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Nicole ROULLAND Mémoire de Maîtrise Année 1999-2000 L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui. Faculté de Théologie Protestante de STRASBOURG Directeur de Mémoire/ Ralph STEHLY

L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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Page 1: L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

Nicole ROULLAND

Mémoire de Maîtrise

Année 1999-2000

L’implantation de l’Islam

en France aujourd’hui.

Faculté de Théologie Protestante de STRASBOURG

Directeur de Mémoire/ Ralph STEHLY

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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REMERCIEMENTS

Il est deux personnes que je voudrais remercier tout particulièrement. Tout d’abord,

M. Mohammed H. Benkheira, qui, étant professeur à la l’Institut Protestant de Théologie de

Paris, m’a fait découvrir la beauté de l’Islam. Et ensuite, M. Ralph Stehly qui, en tant que

directeur de mémoire, a su me faire apprécier cette religion et m’a orienté dans mes recherches.

Viennent ensuite à ma pensée tous mes proches et amis qui se sont vaillamment élancés à

l’assaut des fautes d’orthographe et de la mise en page. Je remercie donc Maman, Hervé, Lise,

Joëlle, Pierre-Etienne et Rachel. Mais je n’oublie pas tous ceux qui m’ont soutenue durant cette

année de recherche et qui m’ont encouragée lors des dernières semaines de travail.

Merci à tous

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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« Le décalogue du dialogue

C’est moi le Sei gneur ton Dieu qui t’ai fait sortir de la sécurité et de la servitude des croyances

et des pratiques religieuses.

Tu n’auras pas d’autres dieux en dehors de moi car il n’y a qu’une réalité ultime pour donner un

sens au monde et à ta vie.

Tu ne te feras auc une représentation du divin ; tu ne prendras pour Dieu aucune image, aucun

concept et tu ne reconnaîtras comme absolu rien de ce qui est dans le monde car Dieu ne

supporte aucune comparaison.

Tu ne prononceras pas à tort le nom de ton Seigneur ton Dieu, ma is tu respecteras ce nom, quel

qu’il soit, car il est un accès à ma transcendance.

Tu mettras un temps à part pour te rappeler le mystère du monde. Tu laisseras de coté tes

préoccupations, tes activités et tes engagements pour être en communion avec la nat ure et

l’humanité.

Honore ton père et ta mère qui t’ont précédé dans la foi et respecte l’héritage qu’ils t’ont

transmis car tu peux en tirer le sens et l’épanouissement de ta vie.

Tu ne porteras pas atteinte à la vie ni à la foi d’autrui par la violence, ton mépris ou ton

ignorance.

Tu ne céderas pas à la confusion ni aux amalgames en te créant une religion à ta convenance.

Tu n’accapareras pas les biens ni les personnes des autres traditions.

Tu ne porteras pas de faux témoignages contre ton prochain en d énigrant sa foi et ses pratiques.

Tu n’auras pas de visées sur la famille religieuse de ton prochain. »

Jean-Claude BASSET

« A la surface, la distance est immense, mais si je m’approfondis, je me rapproche de l’autre qui

fait le même chemin »

Paul RICOEU R

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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INTRODUCTION

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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Il y a encore quelques mois, le thème du retour du religieux était dans toutes les bouches. En

effet, à l’approche du nouveau millénaire, nous avons assisté à un regain du spirituel, mais pas

autant que ce qui nous était prédit. Ce dont on peut se réjouir, c’est que l’effet secte (comme, par

exemple, un éventuel suicide collectif le soir du 31 décembre 1999) n’a pas fait parler de lui. Ce

sont surtout et principalement toutes les croyances New Age, Zen qui sont revenues au goût du

jour. A ces « religions », le terme spiritualité serait plus approprié, on peut ajouter l’Islam qui, du

haut de ses 1420 ans, n’est pas démodé et fait toujours autant d’émules, ne cessant de s’accroître

sur le territoire français, en particulier depuis quelques années.

L’Islam est donc une religion en vogue ces derniers temps. En effet, il ne se passe pas une

semaine sans qu’une conférence n’y soit consacrée : « Islam et modernité », « Islam et

politique », « Islam et laï cité ».... Aussi, le dialogue islamo-chrétien s’est développé et les

groupes de partage, de réflexion se multiplient dans toutes les régions de France.

Il est vrai qu’avec ses quatre millions de sympathisants dans le pays, l’Islam français est loin

devant le Protestantisme (un million) et le Judaï sme (700 000), ce qui fait de lui la deuxième

grande religion française. Par ailleurs, il est en incessante progression puisqu’on peut dénombrer

depuis quelques années entre 30 000 et 50 000 conversions, le chiffre variant en fonction des

sources. Mais en dépit de cet état de fait, l’Islam n’est pas une religion reconnue (non pas

reconnue par l’Etat puisque selon l’article 2 de la Loi de 1905 concernant la séparation des

Eglises et de l’Etat : « La République ne reconnaît, ne salarie, ne subventionne aucun culte »,

mais reconnue par les français, dans les mentalités françaises.) telle que le protestantisme et le

judaï sme ; le catholicisme semble encore rester la « religion d’Etat », non pas que l’Etat soit

influencé par une religion particulière, ni qu’elle en favorise une, mais tout simplement parce

que le catholicisme est présent partout.

Cette non reconnaissance de l’Islam est due, entre autres, à la loi de séparation de l’Eglise et

de l’Etat datant de 1905, époque où l’Islam était encore très minoritaire en France et n’avait pu

s’établir correctement. Alors, que faire de l’Islam, ou plutôt, comment les musulmans vont

pouvoir s’intégrer sur le territoire français, où si peu de choses sont prévues et organisées pour

eux.

Les institutions de la Vème République ne vont pas sans poser de problèmes à ces croyants,

encore appelés « nouveaux arrivants » bien que la troisième génération soit déjà inscrite à l’école

maternelle ou primaire. En effet, les lois promulguées par notre République vont bien souvent à

l’encontre des us et coutumes de la tradition musulmane. Par ailleurs, la population française n’a

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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pas toujours accepté et malheureusement n’accepte, aujourd’hui encore, pas entièrement la

présence en France de musulmans, ni la légitimité de leur religion, pourtant pratiquée par un

grand nombre de français « de souche ».

Le fait que l’Islam soit au centre des préoccupations des religions instituées va probablement

permettre aux musulmans de se faire entendre, et, peut-être pourront-ils enfin vivre leur foi sans

plus aucune restriction.

Ce travail se propose donc d’aborder plusieurs thèmes traitant de l’Islam en France. La

première partie mettra en parallèle la vie religieuse musulmane et la législation française (justice

et institutions), ce qui permettra de faire une nette distinction entre les problèmes qui n’en sont

plus, ceux qui sont en cours de résolution et enfin ceux sur lesquels il faut aujourd’hui se pencher

afin que demain (le plus tôt sera le mieux), ces difficultés soient résolues et que les règles du jeu

soient clairement exposées et fixées pour tous indistinctement. La deuxième partie exposera des

points de vue subjectifs liés à l’accueil de l’Islam en France, allant d’un extrême à l’autre : peur,

ignorance, haine, malentendu / attrait, curiosité, amour. Nous tenterons donc de comprendre ce

qui peut pousser des personnes à penser ou à réagir de telle ou telle manière. Cela fait, nous

pourrons entrer dans la troisième partie qui, à défaut de parler des extrêmes, traitera du dialogue

inter-religieux en tentant de définir le terme de dialogue dans un sens constructif et productif, en

prenant cependant en considération toutes les sortes de discussions, qui se réclament du

« dialogue », mais qui ressemblent à s’y méprendre à des « disputes ».

La recherche effectuée ne se veut pas exhaustive et les thèmes abordés ici sont le résultat

d’un choix personnel. En effet, le lecteur pourra s’étonner que les aspects politiques et spirituels

soient parfois mis à l’écart au profit de l’aspect de la vie pratique, quotidienne et de l’aspect

social. Mais les débats internes à l’Islam, en tant qu’ils sont extrêmement nombreux, sont

comparables aux débats internes au Christianisme, qui depuis 2000 ans est en perpétuelle

évolution. Alors il faut laisser le temps au temps et laisser l’Islam se construire à son rythme car

si le Christianisme a 2000 ans, l’Islam n’a que 1420 années d’existence. Mais ce n’est pas pour

autant une raison de se cacher derrière la non unification de l’Islam et ne rien faire pour les

musulmans vivant en France.

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PREMIERE PARTIE

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L’ISLAM FACE A LA LEGISLATION DE LA Vème REPUBLIQUE

République, démocratie, laï cité, voilà trois principes que nous voulons préserver dans notre

pays. Nos aï eux se sont battus pour les acquérir et nous ne sommes pas prêts à les laisser

s’envoler en fumée. Face à ces trois concepts, certains se posent la question de leur compatibilité

avec la religion islamique, qui a comme spécificité de ne pas séparer le religieux du politique. En

effet, il est peu de pays musulmans où le régime démocratique soit en place et, en Turquie, où la

tentative a été faite, elle a échoué (il s’agissait d’une démocratie à parfaire, différente de la

séparation des Eglises et de l’Etat que nous connaissons en France). Alors, qu’en penser, l’Islam

peut-il être une religion républicaine ? Si ce n’est pas le cas, se poseront alors de sérieux

problèmes, car il est vrai que la France ne saurait

« admettre la constitution de minorités refusant les valeurs de la République, le plurali sme

et la laï cité »1,

même si l’Islam ne constitue plus depuis longtemps une minorité religieuse, en

comparaison avec les autres religions, sur le territoire français, elle est néanmoins sous le joug de

la loi et cela lui pose souvent des problèmes.

Cette première partie va tenter de lister les différentes difficultés que peut rencontrer l’Islam

quant à ses rites et ses institutions, tout en insistant sur le fait que de nombreuses activités

musulmanes sont reconnues (ou en passe de l’être) et qu’elles permettent aux jeunes musulmans

de rendre compatible leur foi et leur nationalité française.

1. LES PROBLEMES RENCONTRES PAR LES MUSULMANS

1.1 US ET COUTUMES

Quel exemple de soumission que la foi musulmane !

Le terme Islam ne signifie-t’il pas lui-même soumission, soumission à la volonté divine, au

Tout Puissant ? Car il est vrai que toute la vie du musulman est rythmée par des prières, des

fêtes :

« La soumission à Allah, non pas servilement, mais en lui restituant amoureusement sa vie,

telle est l’identi té même du musulman. ».2

1 Boyer A., L’Islam en France, PUF, collection « Politiques d’aujourd’hui », Paris, 1998, p. 115. 2 Keshavjee S., Le roi, le sage et le bouffon, p. 125.

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Les cinq piliers de la foi musulmane témoigne de cette insistance :

- la profession de foi (la Chahâda ) : « Allah est le seul Dieu, et Mahomet est son prophète ».

- la prière obligatoire (salât) récitée cinq fois par jour, non seulement en paroles mais en

gestes.

- le jeûne pendant le mois du Ramadan (saoum ) du lever au coucher du soleil.

- l’aumône légale (zakât), une dîme au profit des pauvres (et la générosité).

- le pèlerinage à la Mecque (hajj) : il y a des cas d’exemption, mais le pèlerinage reste

l’idéal de tous les croyants.3

Ainsi faut-il croire, ainsi faut-il vivre !

Mais il n’est pas si aisé de mettre toutes ces réglementations en pratique en particulier quand

on demeure dans un pays qui est à dix mille lieux de ces us et coutumes. Les communautés

musulmanes sont alors en droit de s’interroger sur de nombreux points :

« Comment faire nos prières quotidiennes pendant le travail ? Comment respecter les règles

de nourriture dans une cantine européenne ? Comment apprendre aux enfants que la famille

musulmane vit autrement qu’une famille chrétienne, européenne ? Comment vont s’habiller les

femmes ? Comment enterrer les morts dans un pays étranger ? »4.

Alors, il faut ruser et lutter afin que foi ne rime pas seulement avec pays d’origine, mais qu’elle

s’accorde aussi avec pays d’accueil. Les rites doivent s’adapter à ces nouvelles situations :

mariage, enterrement, divorce et prières sont autrement régis que dans les pays musulmans. Nous

nous attarderons plus longuement sur les sacrifices et le port du foulard, qui, à eux seuls peuvent

ébranler la laï cité française.

3 La revue réformée, n°189, avril 1996, p. 21. 4 Chrétiens et musulmans, un dialogue possible, FPF, 1983, p. 53.

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A. LES RITES

LE MARIAGE

Pour commencer cette étude sur les rites musulmans, nous allons nous arrêter sur le mariage,

qui, selon le Coran, est un contrat entre un homme libre et une femme de bonne condition et ce,

en présence de deux témoins. Le mariage est considéré comme une bénédiction et un signe de

Dieu :

« il a été créé pour vous, tirées de vous, des épouses afin que vous reposiez auprès d’elles, et

il a été établi de l’amour et de la bonté entre vous » (XXX, 21).

Il est conseillé que les deux conjoints soient consentants, mais ce n’est, en réalité, pas

souvent le cas. Bien que, nous précise Jocelyne Cesari,

« en France, les mariages obéissent de plus en pl us à la logique individuelle, ce qui marque

donc une rupture par rapport aux conduites dominantes de l’autre côté de la Méditerranée »5.

Le rite du mariage se divise en trois parties :

- la demande en mariage

- la signature du contrat

- la fête et l’accueil de la femme dans la belle famille ; la consommation du mariage.

En pays musulman, le mariage se déroule effectivement ainsi, mais dans un pays occidental

tel que la France, il existe deux sortes de mariages :

- le mariage civil

- le mariage religieux

Pour l’Etat français, seul compte le mariage civil. Le mariage célébré dans l’Islam ne rentre

pas dans la définition de ce mariage civil et n’est donc pas reconnu par la législation française

comme tel. Les musulmans français qui désirent se marier sont donc obligés, comme tout un

chacun, de passer devant le maire pour pouvoir, par la suite, s’unir religieusement à la Mosquée.

Cependant, malgré cette obligation, de nombreux musulmans contournent le mariage civil et se

contentent du mariage religieux (j’emploie ici le terme religieux pour mettre le mariage

musulman au même niveau que les mariages juifs et chrétiens bien que, dans l’Islam, le mariage

soit à la fois religieux et civil). Pour répondre à cette non application de la législation, la grande

5 Cesari J., Etre musulman en France aujourd’hui, Hachette, 1997, p. 92.

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Mosquée de Paris refuse de célébrer un mariage religieux si il n’y a pas eu auparavant union

civile à la mairie ou au Consulat.

En conclusion, on peut dire que la question du mariage est une affaire réglée en France,

puisqu’il existe une loi et que musulmans, comme chrétiens, juifs et tous croyants de

quelqu’autre confession doivent s’y soumettre.

Les mariages mixtes, islamo-chrétiens, soulèvent de nouveaux problèmes, non pas au niveau

de quelque réglementation qu’il soit, mais au niveau purement religieux.

Du côté chrétien, les Eglises émettent parfois quelques réserves. Il est vrai que certains

passages bibliques interdisent l’union avec d’autres peuples, ainsi en Deutéronome 7, 3-4 :

« Tu ne contracteras point de mariage avec ces peuples, tu ne donneras point tes filles à

leurs fils, et tu ne prendras point leurs filles pour tes fils ; car ils détourneraient de moi tes fils,

qui serviraient d’autres dieux, et la colère de l’Eternel s’enflammerait contre vous : il te

détruirait promptement ».

Quel programme pour un telle union ! Dans le Coran, il en est autrement :

« L’union avec les femmes croyantes et de bonne condition, et avec les femmes de bonne

condition faisant partie du peuple auquel le Livre a été donné avant vous, vous est permise, si

vous leur avez remis le douaire, en homme contractant une union régulière et non comme des

débauchés, ou des amateurs de courtisanes » (V, 5).

Ainsi, si pour un musulman l’union avec une chrétienne ou une juive est possible, il n’en est

pas de même pour le mariage qui pourrait unir une musulmane avec un homme d’une des deux

autres religions du Livre. En effet cette union est impossible. La seule solution pour résoudre ce

problème est que le futur mari se convertisse à l’Islam, si il ne le fait pas, le mariage n’a aucune

valeur aux yeux du pays d’origine de sa femme.

Aujourd’hui, malgré les réticences mutuelles des musulmans et de certains chrétiens (il est

ici question de réticences traditionnelles), les couples mixtes sont de plus en plus nombreux. Il y

a dix ans, seuls 3000 mariages avaient été célébrés entre français et maghrébins. Aujourd’hui il y

en a 6000.6

6 Source : Connaître l’Islam, n°6, FPF

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LE DIVORCE

En Occident, le nombre des divorces est en incessante croissance. Il y a quelques années

encore, un couple qui se séparait était très mal vu. Aujourd’hui, certaines valeurs se perdent et de

nouvelles apparaissent, en somme, les mentalités évoluent. Ainsi, le divorce est devenu tout à

fait commun.

Dans l’Islam, le divorce est une toute autre affaire. En effet, la répudiation est attestée dans

le Coran :

« la séparation ou le divorce est une éventualité tout à fait admise, certes non encouragée ni

souhaitée, mais que l’on ne considère pas comme un grand malheur : Si les époux se séparent,

Dieu les enrichira tout deux de son abondance (IV, 130) »7.

En quoi consiste une répudiation ?

Seul l’homme peut prononcer une répudiation envers une de ses femmes, il lui suffit de

prononcer la triple formule : « je te répudie, je te répudie, je te répudie ». La femme quant à elle

ne peut répudier son mari, mais elle a la possibilité de demander le divorce, bien qu’elle n’ait que

très peu de chances d’arriver à ses fins.

Il existe encore deux autres formes de séparations : le divorce par consentement mutuel et la

procédure de désaveu en paternité (li’ân). Le li’ân est une procédure qui permet à l’homme de

rejeter l’enfant que sa femme porte si il la soupçonne d’adultère. Si il s’avère qu’il y a

effectivement eu adultère, la femme est lapidée.

Bien évidemment, en France, un mariage célébré à la mairie ne peut s’achever par une

répudiation ou un divorce ainsi définis dans l’Islam. Une telle séparation n’est pas légalisée et

aucun des conjoints ainsi séparé ne pourra faire valoir ses droits en France.

Le divorce « à la française » met les deux conjoints sur le même pied d’égalité, c’est à dire

qu’ils peuvent tous deux demander le divorce et c’est un tiers, et non une des deux parties

adverses, qui décidera de l’issu de la procédure. Malheureusement, une fois le verdict rendu, les

ennuis peuvent parfois commencer.

En effet, on peut s’apercevoir d’une différence entre les habitudes des pays musulmans et

celles des pays occidentaux : alors que bien souvent, dans les pays du Maghreb, les enfants sont

7 Les mariages islamo-chrétiens, Secrétariat pour les relations avec l’Islam, Paris, p. 35.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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confiés au père, en France, ce sont les mères qui obtiennent, dans la plupart des cas, la garde des

enfants. Et, quand un verdict est rendu, en France, dans un couple mixte (père musulman et mère

chrétienne), au profit de la mère, cela génère parfois une incompréhension culturelle qui aboutit,

bien heureusement dans de très rares cas, à l’enlèvement des enfants par le père et à son retour

dans son pays d’origine où un autre procès peut s’ouvrir et conduire à un verdict contradictoire

au premier. Alors, que faire étant donné que selon le droit privé international, chaque conjoint

dépend juridiquement du droit de son pays d’origine ? Ce problème sort quelque peu du domaine

du religieux, cependant, il est important de se rendre compte que la religion et la justice peuvent

ainsi être mêlées et confondues.

Par conséquent, tout comme pour le mariage, les musulmans sont soumis à des lois et

doivent passer par des démêlés juridiques, comme leurs compatriotes français, si ils veulent

mettre un terme à leur union.

LES ENTERREMENTS

L’enterrement musulman consiste en un rite assez complexe. On n’est pas enterré au Maroc

comme on peut l’être en France.

Le travail de deuil commence par l’accompagnement du mourant : la personne sur le point

de mourir doit prononcer la Chahâda en ayant la tête levée et tournée vers la Mecque.

Cette première phase est réalisable en tous lieux, mais c’est dans la suite du rituel que les

difficultés commencent : dans l’Islam, le corps doit être déposé à même la terre, sans cercueil,

sur le flanc droit et en direction de la Mecque. En France, il est obligatoire d’enterrer un corps

dans un cercueil. En conséquence de quoi, les défunts musulmans sont enterrés dans de légers

cercueils en bois aux couleurs de l’Islam.

Se pose ensuite le problème de la présence de tombes d’autres confessions à proximité des

tombeaux musulmans. En effet, cette proximité n’est ni conseillée, ni acceptée par les

musulmans. Avant 1881, il existait des cimetières confessionnels : catholiques, protestants, juifs

avaient leurs propres cimetières, bien distincts les uns des autres. Mais la loi du 14 novembre

1881 est venue interdire toute séparation cultuelle dans les cimetières communaux : les

cimetières confessionnels ne peuvent être étendus et on ne peut en construire de nouveaux.

En 1931, est tout de même créé un cimetière musulman en hommage à tous les musulmans

morts pour la France lors de la Première Guerre Mondiale. Afin de débloquer cette situation, a

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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été rédigée, en 1975, une circulaire pressant les autorités municipales à réaliser des carrés

confessionnaux dans les cimetières et à en faciliter la concrétisation. Si les cimetières ne peuvent

être confessionnels, rien n’empêche les musulmans de faire figurer sur les sépultures des signes

religieux, cependant, l’appartenance confessionnelle du défunt ne doit pas être mentionnée.

Pour conclure cette partie sur les enterrements et les cimetières musulmans, je reprendrai les

termes de Soheib Bencheikh,

« ces circulaires, malgré leur nouveauté, contrairement à la construction des Mosquées,

sont plus ou moins respectées par les municipalités. Face à la mort, on se soucie davantage

d’égalité »8.

LES PRIERES

Le deuxième pilier de l’Islam, exposé précédemment, concerne les prières quotidiennes qui

sont au nombre de cinq (la prière obligatoire (salât) est récitée cinq fois par jour, non seulement

en paroles mais en gestes), et doivent être récitées à des heures précises en direction de la

Mecque (« Le premier temple (la maison de Dieu) qui ait été fondé pour les hommes est, en

vérité, celui de Bakka (la Mecque) : il est béni et sert de direction aux mondes ». III, 96). Des

ablutions réalisées à l’aide d’eau propre sont nécessaires pour accomplir ces obligations rituelles,

de plus, une tenue correcte est requise. Quant au lieu de la prière, Jocelyne Cesari montre bien

que selon les textes, il est différemment défini :

« La prière peut être dite en n’importe quel lieu pourvu qu’il soit propre, car, selon un

hadith, « la terre entière servira de Mosquée à l’Islam ». Mais toujours selon un hadith, « la

meilleure prière est celle que l’on dit chez soi ». On peut prier sur une natte, un petit tapis

(sajjâda), une serviette ou un linge propre ou se prosterner à même le sol s’il est recouvert. Sont

déconseillés les endroits malpropres comme les chemins, les rues, les lieux de passage et les

cimetières non musulmans » 9.

De nombreux musulmans ont abandonné l’idée de faire leurs prières aux moments propices

(entre l’aube et l’aurore, quand le soleil décline au zénith, au milieu de l’après midi, au coucher

du soleil et quand la nuit est totale) en raison de leurs activités professionnelles et reportent leurs

prières au soir. C’est une solution à des problèmes pratiques mais aussi relationnels. Car comme

8 Bencheikh S., Marianne et le Prophète, l’Islam dans la France laique, Grasset, Paris, 1998, p. 126 – 127. 9 Cesari J., op.cit., p. 138.

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le souligne Jean-Claude Barreau, l’opinion publique a du mal à se faire à l’idée d’une vie

religieuse en dehors du cercle privé :

« prier sur la chaussée, comme à Marseille, où des croyants ont été photographiés

prosternés dans la rue, est ressentie comme une agression »10.

Dans les années 1970 et 1980, les musulmans ont fait des demandes de salles de prière sur

leur lieu de travail, demandes qui ont, en général, toutes abouties.

« A titre d’exemple, la régie Renault a aménagé trois salles dans ses usines de l’Ouest

parisien »11.

Car c’est à bon droit que Gilles Kepel pose la question :

« est-on pur dans une usi ne, dans un local maculé de graisses, où ne cesse pas le vacarme

des machines ? »12.

La demande des salles de prière a été d’un côté très virulente, mais d’un autre, presque

critiquée. En effet, l’hygiène des lieux de travail a été vivement remise en question et dans de

telles conditions, le musulman ne peut s’acquitter décemment de ses prières :

« Il ne faut pas de Mosquée dans les usines. Car les conditions d’hygiène ne sont pas

respectées. Un tidjane, par exemple, doit prendre une demi -heure, cinq fois p ar jour, et sa prière

ne sera peut -être pas acceptée »13.

L’opposition ne concerne pas seulement l’aspect hygiénique. Certains musulmans estiment

que de telles demandes outrepassent leurs droits : il ne faut pas trop exiger de l’Etat français !

C’est souvent par souci d’égalité avec les autres religions qu’ils refusent ces salles de prière,

comme ce jeune tunisien interrogé dans le cadre d’une enquête :

« Ce n’est pas là une demande juste. D’ailleurs, chez nous, il n’existe pas de salles de prière

sur les lieux de travail. Si on installe des salles pour les musulmans, il faudrait aussi en installer

pour les catholiques et les protestants, pour les juifs, les hindous, les bouddhistes et que sais -je

encore, il n’y aurait que des temples ! »14.

Mais c’est tout de même une large majorité des musulmans qui a été satisfaite par cette

initiative.

Aujourd’hui, les habitudes ayant évolué, ces demandes se font de plus en plus rares car les

requêtes ont changé d’objectifs et visent la construction de Mosquées. Toutefois, il est

10 Barreau J.C., De l’Islam en général et du monde moderne en particulier, Le Pré au Clercs, Belfond, 1991, p. 43. 11 Sfeir A., Les réseaux d’Allah, les filières islamistes en France et en Europe, Plon, 1997, p. 66. 12 Kepel G. Les banlieues de l’Islam, Le Seuil, Paris, p. 146. 13 Ibid, p. 148. 14 Ibid, p. 149.

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malheureux que la foi de certains, et même des plus assidus, passe à la trappe (en partie) à cause

de leur travail. Il est vrai que pour nous, occidentaux et adeptes de la laï cité, la religion

n’a rien à faire à l’usine ou au bureau. La foi est u ne affaire privée qui ne doit pas entrer en

compte dans l’activité professionnelle et ne doit assurément pas affecter le bon déroulement du

travail.

Alors que faire ? Les demandes musulmanes se font moins pressantes, en effet, les

musulmans se sont accommodés à ce rythme de vie. Dans le domaine des prières, on peut dire

que des efforts ont été réalisés des deux côtés : l’Etat a pris en compte les besoins, les requêtes

des musulmans, qui eux, de leur coté, se sont adaptés à un autre style de vie.

B. LES AB ATTAGES RITUELS

On pouvait lire, le 17 mars 2000, sur la première page du journal Le Monde , un article

intitulé :

« l’Aï d el-Kebir, son sacrifice, sa viande « halal » et les chevillards de Marseille »,

l’Aï d el-Kebir étant la fête du sacrifice. Elle consiste en l’immolation d’un animal ruminant

et elle clôture le pèlerinage à la Mecque. Cet article expose les difficultés auxquelles se trouvent

confrontées les autorités musulmanes en ce qui concerne l’abattage rituel : à Marseille, les

abattoirs municipaux vont laisser leur place à un centre de réinsertion pour des jeunes en échec

scolaire. Une initiative louable mais qui laisse une question en suspens : l’Aï d el-Kebir aura bien

lieu, mais sous quelles conditions et avec quels moyens? Des perspectives concernant les lieux

d’abattage sont en cours, mais ils n’auront pas la capacité requise pour égorger les quelques six

mille bêtes, ni même la possibilité de le faire en un cours laps de temps. Le CCM (Comité des

chevillards de Marseille) et le directeur de cabinet du Préfet se renvoient la responsabilité. Ce

n’est pas ainsi que l’on peut faire avancer les choses.

L’idée d’abattoirs démontables a été soumise : c’est peut-être une perspective d’avenir

intéressante pour les sacrifices qui pourrait être utile à toute la population musulmane. Mais ceci

n’est qu’un exemple, il existe bien d’autres cas de ce genre.

Ces obstacles au sacrifice de l’Aï d el-Kebir sont dus à une loi française qui exige que les

abattages aient lieu dans des abattoirs officiels. Mais le nombre des sacrifices est tellement élevé

que les services municipaux sont débordés et les lieux prévus à cet effet ne suffisent plus. Les

services vétérinaires, s’étant immiscés dans cette pratique sacrificielle, se sont émus des

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

- 17 -

conditions pittoresques dans lesquelles les animaux étaient égorgés et ont interdit les sacrifices à

domicile (en particulier dans les baignoires), ce qui, il faut l’avouer, est une bonne chose quant à

l’hygiène et la santé. A cela s’ajoute aujourd’hui le respect et la protection de l’environnement.

Alors, pour répondre à ce besoin,

« les pouvoirs publics et les municipalités ont accepter de rouvrir, pour la fête de l’Aï d el -

Kebir, d’anciens abattoirs désaffectés afin de permettre un contrôle vétérinaire minimum »15.

Se pose alors un autre problème : celui de l’officiant, du sacrificateur. Le sacrificateur doit

être habilité, on ne s’improvise pas sacrificateur comme ça : c’est le ministère de l’Agriculture

qui accrédite le sacrificateur, mais pour cela, il faut qu’il ait été préalablement présenté au

Ministère de l’Intérieur par un organisme religieux agréé. La Grande Mosquée de Paris (en

1994), ainsi que celle de Lyon (en 1996) ont toutes deux publié des arrêtés fort similaires

concernant l’habilitation des sacrificateurs rituels. En quatre ou cinq articles, ces deux Mosquées

rendent légitimes et réglementaires les abattages rituels : la Mosquée de Paris et celle de Lyon

sont agréées pour habiliter des sacrificateurs, ces derniers auront en leur possession une carte

spécifique. Enfin, les deux Mosquées s’engagent à avertir les préfets concernés quant aux lieux

d’abattage et aux identités des sacrificateurs.

D’un point de vue plus rituel, le sacrificateur doit être en état de purification avant de

prononcer la formule : « De par le n om de Dieu, Dieu est grand », après quoi, il peut enfin

égorger l’animal.

Ces problèmes d’abattage rituel sont loin d’être réglés, surtout en ce qui concerne les lieux

et les abattoirs, mais une chose est regrettable : la France étant un état qui revendique sa laï cité,

ne peut s’empêcher d’avoir la main mise sur le spirituel : c’est une bien curieuse conception de la

laï cité !

15 Boyer A., op. cit., p. 152.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

- 18 -

C. LE PORT DU FOULARD

Nous avons tous encore en mémoire les remous qu’a pu provoquer « l’affaire du foulard

islamique » à la fin des années 80 et au début des années 90 et qui a posé la question de la

compatibilité de l’Islam avec la laï cité.

Rappel rapide des faits : le principal d’un collège de Creil interdit l’accès aux salles de cours

à trois jeunes musulmanes portant le foulard. L’opinion publique se divise alors en deux camps

radicalement opposés.

Jean Baubérot reprend, de manière synthétique, les arguments des deux parties adverses 16:

POUR Admettre le port du foulard islamique, c’est : - Respecter la liberté de conscience et la liberté religieuse de chacun - Laisser libre les parents d’élever leurs enfants comme ils l’entendent sans que l’Etat ne se substitue à eux - Protéger les élèves qui veulent pratiquer leur religion - Accepter d’élever les enfants dans une société multi-culturelle - Ouvrir l’école de la République à tous sans distinction de sexe, de race ou de religion - Refuser de prendre en otage des enfants dans des querelles religieuses et politiques - Aider à l’intégration des immigrés musulmans et de leurs traditions - Faire confiance à l’esprit critique de chacun, même des plus jeunes

CONTRE Admettre aujourd’hui le port du foulard islamique, c’est : - Considérer que les intérêts individuels priment les intérêts collectifs, et donc mépriser les lois républicaines - Refuser la laï cité, fondement de l’école de la République, libre, gratuite et obligatoire - Accepter demain la remise en cause de la mixité, des cours de sciences naturelles qui abordent les problèmes de la sexualité et la gymnastique - Rendre légale un jour l’excision des petites filles africaines ou la polygamie - Distinguer les enfants par des critères de sexe et de religion - Rallumer la querelle entre écoles publiques et écoles libres - Rendre public un engagement qui doit rester de l’ordre de la vie privée - Annuler les conquêtes récentes des femmes pour l’égalité des sexes - Ouvrir la porte à tous les extrémismes

16 Baubérot J., La laicité, quel héritage ? De 1789 à nos jours, Labor et Fides, 1990, p. 98 – 99.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

- 19 -

Les arguments exposés dans ce tableau ont provoqué évidemment de nombreuses réactions,

un commentaire est donc nécessaire. Chaque point évoqué par les parties adverses peut être

contesté ou attesté, tout dépend de quel côté on se situe et il est difficile de rester neutre dans ce

débat qui a tellement ému la population française.

Commençons par étudier les arguments de la partie « contre » :

- « considérer que les intérêts individuels priment les intérêts collectifs et donc mépriser les

lois républicaines » : Même entre adversaires du foulard, des divergences se font jour : Ici on

considère que le concept d’individu est opposé à la République ; Ailleurs, on estime que l’école

doit prendre l’enfant comme une personne, un individu unique, l’opposant ainsi au système

religieux qui favorise le groupe, c’est ce que défend Guy Le Neouannic, secrétaire général de la

Fédération de l’Education Nationale :

« L’école laï que place le jeune au centre de sa réflexion. Elle considère le jeune comme

« un », alors que les religions, d’une manière générale, privilégient la notion d’appartenance à

un groupe et définissent règles et morales uniformément pour le groupe ».17

- « refuser la laï cité, fondement de l’école de la République, libre, gratuite et obligatoire »,

« accepter demain la remise en cause de la mixité, des cours de sciences naturelles qui abordent

les problèmes de la sexualité et la gymna stique » : Il est vrai que, comme ce fut le cas lors de

cette histoire de foulard, le caractère obligatoire de l’école laï que a été remis en question

puisque les jeunes filles portant le voile ne participaient pas à certains cours tel que la

gymnastique. Cela est en parfaite contradiction avec les principes de l’école de la République.

Mais d’autres événements en vont de même à l’encontre, comme le fait que dans certains lycées

parisiens, où 80% des élèves sont de religion juive, les cours ont été annulés le samedi matin,

suite à des pressions pour cause de repos sabbatique18.

- « rendre un jour légal l’excision des petites filles africaines ou la polygamie » : N’est-ce

pas pousser la controverse un peu trop loin que de conjecturer de telles choses ? Des lois existent

contre la polygamie et l’excision, alors que rien ne réglemente le port du voile. Il est, je pense,

nécessaire de faire le point sur ces deux pratiques que l’on impute parfois injustement aux

musulmans. L’excision n’est pas recommandée par le Coran, en effet,

« la mutilation d’un être humain non seulement provoque la colère de Dieu et suscite

17 Azeroual Y., Foi et Répûblique, p. 89 – 90.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

- 20 -

l’indignation de ceux qui ont un minimum d’humanité, mais requiert l’application de la loi

du talion, selon certains juristes et une indemnisation fixée par le juge, selon d’autres ».19

Il n’existe donc aucune sourate qui aborde positivement l’excision des jeunes filles. La

polygamie, quand à elle est reconnue par un seul verset dans le Coran et il s’agit de cas bien

particuliers :

« Epousez comme il vo us plaira, deux, trois ou quatre femmes. Mais si vous craignez de

n’être pas équitables, prenez une seule femme ou vos captives de guerre. Cela vaut mieux pour

vous, que de ne pas pouvoir subvenir aux besoins d’une famille nombreuse » (IV, 3).

- « disting uer les enfants par des critères de sexe et de religion » : Peut-on annihiler

complètement les différences entre les enfants ? Il n’est nul besoin d’avoir recours à des critères

religieux pour qu’une fille se distingue d’un garçon , elle aura beau porter des pantalons et lui

avoir les cheveux longs, ils seront toujours considérés différemment de par leur sexe. Les enfants

ont le droit, tout comme les adultes, d’exprimer leurs idées et leurs convictions. Les articles 10 et

11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen sont là pour nous le rappeler :

« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses... La libre communication

des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut

donc parler, é crire, imprimer librement... ».

Si leurs idées doivent les distinguer des autres enfants, cela peut aussi permettre d’ouvrir le

débat entre collégiens ou lycéens. Les discussions sont plus porteuses que des sanctions

administratives strictes.

-« rallume r la querelle entre écoles publiques et écoles laï ques » : Le problème ne réside

pas dans une hypothétique réouverture de la querelle entre public et privé, mais plutôt dans un

manque présent au sein de la grande famille du privé : il n’existe aucune école musulmane

privée. Là où les jeunes des autres confessions trouvent leur compte, de manière religieuse, les

jeunes musulmans n’ont rien. La communauté juive a trouvé la solution dans ces écoles privées.

En effet, la kippa ne pose pas de problème pour la laï cité car comme l’explique le Grand rabbin

de France, Jacques Sitruk :

18 Ibid, p. 97. 19 Bencheikh S., op. cit., p. 145 – 146.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

- 21 -

« Ce qui plaide en faveur de la kippa, c’est que les jeunes juifs religieux qui la portent et ne

sont pas inscrits dans les écoles juives, sont relativement peu nombreux ».20

- « rendre public un engagement qui doit rester de l’ordre pri vé » : Il est indéniable qu’un

engagement privé, s’il n’est pas secret, influe sur la vie publique. Une éducation religieuse forge

les mentalités, les caractères et on ne peut s’en détacher.

- « annuler les conquêtes récentes des femmes pour l’égalité des sexes » : Sans pour autant

être féministe, il faut avouer que sans les coups d’éclat de groupes tel que MLF (le Mouvement

de Libération de la Femme), des inégalités subsisteraient encore, plus nombreuses

qu’aujourd’hui. Il est donc évident que l’arrivée de jeunes filles et de femmes voilées dans les

établissements publics a bouleversé ces nouveaux acquis. Il faut laisser le temps à l’Islam

modéré, aux musulmans soucieux de respecter les principes de la laï cité française de

s’accoutumer à certaines idées républicaines.

- « ouvrir la porte à tous les extrémismes » : L’attitude de renvoi prise à l’égard de ces

jeunes filles voilées met en évidence le fait que l’Etat ne veut avoir aucun lien avec certains

milieux extrémistes. Mais le revers de la médaille n’est pas des plus heureux. Il a été soulevé par

le journaliste Yves Azeroual dans un interview avec Guy Le Neouannic :

« Que répondez -vous à ceux qui disent - et ils sont aussi nombreux dans le camp laï c - qu’en

excluant les jeunes filles voilées des lycées publics, on les laisse entre les mains des

extrémistes ? »

La réponse donnée peut perturber, mais elle est malheureusement tout à fait réaliste :

« Dire qu’on les rejette vers l’intégrisme, et ce n’est pas un mince argument, est peut -être

vrai. Combien en protège -t-on de l’intégrisme à côté ?... Nous avons fait le choix de dire il vaut

mieux être un peu ferme dans l’énoncé des principes pour éviter justement que tout s’effondre...

Dans l’intérêt de la l iberté, il faut savoir imposer les règles qui préservent la tolérance ».21

20 Azeroual Y., op. cit., p. 118. 21 Ibid, p. 99 – 100.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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La partie qui accepte le port du foulard à l’école n’aborde évidemment pas le problème dans

le même sens que ses adversaires. Les arguments sont nettement plus tournés vers le souci de

liberté et du droit d’expression de chacun :

- « respecter la liberté de conscience et la liberté de religieuse de chacun » : Le respect des

différences est une des choses que l’on peut attendre de la laï cité, c’est d’ailleurs dans ce sens

que s’exprimait le Rabbin Joseph Sitruk : « Je pense que la laï cité, c’est accepter l’autre tel qu’il

est. Je n’ai pas besoin de lui imposer mes conceptions, il n’a pas besoin de m’imposer les

siennes. On demande à chacun de faire un effort, en adoptant des signes di screts d’appartenance

à une religion et surtout de s’engager à ne pas vouloir convertir l’autre. Je crois que ce qui

donnerait au débat un niveau extrêmement faible, bas, péjoratif, c’est que chacun campe sur ses

positions et imagine que les hommes adhèren t aux mêmes croyances. .... Je ne cherche pas à

imposer mes idées aux autres, je pense seulement qu’une vraie société est un lieu ouvert aux

débats, dans lequel chacun a le droit d’affirmer ses opinions ».22

- « laisser libre les parents d’élever leurs enf ants comme ils l’entendent sans que l’Etat ne

se substitue à eux » : L’Etat n’a, en effet, aucun droit de se substituer aux parents en ce qui

concerne l’éducation de leurs enfants. Il peut cependant exiger d’eux qu’ils respectent certains

principes républicains, comme par exemple l’école obligatoire pour tous jusqu'à 16 ans.

- « protéger les élèves qui veulent pratiquer leur religion » : L’école est-elle vraiment le lieu

le plus adapté à protéger la pratique religieuse des jeunes ? Que la laï cité préserve la liberté des

élèves est une chose, mais qu’elle protège leur pratique religieuse en est une autre. Certains

pratiquants ont la possibilité de parler de leur foi et de la pratiquer au sein même des

établissements d’enseignement public, grâce aux aumôneries, ou aux cours de religion en Alsace

ou en Moselle. Malheureusement, cette chance n’est pas donnée à tout le monde : les musulmans

ne possèdent pas d’aumônerie. Si ce manque était comblé, nous résolutions peut-être de

nombreux problèmes.

- « accepter d’é lever les enfants dans une société multi -culturelle » : Le collège, le lycée

sont des écoles de la vie. Aujourd’hui ou demain, les élèves côtoieront des personnes issues

d’autres milieux, qui auront reçu une autre éducation. Il faut donc leur apprendre à faire preuve

de tolérance et de respect envers les autres. Leur faire prendre conscience qu’ils vivent dans une

22 Azeroual Y., op. cit., p. 120.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

- 23 -

société multi-culturelle, multi-confessionnelle, est le meilleur moyen pour éviter plus tard des

réactions violentes face à la différence.

- « ouvrir l’école de la République à tous sans distinction de sexe, de race ou de religion » :

Ce qui semble être un programme réjouissant pour l’école d’aujourd’hui et de demain, exige un

juste retour des choses, la laï cité

« respecte les choix des croyants c omme des non -croyants dès lors que les uns et les autres

respectent eux -mêmes la liberté de conscience d’autrui »23,

ce qui signifie que l’école n’est pas le cadre dans lequel les religions peuvent se permettre de

faire du prosélytisme. Il existe un certain état d’esprit qu’il est recommandé d’avoir dans un

établissement laï c, il consiste en ces quelques termes :

« Je suis venu avec certaines idées, je repars avec mes idées, ou avec d’autres ou avec des

idées qui font la synthèse »24.

- « refuser de prendr e en otage des enfants dans des querelles religieuses ou politiques » :

Les enfants ne sont pas otages d’une partie, mais de deux : l’école, en renvoyant des jeunes

musulmanes, pense s’opposer à des idées plus politiques que religieuses et de son coté, la famille

fait passer certaines idées à la société par l’intermédiaire des enfants. Ces derniers sont tiraillés

entre deux autorités qui chacune ont leur importance. Il n’est donc pas facile pour eux de faire un

choix, ni de se construire.

- « aider à l’int égration des immigrés musulmans et de leurs traditions » : Je voudrais tout

d’abord faire un petit rappel sémantique : c’est bien à l’intégration des familles d’immigrés qu’il

faut travailler et non à leur assimilation. Souvent ces deux termes se trouvent confondus. La

distinction est faite par Jacques Delaporte, archevêque de Cambrai :

« ... notre rêve secret, notre fantasme, notre imaginaire politique consiste dans le fait que

les immigrés vont s’assimiler, c’est à dire perdre leurs caractéristiques prop res et devenir

exactement comme les Français de souche.... Par intégration, j’entends que les deux populations

sont invitées à se transformer : les arrivants pour s’intégrer avec ceux qui sont déjà là, et les

accueillants - souvent si peu accueillants - se transforment aussi car l’état futur de la société,

avec les nouveaux immigrés, ne sera pas exactement le même que ce qu’il a été auparavant » 25.

23 Azeroual Y., op. cit., p. 89. 24 Ibid, p. 89. 25 Ibid, p. 70 – 71.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

- 24 -

Et si l’école doit aider à l’intégration des musulmans, de leurs traditions (on peut ici

considérer que le port du voile est une coutume culturelle et non cultuelle), je ne pense pas

qu’elle soit l’organisme adéquat pour l’intégration de l’Islam comme religion. Elle peut, par

l’enseignement des religions, donner des renseignements sur l’Islam comme sur les autres

religions, afin, entre autre, de la dédiaboliser, tout en restant cependant sur un plan strictement

culturel.

- « faire confiance à l’esprit critique de chacun, même des plus jeunes » : Faire appel à

l’esprit critique des enfants est peut-être placer la barre trop haut : les élèves, à l’âge du collège

et du lycée sont en pleine construction. C’est justement dans le cadre scolaire que la personnalité

se forge :

« Ce qui importe dans cet acte éducatif, c’est initier un comportement de curiosité, qui

permette de se remettre en cause en permanence... C’est un endroit qui contribue à former la

personnalité, qui prépare le futur travailleur mais aussi le citoyen, qui doit former les jeunes aux

valeurs de la liberté. C’est un lieu qui doit former à l’esprit critiq ue et à la responsabilité, et

l’idéal laï que est lié à toutes ces missions »26.

C’est donc par leur passage obligatoire à l’école que les enfants pourront user pleinement de

leur esprit critique sans influence quelconque.

Ce tableau, ainsi étudié, montre avec évidence que tout le monde n’est pas logé à la même

enseigne à l’école de la République. Il met en exergue certaines inégalités entre pratiquants de

différentes confessions. Inégalités justifiées par certains sentiments :

« Il y a eu un énorme sentime nt de culpabilité, justifié d’ailleurs, après ce qui s’était passé

envers les juifs au cours de la Seconde Guerre mondiale »27.

La Guerre d’Algérie n’a, par contre, engendré que trop peu de sentiments, toutefois

passionnés et opposés : la France ayant accusé une défaite, les français n’ont pas encore, pour

certains, surmonté le choc.

La solution à tous ces problèmes a maintes et maintes fois été évoquée par les professeurs de

l’éducation nationale et les dirigeants des autres religions :

26 Azeroual Y., op. cit., p. 85 – 86. 27 Ibid, p. 98.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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- « La création d’ un réseau scolaire musulman résoudrait -elle ce type de problèmes ? Rien

n’empêche aujourd’hui à certaines communautés musulmanes de créer leurs écoles privées si le

désir s’en fait sentir comme cela a été le cas pour l’enseignement catholique et juif » 28.

- « Si demain les musulmans veulent agir comme les chrétiens ou les juifs, personne ne peut

les en empêcher » 29.

Mais l’ouverture de tels établissements doit se soumettre à certains principes et à certaines

règles quant au respect du programme et à l’éducation des enfants.

Une telle entreprise va à l’encontre de certains détracteurs qui peuvent ouvertement

exprimer leur mépris exclusif. C’est ce que craint Guy Le Neouannic :

« Autant on a pu imposer certains financements contre notre avis, en raison de l’his toire de

notre pays, parce que l’on finançait des écoles confessionnelles catholiques, autant cela passe

encore, parce qu’il n’y en a pas beaucoup pour les écoles juives - et puis à la limite personne

n’en sait rien - autant je ne suis pas certain de l’acc eptation silencieuse de la population - pour

des raisons avouables ou non - s’il s’agissait demain de financer un réseau d’écoles coraniques

ou islamiques »30.

Cette solution n’étant encore qu’à l’état de possibilité, c’est le problème des signes

ostentatoires qui subsiste.

Suite à cette querelle du foulard, qui a partagé la France ne deux, le Conseil d’Etat va

émettre une circulaire exposant que

« le port d’un signe religieux n’est pas incompatible avec la loi de la laï cité ».

Mais même en dehors de la question de la compatibilité, il est très difficile, voire

impossible, d’interdire le port de la moindre petite croix ou du moindre pendentif. Cependant, M.

Bayrou en 1994 va aller à l’encontre de cette première circulaire en affirmant que :

« le port ost entatoire de tout signe d’appartenance religieuse, politique ou philosophique est

interdit dans l’enceinte des établissements publics d’enseignement ».

C’est un retour en arrière incontestable, qui n’a eu que très peu d’effets sur les habitudes des

jeunes.

Personnellement, j’ai toujours exhibé ma croix huguenote au lycée et je n’ai jamais eu la

moindre réflexion de la part de mes professeurs ou de mes camarades. Nous nous demandions

cependant si, le jour où la loi allait entrer en application dans notre établissement, ce qui n’est

28 Ibid, p. 156. 29Azeroual Y., op. cit., p. 100. 30 Ibid, p. 100 – 101.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

- 26 -

jamais arrivé, ils cesseraient de nous servir et de nous imposer du poisson le vendredi midi à la

cantine ! Réaction tout aussi ridicule et extrémiste que la circulaire qui l’avait provoquée.

Mais le foulard est-il réellement un signe ostentatoire ? Quelle est la valeur de ce

symbole ?Le port du foulard est attesté et légitimé par le Coran :

- « Dis aux croyantes : de baisser leurs regards, d’être chastes, de ne montrer que

l’extérieur de leurs atours, de rabattre leurs voiles su r leurs poitrines... » (XXIV, 31),

- « Il n’y a pas de faute à reprocher aux femmes qui ne peuvent plus enfanter et qui ne

peuvent plus se marier, de déposer leurs voiles, à condition de ne pas se montrer dans tous leurs

atours ; mais il est préférable po ur elles de s’en abstenir » (XXIV, 60),

- « O Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants de se couvrir de

leurs voiles (djellabas) : c’est pour elles le meilleur moyen de se faire connaître et de ne pas être

offensées » (XXXIII, 59).

Il est de même attesté que les femmes du prophète, de Mahomet, étaient voilées. Il s’agit

d’une ancienne tradition mésopotamienne.

Ainsi,

« le port du foulard pour la femme est une obligation sociale dont le principal but est de

préserver son honneu r et sa dignité »31.

Le foulard, le voile, est la seule manière pour la femme d’acquérir sa liberté et c’est

pourquoi, les femmes elles-mêmes revendiquent le port du foulard.

En Occident, une telle pratique peut être qualifiée d’aberration : le fait que la femme doive

se « déguiser », se protéger pour être libre va à l’encontre totale de ce que recherchent les

femmes occidentales depuis maintenant des décennies : l’égalité des sexes. « Va à l’encontre »

ou plutôt « semble aller à l’encontre » de cette égalité car comme le souligne Alain Boyer :

« ...il s’agit en majorité de jeunes filles d’origine turque chez qui le foulard fait partie du

vêtement traditionnel et ne signifie pas nécessairement une affirmation identitaire ou un signe de

réislamisation »32.

Effectivement, si on considère le foulard comme un signe d’abaissement, de soumission de

la femme, il est surprenant de croiser des jeunes filles voilées dans les rues de Strasbourg,

cigarette à la bouche et téléphone portable, symbole du monde moderne occidental et de la

liberté, accroché à l’oreille, habillées à la dernière mode. Et pourtant, il en est ainsi.

31 Cesari, op. cit., p. 53. 32 Boyer A., op. cit., p. 241.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

- 27 -

Mais ces jeunes musulmanes portent-elles le voile d’une façon ostentatoire. Qu’en est-il

réellement de ce voile ? Pour répondre à cette question, nous citerons encore une fois Alain

Boyer, qui nous renseigne sur les prescriptions de l’Islam concernant le vêtement :

« elles (les prescriptions de l’Islam) portent essentiellement sur des recommandations de

modestie, sur le refus de signes ostentatoires »33.

« Refus de signes ostentatoires » !, le foulard ne serait pas comparable à une croix latine,

huguenote ou encore égyptienne. Cette prescription rend donc caduque la circulaire de M.

Bayrou interdisant le port de tout signe ostentatoire dans les établissements publics. Mais

aujourd’hui, avec M. Chevènement, cette histoire a pris une autre tournure, acceptée et signée

par des dirigeants musulmans. Il ne s’agit plus d’un interdit strict et imposé, mais d’une prise de

conscience voulant favorisé l’intérêt général. De plus, dans le texte des « principes et fondements

juridiques régissant les rapports entre les pouvoirs publics et le culte musulman en France », il

n’est plus question de « signe ostentatoire » :

« Les usagers de certains services publics, et notamment ceux de l’enseignement public,

doivent se conformer à certaines règles. Ils doivent s’abstenir d’arborer des signes

d’appartenance religieuse »34.

Encore une fois, dans ce conflit qui touche foncièrement au domaine de la laï cité, on peut se

rendre compte que l’Etat ne sait pas et ne peut pas se positionner clairement. De même en ce qui

concerne la définition de la notion d’ « ostentatoire ». La circulaire Bayrou proposait une

définition, qui, encore une fois, n’était ni nette, ni claire :

« leur signification est précisément de séparer certains élèves des règles de vie commune de

l’école »35.

C’est encore trop vague pour que quiconque se sente concerné. D’autres exposent des

méthodes plus radicales, mais qui ont le mérite d’être sans ambiguï té, ainsi, Guy Le Neouannic

estime qu’ « il ne devrait y avoir aucun signe religieux ni politique dans un établissement

scolaire, ce serait tellement plus simple. Ainsi tout le monde serait sur le même pied

d’égalité »36.

Mais il faut espérer que nous n’aurons pas besoin d’en arriver là et que les choses se

résoudront d’elles-mêmes.

33 Boyer A., op. cit., p. 164. 34 Source : www.interieur.gouv.fr 35 Azeroual Y., op. cit., p. 73. 36 Ibid, p. 97.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

- 28 -

Pour terminer cette étude sur le foulard, je voudrais faire deux citations de Jean Baubérot,

qui peuvent donner matière à réflexion quant à la laï cité et à son avenir en France :

- Parmi les objectifs de l’enseignement : « inculquer le respect de l’individu, de ses origines,

de ses différences, garantir et favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes »37.

- « ... Les élèves des écoles publiques de trois départements de l’Est suive nt officiellement

des « cours de religion », donnés par des représentants des communautés judéo -chrétiennes

(non par des musulmans) »38.

1.2 LES INSTITUTS DE FORMATION

A.QUELLE FORMATION POUR LES IMAMS ?

Pour se rendre compte des carences dans le domaine de la formation des imams en France, il

suffit de réaliser un double constat :

- la plupart des 500 imams que compte la France est de nationalité étrangère (à 96%), alors

que la majorité des musulmans ont aujourd’hui la nationalité française.

- les instituts de formation qui existent ( Institut européen des sciences humaines de

Bouteloin ; Institut d’études islamiques de Paris ; Institut de formation d’imams) ne sont pas à la

hauteur des attentes.

Ce constat pose le problème de la représentativité de l’Islam en France : il est vrai que le fait

d’avoir des imams qui ne sont pas de nationalité française, qui ne parlent pas la langue du pays et

qui ne connaissent pas les réalités de ce même pays va jouer en défaveur de l’Islam dans ses

relations avec les instances politiques ou avec les membres des autres religions. C’est la

légitimité de l’Islam qui est en jeu quand il est question de formation d’imams.

Si les musulmans ont recours à des imams étrangers, envoyés par les différents pays du

Maghreb, c’est à cause de la faiblesse de l’encadrement religieux en France.

Pour comprendre un peu mieux les enjeux de cette formation d’imams, il est nécessaire de

connaître le rôle d’un imam au sein de la mosquée et à l’extérieur :

37 Baubérot, op. cit., p. 97. 38Ibid, p. 106.

Page 29: L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

- 29 -

« Article 20 :

A l’échelon de chaque mosquée, l’imam dirige la prière rituelle cinq fois par jour, organise

les prières spéciales et assure la prédication hebdomadaire de la prière du vendredi.

Outre la direction de la prière, son rôle est également pédagogique : il veille à

l’enseignement du Coran et de la Sunna, dispense l’éducation religieuse. Il consacre une

attention particulière impliquant un effort constant de réflexion et de recherche, à une autre

fonction sensible et précieuse pour les fidèles : trouver des réponses appropriées aux qu estions

liées aux aspects juridiques ou rituels de la vie des musulmans au sein de la société française ;

des réponses compatibles avec les exigences de la foi et respectueuses de la loi de la République

et de réalités de l’environnement social. L’imam doi t avoir un comportement moral et social

exemplaire, posséder une formation reconnue et une bonne connaissance de la langue française,

s’informer sur les problèmes sociaux, familiaux et individuels de sa communauté, maintenir en

toute circonstance, notammen t sur le plan politique, la réserve inhérente à sa charge et à la

séparation des cultes et de l’Etat.

Article 21 :

L’imam est responsable local officiel du culte musulman. Il doit entretenir dans les

domaines qui le concernent des rapports avec les pouvoi rs publics et les représentants des

autres cultes. Il est nommé par l’autorité compétente qui représente la communauté. »39

L’imam est en quelque sorte le bon berger de sa mosquée, pour employer un vocable plutôt

protestant.

On peut voir qu’un grand intérêt est porté sur les rapports avec les pouvoirs publics et sur la

respectabilité des lois républicaines. Il est donc dans l’intérêt et des pouvoirs publics et des

musulmans eux-mêmes que la formation des imams prennent une place prépondérante en France.

Mais pour que ces articles de la Charte des cultes musulmans en France soient respectés, il est

indéniable que l’imam ait quelques connaissances sur le paysage politique français, ce qui n’est

souvent pas le cas quand l’imam est importé directement d’un pays du Maghreb.

Ce qui nous conduit au constat énoncé précédemment : il existe une lacune en ce qui

concerne la formation des imams en France. Peut-être pour répondre en partie à cette attente,

« Jean-Pierre Chevènement avait le projet d’un institut des hau tes études islamiques,

dépendant de l’université. Le ministère de l’Education nationale a opté pour un institut d’études

39 Cesari, op. cit., p. 231.

Page 30: L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

- 30 -

des sociétés du monde musulman, qui verra prochainement le jour auprès de l’Ecole des Hautes

études en sciences sociales ».40

Cependant, il ne faut pas crier victoire trop vite, cet institut n’est qu’à l’état de projet, tout

comme la faculté de théologie musulmane de Strasbourg.

B. LA FACULTE DE THEOLOGIE MUSULMANE E STRASBOURG

Cela fait longtemps qu’on entend parler de ce projet de faculté de théologie musulmane

d’Etat à Strasbourg, qui côtoierait les deux facultés déjà existantes : celle de théologie catholique

et celle de théologie protestante. On en parle donc beaucoup, mais on ne voit toujours rien venir.

Il ne faut pas oublier que les premières idées d’un tel projet ont été émises en 1978 par des

professeurs tels que Bruno Etienne, Mohammed Arkoun et Etienne Trocmé, à l’époque président

de l’Université des Sciences Humaines de Strasbourg. Malgré tous leurs efforts, l’affaire du

foulard a considérablement fait du tort à leur entreprise. Et même si en 1997, le Président de la

République, Jacques Chirac, et le Ministre de l’Intérieur, Jean-Pierre Chevènement, se disaient

intéressés par ce nouveau projet, élaboré par le professeur Etienne Trocmé, ils n’ont aujourd’hui

pas donné de suite.

Avant de rentrer plus en profondeur dans cette étude, il est important de revenir sur un point

terminologique : il n’est pas exactement question de faculté de théologie musulmane, mais plutôt

d’une Unité de Formation et de Recherches, à la différence des facultés de théologies

protestantes ou catholiques : le statut n’est pas le même.

Pour de nombreux musulmans, il est important qu’un tel pôle universitaire soit créé, c’est

une question de visibilité et de légitimité pour l’Islam de France, mais ce n’est pas la seule

raison. Le professeur Ralph Stehly nous expose cinq autres motifs allant dans ce sens :

« Nous devons prendre en considération un certain nombre d’éléments :

- La communauté musulmane d’Alsace représente 7% de la population (1 500 000) c’est à

dire à peu près 110 000 personnes

- Cette communauté ne possède pas de structures visibles, religieuses ou culturelles, ce qui

semble être une situation anormale et dangereuse dans les termes d’un manque d e démocratie

dans un pays qui se dit être l’avant garde de la démocratie.

40 DNA 14 janvier 2000.

Page 31: L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

- 31 -

- Si nous construisons des mosquées, elles devront être desservies par un personnel

convenablement formé.

- Parmi les jeunes musulmans d’Alsace, mais aussi de toute la France, il y a une grande soif

de connaissance de l’Islam.

- Il existe, dans chaque quartier de Strasbourg où demeurent des musulmans, un grand

nombre de travailleurs sociaux qui font un travail remarquable auprès des jeunes musulmans.

Ce travail doit être relégué au n iveau universitaire si nous voulons obtenir des résultats

durables et efficaces.

Notre conviction est qu’il est normal, juste, sain et salutaire que la théologie musulmane

soit autant visible que la théologie chrétienne à l’université. Le contraire serait le signe d’une

société et d’une université incompétentes et malsaines.

Le but d’une telle faculté serait d’offrir aux théologiens et aux spécialistes musulmans une

haute qualité de connaissance de l’Islam basée sur la tradition scientifique de l’apprentiss age

académique afin de promouvoir l’émergence d’un Islam français ».41

Cette université serait ouverte à tous : musulmans comme non musulmans, sur le même

principe que ses homologues protestantes et catholiques. Ce projet n’est réalisable qu’en Alsace,

à Strasbourg en particulier à cause du régime particulier qui régie les cultes dans cette région. Le

choix de cette ville est surtout le fait que, la faculté de théologie protestante s’étant bien

implantée dans le cadre universitaire, a pu permettre aux catholiques de créer leur faculté et c’est

ainsi que la faculté musulmane aurait ses chances. C’est le seul moyen pour les musulmans

d’atteindre une reconnaissance au même niveau que les autres religions de France. C’est ce que

souligne Jean-Claude Barreau, lorsqu’il dit :

« une survivance historique, le régime concordataire de l’Alsace - Lorraine, pourrait ainsi

permettre une œuvre d’avenir : la naissance d’une théologie musulmane progressiste, qui

n’existe pas encore, mais dont le besoin est urgent ».42

L’université musulmane assurera-t-elle la fonction d’un nouvel institut de formation des

imams ? On pourrait le croire, mais selon certains, comme Jean-Paul Willaime :

« L’université ne doit pas prendre en charge la formation professionnelle des ministres du

culte »43.

41 Source : www. perso.infonie.fr/stehly 42 Barreau J.C., op. cit., p. 129. 43 Boyer A., op. cit., p. 301.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

- 32 -

Pourtant, dans le cadre de l’enseignement de la faculté de théologie protestante, il en est

autrement, puisqu’il existe des cours de théologie pratique, qui permettent une approche

professionnelle de la théologie ou plutôt du pastorat. Alors, quand on lit dans le journal

strasbourgeois, News d’Ill du mois de janvier 1997 qu’ « il n’est pas question de former des

imams pas plus que les facultés de théologie protestante et catholique ne forment des pasteurs et

des prêtres »,

on est en droit de se poser des questions : comment une faculté de théologie musulmane

pourrait voir le jour alors que les gens ne savent pas même ce qui se passe dans les deux facultés

chrétiennes, protestante et catholique, deux religions qui ne font plus peur à personne. Car il est

indéniable que pasteurs et prêtres sont formés dans leurs facultés respectives, ainsi que le défend

Jean Baubérot, dans un entretien au journal La Croix du 10 décembre 1996 :

« Les facultés de théologie intègrent des enseignements de théologie pasto rale et de

théologie pratique. Elles forment des prêtres et des pasteurs »,

et de conclure :

« On ne voit pas pourquoi, dès lors, elles ne formeraient pas des imams ».

Cependant, même si le besoin de cette faculté se fait de plus en plus pressant pour les

musulmans, les avis sont encore partagés, ainsi que le souligne Ralph Stehly :

« Ainsi, les difficultés ne viennent pas de la ville de Paris, ni de celle de Strasbourg : elles

appuient ce projet. Les obstacles et les résistances proviennent de l’intéri eur même de la faculté

de Strasbourg. Pour quelques uns de mes collègues, deux facultés de théologie, c’est bien assez

suffisant et assez dur à gérer. Pour eux, il n’y a aucune légitimité pour des facultés de théologie

dans des universités publiques. Les d eux facultés de théologie représentent un legs du temps

passé. Ils sont uniquement d’accord de les garder au nom de l’identité alsacienne, qui pour eux

est naturellement tournée vers le passé. Il n’y a, à leurs yeux, aucun avenir pour la théologie

dans les universités publiques »44.

Alors si même les théologiens protestants remettent en doute l’apprentissage théologique à

la faculté de Strasbourg, il est légitime de penser que l’idée de la création d’une faculté

musulmane est mise en danger !

44 Source : www.perso.infonie.fr/stehly

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

- 33 -

2. UNE RECONNAISSANCE D’ACTIVITES

2.1 LES MOSQUEES

Comme on a précédemment pu le voir, la vie des musulmans est rythmée par des prières.

Mais ceux-ci, au début de leur implantation en France, n’avaient à leur disposition aucun lieu

pour se réunir et prier ensemble. Sur les lieux de travail, les demandes ont souvent abouti et c’est

dans les années 80 que des salles de prière ont vu le jour dans les cités HLM. Ces salles ont

remplacé les caves utilisées auparavant, cependant, elles-mêmes sont parfois exiguës et ne

répondent ni au normes de sécurité, ni à celles de salubrité. Malgré ces quelques problèmes, le

stade des salles de prière a marqué un tournant important en ce qui concerne la visibilité de

l’Islam sur le territoire français. Le deuxième stade à franchir est celui de la construction de

Mosquées. Comme le souligne Jocelyne Cesari :

« Un certain nombre de responsables d’associations islamiques de quartier souhaitent en

effet dépasser l’étape de la simple tolérance des salles de prière pour accéder à un stade de la

légitimité, symbolisée par la visibilité de la Mosquée »45.

Cette demande est plus que légitime puisqu’elle vient, tout de même, de la deuxième

religion de France. Il est d’ailleurs surprenant qu’en l’an 2000 de telles demandes existent

encore ! En France, aujourd’hui, il existe 1621 salles de prière, dont cinq grandes Mosquées

(Paris, Marseille, Lyon, Mantes-la-Jolie et Evry), ce qui n’est pas négligeable, mais il faut tenir

compte des chiffres : il y a plus de quatre millions de musulmans en France.

La construction de Mosquées pose un grave problème aux autorités : elles ont peur que les

assemblées religieuses se transforment en meeting politique. Mais peu de thèmes politiques sont

débattus au sein des Mosquées et la propagande extrémiste, qui malheureusement existe

réellement, n’a pas lieu dans les Mosquées, endroits peu à l’abri des oreilles et des regards

indiscrets, mais plutôt à l’extérieur, lors de réunions clandestines. La demande de construction de

Mosquées représente donc une mise en transparence des activités musulmanes. De plus, depuis

la rédaction des « principes et fondements régissant les rapports entre les pouvoirs publics et le

culte musulman en France », ce genre d’activités est explicitement interdit, ainsi, quant à

l’édification des lieux de culte, il est stipulé que la construction n’est possible qu’à condition

que : « ces édifices du culte soient uniquement réservés à l’exercice public du culte, donc

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

- 34 -

librement ouverts, à l’exclusion de toute activité qui y est étrangère notamment à ca ractère

politique »46;

de même en ce qui concerne les ministres du culte :

« ils sont soumis aux mêmes obligations et disposent des mêmes droits que tous les autres

ministres des cultes présents en France, notamment au regard de la neutralité politique que

doivent respecter les allocutions et les prêches tenus dans les édifices du culte »47.

Les musulmans se sont souvent plaints de la lenteur administrative des autorités

compétentes en ce qui concerne la délivrance des permis de construire : tous les prétextes sont

passés en revue par les maires pour éviter de voir s’implanter une mosquée dans leur ville. On

peut donc comprendre qu’un des points importants abordés par le gouvernement soit celui de la

construction de mosquées. Jean-Pierre Chevènement, sur ce point, a été clair :

« Les élus locaux doivent savoir que les possibilités qui s’offrent à eux sont nombreuses. Les

collectivités locales peuvent garantir des emprunts contractés pour la construction d’édifices de

culte, mettre à disposition par bail emp hytéotique des terrains communaux, louer des locaux

communaux aux communautés religieuses dans les mêmes conditions qu’aux partis politiques,

aux syndicats et aux associations. Des possibilités existent donc et, si les musulmans font l’effort

non seulement de respecter nos lois, mais aussi d’intégrer la construction de leurs mosquées au

paysage de nos villes, les élus ne pourront pas refuser d’accorder le permis de construire. Le

document sur les principes juridiques qui doivent s’appliquer à l’islam de Fra nce rappelle qu’en

matière de construction de mosquées seules doivent s’appliquer les règles d’urbanisme

nationales et locales. Aucune autre considération n’est fondée à justifier une décision

administrative de refus qui serait, dans ces conditions, irrégu lière »48.

Le Ministre de l’Intérieur fait ici référence à la Loi des finances du 29 juillet 1961.

L’article 11 de cette susdite Loi aborde le sujet des emprunts :

« Les emprunts contractés pour financer la construction dans les agglomérations en voie d e

développement d’édifices répondant à des besoins collectifs de caractère religieux par des

45 Cesari J., op. cit., p. 173. 46 Source : www.legifrance.gouv.fr 47 Source : www.legifrance.gouv.fr 48 Le Monde, 19 février 2000.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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groupements locaux ou par des associations cultuelles peuvent être garantis par les

départements et par les communes »49.

Et Jean-Pierre Chevènement de conclure :

« Tout est donc affaire de dialogue et donc, d’abord, de confiance partagée »50.

A bon entendeur, salut !

Afin d’illustrer cette partie sur les Mosquées, nous allons nous tourner vers deux cas

particuliers : un ancien qui est celui de la Mosquée de Paris et un récent, aujourd’hui d’actualité

qui est celui des futures Mosquées de Strasbourg.

A. LA GRANDE MOSQUEE DE PARIS

Il est en effet important de se pencher sur le cas spécifique et primordial que représente la

Mosquée de Paris.

« Comme toutes les ma isons de Dieu dans le monde, l’Institut Musulman de la Mosquée de

Paris est considéré, en Europe, comme un phare qui apporte au croyant la spiritualité, la

connaissance et la bonne parole. Par son histoire, ses activités, son prestige, la Mosquée de

Paris représente pour les musulmans de France et du monde entier l’expression de l’art

musulman qui repose avant tout sur le mystère du rapport de l’homme à Dieu » 51:

c’est ainsi que se présente la page d’accueil du site internet de la Mosquée de Paris. Mais

cette sentence favorable à la Mosquée cache les ennuis liés à sa gestion. Afin de comprendre ce

dont il s’agit, il faut revenir en arrière, à l’époque de la construction même de la Mosquée.

C’est après la Première Guerre Mondiale que le gouvernement français a décidé de

l’édification d’une mosquée dans le centre de Paris, centre névralgique qui assurait à l’Islam de

posséder une vitrine musulmane en France. Et ceci, en hommage à tous les combattants nord-

africains morts pour la France. Pour que la construction puisse débuter, le Ministre Edouard

Herriot fit crédit aux musulmans de 500 000 francs et la Mairie de Paris fit don du terrain. Les

travaux ont duré de 1922 à 1926. Les conditions de la construction de la Mosquée sont

particulières puisque l’Etat l’a subventionnée. Pour recevoir les subventions de la Mairie de Paris

et de l’Etat, il a fallu que la « Société des habous et lieux saints de l’Islam », se transforme en

49 Islam de France, revue, d’information et de reflexion musulmane, n°7, Al-Bouraq / Mémoralis, Paris, 2000, p. 109. 50 Le Monde, 19 février 2000. 51 Source : www.mosquée-de-paris.com

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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association de loi 1901. Le financement de la Mosquée par l’Etat ne s’est pas arrêté à la seule

construction du bâtiment, comme le rappelle à juste titre Soheib Bencheikh dans ses notes :

« La Mosquée a toujours été subventionnée en partie sur fonds publics jusqu'à la fin

des années 80. Même lorsque celle -ci est passée aux mains des Algériens, Cheikh Abbas

avait

alors sensibilisé le maire de Paris, Jacques Chirac, sur l’état des murs et des fondations de

la Mosquée, amenant une décision du Conseil de Paris à adopter en 1988 le principe d’une

subvention de 15 millions de francs, sous condition d’une participation de la Mosquée de 30%.

Cet accord n’a pas été appliqué durant le rectorat de Tedjini Haddam, et a été finalement

réactivé avec l’arrivée de Dalil Boubakeur »52.

L’auteur de Les réseaux d’Allah, Antoine Sfeir, ajoute qu’à côté de l’Etat ,

« le principal bailleur de fonds a été le Maroc, suivi de l’Algérie et de la Tunisie. Ces trois

pays faisaient encore partie, à l’époque, de la France »53.

La « Société des habous et lieux saints de l’Islam » était composée d’algériens, de marocains

et de tunisiens qui jusqu'à aujourd’hui se battent pour obtenir la quasi-exclusivité de la Mosquée.

Peu de recteurs se sont succédés à la tête de l’Institut musulman :

1922-1954 : Si Kaddou Ben Ghabrit, proche du Maroc

1954-1982 : Si Hamza Boubakeur, algérien, désigné par le Président du Conseil, Guy Mollet

1982-1989 : Cheikh Abbas, algérien

1989-1992 : Tidjani Heddam, algérien

1992 jusqu'à aujourd’hui : Dalil Boubakeur, français

La nomination de Dalil Boubakeur à la tête de la Grande Mosquée de Paris a attiré les

foudres de l’Algérie, qui perdait alors son monopole. Mais, malgré quelques échauffourées, le

souci d’indépendance par rapport aux états d’origine était enfin réglé, au grand bonheur de

nombreux musulmans.

52 Bencheikh S., op. cit., p. 103. 53 Sfeir A., op. cit., p. 149.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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B. LES MOSQUEES DE STRASBOURG

Aujourd’hui, c’est au tour de la ville de Strasbourg de se trouver confrontée à la construction

de, non pas une grande Mosquée, mais deux. Bien évidemment, la ville de Strasbourg n’a pas

attendu l’an 2000 pour se pencher sur le dossier musulman et possède déjà de nombreux lieux de

culte musulman, mais,

« aucune des trois principales Mosquées de Strasbourg n’est à la hauteur de l’envergure

nationale de la ville »54.

La communauté musulmane de Strasbourg est composée de 40 000 fidèles, représentants

plusieurs nationalités :

- 8000 marocains

- 7000 turcs

- 4000 algériens

- 2000 tunisiens

- 20 000 français

Pour satisfaire les différentes sensibilités de cet Islam multi facettes, deux projets ont vu le

jour :

- celui de la coordination des associations musulmanes

- celui de l’Institut musulman

Si la municipalité a décidé de garder ces deux projets et de les subventionner à hauteur de

10% chacune, elle rencontre cependant l’opposition de l’extrême droite, plus que présente dans

cette région de France :

« La composante régional iste de cette extrême droite nuance sa position par rapport aux

partis de Jean -Marie Le Pen et de Bruno Mégret qui rejettent le principe. Elle ne s’oppose pas à

ce que la municipalité apporte son aide aux lieux de cultes de proximité. Les formations de la

droite traditionnelle préféreraient une seule grande Mosquée »55.

La construction de ces deux mosquées va peut-être ouvrir une nouvelle ère dans l’histoire de

l’Islam en France ou, plus exactement, de l’Islam de France.

54 La Croix, 23 novembre 1996. 55 Réforme 2886.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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2.2 LES SCOUTS MUSULMANS DE FRANCE (SMF)

Les SMF sont un mouvement d’éducation musulmane qui, depuis 1992, sont reconnus par le

Ministère de la Jeunesse et des Sports et sont membres du Scoutisme Français, au même titre que

les Eclaireurs Israélites, les Eclaireuses et Eclaireurs Unionistes de France, les Eclaireurs Laï cs,

les Guides de France et les Scouts de France. S’étant constitués en 1990, c’est en 1991 qu’ils ont

déposé leurs statuts et ce, en pleine guerre du Golfe, mais cela n’a nullement empêché les SMF

d’affirmer « une volonté de rapprochement par le choix délibéré des valeurs universelles du

scoutisme et du guidisme »56. Ainsi, le projet éducatif des SMF est de fait en adéquation avec

l’esprit universel scout :

Projets et Objectifs des SMF

BUT : Dans le respect des principes et méthodes du scoutisme et du guidisme, les Scouts

Musulmans de France oeuvrent pour les enfants et les jeunes (garçons et filles), animés par la

volonté d'agir pour un monde plus ouvert et plus juste et ce, dans le respect des choix et des

croyances de chacun.

OBJECTIF : Accueillir les jeunes dans une structure saine ayant fait ses preuves, leur

dispenser une formation humaine et spirituelle fondée sur les valeurs universelles et former des

citoyens responsables, actifs et utiles, respectueux des différences.

PROJET EDUCATIF : Eduquer et développer ses sens. S’ouvrir aux autres et agir dans la

solidarité. Se découvrir par l’action en ville et dans la campagne. Acquérir et transmettre une

expérience fondée sur la mémoire du savoir faire de l’homme. Eveiller et vivre les valeurs

spirituelles de la vie.

Les objectifs ainsi énoncés montrent une volonté d’ouverture et de respect sans nier pour

autant leur appartenance à une religion et cela se répercute dans les lois et chartes propres aux

différentes tranches d’âges :

Le Cercle (8-12 ans) : ...Le voyageur est soumis à Dieu...

56 Source : www.multimania.com

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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La Troupe (11-15 ans) : ...L’Eclaireur a le cœur noble, l’intention pure pour plaire à

Dieu.

Le Poste (14-18 ans) : ...Le Pionnier trouve dans les épreuves mêmes des raisons de croire.

Le Pionnier vit sa religion dans le respect d’autrui.

Le Relais (17-21 ans) : ...Par la vertu, (je suis) serviteur de Dieu.

...Dans la foi de Dieu, je puise mon énergie

Au cercle des croyants j’adhère.

Vers le Miséricordieux, je me tourne.

A sa loi je me soumets.

La vie spirituelle ne tient pas une très grande place dans les textes (à peu près un sixième des

documents), mais dans la vie des unités, la foi a plus d’importance puisque dans la vie d’un

musulman, le spirituel est toujours présent.

2.3 L’ORGANISATION DE L’ISLAM

On a pu voir qu’un des problèmes fondamentaux de l’Islam en France, un de ses points

faibles, est sa non organisation. Son manque de représentation unique et de délégués

représentatifs, l’empêche d’avoir une réelle légitimation auprès des autorités et des pouvoirs

publics.

Mais cette situation tend à se débloquer et à évoluer : le gouvernement a décidé de prendre

en compte l’Islam en l’aidant, entre autres, à s’organiser.

Le premier acte du gouvernement envers l’Islam a été la présentation des vœux du Président

de la République à l’ensemble des musulmans de France. Etaient alors invités à l’Elysée quatre

représentants du culte musulman : le malheureux constat que faisait Dalil Boubakeur, en

septembre 1999, a donc été dépassé :

« on dit que, lors des vœux à l’Elysée, les musulmans sont absents parce que le Ministre de

l’Intérieur ne sait pas qui inviter ».

La proposition qu’il évoquait à l’époque est en passe d’être réalisée :

« Il faut donc que l’Islam français fasse lui -même son unité, et désigne la personne

représentative »57.

57 Réforme 2839.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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Ce n’est pas une, mais quatre personnes qui ont été accueillies pour représenter l’Islam

français (Dalil Boubakeur, recteur de la grande Mosquée de Paris ; Soheib Bencheich, grand

mufti de Marseille ; Rabah Khelif, président de la mosquée de Lyon ; Mustapha Sgiri, imam de

la mosquée de Mantes-la-Jolie). Le choix de ces quatre personnes ne fut pas aisé car,

« en France, pratiquement toutes les tendances et tous les pays musulmans sont représentés,

qui ont aussi leurs traditions nationales »58.

L’Islam se subdivise généralement entre différentes écoles59 :

- l’école hanafite : école d’interprétation de la loi religieuse musulmane, qui accepte de

prendre en considération l’opinion personnelle.

- l’école malékite : école qui donne comme base de la jurisprudence musulmane l’opinion

personnelle et le raisonnement par analogie.

- l’école shafi’ite : école qui rejette la dépendance vis-à-vis de la sunna comme source de la

jurisprudence, cette dernière reposant, entre autre, sur la déduction par analogie.

- l’école hanbalite : école très dogmatique et puriste, qui s’appuie sur une interprétation

littérale et stricte des textes sacrés.

on peut encore ajouter à ces écoles deux courants minoritaires également présents en

France :

- les kharijites : école pour laquelle l’arbitrage n’appartient qu’à Dieu seul et qui prône un

rigorisme moral et religieux.

- les chi’ites : école qui professe une théologie apophatique rigoureuse : la déité en soi est

inconnaissable, insondable, ineffable, impredicable...

Shafique Keshavjee, faisant fi de ces écoles, préfère parler de « six sortes de musulmans »,

qui se différencient de part leur comportement :

« Il y a les musulmans de nom, si sécularisés qu’ils ne connaissent plus rien à leur religion.

Il y a les musulmans traditionalistes ou réactionnaires, p roches des pouvoirs politiques dans

les pays prétendument islamiques, et qui justifient au nom de l’Islam des régimes souvent

injustes et totalitaires.

58 Réforme 2839. 59 Pour des définitions plus complètes se referer au Dictionnaire de l’Islam, religion et civilisation, Encyclopaedia Universalis, Albin Michel, Paris, 1997.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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Il y a les musulmans révolutionnaires, qui s’opposent à ces régimes corrompus, et cela au

nom de la lett re du Coran et de la Shari’a ; pour arriver à leur fin, certains n’hésitent pas à

utiliser la violence, voire le terrorisme.

Il y a les musulmans réformistes, qui eux aussi veulent combattre les régimes islamiques

fossilisés et restaurer une société authen tiquement musulmane ; pour ce faire, ils évitent de

recourir à la violence.

Il y a les musulmans modernistes, qui portent un regard sévère sur ces différentes formes

d’islam et cherchent à harmoniser les textes révélés et législatifs avec une vision du mo nde

contemporaine, humaniste et démocratique.

Enfin, il y a les musulmans soufis, ceux qui vont au -delà de la lettre, ou plutôt au dedans de

celle-ci, pour y découvrir l’esprit, son sens caché, le bâtin ; contre les dogmes qui tuent, ils

prônent une mystiq ue qui vivifie. »60.

Cet ex-cursus, assez long il est vrai, était indispensable afin de bien cerner la difficulté, pour

l’Islam français, de s’organiser en prenant en compte toutes ses tendances.

Malgré les précautions prises par le Président de la République, Jacques Chirac, quant à la

prise en considération de chacune de ces mouvances (en tout cas celles en phase avec le régime

républicain laï c à la française), certains musulmans se sont sentis lésés à l’annonce de cette

réunion, à laquelle ils n’ont pas participé (tels que l’Union des organisations islamiques de

France ou la Fédération nationale des musulmans de France).

Lors de cette rencontre, la question de la place de la communauté musulmane a été abordée,

de même que celle du rapport entre l’Islam et la République. Les participants à cette entrevue ont

affirmé leur satisfaction. Soheib Bencheikh a même déclaré :

« L’Islam, à partir d’aujourd’hui, fait partie du paysage républicain de la France »61.

Une consultation organisée par le Ministère de l’Intérieur est en cours afin d’organiser le

culte musulman en France. De nombreuses tentatives avaient été entreprises par les Ministres

précédents :

- Pierre Joxe, en 1990 : création du Conseil de réflexion sur l’Islam de France (Corif),

composé de six « sages ».

- Charles Pasqua, en 1993 : écarte le Corif au profit de la grande Mosquée de Paris

60 Keshavjee S., op. cit., p. 115 –116. 61 DNA, 14 janvier 2000.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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- Jean-Pierre Chevènement, en 1999 : consultation des représentants des principales

sensibilités musulmanes sur l’organisation du culte islamique en France.

Cette consultation, menée par le Ministre actuel, est en passe d’aboutir. Jean-Pierre

Chevènement a d’ailleurs montré son enthousiasme et son optimisme quant à l’organisation de

l’Islam français :

« On peut espérer que dans un an, une instance représentative de l’I slam de France

verra le jour »62.

Malheureusement, toutes les réactions ne convergent pas vers un tel enthousiasme et

nombreux sont les musulmans qui, soit rejettent en bloc cette consultation, soit, pour les plus

modérés, mettent en avant les défauts concernant la méthode usitée. Les cinq points les plus

contestés ont été repris de façon synthétique par Saï d Branine et Michel Renard 63:

- la difficile équation de la représentativité

- le choix des protagonistes

- la définition du musulman comme « pratiquant »

- l’indépendance à l’égard de l’étranger

- le principe de représentation en Islam

Nous allons reprendre chaque critique et l’étudier afin de mieux comprendre les réticences

de certains musulmans.

- La difficile équation de la représentativité : C’est une tache difficile que de satisfaire toute

la communauté musulmane d’un point de vue représentatif. Des groupes, des communautés se

retrouvent ainsi souvent écartés. Ce qui est le cas dans la consultation des musulmans de France.

Tout d’abord au niveau identitaire et nationaliste, certains n’y trouvent pas leur compte comme

les Turcs, les Africains qui sont totalement absents des discussions, ou alors les Algériens qui se

sentent lésés au profit des Marocains et des Tunisiens. En second lieu, ce sont des groupements

catégoriels qui sont oubliés. Les jeunes, les femmes, les intellectuels, les convertis, les harkis et

enfin les musulmans non pratiquants n’ont pas été consultés. Regrettable omissions pour

certains :

« La représentation du culte concerne tou s les musulmans y compris ceux qui ne prient pas.

Ces derniers sont interpellés au premier chef par des sujets aussi divers que l’annonce du

ramadan, de l’Aï d ou, encore l’enseignement religieux, et la question de l’inhumation. Car le

jour de leur décès, c ’est au sein d’un cimetière musulman que ces personnes seront inhumées

62 Le Monde, 15 janvier 2000.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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selon leur volonté. Le culte touche aussi bien les musulmans pratiquants que non

pratiquants »64.

- Le choix des protagonistes : Sur ce point, j’aimerai reprendre les termes du journaliste

Salah Bariki :

« Il faut savoir qu’un Ministre de l’Intérieur ne consulte jamais les bonnes personnes par

définition »65.

Constat fait sur le ton de l’ironie, mais qui sera toujours réaliste, même avec les meilleures

volontés du monde.

Un point sur lequel la majorité des musulmans s’accordent est celui de l’indépendance des

représentants par rapport aux pays d’origine. L’honnêteté et la compétence de l’instance

représentative sont de même mises en avant. Et c’est justement l’aptitude de certains signataires

qui est remise en question :

« Certaines personnalités contactées lors de la cérémonie des voeux à l’Elysée n’ont jamais

rien fait pour la communauté... Les personnes consultées ne sont pas toutes représentatives »66.

C’est pourquoi des musulmans proposent d’autres systèmes de représentativité :

« Pourquoi ne pas organiser un vote dans toutes les mosquées. Avec un système qui mettrait

en place des délégués régionaux, qui à leur tour éliraient un conseil de douze personnes puis un

porte parole par e xemple »67.

Mais je crois malheureusement que le problème ne sera jamais résolu. En effet, chaque

communauté, chaque groupe veut sa part du gâteau et à l’arrivée, les parts risquent d’être bien

maigres.

- La définition du musulman comme « pratiquant » : Même si il n’y a pas de clergé établi

dans la foi musulmane, on peut faire une distinction entre laï ques, qui constituent la base

croyante, et les clercs, qui ne sont pas forcement des religieux mais qui sont considérés comme

des pratiquants militants. La deuxième catégorie est favorablement représentée à l’instar des

pratiquants qui se contentent, honorablement, des prières et des jeûnes. Il est à croire que le

musulman « de base » n’a pas son mot à dire au niveau national. C’est pour cela qu’une élection

63 Islam de France, revue d’information et de reflexion musulmane, op. cit., p. 77 – 78. 64 Islam de France, revue d’information et de reflexion musulmane, op. cit., p. 63. 65 Ibid, p. 67. 66 Ibid, p. 60 – 61. 67 Ibid, p. 66.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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démocratique permettrait à chacun de se sentir acteur d’une organisation à échelle, tout d’abord

locale puis, nationale.

- L’indépendance à l’égard de l’étranger : Aujourd’hui encore, la grande majorité des imams

est formée à l’étranger et les pays musulmans fournissent des fonds monétaires aux musulmans

français afin de financer l’édification de Mosquées. Mais pour de nombreux musulmans,

l’intégration de l’Islam en France passe en partie par une indépendance totale par rapport aux

pays d’origine. Car les musulmans veulent être considérés comme des français à part entière :

« Si les musulmans sont des citoyens français comme tout le monde, on ne doit pas confier

leur destin à des pays étrangers »68.

Le principe de représentation en Islam : Les deux co-rédacteurs de cet article, Saï d Branine

et Michel Renard, rappellent que

« la seule représentation légitime en Islam est celle que procure le savoir et la piété »69.

Il n’existe aucun clergé en Islam, aucune hiérarchie et, par conséquent, aucune

représentativité cultuelle. Les imams et les ulméas sont des personnes reconnues par tous de par

leurs compétences, entre autres, intellectuelles et spirituelles.

Outre ces reproches faits à la consultation des musulmans de France, il est encore une chose

à signaler. Le Ministère de l’Intérieur et des Cultes, Jean-Pierre Chevènement, demande aux

organisations musulmanes, participant à la consultation, de signer un texte affirmant leur loyauté

quant aux principes républicains. Personnalités et organisations s’indignent face à cette

discrimination. Pour la Ligue des Droits de l’Homme, il s’agit d’

« une violation flagrante de la liberté d’association »70.

Les associations de jeunes musulmans sont de même outrées par de telles méthodes qui ne

facilitent pas l’intégration de l’Islam en France :

« la loi républicaine et le cadre laï que s’imposent de fait à tous, sans aucune exception. Il

n’est ni nécessaire, ni acceptable qu’une partie de la population soit sommée de ratifier un texte

spécifique - fut-il rédigé par le Minis tre de l’Intérieur »71.

68 Islam de France, revue d’information et de reflexion musulmane, op. cit., p. 70. 69 Ibid, p. 78. 70 Ibid, p. 53. 71 Ibid, p. 59.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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Suite à ces difficultés rencontrées par les musulmans de France, il est notable de signaler

que l’Union Turco-Islamique d’Affaires Théologiques en France et la Mosquée Ad’Dawa se sont

retirées de la consultation et n’ont pas validé les « principes et fondements juridiques régissant

les rapports entre les pouvoirs publics et le culte musulman en France ».

Ces critiques ne sont pas négligeables mais il faut avouer que dans sa majeure totalité, la

communauté musulmane de France approuve l’entreprise du gouvernement et espère que cette

fois, elle aboutira.

Pour Jean-Pierre Chevènement, l’instance représentative de l’Islam pourrait ressembler

structurellement à la Fédération Protestante de France. Le rôle du Ministre ne sera que celui d’un

observateur, en effet,

« il faut faire confiance au mouvement, au dialogue entre les sensibilités »72.

Et déjà, des idées se font jour, comme celle d’un conseil représentatif « bicéphale » suggérée

par Ibrahim Halitim, imam de Louvroil :

« Un conseil s’o ccuperait des affaires institutionnelles, et un autre (conseil des sages ou

imams, peu importe le nom...) serait capable de légiférer sur des questions qui se posent aux

musulmans de France avec les moyens de faire connaître ses directives. Son autorité se ra

d’autant plus reconnue qu’il représentera toutes les tendances et les courants de pensée qui

traversent notre communauté »73.

Le 20 avril 2000 a eu lieu la deuxième réunion plénière des participants à la consultation sur

l’Islam en France. Trois sujets ont été mis sur la table : les lieux de culte, le statut des ministres

du culte et les aumôneries. La question des abattages rituels de la fête de l’Aï d el-Kébir a été

abordée car la France est dans une situation critique : elle risque d’être l’objet d’une procédure

d’infraction, si elle ne respecte pas les directives européennes quant aux règles d’hygiène.

Il faut espérer que ce sujet ne s’éternisera pas, et que, comme l’a annoncé le Ministre de

l’Intérieur, dans un an, l’Islam possédera une instance représentative. Toutes les démarches et

toutes les demandes de la population musulmane française auront alors plus de chance d’aboutir.

En guise de conclusion à cette partie sur la reconnaissance d’activités et plus précisément

sur la question de la représentation de l’Islam en France, au niveau national, je voudrais prendre

l’exemple de la Belgique qui, il y a maintenant plus d’un an, a pris le sujet à bras le corps et a

72 Le Monde, 19 février 2000.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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permis aux musulmans belges d’élire, le 13 décembre 1998, un « Organe chef du culte ».

Aujourd’hui, 17 membres composent l’exécutif des musulmans de Belgique. Même si pour les

organisateurs musulmans et les autorités belges, l’Organe chef du culte est le seul moyen

« d’asseoir sa légitimité », il n’en demeure pas moins que des points faibles se font jour, en effet,

« légalement, un tel organe n’est pas le représentant des membres d’un culte, mais

uniquement des personnes morales, reconnues par le roi, qui gèrent les biens d’un lieu de

culte »74.

De plus, un an et demi après le scrutin, aucune mosquée, ni aucun imam n’a obtenu de

subvention publique . Malgré ces quelques problèmes, l’Islam belge a obtenu une véritable

reconnaissance. La France, qui aujourd’hui s’est lancée dans un travail de fond dans les domaine

de l’organisation de l’Islam français, devrait tirer des leçons des échecs et des réussites de sa

grande sœur belge.

73 Islam de France, revue d’information et de reflexion musulmane, op. cit., p. 4. 74 Le Monde diplomatique, juin 2000.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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SECONDE PARTIE

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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UN VIS A VIS TRES PARTAGE

1. L’ACCUEIL DE L’ISLAM EN FRANCE

Le terme d’accueil utilisé ici peut paraître désuet, dépassé, étant donné que l’Islam est

présent en France depuis déjà quelques décennies, mais les signes d’intégration réelle sont

tellement dérisoires qu’il faut, encore aujourd’hui, parler d’accueil et qu’il faudra, je pense, en

parler encore durant quelques années, malgré les efforts qui sont faits et qui sont à venir. Quant à

la question de l’accueil, on peut observer deux faits opposés : la peur et la curiosité. Le premier

est ressenti par un grand nombre de français qui ne savent pas à quel saint se vouer en ce qui

concerne l’Islam et qui ignorent tout de cette religion. Le deuxième est composé pour l’essentiel

de personnes en recherche, mais pas uniquement spirituelle. Nous allons donc étudier ces deux

phénomènes en faisant intervenir des faits d’actualité.

1.1 LA PEUR, LE REJET

A. LES FRANÇAIS FACE A L’INTEGRISME

Comme introduction à cette partie, je reprendrais les mots de Dalil Boubakeur concernant

l’intégrisme, qui témoignent que cette réalité n’est pas l’apanage des seuls musulmans :

« C’est en effet vers la fin du XIXè me siècle que ce mot et ce concept ont été utilisés par des

mouvements réactionnaires catholiques espagnols prônant l’établissement d’un pouvoir

politique religieux en Catalogne, sans succès cependant. Les tentations de l’idéologisation

religieuse ont conc erné d’autres religions »75.

Mais, même si en tant que chrétien, nous devrions plus souvent arrêter de regarder la paille

qui se trouve dans l’œil de notre voisin et nous concentrer sur la poutre qui nous obstrue la vue,

on ne peut se voiler la face : des musulmans intégristes commettent effectivement, en France, des

actes terroristes.

La crainte de l’Islam commence avant tout par une réelle appréhension de l’intégrisme et

des actes barbares, des attentats qu’il entraîne. Les échos des pays étrangers ne font

qu’envenimer cette phobie.

75 Azeroual Y., Foi et République, p. 39.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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Pour comprendre les réactions craintives de la plus part des français, il suffit de prendre en

compte certains faits qu’il est impossible de nier, mais dont on peut cependant minimiser l’effet

sans pour autant les excuser.

LES ATTENTATS

Il y a de cela quelques années, la peur envers le monde musulman a envahi tous les esprits

suite à une série d’attentats survenus en France (attentat du Tati de la rue de Rennes, à Paris, en

1986). Trop jeune à l’époque, je me suis rendue compte de ces problèmes lors de la seconde

vague d’attentats qui a frappé le métropolitain et les rues de Paris en 1997. La peur des transports

en commun a été surpassée par la phobie du maghrébin : un « barbu » assis dans le métro, en

possession d’un sac à commissions, était soit dévisagé, dans le meilleur des cas, soit pris d’assaut

et interpellé par cinq ou six CRS. Durant cette période, « le délit de sale gueule » était plus

qu’une réalité, quoiqu’en pensent et disent les autorités. Cette réalité n’a malheureusement pas

facilité, ni favorisé l’intégration des jeunes maghrébins musulmans et ce à cause d’un regrettable

problème de faciès.

La phobie française envers les musulmans peut être légitimée par les événements survenus

en France au cours des dernières années, mais elle est aussi influencée par l’actualité étrangère et

les médias.

LES MEDIAS ET L ’ACTUALITE

Les faits qui secouent certains pays musulmans ne font pas très bon échos en France et

influencent considérablement les mentalités. La guerre du Golfe a développé la peur du danger et

de la menace arabe. De même,

« l’affaire Rushdie a largement contribué à majorer dans l’opinion publique le sentiment du

péril iranien en France »76.

A cela, il ne faut pas omettre d’ajouter l’enlèvement récent (avril 2000) d’une vingtaine de

touristes, dont trois touristes et trois journalistes français, aux Philippines par des musulmans

intégristes, qui n’en sont pas à leur premier acte terroriste pour faire entendre leurs

revendications. Ainsi, la scène internationale noirci l’image du musulman en France.

76 Boyer A., L’Islam en France, PUF, collection « Politiques d’aujourd’hui, Paris, 1998, p. 158.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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Il faut bien admettre que l’intégrisme existe vraiment et qu’il fait des ravages dans bien des

pays et, entre autre, en France. Il ne faut cependant pas se focaliser uniquement sur ce

phénomène car, si il est malheureusement évident que l’on peut trouver sans trop de difficultés

des sites musulmans intégristes sur internet, il est tout aussi aisé de se procurer des adresses

internet nous fournissant des informations sur le Ku Kux Klan nouveau venu des Etats-Unis. Car

comme le souligne avec justesse la revue Reforme,

« l’Islam n’a pas le privilège de l’intégrisme »77.

Islam ne rime pas fatalement avec intégrisme et ceux qui tentent d’assimiler islamisme et

nazisme, comme nous le montre Jocelyne Cesari78, permettent encore une fois d’affirmer la

méconnaissance de la religion musulmane et la peur de l’inconnu.

LES ORIGINES DE L ’EXTREMISME EN FRANCE

Bien que la doctrine de l’Islam soit hostile aux fanatiques et aux extrémistes, l’intégrisme

français musulman, comme on l’a vu précédemment, existe bel et bien. C’est Dalil Boubakeur,

recteur de la Grande Mosquée de Paris, qui nous en donne lui-même les causes premières :

- la jeunesse, « perturbée par des problèmes de nature psychologique, identitaire ou

sociale » tombe dans « la délinquance, les dérives extrémistes... ».

- « la nullité pratique du dialogue franco -musulman est la cause première des recherches de

ressources auprès des pays musulmans »79,

ce qui peut alors provoquer certaines dérives extrémistes. En particulier quand on sait que

dans des pays comme la Jordanie ou l’Egypte, les islamistes (comme la Société des Frères

Musulmans, fondée en 1928 et à l’origine de la création du Hamas en Palestine) sont les seuls à

proposer à la population un message idéologique.

Jean-Paul Willaime, sociologue des religions, donne des explications plus psychologiques

quant à ce phénomène intégriste dans notre pays :

- « on voit dans les radicalismes religieux un rapport traditionaliste à la tradition : il faut

revenir à la tradition musulma ne... authentique. Dire cela témoigne qu’on a le sentiment de ne

plus vivre dans la tradition », ce qui est le cas en France : les immigrés musulmans ont été

implantés dans une société ignorante de cette tradition musulmane et il a bien fallu la faire

revivre.

77 Réforme 2872. 78 Cesari J., Etre musulman en France aujourd’hui, Hachette, 1997, p. 13. 79 Réforme 2839.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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- « dans des conjectures de profonds changements économiques et socioculturels, deux

grandes aspirations entrent en tension : l’aspiration à l’identité - pouvoir dire qui on est -, et

l’aspiration à l’autonomie personnelle, à la liberté. Cette tensio n traverse chaque groupe

religieux et chaque personne. Après une phase d’ouverture généreuse à la société, aux valeurs

séculières, aux formes de la société moderne, apparaît une prise en compte plus marquée de la

nécessité de bien signifier les contours de son identité. Ce qui est spécifique dans une société

sécularisée de plus en plus pluraliste, où le problème ne consiste plus à s’émanciper des groupes

religieux mais à dire le sens de son appartenance au monde juif, protestant, catholique ou

musulman »80,

ici, en ce qui nous concerne, il s’agit du monde musulman.

B. LA PEUR DE LA DIFFERENCE

L’inconnu se résume, en fait, à peu de choses et bien souvent, à des choses sans grande

importance : les habits (bien qu’aujourd’hui, la majeure partie des musulmans se noient sans

problème dans la foule), la nourriture (sans porc, sans alcool), le rythme de vie (prières,

ramadan...). Mais tout cela contribue à entretenir le processus de rejet de l’autre, de l’étranger.

« La peur de l’étranger est particulièrement for te à l’égard des musulmans : ils sont très

« différents » du point de vue ethnique, culturel et religieux, ce qui provoque des refus de

contacts avec eux et les met en situation d’isolement »81.

et c’est alors que l’on rentre dans un cercle vicieux : rejet - isolement - marginalisation -

peur - rejet et ainsi de suite. Aucun dialogue ne peut naître avec un tel comportement et aucun

rapprochement de culture ne peut avoir lieu.

Si un tel rejet existe, il est dû entre autre à un manque de connaissance de la religion

musulmane et à une incompréhension qui s’en suit forcément. Je pense que deux phénomènes

actuels peuvent en partie expliquer ce problème rencontré par la population musulmane :

- la crise rencontrée par les croyances traditionnelles établies en France, comme le

catholicisme, est le premier phénomène qui peut permettre de comprendre un tant soit peu notre

problème. Si certains, il est vrai, sont en quête de spirituel et se détournent des religions

traditionnelles pour se rattacher à l’Islam, d’autres, au contraire, estiment que la religion, en

général, est, soit désuète, soit une affaire strictement privée ; alors, protestants, catholiques et

80 Réforme 2872. 81 Chrétiens et musulmans, un dialogue possible, FPF, 1983, p. 8.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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surtout musulmans pour lesquels la religion est bien plus qu’une affaire privée, sont montrés du

doigt.

- le deuxième phénomène est le racisme, pour lequel, la haine de l’étranger est due à une

peur de l’inconnu. Et si les cibles préférées de ces extrémistes sont les maghrébins, l’exclusion

sous forme souvent violente, perturbe l’intégration des musulmans en France. C’est dans ce

système de complète intolérance qu’est entretenu un malentendu qui pose le problème musulman

comme étant avant tout un problème social et non religieux, il s’agit de l’assimilation que l’on

peut faire entre le terme « arabe » et celui de « musulman ». En effet, on utilise souvent à tort ce

terme péjoratif d’ « arabe » (problème linguistique résolu par les jeunes eux-mêmes, qui

préfèrent parler de « beur ») pour parler des musulmans, alors que tous les maghrébins ne sont

pas musulmans et que de plus en plus de français sont musulmans. L’aspect social joue sur les

mentalités et cela se traduit, dans un sondage du mois de mars 2000, par l’annonce de chiffres

impressionnants : 63% des français estiment « qu’il y a trop d’arabes en France »82

Ce qui montre que le processus d’intégration n’est pas au bout de ses peines et que la France

xénophobe, par contre, a de beaux jours devant elle.

Les français ne s’habituent que très difficilement à la mentalité méditerranéenne, qui peut

effectivement choquer, mais qui, avec un peu de tolérance, peut être relativisée.

Un des points majeurs de l’incompréhension est en relation avec la place du garçon au sein

de la famille : le garçon est roi dans la famille méditerranéenne, même si il est le cadet, il est

libre de sortir et sa place se situe dans l’espace public, alors que sa sœur est confinée aux murs

de l’habitat parental. Une inégalité qui peut faire prendre les armes aux féministes, mais qui est

tellement ancrée dans la tradition qu’elle est acceptée par la plupart, voire par la majorité. Mais

au contact d’autres états d’esprit et d’autres façons de vivre, cette tradition a tendance à se perdre

et ceux qui perdurent dans ce sens sont montrés du doigt. Le décalage entre les styles de vie est

d’autant plus vérifiable dans la vie des cités.

82 Le Monde, 16 mars 2000.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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1.2 CITES ET MELANGE ETHNIQUE

L’actualité et les médias ne cessent de nous présenter les cités comme des zones de non droit

pour les autorités, dans lesquelles, même les policiers n’osent plus pénétrer, étant souvent pris à

partie. Mais faut-il s’étonner de cet état de fait ?

Ces cités sont la conséquence de l’arrivée massive de travailleurs immigrés, en particulier

algériens et pour la plupart musulmans, dans les années 60, appelés pour faire face à la pénurie

de main d’œuvre (à bas prix peut -on ajouter !).

Les victimes de ces ghettos sont surtout les jeunes de la deuxième génération. On peut

illustrer cette situation en reprenant la citation de Dalil Boubakeur concernant la jeunesse de

l’Islam,

« perturbée par des pr oblèmes de nature psychologique, identitaire ou sociale »83.

Il est vrai que pour ces jeunes, le problème identitaire est important : ils ne sont ni d’ici, ni

de là-bas. C’est ce que souligne le chanteur Renaud dans une de ses chansons, intitulée avec

justesse « deuxième génération », qui retrace la vie d’un fils de harki, en banlieue parisienne, qui

ne voit s’annoncer devant lui qu’un avenir noir et qui ne sait pas exactement à quelle

communauté il appartient :

« Alors pour m’sentir appartenir à un peupl e, à une patrie, j’porte autour de mon cou sur

mon cuir le keffieh noir et blanc et gris. Je m’suis inventé des frangins, des amis qui crèvent

aussi » 84.

Enfermés et reclus dans leurs HLM, ces jeunes rejettent la société qui les a marginalisés et

qui, surtout, a écarté et oublié leurs pères qui, ayant quitté leur pays, sont venus travailler pour la

France. Alors, comment respecter une société qui elle-même ne les respecte pas et en particulier,

comment respecter les forces de police qui représentent, plus que tout autre chose, cette société ?

Il est indéniable que des efforts ont été réalisés par la société envers ces jeunes, en

implantant, par exemple, près de chez eux de nombreuses infrastructures (Maison pour tous,

street park, terrain de basket...). Cependant, les violences perdurent. Il faut croire que ces efforts

sont arrivés trop tardivement : le néant étatique qui a régné durant des années dans les cités a

83 Réforme 2839. 84 Le Renaud illustré, Albin Michel, Paris, 1999, p. 56.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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permis la mise en route d’un processus de non-retour. La seule solution serait de démolir tous ces

HLM, logements souvent insalubres, esthétiquement repoussants, architecturalement invivables,

dans lesquels les familles vivent les unes sur les autres. C’est une solution radicale, qui peut, bien

évidemment, être contestée. Sortir ces jeunes de leurs cités, c’est leur donner une nouvelle

chance pour démarrer ou redémarrer dans la vie. Ce serait leur insuffler un souffle vital,

nécessaire et pourtant encore inconnu de certains.

Abordons maintenant le thème du mélange ethnique (culturel et cultuel) précédemment

mentionné. La vie s’est organisée dans cet état dans l’Etat que représente la cité : la journée est

rythmée par les prières rituelles. Certaines jeunes filles et de nombreuses femmes sont voilées. Et

ce qui est le plus frappant, c’est l’esprit communautaire qui règne dans ces immeubles : il ne

s’agit pas d’un esprit individualiste, à l’occidental, mais un esprit de famille (de grande famille),

qui est un reste, une subsistance du pays d’origine.

Mais les cités ne sont pas l’exclusivité des familles d’immigrés. De plus en plus de français

« de souche » s’y sont installés : bonne ou mauvaise chose ? Insérer de nouveaux composants

dans la vie de la cité pouvait être tout comme lâcher le loup dans la bergerie, ou l’agneau dans la

meute, tout dépend de quel point de vue on se situe !

- bonne chose : l’arrivée de concitoyens français, respectés par la société, a permis de

changer la conception de la cité : ni prison, ni punition, mais simple habitation.

- mauvaise chose : certains français arrivant dans les cités ne se sont plus sentis chez eux.

Tariq Ramadan, dans une conférence intitulée « Islam et modernité », donnée le13 janvier 2000 à

Strasbourg, justifiait, en d’autres termes, ce sentiment de méfiance par la confrontation à la

culture méditerranéenne très prononcée et à des personnalités fortes.

Cependant, ces réactions, bien que compréhensibles, ne font qu’envenimer les relations

houleuses entre les arrivants et leurs hôtes. Gilles Kepel désigne ces français, retissants à la

présence d’immigrés dans leur région, par l’appellation « beaufs », qu’il définit ainsi :

« C’est le type idéal du Français moyen supposé chauvin, raciste, militariste, alcoolique,

violent, borné, etc. »85.

85 Kepel G., Les banlieues de l’Islam, Le Seuil, Paris, p. 14.

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2. LES CONVERSIONS

Elles sont de plus en plus nombreuses sur le territoire français. En seulement quelques

années, elles ont passé le cap des 30 000 et certaines sources affirment qu’elles se rapprochent

des 50 000. Ce nombre important de nouveaux convertis permet à l’Islam de changer de visage

et de physionomie et peut-être lui permettra-t-il de changer aussi de statut car ces nouveaux

musulmans sont issus de tous les milieux sociaux et surtout, ils sont, pour la plus grande

majorité, de nationalité française. Ce qui peut ébranler certaines idées, malheureusement encore

trop répandues, par exemple :

« on confond souvent certaines pratiques tribales ou sociales avec l’Islam, et on identifie le

musulman avec l’arabe, alors que les arabes représentent seulement un huitième des

musulmans »86.

Mais avant d’étudier les conséquences de ces conversions, il est nécessaire de connaître les

raisons d’un tel acte : pourquoi l’Islam est-il si attrayant ? Pourquoi des milliers d’hommes et de

femmes (les femmes représentent 55% des convertis) français, occidentaux, décident de changer

radicalement de vie et de se soumettre à un nombre impressionnant d’obligations rituelles ?

Ces réactions d’accaparement sont bien loin des réactions de rejet que l’on a pu étudier

précédemment. De plus, ces convertis favorisent l’intégration des musulmans en France car il

s’agit en général de personnes déjà établies dans la société française, qui peuvent plus aisément

faire entendre leurs revendications :

« leur place emblématique dans l’Islam de France est très importante ; ils ont eu le mérite

de donner le ur voix et leur notoriété ainsi que leurs capacités intellectuelles aux sans -voix, aux

immigrés musulmans, que l’on n’écoutait pas, et à poser en termes intellectuels, souvent

directement compréhensibles dans la pensée française, le problème de la légitimi té de l’Islam

dans le concert des religions et de sa place dans la société française »87.

86 Le courrier du GERI, recherches d’islamologie et de théologie musulmane, volume 1, n° 2, hiver 1998, p. 14. 87 Boyer A., op. cit., p. 237.

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2.1 POURQUOI CES CONVERSIONS ?

Les raisons de la conversion sont nombreuses, on peut même dire que chaque conversion à

sa spécificité. Chaque homme, chaque femme a une ou plusieurs raisons bien singulières.

A. BESOIN DE SPIRITU ALITE

On ne répétera jamais assez que nous sommes dans une ère de retour du spirituel et comme

le disait André Malraux : « Le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas » ! Il semble que le

XXIème siècle ait choisi l’Islam pour s’exprimer. Jocelyne Cesari signale que,

« pour certains, l’entrée dans l’Islam est le moyen de satisfaire ce besoin de spiritualité qui

caractérise aujourd’hui les sociétés occidentales par trop désenchantées »88.

Désenchantées et surtout décevantes par leur manque de rigueur, de discipline, de réconfort

et par des Eglises trop hiérarchiquement constituées.

D’autres ont découvert l’Islam sur sa terre d’origine, en marchant sur les traces de Mahomet,

loin du monde occidental, qui de là-bas paraît bien pernicieux :

« l’Islam par son monothéisme intransigeant, mais aussi par son éthique exigeante et par

son souci de répondre aux besoins spirituels de l’individu intégré dans une communauté qui peut

s’étendre aux dimensio ns du monde par son caractère universaliste, ne tenant pas compte des

différences de race et encore moins de nation, apparaît comme un recours face au déclin d’un

Occident matérialiste qui a perdu le sens des valeurs »89.

A côté de cet aspect quelque peu réconfortant de l’Islam, certains se convertissent suite à des

recherches, des études de textes spirituels, philosophiques musulmans. Ce sont, en grande

majorité, des intellectuels, des étudiants et des artistes. Cependant, depuis quelques années, ce

phénomène touche d’autres classes sociales (ouvriers ou employés). C’est en particulier

l’intensité spirituelle et mystique qui les attire :

« la profonde spiritualité de l’Islam, la force de ses convictions autour de l’unicité de Dieu

ou la richesse de l’expéri ence mystique »90.

88 Cesari J., op. cit., p. 84. 89 Boyer A., op cit., p. 278. 90 Ibid, p. 236.

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B. VIVRE AVEC DES MU SULMANS

Côtoyer des musulmans tous les jours peut faire émettre un ras le bol, comme on l’a vu dans

la partie précédente, ou alors, donner des idées à certains.

Les premiers a avoir été tenté par l’expérience musulmane ont été les militaires, ayant

exercé en Afrique du Nord ou au Proche Orient. C’est ainsi que, dès le XIXème siècle, le

Général Ménou, successeur de Kléber en Egypte, s’est converti à l’Islam.

Mais aujourd’hui, il n’est nul besoin de partir à l’étranger pour avoir des relations soutenues

avec des musulmans. En effet, dans les zones à forte concentration de musulmans, les jeunes, qui

n’ont aucune attache religieuse, font parfois rythmer leur vie avec celles des amis de leur âge.

Vie donc cadencée par des prières, des jeûnes et incluse dans un très large esprit de famille. Ce

peut être une chance à saisir pour certains dont les conditions de vie de famille sont loin d’être

optimales : des familles démembrées, parfois et même souvent touchées par le chômage. L’Islam

est un espace favorable à une certaine stabilité pour des jeunes en proie à une crise d’identité.

Le fait de fréquenter des musulmans engendre d’autres phénomènes sociaux comme le

mariage. Qu’en est-il de cette union « sacrée » face à la conversion ?

C. LE MARIAGE

La plupart des femmes qui enrôlent la religion musulmane, le font parce qu’elles sont

mariées ou qu’elles sont en passe de s’unir à un musulman. On peut voir dans cette pratique un

certain paradoxe puisque, selon le Coran, un musulman peut épouser une non musulmane :

« L’union avec les femmes croyantes et de bonne condition et avec les femmes de bonne

condition faisant partie du peuple auquel le Livre a été donné avant vous, vous est permise »

(V,5).

Alors pourquoi ne pas profiter de cette faveur et continuer à vivre selon ses propres

habitudes sans se convertir ? Peut-être parce que l’Islam possède un attrait insaisissable,

imperceptible, qui fait qu’une fois qu’on l’a rencontré, qu’on l’a compris, on ne peut plus s’en

défaire ?

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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D. UN PHENOMENE DE MODE

Parallèlement à toutes ces raisons très louables de conversion, on ne peut exclure l’effet

mode. Aujourd’hui, tout ce qui touche à l’exotisme fait des émules. Alors une religion qui allie

exotisme et mysticisme ne peut que progresser. Mais il ne faut pas être médisant et renier les

réels intérêts de cette religion. La mode n’est bien évidemment pas la seule cause de cet

engouement. Les conversions ne se réalisent pas à la va-vite et c’est après de longues recherches

et de rudes études que le pas est franchi.

E. LES REELS INTERET S DE L’ISLAM

Nous sommes en droit, en tant qu’occidentaux chrétiens, de nous demander en quoi cette

religion est plus passionnante, enivrante, que le Christianisme. Afin de comprendre cet

enthousiasme, il est utile de reprendre un par un les arguments favorables à l’Islam, ce que

l’Islam apporte aux français et que les autres religions sont dans l’incapacité de fournir :

- Rigueur et discipline : Les devoirs des chrétiens au niveau de la pratique religieuse se

résument à peu de chose : il s’agit d’assister à la messe ou au culte le dimanche matin. On peut

ajouter à cela les études bibliques, le catéchisme (qui peuvent être considérés comme

secondaires) et surtout la confession des péchés que certains doivent effectuer auprès d’un prêtre.

Mais l’Islam propose une vie religieuse bien plus chargée, entre jeûnes, prières et pèlerinages,

qui ne sont pas seulement conseillés mais vivement recommandés, voire exigés. Voilà ce que le

Coran dit du pèlerinage, que nous n’avons pas encore aborder :

« Il incombe aux hommes, - à celui qui en possède les moyens - d’aller, pour Dieu, en

pèlerinage à la Maison » (III, 97),

« Appelle les hommes au Pèlerinage : ils viendront à toi, à pied ou sur toute monture

élancée. Ils viendron t par les chemins encaissés pour témoigner des bienfaits qui leur ont été

accordés ; pour invoquer le nom de Dieu aux jours fixés... » (XII, 27 -28).

Mais pourquoi les français ont-ils si besoin de règles ? Sans doute parce que la société

française, sous couvert de la laï cité, ne pose plus aucun repère. Les familles sont livrées à elles-

mêmes, ce qui, pendant un temps, a permis à chacun de s’épanouir, mais qui aujourd’hui place

les hommes face à eux-mêmes. C’est donc devenu une nécessité contemporaine que de retrouver

des repères : alors que certains trouvent une rigueur de vie dans le sport, la diététique, d’autres

préfèrent se tourner vers quelque chose de plus profond, de plus spirituel, mais de tout autant

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rigoureux et c’est l’Islam qui se retrouve être le plus apte à répondre à ces attentes. Rigueur et

discipline sont donc deux principes dont les français ont besoin. Malheureusement, le monde

occidental, ce monde dont on loue à tous vents la modernité, est incapable de les leur apporter.

Ils ont donc recours à l’Islam, cette religion que l’on dit dépassée et qui, somme toute, semble

être une chance pour cet Occident malade.

- Une foi sans hiérarchie établie : ce qui retarde la reconnaissance de l’Islam au niveau

national est à la fois ce qui fait son charme. Peut-être peut-on déceler ici un certain paradoxe :

plus haut nous découvrions la rigueur et la discipline de l’Islam et ici, nous apprenons que les

croyants musulmans aiment à ne pas rendre de compte à des supérieurs (sinon Dieu). Il est vrai

que dans l’Islam, l’importance est mise sur le vécu personnel de chacun, sur la vie spirituelle de

chaque individu. C’est ainsi que Leila Babès évoque la spécificité de la religion musulmane :

« La particularité de l’Islam, est que le postulat fondamental de la p rescription du bien et de

la condamnation du mal est dévolu, non à une institution politique ou une autorité religieuse

centralisée, mais à la liberté de chacun, même si cette éthique est aussi normative, et fait

intervenir l’avis des autorités religieuses »91.

Elle va même plus loin en affirmant que cet état de fait est dû, entre autres, à un rejet de la

vie religieuse des parents :

« La distance prise à l’égard de la religiosité diffuse et implicite des parents explique

évidemment cette tendance à s’inscr ire dans un Islam scripturaire qui favorise un rapport

rationnel, individuel au sacré. D’où leur adhésion à un discours marqué par les constructions

intellectuelles, mais sans que celles -ci soient clairement identifiées comme idéologiques. D’où le

fait que leur vécu communautaire ne se transforme pas en communautarisme. Les questions

d’organisation ne semblent guère les intéresser, du moins pour l’instant »92.

Mais il est indéniable que l’Islam n’est pas la seule religion dans ce cas. Le Protestantisme

également ne possède pas d’Eglise rigidement structurée, à la différence de l’Eglise catholique

pour qui le clergé tient un rôle considérable. Malgré la similitude constatée entre Protestantisme

et Islam sur ce point, il existe une distinction de poids : le Protestantisme est organisé au niveau

national (la Fédération Protestante de France en est la preuve), ce qui lui assure une certaine

représentativité vis à vis de l’Etat. Mais en dépit de ce retard, l’Islam capte davantage l’attention

des français.

91 Islam de France, Revue d’information et de réflexion musulmane, n°7, Al-Bouraq – Mémoralis, Paris, 2000, p. 16. 92 Ibid, p. 21.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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- Pour certains, c’est dans la permanence de l’Islam qu’ils trouvent un réconfort, une

confiance. Il est vrai que les dogmes ne sont ni revus, ni corrigés. C’est une stabilité recherchée

qui tranche avec un rythme de vie occidental inconstant et mouvementé. Selon les différentes

écoles musulmanes, les dogmes n’ont pas tous la même importance, mais elles se tiennent à une

ligne de conduite qui ne varie pas. A l’inverse de l’Eglise catholique dont les dogmes sont sans

cesse remis en question, preuve en est, la confession commune sur la justification par la foi,

accord qui, il y a encore quelques années, était impensable. De telles surprises ne peuvent faire

leur intrusion au sein de l’Islam (et si cela est le cas, ce n’est qu’à titre exceptionnel).

Voici donc un bref aperçu des raisons profondes qui peuvent pousser des français à se

convertir à l’Islam. Maintenant que nous avons étudié le pourquoi de ces conversions, nous aller

nous pencher sur la question du comment.. De quelle façon devient-on musulman ? Que faire

pour intégrer la communauté ?

2.2 COMMENT SE CONVERTIR ?

Avant d’aborder ce sujet, j’aimerai reprendre les termes de Mohammed Patel qui concernent

la conversion d’une façon bien particulière et surtout emplie de sensibilité et de sagesse (sagesse

musulmane, bien évidemment) :

« Le Prophète Mohammed nous a appris que toute personne qui vient au monde naît avec de

bonnes dispositions naturelles avec la reconnaissance d’Allah ancrée au fond de son être ; par

la suite, c’est en raison de divers facteurs que c e message originel est altéré et que l’individu

choisit une voie autre que l’Islam. Quand il revient vers cette religion, il ne s’agit donc en réalité

que d’un retour aux sources et d’une re-conversion »93.

La conversion à l’Islam s’effectue en plusieurs étapes, chacune prenant une tonalité

particulière. Théorie et pratique ont leur rôle dans ce rite de passage.

93 http://islam-fr.com

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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A. L’INTENTION

On ne devient pas musulman sur un coup de tête passager. En effet, l’entrée dans l’Islam se

fait avec une intention, celle de se rapprocher de Dieu et de cesser de s’en éloigner. Un hadith du

Prophète est souvent cité pour illustrer la notion abstraite d’intention :

« Les actes valent en fonction de la valeur des intentions qui les ont motivés et chacun sera

rétribué selon ce qu’il a voulu faire. Celui qui émigre pour Dieu et son Envoyé, son émigration

lui sera effectivement comptée comme étant pour Dieu et son Envoyé. Quant à celui dont

l’émigration a pour but d’acquérir des biens de ce monde ou d’épouser une femme, son

émigration lui sera comptée en fonction de ce vers quoi il a émigré »94.

C’est par conviction, par croyance aux principes et aux dogmes fondamentaux et

rudimentaires de l’Islam que le pas pourra être franchi. Ces principes sont au nombre de trois :

- unité divine

- révélation coranique

- Mahomet est l’Envoyé de Dieu

Cette croyance doit être accompagnée de la décision de respecter les ordres, les interdictions

dictés par le Coran. Il est important de préciser que cette décision se fait en parfaite connaissance

de cause et que le futur converti est pleinement responsable de ses actes.

C’est dans cet état d’esprit, ainsi définit, que le rituel initiatique va pouvoir commencer.

B. LE RITUEL

C’est par une purification que la conversion va débuter. Il s’agit en effet de prendre un bain,

de se raser (les poils des aisselles et du pubis), de porter des vêtements propres et de se parfumer.

La phase suivante est plus conceptuelle, c’est l’attestation de foi, la Chahâdah , qui de préférence

doit être récitée en arabe :

« Achhado u An La Ilaha Illa Allah Oua achhadou Anna Mohammed rassoul Allah »,

« J’atteste qu’il n’y a point d’autre divinité que Dieu, et j’atteste que Mohammed est l’Envoyé de

Dieu ».

Phrase qui n’est pas sans importance et qui pousse certains à réduire la conversion à ces

quelques mots :

94 Cesari J., op. cit., p. 84 – 85.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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« La conversion à l’Islam est aisée puisqu’il suffit de prononcer la « Chahâdah », la

profession de foi »95.

Mais comme nous l’étudions ici, le rituel est plus complexe.

Suite à cette profession de foi, le musulman nouvellement converti doit se soumettre à une

nouvelle purification (ablution du corps) et à la récitation de la prière du moment. Ainsi

pleinement musulman, le converti endosse une vie nouvelle et doit accomplir toutes les

obligations qui incombent à son nouvel état, comme les cinq prières quotidiennes.

Il est à noter que l’affranchissement de toute autre religion est vivement conseillé. Il s’agit

pour cela de réciter la profession de foi détaillée :

« Je crois en Dieu, à Ses Anges, à Ses Livres, à Ses Messagers, au Jo ur du Jugement

Dernier et au destin portant sur le bien et sur le mal ».

Par la suite, il est conseillé aux hommes de se faire circoncire ; la circoncision étant le signe

de la filiation abrahamique.

2.3 LES CONSEQUENCES D’UN TEL ACTE.

Comme on vient de le voir, la conversion implique certaines obligations qui doivent être

remplies rapidement. D’autres demandent une réalisation à plus long terme.

A. L’ARABE, LANGUE S ACREE.

Déjà lors de la récitation de la Chahâdah , il est conseillé de maîtriser quelques mots d’arabe.

Mais par la suite, l’apprentissage de l’arabe devient presque une nécessité pour participer aux

cultes et aux prières car, bien qu’il soit permis de réciter les prières en arabe, sans pour autant en

comprendre le sens, mais en les récitant phonétiquement,

« il n’en demeure pas moins que seule la forme originelle en arabe est considérée comme

sainte et demeure la langue de la prière et du culte, en dépit de l’extrême nécessité des peuples

qui ont adopté l’Islam »96.

L’arabe est la langue de la révélation coranique et, afin de ne pas corrompre cet héritage, la

lecture du Coran en arabe s’impose.

95 Boyer A., op. cit., p. 5. 96 Cesari J., op. cit., p. 43.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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C’est dans la même logique d’esprit qu’il est demandé aux nouveaux convertis de prendre

un prénom arabe, comme

« le symbole d’une nouvelle naissance s pirituelle et d’une profonde transformation

personnelle »97.

Dans la tradition musulmane, l’enfant reçoit un nom sept jours après sa naissance lors d’une

cérémonie appelée tasmiya. Le nom est un moyen d’indiquer l’origine de la personne :

« Nommer un enfa nt, c’est lui désigner sa place généalogique - par rapport à son père, sa

mère, ses frères et ses sœurs, par rapport à ses ancêtres également. Si donc donner un nom

revient à donner une identité, celle -ci consiste pour l’enfant à dévoiler sa filiation »98.

Mais la conversion suppose d’autres contraintes qui peuvent influer sur la vie familiale.

B. LE MARIAGE FACE A LA CONVERSION

Plusieurs cas de figure se présente à nous :

- si un couple se convertit ensemble à l’Islam et que leur mariage a été célébré

préalablement devant un prêtre, un pasteur ou un rabbin, l’union n’a pas besoin d’être réitérée :

religions du Livre oblige !

- si ce couple a de jeunes enfants, ils deviendront eux-mêmes musulmans.

- si les enfants sont plus âgés, il leur est obligé de prononcer l’attestation de foi pour enrôler

la foi de leurs parents.

- si seul le mari se convertit, il n’est nul besoin à la femme de se convertir. Leur mariage

peut perdurer ainsi sans problème, puisque la loi islamique permet aux hommes musulmans de

s’unir à une femme non musulmane, sous condition qu’elle fasse partie d’une des religions du

Livre.

- si seule la femme se convertit à l’Islam, le mariage est alors annulé, car toujours selon le

Coran, une musulmane ne peut épouser un non musulman. Donc deux solutions se présentent au

mari : se convertir aussi afin de sauver son mariage ou divorcer.

Quelle que soit la situation dans laquelle se trouve le nouveau converti, il est incontestable

qu’une telle décision ne concerne pas seulement l’individu, mais tout son entourage familial et

professionnel, car, je ne l’ai pas mentionné auparavant, mais certains métiers sont interdits aux

musulmans.

97 Cesari J., op. cit., p. 86. 98 Benkheira M.H., L’amour de la loi. Essai sur la normativité en Islam, PUF, collection « Politiques d’aujourd’hui », Paris, 1997, p. 371.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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La conversion n’est pas une chose à prendre à la légère, c’est savamment qu’elle doit être

entreprise.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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TROISIEME PARTIE

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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LE DIALOGUE INTER-RELIGIEUX

1. QUEL EST-IL, A QUOI SERT-IL ?

1.1 DEFINITION

Le dialogue interreligieux est très à la mode depuis quelques années. Cependant, les

définitions du terme « dialogue » sont nombreuses et souvent , elles sont loin de ce que l’on

pourrait attendre. En guise de dialogue, nous avons parfois à faire à des mises en garde contre

telle ou telle religion. L’enjeu de cette introduction est de préciser ce que j’entends par le terme

de dialogue interreligieux, en m’appuyant sur des définitions déjà élaborées :

- « le dialogue qui est fondamentalement un apprentissage à la tolérance et au respect

mutuel. En effet, il s’agit de se rencontrer sur un pied d’égalité et dans un esprit de réciprocité

de manière à tenir l’équili bre entre d’une part, l’écoute de la foi et des attentes d’autrui, et, de

l’autre, le témoignage rendu à ses propres convictions »99.

C’est ce que, selon l’auteur, les communautés protestantes prônent ; les communautés

traditionnelles, telles que l’ERF, l’ERAL, l’EELF et l’ECAAL100 car, dans d’autres milieux

protestants, la tolérance n’est pas de mise et quand on y parle de dialogue interreligieux, il faut

penser en terme d’évangélisation. Mais la majorité des protestants, il est vrai, estime que les

rapports établis avec les autres religions doivent perdurer sous la forme d’un dialogue ainsi

défini et non sous la forme d’une évangélisation, ni non plus sous la forme de réunions

conviviales sans fond théologique (bien évidemment, de telles réunions peuvent exister, mais

elles sont secondaires).

- « le dialogue permet de respecter l’autre différent et de le respecter en tant que tel. Le

dialogue refuse toute complaisance, toute compromission et doit être poursuivi sans arrière

pensée de syncrétisme, de prosélyt isme ou de politisation. Le dialogue est enfin source

d’enrichissement et de partage »101.

99 Judaïsme et Islam. Dans le face à face avec le Protestantisme, dossiers de l’Encyclopédie du Protestantisme, Le Cerf, Paris, Labor et Fides, Genève, 1999, p. 76 – 77. 100 ERF : Eglise Réformée de France ERAL : Eglise Réformée d’Alsace Lorraine EELF : Eglise Evangélique Luthérienne de France ECAAL : Eglise de la Confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine. 101 Chrétiens et Musulmans, un dialogue possible, FPF, 1983, p. 6.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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Cette définition prend en compte les dangers et les extrêmes vers lesquels peut se tourner le

dialogue interreligieux : syncrétisme et prosélytisme qui sont fondamentalement opposés, mais

tout aussi dangereux, l’un que l’autre, pour les religions, quelqu’elles soient.

De plus, cette définition met en avant un point essentiel qui bien souvent n’est pas retenu :

l’enrichissement mutuel. Ainsi ce sujet est omis au niveau politique en ce qui concerne

l’implantation de l’Islam en France, que l’on considère plus comme une menace que comme un

enrichissement.

- « le danger dans le dialogue islamo -chrétien est bien celui du « totalitalisme », dans

lequel, les deux traditions « sont tentées de se considérer comme détentrices de la vérité, de

toute la vérité, rejetant du même coup les autres dans la nuit de l’ignorance, de l’erreur et du

péché »102.

Il est ici encore question des dangers du dialogue interreligieux. Cependant, peut-on

vraiment affirmer que le « totalitalisme » est présent dans le dialogue interreligieux ? Je ne le

pense pas, en effet, ceux qui pensent détenir l’ultime vérité, ne condescendent nullement à ouvrir

le dialogue avec des « hérétiques » ou des « pécheurs » et si ils le font ce n’est pas pour

dialoguer mais pour évangéliser.

- « ... l’effort de dialogue est un effort de communication et d’entente... il s’agit d’un

échange dans lequel on cherche un terrain d’entente qui pourrait conduire à un projet en

commun ou à une collaboration... L’orientation du dialogue vise en fait une sorte de région

commune située au -delà des deux identités »103.

Ainsi définit, le dialogue interreligieux met en avant le dépassement des différences dans le

but de rendre possible la communication. Mais il est important de garder à l’esprit que ces

différences, malgré le dialogue, demeurent et persistent. Il n’est pas dans l’intérêt du dialogue

interreligieux d’annihiler les spécificités de chacun.

- Jean-Claude Basset dans un article sur le dialogue islamo-chrétien voit dans ce dialogue

cinq étapes nécessaires à son bon déroulement :

« se rencontrer, s’écouter, s’engager, s’interpeller, se convertir »104.

102 Jean-Claude Basset cité dans Boyer A., L’Islam en France, PUF, collection « Politiques d’aujourd’hui », Paris, 1997, p. 48. 103 Waardenburg J., Islam et Occident face à face, Labor et Fides, Genève, 1998, p. 51. 104 Missi n°53 / Mission n°79, p. 15.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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Après ce large aperçu de la notion de dialogue interreligieux, je vais tenter d’établir une

définition concise, mais tant que possible complète du dialogue tel que je le conçois : il s’agit

d’une discussion ouverte et bénéfique à chaque participant. L’enjeu n’étant pas que tout le

monde tombe d’accord, ce qui d’ailleurs est impensable, mais qu’un terrain d’entente soit trouvé

afin de travailler en collaboration, main dans la main, sans pour autant faire fi de toutes

spécificités, de toutes différences. Aucun des trois monothéismes ne peut affirmer : « nous

possédons la vérité, vous avez tort » car si ces trois religions ont subsisté jusqu'à aujourd’hui,

c’est parce qu’elles sont issues de la volonté de Dieu, de ce Dieu commun à tous, juifs, chrétiens

et musulmans. Il en est de même dans le Coran :

« Nous croyons à ce qui est descendu ver s nous et à ce qui est descendu vers vous. Notre

Dieu qui est votre Dieu est unique et nous lui sommes soumis » (XXIX, 46).

1.2 LES RAISONS D’UN TEL DIALOGUE

C’est André Amet dans son article intitulé « Mais pourquoi dialoguer », qui nous en fournit

une réponse. Ce résultat est en fait l’aboutissement d’une démarche personnelle, peu commune

ayant comme problématique :

« On m’avait dit : Portez -leur le message. Aujourd’hui, on me dit : dialoguez »105.

En effet, il peut être perturbant de passer de la vielle école de l’évangélisation à l’école

moderne du dialogue. Donc pour répondre à ses propres préoccupations, André Amet nous

propose d’entrer en dialogue avec l’autre pour plusieurs raisons :

« Plutôt que de se battre, apprendre à vivre ensemble - même et surtout si les différences

portent sur l’essentiel.

Plutôt que de s’ignorer, faire connaissance. Découvrir d’autres systèmes de pensée ou

d’expression et en enrichir les siens.

En fin de compte, respecter l’autre dans sa démarche, comme Dieu lui -même le fa it »106.

Des raisons pleines de sagesse qui ne peuvent que nous pousser plus en avant dans les voies

du dialogue.

105 Missi n°53 / Mission n°79, p. 7. 106 Ibid.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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2. HISTOIRE ET GEOGRAPHIE ACTUELLE

Judaï sme, Christianisme et Islam sont les trois monothéismes dominants aujourd’hui dans le

monde et ils y sont répartis de manière inégale. Leurs caractéristiques, malgré de nombreuses

similitudes, peuvent s’expliquer par le contexte (historique et géographique) de leur naissance.

2.1 HISTOIRE

A. JUDAÏSME

Le Judaï sme est la première des religions dites du Livre, viendront par la suite le

Christianisme et l’Islam.

L’histoire du Judaï sme commence avec, vers le XIIIème siècle avant notre ère, l’alliance

entre Dieu et son peuple, alliance qui ne cessera de se perpétuer tout au long des générations.

Mais c’est Abraham qui, le premier, se détourna de l’idolâtrie pour n’adorer qu’un seul Dieu.

Ainsi, il est considéré comme le père du monothéisme et même des monothéismes.

B. CHRISTIANISME

Jésus Christ est le prophète nazaréen, le Messie tant attendu par les juifs, mais qui sera rejeté

par les siens. Il est l’annonciateur du royaume de Dieu. Après la crucifixion du Christ, les

communautés chrétiennes vont connaître de grandes persécutions, mais vont tout de même

réussir à survivre et à s’établir dans la quasi totali té du monde.

C. ISLAM

Mahomet est né vers 570 et c’est à l’âge de 40 ans, s’étant détourné du polythéisme ambiant,

qu’il reçu son premier appel, par une révélation de l’ange Gabriel, dans la « Nuit du Destin »

(26-27 Ramadan) : il devait répandre le message divin à travers le monde. Mahomet n’est pas

considéré, par les musulmans, comme un demi Dieu, ni comme un médiateur et encore moins

comme le fondateur de l’Islam ; en effet, seul Dieu, Allah, est à l’origine de cette religion.

Mahomet est un messager, le dernier des messagers,

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

- 70 -

« Muhammad n’est le père d’aucun homme parmi vous, mais il est le Prophète de Dieu ; le

sceau des prophètes » (XXXIII, 40).

En 622, suite à des pressions et des menaces, il se rend à Médine. Le traité de Médine signé

en 623, assurait à Mahomet et à ses disciples la sécurité. Mahomet meurt en 632.

Outre ces données historico-géographiques, certains musulmans voient dans la succession de

ces trois religions une jolie métaphore de la vie humaine :

« il y eut d’abord, pour l’enfanc e de l’humanité, une religion de minutieuses observances,

qui, tel un pédagogue à l’égard de son tout jeune élève, exigeait simplement de l’homme

l’obéissance à des préceptes faciles à comprendre et dont le but était clair, mais auxquels il

devait se soume ttre, même s’il ne les comprenait pas et que le but lui en échappât ( Et telle était

la Torah). Puis vint une religion que l’on peut dire pour l’adolescence de l’humanité, parlant au

cœur et au sentiment, faisant appel à l’amour, qui dirigea le visage de l ’homme vers l’Au -delà,

et ferma aux riches les portes du ciel. Elle apprit aux hommes à adorer Dieu d’une façon qui

convenait à leur état (Et tel fut l’Evangile). Vint enfin l’Islam, qui récapitule et dépasse la Torah

et l’Evangile, qui est la religion de l’humanité parvenue à l’âge adulte, qui prend l’homme tel

qu’il est, et lui assure le bonheur en ce monde et dans l’autre »107.

Même si dans cette optique, le Christianisme est réduit à l’adolescence (âge quelque peu

ingrat), il faut avouer qu’elle résume assez bien ce que sont les bases et fondements de chaque

religion.

Il est, pour conclure, important de noter que Jérusalem est le point commun de ces trois

religions : les juifs y attendent le Messie, les chrétiens y ont vu crucifié Jésus Christ et l’ont vu

ressuscité et les musulmans la considèrent comme le site du voyage nocturne de Mahomet :

« Gloire à celui qui a fait voyager de nuit son serviteur de la Mosquée sacrée à la Mosquée très

éloignée (le Temple de Jérusalem) dont nous avons béni l’enceinte » (XVII, 1). Il est donc

compréhensible que cette ville trois fois sainte, l’expression prend ici tout son sens, soit la proie

d’affrontements violents.

107 Gardet L., Islam, religion et communauté, Desclée de Brouwer, Paris, 1967, p. 392.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

- 71 -

2.2 GEOGRAPHIE

Depuis leur naissance, les religions monothéistes ont migré et leurs implantations actuelles

sont souvent éloignées de leurs pays et lieux d’origine. Les cartes jointes en annexes montrent

les développements et les expansions qu’ont connu le Judaï sme, le Christianisme et l’Islam et

cela à partir de 1450108.

On peut voir que seul le Judaï sme s’est cantonné à la terre d’Israël, dont la possession est

aujourd’hui remise en question. Le Christianisme s’est répandu en Europe (Russie y compris)

ainsi qu’en Afrique de par le colonialisme, et en Amérique. L’Islam quant à lui s’est propagé en

Afrique du Nord, au Moyen Orient, mais aussi en Indonésie. Le Christianisme et l’Islam forment

des blocs compacts, cependant, ces cartes ne prennent pas en compte l’évolution de l’Islam en

Europe où cette religion se développe rapidement.

Pour une telle étude, il faut faire appel à d’autres moyens de travail tels que les tableaux

proposés par l’Etat des religions dans le Monde , tableaux prenant en compte tous les pays

d’Europe, ou encore un tableau plus grossier, qui redessine la carte de l’Europe en tenant compte

des différentes confessions chrétiennes109.

Pays Autriche Belgique Danemark Espagne Finlande

population en

millions

7,55 9,85 5,11 38,6 4,9

musulmans en

% ou en

valeur réelle

0,6

1,1

0,2

5500

940

France Hongrie Italie Norvège Pays-Bas Pologne

55,2 10,6 57,1 4,15 14,48 37,3

3 2000 0,1 0,1 1 1080

108 Conférer cartes en annexe page 102 et 103, source : O’Brien J. et Palmer M., Atlas des religions dans le monde, Editions autrement, Paris, 1994, p.18 et 92.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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Portugal Suède Suisse

10,23 8,35 6,4

800 0,1 0,3

Pays Catholiques Protestants Orthodoxes Musulmans Athées

Belgique

France

Pays-Bas

Allemagne

Gr.-Bretagn e

Roumanie

Yougoslavie

Bulgarie

Chypre

Grèce

Albanie

100 %

75 %

50 %

30 %

10 %

1 %

Malgré ces sources quelque peu anciennes, on s’aperçoit que la France avec 3% de

musulmans est le pays de l’Europe occidentale qui accueille le plus de musulmans. Il est donc

naturel que l’état mette tout en œuvre pour recevoir décemment cette religion qui, est -il encore

besoin de le rappeler, est la deuxième religion française.

109 Source : L’état des religions dans le monde, La Découverte / Le Cerf, Paris, 1987, p. 332, 334, 339, 348, 356.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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3. DIVERGENCES ET CONFLITS

3.1 ISLAM ET JUDAÏSME

Pour étudier le dialogue qui existe entre juifs et musulmans, on ne peut, bien évidemment

pas, faire abstraction des événements qui soulèvent la Palestine en ce moment, d’autant plus

depuis les récents échecs des négociations de Camp David (juillet 2000). En effet, ces

événements influent énormément sur les mentalités françaises.

Que dire des affrontements qui opposent palestiniens et israéliens en Palestine et à Jérusalem

même ? Peut-on en tant qu’occidentaux, qui plus est chrétiens, interférer dans ces rapports et

décider de qui a tort et qui a raison ? Nous avons un point de vue trop éloigné pour être

réellement objectifs. Ce qui pourrait jouer en faveur de notre rôle de juge est le fait que nous

n’ayons que peu de rapports sentimentaux ou personnels à cette ville. Mais même si nous ne

pouvons juger, nous pouvons prendre note de ce qui se passe en Israël et jouer les modérateurs

là-bas, mais aussi ici car la scène internationale fait pression sur notre vision des choses et ne

joue malheureusement pas en faveur de l’insertion des musulmans dans nos villes.

Ce que laisse entrevoir les médias est souvent loin de ce qui se passe réellement dans ce

conflit. Ce n’est pas le commun des mortels que l’on voit sur nos écrans cathodiques, ce sont les

personnalités, les autorités politiques. Ce que vivent les gens sur le terrain est très loin de ce que

l’on peut imaginer.

Le quartier arabe de Jérusalem n’est en rien semblable au quartier juif, aéré et propre. Les

musulmans vivant à Jérusalem ont beau payer les mêmes impôts que leurs voisins, ils ne voient

jamais leurs ordures ramassées, ce qui rend le quartier quasi - invivable.

Pour ce qui est des palestiniens, Pierre Kopp nous rappelle qu’ils peuvent vivre sous

différents statuts :

« soit en étant un citoyen israélien qui vit sous tension et sous surveillance, soit comme

apatride sur sa propre terre à l’intérieur de territoires dits « autonomes », étouffé politiquement,

militairement, socialement et économiquement, soit comme réfugié éternel réfugié pratiquement

sans droit dans des camps datant souvent de 1948 ou 1967 »110.

On connaissait la diaspora juive, mais cette diaspora palestinienne est depuis trop longtemps

passée sous silence. Malheureusement pour ces personnes, elles ne rentreront pour la plupart

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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jamais dans leur territoire et ne récupéreront pas les terres de leurs ancêtres, qui se situent en

territoire occupé.

A cela, il faut ajouter que la naissance de l’Etat d’Israël, il y a maintenant plus de cinquante

ans, n’a fait qu’envenimer les conflits, en effet,

« l’existence d’Israël n’a jamais cessé d’être contestée par les Arabes, auxquelles elle a été

imposée de force et qui la ressentent comme le symbole de l’impérialisme occidental »111.

Mais cette accusation nous fait entrer dans des débats politiques qu’il est préférable de

laisser de coté.

Aujourd’hui, alors que la lumière se fait jour sur ce sujet, on peut espérer un changement de

mentalité car, « si l’antisémitisme n’a pas disparu, il est ouvertement dénoncé dans la presse et

condamné par la justice alors que l’anti -islamisme tend à se renforcer, encouragé par les

médias... »112.

Pour ce qui est des relations entre juifs et musulmans en France, elles sont peu nombreuses

et souvent les échanges se font par l’intermédiaire d’une tierce personne, souvent l’Eglise

chrétienne.

3.2 ISLAM ET CHRISTIANISME

Ce dialogue me touche personnellement car je suis chrétienne et c’est en tant que telle que je

veux entrer en dialogue avec l’Islam, selon les règles d’un dialogue que j’ai définit en

introduction à cette partie.

Pour comprendre les bases sur lesquelles le dialogue entre chrétiens et musulmans s’appuie,

il faut avoir à l’esprit les différences qui existent entre ces deux religions. Les points de rupture

concernent bien évidemment les dogmes importants de chaque partie.

110 Le Messager évangélique n°23, 4 juin 2000. 111 Clévenot M., Histoire des religions, religions dans le monde, CRDP de Besançon, 1991, p.79. 112 Missi n°53 / Mission n°79, p. 14.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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A. CHRETIENS FACE A L’ISLAM

Six points de divergences sont à retenir en priorité selon Jacques Waardenburg113, ils sont

les suivants :

- il ne peut y avoir de révélation après Jésus-Christ

- le Coran ne peut revendiquer le statut de révélation

- Mahomet ne peut être prophète car il a fait des actes infâmes

- l’Islam rejette le salut universel par le Christ

- l’Islam ne fait pas de différence entre le spirituel et le séculier

- l’Islam a une éthique peu personnelle et peu rigoureuse

En ce qui concerne la question de la validité de la révélation musulmane, les chrétiens

peuvent évidemment avoir du mal à la concevoir. Il est vrai que pour un chrétien, la révélation

biblique est définitive et totale. Et même si le message coranique réactualise pour une part le

message chrétien, il n’a pas pour autant à s’octroyer le statut de révélation.

Les chrétiens ont aussi du mal à voir en Mahomet le dernier prophète, le « Sceau » des

prophètes car pour eux, la lignée des prophètes est finie. De plus, Mahomet ne ressemble en rien

aux prophètes vétéro-testamentaires.

Si l’Islam rejette le salut par le Christ seul, c’est parce que pour les musulmans, Jésus est un

prophète comme un autre, qui n’est pas mort sur la croix, comme l’affirment les chrétiens. Bien

sur, pour des chrétiens, de telles paroles sont blasphématoires car le centre de toute théologie

chrétienne est la christologie.

Si les chrétiens reprochent aux musulmans de mêler spirituel et temporel, c’est qu’ils

craignent que des intérêts d’ordre plutôt politiques l’emportent sur le religieux.

Enfin la Loi islamique est trop importante au sein de la vie de tous les jours et trop

restrictive face aux autres peuples, ce qui empêche les musulmans d’entendre le message

évangélique.

113 Waardenburg J., op. cit., p. 45.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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B. MUSULMANS FACE AU CHRISTIANISME

La critique musulmane est peut-être plus forte et plus ancrée dogmatiquement que les

oppositions chrétiennes. Les musulmans nient plusieurs aspects de la théologie chrétienne, tels

que :

- Jésus-Christ est le fils de Dieu

- le concept de la Trinité

- la crucifixion de Jésus-Christ

- la résurrection

Les musulmans ne nient pas l’existence de Jésus, au contraire, il le considèrent comme un

grand prophète :

« Jésus, fils de Marie, est le Prophète de Dieu » (IV, 171 ).

Il est fils de Marie, ceci est indéniable. Sa naissance miraculeuse est même racontée dans le

Coran :

« Les anges dirent : O Marie ! Dieu t’annonce la bonne nouvelle d’un Verbe émanant de

lui : Son nom est : le Messie, Jésus, fils de Marie ; illustre en ce monde et dans la vie future ; il

est au nombre de ceux qui sont proches de Dieu..... Elle dit : Mon Seigneur ! Comment aurais -je

un fils ? Nul homme ne m’a jamais touchée. Il dit : Dieu crée ainsi ce qu’il veut : lorsqu’il a

décrété une chose, il lui dit : Sois ! ... et elle est » (III, 45 et 47).

Ainsi, Jésus est le fils de Marie, mais il n’est en aucune façon celui de Dieu. C’est surtout

l’idée d’une conception naturelle de Dieu qui pose problème : Dieu ne peut engendrer ! :

« Dieu est unique ! Gloire à lui ! Comment aurait -il un fils ? » (IV, 171).

Et si Jésus n’est nullement le fils de Dieu, il est encore moins Dieu lui-même :

« Ceux qui disent : Dieu est, en vérité, le Messie, fils de Marie, sont impies » (V, 17).

La punition prévue par le Coran pour qui prend Jésus comme un Dieu est conséquente :

« Dieu interdit le Paradis à quiconque attribue des associés à Dieu. Sa demeure sera le Feu.

Il n’existe pas de défenseurs pour les injustes » (V, 72).

Mais si les musulmans estiment que les chrétiens considèrent le Christ comme un Dieu, c’est

que le concept de Trinité, qui est à la base du dogme chrétien, est quelque peu flou pour des non-

initiés, d’ailleurs, pour des initiés, il est parfois tout aussi vague.

Outre la polémique sur le concept de la Trinité, c’est en particulier le fait que Dieu se soit

fait homme qui scandalise les musulmans :

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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« L’Islam va refuser le dogme chrétien de l’incarnation de Dieu en Jésus -Christ. Pour la

conception islamique, il est impossible que Dieu se soit humilié lui-même et soit entré dans la

création pour devenir pareil aux hommes »114.

Les musulmans refusent la Trinité car pour eux, il s’agit de la violation d’une notion

primordiale, celle de l’unicité de Dieu. En tant que chrétiens, nous ne pouvons qu’approuver

cette idée, nous sommes nous aussi monothéistes, mais notre façon de voir les choses, notre

adoration vouée à la Trinité fait de nous des polythéistes et plus exactement des tri-théistes. Il

suffit, pour s’en rendre compte, de lire la confession de foi des Apôtres. Les trois articles

commencent ainsi :

- Je crois en Dieu le Père tout puissant...

- Je crois en Jésus-Christ, son fils unique...

- Je crois au Saint Esprit...

Il y a de quoi se poser des questions !

Ainsi, le Coran met en garde contre cette hérésie :

« Croyez donc en Dieu et en ses prophètes. Ne dites pas : Trois ; cessez de le faire ; ce sera

mieux pour vous » (IV, 171).

Mais parfois, c’est une idée fausse de la Trinité que se font les musulmans, en écartant la

figure du Saint Esprit :

« Dieu dit : O Jésus, fils de Marie ! Est-ce toi qui as dit aux hommes : Prenez, moi et ma

mère, pour deux divinités, en dessous de Dieu ? » (V, 116).

Les musulmans accusent les chrétiens à la fois d’être tri-théistes, mais en plus d’être

mariolâtres, ce qui est une hérésie signalée et condamnée déjà par les Pères de l’Eglise.

Pour les musulmans, Jésus n’a pu mourir sur la croix. En tant que prophète, il a été élevé par

Dieu, enlevé au ciel, tel Elie :

« Comme ils continuaient à marcher en parlant, voici, un char de feu et des chevaux de feu

les séparèrent l’un de l’autre, et Elie monta au ciel dans un tourbillon » (2Rois 2, 11)

ou encore Hénoc :

« C’est par la foi qu’Hénoc fut enlevé pour qu’il ne voit point la mort, et il ne parut plus

parce que Dieu l’ava it enlevé ».

Ainsi en est-il de Jésus, il n’a pas connu la mort quoiqu’en pensent chrétiens et juifs :

114 Chrétiens et musulmans, un dialogue possible, op. cit., p. 30.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

- 78 -

« Et parce qu’ils disent : Oui, nous avons tué le Messie, Jésus, fils de Marie, le Prophète de

Dieu. Mais ils ne l’ont pas tué ; ils ne l’ont pas cruci fié, cela leur est seulement apparu ainsi.

Dieu l’a élevé vers lui : Dieu est puissant et juste » (IV, 157 -158).

La notion de sacrifice pour le péché des hommes, de même que celle de salut par la croix

sont donc inconnues des musulmans.

Enfin, les musulmans rejettent l’idée d’une résurrection physique du Christ comme preuve

de son messianisme. Cependant, le thème de la résurrection n’est pas absent du Coran, il s’agit

de la résurrection de tous les morts le jour de la reddition des comptes, du jugement dernier, où

chaque homme sera jugé selon ses oeuvres :

« Ce Jour -là, la pesée se fera : - telle est la vérité - ceux dont les oeuvres sont lourdes :

voilà ceux qui seront heureux ! Ceux dont les oeuvres sont légères : voilà ceux qui se seront eux -

mêmes perd us, parce qu’ils ont été injustes envers nos Signes » (VII, 8 -9),

« Nous poserons les balances exactes, le Jour de la Résurrection. Nul homme ne sera lésé

pour la plus petite chose ; serait -elle équivalente au poids d’un grain de moutarde, nous

l’apporter ions. Nous suffisons à faire les comptes » (XXI, 47).

Cette image de pesée des actions est quelque peu semblable à la pesée des cœurs présents

dans la mythologie égyptienne : Maât, déesse de la vérité, de la justice et de l’ordre décide de la

destinée d’une âme : une mort horrible ou un bonheur éternel. De même en est-il pour les

musulmans : les mauvais sont condamnés à des peines insupportables :

« Celui qui désobéit à Dieu et à son Prophète et qui transgresse ses lois sera introduit dans

le Feu. Il y dem eurera immortel ; un châtiment ignominieux lui est destiné » (IV,14).

Mais pour les bons, il en va autrement de leur avenir :

« Le séjour de la Paix leur est destiné, en récompenses de leurs actions, auprès de leur

Seigneur qui sera leur Maître » (VI, 12 7),

« Dis : Cela est -il meilleur que le Jardin d’éternité promis à ceux qui craignent Dieu comme

récompense et fin dernière ? Ils y trouveront ce qu’ils voudront ; ils y demeureront immortels.

C’est une promesse qui appartient à ton Seigneur et dont il ré pond » (XXV, 15 -16).

Le Jugement dernier est présent à l’esprit de tout bon croyant musulman, il ne vit que dans

la crainte de ce jour :

« Nous avons donné la Loi à Moï se et à Aaron, comme une Lumière et un Rappel pour ceux

qui craignent Dieu, pour ceux qui redoutent leur Seigneur en son Mystère et qui sont émus en

pensant à l’Heure » (XXI, 48 -49).

Par contre, les mécréants ne croient pas à ce Jugement, ils ne s’en inquiètent pas :

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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« Ils traitent l’Heure de mensonge. Nous avons préparé une flamme brûlant e pour ceux qui

traitent l’Heure de mensonge. » (XXV, 11).

Voilà pour ce qui est des différences et des divergences entre foi chrétienne et foi

musulmane, elles sont nombreuses et d’une grande importance, mais il ne faut pas oublier que

juifs, chrétiens et musulmans possèdent un héritage commun, qui permet de créer certains

terrains d’entente.

4. ENTENTE ET COHESION THEOLOGIQUES ENTRE CHRETIENS ET

MUSULMANS

« Ecoute Israël ! Le Seigneur notre Dieu est le Seigneur Un. Tu aimeras le Seigneur ton

Dieu de to ut ton cœur, de tout ton être, de toute ta force »(Deutéronome 6, 4 -5).

« C’est l’expression d’une base commune à partir de laquelle les trois religions se sont

développées selon un processus très compliqué »115.

C’est ainsi la Fédération Protestante de France introduisait sa partie sur l’origine commune

de l’Islam et du Christianisme. Mais les ressemblances entre ces deux groupes (Christianisme et

Islam) ne se limitent pas à une origine et à des traditions, c’est la théologie même qui les

rapproche. La théologie au sens premier du terme, celle qui parle de Dieu.

4.1 DIEU CREATEUR

Dieu est tout d’abord le créateur des hommes :

« Ton Seigneur dit aux Anges : Oui, je vais créer d’argile un mortel. Lorsque je l’aurai

harmonieusement formé, et que j’aurai in sufflé en lui de mon Esprit : Tombez prosternés devant

lui » (XXXVIII, 71 -71).

Dieu, dans le Coran, en créant l’homme lui donne un rôle décisif et considérable : il sera

son vicaire et l’assistera. Tout comme dans la Bible, Dieu crée la femme afin d’accompagner

l’homme :

« vos épouses, créées pour vous par votre Seigneur » (XXVI, 166).

Et, de même que dans le Livre de la Genèse, la femme a été tirée de l’homme :

115 Chrétiens et musulmans, un dialogue possible, op. cit., p. 25.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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« il a créé pour vous, tirées de vous, des épouses afin que vous reposiez auprès d’elles et il a

établi l’amour et la bonté entre vous » (XXX, 21).

Dieu a aussi créé tout ce qui existe sur terre :

« Dis : Serez -vous incrédules envers celui qui a créé la terre en deux jours ? Lui donnerez -

vous des égaux ? C’est lui, le Seigneur des mondes ! Il a fixé sur la terre des montagnes comme

des piliers. Il l’a bénie. Il y a réparti, en quatre jours exactement, des nourritures pour ceux qui

en demandent. Il s’est ensuite tourné vers le ciel qui était en fumée, et il lui a dit, ainsi qu’à la

terre : Venez , tous deux, de gré ou de force ! Ils dirent : Nous venons obéissants ! Il a établi sept

cieux en deux jours. Il a révélé à chaque ciel ce qui le concerne. Nous avons décoré le ciel le

plus proche de luminaires et de gardiens : Tel est le décret du Tout -Puissant, de celui qui

sait ! ». (XLI, 9 -12)

Bien évidemment, ce récit est loin de celui que nous présente la Genèse, ordonné et complet.

La création ainsi décrite par le Coran est répartie à différents endroits du Livre Saint, il s’agit

uniquement de quelques notations éparses.

Comme conclusion à cette partie, je reprendrai une citation de Maurice Bucaille qui expose

une problématique quant à l’interprétation des textes sacrés :

« les énoncés coraniques sur la création, pour avoir été exprimés il y a près de quatorze

siècles, ne paraissent pas pouvoir recevoir une explication humaine »116.

4.2 DIEU EST UN

Le monothéisme que le Christianisme expose est basé sur la Trinité. Le monothéisme de

l’Islam est centré uniquement sur l’unicité et la transcendance de Dieu. Malgré ces deux

caractéristiques théologiques, ces deux religions confessent , chacune à sa façon, l’unicité de

Dieu, de ce Dieu commun aux chrétiens et aux musulmans ( et aux juifs !). Si la première phrase

de la Chahâdah est la ilaha illa’llah , pas de Dieu hormis Dieu, ce n’est pas pour faire de l’effet

de style : c’est

« une insistance sur la divinité et l’unicité de Dieu qui s’exprime par le refus de donner des

définitions positives de Dieu ; car Dieu n’est pas comparable à la nature soit morte soit vivante.

Ni les yeux ni l’esprit ne sont à le comprendre : A Dieu seul la gloire ! - pour cela vit et lutte

116 Bucaille M., La Bible, le Coran et la science, Seghers, Paris, 1976, p. 151.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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l’Islam. La plus grande faute consiste à blesser l’unicité de Dieu, en mettant quelque chose de la

création à côté de Dieu et en lui donnant de s attributs divins »117.

Quoiqu’en dise chaque partie, il est bien question de monothéisme chez les musulmans tout

comme chez les chrétiens.

4.3 DES PERSONNAGES MYTHIQUES

« Les noms les plus usuels en terre d’Islam... : on ne s’appelle pas seulement Muham mad,

Omar ou Alî, mais aussi, par exemple, Ibrâhîm (Abraham), Yûsuf (Joseph), Mûsa (Moï se),

Dâoud (David), Sulaymân (Salomon), Yahyâ (Jean -Baptiste), Maryam (Marie), Isâ (Jésus) et

même, remontant aux origines de l’histoire sainte, Adam ou Idrîs »118.

Effectivement, les grandes héros bibliques se retrouvent cités dans les récits coraniques, en

particulier Abraham, Moï se et Jésus.

A. ABRAHAM

Abraham est, tout comme dans la Bible, considéré par le Coran comme le père des croyants,

le premier monothéiste :

« Dieu dit : Je vais faire de toi un guide pour les hommes » (II, 124).

De nombreux attributs sont associés à son nom :

- « guide pour les hommes » (II, 124)

- « Abraham un vrai croyant. Dieu a pris Abraham pour ami » (IV, 125)

- « Abraham était humble et bon » (IX, 114)

- « Abraham était bon, humble et repentant » (XI, 74)

- « ce fut un juste et un prophète » (XIX, 41)

La ressemblance ne s’arrête pas au simple fait qu’Abraham est le père des croyants. Son

histoire est racontée analogiquement chez les musulmans et les chrétiens.

117 Chrétiens et musulmans, un dialogue possible, op. cit., p. 27 – 28. 118 Pasquier R. du, Le réveil de l’Islam, Le Cerf, Paris, 1988, p. 19.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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Annonce de la naissance d’Isaac

CORAN BIBLE

« Nos envoyés apportèrent à Abraham la

bonne nouvelle. Ils dirent : Salut ! il

répondit : Salut ! et il apporta sans tarder un

veau rôti.

Mais lorsqu’il vit que leurs mains n’en

approchaient pas, il ne les comprit pas et eut

peur d’eux. Ceux -ci dirent : Ne crains pas !

Nous sommes envoyés au peuple de Loth.

La femme d’Abraham se tenait debout et riait.

Nous lui annonçâmes la bonne nouvelle d’

Isaac, et de Jacob après Isaac.

Elle di t : Malheur à moi ! Est-ce que je vais

enfanter, alors que je suis vieille et que celui -

ci, mon mari, est un vieillard ? Voilà vraiment

une chose étrange !

Ils dirent : L’ordre de Dieu te surprend -il ?

Que la miséricorde de Dieu et ses

bénédictions soient sur vous, O gens de cette

maison ! Dieu est digne de louange et de

gloire. » (XI, 69 -73)

« Il leva les yeux, et regarda : et voici trois

hommes étaient debout près de lui...

Abraham courut à son troupeau, prit un veau

tendre et bon, et le donna à un se rviteur, qui

se hâta de l’apprêter...

Alors ils lui dirent : Où est Sara, ta femme ?

Il répondit : Elle est là dans la tente.

L’un d’entre eux dit : Je reviendrai vers toi à

cette même époque ; et voici, Sara, ta femme,

aura un fils. Sara écoutait à l’entr ée de la

tente, qui était derrière lui.

Abraham et Sara étaient vieux, avancés en

âge ; et Sara ne pouvait plus espérer avoir

d’enfants

Elle rit en elle -même, en disant : Maintenant

que je suis vieille, aurais -je encore des

désirs ? Mon seigneur aussi est vieux.

L’Eternel dit à Abraham : ... Y a -t-il quelque

chose qui soit étonnant de la part de

l’Eternel ? » (Genèse 17, 2 -14)

Sacrifice d’Isaac

« Lorsqu’il fut en âge d’accompagner son

père, celui -ci dit : O mon fils ! Je me suis vu

moi-même en songe, et je t’immolais ; qu’en

penses -tu ? Il dit : O mon père ! Fais ce qui

t’est ordonné. Tu me trouveras patient, si

Dieu le veut ! Après que tous deux se furent

soumis, et qu’Abraham eut jeté son fils, le

front à terre, nous lui criâmes : O Abraham !

« Dieu dit : Prends ton fils, ton unique,

celui que tu aimes, Isaac ; va-t’en au pays de

Morija, et là offre -le en holocauste sur l’une

des montagnes que je te dirai. Abraham se

leva de bon matin, sella son âne, et prit avec

lui deux serviteurs et son fils Isaac... Il lia son

fils Isaac, et le mit sur l’autel, par dessus le

bois... L’ange dit : N’avance pas ta main sur

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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Tu as cru en cette vision et tu l’as réalisée ;

c’est ainsi que nous récompensons ceux qui

font le bien : voilà l’épreuve concluante. Nous

avons racheté son fils par un sacrifice

solennel. Nous avons perpétué son souvenir

dans la postérité : Paix sur Abraham ! »

(XXXVII, 102 -109)

l’enfant ; car je sais maintenant que tu crains

Dieu... Je te bénirai et je multiplierai ta

postérité. » (Genèse 22, 2-17)

Il s’agit ici d’une promesse importante pour les chrétiens comme pour les musulmans, même

si la postérité d’Abraham concerne celle qui naîtra avec Isaac, alors que les musulmans se situent

plutôt dans la lignée d’Ismaël, dont Mahomet est un descendant.

B. MOÏSE

Moï se reste un personnage emblématique pour tous les croyants. Des doutes subsistent

toujours au sujet de sa véritable identité. Mais, malgré ce trou noir historique, musulmans et

chrétiens s’accordent à son sujet sur de nombreux faits. Avant d’en faire l’inventaire, nous allons

nous arrêter sur les attributs coraniques de Moï se.

- « Je suis un prophète du Seigneur des mondes » (VII, 104)

- « Il était sincère ce fut un apôtre et un prophète » (XIX, 151)

- « tel un confident » (XIX, 152)

Une grande partie de la vie de Moï se est retranscrite dans la Sourate XX et dans le Livre de

l’Exode. Les deux rédactions, non dans le style mais dans le contenu, sont extrêmement proches.

Je ne retiendrais, dans la confrontation des textes, que les passages importants et primordiaux de

l’histoire de Moï se.

Sauvetage de Moïse

« Jette-le dans le coffret, puis jette celui -ci

dans le fleuve pour que le fleuve le rejette sur

la rive et que mon ennemi, qui est aussi le

tien, le prenne. » (XX, 39)

« Ne pouvant plus le cacher, elle prit une

caisse de jonc qu’elle enduisit de bitume et de

poix; elle y mit l’enfant et le déposa parmi les

roseaux sur le bord du fleuve.» (Exode 2, 3)

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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Moïse à Madian

« Tu as ensuite tué un homme. Nous

t’avons préservé de l ’affliction et nous t’avons

soumis à diverses épreuves. Tu as habité

quelques années chez les hommes de

Madian.» (XX, 40)

« Pharaon apprit ce qui s’était passé, et il

cherchait à faire mourir Moï se. Mais Moï se

s’enfuit de devant Pharaon et il se retira dans

le pays de Madian. » (Exode 2, 15)

L’exil de Moï se à Madian a pour cause première et commune la mort d’un égyptien.

Cependant, dans la Sourate XXVIII, ce n’est pas de devant Pharaon que Moï se s’enfuit, mais de

devant le courroux de ses frères.

Passage de la mer rouge

« Nous avons révélé à Moï se : Pars de nuit

avec mes serviteurs. Ouvre -leur dans la mer

un chemin où ils marcheront à pied sec. Ne

crains pas d’être poursuivi ; n’aie pas peur !

Pharaon les poursuivit avec ses armées ; le

flot les submergea. » (XX, 77 -78)

« Moï se étendit sa main sur la mer. Et

l’Eternel refoula la mer par un vent d’orient,

qui souffla avec impétuosité toute la nuit ; il

mit la mer à sec et les eaux se fendirent.

Les eaux revinrent et recouvrirent les chars,

les cavaliers et toute l’armée de Pharaon. »

(Exode 14, 21 ; 28)

Il est à noter que le Coran ne mentionne à aucun endroit le nom de la mer traversée par le

peuple hébreu.

Don de la loi

« Nous avons écrit pour lui sur les Tables

une exhortation sur tou s les sujets et une

explication de toute chose. » (VII, 145)

« Et l’Eternel écrivit sur les tables les

paroles de l’alliance, les dix paroles. »

(Exode 34, 28)

Tout comme la Bible, le Coran parle d’un séjour de quarante jours sur le mont Sinaï .

Moï se, dans la tradition coranique et la tradition chrétienne, ne pénètre pas sur la Terre

Sainte et laisse Aaron guider le peuple d’Israël.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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C. JESUS

Le dernier des principaux prophètes évoqués par le Coran, nous intéresse plus

particulièrement. Nous avons déjà abordé certains aspects de cette figure capitale du

Christianisme, en prenant note des reproches émanant de la communauté musulmane. Nous ne

nous préoccuperons ici que des similitudes entre les deux récits, faisant fi des divergences

dogmatiques.

Annonce de la naissance de Jésus

« Les anges dirent : O Marie ! Dieu

t’annonce la bonne nouvelle d’un Verbe

émanant de lui : Son nom est : le Messie,

Jésus, fils de Marie ; illustre en ce monde et

dans la vie future ; il est au nombre de ceux

qui sont proc hes de Dieu. » (VII, 45)

« L’ange lui dit : Ne crains point, Marie ;

car tu as trouvé grâce devant Dieu. Et voici tu

deviendras enceinte, et tu enfanteras un fils,

et tu lui donneras le nom de Jésus. » (Luc 1,

30)

Dans le Coran, à la différence de la Bible, la révélation est faite à Marie seule. En effet,

Joseph n’a aucun rôle dans la croyance musulmane. Et c’est peut-être pour cela que Marie

occupe une place importante dans le Coran : Jésus est souvent caractérisé par l’appellation « fils

de Marie ». Une autre explication peut justifier l’attention portée à la figure de Marie : dans la

conception musulmane, Jésus n’a pu être conçu par Dieu, Marie est donc la seule parente de ce

Jésus pleinement prophète, mais uniquement homme.

Naissance miraculeuse de Jésus

« Et celle qui était restée vierge... Nous lui

avons insufflé de notre Esprit. » (XXI, 91)

« Marie dit à l’ange : comment cela se

fera-t-il puisque je ne connais point

d’homme ? L’ange lui répondit : le Saint

Esprit viendra sur toi. » (Luc 1, 34 -35)

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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Miracles

« Tu guéris le muet et le lépreux - avec ma

permission - Tu ressuscites les morts - avec

ma permission. » (V, 110)

« Jésus étendit la main, le toucha et dit : Je

le veux, sois pur. Aussitôt la lèpre le quitta. »

(Luc 5, 13 )

« Mais il la saisit par la main, et dit d’une

voix forte : Enfant, lève -toi. Et son esprit

revint en elle. » (Luc 8, 54 -55)

« Jésus menaça l’esprit impur, et lui dit :

Esprit muet et sourd, je te l’ordonne, sors de

cet enfant et n’y rentre plus. » (Marc 9, 25)

Bible et Coran sont donc très proches pour ce qui est de leur contenu. Les textes coraniques

reprennent de nombreuses histoires narrées dans la Bible, mais ne se contente pas de les

retranscrire à l’identique. Il en fait la synthèse et n’hésite pas à formuler des critiques quant aux

interprétations émises par les chrétiens. Peut-être pourrions-nous nous inspirer de ces reproches

et faire en sorte que nos dogmes, celui de la Trinité en est un très bon exemple, soient accessibles

à tous et que ce ne soit pas seulement l’apanage des seuls érudits.

5. POURQUOI ET OU DIALOGUER ?

5.1 LE DIALOGUE INTERRELIGIEUX COMME MOYEN DE

DISSIPER LES MALENTENDUS

« Mahomet prétendit descendre en ligne directe d’Ismaël. C’est peut -être plus vrai et plus

signi ficatif que Mahomet ne le pensait. Ismaël est en effet fils d’Abraham, mais un fils bâtard, né

de la volonté de la chair, tandis qu’Isaac est né de Dieu. De plus, l’orgueil d’Ismaël précipita

son exclusion de la communauté des enfants de Dieu, du peuple él u »119.

C’est ce que l’on pouvait lire en 1949 dans un livre intitulé : Dialogue avec les musulmans .

Quel dialogue peut-on envisager d’entamer avec de tels propos ? Plus proche de

nous, on peut constater que le dialogue cache une certaine part d’hypocrisie :

119 Nusslé H., Dialogue avec l’Islam, Action chrétienne en Orient, Lausanne, 1949, p. 30 – 31.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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« Le monde est composé d’hommes avec qui l’Eglise veut dialoguer ; mais ces hommes

doivent également être évangélisés. .... Le dialogue est un préalable à l’évangélisation. ... Le

dialogue est le chemin vers la mission »120.

Comment dialoguer honnêtement avec un musulman si le but recherché est avant tout

l’évangélisation ? N’est-ce pas se sentir supérieur que de tromper l’autre quant à ses intentions ?

Et c’est là un problème de taille : même en dehors du domaine strictement religieux, l’occidental

modernisé exprime sa supériorité par rapport à l’africain ou à l’oriental.

Les malentendus sont nombreux, nous en avons déjà abordé quelques uns et pour illustrer

encore une fois cette difficulté d’ouvrir le dialogue, prenons comme exemple le « fatalisme »

musulman.

Ce qui gène les occidentaux dans la pensée islamique, c’est leur fatalisme ou exactement ce

qui semble être pour nous du fatalisme car, comme nous allons le voir, il n’en est pas ainsi.

Deux expressions reviennent assez souvent dans le langage musulman :

Inch’allah : si telle est la volonté de Dieu

Mecktoub : c’était écrit

Henri Nusslé ajoute à cela la citation d’un jeune musulman :

« Je sais trois choses ; Dieu est là - Dieu sait pourquoi - Tout est bien »121.

Malgré ces exemples persuasifs, l’homme a une part entière de responsabilité dans sa vie,

même en ce qui concerne l’acceptation ou le rejet de Dieu et

« dire que l’Homme arguant de sa foi en un Dieu qui pardonne peut se laisser aller à la

passivité et ainsi réduire la responsabilité des croy ants à l’égard du monde »122

est inexact : « Nous attachons son destin au cou de chaque homme. Le Jour de la

Résurrection, nous lui présenterons un livre qu’il trouvera ouvert : Lis ton livre ! Il suffit

aujourd’hui pour rendre compte de toi -même. Quiconque est bien dirigé, n’est dirigé que pour

lui-même. Quiconque est égaré n’est égaré qu’à son propre détriment. Nul ne portera le fardeau

d’un autre » (XVII, 13 -15).

120 Aubert J.M. et Couvreur G., Mission et dialogue interreligieux, Faculté de théologie de Lyon, 1990, p. 175 – 176. 121 Nusslé H., op. cit., p. 59. 122 Foehrlé R., Tworuschka U. et Falaturi A., Islam, contre–vérités et vérités, Oberlin, Strasbourg, 1995, p.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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C’est donc un fait indéniable : pour que le dialogue soit productif, il faut chasser des esprits

toute interprétation fausse de l’Islam et nous devons faire en sorte que les musulmans travaillent

dans ce sens. Cette perspective ne peut aboutir que par le biais du dialogue.

Cet état de fait est d’ailleurs montré du doigt par de nombreux spécialistes de l’Islam. Gilles

Kepel, dans son livre Les banlieues de l’Islam , aborde ce point sensible, prenant en compte les

raisons d’une telle retenue du point de vue religieux :

« barrières linguistiques et culturelles faites d’incompréhension et de préjugés réciproques,

méfiance nourrie de blessures anciennes comme de traumatismes récents. Passé colonial ou

guerre d’Algérie, incantations khomeynistes ou terrorisme arabe s’entremettent dans le cours

d’un dialogue où il est souvent difficile de faire la part d es faits sociaux et celle de

l’idéologie »123.

5.2 LES LIEUX DE LA RENCONTRE

Les relations entre chrétiens et musulmans n’ont pas toujours été des plus heureuses comme

le montre cet éditorial d’un journal catholique :

« Ton minaret triomphant défie mon c locher anémique. Ton Islam conquérant bouscule une

foi qui vacille. Si la mosquée fait mal, c’est qu’elle reflète avec une acuité douloureuse le déclin

des valeurs et de la pratique chrétiennes (...). Heurtés de voir un local ou pire une chapelle

cédée aux musulmans - symbole ô combien spectaculaire -, certains avouent leur désarroi, voire

dénoncent la « complaisance de tel évêque »124.

Cependant, aujourd’hui, la majorité des chrétiens est prête à ouvrir ses portes à ses amis

musulmans, afin de leur prêter des locaux ou de discuter.

Les lieux où chrétiens et musulmans peuvent se réunir, discuter et dialoguer sont souvent

plus proches que ce que l’on peut imaginer et ne sont parfois pas ceux auxquels on aurait pu

penser.

Il n’est nul besoin de courir d’une Mosquée à une Eglise ou de passer par un Temple pour

entamer le dialogue. Les nouveaux lieux de l’interreligieux sont accessibles à tous, il suffit, pour

les trouver, de laisser de côté préjugé et idées reçues.

123 Kepel G., Les banlieues de l’Islam, Le Seuil, Paris, 1987, p. 25. 124 Ibid, p. 120.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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A. LES ASSOCIATIONS DE QUARTIER

A ce niveau, le dialogue touche tout le monde : hommes, femmes, jeunes ou vieux. Ces

rencontres ne se font pas sur un arrière plan théologique, mais il s’agit de poser les premiers

jalons d’une discussion plus profonde.

On peut citer, entre autres, dans ces quartiers où la communauté musulmane est implantée,

plusieurs genres d’associations :

- association d’alphabétisation

- groupes de jeunes (Maison Pour Tous)

- association de femmes

A cela s’ajoutent des relations d’ordre plus privé à l’exemple du voisinage ou encore des

couples mixtes, qui à eux seuls montrent la possibilité du dialogue.

B. LE TRAVAIL

Comme le rappelle à bon escient la Fédération Protestante de France,

« n’est-ce pas à cause du travail que la plupart des musulmans sont venus en Europe ? »125.

C’est souvent dans les syndicats que musulmans et chrétiens se rencontrent, se côtoient. Ici

non plus la discussion n’aborde, pour ainsi dire jamais, des idées religieuses, mais elles

convergent souvent vers les difficultés rencontrées par les immigrés quant à leurs conditions de

travail, rudimentaires et inégales par rapport à celles des français. C’est d’ailleurs dans le cadre

de ces syndicats que les demandes de salles de prière sur les lieux de travail ont été formulées.

C. LES VILLES UNIVER SITAIRES

Les jeunes musulmans, enfants d’immigrés, sont de plus en plus nombreux à s’inscrire à la

faculté. De plus, les cours d’islamologie ou de langue arabe permettent aux chrétiens de parfaire

leurs connaissances sur l’Islam. Etant en contact avec des jeunes musulmans de leur âge, ils

peuvent se rendre compte de la difficile intégration dont ils sont les victimes, pris entre la

tradition des parents et celle du monde occidental, dont ils font pleinement partie, en dépit de

certaines opinions.

125 Chrétiens et musulmans, un dialogue possible, op. cit., p. 62.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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Il est à signaler que les trois lieux de rencontre, ci-dessus mentionnés, ont un objectif

commun : aider les musulmans à s’intégrer correctement en France : par l’alphabétisation, le

relogement, la réinsertion professionnelle ou encore par l’action antiracisme de certains

organismes (on peut citer comme exemple l’association SOS Racisme, qui se bat pour une

égalité de traitement entre français et immigrés).

Outre ces lieux, qui ne sont pas, à l’origine, conçus pour un quelconque dialogue religieux, il

existe des groupes de rencontres religieuses. Ce sont en général des rassemblements à structure

nationale avec conférences, débats, discussions et partages.

Catholiques et protestants se partagent la tâche, souvent en collaboration. Et, malgré toute

l’attention portée sur ce sujet par les protestants (comme l’action menée en faveur de la création

d’une faculté de théologie musulmane à Strasbourg ou encore la commission Eglise - Islam de la

Fédération Protestante de France), certains se désolent de leur manque d’engagement, comme

Soheib Bencheikh :

« En France, le dialogue islamo -chrétien est en fait islamo -catholique. Le dialogue entre

musulmans et protestants ne se fait que d’une manière partielle et individuelle »126.

On peut donc constater que le dialogue inter-religieux n’est en rien une affaire de

spécialistes et que tout un chacun peut franchir le pas et communiquer avec son voisin ou son

collègue de travail.

Tolérance, respect, écoute et discussion constituent le soubassement de l’édifice inter-

religieux qui ne demande qu’une chose : ouvrir ses portes aux croyants de toutes confessions et

religions qui proclament que Dieu est un.

126 Bencheikh S., Marianne et le Prophète, l’Islam dans la France laï que, Grasset, Paris, 1998, p. 245.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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CONCLUSION

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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Alors que prend fin la rédaction de ce travail sur l’implantation de l’Islam en France,

plusieurs faits sont à signaler quant à l’actualité internationale de cette religion :

Premièrement, il s’agit de mentionner un événement considérable : plusieurs otages ont été

relâchés aux Philippines. Cependant, des doutes subsistent quant à la libération des autres

détenus.

Deuxièmement, il est à noter un fait notable concernant la représentativité de l’Islam en

France : après le remaniement ministériel, qui a vu le départ de Jean-Pierre Chevènement, nous

sommes en droit de nous poser des questions à propos de la consultation des musulmans de

France, entreprise en novembre 1999. Le successeur au Ministère de l’Intèrieur et des Cultes,

Daniel Vaillant, aura-t-il le même souci d’intégration de l’Islam ? Pour l’instant, Alain Billon,

conseiller pour l’Islam, et Bernard Godard, son collaborateur, se sont vus retenus dans leur

fonction. Ce qui a permis aux participants de s’accorder sur un point : l’instance représentative

se fera par suffrage indirect.

Cette dernière nouvelle laisse présager de nombreuses journées de travail et de réflexion avant

l’arrivée des beaux jours.

L’intégration par l’action

Pour que l’Islam soit une religion « reconnue » au même titre que les autres, il faut oeuvrer

pour voir certaines portes s’ouvrir, comme celles des aumôneries où les musulmans sont

absents : hôpitaux, armées, prisons, aéroports, établissements scolaires doivent pouvoir fournir

aux musulmans un espace de réflexion spirituelle.

L’étude de deux autres sujets est à poursuivre. Il s’agit de la création d’école privée, dont les

contrats sont encore à travailler, et l’édification de mosquées, indépendamment des apports

étrangers concernant les finances et le personnel.

Et s’il est encore un thème qu’il ne faut pas omettre, c’est celui de la future (en espérant

qu’elle ne soit pas qu’une utopie) faculté de théologie. Affaire de spécialistes ou de tout un

chacun, c’est avec toutes les forces en présence qu’il faut compter.

C’est par les jeunes que le processus d’intégration peut aboutir, des jeunes qui sont prêts à

s’investir dans des groupements reconnus par l’Etat, par l’intermédiaire, entre autre, du Ministère

de la Jeunesse et des Sports, ce qui leur apporte une crédibilité vis à vis de la population

française.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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L’intégration sans exclusion

Il faut vulgariser l’Islam en France afin que le Musulman ne soit pas considéré comme une

exception dans la population française, mais comme un français à part entière, à qui incombe des

droits et des devoirs ; afin que l’exception ne soit plus ni la djellabas, ni le voile, mais la haine de

l’autre.

Bien évidemment, le fanatisme existe et il doit être puni comme tel, qu’il soit islamique ou

autre, chacun est sous le joug de la même législation. Cette législation est la propriété de l’Etat

français, pays où Droits de l’Homme et laï cité occupent la première place, mais qui fournit à

chaque religion, quelqu’elle soit, une grande marge d’action ; pays aussi où l’Islam rencontre

une nouvelle existence en tant que religion minoritaire. En contre partie de cette reconnaissance,

l’Islam doit s’adapter à un mode de vie à l’occidental.

L’intégration par le dialogue

C’est enfin par le dialogue entre les différentes religions qui composent le paysage spirituel

français, que l’intégration à ses chances. Le programme est théoriquement banal, mais

pratiquement assez complexe : dépasser les préjugés et se considérer mutuellement comme des

hommes et des femmes habitant un même territoire, une même ville, un même HLM, n’ayant,

certes pas, les mêmes coutumes alimentaires ni vestimentaires, mais croyant en un même Dieu.

Il est à croire, aujourd’hui, que l’évolution croissante qu’a connu l’Islam en ce XXème siècle

finissant est en voie de stagnation. La cause principale étant le ralentissement des flux

migratoires et la baisse de l’immigration. Ce phénomène socioculturel va entraîner une

recomposition de la population française, intégrant une transformation physionomique de la

communauté musulmane. Si le nombre d’immigrés musulmans, dans les prochaines années, va

aller en diminuant, le nombre de musulmans français ne peut qu’augmenter en raison des

nationalisations et des conversions.

C’est dans une phase de francisation intense que l’Islam est en train d’entrer. Car l’intégration

de l’Islam ne peut se faire sans l’appui de l’Etat et encore moins sans le consentement de

l’opinion publique : laï cité, tolérance et respect sont les grandes lignes d’un programme commun

à l’Islam et à la République française.

Il ne reste plus que quelques mots à ajouter en guise de conclusion : Inch’Allah !

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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•http ://www.perso.wanadoo.fr

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ANNEXES

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REPERES HISTORIQUES 571 : Naissance du Prophète Mahomet 610 : Premières visions 612 : Début de la prédication 622 : Fuite du Prophète de la Mecque à Médine : Hégire. Début de l’ère musulmane 632 : Mort de Mahomet 632 - 634 : Califat d’Abu Bakr 634 - 644 : Califat de Omar 644 - 656 : Califat de Othmân 656 - 661 : Califat de Alî 657 : Séparation des kharijites 661 : Assassinat de Alî Califat omeyyade 680 : Mort de Husayn, petit-fils du Prophète, 3ème imam 711 : Conquête de l’Espagne 750 : Califat abasside 1099 : Prise de Jérusalem par les chrétiens 1187 : Saladin reprend Jérusalem 1258 : Fin de la dynastie abasside 1291 : Prise de Saint-Jean-d’Acre par les chrétiens 1453 : Prise de Constantinople par les Ottomans 1492 : Prise de Grenade par les chrétiens 1830 : Prise d’Alger par les français 1881 : Protectorat français en Tunisie 1912 : Protectorat français au Maroc 1920 : Traité de Sèvres : fin de l’empire ottoman 1923 : Proclamation de la République en Turquie 1924 : Abolition du califat 1953 : Proclamation de la République en Egypte 1954 - 1962 : Guerre d’Algérie 1955 - 1956 : Indépendance de la Tunisie et du Maroc 1962 : Indépendance de l’Algérie

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TEXTES DE LOI

CONSEIL REPRESENTATIF DES MUSULMANS DE F RANCE Charte du culte musulman en France

(10.12.1994) Préambule L’islam, deuxième religion de France par le nombre de ses fidèles, s’affirme à la fois comme une spiritualité à vocation universelle et une communauté désireuse de manifester sa spécificité et son organisation culturelles dans le cadre des lois de la République. La présente charte est proposée par les instances musulmanes réunies au sein du Conseil Consultatif des Musulmans de France (CCMF). Elle définit le cadre général dans le quel les musulmans de France entendent préciser : - la légitimité historique de leur présence sur le sol national ; - les principes sur lesquels ils conviennent de s’unir ; - l’organisation de leur culte ; - leur rapport à la société française et à l’Etat. L’islam est une religion qui ne fait aucune différence entre les croyants. Aussi la présente charte s’adresse-t-elle à l’ensemble des musulmans de France, sans distinction d’origine, de nationalité ou d’école de jurisprudence. Hier par leur sang versé à Verdun ou Monte Cassino, aujourd’hui par leur labeur, leur intelligence, leur créativité, les musulmans de France contribuent à la défense et à la gloire de la nation comme à sa prospérité et à son rayonnement dans le monde. La communauté musulmane tient à garder vivante l’histoire de sa présence en France et à préserver sa mémoire qui, comme celles des autres composantes de la nation, est une partie intégrante de la mémoire nationale. TITRE PREMIER : LES PRINCIPES DE BASE « Maintenez-vous fermement au lien de Dieu et ne vous divisez pas. Rappelez -vous le bienfait que Dieu vous a accordé en unissant vos coeurs afin que v ous deveniez frères, alors qu’auparavant vous étiez opposés » (Coran : 3 ; 103) Article 1 : Face aux défis de la modernité et aux mutations du monde, la communauté musulmane veut affirmer sa conviction que seules les institutions représentatives librement conçues et organisées par et pour elle, lui permettront de réaliser ses légitimes aspirations spirituelles et culturelles. Grâce à ces institutions, elle sera à même de mieux favoriser le progrès moral de ses membres, l’avenir de la vie culturelle de ses jeunes, d’organiser la solidarité envers les déshérites, de participer à la lutte contre les fléaux sociaux et d’éviter les dérives politiques et idéologiques dommageables pour elle ou pour l’intérêt national. Article 2 : Les musulmans vivant en France ont des origines diverses, mais ils ont vocation à s’unir et à s’organiser, en respectant la pluralité de leurs sensibilités, qui est une richesse. Article 3 : L’islam est un message universel fondé sur le Coran et sur la tradition du Prophète Mohammed (SAWS). Les musulmans de France veulent trouver dans leur patrimoine spirituel et culturel, les clefs pour vivre en harmonie au sein de la communauté nationale, et pour faire face aux problèmes particuliers qui se posent à eux. Article 4 : La cohésion sociale et l’unité nationale de la France ne sont pas fondées sur une ethnie ou une religion, mais sur une volonté, celle de vivre ensemble et de partager les principes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et les valeurs républicaines. Les musulmans vivant en France, qu’ils soient français ou étrangers, y vivent par choix et sont conscients que leur participation à la communauté nationale leur donne des droits et leur impose des devoirs.

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TITRE II : LES VALEURS SPIRITUELLES ET ETHNIQUES « Aussi avons-nous fait de vous une communauté du juste milieu afin que vous témoigniez des hommes et que l’Envoyé témoigne de vous. »(Coran : 2 ; 143) « Que soit formée de vous une communauté qui appelle au bien, recommande la bonne action et réprouve ce qui est blâm able. » (Coran : 3 ; 104) « Nous avons fait de vous des peuples et des tribus afin que vous vous connaissiez les uns les autres. » (Coran : 49 ; 13) « Cherchez la science du berceau jusqu’au tombeau .» (Hadith nabawî) Article 5 : Parmi les valeurs universelles dans lesquelles les musulmans se reconnaissent, la présente charte veut mentionner particulièrement celles qui guident les rapports des musulmans avec la société dans laquelle ils vivent. Article 6 : L’islam, religion de connaissance et de charité, de fraternité, de pardon et de justice sociale est ouvert à tous les hommes et à toutes les femmes, quels que soient leur origine, leur richesse, ou leur degré de savoir. Son credo fondamental est la foi en Dieu, en son unicité absolue, la confiance absolue en Lui, la croyance au Message du Prophète Mohammed et des prophètes qui l’ont précédé. Il appelle à un comportement moral s’inspirant de la conduite exemplaire du Prophète Mohammed (SAWS). Article 7 : L’islam encourage la science, honore les savants et combat l’ignorance, condamne le vice et magnifie la vertu. Il constitue un message de paix et une incitation au perfectionnement moral. Il convie ses fidèles à lutter pour le triomphe du Bien sur le Mal, et de la fraternité sur la haine. Il est l’annonce d’une bonne nouvelle pour l’au-delà adressée à tous ceux qui craignent Dieu et un avertissement à ceux qui, pour un plaisir ou un intérêt éphémères, violent les lois éternelles. Article 8 : L’islam est depuis toujours une religion de la connaissance : « Cherchez le Savoir, du berceau jusqu’au tombeau » avait dit le prophète (SAWS). La présente Charte rappelle l’importance de l’éducation et de l’enseignement pour les garçons comme pour les filles, et exhorte les musulmans à chercher constamment, à mieux connaître leur religion et le monde qui les entoure. Article 9 : La communauté musulmane est invitée dans le Coran à être une « communauté du juste milieu ». La mesure, la modération, la douceur, les vertus de patience, de charité, d’amour et de pardon sont les fondements de la piété musulmane. En conséquence, les solutions aux problèmes qui se posent à la communauté doivent être recherchées par les voies du dialogue et de la concertation. Article 10 : L’islam appelle à la justice et à la solidarité sociales. Les actions qui y concourent sont recommandées dans le Coran avec une telle insistance qu’elles apparaissent comme des devoirs sacrés, prioritaires. Les musulmans doivent donc être parmi les premiers citoyens à participer avec constance et générosité aux efforts de solidarité nationale. Article 11 : L’islam prône la tolérance et combat le racisme, la xénophobie et les discriminations de tout ordre. Article 12 : L’islam est dans son essence une religion de paix et de non-violence. Ses fidèles ont pour devoir de favoriser la sauvegarde d’un climat de sérénité et d’union, propice au développement de la prospérité et à l’épanouissement de la vie spirituelle. Article 13 : L’islam appelle au respect de la dignité de l’homme. Il refuse toute forme de discrimination. Il ordonne le respect de la vie humaine. « C’est Dieu qui donne la vie et c’est Dieu qui la retire. » Il condamne tout ce qui peut dégrader la personne, affirme la valeur de la pudeur, de la maîtrise de soi et du respect d’autrui.

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TITRE III : L’ORGANISATION D’INSTITUTIONS REPRESENTATIVES « O vous qui croyez, obéissez à Dieu, obéissez à l’Envoyé et à ceux d’entre vous qui commandent. » (Coran : 4 ; 59) « La conduite de leurs affaires est le fruit de leur concertation. » (Coran : 42 ; 38) « En vérité, les mosquées sont à Dieu, n’y invoquez personne d’autre que Lui. » (Coran : 72 ; 18) Article 14 : La pratique du culte musulman en France implique l’existence de mosquées dans lesquelles les fidèles peuvent accomplir dignement leurs obligations cultuelles. Ils y sont accueillis sans distinction de nationalité, de langue ou d’école de jurisprudence. Lieux de prière et de recueillement, les mosquées doivent être tenues à l’écart des activités partisanes et des polémiques politiques pour préserver leur respectabilité et leur caractère sacré inviolable. Article 15 : Soucieuse également de respecter la loi républicaine (article 25 de la loi du 9 décembre 1905), la présente charte engage la communauté à préserver l’apolitisme et la neutralité des mosquées. Article 16 : L’édification des mosquées incombe aux musulmans. Ils s’organisent en associations légalement constituées. Article 17 : L’organisation de la vie cultuelle est du ressort d’une commission cultuelle permanente, issue du Conseil prévu à l’article 26. Article 18 : Les fonctions des mosquées Sur la base de ces principes clairs, les mosquées assument plusieurs fonctions communautaires : - fonction religieuse : elles assurent la célébration de la prière, la lecture et l’étude du Coran, la collecte de la zakat ; - fonction culturelle : elles veillent à l’organisation de cours et de conférences pour la diffusion de la culture musulmane et assurent symboliquement la visibilité de l’islam dans la communauté nationale ; - fonction de formation : elles assurent l’enseignement du Coran, de la sunna, de la jurisprudence, de la théologie et de la culture musulmanes, l’initiation à la religion et dispensent des cours sur la doctrine et l’éthique ; - fonction sociale : elles viennent en aide aux démunis, concourent au soutien moral des familles et coordonnent les activités des aumôniers. Article 19 : Les mosquées apportent leur concours à l’organisation du pèlerinage et au contrôle des circuits de production et de distribution de la viande halal. Elles assurent l’aumônerie, les rites funéraires et toutes célébrations religieuses. Article 20 : A l’échelon de chaque mosquée, l’imam dirige la prière rituelle (salât) cinq fois par jour, organise les prières spéciales et assure la prédication hebdomadaire de la prière du vendredi. Outre la direction de la prière, son rôle est également pédagogique : il veille à l’enseignement du Coran et de la sunna, dispense l’éducation religieuse. Il consacre une attention particulière impliquant un effort constant de réflexion et de recherche, à une fonction sensible et précieuse pour les fidèles : trouver des réponses appropriées aux questions liées aux aspects juridiques ou rituels de la vie des musulmans au sein de la société française ; des réponses compatibles avec les exigences de la foi et respectueuses des lois de la République et des réalités de l’environnement social. L’imam doit avoir un comportement moral et social exemplaire, posséder une formation reconnue et une bonne connaissance de la langue française, s’informer sur les problèmes sociaux, familiaux et individuels de sa communauté, maintenir en toute circonstance, notamment sur le plan politique, la réserve inhérente à sa charge et à la séparation des cultes et de l’Etat. Article 21 : L’imam est responsable local officiel du culte musulman. Il doit entretenir dans les domaines qui le concernent des rapports avec les pouvoirs publics et les représentants des autres cultes. Il est nommé par l’autorité compétente qui représente la communauté.

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Article 22 : A l’échelon de chaque région, une conférence des imams présidée par un mufti régional ou à défaut par le doyen par l’âge le plus compétent et le plus expérimenté sera l’organe régionale de concertation et de proposition. Article 23 : Une conférence nationale réunit les présidents des conférences régionales, les mufti régionaux de France. De concert avec la Commission culturelle permanente issue du Conseil, elle a pour rôle de : - assurer la coordination des activités cultuelles, en particulier la fixation des dates des fêtes religieuses du calendrier musulman ; - superviser l’activité des imams ; - délivrer les avis jurisprudentiels, lorsque des situations nouvelles se présentent. Article 24 : L’émergence de l’islam de France et son insertion normale dans la communauté nationale au même titre que les autres cultes, est conditionnée par l’existence d’institutions représentatives auprès des pouvoirs publics et des autres représentants de la société française. Article 25 : La structuration communautaire se fera sur la base de deux principes essentiels recommandés par le Coran : l’appel à l’union (al-ittihâd) et la nécessité de la concertation (ash-shûrâ), qui sont en tout point compatibles avec les exigences démocratiques et les principes des Droits de l’homme. Article 26 : Le Conseil représentatif des musulmans de France est l’organe représentatif de la communauté musulmane au niveau national. Il est dirigé par un président et un conseil d’administration. TITRE IV : L’ISLAM ET LA REPUBLIQUE « Dieu veut rendre non pas difficile, mais facile p our vous l’accomplissement des obligations religieuses. » (Coran : 2 ; 185) « L’amour de la nation est une forme de la foi. » (Hadith nabawî) Article 27 : Les musulmans ont su à maintes reprises, par le passé, montrer leur attachement à la République, jusqu’au sacrifice suprême. Les innombrables tombes de nos cimetières frappées du Croissant sont là pour en témoigner. Article 28 : La construction de l’Institut musulman de la grande mosquée de Paris, par delà sa dimension cultuelle et culturelle, rappelle à tous le souvenir de ces musulmans de toutes origines qui, au cours de la Première Guerre mondiale, ont fait don de leur vie pour que l’intégrité territoriale de la France et les valeurs de la République soient préservées. Cette institution est en même temps le symbole et le témoignage vivant de la volonté de la France d’intégrer dans le patrimoine national cette composante musulmane devenue essentielle puisque l’islam est désormais la deuxième religion de France par le nombre de ses fidèles. Article 29 : La communauté musulmane, à l’instar des autres familles spirituelles du pays, entend affirmer son identité et assurer la défense de ses valeurs dans le cadre des lois républicaines. Article 30 : Prenant acte de ce que la laïcité implique la neutralité religieuse de l’Etat, les musulmans de France, fidèles à la tradition musulmane la plus authentique, se démarquent de tout extrémisme et témoignent de leur attachement à l’Etat qui, conformément à la loi, assure la liberté de conscience, et garantit le libre exercice des cultes et traite tous les cultes de façon équitable (article 1 de la loi de 1905). Article 31 : L’émergence de l’islam comme un des principaux cultes pratiqués en France date de la seconde moitié du XXème siècle, bien après la loi de 1905 et les textes et aménagements pratiques qui ont facilité son application en tenant compte des problèmes spécifiques à chacun des principaux cultes ayant droit de cité dans le pays. Dans l’esprit des règles d’équité entre toutes les confessions dont la société et l’Etat français s’honorent, les musulmans attendent qu’une conception compréhensive des modalités d’application de la loi permette à leur culte de s’y intégrer harmonieusement à son tour, comme tous les autres cultes. Cela appelle notamment de la part des pouvoirs publics des mesures facilitant, là où cela s’avère nécessaire :

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- la construction de lieux de culte ; - la création d’aumôneries dans les écoles, les armées, les hôpitaux et les prisons ; - des carrés musulmans dans les cimetières ; - des écoles privées sous contrat d’association. Article 32 : Les musulmans de France, en communion avec les autres croyants, entendent oeuvrer au développement d’une expression de la laïcité qui instaurerait entre les religions et l’Etat une situation de concorde. Article 33 : Membres à part entière sur le plan spirituel du vaste ensemble culturel et religieux de la ‘umma islamique, les musulmans de France ne sont pas moins conscients des liens privilégiés les liant à la France, qui est pour beaucoup d’entre eux patrie de naissance ou d’élection. Par-delà la diversité de leurs origines ethniques, linguistiques et culturelles, les musulmans de France entendent oeuvrer à l’émergence d’un islam de France, à la fois ouvert sur le monde musulman et ancré dans la réalité de la société française. Ne se réclamant d’aucune autorité religieuse étrangère particulière, les musulmans de France concourent à l’expression d’un islam qui permet de vivre profondément le message coranique dans un rapport serein à la culture française. TITRE V : L’ISLAM ET LES AUTRES RELIGIONS « Si Dieu l’avait voulu, Il aurait fait de vous une seule communauté ; mais Il a voulu vous éprouver par le don qu’Il vous a fait. Rivalisez entre vous dans les bonnes actions. Votre retour, à tous, se fera vers Die u. C’est alors qu’Il vous informera sur vos différends. » (Coran : 5 ; 48) Article 34 : Conformément au message universel du Coran, l’islam reconnaît la succession des prophètes et la validité des messages antérieurs. Les musulmans partagent avec les juifs et les chrétiens les mêmes valeurs spirituelles issues du monothéisme abrahamique. L’islam appelle à la reconnaissance réciproque des religions dans l’adoration du Dieu unique et incite les croyants à oeuvrer ensemble dans la société humaine pour le bien de tous. Article 35 : L’islam encourage le dialogue inter-religieux, « de façon la plus courtoise ». Puisqu’ « il n’y a pas de contrainte en religion », les musulmans de France veulent simplement témoigner de leur foi par la bonne parole et l’exemple et rejettent toute forme de prosélytisme intempestif. Article 36 : Les musulmans ont le souci de préserver les principes spirituels et éthiques de leur religion et ils font part de leur vigilance devant toute forme de dérision et de désacralisation des valeurs universelles. Ils rappellent que la liberté de penser doit s’accompagner du sens des responsabilités et du respect des convictions d’autrui. Article 37 : Les musulmans de France veulent participer à la réflexion contemporaine dans tous les domaines de la pensée et de l’éthique. Ils entendent apporter leur contribution, dans le respect réciproque des valeurs afin de trouver des solutions aux problèmes qui se posent aujourd’hui à l’humanité et de promouvoir un esprit de tolérance, de paix et de solidarité.

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LOI DU 9 DECEMBRE 1905 CONCERNANT LA SEPARATION DES EGLISES ET DE L’ETAT

(Journal Officiel du 11 décembre 1905) TITRE PREMIER : PRINCIPES Article 1er : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. Article 2 : La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes. Pourront toutefois être inscrites aux dits budgets les dépenses relatives à des services d’aumôneries et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics, tels que les lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. (...) TITRE II : ATTRIBUTIONS DES BIENS, PENSIONS Article 4 : Dans le délai d’un an à partir de la promulgation de la présente loi, les biens mobiliers et immobiliers des menses, fabriques, conseils presbytéraux, consistoires et autres établissements publics du culte seront, avec toutes les charges et obligations qui les grèvent et avec leurs affections spéciales, transférés par les représentants locaux de ces établissements aux associations qui, en se conformant aux règles d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice, se seront légalement formées, suivant les prescriptions de l’article 19, pour l’exercice de ce culte dans les anciennes circonscriptions desdits établissements. TITRE III : DES EDIFICES DES CULTES Article 12 : Les édifices qui ont été mis à la disposition de la nation et qui, en vertu de la loi du 18 germinal an X, servent à l’exercice public des cultes ou au logement de leurs ministres (cathédrales, églises, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires), ainsi que leur descendance immobilière, et les objets mobiliers qui les garnissaient au moment où lesdits édifices ont été remis aux cultes, sont et demeurent propriétés de l’Etat, des départements et des communes. Article 13 : Les édifices servant à l’exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissement publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer. (...) Les immeubles autrefois affectés aux cultes et dans lesquels les cérémonies du culte n’auront pas été célébrées pendant le délai d’un an antérieurement à la présente loi, ainsi que ceux qui ne seront pas réclamés par une association culturelle dans le délai de deux ans après sa promulgation, pourront être désaffectés par décret. (...) TITRE IV : DES ASSOCIATIONS POUR L’EXERCICE DES CULTES Article 18 : Les associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte devront être constituées conformément aux articles 5 et suivants du titre Ier de la loi du 1er juillet 1901. Elles seront, en outre, soumises aux prescriptions de la présente loi. TITRE V : POLICE DES CULTES Article 25 : Les réunions pour la célébration d’un culte tenues dans les locaux appartenant à une association cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques. Elles sont dispensées des formalités de l’article 8 de la loi du 30 juin 1881, mais restent placées sous la surveillance des autorités dans l’intérêt de l’ordre public. Article 26 : Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice du culte.

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Article 27 : Les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d’un culte, sont réglées en conformité de l’article 97 du Code de l’administration communale. Les sonneries des cloches seront réglées par arrêté municipal, et, en cas de désaccord entre le maire et le président ou le directeur de l’association cultuelle, par arrêté préfectoral. Le règlement d’administration publique prévu par l’article 43 de la présente loi déterminera les conditions et les cas dans lesquels les sonneries civiles pourront avoir lieu. Article 30 : Conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi du 28 mars 1892, l’enseignement religieux ne peut être donné aux enfants âgés de six à treize ans, inscrits dans les écoles publiques, qu’en dehors des heures de classe. Il sera fait application aux ministres des cultes qui enfreindraient ces prescriptions, de l’article 14 de la loi précitée. Article 31 : Sont punis de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe et d’un emprisonnement de six jours à deux mois ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d’exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l’auront déterminé à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d’une association cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer aux frais d’un culte. Article 32 : Seront punis des mêmes peines ceux qui auront empêché, retardé ou interrompu les exercices d’un culte par des troubles ou des désordres causés dans le local servant à ces exercices. Article 34 : Tout ministre d’un culte qui, dans les lieux où s’exerce ce culte, aura publiquement par des discours prononcés, des lectures faites, des écrits distribués ou des affiches apposées, outragé ou diffamé un citoyen chargé d’un service public, sera puni d’une amende de 25000 frs et d’un emprisonnement d’un an, ou de l’une de ces deux peines seulement. (...) Article 35 : Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exercent le culte, contient une provocation directe à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile. TITRE VI : DISPOSITIONS GENERALES Article 42 : Les dispositions légales relatives aux jours actuellement fériés sont maintenues. (...)

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ARRETE DU MINISTERE DE L’AGRICULTURE, AG REANT LA GRANDE MOSQUEE DE PARIS POU R HABILITER DES SACR IFICATEURS RITUELS

(15 décembre 1994) Article 1er : La Grande Mosquée de Paris relevant de la Société des habous et lieux saints de l’Islam est agréée en tant qu’organisme religieux pour habiliter des sacrificateurs autorisés à pratiquer l’égorgement rituel. Article 2 : Une carte spéciale est délivrée à chaque sacrificateur par le représentant qualifié de l’organisme agréé et doit comporter : - au recto, les rubriques suivantes : nom, prénom, lieu et date de naissance, domicile, photographie et signature ; - au verso, la mention ci-après : « Je certifie que ... (nom et titre du responsable de l’organisme religieux agréé) a autorisé M ... à procéder à l’abattage rituel à ... (établissement d’abattage). Cette autorisation est valable jusqu’au ... et renouvelable par tacite reconduction. » Article 3 : Les autorisations individuelles accordées par les préfets conformément au dernier alinéa de l’article 10 du premier octobre 1980 modifié susvisé restent valables jusqu’au 30 octobre 1995. Après cette date, tous les sacrificateurs devront être habilités selon la procédure prévue à l’article 10, deuxième alinéa, par l’organisme religieux agréé. Article 4 : L’organisme religieux agréé communique aux préfets des département où doivent intervenir les sacrificateurs habilités, l’identité complète de ceux-ci et les établissements dans lesquels ils exercent. Article 5 : Les préfets des département sont chargés de l’exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

ARRETE DU MINISTERE DE L’AGRICULTURE AGR EANT LA GRANDE MOSQUEE DE LYON POUR HABILITER DES SACRI FICATEURS RITUELS

(27 juin 1996.) Article 1er : La grande mosquée de Lyon, relevant de l’Association rituelle de la grande mosquée de Lyon, 146, boulevard Pinel, 69008 Lyon, est agréée en tant qu’organisme religieux pour habiliter des sacrificateurs autorisés à pratiquer l’égorgement rituel. Article 2 : Une carte spéciale est délivrée à chaque sacrificateur par le représentant qualifié de l’organisme religieux agréé et doit comporter : - au recto, les rubriques suivantes : nom, prénom, date et lieu de naissance, domicile, photographie, signature ; - au verso, la mention ci-après : « Je certifie que ... (nom et titre du responsable de l’organisme religieux agréé) a autorisé M. ... à procéder à l’abattage rituel à ... (établissement d’abattage). Cette autorisation est valable jusqu’au ... et renouvelable par tacite reconduction. » Article 3 : L’organisme religieux mentionné à l’article 1er du présent arrêté devra communiquer aux préfets des départements où doivent intervenir les sacrificateurs habilités l’identité complète de ceux-ci et les établissements dans lesquels ils exercent. Article 4 : Les préfets des départements sont chargés de l’exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

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PRINCIPES ET FONDEMENTS JURIDIQUES REGISSANT LES RAPPORTS ENTRE LES POUVOIRS PUBLICS ET LE CULTE MUSULMAN EN FRANCE

(28 janvier 2000)

Les groupements et associations de musulmans adhérant à l’ensemble des principes juridiques rassemblés dans le présent texte confirment solennellement leur attachement aux principes fondamentaux de la République française et notamment les articles 10 et 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen relatifs à la liberté de pensée et à la liberté de religion, à l’article 1er de la Constitution affirmant le caractère laïque de la République et le respect par celle-ci de toutes croyances, et enfin aux dispositions de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat.

Ils adhèrent également au principe rappelé par le préambule de la Constitution et défini par l’article 1er de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. C’est pourquoi, toute discrimination fondée sur le sexe, la religion, l’appartenance ethnique, les mœurs, l’état de santé ou le handicap est contraire à ce principe et pénalement répréhensible.

Ces dispositions relatives à la liberté de pensée, de conscience et de religion ont par ailleurs été confirmées par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ratifiée par la France le 31 décembre 1973. Ces dispositions sont également reconnues sans restriction par les groupements et associations adhérant au présent texte.

Ceux-ci se reconnaissent dans les principes et règles ci-après énoncés, qui assurent aux Musulmans la jouissance en France des mêmes droits et les soumettent aux mêmes obligations que les fidèles des autres cultes, pourvu que soit respecté l’ordre public et préservée la neutralité religieuse de la République, de ses institutions et de tous les lieux publics.

I. - DES ASSOCIATIONS CULTUELLES Au nombre de ces droits figure d’abord celui de créer des associations cultuelles conformément aux

dispositions du titre IV de la loi du 9 décembre 1905. Ces associations doivent avoir exclusivement pour objet l’exercice du culte, c’est à dire l’accomplissement des cérémonies, l’acquisition et l’entretien des édifices du culte, l’entretien et la formation des ministres du culte.

Ces associations peuvent, en outre, conformément aux dispositions de l’article 20 de la loi du 9 décembre 1905, créer des unions associations cultuelles, elles-mêmes cultuelles, fédérant et dirigeant l’ensemble des associations qui la composent ;

Ces unions peuvent statutairement décider de se rassembler et de constituer un organe unique de représentation nationale du culte musulman, à l’instar d’autres cultes présents en France.

Les associations cultuelles qui se conforment à ces prescriptions peuvent bénéficier des avantages, notamment fiscaux, prévus en faveur de cette catégorie de groupements. Elles doivent, en revanche, respecter les règles d’organisation et de fonctionnement prévues par les dispositions légales précipitées, disposer des ressources limitativement énumérées et dresser les documents comptables et financiers exigés.

Rien n’interdit bien au contraire que des fidèles du culte musulman se constituent par ailleurs en associations à vocation culturelle, sociale, éducative, sportive etc... à condition que les personnes morales ainsi créées aient un objet statutaire et une activité distincte de celles des associations cultuelles.

II. - DES MOSQUEES ET LIEUX DE PRIERE Les mosquées et lieux de prière, comme tous les édifices du culte, constituent la condition même de

l’expression religieuse des fidèles. C’est pourquoi leur acquisition et leur utilisation font partie intégrante du libre exercice du culte pourvu que, conformément aux dispositions du titre V de la loi du 9 décembre 1905 relatif à la police des cultes, ces édifices du culte soient uniquement réservés à l’exercice public du culte, donc librement ouverts, à l’exclusion de toute activité qui y est étrangère et notamment à caractère politique.

Il est admis que peuvent bénéficier du statut attaché à l’édifice du culte les accessoires indispensables tels que les locaux destinés à l’enseignement religieux.

Si les pouvoirs publics ne peuvent directement financer la construction ou l’acquisition de mosquées, comme de tout édifice du culte, certaines garanties et avantages doivent néanmoins être rappelés.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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Seules s’appliquent à l’égard de la construction de mosquées ou de la transformation à cet usage de bâtiments déjà existants, les règles d’urbanisme nationales et locales. Aucune autre considération n’est fondée à justifier une décision administrative de refus qui serait, dans ces conditions, irrégulière.

En outre, les collectivités locales peuvent, conformément à l’article 11 de la loi des finances du 29 juillet 1961 garantir les emprunts contractés pour la construction des édifices du culte dans les agglomérations nouvelles, mettre à disposition par bail emphytéotique des terrains communaux pour y construire des édifices du culte et enfin accorder par contrat de location et moyennant paiement d’un loyer, des locaux communaux que les conseils municipaux décident de mettre à disposition des partis politiques, syndicats et associations dans les conditions prévues par l’article 2143-3 du code général des collectivités territoriales.

Enfin, en application du dernier alinéa de l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905, l’Etat, les départements et les communes peuvent, sans que cela contrevienne à la prohibition des subventions publiques en faveur des cultes, participer financièrement à la réparation des édifices affectés au culte public et appartenant à des personnes privées.

III. - DES MINISTRES DU CULTE ET AUTRES CADRES RELIGIEUX Il revient aux musulmans eux-mêmes et à leurs associations de fixer et de préciser la notion de

ministre des cultes correspondant à la pratique de leur religion et aux règles qu’ils imposent, et d’indiquer, au sein de la collectivité religieuse musulmane, les membres auxquels ce titre est conféré.

Sauf exception dûment motivée, ceux-ci devront à l’avenir être recrutés et rémunérés par les associations cultuelles (ou autres) qui les emploient. Il serait souhaitable qu’ils soient majoritairement de nationalité française et disposent d’un niveau culturel et religieux approprié à leurs fonctions. A raison de la définition de leurs fonctions, les ministres du culte et autres cadres religieux musulmans sont soumis aux mêmes obligations et disposent des mêmes droits que tous les autres ministres des cultes présents en France, notamment au regard de la neutralité politique que doivent respecter les allocutions et les prêches tenus dans les édifices du culte, conformément aux dispositions du titre V de la loi du 9 décembre 1905.

IV. - DES AUMONERIES Les aumôneries constituent, en application de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 et en

conformité avec les textes les régissant, un droit pour tous les fidèles du culte musulman qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, se trouvent retenus dans tout service ou établissement publics, national ou local. Désignés par l’union des associations cultuelles musulmanes, les aumôniers se trouvent soumis à la double hiérarchie des autorités administratives de tutelle qui peuvent éventuellement rémunérer ces aumôniers, organisent elles-mêmes les conditions dans lesquelles ceux-ci exercent leur ministère dans les services ou établissements publics concernés.

V. - DES ETABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT PRIVES Les établissements d’enseignement privés qui auront conclu avec l’Etat les contrats que la loi permet

(contrats simples ou contrats d’association) devront respecter les règles administratives, financières et pédagogiques de l’Education Nationale, en particulier l’enseignement des matières conformément aux programmes et aux horaires fixés.

VI. - DES PRESCRIPTIONS VESTIMENTAIRES ET ALIMENTAIRES 1) Les pouvoirs publics n’ont pas à connaître des emblèmes religieux vestimentaires que les fidèles

d’un culte estiment devoir porter en privé. En revanche, les usagers de certains services publics, et notamment ceux de l’enseignement public, doivent se conformer à certaines règles. Ils doivent s’abstenir d’arborer des signes d’appartenance religieuse, dans les conditions rappelées par la jurisprudence du Conseil d’Etat. En effet, la conception française de la laïcité implique la reconnaissance d’un espace de formation au débat public, commun à tous les citoyens français exerçant leur raison naturelle pour déterminer le meilleur intérêt général.

2) La République n’intervient pas dans les pratiques alimentaires qu’imposent certaines prescriptions rituelles, sauf en faveur des usagers des établissements publics auxquels les nécessités de leur état ne permettent pas de choisir librement les aliments qu’ils consomment. C’est ainsi que les administrations gérant les établissements d’enseignement, pénitentiaires, hospitaliers et militaires peuvent offrir à leurs usagers qui le souhaitent, des repas conformes aux prescriptions rituelles qu’ils estiment devoir respecter.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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S’agissant de l’abattage rituel des animaux dont la viande est destinée à la consommation humaine, il doit respecter, dans les conditions fixées par la loi, la protection animale, l’hygiène publique et la sauvegarde de l’environnement.

VII. - DES LIEUX DE SEPULTURE Les cimetières doivent respecter la neutralité qui s’impose dans tous les lieux publics, à l’exception

des sépultures qui, conformément à l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905, peuvent comporter des signes ou emblèmes religieux pourvu que l’appartenance confessionnelle du défunt n’y soit pas mentionnée.

Toutefois, il a été admis que les maires, seuls compétents en ce domaine, peuvent autoriser le regroupement des sépultures de défunts de confession musulmane à condition que cet ensemble ne soit pas matériellement isolé du reste du cimetière, et que soient respectées les dispositions relatives à l’hygiène et à la santé publiques. L’inhumation au sein de ce regroupement de sépultures doit résulter de la volonté du défunt.

VIII. - DES FETES RELIGIEUSES Outre les fêtes légales qui s’imposent dans tous les secteurs d’activité, les agents publics peuvent

bénéficier d’autorisations d’absence, sous réserve des nécessités du service, pour participer aux cérémonies célébrées à l’occasion des principales fêtes propres à leur confession. En ce qui concerne les musulmans, ces autorisations d’absence peuvent être accordées à l’occasion de trois fêtes : l’Aïd el Seghir (Aïd el Fitr), l’Aïd el Kebir (Aïd el Adha) et le Mouloud (Al Mawlid Annabawi).

Les principes ainsi énoncés à l’intention des fidèles du culte musulman en France reprennent et constituent l’ensemble des normes juridiques régissant les rapports entre la République et tous les cultes.

L’adhésion pleine et entière de groupements et associations de musulmans à ces principes atteste de

leur volonté de rejoindre et d’intégrer le cadre juridique qui organise et garantit en France, à la fois le libre exercice des cultes, et le caractère laïque des institutions.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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DOCUMENTS SUR LE DIALOGUE INTERRELIGIEUX

LES CHRETIENS DEVANT LES RELIGIO NS127

Quelle valeur et quelle signification peut-on, en tant que chrétiens, accorder aux autres religions ? A cette

question, on a donné des réponses diverses, voire opposées que je classe en quatre grandes catégories.

1. L’hostilité La première comprend ceux qui rejettent tout dialogue interreligieux. Ils admettent parfois un dialogue

politique, social, éthique et humain, mais ils ne veulent pas aller jusqu'à la spiritualité. En effet, pour eux, il existe une incompatibilité radicale entre la foi chrétienne et les religions du monde. L’évangile est la seule source de vérité, et ce qui existe ailleurs relève de l’illusion ou de l’erreur. Les fidèles d’autres cultes peuvent être parfaitement estimables et respectables sur le plan humain, il n’en demeure pas moins que leurs religions n’ont rien à apporter aux chrétiens qui ont lutté contre les fausses compréhensions de Dieu et de l’existence humaine qu’elles proposent.

Cette position se rencontre dans des milieux à coloration « intégriste », aussi bien dans le catholicisme que dans le protestantisme. Ainsi, en mars 1970, une Convention internationale évangélique (entendez évangelicaliste) vote un texte dit Déclaration de Francfort qui dénonce le souci du Conseil Oecuménique des Eglises pour un dialogue entre les religions. Les chrétiens, dit-elle, n’ont pas à dialoguer avec ceux qui ne partagent pas leur foi, mais à les convertir.

... Pour ceux qui se situent dans ce courant hostile au dialogue, l’évangile a le monopole de la véritable

connaissance et de l’action salvatrice de Dieu. Les problèmes posés aux chrétiens par la rencontre entre les religions ne relèvent pas de la spiritualité, de la foi, mais uniquement de l’éthique, c’est à dire du comportement à avoir envers les êtres humains. Il faut respecter les autres croyants en tant qu’êtres humains. Par contre, il n’a pas à respecter leurs religions, qui relèvent du péché.

2. La récupération

La deuxième grande attitude à l’égard des autres religions cherche à utiliser au profit du christianisme leur

spiritualité. Les religions aménagent le terrain, disposent les coeurs et préparent les esprits à se convertir au Christ. Elle sont des instruments dont Dieu se sert pour amener à la vérité évangélique. Elles ont une fonction positive sur le plan spirituel, et pas seulement éthique ou politique, mais on juge leur valeur provisoire et subordonnée.

Ceux qui refusent tout dialogue s’appuient sur les condamnations du paganisme que contient la Bible. Les partisans de cette deuxième attitude se réfèrent, pour leur part à l’épisode des mages de Noël, ces prêtres que leur religion astrale conduit à Béthléem, et aussi à deux passages des Actes des Apôtres. D’abord, le verset 17 du chapitre 13 : « Dans les générations passées... Dieu n’a cessé de rendre témoignage de ce qu’il est par ses bienfaits ». Ensuite, au chapitre 17, le discours à Athènes sur le Dieu caché, attribué à Paul : « ce que vous vénérez sans le connaître, c’est ce que je vous annonce ». Des théologiens africains et asiatiques, en partant de ces textes, ont proposé de réhabiliter les religions traditionnelles de leurs pays. Les missionnaires, soutiennent-ils, ont eu tort d’y voir des erreurs ou des aberrations, en fait, elles anticipent l’évangile et elles ont préparé le jour où il leur serait annoncé par des européens.

... Cette deuxième position, plus ouverte que la précédente conduit, cependant, très vite à un impérialisme

chrétien. Tout ce que l’on trouve de bon, de juste et de vrai chez les autres, on l’attribue à l’action cachée du Christ. Le chrétien s’estime dans une situation de supériorité, puisqu’il connaît la vérité et le sens des religions non chrétiennes que leurs adeptes ignorent. Il sait mieux qu’eux ce qu’ils sont. Il les colonise, les récupère, se les annexe. Hans Küng, a souligné ce que cette attitude a d’insupportable.

« Par le monde entier, on ne trouvera pas un juif, un musulman, ni un athée sérieux qui ne ressentirait comme insolente l’affirmation qu’il est un « chrétien anonyme ». Une telle annexion du partenaire met un terme au dialogue, avant même qu’il ne soit ouvert... Que diraient les chrétiens, si les bouddhistes leur reconnaissaient gracieusement la qualité de « bouddhistes qui s’ignorent ».

127 Planchette de l’ERF et de l’ERAL pour Débat 2000, 2000 débats.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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3. La conjugaison La troisième catégorie d’attitudes part de la conviction que toutes les religions ont une valeur spirituelle propre,

qu’elles reflètent et révèlent toutes quelque chose de la réalité divine. Chacune porte une vérité à la fois réelle, authentique, et relative, limitée. Aucune n’a le monopole de la vérité. Il s’agit donc d’apprendre à les conjuguer ou à les additionner, ce qui peut se faire de deux manières différentes : soit en les juxtaposant, en les mettant côte à côte ; soit en les combinant, en les fusionnant.

...

4. La pluralité Je qualifierai la quatrième catégorie de « pluralisme avec norme ». Pluralisme parce qu’on affirme qu’il y a

plusieurs révélations de Dieu, qu’il se manifeste de manières diverses et multiples. Dans le judaï sme, dans l’islam, dans le bouddhisme et ailleurs, il y a une présence et une action de la vérité dernière, comme dans le christianisme. Cependant, à la différence de la catégorie précédente, on tente de définir une norme, un critère, un principe qui permet de les évaluer, et surtout de les interpeller les unes et les autres.

... Cette voie du pluralisme avec normes comporte un danger caché. Même quand on s’en défend, ne définit-on

toujours pas la norme en fonction de ses convictions et appartenances religieuses ? Ne risque-t-on pas de tomber dans un impérialisme camouflé ? On peut éviter ce danger si on accepte que chaque religion formule ses propres normes, et si on demande à chacune de s’examiner à la lumière de normes formulées par d’autres, tandis que bouddhistes, juifs et musulmans le feraient à la lumière des normes chrétiennes ? Ces démarches croisées, qui obligent chacun à se déplacer, à changer son regard ouvrent une voie qui reste en grande partie à explorer.

Conclusion

Actuellement, beaucoup de théologiens chrétiens réfléchissent sur le sens des autres religions. Il est probable

que de nouvelles positions viennent apparaître, et s’ajouter à celles que j’ai repérées et situées. La situation n’est pas du tout figée ; elle ne cesse d’évoluer. Ainsi, il y a trente ans, on jugeait très satisfaisante les attitudes récupératrices (la deuxième catégorie de ma classification). Depuis on en a découvert les limites, les faiblesses, et on cherche autre chose. Toute une recherche se développe, surtout dans les pays anglo-saxons, et pour le moment, on ne voit pas bien sur quoi elle débouchera. Il s’agit d’un chantier qui n’en est qu’à ses débuts.

André Gounelle pour Débat 2000, 2000 débats

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ENJEUX DU DIALOGUE AVEC LES JUIFS ET LES MUSULMANS 128 Eléments de réflexion proposés aux membres de la Fédération Protestante de France

(Adopté par le Conseil de la Fédération Protestante de France du 8 janvier 1996)

Préambule :

Les commissions Eglise-Peuple d’Israël et Eglise-Islam de la Fédération Protestante de France poursuivent depuis de nombreuses années une expérience de dialogue avec des croyants juifs ou musulmans et elles ne cessent d’examiner les questions que leur présence à nos côtés, dans notre pays et dans le monde entier, pose à notre foi chrétienne. Parmi celles-ci figure notamment celle d’un témoignage et d’un service fidèles à l’Evangile.

Dans ces rencontres, nous nous sentons profondément interpellés par des hommes et des femmes qui, comme nous, se réclament d’une tradition de foi : la tradition abrahamique. Cette tradition se réfère à la révélation d’un Dieu unique qui ne cesse à travers les âges de se susciter des témoins et des prophètes, porteurs d’une Parole vivante, exigeante et aimante, laquelle appelle l’humanité entière à se tourner vers Lui, à L’adorer et à Le servir Lui seul.

La prise en compte de cette tradition de foi commune incite aujourd’hui des représentants ou des fidèles appartenant à ces trois communautés à se rencontrer de plus en plus à un plan local, régional, national ou international. Ces rencontres souvent dénommées « rencontres de dialogue ou d’amitié » se proposent de mieux connaître la foi et les pratiques de l’autre partenaire, mais aussi d’apporter ensemble un témoignage de paix, de justice et d’amour à un monde divisé et dominé par des puissances de haine et de mensonge.

... Ce document n’a pas d’autre but que de permettre à nos communautés et aux membres de ces communautés

d’avancer dans ce domaine si délicat et complexe de la rencontre avec d’autres croyants qui se réclament du même Dieu que le nôtre et qui ont pourtant une compréhension tellement différente de sa révélation et de la vocation de l’homme dans ce monde-ci.

... 4. Difficultés et promesses du dialogue

Cette reconnaissance de la pluralité et de la diversité de nos perceptions de Dieu et de son dessein à notre

égard, comme des modalités de nos engagements et de notre obéissance, devrait nous libérer de toute tentation et illusion de croire que nous puissions trouver dans nos rencontres interreligieuses un terrain facile d’entente et de compréhension, voire d’union entre nos différentes communautés de foi. Cette reconnaissance devrait nous amener aussi à être humbles, tolérants et accueillants à l’égard les uns des autres, nous enlever tout sentiment de supériorité et nous inciter à rechercher plus ardemment la volonté et la gloire de Dieu pour toute sa création.

Un regard attentif sur l’histoire de nos religions respectives aurait déjà dû nous en convaincre. En effet, le judaï sme s’est ouvert très tôt à sa mission de rendre témoignage au Dieu unique parmi les nations, mais il n’a pas réussi à s’ouvrir au monde entier. Les chrétiens, à la suite de l’apôtre Paul, ont poursuivi cette tâche conforme à la volonté divine, mais ils ont par trop privilégié l’orientation vers le monde gréco-romain, ce qui a considérablement réduit leur capacité de témoignage en Orient. L’islam s’est à son tour lancé sur ce terrain négligé et son témoignage a connu le succès que l’on sait, mais en se laissant trop enfermé dans le monde culturel arabe et persan notamment, il a affaibli sa propre prétention à l’universalité. Bref, malgré tous leurs efforts, ni le judaï sme, ni le christianisme, ni l’islam ne peut, à vue humaine, prétendre à lui seul porter la révélation du Dieu unique jusqu’aux confins de la terre.

Mais une autre question doit encore être posée : dans le dialogue et la rencontre entre croyants, le moment n’est-il pas venu où nous devons pouvoir aussi les uns et les autres nous ouvrir à nos richesses réciproques, à nos perceptions différentes de Dieu et de sa Parole, au même élan originel de conversion, de renouvellement, de consécration à ce Dieu unique. Et s’il n’y a qu’un seul et même Dieu, ne devons-nous pas croire que c’est aussi un seul et unique Esprit qui est à l’œuvre dans l’humanité toute entière ? N’est-ce pas aussi mieux comprendre que Dieu puisse cheminer de manière également surprenante, inattendue, avec des incroyants ou tout au moins des personnes profondément sécularisées de notre époque

L’unicité de Dieu devrait pouvoir nous assurer non seulement de la convergence ultime de nos spiritualités, mais encore de la possibilité pour celles-ci de se laisser féconder et corriger l’une par l’autre. Il ne devrait plus être question entre nous de « guerres de religion » ou de prosélytisme déloyal, mais de nous laisser entraîner ensemble à une compréhension toujours plus profonde de la Parole de Dieu et à une obéissance toujours plus fidèle à celle-ci.

...

128 Planchette de la FPF.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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6.Questions théologiques ouvertes Notre témoignage de foi auprès des juifs et des musulmans se heurte encore aux questions, tant débattues

naguère dans notre polémique avec les juifs et les musulmans, de la divinité de Jésus et de sa place dans la tri-unité divine comme Fils de Dieu. C’est aussi celles relatives à la contestation juive de la messianité de Jésus ou à l’affirmation de l’islam que Mohammed est le « sceau des prophètes ».

Les dogmes traditionnels de nos Eglises (Trinité, incarnation, double nature divine et humaine du Christ), marqués par un langage tout à la fois métaphysique et anthropomorphique, disent très mal pour un juif ou un musulman, mais aussi pour tant de nos contemporains, la présence inouï e, pour nous tout à fait exceptionnelle, de Dieu en Jésus de Nazareth.

Comment pouvoir faire comprendre aujourd’hui à un juif ou à un musulman que Jésus-Christ est pour nous non seulement la Parole décisive de Dieu donnée à l’humanité, mais encore sa Parole éternelle ?

Le lien indissoluble que la foi chrétienne établit entre la Parole divine et la personne de Jésus crucifié est difficilement saisissable et énonçable pour la raison humaine. Ce n’est que lorsque nos existences ont été transformées, profondément renouvelées par l’Evangile et que nous sommes entrés dans une relation vivante avec le Christ ressuscité que l’affirmation chrétienne « Jésus est la Parole de Dieu » prend sa véritable signification.

Notre rencontre avec les juifs et les musulmans nous accule donc parfois à l’incapacité de partager pleinement notre foi avec eux. Nous nous heurtons ici à ce que le Nouveau Testament nomme lui-même « scandale » ou « pierre d’achoppement » : le mystère de la croix, d’un Dieu qui accepte de se laisser crucifier avec Jésus, afin que nous acceptions de nous identifier à sa propre mort pour renaître dans la puissance de l’Esprit à une vie nouvelle.

7. Les raisons de notre espérance

La souffrance de ne pouvoir pleinement partager notre foi avec des croyants juifs ou musulmans est cependant

compensée par une espérance commune : l’espérance qu’à la fin des temps le dessein et la volonté de salut de Dieu de rassembler toute sa création dans l’unité de son Règne nous seront pleinement révélés. Selon ses promesses, Il sera alors vraiment le Seigneur de toute Sa création, le Dieu tout en tous.

C’est le fait aussi que malgré nos différences irréductibles, il est d’ores et déjà possible, comme nous l’avons déjà souligné, de nous ouvrir à nos richesses réciproques, de nous laisser interpeller et féconder mutuellement par celles-ci.

C’est le fait encore que nous pouvons déjà non seulement nous rencontrer et dialoguer ensemble, mais aussi chercher à être ensemble pour agir et prier pour la défense de l’humanité créée à l’image de Dieu et la venue de son Règne au cœur de notre monde.

8. Vers une action commune

Une des questions majeures posées aujourd’hui à nos traditions de foi respectives est celle que pose une culture

occidentale qui s’est mondialisée et laissée dominer, subjuguer par des impératifs économiques qui sont en train de réduire l’être humain à l’état de pur objet, de pervertir toutes nos relations humaines, au mépris du respect absolu dû à la personne humaine et à la vie sur notre planète.

Cette situation nous amène à un discernement critique, ce que le Nouveau Testament appelle un « discernement des esprits ». Que ce soit au plan de la réflexion ou de l’engagement, nous ne pouvons pas accepter des idées ou des pratiques que nous jugeons contraires à la révélation divine, à la volonté de justice et d’amour inconditionnel de Dieu comme aux droits humains les plus fondamentaux.

Dans cet esprit, il nous paraît essentiel d’œuvrer ensemble, en France et en Europe, pour une société plus juste et où chacun est pleinement reconnu dans son identité. Cette reconnaissance implique un accord sur les conditions du vivre-ensemble dans le cadre commun défini par la loi dans nos sociétés démocratiques. Elle doit aussi nous rendre vigilants quant à l’exercice, effectif et égal pour tous, des droits dans tous les domaines de la vie sociale.

Nous entendons ainsi rendre témoignage dans un total respect de l’autre et de ses convictions, assurés que le critère dernier de la vérité et du salut appartient à Dieu seul.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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ELEMENTS POUR UNE ETUDE DU DIALOGUE ISLAMO -CHRETIEN 129 Lors de l’étude des rencontres entre chrétiens et musulmans dans le passé et dans le présent, pour autant

qu’elles aient laissé des traces, plusieurs problèmes doivent être posés. Ce sont autant de points à prendre en compte non seulement dans l’étude mais aussi dans la pratique du dialogue.

1. A-t-on affaire à une confrontation, à un débat ou à une recherche d’entente assortie d’un vrai dialogue ? Les partis concernés ont-ils manifesté une curiosité pour l’autre et si oui comment et à quel niveau ?

2. Dans quel contexte politique, social et culturel la rencontre a-t-elle eu lieu ? Dans quelle mesure la rencontre a-t-elle été conditionnée, voire déterminée par ce contexte ?

3. Peut-on parler d’un style culturel particulier (français, américain, arabe, indonésien, africain) de la rencontre en question ? S’agit-il d’une rencontre organisée par une instance publique ou privée ? Peut-on remarquer des malentendus ou des erreurs manifestes dans les échanges ? Les partis engagés se sont-ils préparé par des expériences ou des études préalables de la culture et la religion de leurs partenaires ?

4. Quels ont été les points abordés ? Ont-ils touché des points d’éthique et de droit, de doctrine et de rituel, ou ont-ils porté également sur des problèmes éducatifs, sociaux ou politiques ? S’est-on enquis des Ecritures ou d’autres textes religieux ayant autorité ? Dans quelle mesure a-t-on abordé, de façon formelle ou informelle, des problèmes extérieurs au domaine religieux ? Quels ont été les présupposés partagés par tous ? Les interlocuteurs ont-ils eu une idéologie ou une Weltanschauung commune ?

Certaines questions ont une pertinence pour les dialogues au sommet. 5. A-t-on prêté par exemple attention à une bonne prise de contact sur le plan personnel en laissant du temps

libre ou en créant des occasions pour que puissent avoir lieu des rencontres informelles ? A-t-on fourni des informations factuelles ou d’un autre type sur les deux religions, assorties de la possibilité de poser des questions sur les croyances et la pratique de l’autre ? En ce qui concerne le thème traité, a-t-on mis en évidence les normes et les valeurs des deux religions, la pertinence de la foi des participants relativement au thème abordé ? A-t-on entamé des échanges sur la problématique sous-jacente au thème, cela en vue de dégager des solutions approfondies ? Y a-t-il eu des débats « engagés » entre les tenants de positions opposées ou a-t-on plutôt cherché à éviter les confrontations ? Y a-t-il eu des prises de position personnelles ? A-t-il été, quelles qu’en soient les raisons, impossible de discuter de certains problèmes importants ?

6. Que peut-on dire des fruits ou des résultats de ces rencontres au sommet ? Les participants ont-ils changé d’attitude, sont-ils devenus plus ouverts, sans toutefois sacrifier leur esprit critique ? Est-on parvenu à faire des projets d’avenir communs ou a-t-on surtout parlé du passé ? A l’issue de la rencontre, une déclaration finale commune a-t-elle été publiée ? La rencontre en question en a-t-elle amené d’autres ?

Pour les rencontres organisées, une série de questions spécifiques doivent se poser. 7. La rencontre a-t-elle été organisées sous les auspices d’une ou de plusieurs institutions particulières ? Quel a

été l’impact de ces institutions sur la rencontre et sur son déroulement ? Qui a été responsable de la rencontre et de son organisation pratique ? Quelles ont été les conditions de participation ? Quels ont été les buts de la rencontre ? Que peut-on savoir des attentes préalables des différents participants ? La forme d’organisation choisie a-t-elle eu un impact sur son déroulement ? Quels autres facteurs ont pu conditionner le déroulement de la rencontre, en particulier les échanges et les prises de position ?

8. Quels ont été les critères de sélection des invités à ladite rencontre ? A-t-on invité des personnes sur recommandation, et si oui, lesquelles ? Quelles ont été les qualités requises pour pouvoir être invité, soit en tant que représentant soit à titre personnel ? Des femmes ont-elles été invitées, si oui dans quel rôle ? Les organisateurs ont-ils su à l’avance et avec précision à qui ils auraient affaire ? Y a-t-il eu parmi les participants un noyau de personnes déjà familières avec ce genre de rencontres ? A-t-on prévu les moyens de gérer les accords ou les désaccords éventuels ? A-t-on travaillé en vue d’aboutir à un certain processus ou plutôt en vue de mettre au jour certaines positions ? Rétrospectivement, dans quelle mesure le déroulement de la rencontre a-t-il été prévisible ?

9. Disposons-nous actuellement de témoignages directs ou post factum de participants sur ces rencontres et sur les positions qui y ont été prises ? Qu’est-ce qui a été apprécié et critiqué ? Y a-t-il eu une évaluation finale critique de la rencontre par les participants ?

10. Quelques questions pratiques enfin : la rencontre islamo-chrétienne en question a-t-elle été bilatérale ou multilatérale, c’est à dire, s’est-elle déroulée en présence d’invités d’autres religions ? Combien de représentants de chaque parti étaient présents ? Quel était leur âge, leur sexe, leur profession ou leur fonction ? Quelle était leur responsabilité précise dans leur propre communauté ? Qui a financé la rencontre en question ?

129 Waardenburg J., Islam et occident face à face, Labor et Fides, Genève, 1998, p. 113 – 115.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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DOCUMENT SUR LA FACULTE DE THEOLOGIE MUSULMANE

PROJET DE CURSUS DE THEOLOGIE MUSULMANE 130

I. - PREMIER CYCLE : DEUG de théologie musulmane : 1ère année a) module de langages fondamentaux :

- méthodologie : Initiation à la diversité des approches de l’Islam (historique, philologique, sociologique, anthropologique, herméneutique)

- amélioration de la capacité de rédiger des textes en français - langue arabe intensive (5 ou 6 heures par semaine) avec un stage intensif d’arabe en début d’année - autre langue vivante de grande aire d’extension (anglais, allemand, espagnol...)

b) acquisition d’une connaissance de base des sources scripturaires de l’Islam : Coran, Sunna c) histoire générale et philosophie des religions : connaissance du judaïsme et du christianisme (avec initiation optionnelle soit à l’hébreu, soit au syriaque, soit au grec, soit au latin) DEUG de théologie musulmane : 2ème année a) arabe intensif, français, autre langue vivante b) approfondissement en Coran et Sunna c) acquisition d’une connaissance générale de l’évolution historique de l’Islam :

- histoire générale de l’Islam - histoire de la sharî’a - histoire du fiqh

d) poursuite de l’étude de l’histoire des religions (phénoménologie, bouddhisme, hindouisme) II. - DEUXIEME CYCLE : Licence de théologie musulmane a) arabe intensif b) approfondissement Coran et Sunna c) poursuite de l’étude de l’histoire de l’Islam (madhâhib, soufisme, kalâm) d) systématique : usul al-fiqh e) module Islam et société contemporaine : pensée musulmane contemporaine, sciences humaines (psychologie, sociologie religieuse, sciences de la communication, pédagogie) Maîtrise de théologie musulmane a) langue arabe intensive b) approfondissement Coran et Sunna c) Islam et société contemporaine (suite) : débats contemporains, éthique... d) rédaction d’un mémoire de maîtrise (une centaine de pages)

130 Le Courrier du GERI, recherches d’islamologie et de théologie musulmane, volume 1, n°2, hiver 1998, p. 114 – 115.

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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DOSSIER DE PRESSE

L’ISLAM DE FRANCE INTEGRE LE PAY SAGE REPUBLICAIN

L’islam, deuxième religion de France en nombre de fidèles, a officiellement intégré le paysage républicain. Jacques Chirac a reçu quatre représentants du culte musulman hier à l’Elysées.

C’est un événement historique. « L’islam, à partir d’aujourd’hui, fait partie du paysage républicain de la France », a déclaré Soheib Bencheikh, hier, à la sortie de l’Elysées. « Le président de la République a entériné officiellement le fait islamique de France », a renchéri Dalil Boubakeur.

Le grand mufti de Marseille et le recteur de la mosquée de Paris, accompagnés du président de la mosquée de Lyon, Rabah Khelif et l’imam de la mosquée de Mantes-la-Jolie, Mustapha Sgiri venant d’être reçus une heure durant par le chef de l’Etat. Une première.

Jacques Chirac entendait ainsi présenter « les voeux du président de la République à l’ensemble des musulman s de France ». Au-delà du geste symbolique, l’entretien entre le président de la République et ses quatre interlocuteurs, placé « sous le signe de l’ouverture et du dialogue », a permis « de parler de la place de la communauté musulmane en France » et « de leur conception de l’islam dans la République », a précisé la porte-parole de l’Elysée, Catherine Colonna.

Deuxième religion par le nombre de ses membres, estimés à environ 4, 5 millions par le ministère de l’Intérieur, l’islam s’est implanté en France après les lois de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905, sans que les conditions de son exercice aient jamais été fixées.

Il s’est durablement enraciné dans les années

60 avec l’arrivée massive de travailleurs

immigrés venus du Maghreb, d’Afrique noire et de Turquie, rejoints par leur famille dans les années 70. La moitié d’entre eux sont aujourd’hui Français. Parmi les étrangers, la plupart des musulmans viennent d’Algérie, de Tunisie et du Maroc. Ces trois pays sont suivis par la Turquie, le Sénégal, le Mali, le Liban.

Menée par le ministre de l’intérieur, une consultation est aujourd’hui en cours afin que l’islam se dote d’une instance représentative reconnue par les pouvoirs publics. Les invités de Jacques Chirac ont tous formellement accepté de participer à ce processus. Tous défendent un islam « respectueux des lois républicaines ».

RELIGION ET MODERNITE « Etre musulman en France aujourd’hui, c’est

être un citoyen à part entière dans toutes les composantes de sa personnalité. L’islam ne sera plus un refuge ou une récrimination lancinante dans ses rapports avec l’Etat », a affirmé Dalil Boubakeur.

Le ministre de l’intérieur doit recevoir le 28 janvier tous ceux qui auront accepté de s’engager dans cette voie. « La route est encore longue » vers la constitution de l’instance représentative de l’islam en France. Mais au-delà du « défi » pour la France elle-même, elle est aussi « un espoir pour les pays arabo -musulmans aux prises avec des questionnement fondamentaux sur les rapports entre la religion et la modernité », estime Jean-Pierre Chevènement.

DNA, vendredi 14 janvier 2000

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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VERS UNE ORGANISATION DE LA DIVERSITE

L’islam de France est marqué par la diversité de ses origines et l’éclatement de ses instances représentatives. Pour organiser ce culte, Jean-Pierre Chevènement consulte les diverses sensibilités de cette religion. Ce n’est pas la première tentative.

« Le problème, c’est que les organisations musulmanes veulent être reconnues, mais qu’elles ne sont pas vraiment intéressées à s’entendre car elles ont des liens de dépendance avec certains Etats (Algérie, Maroc, Arabie Saoudite, Turquie), et défendent leur précarré », juge Michel Renard, directeur de la revue « Islam de France ».

DEUX TENDANCES Jean-Pierre Chevènement essaye aujourd’hui

de trouver un terrain d’entente pour organiser le culte musulman dans l’hexagone. Il n’est pas le premier : Pierre Joxe, Charles Pasqua et Jean-Louis Debré s’étaient, sans succès, attelés à la même tâche.

Pour Michel Renard, les diverses organisations musulmanes se répartissent entre courant « ruralo-culturaliste » et un courant « fondamentaliste », qui ne peuvent, ni l’un ni l’autre parler au nom des 4, 5 millions de musulmans de France.

Le premier courant, encouragé par certains Etats d’origine (Algérie, Maroc, Turquie), est présent dans de nombreuses mosquées où viennent prêcher des imams qui ne parlent pas français et ignorent la réalité du pays.

UNE PRATIQUE PRIVEE Le second, représenté par l’Union des

organisations islamiques de France (UOIF) ou le Tabligh, s’inspire notamment de Tariq Ramadan, un universitaire genevois, petit-fils du fondateur des Frères musulmans en Egypte qui attire à ses conférences de nombreux jeunes.

Cependant, l’immense majorité des jeunes ne

se reconnaît pas dans cette image de l’islam. Ils ont comme leurs parents une pratique privée, souligne Michel Renard. « Un pratiquant ne se définit pas par sa fréquentation d’une mosquée, son adhésion à une association, le port du voile pour une femme ou de la barbe pour un h omme. C’est quelqu’un qui se conforme aux obligations de l’islam : la prière, le jeûne durant le ramadan et l’aumône ».

Selon le bureau des cultes du ministère de l’Intérieur, seuls 150 000 fidèles fréquentaient en 1997 les 1621 mosquées - dont cinq grandes à Paris, Marseille, Lyon, Mantes-la-Jolie, Evry et salles de prière. Là des imams dirigent la prière. Mais l’islam n’a pas de clergé. « D’un point de vue théologique, seuls ceux qui détiennent le savoir peuvent le représenter », explique Michel Renard.

UN ISLAM LETTRE C’est aussi le point de vue du mufti de

Marseille Soheib Bencheikh, partisan d’un « islam lettré ». « Je préfère pas de mosquée au lieu d’une mosquée avec un imam non compétent, qui peut prêcher l’ignorance au lieu de prêcher l’enseignement d’une religion vieille de 14 siècles ».

Mais le besoin d’un interlocuteur se fait sentir pour toute une série de questions : aumôniers dans les hôpitaux, les prisons ou à l’armée, abattage rituel, carré musulman dans les cimetières, organisation des pèlerinages à la Mecque, formation des imams.

Jean-Pierre Chevènement avait le projet d’un institut des hautes études islamiques, dépendant de l’université. Le ministère de l’Education nationale a opté pour un institut d’études des sociétés du monde musulman, qui verra prochainement le jour auprès de l’Ecole des Hautes études en sciences sociales.

DNA, vendredi 14 janvier 2000

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JEAN-PIERRE CHEVENEMENT DESSINE L ES CONTOURS D ’UN ISLAM A LA FRANÇA ISE

Dans un entretien au « Monde », le ministre des cultes estime que les discussions sur l’organisation de l’islam sont le signe d’une « démarche d’intégration ». Il incite les élus locaux à construire des mosquées afin que la République « assure le libre exercice du culte à chacun »

- Par quelles convictions personnelles faut-il expliquer l’effort que vous avez engagé pour organiser l’islam en France ?

- La France compte 4 millions de personnes de tradition musulmane et j’ai toujours été choqué qu’elles ne puissent pas pratiquer leur culte dans

des conditions d’égale dignité avec les autres confessions. Pour moi, toute démarche d’intégration à la République doit prendre en compte l’homme dans toutes ses dimensions. Et la République doit assurer le libre exercice du culte à chacun, à plus forte raison quand il s’agit de la deuxième religion de France.

L ’organisation de la communauté musulmane est l’affaire des musulmans eux-mêmes, mais je pense qu’il appartient aux pouvoirs publics de faciliter leur effort.. La consultation que j’ai engagée est d’abord une marque de considération à l’égard des 4 millions de français et d’étrangers qui habitent notre pays et qui sont de tradition musulmane. Ce que nous avons entrepris constitue une grande première à bien des égards. D’abord parce que cette organisation de l’islam se fait dans le cadre d’une République laïque. Ensuite parce que l’organisation d’une confession minoritaire, dans le cadre des lois françaises, peut constituer une expérience intéressante et bénéfique pour l’islam lui-même. C’était l’intention de l’orientaliste Jacques Berque, qui a été mon ami et reste pour moi un maître à penser.

- Vous avez tenu à faire processus par la signature d’un document fixant « les principes et fondements juridiques » des rapports entre l’Etat et le culte musulman en France. Pourquoi ?

- Parce qu’un tel dialogue ne peut pas se nouer en l’air. Ce document est un rappel de principe de l’état du droit positif concernant la laïcité, une photographie en quelque sorte du cadre juridique dans lequel doit s’inscrire en France l’organisation des cultes, et particulièrement du culte musulman. L’islam est à l’heure actuelle la seule grande religion dont le

culte reste, en France, sans organisation d’ensemble. C’est pourquoi le moment était venu de lui présenter un tableau du cadre juridique dans lequel les musulmans pourront décider librement eux-mêmes de l’organisation de leur culte. Ce document a fait l’objet de concertations, en particulier avec les fédérations d’associations musulmanes. A cette occasion, je me suis aperçu combien les musulmans ignoraient bien des possibilités qui leur étaient offertes par le droit français pour faciliter la pratique de leur culte, y compris pour construire des mosquées. Je suis sûr que les élus locaux aussi trouveront intérêt à la lecture d’un tel texte. Les mentalités concernant l’islam dans notre pays doivent bouger. Ce document, rendu largement public, y contribuera.

- A terme, quelle forme pourrait prendre une instance représentative de l’islam de France ?

- C’est aux musulmans de le dire, pas au ministre de l’intérieur et des cultes. Mais si je peux me permettre de leur donner un conseil, je leur suggérerais de mettre sur pied une instance légère, vraisemblablement collégiale, peut-être avec des responsabilités tournantes. Et puis il leur faudra trouver le bon rythme. Une assemblée générale des partenaires de cette consultation se réunira de nouveau le 20 avril. Nous avons déjà pris rendez-vous : c’est un calendrier pour se revoir, pas pour aboutir.

- Sur le papier, le processus semble prometteur. Mais les conflits de personnes dans la communauté musulmane ne risquent-ils pas de le freiner ?

- Ces conflits sont inévitables. Ils existent d’ailleurs dans toutes les religions. La diversité de l’islam, tel qu’il s’est développé en France, conduira probablement les musulmans à se donner des structures plutôt souples, point trop différentes peut-être de celles de la Fédération protestante. Elles ne peuvent être évidemment celles de l’Eglise catholique, pour des raisons que je n’ai pas besoin de développer : il n’existe pas de clergé en islam. Le modèle retenu ne peut pas être non plus une organisation consistoriale telle que Napoléon l’avait mis sur pied à une époque où la séparation des Eglises et de l’Etat n’existait pas. La démarche sera donc de nature fédérale, ou plutôt confédérale, et le ministre des cultes n’y jouera que le rôle de témoin de bonne

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foi. Il faut faire confiance au mouvement, au dialogue entre les sensibilités.

- Le dossier de la construction de mosquées est l’un des plus urgents. Comment le faire avancer ?

- Les élus locaux doivent savoir que les possibilités qui s’offrent à eux sont nombreuses. Les collectivités locales peuvent garantir des emprunts contractés pour la construction d’édifices de culte, mettre à disposition par bail emphytéotique des terrains communaux, louer de locaux communaux aux communautés religieuses dans les mêmes conditions qu’aux partis politiques, aux syndicats et aux associations. Des possibilités existent donc et, si les musulmans font l’effort non seulement de respecter nos lois, mais aussi d’intégrer la construction de leurs mosquées au paysage de nos villes, les élus ne pourront pas refuser d’accorder le permis de construire. Le document sur les principes juridiques qui doivent s’appliquer à l’islam de France rappelle qu’en matière de construction de mosquées seules doivent s’appliquer les règles d’urbanisme nationales et locales. Aucune autre considération n’est fondée à justifier une démarche administrative de refus qui serait, dans ses conditions, irrégulière. Tout est donc affaire de dialogue et donc, d’abord, de confiance partagée.

- A quels besoins précis répond l’Institut d’études sur l’islam que vous venez de créer avec Claude Allègre ?

- Claude Allègre a confié a confié à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (Ehess) le soin de mettre sur pied un Institut d’études de l’islam et des sociétés du monde musulman. Cet institut à caractère laïque, à l’intérieur de l’Université devrait être un institut de recherche, éventuellement aussi une université ouverte. Mais en aucun cas, il ne pourra former des imams. La formation des imams est de la responsabilité des instituts de théologie musulmane, existants, à créer ou à recréer. Il s’agit de former ces imams dans un esprit accordé à nos principes et à nos lois. La majorité au moins devrait être de nationalité française. Il serait bon aussi qu’ils soient francophones. Ce serait un signe d’intégration.

- Pensez-vous qu’accorder le droit de vote aux étrangers pour les élections locales pourrait faire avancer la cause de l’islam auprès des collectivités locales ?

- J’ai toujours été partisan de rendre les naturalisations plus faciles et de permettre aux

jeunes nés en France d’être reconnus comme citoyens français. Depuis que les étrangers communautaires ont le droit de voter aux élections municipales, je vois mal pourquoi et comment on pourrait tenir écarter de ces scrutins les étrangers non communautaires, c’est à dire pour l’essentiel maghrébins, qui ont avec la France une histoire commune très forte. J’ai proposé qu’à partir du renouvellement de la carte de séjour de dix ans ils puissent participer aux élections locales. C’est une position qui n’engage que moi, qui n’engage pas le gouvernement. Elle est un peu la conséquence de Maastricht : ce qu’on fait pour les uns, il faut le faire pour les autres. De toute façon, il faudrait que cette idée soit d’abord bien comprise, car je ne veux absolument pas ressortir un brûlot. Je ne veux pas ranimer des passions malsaines sur un sujet où j’ai cherché au contraire à les calmer.

- La difficulté majeure demeure celle du financement de cette communauté, de ses instances de culte et de formation, que vos prédécesseurs avaient tenté de résoudre. Comment envisagez-vous la question de l’indépendance de l’islam de France par rapport aux bailleurs de fonds étrangers ?

- Les démarches de Pierre Joxe et de Charles Pasqua étaient méritoires. Elles ont frayé le chemin de l’organisation de l’islam de France. Nous savons ce qui ne peut pas réussir : une solution autoritaire, imposée d’en haut, ou une solution partielle qui exclurait des sensibilités importantes. Pour résoudre cette question de l’indépendance financière de l’islam de France, peut-être pourra-t-on envisager la création d’une « fondation » qui puisse bénéficier de financements de sources privées. Ou aussi imaginer que la taxe d’abattage sur la viande halal puisse permettre de contribuer au financement de mosquées. Mais je crois qu’il est trop tôt pour en parler. Les musulmans doivent d’abord en débattre entre eux. Chaque chose doit venir en son heure.

- Cette reconnaissance et cette organisation de l’islam que vous mettez en œuvre se heurtent à des objections de caractère politique liés aux développements de l’islamisme. Que leur répondez-vous ?

- Cette reconnaissance n’implique évidemment aucune tolérance envers les islamistes. Je ne confonds pas islam et islamisme et il appartient d’abord aux musulmans de ne pas laisser détourner leur religion à des fins politiques. Le cas échéant, je

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suis aussi responsable de l’ordre public. Je ne crois pas que mon parcours me rende particulièrement suspect de complaisance envers l’islamisme ou l’intégrisme islamiste. J’ai été un des rares hommes politiques français à se rendre en Algérie en 1993 en pleine vague du FIS.

Pour prendre en compte toutes les données de ce problème, il faut une vision d’avenir. Cette vision d’avenir, en France, c’est l’intégration dans une République une et indivisible, laïque, sociale, mais naturellement pluriethnique. Dans le monde musulman, c’est la nécessaire modernisation, c’est à dire la conciliation de l’islam et du monde moderne, dans l’intérêt même des musulmans. Je pense que l’islam modéré, que j’ai appris à connaître depuis longtemps, peut être aussi un élément de stabilité dans la société française. Des inquiétudes demeurent, mais, globalement, l’initiative du gouvernement à l’égard de la communauté musulmane peut être mieux accueillie qu’elle ne l’aurait été encore il y a deux ou trois ans.

Il fallait au préalable que le gouvernement définisse une politique responsable sur l’entrée

et le séjour des travailleurs immigrés. A partir de telles prémisses, beaucoup de français qui étaient inquiets ont été rassurés. Cette politique, qui bénéficie d’un fort soutien de la part de l’opinion publique, permet aujourd’hui d’avancer sur la voie de l’accès à la citoyenneté des jeunes nés des dernières vagues de l’immigration : l’action des commissions départementales d’accès à la citoyenneté a ouvert la voie à la tenue d’Assises nationales de la citoyenneté prévues à l’arche de la Défense le 18 mars et qui seront conclues par le premier ministre. Parallèlement, nous avançons sur la voie de l’organisation d’un islam de France. Sur cette politique d’intégration de nos concitoyens de tradition musulmane fondée sur les principes de la République, je suis convaincu que toutes les sensibilités politiques françaises peuvent se retrouver, à l’exception, bien évidemment, des courants xénophobes.

Propos recueillis par Xavier Ternisien et Henri Tincq

Le Monde, samedi 19 février 2000

L’ISLAM S’ORGANISE

La deuxième réunion plénière des participants à la consultation sur l’Islam en France, convoquée par Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur, a permis d’avancer plutôt sereinement vers une représentation nationale des musulmans. Actuellement, une commission travaille sur la création d’aumôneries musulmanes et la seconde sur l’organisation de l’abattage rituel pour l’Aïd el-Kebir.

Selon le Ministère de l’Intérieur, les choses avancent. Autour de la table avaient pris place des experts musulmans, des représentants des administrations concernées et des délégués des maires de France, concernés au plus haut chef par la question de l’islam et de son intégration dans la société. La consultation nationale s’axe sur trois points majeurs et souvent polémiques : l’édification de lieux de culte et le statut des ministres du culte ainsi que la présence de l’islam dans les aumôneries diverses, scolaires, hospitalières, prison voire dans l’armée. Ce dernier point vient seulement d’être évoqué et fera l’objet d’un groupe de travail qui se constituera prochainement. Il en va de même pour le second groupe de travail, plus urgent, portant sur l’abattage rituel de la fête religieuse

de l’Aïd el-Kebir. Chaque année, cette fête engendre des tensions car la communauté musulmane ne dispose que de peu de lieux d’abattage autorisés. La semaine dernière, un employé musulman d’un abattoir a d’ailleurs été licencié pour faute grave pour avoir utilisé les installations de son employeur à titre privé. Le pauvre homme était animé de meilleures intentions : il voulait abattre l’animal rituel dans des conditions d’hygiènes réglementaires. Ce dernier groupe de travail est d’autant plus d’actualité que les directives européennes imposent à la France de se mette en règle sous peine d’être l’objet d’une « procédure d’infraction ».

Enfin, cette réunion du jeudi 20 avril a permis de faire un semblant de concorde entre les participants conviés, notamment la Mosquée de Paris qui craignait d’être « banalisée » alors qu’elle revendique une position beaucoup plus éminente au sein de l’islam français. La consultation a pris note également de l’arrivée d’un nouveau participant, à savoir la Fédération française des associations islamique d’Afrique, des Comores et des Antilles.

Le Christianisme, n°735, semaine du 30 avril au 6 mai 2000

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FRANCE : LE TEMPS DES GRANDES MOSQUEES

Dans la banlieue parisienne, la mosquée de Mantes-la-Jolie (Yvelines) a ouvert ses portes en 1981, celle d’Evry (Essonne) en 1995.

Enfin, à Lille, la mosquée de la rue des Marquillies est encore en attente d’inauguration. Construite en 1997 à l’emplacement d’un entrepôt qui servait jusqu’alors de salle de prière, elle offre un remarquable exemple d’adaptation à l’architecture locale : l’extérieur ressemble à deux maisons de ville accolées, de style flamand, en brique rouge. Seules deux ébauches de minarets en verre translucide, disposées sur le toit, signalent de loin la destination de l’édifice.

Les autres grandes mosquées de France ont été aménagées tant bien que mal dans des locaux existants, mal adaptés, choisis le plus souvent en raison de leur vaste superficie. Anciens entrepôts de tissus pour la mosquée Adda’wa de la rue de Tanger à Paris ; espace pris sur le marché aux puces pour la mosquée El-Islah de Marseille ; usines ou ateliers désaffectes pour la mosquée Omar de la rue Jean-Pierre-Timbaud à Paris, pour la mosquée turque Eyub Sultan et pour celle de l’impasse du Mai à Strasbourg, pour la mosquée Sunna de Roubaix et pour celle du Marais à Saint-Etienne. A Toulouse, des musulmans ont pu se rendre acquéreurs d’une maison de maître, devenue la mosquée Salam, près du Mirail. A Montpellier, c’est la mairie qui a aménagé en 1997 une salle polyvalente de 1000m2, sur l’emplacement d’une ancienne friche industrielle. Louée à une association de musulmans, la salle est devenue la mosquée Avicenne.

Bail emphytéotique Les projets de construction de mosquées sont

pourtant nombreux, dans la plupart des grandes villes. Les réticences des collectivités locales ne le sont pas moins. La principale est d’ordre financier.

On sait que l’Etat, depuis 1905, « ne subventionne aucun culte ». Cependant, le ministère de l’Intérieur a rappelé les possibilités qui s’offrent encore aux municipalités, telles que la mise à disposition d’un terrain communal par bail emphytéotique (à très long terme) : c’est ce choix qui a été retenu à Strasbourg comme à Lyon.

L’hypothèse d’un financement étranger alimente souvent toutes les craintes d’un islam

« intégriste », qui serait « manipulé » par des Etats étrangers. Faut-il rappeler que la mosquée de Lyon a été financée à plus de 80% par des capitaux saoudiens, et qu’elle n’en constitue pas moins la vitrine d’un islam ouvert ?

A l’inverse, la mosquée de Lille, qui appartient à la Ligue islamique du Nord, proche des Frères musulmans, a été financée principalement par des dons des fidèles. Dans le cas de Strasbourg, le seuil de financement par un Etat étranger a été fixé à 15% pour les deux projets de grande mosquée.

Autre argument dilatoire souvent mis en avant : la division des musulmans. De fait, à Strasbourg, aucune conciliation n’a été possible entre les deux parties en présence. Etait-ce un motif suffisant pour ne rien faire. Pas plus que les autres religions, l’islam n’est monolithique. Le catholicisme a habitué les esprits à une religion fortement hiérarchisée, offrant une unanimité de façade. En ce qui concerne l’islam, il faut peut-être accepter - au moins pour un temps - qu’une grande mosquée ne puisse prétendre représenter tous les musulmans.

A cet égard, l’expression de « mosquées cathédrales » n’est pas heureuse. La cathédrale est l’église de l’évêque, celle où se trouve la cathedra , le siège qui symbolise son autorité. La mosquée (de l’arabe masdjid, qui signifie « le lieu de la prosternation ») est un lieu de prière communautaire, doublé d’un centre culturel et social, sans référence à un clergé structuré qui n’existe pas en islam.

Par rapport à la simple salle de prière, elle est « un lieu de culte dans lequel un imam assure régulièrement le service des cinq prières quotidiennes, ainsi que la grande prière du vendredi et le sermon ou prêche qui l’accompagne » (Michel Renard, Hommes et migrations, n°1220). Les contraintes d’urbanisme font également partie des prétextes fréquemment opposés aux projets de mosquée : absence de parking, minaret jugé trop haut ou indiscret dans le paysage urbain, etc. La pression des riverains pèse lourd dans l’attitude des élus. A Lyon, les pétitions et les recours contre ce minaret qui allait « concurrencer la basilique de Fourvière » ont retardé de dix ans la construction de la mosquée.

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La question des minarets Aujourd’hui, les riverains ne se plaignent

plus guère. Ils apprécient même l’animation qu’apporte, dans ce quartier excentré, le rassemblement du vendredi.

Ce n’est pas un hasard si la question des minarets cristallise toutes les passions. L’architecture touche ici au symbole. Les opposants à la construction de mosquées veulent y voir l’étendard d’une nouvelle guerre de religion, minaret contre clocher. Pour les

musulmans, il s’agit en réalité de « sortir des caves », de mettre fin à une situation humiliante en inscrivant de manière définitive, dans l’espace urbain, leur dignité de Français et de musulmans.

Une architecture des grandes mosquées en France reste à inventer. Elle traduirait la synthèse d’un islam enfin reconnu comme deuxième religion de France et totalement intégré au paysage comme dans la société.

Xavier Ternissien Le Monde, mercredi 21 juin 2000

DES MOSQUEES A STRASBOURG

La municipalité de Strasbourg subventionne la construction de deux grandes mosquées dans la ville du Conseil de l’Europe. Cette décision reconnaît la pluralité de l’islam dans une Alsace historiquement marquée par la cohabitation de multiples confessions.

« La question de la reconnaissance de l’islam pose en Alsace moins de problèmes qu’ailleurs. La diversité confessionnelle constitue une donnée fondamentale de la vie sociale alsacienne, fortement attachée à la notion de liberté de conscience et de cultes », explique Jean-Claude Richez, adjoint au maire de Strasbourg chargé des cultes. Après Colmar où se construit une mosquée centrale, Strasbourg concrétise une démarche de reconnaissance de l’islam prônée par Jean-Pierre Chevènement. Lors d’un colloque à l’Unesco le 22 juin, le ministre de l’Intérieur a rappelé « l’importance d’un dialogue clair entre les élus et des associations musulmanes qui sauraient faire fusionner des demandes raisonnables pour l’intégration des nouvelles mosquées dans l’urbanisme et le paysage de nos villes ».

Dans la capitale alsacienne, l’émergence d’associations représentatives ne se fait pas sans difficulté. A l’issue d’une période de consultations, deux fédérations d’associations de sensibilités différentes proposent des projets inconciliables dans un seul lieu. La majorité des élus alsaciens ayant depuis quatre siècles le spectacle de la pluralité des églises protestantes ont choisi de ne pas trancher. « Cette double reconnaissance constitue pour nous la voie de la sagesse, nous n’avons pas à im poser l’unité aux

musulmans comme nous n’avons pas à l’imposer aux autres religions », commente l’adjoint au maire.

« Si la moitié des musulmans strasbourgeois sont d’origine française, plusieurs nationalités apportent leurs sensibilités particulières », précise Jean-Claude Richez. 8000 Marocains, 7000 Turcs, 4000 Algériens et 2000 Tunisiens constituent les facettes d’un islam aux multiples sensibilités. Sur les deux projets, seul pour l’instant celui de la coordination des associations musulmanes présente un projet architectural et financier complètement bouclé. Celui de l’Institut musulman, plus culturel que cultuel, reste en cours d’élaboration. Sans tenir compte de l’avancée des projets, la municipalité a décidé de les reconnaître tous les deux. Elle les subventionne à hauteur de 10% chacun, appliquant ainsi les règles mathématiques qui valent pour les autres religions reconnues.

Avec 40000 musulmans dans la ville de Strasbourg et 60000 sur l’agglomération de la Communauté urbaine de Strasbourg, pour 450000 habitants, l’islam représente une réalité non négligeable. En comparaison l’Eglise reformée d’Alsace-Moselle ne revendique que 30000 membres sur l’ensemble des trois départements concordataires. Avec seulement douze lieux de cultes de proximité en regard des 60 églises et synagogues de la métropole rhénane, les musulmans se trouvent relativement sous-représentés.

Depuis le début, les Eglises protestantes accompagnent avec sympathie l’idée d’une grande mosquée à Strasbourg. « Les directions des deux Eglises protestantes se félicitent de la

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reconnaissance des deux projets, car cela correspond à la réalité de l’islam strasbourgeois », affirme le pasteur Ove Ullestadt, responsable du service des relations avec l’islam. Dans le quotidien l’événement ne change rien au niveau des groupes de dialogues interreligieux qui s’efforcent de toutes façons à garder ou établir le contact avec toues les composantes de l’islam. Les acteurs de terrain attendent la réalisation des projets pour prendre la mesure de leurs interlocuteurs et voir où les jeunes musulmans en recherche trouveront leur place.

Soutenu par les Eglises et la majorité municipale de gauche, le projet de grande mosquée ne rencontre que l’opposition virulente d’une extrême droite divisée à Strasbourg. La composante régionaliste de cette extrême droite nuance sa position par rapport aux partis de Jean-Marie Le Pen et de Bruno Mégret qui rejettent le principe. Elle ne s’oppose pas à ce que la municipalité apporte son aide aux lieux de

cultes de proximité. Les formations de la droite traditionnelle préféreraient une seule grande mosquée.

Si Strasbourg possède bientôt ses grandes mosquées, l’exercice du culte musulman ne rencontre pas toujours le respect des élus. A Sarre-Union, l’usage public du local de l’association musulmane a été refusé. Cette décision rend tristes et amères les membres de l’association, qui avaient fait l’effort d’aménager à leurs frais une maison de la bourgade de 3000 habitants, où beaucoup de familles turques sont implantées depuis longtemps. « Il n’y aurait pas assez de parking à proximité », déclare l’un d’eux. Pour l’heure, la municipalité de Sarre-Union n’a pas tiré les conséquences de sa délibération qui devrait en bonne logique poser les mêmes questions à propos de l’Eglise catholique et de l’Eglise luthérienne, aussi dépourvues en la matière.

Olivier Berthelin Réforme n°2886

UN SONDAGE REVELE UNE PROGRESSION DU RACI SME ET DE L ’ANTISEMITISME

La Commission nationale consultative des droits de l’homme réalise cette enquête annuelle depuis dix ans. 29% des sondés déclarent ne pas être racistes du tout.

Plus de six français sur dix déclarent qu’il y a « trop de personnes étrangères aujourd’hui en France ». 70% trouvent « gênante la présence de personnes originaires de pays non européens ». Et près de sept personnes sur dix se jugent plus ou moins racistes. Telles sont les principales conclusions de l’enquête annuelle de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) sur le racisme en France, qui sera remise, mercredi 15 mars, au premier ministre. A quelques jours des Assises nationales de la citoyenneté, qui doivent réunir, samedi 18 mars, à la Grande Arche, 1000 jeunes issus des quartiers en présence de Lionel Jospin et de plusieurs ministres, la livraison 1999 de la CNCDH risque de faire beaucoup de bruit. La photographie ainsi délivrée montre une augmentation inquiétante d’un mal qui se banalise.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme, organe consultatif placé auprès du premier ministre, a demandé à l’institut Louis Harris de mesurer le racisme de l’opinion en suivant la même trame que les

années précédentes. Depuis deux ans, et en particulier en 1998, l’enquête de la CNCDH avait montré une certaine « décrispation » de l’opinion à l’égard des questions liées à l’immigration. La livraison de 1999 marque à l’inverse un retour aux niveaux enregistrés de manière constante entre 1991 et 1996.

« On constate un durcissement sensible de l’opinion à l’égard des questions liées à l’immigration ainsi qu’une a ugmentation des attitudes xénophobes et racistes » par rapport aux deux années précédentes, souligne le rapport. Ainsi, 61% des sondés estiment que les étrangers sont trop nombreux en France. Ce sont essentiellement les Arabes qui sont visés par cette intolérance : 63% des sondés affirment qu’ « il y en a trop », en augmentation de 12% par rapport à 1998. Viennent ensuite les Noirs (38%, soit + 8%). L’antisémitisme est également en progression avec une intolérance vis-à-vis des juifs en hausse de 7%. 31% estiment aussi que « les juifs ont trop de pouvoir en France ».

« La charge de la preuve » Logiquement, 55% des personnes

interviewées estiment qu’ « aujourd’hui, en France, on ne se sent plus chez soi comme avant » (+ 5 points) et 78% pensent qu’il y aura

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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des tensions entre les différents groupes qui composent la société française. Les Français sont plus nombreux à estimer qu’ « il faut fermer les frontières » (30%) et que la France « doit cesser d’accueillir des réfugiés » (32%). La vie en commun avec les étrangers engendre par ailleurs un racisme « avoué » en hausse. 29% des sondés déclarent ne pas être racistes du tout, soit le pourcentage « le plus faible depuis la création de ce baromètre », remarque le rapport. Au total, 68% se jugent plus ou moins racistes.

L’enquête du CNCDH a, pour la première fois, tenté de cerner l’avis des Français sur les discriminations subies par les résidents étrangers ou les citoyens d’origine étrangère. C’est peut-être la seule note d’optimisme du sondage. 81% estiment « grave » le refus d’embauche d’un étranger qualifié pour le poste, 69% le refus de location d’un logement et 62% le refoulement à l’entrée d’une boite de nuit. Mais cette perception de ces pratiques racistes n’entraîne pas pour autant une adhésion à des mesures de discrimination positive : les sondés sont

majoritairement hostiles à ce que l’Etat prenne des mesures spécifiques pour aider les jeunes d’origine étrangère dans leur recherche d’emploi.

Malgré tout, la commission a tenu à examiner les dispositifs et réflexions en cours sur les moyens de renforcer la lutte contre les discriminations, notamment dans le domaine de l’emploi. La CNCDH préconise ainsi une « ouverture » du droit vers un « aménagement de la charge de la preuve ». Cette mesure permettrait de forcer l’employeur à apporter la preuve qu’il n’a pas pratiqué de discrimination à l’embauche alors que, aujourd’hui, seule la victime doit prouver l’intention discriminatoire. La CNCDH demande également l’ouverture d’un « registre des embauches » avec les profils des postes à pourvoir, la création d’une section spécialisée au sein de l’inspection du travail et l’octroi aux organisations syndicales du droit de se porter partie civile.

Sylvia Zappi Le Monde, jeudi 16 mars 2000

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DIVERS

DEUXIEME GENERATI ON131

J’m’appelle Sliman et j’ai quinze ans J’vis chez mes vieux à la Courneuve J’ai mon CAP d’délinquant J’suis pas un nul j’ai fait mes preuves Dans la bande c’est moi qu’est l’plus grand Sur l’bras j’ai tatoué une couleuvre J’suis pas encore allé en taule Paraît qu’c’est à cause de mon âge Paraît d’ailleurs qu’c’est pas Bysance Que t’es un peu comme dans une cage Parc’que ici tu crois qu’c’est drôle Tu crois qu’la rue c’est les vacances J’ai rien à gagner, rien à perdre Même pas la vie J’aime que la mort dans cette vie d’merde J’aime c’qu’est cassé J’aime c’qu’est détruit J’aime surtout tout c’qui vous fait peur La douleur et la nuit J’ai mis une annonce dans Libé Pour m’trouver une gonzesse sympa Qui boss’rait pour m’payer ma bouffe Vu qu’moi, l’boulot pour que j’y touche Y m’faudrait deux fois plus de doigts Comme quoi, tu vois, c’est pas gagné C’que j’voudrais c’est être au chôm’du Palper du blé sans rien glander Pis comme ça, j’s’rais à la Sécu J’pourrais gratos me faire remplacer Toutes les ratiches que j’ai perdues Dans des bastons qu’ont mal tourné J’ai rien à gagner, rien à perdre... J’ai même pas d’tunes pour m’payer d’l’herbe Alors, je m’défonce avec c’que j’peux Le trichlo, la colle à rustine

C’est vrai qu’des fois ça fout la gerbe Mais pour le prix, c’est c’qu’on faut d’mieux Et pis, ça nettoie les narines Le soir, on rôde sur les parkings On cherche un BM pas trop ruinée On l’emprunte pour une heure ou deux On largue la caisse à la porte dauphine On va aux putes, juste pour mater Pour s’en souv’nir le soir dans not’pieu J’ai rien à gagner, rien à perdre... Y’a un autr’truc qui m’branche aussi C’est la musique avec des potes On a fait un groupe de hard rock On répète le soir dans une cave Sur des amplis un peu pourris Sur du matos un peu chourave On a même trouvé un vieux débile Qui voulait nous faire faire un disque Ca a foiré parc’que c’minable Voulait pas qu’on chante en kabyle On y a mis la tête contre une brique Que même la brique, elle a eu mal J’ai rien à gagner, rien à perdre... Des fois, j’me dis qu’à trois mille bornes De ma cité, y’a un pays Que j’connaîtrais sûr’ment jamais Que p’t’être c’est mieux, p’t’être c’est tant pis Qu’là-bas aussi, j’s’rai étranger Qu’là-bas non plus, j’s’rai personne Alors pour m’sentir appartenir A un peuple, à une patrie J’porte autour de mon cou sur mon cuir Le keffieh noir et blanc et gris Je m’suis inventé des frangins Des amis qui crèvent aussi J’ai rien à gagner, rien à perdre...

131 Le Renaud illustré, Albin Michel, Paris, 1999, p. 53 – 56.

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UNE CONFESSION CHRETI ENNE DU DIEU VIVANT 132

Avec tous nos frères et soeurs chrétiens, nous confessons que le Dieu Unique est Père - au-delà de tout et de tous - Fils - s’approchant de tout et de tous - et Saint-Esprit - au dedans de tout et de tous. Nous confessons que le Dieu trois fois Saint est Mystère d’infinité et de proximité, de Communion et de Communication, de Tendresse et de Justice. Avec nos frères et soeurs en humanité juifs, nous confessons que Dieu est le Créateur de l’univers et qu’il est le Saint. Et différemment d’eux, nous confessons que le Créateur s’est fait créature et que le Saint s’est incarné. Avec nos frères et soeurs en humanité musulmans, nous confessons que Dieu est le Tout-Puissant, le Parfait et l’Immortel. Et différemment d’eux, nous confessons que le Tout-Puissant a accepté d’être fragile, que le Parfait a porté nos imperfections et que l’Immortel, par la mort et la résurrection de Jésus, a transfiguré notre mortalité. Avec nos frères et soeurs en humanité hindous, nous confessons que Dieu est l’Un indescriptible. Et différemment d’eux, nous confessons que son Unité est multiple et que le monde multiple ne se résorbe pas dans l’Un. Avec nos frères et soeurs en humanité bouddhistes, nous confessons que la Réalité ultime est inexprimable.

Et différemment d’eux, nous confessons que l’Inexprimable s’est exprimé, non comme « Vide » impersonnel (shûnyatâ) mais comme Personnalité qui s’est « vidée » (Kénose) Ainsi avec les religions de l’Orient, nous confessons que Dieu est Silence et Souffle. Avec les religions juive et musulmane, que Dieu est Parole. Et différemment de toutes, nous confessons que Dieu est tout à la fois Silence, Parole et Souffle, Père, Fils et Esprit, que la Source silencieuse s’est faite Parole, que la Parole s’est faite chair et que par le Souffle de la Parole toute chair peut devenir une parole animée à la louange du Dieu au-delà de tout. Avec nos frères et nos soeurs en humanité sans religion et de bonne volonté, nous confessons que les droits de l’homme et de la femme sont inaliénables. Et différemment d’eux, nous confessons que l’humain est image du divin. Avec l’apôtre Paul et tous les chrétiens de tous les temps, nous confessons que la divinité, l’incarnation, la mort, la résurrection et l’élévation de Jésus, Fils de Dieu reconnu comme Messie, venu et qui vient (cf. Philippiens 2, 5-11) Et cette confession commune nous réjouit intensément. Shafique Keshavjee

132 Missi n°53 / Mission n° 79, p. 32.

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SOMMAIRE

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REMERCIEMENTS........................................................................................................................... 2

INTRODUCTION............................................................................................................................... 4

PREMIERE PARTIE......................................................................................................................... 7

L’ISLAM FACE A LA LEGISLATION DE LA V ème REPUBLIQUE ................................ 8

1. LES PROBLEMES RENCONTRES PAR LES MUSULMANS........................................ 8

1.1 US ET COUTUMES......................................................................................................... 8

A. LES RITES ................................................................................................................... 10

Le mariage ..................................................................................................................... 10

Le divorce ...................................................................................................................... 12

Les enterrements............................................................................................................ 13

Les prières...................................................................................................................... 14

B. LES ABATTAGES RITUELS.................................................................................... 16

C. LE PORT DU FOULARD........................................................................................... 18

1.2 LES INSTITUTS DE FORMATION ............................................................................ 28

A.QUELLE FORMATION POUR LES IMAMS ?........................................................ 28

B. LA FACULTE DE THEOLOGIE MUSULMANE E STRASBOURG....................... 30

2. UNE RECONNAISSANCE D’ACTIVITES ...................................................................... 33

2.1 LES MOSQUEES ........................................................................................................... 33

A. LA GRANDE MOSQUEE DE PARIS....................................................................... 35

B. LES MOSQUEES DE STRASBOURG ..................................................................... 37

2.2 LES SCOUTS MUSULMANS DE FRANCE (SMF).................................................. 38

2.3 L’ORGANISATION DE L’ISLAM .............................................................................. 39

SECONDE PARTIE.........................................................................................................................47

UN VIS A VIS TRES PARTAGE ................................ ................................ .............................. 48

1. L’ACCUEIL DE L’ISLAM EN FRANCE.......................................................................... 48

1.1 LA PEUR, LE REJET............................................................................................... 48

A. LES FRANÇAIS FACE A L’INTEGRISME ............................................................ 48

Les attentats ................................................................................................................... 49

Les médias et l’actualité................................................................................................ 49

Les origines de l’extrémisme en France ...................................................................... 50

B. LA PEUR DE LA DIFFERENCE............................................................................... 51

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui

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1.2 CITES ET MELANGE ETHNIQUE............................................................................. 53

2. LES CONVERSIONS........................................................................................................... 55

2.1 POURQUOI CES CONVERSIONS ?........................................................................... 56

A. BESOIN DE SPIRITUALITE..................................................................................... 56

B. VIVRE AVEC DES MUSULMANS.......................................................................... 57

C. LE MARIAGE.............................................................................................................. 57

D. UN PHENOMENE DE MODE................................................................................... 58

E. LES REELS INTERETS DE L’ISLAM ..................................................................... 58

2.2 COMMENT SE CONVERTIR ? ................................................................................... 60

A. L’INTENTION............................................................................................................. 61

B. LE RITUEL................................................................................................................... 61

2.3 LES CONSEQUENCES D’UN TEL ACTE................................................................. 62

A. L’ARABE, LANGUE SACREE................................................................................. 62

B. LE MARIAGE FACE A LA CONVERSION............................................................ 63

TROISIEME PARTIE......................................................................................................................65

LE DIALOGUE INTER -RELIGIEUX ................................ ................................ .................... 66

1. QUEL EST-IL, A QUOI SERT-IL ?.................................................................................... 66

1.1 DEFINITION................................................................................................................... 66

1.2 LES RAISONS D’UN TEL DIALOGUE ..................................................................... 68

2. HISTOIRE ET GEOGRAPHIE ACTUELLE ..................................................................... 69

2.1 HISTOIRE ....................................................................................................................... 69

A. JUDAÏ SME................................................................................................................... 69

B. CHRISTIANISME ....................................................................................................... 69

C. ISLAM........................................................................................................................... 69

2.2 GEOGRAPHIE................................................................................................................ 71

3. DIVERGENCES ET CONFLITS......................................................................................... 73

3.1 ISLAM ET JUDAÏ SME.................................................................................................. 73

3.2 ISLAM ET CHRISTIANISME...................................................................................... 74

A. CHRETIENS FACE A L’ISLAM............................................................................... 75

B. MUSULMANS FACE AU CHRISTIANISME......................................................... 76

4. ENTENTE ET COHESION THEOLOGIQUES ENTRE CHRETIENS ET

MUSULMANS.......................................................................................................................... 79

4.1 DIEU CREATEUR ......................................................................................................... 79

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Nicole ROULLAND - L’implantation de l’Islam en France aujourd’hui.

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4.2 DIEU EST UN................................................................................................................. 80

4.3 DES PERSONNAGES MYTHIQUES.......................................................................... 81

A. ABRAHAM.................................................................................................................. 81

B. MOÏ SE........................................................................................................................... 83

C. JESUS............................................................................................................................ 85

5. POURQUOI ET OU DIALOGUER ?.................................................................................. 86

5.1 LE DIALOGUE INTERRELIGIEUX COMME MOYEN DE DISSIPER LES

MALENTENDUS................................................................................................................. 86

5.2 LES LIEUX DE LA RENCONTRE.............................................................................. 88

A. LES ASSOCIATIONS DE QUARTIER.................................................................... 89

B. LE TRAVAIL............................................................................................................... 89

C. LES VILLES UNIVERSITAIRES.............................................................................. 89

CONCLUSION..................................................................................................................................91

BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................................94

ANNEXES..........................................................................................................................................98

REPERES HISTORIQUES ................................ ................................ ................................ ....... 99

TEXTES DE LOI ................................ ................................ ................................ ....................... 100

DOCUMENTS SUR LE DIALOGUE INTERRELIGIEUX ................................ .............. 111

DOCUMENT SUR LA FACULTE DE THEOLOGIE MUSULMANE ........................... 116

DOSSIER D E PRESSE ................................ ................................ ................................ ............. 117

DIVERS ................................ ................................ ................................ ................................ ....... 126

SOMMAIRE ....................................................................................................................................128