magique / Thomas Mann Librairie générale française, 1997 (Le Livre de poche) Un jeune homme, Hans Castorp, se rend de Hambourg, sa ville natale, à Davos, en Suisse, pour passer trois semaines auprès de son cousin en traitement dans un sanatorium. Pris dans l'engrenage étrange de la vie des «gens de là-haut», Hans y séjournera sept ans, jusqu'au jour où la Grande Guerre, tel un exorcisme, le précipitera sur les champs de bataille. Publiée en 1924, cette vaste parabole sur la déchéance spirituelle, l'amour et la mort, avec l'Europe d'avant la Première Guerre mondiale pour toile de fond, vaut à son auteur la renommée internationale.

Monnaie de singe / William Faulkner Flammarion, 1987 (GF) L'histoire tourne autour d'un aviateur blessé qui rentre dans son petit village de Géorgie après la Première Guerre mondiale. Il est escorté par un vétéran et la veuve d'un soldat mort dans le conflit. Gravement blessé au visage, il est quasiment sourd et aveugle. Les conflits tourneront autour de l'engagement auprès de sa fiancée particulièrement infidèle en son absence et du désir de la veuve à son égard. Publié en 1925, c’est le premier roman de l’auteur qui s’était engagé dans l'aviation canadienne durant la Première Guerre mondiale, mais sans avoir vraiment pu y participer.

Le fouet vivant / Milo Urban Fayard, 2013 L'histoire d'un village slovaque pendant la Première Guerre mondiale et les conséquences morales de la guerre sur les habitants. Un bouleversant plaidoyer contre la guerre qui s’accompagne d’une réflexion sur la nature humaine capable du pire lorsque des circonstances exceptionnelles font éclater le vernis des conventions.

A l'ouest rien de nouveau / Erich Maria Remarque Stock, 2008 A travers le témoignage d'un simple soldat allemand de la Première Guerre mondiale, une dénonciation de la monstruosité de la guerre. Paul Bäumer, le narrateur, enrôlé avec six autres réservistes, raconte la mort de ses amis un à un, jusqu'à la sienne propre. Ce roman pacifiste, réaliste et bouleversant connut, dès sa parution en 1928, un succès mondial retentissant.

Les révoltés / Sándor Márai A. Michel, 1992 (Les Grandes traductions. Domaine Europe centrale) Tandis que leurs pères sont au front, des adolescents découvrent en bande leur indépendance. Livrés à eux-mêmes, menés par les démons de leur révolte, ils inventent des jeux qui leur permettent de renverser le monde des adultes, d'échapper à l'autorité de leur famille. Écrit en 1929, roman du destin hongrois, des grands bouleversements nés de la Première Guerre mondiale, Les Révoltés mêle de façon admirablement réussie les troubles de l'adolescence et la confusion d'une époque.

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Œuvres romanesque, Poèmes de guerre et d'après guerre / Ernest Hemingway Gallimard, 2002 (Bibliothèque de la Pléiade) L'Adieu aux armes est le troisième roman d'Ernest Hemingway, publié en 1929. C'est un roman d'inspiration autobiographique, dont l'action se déroule en Italie pendant la Première Guerre mondiale. Écrit à la première personne, il relate l'histoire d'amour tragique entre Frederic Henry, ambulancier américain engagé dans la Croix-Rouge italienne, et Catherine Barkley, infirmière anglaise. Dans un style froid et laconique, Hemingway dépeint une guerre futile et destructrice, le cynisme des soldats et les déplacements de populations.

Nous étions des hommes / Frederic Manning Phébus, 2002 Un simple soldat anglais dans la Première Guerre mondiale reste un homme, refuse de commander et se fait tuer. Grand livre, salué d'abord en 1929 par T.E. Lawrence, T.S. Eliot, E. Pound, E. Hemingway...

La peur / Gabriel Chevallier Le Dilettante, 2008 Le narrateur raconte la Première Guerre mondiale telle que G. Chevallier lui-même l'a vécue, comme simple soldat, sur le front puis, blessé, à l'hôpital. Paru pour la première fois en 1930, ce roman témoigne de la terrible expérience des combattants face à la férocité et l'inutilité de cette guerre.

Le Grand troupeau / par Jean Giono Gallimard, 1999 (Folio) Écrit et réécrit à partir de 1929 et publié en 1931, ce roman constitue un des rares textes narratifs que Jean Giono a consacrés à la guerre de 14-18 à laquelle il a participé. Le récit alterne les scènes au village où les femmes et les vieux assurent les travaux agricoles dans l’affrontement à la nature vivante, et les scènes au front dans la violence des combats ponctués par les morts. Une dénonciation forte de la guerre en accord avec le pacifisme profond de Jean Giono.

Voyage au bout de la nuit / Louis-Ferdinand Céline Gallimard, 2004 (Folio plus) Ecrit à la première personne, le roman de Céline fait défiler une kyrielle de situations et de personnages sous le regard semi-naïf de Bardamu. Ses commentaires dénoncent les horreurs dont il est le témoin, voire la victime : celles de la Grande Guerre et celles des rapports sociaux. Un roman antimilitariste, lauréat du Prix Renaudot en 1932, qui n’empêchera pas son auteur de s’engager aux côtés des nazis lors de la 2e guerre mondiale, comme Pierre Drieu La Rochelle et La comédie de Charleroi (1934).

Le vin des morts / Romain Gary Gallimard, 2014 Tulipe déambule dans un souterrain gouverné par un Dieu ivre, peuplé de cadavres de maquerelles, de policiers, d'anciens combattants de la Première Guerre mondiale, de moines et d'enfants. A travers ce récit, l'auteur dépeint la misère de l'après-guerre et celle plus profonde de l'âme humaine. Ce premier roman écrit en 1933 mais inédit jusqu’en 2014, signé de son vrai nom, Romain Kacew, sera source d'inspiration pour toute son œuvre.

Le château d'Udine / Carlo Emilio Gadda Grasset, 2014 (Les cahiers rouges) Dans cet ouvrage multiple publié en 1934, l'auteur aborde l'impossibilité de se remettre du traumatisme de la Première Guerre mondiale.

Prélude à Verdun et Verdun dans Les hommes de bonne volonté. 3 / Jules Romains R. Laffont, 2003 (Bouquins) Prévue, redoutée, honnie, la guerre s'installe en Europe et ravage bientôt le monde. L'«usine d'usure», le «mur» de fer et de feu se dressent entre les pays du Vieux Continent. Jerphanion, Clanricard, pour ne parler que d'eux, subiront de plein fouet cet «impensable événement» et en porteront des traces toute leur vie. Placés ainsi au sommet de l'œuvre, Prélude à Verdun et Verdun permettent à Jules Romains en 1938 de dresser un réquisitoire sans appel contre la «mauvaise volonté»...

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Les hommes contre / Emilio Lussu Denoël, 2005 Né en Sardaigne en 1890, Lussu témoigne de la guerre qu’il a vécue, en 1916-1917 sur le front entre l'Italie et l'Empire austro-hongrois. Les Alpes du Trentin y forment le décor d'un théâtre absurde et cruel. A travers une série d'instantanés du front vu par un narrateur sceptique et impuissant, défile un cortège d'officiers et de soldats qui se débattent dans les mâchoires d'acier de la Grande Guerre. Une fresque humaniste et pacifiste publiée en 1938, alors que l’auteur s’est engagé contre le fascisme.

Johnny s'en va-t-en guerre : roman / Dalton Trumbo Actes Sud : Leméac, 2003 (Babel) Chef-d’œuvre de la littérature antimilitariste, ce roman a pour héros un soldat américain de la guerre de 1914-1918 atrocement mutilé par une explosion. Devenu ce mort vivant dont l'âme s'agrippe à un corps qui n'est plus, il incarne, avec une puissance narrative stupéfiante, l'horreur vécue de toute guerre. Publié en 1939 , toujours d'actualité, il constitue sans doute la plus violente, la plus crue des dénonciations de la guerre.

Pour aller plus loin

14-18 : reportages de guerre : des témoignages inattendus par de grands noms de la littérature /choix de textes provenant d'une anthologie réalisée par Alain Quella-Villéger et Timur Muhiddin Pocket, 2014 Pages d'Albert Londres, Edith Wharton, Pierre Loti ou Arthur Conan Doyle évoquant la guerre, l'inhumain, l'horreur, l'indicible, mais aussi l'arrière, le danger, le patriotisme, tentant parfois de discerner le vrai du faux ou de contourner la censure...

Nouvelles de la Grande Guerre : nouvelles européennes / Robert Walser, Henri Barbusse, Richard Weiner… Zoé, 2014 Les nouvelles de ce recueil ont toutes été écrites pendant ou peu de temps après la Première Guerre mondiale, et témoignent de la vision du conflit aux quatre coins de l'Europe.

La Grande guerre des écrivains : d'Apollinaire à Zweig / textes choisis, présentés et annotés par Antoine Compagnon Gallimard, 2014 Anthologie de textes de différents genres, ayant pour thème la Première Guerre mondiale. Le recueil est découpé en cinq parties : l'été 1914, le front, la zone des armées (infirmières, prisonniers, déserteurs, etc.), la vie à l'arrière, la mémoire et l'oubli de l'après-guerre.

Le dégoût de la guerre de 1914 / textes choisis et présentés par Gilles Heuré Mercure de France, 2014 (Le Goût des villes) A l'occasion du centenaire de la guerre de 1914-1918, cet ouvrage rassemble les témoignages d'écrivains qui l'ont vécue. Textes de Blaise Cendrars, Maurice Genevoix, Léon Werth, Georges Duhamel, Roland Dorgelès, Henri Barbusse, Jean Giono, Marcel Proust, Pierre Mac Orlan, Louis-Ferdinand Céline, Romain Rolland...

En pleine figure : haïkus de la guerre de 14-18 / anthologie établie et présentée par Dominique Chipot B. Doucey, 2013 (Tissages) Une anthologie de courts poèmes écrits selon l'art japonais du haïku, durant la Première Guerre mondiale par de jeunes soldats. A l'époque, ils furent publiés dans des revues ou plaquettes tirées à quelques dizaines d'exemplaires. Toute l'horreur et la fulgurance de la guerre apparaissent dans ces fragments poétiques. Département Langues et Littératures (2e étage)

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Après la Deuxième Guerre mondiale, quelques parutions encore, mais c’en est fini de la littérature de guerre, et il n’est plus question du tout de propagande. Il faut surtout attendre la fin du millénaire, dans les années 1980/1990 - époque où les petits-enfants des soldats de la Grande Guerre arrivent à maturité - pour que les romanciers français notamment, optant pour différents genres littéraires, s’intéressent à nouveau à 14-18, par devoir de mémoire et questionnement sur l’héritage et les traces laissées par la grande guerre ; c’est aussi la fin des derniers poilus encore vivants… et l’apparition de quelques bons succès littéraires sur le sujet, comme Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre. Le roman policier se prête plutôt bien aux mises en scène où se croisent les analyses intime, politique et historique.

Mais ce qui caractérise peut-être le mieux l’approche contemporaine de ce conflit, ce sont les regards d’aujourd’hui croisés avec nos guerres contemporaines qui font écho à 14-18. Et dans les traductions dont nous disposons en français, de nombreux romanciers européens évoquent le premier conflit mondial mais en l’insérant dans la longue fresque des conflits qui ont jalonné le 20ème siècle plutôt que d’en faire le seul cadre du roman.

1946 : Blaise CENDRARS « La main coupée » 1954 : William FAULKNER « Parabole » 1977 : Timothy FINDLEY (Canada) « Guerres » 1979 : Jim HARRISON (USA) « Légendes d’automne » 1982 : Jean AMILA « Le boucher des Hurlus » (RP) 1984 : Didier DAENINCKX « Le der des ders » (RP) 1989 : Claude SIMON « L’Acacia » 1990 : Jean ROUAUD « Les champs d’honneur » 1991 : Sébastien JAPRISOT « Un long dimanche de fiançailles », Dobritsa TCHOSSITCH (Serbie) « Le Temps de la mort » 1995 : Pierre BERGOUGNIOUX « Miette », Necati CUMALI (Turquie) « Le dernier seigneur des Balkans » 1997 : Sebastian FAULKS (G.B) « Les chemins de feu » 1998 : Marc DUGAIN « La chambre des officiers » 1999 : Antonio SKARMETA (Chili) « La noce du poète », Mario RIGONI STERN (Italie) « Les saisons de Giacomo » 2000 : Xavier HANOTTE (Belgique) « Derrière la colline » 2001 : Laurent GAUDE « Cris », Xavier DEUTSCH (Belgique) « Samuel est revenu » 2003 : Alice FERNEY « Dans la guerre », William BOYD (GB)« Comme neige au soleil » 2004 : Gisèle BIENNE « Paysages de l’insomnie » , Anne PERRY « Le temps des armes », série « Joseph et Matthew Reavley », Frédéric CATHALA « Le théorème du roitelet », Isabelle CONDOU (Belgique)« Il était disparu », Henri-Frédéric BLANC « La mécanique des anges », Claude DUNETON « Le monument », Yves POURCHER « Le rêveur d’étoiles », Pierre MIQUEL « La poudrière d’Orient » 2005-2014 : Thierry BOURCY « Les enquêtes de Célestin Louise » (RP) 2006 : Joseph BOYDEN (Canada) « Le chemin des âmes » 2007 : François SUREAU « L'obéissance » 2008 : Gisèle BIENNE « La ferme de navarin », Doris LESSING (GB) « Alfred et Emily » 2009 : Jean VAUTRIN « Quatre soldats français T4 : La grande zigouille » 2010 : Soazig AARON « La sentinelle tranquille sous la lune », Guillaume PREVOST « La valse des gueules cassées » (RP), Patrick PECHEROT « Tranchecaille » (RP) 2011 : Lilyane BEAUQUEL « Avant le silence des forêts » 2012: Jean ECHENOZ “14”, Eric VUILLARD, « La bataille d'Occident », William BOYD (GB) « L’attente de l’aube », Daniel STILINOVIC « On sera rentrés pour les vendanges », Jean ANGLADE « Le choix d’Auguste » 2013: Pierre LEMAITRE “Au revoir là-haut” (Prix Goncourt), Raphaël CONFIANT « Le bataillon créole », Jean-Marie DALLET « Des morts et des vivants », Linda NEWBERY (GB) « Graveney Hall », Tim GAUTREAUX (Belgique) « Le dernier arbre » (l’après 14-18), Jean-Christophe RUFIN « Le collier rouge » 2014: Denis BRETIN « Le mort-homme » (RP), Didier DESBRUGENES « Limon »