12
Depuis le texte fondateur de Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, paru en 1967 et traduit en français en 1978, l’analyse de la réception des œuvres et plus encore de « l’horizon d’attente » qui les détermine s’est imposée chez les spécialistes de l’histoire littéraire avant de s’étendre aux autres disciplines. Dans cette perspective, philosophes, sociologues, historiens, spécialistes de lit- térature, de communication mais aussi acteurs de la réception et de la créa- tion s’interrogent au fil de l’ouvrage sur la réception des « objets médiatiques », c’est-à-dire l’ensemble des productions culturelles et/ou artistiques aux XIX e et XX e siècles, période qui se caractérise par l’essor des cultures médiatiques. L’histoire proposée ici est donc celle des écrits, des images ou des sons mis en forme par les médias les plus divers : roman et presse, spectacle vivant, cinéma et télévision, internet. Organisé en trois grands moments : « Les discours de la réception », « Usages et appropriations » et « La spirale production/réception », ce livre présente un grand nombre d’études de cas – du compte rendu académique des livres d’histoire aux réseaux de lectrices de littérature sentimentale, de la réception des paysages peints par Otto Dix aux interprétations journalis- tiques de la téléréalité – tout en offrant un bilan historiographique et des approches théoriques renouvelées. LIRE, VOIR, ENTENDRE La réception des objets médiatiques SOUS LA DIRECTION DE PASCALE GOETSCHEL, FRANÇOIS JOST ET MYRIAM TSIKOUNAS Publications de la Sorbonne 212, rue Saint-Jacques, 75005 Paris Tél. : 01 43 25 80 15 – Fax : 01 43 54 03 24 VIENT DE PARAÎTRE Prix : 35 ISBN 978-2-85944-648-2 ISSN à venir

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  • Depuis le texte fondateur de Hans Robert Jauss, Pour une esthtique de la rception, paru en 1967 et traduit en franais en 1978, lanalyse de la rception des uvres et plus encore de lhorizon dattente qui les dtermine sest impose chez les spcialistes de lhistoire littraire avant de stendre aux autres disciplines.Dans cette perspective, philosophes, sociologues, historiens, spcialistes de lit-trature, de communication mais aussi acteurs de la rception et de la cra-tion sinterrogent au fil de louvrage sur la rception des objets mdiatiques , cest--dire lensemble des productions culturelles et/ou artistiques aux xixe et xxe sicles, priode qui se caractrise par

    lessor des cultures mdiatiques.Lhistoire propose ici est donc celle des crits, des images ou des sons mis en forme par les mdias les plus divers : roman et presse, spectacle vivant, cinma et tlvision, internet.Organis en trois grands moments : Les discours de la rception , Usages et appropriations et La spirale production/rception , ce livre prsente un grand nombre dtudes de cas du compte rendu acadmique des livres dhistoire aux rseaux de lectrices de littrature sentimentale, de la rception des paysages peints par Otto Dix aux interprtations journalis-tiques de la tlralit tout en offrant un bilan historiographique et des approches thoriques renouveles.

    lire, voir, entendre La rception des objets mdiatiques

    sous la direction de pascale goetschel, franois jost et myriam tsikounas

    Publications de la Sorbonne212, rue Saint-Jacques, 75005 ParisTl. : 01 43 25 80 15 Fax : 01 43 54 03 24

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    Prix : 35 ISBN 978-2-85944-648-2 ISSN venirFrais denvoi par ouvrage : 6 et 1,5 par ouvrage supplmentaireNombre dexemplaires commands :

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    lire, voir, entendre La rception des objets mdiatiques

    sous la direction de pascale goetschel, franois jost et myriam tsikounas

  • TABLe DeS MATIreS

    AVANT-PrOPOS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

    PrSeNTATION

    Lattention qui se concentre et se disperse . La question de la rception en sciences sociales : enjeux et perspectives, par Quentin Deluermoz . . . . . . . . . 9

    PreMIre PArTIe : LeS DISCOUrS De LA rCePTION

    Prsentation par Alain Corbin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

    La question des normes, entre paradigme des effets et celui des images, par Laurent Martin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19Les lieux communs de la rception, par Jrgen E. Mller . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31Limage grinante : lirruption des caricatures de la mdecine lgale la Belle poque, par Frdric Chauvaud . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41La rception de la pice tlvise de John Osborne : A patriot for me,par velyne Cohen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55loge de la rception (comme pour en prendre cong), par Esteban Buch . . . . . 63

    atelier 1 : images, migration, rutilisations

    Prsentation par Michle Lagny . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71

    Dplacements dimages et de sons, par Valeria Camporesi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75

    Comment couter la musique de lautre ? La rception de la musique populaire brsilienne en France au xxe sicle, par Anas Flchet . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79

    La publicit, une histoire dappropriation, par Chantal Duchet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87

    Pour une potique du pass. Les reconstructions entre nostalgie et dsir dhistoire (1957-2002), par Maryline Crivello . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

    atelier 2 : le rle des mdiateurs

    Prsentation par Judith Lyon-Caen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103

    Rception acadmique. Du compte rendu dans la maison Histoire, par Christophe Granger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105

    Entre la presse et les lecteurs. Les marchands de journaux en France (annes 1870-annes 1920), par Benot Lenoble . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114

  • 399Table des matires.

    Tabl

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    s m

    ati

    res

    Du mdiateur aux super-mdiateurs, par Patrick Eveno . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119

    Le mdiateur la tlvision, par Genevive Guicheney . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128

    atelier 3 : les diffrenciations sociales de la rception

    Prsentation par Sylvain Venayre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133

    Les hros de la colonisation et la rception de lempire en Grande-Bretagne et en France (1870-1914), par Edward Berenson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136

    Enjeux et logique dinterprtation des films hollywoodiens par les professionnels du cinma franais au sortir du premier conflit mondial, par Priska Morrisey . . . . . . 143

    Les paysages dOtto Dix lpoque du Troisime Reich : jalons dune rception, par Catherine Wermester . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148

    Moscou ne croit pas aux larmes : le parcours international dun film sovitique culte, par Katsyarina Zakharava . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157

    DeUxIMe PArTIe : USAGeS eT APPrOPrIATIONS

    Prsentation par Annie Duprat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165

    La marque historique des images ou les poques dun film, par Sylvie Lindeperg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169 La photo est interminable , par Arlette Farge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181Lexpertise du spectateur. Lanalyse sociologique de la rception cinmatographique, par Jean-Marc Leveratto . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185Comment aborder le problme de la rception ? Lexemple de la guerre civile espagnole, par Pierre Sorlin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197Entre appropriation, interprtation et jugement : la rception de lcrit et ses mdiations, par Gisle Sapiro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209

    atelier 4 : les professionnels de la rception

    Prsentation par Antoine de Baecque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217

    La double rception des reprsentations thtrales : Le retour de Jrusalem de Maurice Donnay (1903) et Coriolan mis en scne par mile Fabre (1933), par Chantal Meyer-Plantureux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221

    Mirbeau, Rodin et laffaire Dreyfus au Jardin des supplices, par Bertrand Tillier . . . . . . 227

    une critique non professionnelle : Roger Leenhardt, par Nol Herpe . . . . . . . . . . . . . 235

    Aux origines de la critique rock en France dans les annes 1960 : lexemple de Disco Revue, par Florence Tamagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 242

    atelier 5 : la spirale production/rception

    Prsentation par Judith Lyon-Caen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251

    Image du public, image de la rception, par Muriel Mille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 256

    La rception peut-elle faire autorit ? Le contrle des publicits choquantes la tlvision franaise (1968-2005), par Sylvain Parasie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 262

  • Lire, voir, entendre400

    La tlralit face au public autoris : Loft Story lpreuve des interprtes de la sphre journalistique, par lodie Kredens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 267

    atelier 6 : musique et sonPrsentation par Emmanuel Pedler . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273La rception du son filmique en Italie au dbut des annes 1930, par Paola Valentini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277Le scopitone Be bop a lula, par les Chaussettes Noires (juillet 1961), par Audrey Orillard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 283De lusage de la musique lcran, par Michal Cousteau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 290La tension sonore des messages de la Scurit routire, ou comment (viter de) mettre en images laccident de la route, par Camille Picard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 296La rception parisienne des genres musico-chorgraphique des Amriques lheure des industries culturelles (1910-1940), par Sophie Jacotot . . . . . . . . . . . . . . 301La chute de la maison Trbor : lAlcazar de Marseille, 1949-1965, par Emmanuel Pedler . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 309Rythmes et mdialit, par Jean-Claude Schmitt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 316

    TrOISIMe PArTIe : LA SPIrALe PrODUCTION-rCePTIONPrsentation par Pascale Goetschel et Myriam Tsikounas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 333

    Lacte interprtatif dans la spirale du sens, par Jean-Pierre Esquenazi . . . . . . . 337Comment un programme touche-t-il son spectateur ?, par Franois Jost . . . . . . 347La rception cinmatographique en Suisse pendant la Seconde Guerre

    mondiale, par Gianni Haver . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 359Maman, Caroline, Mathilde, tatie et les autres ou les lectrices en rseau,

    par Bruno Pquignot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 371

    BIBLIOGrAPHIe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 381

    LeS AUTeUrS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 387

    Achev dimprimer par

    N dimprimeur : 23280 - Dpt lgal : mai 2010 - Imprim en France

    EMD S.A.S.

  • avant-propos

    Cet ouvrage est issu du colloque La rception des objets mdiatiques, xixe-xxe sicles. Cest la conviction quil fallait dpasser la difficult connatre la rception, butoir de la pense pour les uns, point aveugle de la communication mdia-tique pour les autres, qui a t le moteur de cette entreprise intellectuelle.

    lheure o foisonnent les recherches et les rflexions sur cette vaste notion, il a sembl pertinent de la scruter sous de multiples angles, dinterroger les tra-vaux existants et dassumer le risque demprunter des pistes nouvelles.

    Lensemble repose sur une srie dexigences : volont de dpasser la simple opposition entre logiques de production et de rception, ncessit dtablir des liens entre objets mdiatiques, priorit accorde aux supports et aux contextes de rception.

    Par objets mdiatiques, nous entendons les productions des mdias contem-porains et les objets mdiatiss par un medium (crit, image, son) ou transmis par un mdiateur.

    Sans prtendre une impossible synthse, nous nous sommes attachs croiser les regards manant de plusieurs sciences humaines et sociales lit-trature, histoire de lart, sciences de linformation et de la communication, sociologie, anthropologie, histoire Le parti pris de ce livre est donc rsolu-ment pluridisciplinaire.

  • prsentation

    QUeNTIN DeLUerMOz

    historien, spcialiste de lhistoire sociale et culturelle des ordres publics

    Lattention qui se concentre et se disperse .La question de la rception en sciences sociales :enjeux et perspectives

    Dans une chaise longue, sur la terrasse dun chalet, au fond de la valle, une jeune femme est l, qui lit. Tous les jours, avant de me mettre au travail, je reste un peu de temps la regarder la longue-vue. Dans cet air transparent lger, il me semble cueillir sur sa forme immobile les signes de ce mouvement invisible quest la lecture, le parcours du regard, le rythme de la respiration et plus encore le glissement des mots travers sa personne, leurs flux et leur blocage, les lans, les retards, les pauses, lattention qui se concentre ou se disperse, les retours en arrire, ce parcours qui semble uniforme et qui est en ralit toujours changeant, toujours accident. [] Tout ce que je fais a pour fin quoi ? Ltat dme de cette femme tendue sur une chaise longue [], et cet tat dme mest refus.

    Italo Calvino, Si par une nuit dhiver un voyageur, Paris, Seuil, 1981.

    Ainsi Italo Calvino pointe les angoisses de lcrivain face au mystre de la lecture dans son clbre roman. Le rcit met auparavant en scne les multiples filtres qui orientent un texte et sa lecture. Mais au-del du poids des contraintes ditoriales, ou plus exactement, en mme temps quelles, et en mme temps que les effets de la censure, de la critique, de la technique ou des conditions matrielles de lecture, il reste langle mort, insaisissable, la fois li et loign, de ce qui se joue dans la lecture individuelle.

    Le roman tiroirs dItalo Calvino retrouve un questionnement littraire ancien et rpond sa volont dexprimenter les pouvoirs de la littrature. Mais la mise nu des dispositifs luvre dans la cration, la ralisation, lac-cessibilit, le jugement et la perception accompagne, sa parution en 1979, une inflexion plus gnrale des sciences sociales dans son analyse de la pro-duction culturelle, entendue au sens large. Longtemps axe sur une approche

  • Lire, voir, entendre10

    internaliste des uvres, puis sur les processus de production, la recherche sest en effet de plus en plus concentre, partir des annes 1960, sur le phnomne des rceptions et des usages. La traduction des textes de Hans Robert Jauss, laffirmation des sciences de la communication et de linformation, les dvelop-pements dune sociologie et dune histoire culturelle axes sur la construction des publics ou sur les usages sociaux de la littrature, sont autant de moments non coordonns de cet intrt nouveau. Lapproche, rendue plus dynamique et interactive, a rouvert les interrogations, mais les a rendues galement plus complexes. Les questions de la cration, des genres, de luvre, de ses horizons dattente, de ses publics, de ses usages ou de ses significations ont ainsi t fortement renouveles ces trente dernires annes : les travaux ont produit un ensemble qui parat tout la fois ancien et nouveau, cohrent et divers, multi-forme et marqu dabsences.

    Lambition de ce livre, issu dun colloque tenu en janvier 2008, est de proposer un bilan de ces foisonnantes entreprises et de complter des pistes qui avaient t, semblait-il, plus ngliges. La rencontre fut dautant plus utile quelle se droulait dans un contexte social de fort questionnement sur les mdias . La mutation des systmes technologiques dinformation ou la modification du rapport limage entrane bien des incertitudes. Les anciennes interrogations sur les dangers des nouvelles formes de communication (films, jeux vido) sont renouveles, avec leur corollaire : lide dune perte culturelle induite par le retrait des prcdentes formes. cela peuvent sajouter des inquitudes quant aux menaces que laccroissement des systmes mdiatiques fait peser sur la dmocratie, alors que cette dernire, dans sa forme moderne, est lie lmergence dune opinion publique , trs tt ambivalente Lide nest bien sr pas ici de dlivrer des recettes ou des vrits . Cette rflexion collective se veut plutt exprimentale.

    Pour cela, il a fallu circonscrire le champ daction, sans fausser lana-lyse a priori. Par objet mdiatique , concept volontairement ample, nous avons entendu lensemble des productions culturelles et/ou artistiques qui se d roulent en rgime mdiatique, ce dernier mergeant, lentement, au dbut du xixe sicle. Il se caractrise par lamlioration des techniques de ralisation, laugmentation des productions et la diffusion auprs de nouveaux publics ; il induit des postures sociales novatrices, dautres manires de crer, dautres attentes et il accompagne le dveloppement de lindustrie, de lalphabtisation ainsi que llaboration de rapports indits au savoir, lart, au corps, lautre et soi. Bien sr, il existe des rceptions en dehors du rgime mdiatique, ce dernier nest pas uniforme au cours du temps et il connat dincessants dpla-cements et transformations, parfois contradictoires. La notion avait nanmoins le mrite de fournir un cadre dtude cohrent pour la rception aux xixe et xxe sicles, et pour aborder un ensemble trs vaste dobjets.

  • 11Prsentation

    Le deuxime choix fut dinsister sur la grande diversit des supports et des productions. Les analyses abordent la production scientifique, la littrature, les journaux, le cinma, la photographie, la tlvision, les sites Internet, la publi-cit, et, ce qui est plus rare dans ce type de recherche, la musique. Les contri-butions rappellent lclectisme de chacun des domaines et les partages plus ou moins construits qui les organisent. Surtout, elles se montrent sensibles la cir-culation des rfrents, dun type de mdia un autre, dun type de public un autre, autorisant une interrogation sur la singularit des mdias, sur la nature de ce qui circule comme sur la signification des adaptations et de leurs effets.

    Ainsi dlimite, la pluralit des disciplines convoques tait ncessaire pour apprhender la complexit des enjeux. Philosophes, sociologues, historiens, spcialistes de littrature, de communication, mais aussi acteurs de la rception ou de la cration se succdent donc, avec leurs outils, leurs lectures, leur propre croisement disciplinaire. Dune telle rencontre, des hiatus, des apories appa-raissent, qui doivent inviter chacun prolonger les questionnements. Lune des bonnes surprises du colloque a t la mise au jour des points de convergences et de diffrences constructives dune lecture une autre.

    Enfin, la diversit des ensembles rgionaux abords, quil sagisse du lieu dorigine des intervenants ou des espaces traits (Europe, Amrique latine, tats-Unis) tait un aspect important. Bien des rgions manquent mais il a t possible de montrer limportance des chelles danalyse, de tester la per-tinence du cadre national et de suivre les circulations, en restituant les justes connexions entre les cercles de rception.

    Ainsi dlimites, les analyses ont t organises plus spcifiquement en trois grandes parties. La premire sintresse aux discours de la rception, quils soient scientifiques ou ordinaires. Lide est de faire le point sur les grandes propositions thoriques qui sous-tendent les manires de faire et dhistoriciser les discours les plus partags sur la rception. Il sagit notamment, en guise de prliminaire, de mettre distance nos propres outils danalyse et modes dap-prhension pour affiner la capacit critique du phnomne de la rception.

    La deuxime se place du ct de ceux qui reoivent , en sintressant la difficile question des usages et des appropriations. Ltude des usages per-met de rappeler la variation des rceptions en fonction des groupes sociaux (quils soient dfinis par lge, le sexe, le milieu social ou le pays), mais aussi de dgager, en suivant le fil des rceptions, de nouvelles dcoupes transversales. Cet examen invite galement sinterroger sur le degr dintriorisation ou de mobilisation conscientes, et sur les sources qui permettent de lapprocher. Enfin, il rend ncessaire une interrogation sur les effets de ces usages et leurs significations, entre transformations globales, constructions sociales et rinven-tions en situation.

    La dernire partie propose de revenir, partir de cette perspective, sur la spirale production/rception, saisie dans sa dynamique. Les diffrents termes

  • Lire, voir, entendre12

    de la spirale et leurs intermdiaires apparaissent pris dans des interrelations mouvantes, ncessitant des analyses plus rticulaires. Lun des intrts de la dernire partie du livre tient sans doute aux tentatives de thorisation de cette complexit.

    Ces trois parties ont t compltes par plusieurs ateliers : images, migra-tions, rutilisations ; rle des mdiateurs ; diffrenciations sociales de la rcep-tion ; professionnels de la rception ; spirale production/rception ; musique et son. Ces travaux ont nourri, enrichi les pistes initiales. Certes, des absences, invitables, demeurent. Parmi elles, la perspective anthropologique, souvent mentionne, reste discrte, et lanalyse des scandales est absente. Il ntait vi-demment pas possible de tout aborder, mais il sagissait plutt de pointer des nuds de convergences, de proposer des pistes et de prciser le questionnaire.

    Au final, quatre interrogations transversales se dgagent de ces analyses et marquent louvrage.

    La premire concerne les conditions sociales et culturelles de la rception. Il faudrait ajouter politique , tant on connat le poids des tats en ce domaine, par le biais de la censure ou des lgislations. Mais la rception est galement conditionne par les volutions des systmes mdiatiques, cest--dire des mdias existants, de leur degr de technicit, de la forme culturelle quils sous-tendent et des groupes quils peuvent concerner. Bien sr, les rapports de force, en leur sein, jouent un rle dcisif. Le poids des imaginaires sociaux est ga-lement essentiel, que lon considre les adaptations faites a priori comme les redfinitions, individuelles ou collectives, qui soprent en situation. Enfin, les mutations des systmes dapprhension (rapport lcrit, hirarchie des sensi-bilits, rle de lmotion, statut de la pudeur) savrent dterminantes dans les processus de rception. Tous ces cadres sont lis et connaissent des dclinaisons multiples. Mais ils dessinent un arrire-plan structurant, et souvent nglig, parce que trop ample pour le regard port sur une uvre ou un mdia prcis.

    Un autre questionnement porte sur les modes de classement en vigueur dans les socits considres. La dfinition du public , des genres , de l auteur sont autant de catgories construites quil convient de saisir. Elles orientent la dfinition du produit, son public, son statut et sa lecture, sa vision ou son audition. Elles ne sont pas univoques, et les dplacements de lune lautre au cours du temps, pour un livre ou un film, sont galement nombreux. En fait, la question nest pas de savoir si elles sont ou non lgitimes, mais de voir quelles constituent des rfrences, des balises de sens et des enjeux de pouvoir qui sont le fruit de ngociations souvent pres. En ce sens, elles participent aussi de manire dcisive au rpertoire des rceptions dune poque.

    Ds lors, la troisime interrogation, ancienne mais toujours dactualit, porte sur le contenu des objets mdiatiques , artistiques ou non, qui sont ainsi crs, produits, dfinis et lus. Sils ne sont que cela, que leur reste-t-il en effet

  • 13Prsentation

    de singulier ? Si le texte, limage ou le film ne sont que le fruit des logiques de production et de loutillage mental du temps, sils ne sont que le support mou dune infinit dinterprtations, quoi servent-ils ? Toutes les productions ne risquent-elles pas alors de se valoir ? moins quelles ne proposent un espace des possibles, lesquels sarticulent avec plus ou moins de succs au reste, et dont la qualit dpend, par exemple, de sa plus ou moins grande performativit. L encore, la rflexion est poursuivre.

    Reste enfin le problme tout aussi dlicat des publics et de ce qui passe dans la rception. Dabord, quest-ce que le public ? Qui est concern par la rception, comment, selon quelle cohrence ? Quelle est la part de rfrence partage ou du degr dintriorisation, au plan collectif, mais galement indi-viduel ? Entre chelle macro et microscopique, jeu et intriorit, appropriation et usage, ce dernier niveau reste un angle mort et un lieu de problme. lissue de la rflexion, la question souleve en 1979 par Italo Calvino demeure, et cest heureux : l se niche un lien tnu entre contraintes, libert et crativit. Cet ouvrage prsente ainsi au lecteur un tat du questionnement des sciences sociales sur cet objet dont ltude continue dtre un enjeu majeur.