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Cathy Gauthier « JE VIENS D’ABITIBI ET JE SUIS FIERE DE MON ACCENT » Originaire de Rouyn-Noranda, l’humoriste Cathy Gauthier a grandi dans un univers peu banal, marqué par les réunions familiales éclatées du dimanche, où un certain Bidou racontait des drôleries qui résonnaient jusque dans l’autobus scolaire. Elle nous raconte son passé entourée de ses nombreux frères et sœurs, nous parle de l’arrivée de son ancêtre en Abitibi et nous convie à la soirée-bénéfice d’un organisme qui lui tient à cœur, la Maison Oxygène. PAR Marie-Anne Alepin PHOTO: ERIC MYRE Cathy Gauthier sur le plateau de tournage de la capsule Le Québec, une histoire de famille

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Cathy Gauthier «Je viens

d’Abitibi et Je suis fiere de

mon Accent»Originaire de Rouyn-Noranda, l’humoriste

Cathy Gauthier a grandi dans un univers peu banal, marqué par les réunions familiales

éclatées du dimanche, où un certain Bidou racontait des drôleries qui résonnaient

jusque dans l’autobus scolaire. Elle nous raconte son passé entourée de ses nombreux

frères et sœurs, nous parle de l’arrivée de son ancêtre en Abitibi et nous convie

à la soirée-bénéfice d’un organisme qui lui tient à cœur, la Maison Oxygène.

Par Marie-anne alepin

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Cathy Gauthier sur le plateau de tournage de la capsuleLe Québec, une histoire de famille

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cathy, connaissiez-vous vos origines familiales avant le tournage de la capsule?Je connaissais un peu mes ancêtres parce qu’un fan m’a déjà fait mon arbre généalogique. J’ai été étonnée de constater qu’il y avait beaucoup de Louis Gauthier dans ma famille. Nous som-mes une grande famille, et il y a plusieurs cou-sins que je ne connais pas et que j’aimerais rencontrer.est-ce qu’il y a un trait caractéristique commun à tous les Gauthier de ta famille?Nous sommes différents les uns des autres, mais nous avons tous été élevés de la même façon, et notre point commun, c’est la généro-sité. Je pense que cette valeur est dans nos gènes. Nous sommes toujours prêts à aider les autres pas seulement financièrement, mais aussi en donnant de notre temps. Tout comme le reste de ma famille, j’aime recevoir et j’ai toujours quelque chose dans le frigo pour les invités imprévus. Nous sommes aussi

orgueilleux et susceptibles… C’est parce que nous sommes fiers. Nous avons réalisé bien des choses à partir du fameux défi «t’es pas game»! Aussi, je veux toujours avoir le dernier mot et je veux toujours avoir raison: une vraie «boss des bécosses». (rires)Êtes-vous nombreux dans votre famille?Chez nous, c’est un peu complexe. Je suis une Gauthier par ma mère et je ne connais pas mon père biologique. Génétiquement parlant, je suis enfant unique, mais j’ai été élevée chez mes grands-parents, qui sont devenus mes parents, avec mes oncles et mes tantes, qui ont été mes frères et mes sœurs. Nous sommes 10. Y a-t-il un métier qui les rassemble? Tous sont pas mal dans les chiffres; je suis la seule dans le milieu artistique. Ce sont des gens cartésiens qui font du travail de bureau: l’une est comptable, l’autre arpenteur, l’autre fonc-tionnaire, une autre a une garderie à la maison. Ma mère est cuisinière dans un presbytère: c’est elle qui fait la cuisine pour l’évêque de Rouyn-Noranda. Quand tu étais petite, as-tu connu la tradition de faire la fête autour d’un conteur?Oui. Bidou, mon beau-frère, était notre conteur et la vedette de la famille. Le dimanche, au souper de famille — que nous ne pouvions pas manquer —, il était en représentation à la table. Il était le seul à parler et à conter des blagues. Ç’a été mon initiation à l’humour, c’est lui qui m’a donné le goût d’en faire. Nous avions tou-jours hâte que Michel, de son vrai nom, arrive. Nous savions que le party allait lever et que nous allions avoir du fun. Dans mon premier spectacle, 100 % vache folle, je fais des gags qu’il racontait quand j’avais sept ou huit ans. Déjà, à cet âge, je les répétais dans l’autobus scolaire. À la récréation, je ne jouais pas au ballon-chasseur. Je trouvais ça trop bébé; je préférais me promener avec les éducatrices et je leur racontais les blagues de Bidou. Dans ma tête, j’étais une adulte. tu as grandi à rouyn-noranda. ta famille est établie là depuis longtemps?Les Gauthier sont en Abitibi depuis sa fonda-tion. Mon arrière-arrière-grand-père a été un des premiers colons à s’y établir. Sa terre a été transmise à ses descendants jusqu’à la généra-tion de mon grand-père. Les enfants n’y étaient pas intéressés, alors il l’a vendue. Dans les années 50-60, c’était le boom town, et tout le monde voulait travailler à la mine parce que c’était vraiment plus payant pour un Canadien français. C’était quelque chose de nouveau, donc les gens préféraient la mine à la terre.

Conrad Gauthier 1885-1964folkloriste, chAnteur, comédien Éditeur, imprimeur, journaliste, caricaturiste, comptable, fonctionnaire municipal, directeur de cinéma muet… mieux connu au Canada et aux États-Unis comme comédien et chanteur. Pionnier de la radio dès les années 20, il a enregistré plus de 100 chansons et monologues. Son plus grand succès demeure Les veillées du bon vieux temps, qu’il a animées avec Marius Barbeau au Monument-National de 1921 à 1941.

Chaque fois que je passe devant la terre fami-liale et la maison, qui existe toujours, j’ai un petit pincement au cœur. Adolescente, j’allais garder chez les gens qui l’avaient achetée. Quand j’y entrais, j’avais l’impression d’être chez moi, même si je n’y avais jamais mis les pieds. dans quelle ville se trouve cette maison?À Arntfield, qui était le patronyme du premier habitant. C’était un village très prospère dans les années 60: il y avait un bar populaire, où Michèle Richard était venue au début de sa carrière, une épicerie, un restaurant... Il y avait tout. Aujourd’hui, il n’y a plus rien, même pas un dépanneur. Tout était bâti autour de la mine, qui a fermé. L’endroit est devenu un village fantôme. Mais, il y a deux ou trois ans, la mine a rouvert, et le village commence à renaître.comment avez-vous commencé votre carrière?J’ai déménagé à Val-d’Or à l’âge de 19 ans. Je travaillais comme barmaid dans un bar, où le groupe La Chicane se produisait. Puis des humoristes sont venus, le premier étant Stéphane Fallu. Quand je l’ai vu, je me suis dit que je pouvais faire ça, que c’était ça que je voulais faire. Donc, j’ai commencé à donner des spectacles dans les bars.Avez-vous une histoire de famille à nous raconter?

Nous habitions dans une maison où personne n’avait sa propre chambre, à part mes parents. Notre chambre était un grand dortoir, et le premier qui allait se coucher s’installait où il voulait. Nous n’avions pas de lit assigné, nous nous couchions où il y avait de la place. Mon arrière-grand-mère a vécu avec nous même en phase terminale car, dans le temps, on gardait les personnes âgées à la maison. Il y avait tou-jours de l’action chez nous, la porte n’était jamais barrée; de toute façon, elle ne se barrait pas. C’était toujours la fête! J’ai vécu comme dans un carnaval. Il y avait de la visite sans arrêt et même des gens que nous ne connaissions pas. Tout le monde parlait fort, la télé et la radio étaient allumées en même temps, en plus du chien qui jappait, du chat coincé dans la porte moustiquaire qui ne se barrait pas… (rires) Ce n’était jamais ennuyant. Quand nous revenions de l’école, ma mère nous attendait avec des sandwichs en forme de cœur. Nous étions pauvres, mais nous ne manquions jamais de rien, surtout pas d’amour. vous participerez bientôt à une grande soirée-bénéfice pour la maison oxygène.Oui; Édith Cochrane, Emmanuel Bilodeau et moi, nous organisons un spectacle à La Tulipe au profit de la Maison Oxygène — qui vient en aide à des hommes en difficulté — le 18 juin.

Cathy est une vraie rousse. Plus jeune, elle aurait pu vivre de l’intimidation, mais ses grands frères et sœurs étaient là pour lui donner des conseils. Elle connaît alors toutes les blagues sur les roux et n’a pas peur de l’autodérision.

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«C’est certain que la culture québécoise me tient à cœur, et j’ai toujours une fierté de me faire demander d’où je viens à cause de mon accent. Quand je dis que je viens de l’Abitibi, il y en a qui se trompent et qui disent: “Ah oui, le Saguenay!”»

Cathy avec Dominique Michel en 2004. Celle-ci a fait la mise en scène du show 100 % vache folle qui a attiré plus de 60 000 spectateurs!

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En 2008, Cathy a joué dans la comédie de

situation Roxy aux côtés de Louison Danis, qui

incarnait sa mère.

Photo prise en 1932 de la troupe Mantle Lamp lors d’un enregistrement à la radio CKAC. De gauche à droite: René Delisle, Conrad Gauthier, Donat Lafleur, Isidore Soucy et Calixte Morin.

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« Tout comme le reste de ma famille, j’aime recevoir et j’ai toujours quelque chose dans le frigo pour les invités imprévus.»

VILLE D’oRIGInE DE CAthY GAuthIER RouYn-noRAnDAJean-Baptiste de Rouyn, seigneur de Saint-Maurice, en Lorraine, en France, était membre du régiment Royal-Roussillon de Montcalm et capitaine d’infanterie. Gravement blessé durant la fameuse bataille de Sainte-Foy de 1760, il a reçu la croix de Saint-Louis. Noranda devait s’écrire «Norcanda», contraction de Northern Canada, une compagnie minière. Le nom s’est transformé pour devenir Noranda à la suite d’une erreur commise par l’imprimeur.

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Photo prise au Monument national durant Les veillées du bon vieux temps.

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• En 1800, 2300 personnes portaient ce patronyme, alors au deuxième rang dans le palmarès des noms de famille du Québec. Aujourd’hui, ils sont près de 39 500 porteurs, pour se trouver alors en sixième position.

• Gauthier, Gautier et Gaultier, qui viennent des mots «wald» (qui gouverne) et «hari» (armé) en langue germanique, sont des noms de famille très répandus en France. En Normandie, «gauthier» désignait un bûcheron, «gaut» signifiant «forêt» en gaulois.

• En Nouvelle-Angleterre, nous trouvons plusieurs transfor-mations du nom: Gaucher, Gaudsier et Goodier.

• Une douzaine de pionniers arrivés en Nouvelle-France ont laissé une descendance jusqu’à nos jours.

• La devise de la famille est Ensemble. Association des Gauthier d’Amérique: www.famillesgauthier.com

LES GAUthiER en bref

Sur scène, Cathy Gauthier se déchaîne comme pas une.

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Plusieurs artistes y seront également. Il y a beaucoup de ressources pour les femmes seules ou les mères de famille monoparentale, mais on oublie qu’il y a également des hommes seuls avec leurs enfants, démunis. Saviez-vous que des itinérants vivent dans la rue avec leurs jeunes enfants? Une fois, pendant que j’étais à la Maison Oxygène, un gars est arrivé avec son bébé de deux mois, qui n’avait pas mangé depuis deux jours. Le papa ne savait plus quoi faire et quoi donner à son bébé, il n’avait plus un sou. Je suis allée brailler dans mon char. Je ne savais pas que ça existait, une telle misère à Montréal. c’est bouleversant! mais où sont les mères?On a souvent tendance à croire que les hommes sont les «tout-croches», mais il y a beaucoup de femmes qui en sont aussi. La mère du bébé dont je parle est une junkie; elle avait déjà deux enfants. À l’accouchement, elle a dit au père de garder le bébé, et il est parti avec lui. L’organisme aide aussi les hommes en difficulté à trouver un travail et un appartement, et leur montre comment faire une épicerie… La base, quoi! Je trouve ça important d’aider ces gens. Au moins, ces enfants vont pouvoir vivre des moments heureux avec leur père. Il y a aussi le Carrefour Hochelaga, qui offre de retourner aux études gratuitement à ceux dans le besoin. Par exemple, une fille voulait retourner à l’école, mais son chèque d’aide sociale ne lui

permettait pas de s’acheter une carte de métro pour s’y rendre. Elle a un petit bonhomme de trois ans et elle le fait garder sur place le temps que durent les cours. vous faites un gag sur le fait que vous ne voulez pas d’enfant. est-ce le cas? Dans chaque gag, il y a toujours un fond de vérité! Je ne suis pas rendue là, et je pense que je suis en train de passer le last call. J’en voulais plus jeune, mais là, je ne sais plus. Mon amou-reux a une petite fille, que j’adore; c’est comme si elle était ma fille. Puis j’ai des neveux et des nièces, et je suis la marraine de deux enfants. C’est certain qu’avec le métier que j’ai c’est diffi-cile, et je suis très «traditionnelle 1942» dans ma façon de voir les choses: si j’ai des enfants un jour, j’arrête la tournée, je reste à la maison et je fais des galettes! (rires)Pour conclure, pouvez-vous nous parler de vos projets?Le 20 juillet, j’animerai pour la première fois un gala Juste pour rire, aux côtés de Philippe Laprise et de Dominic Paquet. Ma tournée est terminée, mais il reste quelques spectacles, dont celui aux Îles-de-la-Madeleine, le 30 juin. À l’automne, je me remettrai à l’écriture, car l’hypothèque, elle, n’arrête jamais… (rires)

www.cathygauthier.commaisonoxygene.com

« Quand nous revenions de l’école, ma mère nous attendait avec des sandwichs en forme de cœur.»