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En s’invitant en fin de semaine à Dakar avant de se rendre à Kinshasa pour le sommet de la Francophonie, François Hol- lande a joué finement. Après avoir longtemps pesé le pour et le contre de sa participation à son premier sommet franco- africain sur le continent noir, il a choisi finalement de se rendre au Congo. Pour y dire sa vérité sur sa conception des droits de l’homme et de la démocratie dans un pays, y rencontrer ses pairs avec qui la relation est parfois mal- heureusement incontournable, et saluer les opposants au Président Kabila, histoire de consolider un pluralisme menacé. Mais vu l’équilibrisme que suppose ce déplace- ment, François Hollande a donc choisi de s’arrêter aupa- ravant à Dakar. Étape obligée depuis que le Sénégal fait figure des rares bons élèves de la démocratie africaine. De Senghor à Macky Sall en passant par Diouf et Wade, François Hollande saluera ces héros de la démocratie. Il pourra et devra s’essayer à un nouveau « discours de Dakar » qui, pour être crédible, devra dépasser la contra- diction qu’il ne manquera pas d’apporter à Nicolas Sarkozy dont la fameuse phrase sur la place de l’homme africain « dans l’Histoire » était si mal passée. François Hollande veillera aussi à confier à ses interlo- cuteurs la crainte que lui inspire la situation au Sahel. Et la confiance qu’il a dans son plan de mobilisation des Européens, des organisations régionales africaines, le tout sous bannière des Nations unies, pour enfin intervenir au Nord-Mali. Laurent Fabius a condamné les attentats sacrilèges à répétition commis par les islamistes à Gao comme à Tombouctou. Jean-Yves Le Drian a mis en garde la semaine dernière, à Chypre, ses collègues européens contre un terrorisme djihadiste qui se rapprochait de nos frontières. François Hollande n’attend pas moins des chefs d’État de la région une prise de responsabilité dans cette affaire, quitte à ce que certains fassent le ménage dans leurs hiérarchies pour y débusquer les complices des trafi- quants et des terroristes. Mais aucun de ces gestes ne portera s’ils ne sont pas ac- compagnés au mieux par un soutien militaire, au pire par un feu vert tacite de la part de l’Algérie. Avec son immense frontière avec le Mali, elle peut tout faire réussir ou tout faire échouer. Militairement, c’est la puissance la plus forte de la région. Mais l’Algérie, dont certains des chefs islamistes régnant désormais au Nord-Mali sont issus, ne tient pas à ce stade qu’une intervention africaine soutenue par les Occidentaux ne déborde chez elle après une guerre civile qui a fait plus de 100 000 morts dans les années 1990. François Hollande n’a jamais caché qu’il souhaitait nor- maliser une fois pour toutes la relation franco-algérienne. Il serait dommage que ce projet fort se heurte à une intran- sigeance d’Alger et mette en danger par là même une intervention au Sahel qualifiée, à raison, par la France de prioritaire. Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Joël Genard www.lhemicycle.com NUMÉRO 451 — MERCREDI 3 OCTOBRE 2012 — 2,15 ¤ PATRICK HERTZOG/AFP MEHDI FEDOUACH/AFP La situation financière des universités se dégrade. C’est une des conséquences techniques de la loi sur l’autonomie. Geneviève Fioraso annonce une rallonge de 250 millions d’euros pour 2013, déjà considérée comme sous-évaluée face aux besoins. SÉBASTIEN BOZON/AFP JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN/AFP Jean-Luc Mélenchon P. 3 Jean-Louis Borloo P. 2 G eneviève Fioraso était attendue au tournant. « Je ne m’attends pas à me faire couvrir de louanges par les prési- dents d’université », a ironisé la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Re - cherche lors de la présentation du bud get de son ministère pour 2013. L’exercice paraissait pourtant réussi, avec l’annonce d’une hausse de 2 % du budget consacré aux universités, l’un des rares épargné par la rigueur. Mais cette hausse, ramenée à 0,3 % après inflation, est-elle susceptible de calmer la bronca qui sévit dans le milieu universitaire? Rien n’est moins sûr. Alors que 19 universités françaises sont actuellement dans le rouge, dont 11 depuis deux ans, les présidents sont de plus en plus nombreux à tirer la sonnette d’alarme. Directement visée, la loi « LRU » (relative aux libertés et responsabilités des universités) portée par Valérie Pécresse en 2007. En vertu de celle-ci, les universités doivent désormais gérer l’intégralité de leurs dépenses, en parti- culier la masse salariale, qui représente quelque 80 % de leur budget. Une partie des dirigeants d’université estime que les dotations de l’État – qui représentent entre 70 % et 90 % des budgets des universités – sont sous- évaluées par rapport à la réalité des dépenses. La ministre, elle, rejette la faute sur son prédécesseur et pointe le manque d’accompagnement de la loi LRU sur le terrain. « Il y a eu une autonomie bradée, on assainit les bases, explique-t-elle. Mais il s’agit désormais de remettre les universités devant leurs responsabilités de gestion. » Le dialogue s’annonce compliqué. Tatiana Kalouguine > Lire en p. 6 et 7 Voici Hollande l’Africain Les universités inquiètes pour leur avenir Et aussi Au sommaire Aux Quatre Colonnes : L’heure de la sobriété budgétaire et de l’équité a sonné par Anita Hausser >p. 4 Erasmus est un luxe par Éric Maulin >p. 4 Économie : La câlinothérapie des départements en période de vaches maigres par Florence Cohen >p. 5 L’agglomération marseillaise en quête de statut par Ludovic Bellanger >p. 8-9 Acte III de la décentralisation : Les villes moyennes bien décidées à se faire entendre selon Christian Pierret >p. 10 Hubert Védrine appartient au cénacle de personnalités politiques capables de manier avec talent le verbe géostratégique. L’ancien secrétaire général de l’Élysée sous Mitterrand et ministre des Affaires étrangères du gouvernement Jospin revendique ses passions pour Balzac et Proust. En politique, François Mitterrand le fascina, tout comme son père. > Lire l’Admiroir d’Éric Fottorino en p. 15 DR Édito François Clemenceau Hubert Védrine, la liberté au nom du père et de Mitterrand

l'Hémicycle - #451

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l'Hémicycle numéro 451 du mercredi 3 octobre 2012 Au sommaire : - Aux Quatre Colonnes : L’heure de la sobriété budgétaire et de l’équité a sonné par Anita Hausser >p. 4 - Erasmus est un luxe par Éric Maulin >p. 4 - Économie : La câlinothérapie des départements en période de vaches maigres par Florence Cohen >p. 5 - L’agglomération marseillaise en quête de statut par Ludovic Bellanger >p. 8-9 - Acte III de la décentralisation : Les villes moyennes bien décidées à se faire entendre selon Christian Pierret >p. 10

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Page 1: l'Hémicycle - #451

En s’invitant en fin de semaineà Dakar avant de se rendre àKinshasa pour le sommet de laFrancophonie, François Hol-lande a joué finement. Aprèsavoir longtemps pesé le pour et le contre de sa participationà son premier sommet franco-

africain sur le continent noir, il a choisi finalement de serendre au Congo. Pour y dire sa vérité sur sa conceptiondes droits de l’homme et de la démocratie dans un pays,y rencontrer ses pairs avec qui la relation est parfois mal-heureusement incontournable, et saluer les opposants au Président Kabila, histoire de consolider un pluralismemenacé. Mais vu l’équilibrisme que suppose ce déplace-ment, François Hollande a donc choisi de s’arrêter aupa -ravant à Dakar. Étape obligée depuis que le Sénégal faitfigure des rares bons élèves de la démocratie africaine.De Senghor à Macky Sall en passant par Diouf et Wade,François Hollande saluera ces héros de la démocratie.Il pourra et devra s’essayer à un nouveau « discours deDakar » qui, pour être crédible, devra dépasser la contra-diction qu’il ne manquera pas d’apporter à Nicolas Sarkozydont la fameuse phrase sur la place de l’homme africain« dans l’Histoire » était si mal passée.François Hollande veillera aussi à confier à ses interlo -cuteurs la crainte que lui inspire la situation au Sahel. Etla confiance qu’il a dans son plan de mobilisation desEuropéens, des organisations régionales africaines, le toutsous bannière des Nations unies, pour enfin intervenirau Nord-Mali. Laurent Fabius a condamné les attentatssacrilèges à répétition commis par les islamistes à Gaocomme à Tombouctou. Jean-Yves Le Drian a mis en gardela semaine dernière, à Chypre, ses collègues européenscontre un terrorisme djihadiste qui se rapprochait de nosfrontières. François Hollande n’attend pas moins des chefsd’État de la région une prise de responsabilité dans cetteaffaire, quitte à ce que certains fassent le ménage dansleurs hiérarchies pour y débusquer les complices des trafi-quants et des terroristes.Mais aucun de ces gestes ne portera s’ils ne sont pas ac -compagnés au mieux par un soutien militaire, au pire parun feu vert tacite de la part de l’Algérie. Avec son immensefrontière avec le Mali, elle peut tout faire réussir ou tout faireéchouer. Militairement, c’est la puissance la plus forte dela région. Mais l’Algérie, dont certains des chefs islamistesrégnant désormais au Nord-Mali sont issus, ne tient pasà ce stade qu’une intervention africaine soutenue par lesOccidentaux ne déborde chez elle après une guerre civilequi a fait plus de 100 000 morts dans les années 1990.François Hollande n’a jamais caché qu’il souhaitait nor-maliser une fois pour toutes la relation franco-algérienne.Il serait dommage que ce projet fort se heurte à une intran-sigeance d’Alger et mette en danger par là même uneintervention au Sahel qualifiée, à raison, parla France de prioritaire.

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Joël Genard

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La situation financière des universités se dégrade. C’est une desconséquences techniques de la loi sur l’autonomie. GenevièveFioraso annonce une rallonge de 250 millions d’euros pour 2013,déjà considérée comme sous-évaluée face aux besoins.

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Jean-LucMélenchon

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Jean-LouisBorloo

P. 2

Geneviève Fioraso était attendue autournant. «Je ne m’attends pas à mefaire couvrir de louanges par les prési-

dents d’université », a ironisé la ministrede l’Enseignement supérieur et de la Re -cherche lors de la présentation du bud getde son ministère pour 2013. L’exerciceparaissait pourtant réussi, avec l’annonced’une hausse de 2 % du budget consacréaux universités, l’un des rares épargnépar la rigueur. Mais cette hausse, ramenéeà 0,3 % après inflation, est-elle susceptiblede calmer la bronca qui sévit dans le milieuuniversitaire? Rien n’est moins sûr.

Alors que 19 universités françaises sontactuellement dans le rouge, dont 11depuis deux ans, les présidents sont deplus en plus nombreux à tirer la sonnetted’alarme. Directement visée, la loi « LRU »(relative aux libertés et responsabilitésdes universités) portée par ValériePécresse en 2007. En vertu de celle-ci, lesuniversités doivent désormais gérer l’intégralité de leurs dépenses, en parti-culier la masse salariale, qui représentequelque 80 % de leur budget.Une partie des dirigeants d’universitéestime que les dotations de l’État – qui

représentent entre 70 % et 90 % desbudgets des universités – sont sous- éva luées par rapport à la réalité desdépen ses. La ministre, elle, rejette lafaute sur son prédécesseur et pointele manque d’accompagnement de laloi LRU sur le terrain. « Il y a eu uneautonomie bradée, on assainit les bases,explique-t-elle. Mais il s’agit désormaisde remettre les universités devant leursresponsabi lités de gestion. » Le dialogues’annonce compliqué.

Tatiana Kalouguine> Lire en p. 6 et 7

Voici Hollandel’Africain Les universités inquiètes

pour leur avenir

Et aussi

Au sommaire • Aux Quatre Colonnes : L’heure de la sobriété budgétaireet de l’équité a sonné par Anita Hausser > p. 4 • Erasmus est un luxe parÉric Maulin > p. 4 • Économie : La câlinothérapie des départements en périodede vaches maigres par Florence Cohen > p. 5 • L’agglomérationmarseillaise en quête de statut par Ludovic Bellanger > p. 8-9• Acte III de la décentralisation : Les villes moyennes biendécidées à se faire entendre selon Christian Pierret > p. 10

Hubert Védrine appartient au cénaclede personnalités politiques capables demanier avec talent le verbe géostratégique.L’ancien secrétaire général de l’Élyséesous Mitterrand et ministre des Affairesétrangères du gouvernement Jospinrevendique ses passions pour Balzac etProust. En politique, François Mitterrandle fascina, tout comme son père.> Lire l’Admiroir d’Éric Fottorino en p. 15

DR

ÉditoFrançois Clemenceau

Hubert Védrine, la liberté aunom du père et de Mitterrand

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Ce traité est-il bon pour la France ?Bon pour l’Europe ?Ratifier ce traité est un impératif et une urgence. Nous n’avons pasle droit de tergiverser : le chômageex plose, les plans sociaux se multi -plient. Malheureusement, la crisen’est pas derrière nous. Nous avonsbesoin d’une Europe forte, seule ca -pable de nous permettre d’affron -ter la crise, de préparer la croissancede demain et de préserver notresouveraineté. Pour atteindre cesobjectifs, il existe une exigence simple : nous devons réduire notredette publique. Ce traité en pose les principes de base, que les Étatsauraient toujours dû respecterd’eux-mêmes. Ne pas ratifier cetraité c’est donc affaiblir l’Europe,la France, et aggraver la crise.

Comment jugez-vous l’action de la Banque centrale européenne ?Je ne peux que saluer sa décisiond’intervenir directement auprès desbanques, sans passer par les États.

François Hollande a-t-il raison dedire qu’il a « réorienté » la politiqueeuropéenne ? A-t-il trahi sonengagement de campagne ?Pendant la campagne présidentielle,François Hollande avait formuléune proposition singulière sur letraité budgétaire européen. Dansson engagement n° 11, le candidatsocialiste affirmait : « Je renégocieraile traité européen », alors mêmeque ce traité avait été adopté par

25 pays européens. Cette déclara -tion de François Hollande a suscitéun sentiment d’incompréhensionparmi nos partenaires européens, cequi est particulièrement regrettableau moment où, plus que jamais, laFrance doit être un élément stableet moteur de l’Union européenne.La mise en œuvre de l’ambition ducandidat Hollande aurait immé -

diatement eu des conséquencesextrêmement graves pour l’Unioneuropéenne, en la privant des ou -tils, notamment le Mécanismeeuropéen de stabilité (MES) mis en place pour combattre la crise, eten la plaçant à la merci des marchésfinanciers.

Il n’a pu imposer ses vues ?Devenu président de la République,il s’est heurté dès le lendemain deson élection au principe de réalité,et a bien entendu abandonné l’idéede toute renégociation de ce traité.Oui, il a bien trahi sa promesse decampagne, mais je qualifierais sonrenoncement de salutaire.Soyons clairs : le traité que le gou-vernement a présenté au Parlementen vue de sa ratification est motpour mot celui signé par Nicolas

Sarkozy à Bruxelles. Les tentativesde diversion du gouvernement avecle « Pacte pour la croissance » nepeuvent pas masquer cette réalité.Sur les 120 milliards d’euros invo-qués par le Président Hollande pourtenter de calmer son aile gauche, iln’y a pas un euro de plus au bud getde l’Union européenne jusqu’en2014. Seuls 10 milliards seront redé-

ployés pour la recapitalisation de laBEI, car nécessaires à son bon fonc-tionnement. Il n’existe rien de plus.

Une partie importante de la classepolitique française demandeun référendum. À tort ?François Hollande, pendant sa cam-pagne, a dit et répété que ce traitéétait mauvais et qu’il en obtiendraitla renégociation. Il est donc normalque son revirement, au lendemainde l’élection présidentielle, et sadécision de ratifier ce traité dans les termes exacts dans lesquels ilavait été signé par Nicolas Sarkozyaient pu semer le trouble, tant danssa majorité qu’auprès de tous lescitoyens. Il appartient maintenantà la classe politique de rétablir lavérité : ce traité est une avancéepour l’Union européenne, et pour

la France. Le refuser conduirait àl’affaiblissement de l’Union, et àl’aggravation de la crise.

L’Europe est-elle devenue la lignede fracture fondamentale dans la politique française ? Commentvous situez-vous dans ce débat ?On vous a peu entendu…Je ne le crois pas. Nous avons vupendant la campagne présidentielles’affronter deux idées de l’Europe,mais le consensus qui prévaut estbien celui de l’appartenance de laFrance à l’Union européenne. Cepoint essentiel, et c’est important dele rappeler, ne fait aujourd’hui pasdébat au sein des grandes forcespolitiques de notre pays. Personneaujourd’hui ne remet sérieusementen cause l’existence de l’Union eu -ropéenne, ni l’existence de l’euro,ni la participation et le rôle moteurde la France dans tous les grandsprojets européens.Toutefois, il est évident que l’Unioneuropéenne doit évoluer. Elle nedoit pas rester figée sur le modèle surlequel elle a été créée, et qui étaitd’ailleurs, dès le départ, appelé à seperfectionner. Cette réalité est d’au-tant plus vraie que nous sommesface à une crise, économique maisaussi de légitimité de l’Union eu ro -péenne, qui met en exergue lesaméliorations dont l’Union a besoinpour continuer de jouer son rôle.

Sur quoi portent les divergences,selon vous ?

Sur la façon dont l’Europe doitévoluer, sur la direction qu’elle doitprendre. Je suis pour ma part enfa veur d’un grand pas vers le fé -déra lisme, sur certains sujets. Nousavons besoin d’une Europe pluspolitique, véritablement intégrée, à l’opposé de l’Europe intergou-vernementale que nous connais-sons aujourd’hui.La gravité de la situation actuelle adémontré qu’il ne peut exister dezone monétaire unique sans unegouvernance économique, budgé-taire, économique et fiscale des Étatsqui partagent la même monnaie.

Est-ce le sujet sur lequel le centre(Modem compris) peut se réunir ?Bien entendu. Les partis centristesont toujours été profondémentpro-européens. Nos valeurs sont desvaleurs européennes, nous sommespour l’intégration européenne, etnous croyons à une Europe forte.Nous sommes convaincus que laFrance a besoin d’Europe.Le parti Union des démocrates etindépendants est d’ailleurs fondésur ces valeurs, et la refondationd’une Europe plus intégrée et fé dé -rée, protectrice de ses concitoyenset mieux armée dans la compétitioninternationale, est la première denos priorités. Nous avons été desfondateurs, l’Europe est en diffi-culté, refonder et peut-être chan gerd’Europe est un sujet majeur.

Propos recueillispar Thomas Renou

2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 451, MERCREDI 3 OCTOBRE 2012

Agora

JEAN-LOUIS BORLOOPRÉSIDENT DE L’UNION DES DÉMOCRATES ET INDÉPENDANTS (UDI)

Selon Jean-Louis Borloo, le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) estune avancée pour l’Union européenne, et pour la France. Le refuser conduirait à l’affaiblissementde l’Union, et à l’aggravation de la crise.

«En abandonnant l’idée de renégocier ce traité,François Hollande a trahi sa promesse de campagne,

mais je qualifierais son renoncement de salutaire »

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«LE TRAITÉ EST MOT POUR MOTCELUI SIGNÉ PAR NICOLAS

SARKOZY À BRUXELLES »

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Pensez-vous que le débat sur le traité européen est escamoté ?Bien sûr, et depuis le début. Cetraité a été négocié dans une opa-cité la plus totale par Sarkozy etMerkel en janvier dernier. Le Par-lement a été complètement tenu à l’écart. Aujourd’hui le Présidentet le gouvernement essaient definir le travail de Sarkozy en étouf-fant tout débat. François Hollanden’en a même pas dit un mot lorsde son intervention télévisée du9 septembre. Et le gouvernementa déclaré la procédure d’urgencepour réduire la durée des débats au Parlement. Ces méthodes sontcohérentes avec le tour autoritairepris par la construction euro-péenne. Les citoyens et les parle-ments sont considérés comme des obstacles à contourner alorsqu’ils devraient être la source detoute décision en démocratie.

Ce débat peut-il, comme vousle souhaitez, « s’amplifier » ?Quelle République peut vivre dansle mensonge et l’enfumage perma -nents ? On leur a dit que le traitéavait été renégocié par Hollandeet ils découvrent que c’est le textede Sarkozy qui va être adopté. Et les gens voient concrètement quel’austérité est mortelle pour l’éco-nomie et l’emploi. Cette prise deconscience contre l’austérité seressent dans l’ampleur des forcessociales qui critiquent ce traité.Aucun syndicat ne le défend dansle pays. Il n’y a plus que les libéraux,

leurs amis sociaux-libéraux et leMedef qui sont convaincus par cetexte. La manifestation nationaledu 30 septembre à Paris est ledébut d’un sursaut civique que leParlement et le gouvernement nepeuvent traiter par le mépris.

Comment comptez-vousconvaincre les parlementaires devoter contre ce pacte budgétaire ?Je suis consterné par la bêtise deceux qui disent que ce n’est pas unvote pour ou contre le traité maispour ou contre François Hollande.C’est lourdement rabaisser le Parle-ment. Fillon et Copé s’apprêtent-ils

à voter oui pour soutenir Hollande ?J’appelle les parlementaires à seprononcer en conscience sur lefond du traité et sur rien d’autre.Sont-ils pour ou contre l’interdic-tion de tout déficit public struc-turel supérieur à 0,5 % du PIB ?Alors que la barre des 3 % de défi-cit est déjà jugée intenable par leprésident de l’Assemblée nationalelui-même ? Sont-ils pour que dessanctions automatiques soientappliquées aux pays en cas de non-respect de ces règles draconiennes ?

Sont-ils pour que les émissions dedette de la France soient soumisesà l’avis préalable de la Commissioneuropéenne qui n’est pas élue ?Voilà les questions qui sont poséesaux représentants du peuple.

Le ministre délégué aux Affaireseuropéennes, Bernard Cazeneuve,évoque la nécessité de franchircette première étape du TSCG pourpouvoir mettre ensuite en œuvre« l’ambition de croissance » de laFrance en Europe…Cela fait vingt ans que l’on entendla même chose. Avec le traitéd’Amsterdam, il y avait aussi un

soi-disant « volet croissance ». Etlors du référendum sur le Traité deMaastricht en 1992, Delors disaitdéjà : « Votez oui à Maastricht, eton se remettra au travail tout desuite sur l’Europe sociale. » Résultat :l’Europe sociale n’existe pas. Et laconstruction purement marchandede l’Europe a tiré vers le bas tousles systèmes sociaux du continent.Le Président a refermé les margesde manœuvre européennes que luioffrait le rejet de Sarkozy dans lesurnes. Cela lui donnait pourtant un

mandat clair pour renégocier letraité Merkozy. Au lieu de ça il l’aaccepté sans en changer une ligne.Il s’est dès lors privé de toute ca -pacité d’initiative pour réorienterl’Europe. D’ailleurs Barroso et Mer-kel travaillent déjà dans leur coinsur un nouveau projet de traitéinstitutionnel. Sans nous !

Il accuse les opposants de gaucheau traité de miser sur une criseeuropéenne, de « jouer la crise »,d’ajouter la crise politiqueà la crise économique…Que lui répondez-vous ?Mais la crise est déjà là et ne cesse

de s’aggraver à cause de l’austérité.L’Europe actuelle n’est pas la solu-tion mais le problème ! Et ce sontles coups de force successifs de l’UEcontre les peuples qui nourrissentla crise politique. Pourquoi aucunbilan n‘est-il tiré de la politiqueeuropéenne menée depuis deuxans en Grèce ? Pourquoi les plansd’austérité continuent-ils de ruinerce pays alors qu’une large majoritédes Grecs les ont rejetés lors desdernières élections législatives ? Cesont ceux qui veulent continuer

comme ça qui sont les fauteurs de crise. Ils sont en train de tuerl’idée européenne.

C’est autour de la questioneuropéenne que se recomposerala gauche, selon vous. La lignede fracture ouverte en 2005est-elle indépassable ?C’est le oui au traité qui diviseaujourd’hui à gauche. Et c’est aucontraire l’idée de changer d’Eu-rope qui rassemble une large majo-rité de la gauche. Par sa clarté etson am pleur, la décision du conseilfédéral d’Europe Écologie en estune preuve supplémentaire. Avecle Front de gauche, Europe Écologie-Les Verts et une partiedu PS, une alternative à gauche estpossible en France. Pour proposerune autre voie en Europe commey aspirent les peuples victimes del’austérité.

Vous souhaitez une ruptureen Europe, mais avec quelspartenaires ? Quel État européengouverne sur la ligne politiquedéfendue par le Front de gauche ?On ne peut pas faire l’Europe sansla France. Si la France proposaitune autre voie que l’austérité, ceserait une bouffée d’oxygène pourbeaucoup d’États, notamment dusud de l’Europe. Encore faut-il quela France ait autre chose à propo-ser que l’alignement permanentsur ce qu’a décidé Mme Merkel.

Propos recueillispar T.R.

NUMÉRO 451, MERCREDI 3 OCTOBRE 2012 L’HÉMICYCLE 3

Agora

Selon l’ex-candidat du Front de gauche à la présidentielle, François Hollande n’a pas su utiliserles marges de manœuvre européennes que lui offrait son succès de mai pour renégocier le pacte budgétaire. Avec le Front de gauche, Europe Écologie-Les Verts et une partie du PS, une alternative à gauche est possible en France, assure Jean-Luc Mélenchon.

«J’appelle les parlementaires à se prononcer enconscience sur le fond du traité et sur rien d’autre ! »

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JEAN-LUC MÉLENCHONCOPRÉSIDENT DU PARTI DE GAUCHE

«LES CITOYENS ET LES PARLEMENTS SONTCONSIDÉRÉS COMME DES OBSTACLES À

CONTOURNER ALORS QU’ILS DEVRAIENT ÊTRE LASOURCE DE TOUTE DÉCISION EN DÉMOCRATIE »

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4 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 451, MERCREDI 3 OCTOBRE 2012

Plan large

Lancé en 1987, le programme Erasmusencourage la mobilité des étudiants entreles universités européennes de manière à favoriser l’émergence d’une conscienceeuropéenne. Ce beau programme attirechaque année plusieurs centaines de mil-liers d’étudiants européens (231 410 en2010-2011) qui bénéficient de bourses d’études versées par les universités mais àpartir de fonds européens, leur permettantde passer de six à douze mois dans un desquelque 3 041 établissements partenaires.Pourtant, ces dernières années, le pro-gramme Erasmus marque le pas. Plusieursmilliers de bourses ne trouvent plus pre-neurs. Sur 27 000 bourses disponibles enFrance en 2008, 4 000 n’ont pas été attri -buées. Les chiffres ne sont plus disponiblesdepuis. Dans tous les États européens, lenombre d’étudiants pérégrins diminue : en Suède, en France (selon une étude del’agence Campus France), en Allemagne(selon le Hochschulinformationssystem, ou HIS). Une dizaine de pays connaissentmême une baisse inquiétante – jusqu’à10 % – des départs en année Erasmus. Lacrise économique, la modicité des bourses(entre 200 et 300 euros par mois), le ren -chérissement des droits universitaires ex -pliquent sans doute ce reflux. Au demeu-rant, le programme Erasmus n’a jamaisété accessible qu’aux étudiants favorisés.Dans les meilleures années, il n’a touchéque 3 à 4 % d’entre eux. La Commissioneuropéenne ne baisse pourtant pas lesbras. Elle a décidé de fusionner les sept programmes d’échanges européens – dontErasmus est le principal – en un seul, « Eras-mus pour tous », et de porter son budgetà 19 milliards d’euros pour la période2014-2020. L’objectif est à la fois de sim-plifier l’ancien système et de permettre àenviron 5 millions d’étudiants, soit le dou-ble de ceux qui en bénéficient actuelle-ment, de décrocher une bourse, revaloriséed’une centaine d’euros, pour partir étu -dier ou suivre une formation en Europe.Cette ambitieuse relance du projet Erasmussera-t-elle suffisante ? Rien n’est moinscertain si l’on en croit de récentes études.On a pu mettre en évidence une absencede désir de mobilité chez de nombreuxétudiants. Une enquête conduite en Allemagne par le HIS pour le compte duDAAD montre que beaucoup d’étudiantspréfèrent aujourd’hui un stage en entre-prise sur le sol national à la vie joyeusemais dispendieuse de l’auberge espagnole.Étudier à l’étranger reste un luxe réservéde fait à une minorité d’étudiants « initiéset aisés », comme le reconnaît la ministrefrançaise de l’Enseignement supérieur. Ilne peut s’adresser à ceux dont l’ambitionest de suivre des études courtes et immé-diatement professionnalisantes.

Erasmusest un luxe

DR

Au nom des principes de« sobriété budgétaire, transpa-rence, équité », le nouveau

patron des députés a annoncé les pre-mières mesures qu’il entend mettreen œuvre : la plus spectaculaire est la baisse de 10 % de l’indemnité dereprésentation et de frais de mandat(IRFM), et la plus importante, lanouvelle répartition de la réserve parlementaire, le « dernier tabou » de l’Assemblée selon le président de lacommission des lois, Jean-JacquesUrvoas. Ces dispositions, élaboréesen concertation avec les groupes et surtout en collaboration avec les questeurs, seront soumises au bureau de l’Assemblée – « souve -rain » en la matière – le 10 octobre.Aux Quatre Colonnes, les députésont surtout réagi à chaud sur l’IRFMet le gel du budget, « zéro euro de pluspour le budget de l’Assemblée ». Aussi,son prédécesseur Bernard Accoyer,qui avait initié cette sobriété budgé-taire en proposant une baisse de 3 %du budget de l’Assemblée, n’a pas hé -sité à dire que les mesures préconi séespar Claude Bartolone « vont dans le

bon sens ». La plupart des députésn’ont pas embrayé le pas à ChristianJacob, président du groupe UMP, quia déclaré qu’on « ne fait pas avancerla démocratie en diminuant les indem-nités ». À gauche toutes les réactionsont été positives, d’autant que lesquelque 600 euros économisés surl’IRFM seront attribués aux colla -borateurs des députés. Ce qui conti-nue de faire débat, c’est l’absence de contrôle de cette indemnité nonimposable, destinée à couvrir les« dépenses liées à l’exercice du mandatqui ne sont pas directement prises encharge ou remboursées par l’Assemblée »(frais de représentation, de location,de permanence, etc.). L’IRFM est l’ob-jet de nombreuses controverses, voirede fantasmes. Pour le centriste Charlesde Courson, très en pointe sur la ques-tion, « il faudrait organiser le contrôlede l’utilisation de ces fonds [6 412eurospar mois] car, dit-il, tout système noncontrôlé dérive ». Mais la majorité desdéputés, droite et gauche confondus,s’y refusent : « Question d’honneur »,avancent-ils, en faisant observer queles cas de dérives sont rarissimes.

Et ceux qui, à l’instar de François deRugy,René Dosière ou Régis Juanico,détaillent leurs dépenses sur leur blogsont rares. Cette question ducontrôlede l’IRFM sera soumise au prochaindéontologue de l’Assemblée.

La réserve parlementaire partagéeLes députés ont été moins question-nés sur la réforme de la répartitionde la réserve parlementaire et celaa dû bien arranger les élus socia-listes. D’un montant global de90 millions, la répartition de cettedotation d’État, qui permet aux élusde donner un coup de pouce à desprojets locaux, était jusqu’à présentà la discrétion du président de l’As-semblée, du président et du rappor-teur général de la commission desfinances et du président du groupemajoritaire. Autant dire qu’elle étaittrès inégalement répartie. ClaudeBartolone propose qu’elle soit « dis-tribuée aux groupes politiques au pro-rata des effectifs », ce qui donneraitthéoriquement à chaque député le droit à une somme d’environ140 000 euros. Les députés socia-

listes, qui avaient été consultés parquestionnaire, étaient majoritaire-ment défavorables à cette réforme.Cela n’a pas été ébruité. Mais pasquestion d’être à la traîne du Sénatqui l’a déjà mise en œuvre. Il faut direque du temps de Christian Poncelet(au plateau jusqu’en 2008), le pré -si dent du Sénat, le président et lerapporteur général de la commis-sion des finances « se réservaient »11 millions d’euros pour leur villeou département respectifs. Toute-fois cette redistribution « se faisanten fonction de critères internes, il n’estpas dit que chaque député disposera dela même somme », fait observer RenéDosière, sourcilleux pourfendeurdes gaspillages des deniers de l’État.Lui-même ne serait pas choqué que« la majorité ait un peu plus que l’oppo -sition ». Pour Jean-Jacques Urvoas,cette disposition s’inscrit « dans unelogique de non-cumul, afin que les par-lementaires [privés de mandat local]aient une influence dans leur circons-cription à travers la réserve ». La ques-tion est ultrasensible. Sera-t-elleréglée dans la transparence ?

Après la défaite, la reconquête[des municipalités] démarremaintenant. » C’est le mot

d’ordre que les responsables desgroupes parlementaires UMP del’Assemblée et du Sénat souhai -taient faire passer à l’occasion dela journée parlementaire orga -nisée jeudi dernier à Marcq-en-Barœul, la banlieue chic de Lille.Mais l’exercice était compliqué :l’UMP est en pleine campagne élec-torale interne, le projet de budget2013 n’était pas complètementarrêté et, pour compliquer le tout,l’UMP s’apprête à voter en faveurdu traité budgétaire européen (il est

vrai, négocié par Nicolas Sarkozy).Dans ce contexte mouvant, Chris-tian Jacob et Jean-Claude Gaudin,les deux présidents de groupe, ontpréféré la sobriété aux affronte-ments publics entre « copéistes »et « fillonistes » : les séances detravail ont été consacrées exclusi -vement aux enseignements d’unsondage spécialement commandéà l’Ifop consacré à « l’état de l’opi -nion : perceptions et attentes desFrançais quatre mois après l’élec-tion présidentielle ». Frustrant pourceux, nombreux, qui auraientvoulu s’en prendre au choc fiscalle plus important depuis la Libé -

ration. S’ils ont dû « encaisser »l’approbation par près de deux tiersdes Français du retour de la retraiteà 60 ans pour certains salariés, ainsi que la création de 60 000postes dans l’Éducation nationale,députés et sénateurs ont eu la satis -faction d’apprendre que la réduc-tion de la dette est la premièrepréoccupation de leurs conci-toyens, et que pour y remédier laréduction des dépenses publiquesest plébiscitée par 78 % d’entreeux. Le droit au mariage pour lescouples homosexuels et l’octroidu droit de vote des étrangers seretrouvent en queue de peloton. La

question du cumul des mandats(le non-cumul est plébiscité parles Français) a été éludée. Un autrechiffre a impressionné l’assemblée :64 % des Français considèrent queFrançois Hollande a raté le débutde son quinquennat ; ChristianJacob y voit une explication : « Hol-lande s’enfonce pour deux raisons.D’abord pour ce qu’il fait ou plutôt cequ’il ne fait pas. Mais il s’enfonceégalement parce que nos groupes par-lementaires ne l’ont pas laissé respi -rer. » Une façon de motiver les élustentés de rester sur la réserve pourse préserver des retombées de laguerre Fillon-Copé. A.H.

L’heure de la sobriété budgétaireet de l’équité a sonné

Copé-Fillon : une rivalité de moinsen moins feutrée

Aux Quatre Colonnes

La journée parlementaire de l’UMP

L’opinion d’Éric MaulinDirecteur de l’Institut des hautes étudeseuropéennes (IHEE)

«

Claude Bartolone veut « réarmer » l’Assemblée nationale pour la « rendre plusexemplaire, plus ouverte et plus utile, et la remettre ainsi au cœur du pouvoir ». Par Anita Hausser

Après l’échec de la droite aux législatives, députés et sénateurs UMP se sontretrouvés jeudi dernier à Marcq-en-Barœul pour une journée de travailunique, consacrée aux « attentes de l’opinion ».

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Perplexité et inquiétude. » Voilàrésumé par un des leurs l’état d’esprit des présidents

de conseils généraux réunis encongrès, le 21 septembre, à Metz.Les élus ont du vague à l’âme parce que les départements tirentle diable par la queue, sans aucuneperspective financière concrète.Alors, dans son discours de clô-ture, la ministre de la Réforme del’État, de la Décentralisation et dela Fonction publique, MaryliseLebranchu, a tenté la câlinothé -rapie, proclamant le département« échelon incontournable » et jurantque « la décentralisation ne se ferapas à [leurs] dépens ». Mais sur lacruciale question financière… pasgrand-chose. La représentante dugouvernement s’est refusé à fairedes « promesses inconsidérées » à latrentaine de départements dontelle admet la grande difficulté, ainsi qu’aux autres.

Les élus venus l’écouter en sontdonc pour leurs frais, des frais lourdscomme la crise et l’augmentationdes prestations sociales qui va avec.Entre le versement du RSA et celuide l’APA (allocation personnaliséed’autonomie), les conseils géné -raux ne savent plus où donner duporte-monnaie. Ils souhaitent doncque l’État en compense une plusgrande partie. Mais les leviers nesont pas innombrables. Un relève-ment de la CSG ou un assujettisse-ment des retraités au même titreque les actifs ? Jean-Marc Ayrault a beau marteler que son gouver -nement n’augmentera « jamais laTVA ni la CSG pour combler les trousdu budget de l’État » ; si on joue surles mots, on peut entendre que rienn’interdit de colmater les caissesdes collectivités territoriales par ce biais… Une journée supplémen-taire de solidarité aux personnesdépendantes ? La seule évocation

de cette hypothèse provoqueraitimmédiatement une bronca syn -dicale. L’utilisation d’une partie du produit des droits de succession ?En tout cas, dès son élection, Fran-çois Hollande a réduit l’abattementsur cet impôt, rendant de facto sonproduit un peu plus considérable…Les présidents de conseils géné -raux, eux, trépignent en réclamant« des mesures financières d’urgence »,comme la reconduction du fondsexceptionnel mis en place l’an passé,qui puise dans l’argent non utilisépour l’autonomie des personnesâgées. Las ! Ils n’ont pour l’heure àse mettre sous la dent qu’un groupede travail, annoncé par la ministre.Sa création coïncide avec la touterécente tenue d’un séminaire gou-vernemental sur la modernisa tionde l’action publique, avant un projet de loi sur un nouvel acte dedécentralisation dont les contoursrestent encore bien flous. Le texte

doit enterrer le conseiller territo-rial, unique représentant dans laRégion et le département, voulu par la droite, mais l’avenir des col-lectivités en général et du départe-ment en particulier demeurent ensuspens. Les présidents de conseilsgénéraux pourront peut-être in fluersur ce texte lors de leur rencontreavec François Hollande, à l’instarde leurs homologues régionaux,sans doute mi-octobre. MaryliseLebranchu, en tout cas, n’a pasbanni le mot « négociation » deson discours de Metz. Le gouver -nement veut se montrer ouvert,sous-entendant encore une fois quecelui qui l’a précédé ne l’était pas.En attendant les discussions et,peut-être, les mesures, le quotidienfinancier se gère toujours plus dif-ficilement dans les départements.Les vaches sont maigres pour long-temps et la rigueur est devenue uneraison d’être.

Comment réagissez-vous au discoursde Mme Lebranchu le 21 sep tembre ?Qu’y avez-vous entendu ?J’ai entendu une ministre proche despréoccupations des départements,qui a assuré que le gouvernement re -garderait de près les problématiques.Pas de « promesses inconsidérées »de son côté mais, nous, nous disonsqu’il faut aller plus loin pour régler le problème de l’APA, qui pèse tropdans les budgets des départements.

Où trouver les crédits pour allégerun peu le fardeau des conseilsgénéraux ?Ça, c’est le rôle du gouvernement,pas le mien ! On trouve les créditsdans une réforme de la dépendance,dans une meilleure répartition, vraisemblablement, des dépensesd’assurance-maladie, dans des prio-rités budgétaires qui doivent êtredésignées. Nous, nous avons unedemande, sur laquelle nous sommesassez bloqués, c’est de dire : l’APA,c’est une allocation universelle, versée aux personnes âgées, par lesdépartements. Lorsque la loi a étémise en place, il était dit que 50 %devaient être à la charge de l’État et

50 % à la charge des départements.J’en reste là. Il faut, à terme, trouverla solution pour ce 50-50 et non pas,comme aujourd’hui, 77 % [pour lesdépartements] et 23 % [pour l’État].Où trouver l’argent ? La questionest la même pour les départementsque pour l’État ! Tout doit se négo-cier, tout doit être une histoire decompromis. Il y a des priorités poli-tiques, que je soutiens, de ce gouver-nement, et en même temps, il y a deschoix qui doivent être faits. Ils sefont par négociation.

Quel est l’avenir des départements,notamment en termes de compétences ?Je pense que les départements ontun bel avenir. Comme les autrescollectivités locales, ils ne sont pasun problème pour la France, ils sontune des solutions : les collectivitéslocales investissent comme jamais,77 % de l’investissement public estporté par elles. Les départements nesont pas des structures archaïques,ils sont au contraire des laboratoiresde développement, d’innovation.Nous allons garder, je le crois entout cas, la clause générale de com-

pétence qui nous permet, si nous lesouhaitons, d’intervenir dans tousles domaines. La libre administra-tion des collectivités locales est undes fondements mêmes de ces col-lectivités. Cela, pour nous, ce n’estpas discutable. Il faudra qu’il y aitdes compétences transférées ; jeplaide pour de la clarification. L’éco-nomie pour les Régions, cela mesemble très bien. En même temps,les départements ont la chanced’avoir la proximité. Supprimer cetteproximité, notamment dans l’aideaux communes et aux intercom-munalités, serait méconnaître lesterritoires, notamment ruraux.

Propos recueillis par F.C.

Économie

La câlinothérapie des départementsen période de vaches maigresLe gouvernement veut veiller à la santé financière des départements. La ministre de la Décentralisation,Marylise Lebranchu, s’est montrée très attentive lors du récent congrès de l’Assemblée des départementsde France, mais sans proposition tangible pour endiguer l’endettement chronique des conseils généraux.

Par Florence Cohen

«

« Les départements ne sont pasdes structures archaïques »

3 questions à

DR

ÉRIC

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RMON

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DIDIER GUILLAUMEPRÉSIDENT PS DU CONSEIL GÉNÉRALDE LA DRÔME, MEMBRE DU BUREAUDE L’ASSEMBLÉE DES DÉPARTEMENTSDE FRANCE

Marylise Lebranchu,ministre de la Réforme de l’État,de la Décentralisationet de la Fonction publique.

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La situation financière desuniversités françaises se dé -grade. « La moitié d’entre elles

ont un fonds de roulement inférieur àun mois et un quart ont une trésorerienégative en 2012 », analyse LouisVogel, président de l’universitéPanthéon-Assas, qui préside égale-ment la Conférence des présidentsd’université (CPU). Pour certaines,la situation est critique, comme àAngers où l’on s’attend à essuyerune nouvelle perte de 3 millionsd’euros, après des déficits de700 000 euros en 2010 et de 3,3 mil-lions en 2011.Même les universités aux budgetséquilibrés tremblent pour le pro -chain exercice. À Strasbourg ou Aix-

Marseille, les directions s’apprêtentà devoir faire des efforts pour bouclerle budget 2013. À l’université ParisDescartes, c’est la sécurité mêmedes bâtiments qui est en jeu. « Celas’annonce compliqué car il nous fautdégager une marge d’autofinance -ment pour investir nos bâtiments qui ont été frappés d’un avis négatif par la commission de sécurité. Ce qui

implique 2 à 3 millions d’euros detravaux », témoigne François Paquis,le directeur général des services.

Plusieurs lacunes dansle calcul des budgetsBien que l’autonomie ne soit pascontestée par les dirigeants d’uni-versité, la plupart veulent un ré -équilibrage des dotations pourmieux prendre en compte la réalitédes dépenses. Ainsi la dotation del’État ne prenait pas en comptejusqu’à maintenant l’anciennetédes fonctionnaires et les change-ments d’é chelons, connus sous lenom de « glissement vieillissement technicité », ou GVT. À l’université Bretagne-Sud (UBS),

au budget pourtant équilibréjusqu’en 2011, la situation sedégrade et le GVT est le poste quia le plus augmenté depuis 2009,comme en témoigne le directeurgénéral des services, Jean-MichelLe Pimpec. En France, le manqueà gagner dû au vieillissement dupersonnel est évalué entre 35 et45 millions d’euros pour l’ensemble

des universités. Un passif qui seraépongé en 2013 grâce à la rallongede 250 millions d’euros accordéepar Geneviève Fioraso. Mais lesannées suivantes ? « Il faut que l’État réintègre le GVT dans le trans-fert de la masse salariale », prévientLouis Vogel.Dans les facultés de médecine, ladotation de l’État ne couvre pasnon plus la rémunération desmédecins ayant le statut de pro-fesseur des universités-praticienhospitalier (PU-PH) en surnombre.Ces fonctionnaires peuvent en effet, dans certaines conditions,conti nuer à exercer et percevoirleurs salaires après 65 ans, mêmeaprès l’embauche d’un remplaçant.

Un « oubli » qui coûte cher auxuni versités. « Dans les principalesfacultés de médecine, le surcoût varieentre 500 000 et 800 000 euros »,estime François Paquis. À l’univer-sité Paris Descartes, ce poste consti -tue un surcoût non compensé de820 000 euros par an, précise-t-il.Enfin, l’autonomie implique de nou-veaux coûts, qui n’auraient pas étécorrectement budgétisés, ajoute LouisVogel. « Il faut des instruments de ges-tion, des systèmes d’information sophis-tiqués, une comptabilité analytique, du personnel formé et en particulier descontrôleurs de gestion », énumère-t-il.Autant d’investissements qui de -vraient permettre, dans un se condtemps, de faire des économies.

Des gels de postesau programmeMal préparées, les universitésdoivent bel et bien faire des effortspour éviter le dérapage incontrôléde leurs finances. Des plans d’éco -nomies ont été mis en place unpeu partout. « Nous avons dû réduireles budgets de fonctionnement desservi ces centraux : la documentation,les affaires internationales, l’infor-mation pédagogique, les services fi -nancier et informatique », indiqueJean-Michel Le Pimpec. « Impossi-ble de toucher à la masse salariale,précise-t-il. Mais nous avons décidéde geler quelques postes en 2012. »Pourtant, malgré 360 000 eurosd’économies réalisées cette année,

il signale que l’équilibre budgétairede son établissement est de plusen plus incertain.L’université d’Angers quant à elleprévoit de supprimer 25 contrac -tuels, de réduire les heures supplé-mentaires et les frais de fonction-nement. « Tout ceci ne suffit pas »,note cependant le président, Jean-Paul Saint-André, qui réclame « unrebasement de notre dotation afinqu’elle colle à la réalité et permetteun fonctionnement plus sain ». Enattendant, alerté par le président del’université, le rectorat a mandatétrois inspecteurs en juillet dernierpour lui apporter une assistancecomptable et stratégique.Il faudra sans doute aller plus loindans les économies, « geler des postesde personnels partant à la retraite

Les universités inquiètespour leur avenirSuite de la page 1

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Dossier

L’université de Montréal butesur le « printemps érable »

« L’Université de Montréal aconnu en 2010-2011 son

premier exercice équilibré depuis2005 », clamait la direction enmars 2011. Le triomphe aura étéde courte durée. Après les mani-festations étudiantes du « prin -temps érable » qui ont agité laprovince, le Parti québécois, victorieux aux législatives du4 septembre, a décidé d’annulerl’augmentation des frais de sco-larité prévue par l’ancien gou-

vernement. Pour la célèbre uni-versité, seconde du Canada ennombre d’étudiants (60 000), ilfaut désormais boucler le pro -chain budget avec 4,5 millionsde dollars en moins. Pour sortir durouge, l’université de Montréaln’avait pas ménagé ses efforts : autotal 45 millions de dollars decoupes (7 % du budget) sur sesdépenses de fonctionnement sursept ans, et le blocage du renou-vellement de tous les postes

vacants plusieurs mois durant.Mais elle a surtout beaucoup misésur le renchérissement de la sco-larité. Lors du dernier exercice,la hausse de 6,9 % avait permisde faire rentrer 6,2 millions dedollars dans les caisses. « À l’hori-zon 2016, la seule hausse de la scolarité devrait rapporter plus de37 millions de dollars » sur un an,affirmait la direction l’an der nier.Aujourd’hui la situation est d’autant plus préoccupante que

l’établissement est lourdementendetté – au Québec, les univer-sités, gérées par le gouvernementprovincial, ont recours à l’em-prunt pour combler leur déficit.La dette cumulée de l’universités’élève à 144 millions d’euros etles intérêts lui coûtent chaqueannée 2 % de son budget. Pour les vingt prochaines années, leséconomies budgétaires ne profi -teront pas à l’enseignement, maisau désendettement.

«L’AUTONOMIE DESUNIVERSITÉS IMPLIQUE

DE NOUVEAUX COÛTS QUI N’AURAIENT PAS ÉTÉCORRECTEMENT BUDGÉTISÉS »

Louis Vogel, président de l’université Panthéon-Assas,président de la Conférence des présidents d’université

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notamment, avance Louis Vogel.Compte tenu de l’importance de lamasse salariale dans nos budgets, c’estsur ce poste qu’il est le plus logique defaire des économies. »

Justifier l’argent publicPour l’an prochain, la ministre apromis une hausse « de 1,5 % à 3 %des dotations selon les universités ».Ces rallonges apporteront certai -nement du liant. Mais le paquet de250 millions d’euros supplémen-taires promis par le ministère doitêtre relativisé. Une fois déduite l’inflation, les 27 millions censésêtre alloués à l’embauche de 1 000em plois nouveaux en premier cycleet les 35 millions au titre du GVT,il n’en restera plus grand-chose.Geneviève Fioraso assume, et metles présidents devant leurs respon-

sabilités : « L’autonomie ne se résumepas à demander des chèques au mi -nistère. » Priorité est donnée à l’ac-compagnement et au contrôle desdépenses. « En tant qu’État stratège,nous avons besoin de justifier l’argentpublic, d’investir dans des outils donneurs d’alerte », ajoute-t-elle. Deséquipes « d’ingénierie » composéesd’inspecteurs et de personnels desrectorats auront pour mission dedébusquer les sources d’économiescachées. Façon de botter entouche ? Certains ne sont pas loinde le penser. Le chercheur PascalMaillard, membre du collectifSauvons l’Université, estime quele gouvernement est en train depréparer les universitaires « à uneacceptation résignée de l’austéritédans le cadre d’une politique de ges-tion de l’existant ».

Les fondations se multiplientRésignés, les dirigeants d’univer-sité ? Certains louchent déjà vers le privé pour s’assurer des recettesà l’avenir. Et développent la forma-tion continue, l’apprentissage, lescontrats de recherche, les chaires ouencore les fondations qui permet-tent de faire rentrer des ressourcescomplémentaires. Depuis la loi du10 août 2007 autorisant les établis -sements publics à recourir à ce typede financement, une trentaine d’universités auraient déjà lancéleur fondation afin d’attirer les capi -taux privés. L’une des plus grandesfondations d’université en France aété créée à Strasbourg après la fusionde trois établissements alsaciens,début 2009. Deux ans après le débutde la première campagne de levée defonds, celle-ci a récolté 12 millions

d’euros (pour un budget de 420 mil-lions). Les fonds serviront à fi nan cerdes bourses, des projets de re cher -che, de formation ou la venue d’unprofesseur étranger. Une chaire dechimie est ainsi intégralementfinancée par l’assureur Axa.La fondation de l’université de Stras-bourg emploie dix personnes àplein-temps, dont quatre chargéesde lever des fonds auprès des entre-prises. L’objectif est de lever 20 mil-lions sur cinq ans. « Nous démarronsaujourd’hui pour être prêts dansquelques années. L’ambition est dedevenir comme la Fondation X [Poly-technique, ndlr] et d’internatio na -liser la levée de fonds », note JeanGagneux, le directeur financier.Même la petite université d’Angers,qui dépend à 90 % des subsides del’État, ne rejette pas l’argent du

privé. Une chaire « Règles etmarchés » a été créée en 2009 avecdes entreprises de la région et unprojet de fondation serait dans lescartons. « À ce jour les fonds privésnous servent essentiellement à finan -cer des opérations ponctuelles et n’ontpas vocation à atteindre une part im -portante de notre budget », nuance ce -pendant Jean-Michel Saint-André.On est encore loin d’un véritablecomplément de financement. Àl’heure actuelle, l’ensemble des fon-dations d’université n’ont collectéque quelque 70 millions d’euros,soit l’équivalent d’une seule levéede fonds d’HEC. Une chose est sûre,comme le relève François Paquis :« En 2013-2014, ce ne sont pas lesfondations qui vont permettre auxuniversités de sortir de la crise. »

Tatiana Kalouguine

Selon la Conférence desprésidents d’université, lesdotations de l’État ne permettentpas de couvrir les dépensesréelles. Quelle est votre analyse ?L’autonomie a été proclamée maisil n’y a eu aucun accompagnementdans la mise en place de l’auto no -mie des universités et les transfertsont été sous-évalués. Nos pré dé -cesseurs ont construit le budget2012 sur trois impasses : il manque160 millions d’euros au titre desbourses (10e mois et rattrapage de20 millions empruntés à un autrecompte), il manque 62 millionsde masse salariale, qui ont étépromis aux universités en « pré -emptant » les crédits gelés (alorsque le dégel n’est jamais acquis),et il manque entre 30 et 40 millionsd’euros de GVT (glissement vieil-lissement technicité), qui n’ontjamais été budgétisés.

Les dotations de l’État prendront-elles en comptel’ancienneté (ou GVT) dans les années à venir ?Je comprends l’attente forte quiest exprimée par la Conférence desprésidents d’université (CPU). Maisles faits sont là. Aujourd’hui, dansun contexte économique difficile,nous héritons d’une situation fi -nancière difficile et chacun peutcomprendre que nous ne pouvonscombler en quelques mois de gou-vernement ces trois impasses. Maisj’ai toujours indiqué à la CPU quenous faisions une priorité, d’abordd’honorer les notifications de sub-vention promises aux étudiants etaux universités, ensuite, si possible,d’examiner la question du GVT.À moyen terme, c’est-à-dire à l’ho -rizon 2014-2015, j’espère que nousserons parvenus à asseoir l’auto -

nomie sur des bases solides et destransferts sincères : les universitésmaîtriseront alors pleinementl’évolution de leur masse salariale.

Certaines universités ontcommencé à geler des postes,réduire le nombre de contractuelset limiter les heuressupplémentaires. Où pourraient setrouver les réserves d’économiessupplémentaires ?Sans vouloir tomber dans le ca -tas trophisme, la situation est bel et bien à l’aggravation de la situa-tion financière de certaines uni-versités. Mais aucune universitén’est en « faillite », comme je le lisparfois, et l’État continue d’assu rerentre 80 et 90 % du financementdes établissements.Notre priorité est d’inverser cettetendance et d’accompagner les uni-versités pour identifier les causes desdéficits et apporter une ingénieriepermettant la mise en place d’unplan d’actions. Contrairement à la mise sous tutelle, prévue par undécret de 2008, ce processus se veutplus responsabilisant et respectueuxde l’autonomie. Dans le mêmetemps, je me suis engagée à re -mettre en chantier, à partir de 2014,le système d’allocation des moyenspour rétablir de l’équité et de latransparence dans le financementdes universités. Plus que d’éco no -mies, c’est de ce rééquilibrage dontnous avons besoin. La création de5 000 postes dans le quinquennatdont 1 000 en 2013, fléchés defaçon prioritaire pour la réussiteen premier cycle, permettra de ré -guler les situations des universités.

Que pensez-vous de lamultiplication des fondationset chaires d’université dont le but

est d’apporter des ressourcescomplémentaires auxétablissements ? Le gouvernement a pleinementréaffirmé le choix national en fa -veur d’un enseignement supérieuraccessible au plus grand nombreet financé très majoritairement sur les ressources publiques puis -qu’il s’agit d’un investissement – gagnant – de la nation sur sajeunesse. Dès lors, les ressourcescomplémentaires que vous évo-quez sont une chance et je lesencourage pleinement, mais àcondition qu’elles restent… com-plémentaires. À aucun titre il n’yaura substitution, même partielle,entre ce type de ressource et le fi -nancement de l’État.

Certaines collectivités localess’intéressent et participentfinancièrement au lancementdes fondations d’universitéen espérant des retombéeséconomiques sur leurs territoires.Est-ce une tendance que vousencouragez ?D’une façon générale, je souhaiteque l’État, les collectivités et lesétab lissements, y compris leurfondation, coordonnent davantageleurs initiatives et programmentde concert leurs investissementsau profit de la réussite étudiante,de l’accès du plus grand nombreaux formations su pé rieures et del’attractivité de nos universités àl’international. J’ai déjà évoqué laperspective de passer des contrats« de site » : c’est une premièreétape, et je prendrai d’autres ini-tiatives pour améliorer la lisibi -lité, la cohérence et l’efficacité des différents financements quiirriguent un territoire.

Propos recueillis par T.K.

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Dossier

« Aucune université n’est en faillite »

Geneviève Fioraso. La ministre de l’Enseignement supérieuret de la Recherche lors d’une conférence de presse, le 5 septembre.

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Àl’heure où les règlementsde comptes sur fond detrafic de drogue se mul -

tiplient dans la cité phocéenne,Matignon se dit « convaincu » que« l’agglomération marseillaise, et sesdifférentes intercommunalités, peutdevenir une grande métropole euro-péenne et méditerranéenne ». L’am-bition du gouvernement est « deconstituer une métropole solidaire,forte ». Une nouvelle organisationadministrative à même d’apporterune réponse globale et pas unique -ment sécuritaire à la ville, classéeparmi les nouvelles zones de sé-curité prioritaires. L’objectif de ladémarche est de rassembler en uneseule métropole les six structuresintercommunales (Marseille, Aix-en-Provence, Aubagne, Martigues,Salon-de-Provence et Istres) quiforment actuellement l’agglomé-ration où vit 1,8 million habitants.Une organisation qui doit contri-buer à régler également l’épineusequestion des transports publics, etaccélérer le développement éco-nomique régional.

Un rapprochemententre Marseille etses communes voisinesPour le député (PS) des Bouches- du-Rhône Patrick Mennucci, cetteorientation « va permettre de tra-vailler dans la cohérence. Cela don-ne ra une direction politique à la villeet à son agglomération. » Un rap-prochement entre Marseille et sescommunes voisines sur fond desolidarité intercommunale. Car enoptant pour la métropole, elles par -tageront leurs ressources fiscales…

Une démarche qui est soutenuepar Eugène Caselli, président (PS)de la communauté urbaine de Mar-seille Provence Métropole. Il prônela création d’une « agglomérationmultipolaire avec une structure cen-trale qui gère l’essentiel. Il faut que lamétropole soit un outil d’architecturede nos territoires. »Métropole ou pôle métropolitain,le débat s’anime et s’envenime.Claude Vulpian, président (PS) dela communauté d’agglomération

d’Arles, rappelle que huit prési-dents d’intercommunalité du dé-partement se sont engagés à créerun pôle métropolitain, une struc-ture moins contraignante que lamétropole, fût-elle sans Marseille !« Le pôle métropolitain tel qu’il est présenté n’est pas de nature à donnerforce à notre territoire. Le plan d’actiondu gouvernement pour l’agglomérationmarseillaise nous donne l’espoir deconstruire une métropole pour uni-fier les forces et les moyens de notreterritoire », défend encore EugèneCaselli. Considérant que la nomi-nation de Laurent Théry, nouveaupréfet hors cadre en charge du pro-jet Marseille Provence, saura uni-fier les particularités locales pour

faire de la future métropole « uneréalité et un exemple ». Ajoutant :« Elle respectera l’intégrité des terri-toires, sa culture et le pouvoir des éluslocaux. »

Un pôle métropolitaind’ici la fin 2012Mais pour les intercommunalitésconcernées, l’optique d’une métro-pole suscite une levée de boucliers.Des élus locaux qui renvoient l’Étatà ses responsabilités. « Marseille est

la seule grande ville en France pluspauvre que celles qui l’entourent. Lamariée repousse plutôt qu’elle n’attire,donc il faut que l’État joue le jeu,comme le fait le conseil général »,observe Michel Tonon, président(apparenté PS) de l’agglomérationde Salon-de-Provence. « La métro-pole n’est pas une réponse », analyseégalement Magali Giovannangeli.La présidente (PCF) de la commu-nauté d’agglomération du paysd’Aubagne souhaite que la loi pro-mise par le gouvernement « tiennecompte des échanges, une loi capablede reconnaître les territoires existants,les communes et le rôle des maires ».Opposante virulente au projet deMatignon, Maryse Joissains- Masini,présidente (UMP) de la communautéd’agglomération du pays d’Aix,enfonce le clou : « Nous ne sommestoujours pas d’accord pour intégrerune métropole. » Elle confie : « Nousallons continuer à nous battre sur lagouvernance et sur les moyens fi nan-ciers » d’une structure intercom-munale « qui serait plus adaptée aux spécificités territoriales et à laprotection des maires ». Pour l’élue,« Le gouvernement ne peut pas im -poser la métropole, sauf à prendreune loi spéciale pour Marseille, cequ’il n’est pas en capacité de faire. »Et d’ajouter : « Marseille ne peut pas

imposer ses décisions, car le reste duterritoire est soudé. Si la ville se faitmétropole, cela ne dépassera pas lecadre actuel de Marseille ProvenceMétropole », l’actuelle communautéurbaine de Marseille qui réunit 18 communes.Le pôle métropolitain que les in -tercommunalités des Bouches- du-Rhône veulent mettre en placed’ici à la fin 2012, selon la maired’Aix, revendique l’équilibre despopulations et des budgets dansle partage des pouvoirs, aux finsd’investir dans des infrastructuresà l’échelle du département dansles domaines des transports, del’université et des énergies renou-velables notamment.

Une nouvelle loi pour définirle statut de MarseillePrivée de statut, la cité phocéennedevra se doter d’une nouvelle loipour définir son avenir. Selon laministre socialiste de la Réforme de l’État, de la Décentralisation etde la Fonction publique, MaryliseLebranchu, « l’État va s’engager for-

tement pour avoir une grande porteeuro-méditerranéenne. » Une ambi-tion qui demande « une agglomé-ration bien structurée ». Pour laministre, « un pôle métropolitain neserait pas suffisamment structuré ».Il faut « inventer un système parti-culier » avec « une grande métro-pole » dotée de « compétences essen-tielles qui pourraient être gérées encommun », tandis que les pôlesmétropolitains mis en place parles établissements publics de coo-pération intercommunale (EPCI)pourraient « continuer à travailler sur la proximité ».Et d’admettre qu’une nouvelle loiserait nécessaire, « car quand on ades pôles de cette ampleur à struc turer,il faut des textes spécifiques », pré-ci sant que le gouvernement étaitpour l’heure dans « une phase de discussion et de médiation ». La LGVPACA ou l’organisation de l’opé-ration capitale européenne de laculture en 2013 ont montré que le dialogue n’était pourtant pasune spécialité régionale.

Ludovic Bellanger

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Initiatives

Jean-Marc Ayrault souhaite « relever le défi » de la métropole marseillaise. Il prône sa mise enplace avec les intercommunalités d’Aix-en-Provence, Aubagne, Martigues, Salon-de-Provenceet Istres pour soutenir la deuxième ville de France et accélérer son développement.Mais sur le terrain, les élus s’impatientent.

L’agglomération marseillaiseen quête de statut

Six pôles métropolitains créésUn an et demi après l’en-trée en vigueur de la loi de

ré forme des collectivités territo-riales du 16 décembre 2010, leréseau des pôles métropolitainsa dressé un bilan de l’état d’avan-cement des projets. Six pôles sont aujourd’hui officiellementcréés: Strasbourg-Mulhouse, SillonLorrain, Rouen Seine-Eure, Paysde Brest, pôle lyonnais et NantesSaint-Nazaire. Leurs élus insistent

néanmoins sur le besoin deco ordonner les stratégies et lescompétences des communautésau sein de grands territoires. L’association souligne ainsi ledé calage entre la multiplication des projets métropolitains et les réflexions encore en devenirautour des compétences des mé-tropoles, dont les prérogativescroisent celles des départementset des Régions.

«LA MÉTROPOLE DOIT ÊTREUN OUTIL D’ARCHITECTURE

DE NOS TERRITOIRES »Eugène Caselli, président PS de la communauté urbaine

de Marseille Provence Métropole

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Comme le Portugal, la France s’apprêterait à sacrifier le développementdu TGV sur l’autel de la rigueur. Une menace qui inquiète les élus régionaux.

La communauté urbaine de Bordeaux et l’agglomération de Montpellieront participé à l’enquête sur la santé menée dans 26 villes européennes.

LES VILLES RENONCENTAUX ZONES ZAPA�Testé à Nice l’été dernier, le dispositif des zones d’actionsprioritaires pour l’air (Zapa) estdéfinitivement abandonné. Les septautres villes (Paris, Saint-Denis,Lyon, Clermont-Ferrand, Grenoble,Bordeaux et Aix-en-Provence)candidates à l’expérimentation ayantrenoncé face à une réglementationjugée « inapplicable ». La mise enplace d’espaces avec une circulationrestreinte devait permettrel’amélioration de la qualitéde l’air dans les centres-villes.

CARTE BLANCHEÀ NANTES�Afin de faciliter l’accès à la culture et aux loisirs, la Carte blanche lancée à Nantes permet à ses bénéficiaires de disposer de tarifs réduits (théâtre,cinéma, concerts…). Le dispositif, qui prend en compte les ressources et la situation familiale, concerneraitprès de 23 % de la population locale.

UNE TABLETTE POURVISITER LE BORDEAUXDU XVIIIE SIÈCLE�Créée par la société Héritage Prod et disponible à l’office du tourismede la ville, la tablette numériqueImayana permet de replonger dans le Bordeaux du XVIIIe siècle.Utilisant la technologie de la réalitéaugmentée, l’innovation consiste à superposer à une vision du réel des contenus virtuels en se promenant dans les rues.

PICARDIE, RHÔNE ET PARIS, LEADERS DESRÉSEAUX SOCIAUX�Si quatre Régions françaises sur cinq communiquent via une pagedédiée sur Facebook, selon l’enquêtede l’Institut Edgar Quinet, avec20 000 fans la Picardie domine les suffrages. Sur Twitter, 65 % desRégions ont un compte, le Rhôneétant le plus « tweeté ». Du côté desdépartements, 42 sur 101 possèdentune page Facebook, et un tiers d’entreeux sont présents sur Twitter. Enfin, parmi les 50 plus grandes villesde France, la moitié d’entre ellespossèdent un compte Twitter ;Paris étant la plus suivie.

CAMPAGNE DE « TAGS »EN PACA�Bus, métros, presse écrite…pour informer les jeunes des aidesdont ils peuvent bénéficier, la régionProvence-Alpes-Côte d’Azura lancé une vaste campagne de communication à partir de tags…« propres ». Un nouveau supportinnovant et écoresponsable.De l’eau de récupération (ou del’encre biodégradable) est projetéesur un pochoir plaqué sur un trottoir.Ainsi, par contraste, le message« generation.regionpaca.fr » prendforme pendant deux à trois semainesaux abords de lycées, CFA et dansles centres-villes.

En bref

L’incertitude planesur les futures LGV

L’Europe étudie la santé desBordelais et des Montpelliérains

Nous sommes conscients que les finances publiques sontcontraintes, mais la 4e ville

de France ne peut pas être tenue à l’écart du réseau européen de la grandevitesse », estime le maire socialiste de Toulouse, Pierre Cohen. Mêmein quiétude en Aquitaine où AlainRousset, président (PS) de la région,explique que le prolongement versl’Espagne de la future ligne à grandevitesse (LGV) Tours-Bordeaux « estnon seulement une priorité mais aussiune obligation internationale puisquel’Europe ne financera que s’il y a unejonction » avec l’Espagne.Le Grenelle de l’environnement,qui vise à favoriser le rail au détri-ment de la route, avait prévu laconstruction de 14 LGV supplé-mentaires (2000 km) d’ici à 2020.Deux mille cinq cents kilomètressont également à l’étude pour leplus long terme. Seules quatre nou -velles lignes sont aujourd’hui fi -nancées et assurées d’être réalisées :

la phase 2 du TGV Est entre Metzet Strasbourg, Le Mans-Rennes,Tours-Bordeaux et le contour ne-ment Nîmes-Montpellier. L’incer-titude plane notamment sur lesdeux prolongements au-delà deBordeaux (vers Toulouse et Hen-daye), les lignes Paris-Orléans-

Clermont-Lyon (POCL), Marseille-Nice (PACA) et Lyon-Turin.

« Priorité à l’entretien du réseauferroviaire existant »Dans son récent rapport sur l’étatdes finances publiques, la Cour descomptes relève que le Schéma natio-

nal des infrastructures de transport(Snit) « aurait un coût total estimé à260 milliards d’euros », dont les deuxtiers consacrés au ferroviaire. Desprojets lancés sous le précédentquinquennat, dont 33 % seraientsupportés par l’État et 38 % à lacharge des collectivités territoriales.L’institution s’interroge notammentsur la création de nouvelles LGV« qui ne sont pas budgétairement soutenables et dont ni la rentabilitéfinancière, ni la rentabilité socio-éco-nomique, ni l’intérêt environnementalne sont établis ». Faisant écho au mi -nistre du Budget, Jérôme Cahuzac,elle rappelle qu’il est « nécessaired’accorder la priorité à la modernisa-tion et à l’entretien du réseau ferroviaireexistant ». Pas de quoi rassurer lesrégions concernées. L.B.

Présenté à Amsterdam, le pro-gramme Euro-Urhis 2 est la plus grande étude jamais

réalisée pour comparer les condi-tions de vie en zones urbaines etleurs impacts sur la santé. Desexperts ont examiné pendant sixans un panel d’indicateurs liés à l’espérance de vie, à la démo-graphie, à la pauvreté, au niveaud’éducation, mais aussi aux modes

de vie et à l’environnement auprèsde 40 000 habitants de 26 villesd’Europe.Montpellier tient ainsi la lanternerouge européenne pour la satisfac -tion concernant les espaces vertsde proximité, contrairement à Bor-deaux. En revanche, les jeunes bor-delais sont davantage concernéspar la consommation de substancestoxiques que leurs homologues

européens. Points positifs, dansles deux villes, le taux de surpoidset d’obésité se situe en deçà dela moyenne européenne (33 % àMontpellier et 36 % à Bordeaux,contre 50 % dans les 26 zonesurbaines), et les femmes sontmoins touchées par des cancers et des maladies respiratoires.« Ce panorama, établi de manièrescientifique, va aider les décideurs

locaux à mener leurs politiques desanté », juge André Ochoa, prési-dent de la Fédération nationaledes observatoires régionaux desanté (Fnors). « Ils pourront améliorerl’état de santé de leur zone urbaine enappliquant ce qui a été fait ailleurs. »Un premier pas aussi pour dessinerune politique de santé publiquecommune à l’échelle européenne.

L.B.

Le canal Seine-Nord Europe au point mortSujet d’inquiétude des éluslocaux, le projet de voie d’eau

à grand gabarit de 106 km de longest destiné à relier, dès 2016, le bas-sin de la Seine aux 20000 km duréseau d’Europe du Nord. Le minis-tre délégué aux Transports, FrédéricCuvillier, a admis que « son finan-cement aujourd’hui n’est pas arrêté.

Il faut que nous puissions obtenir dessources de financement complémentairesqui puissent rendre soutenable la vie del’infrastructure. » Le coût de construc-tion du futur canal, qui fera l’objetd’un partenariat public-privé, estestimé à plus de 4,3 milliards d’eu-ros. « L’effort des collectivités localesest important, l’effort de l’État est

conséquent, ils doivent être accompa-gnés d’un acte fort de la part de l’Eu-rope », a indiqué encore le ministre.Le gouvernement a commandé parailleurs un rapport sur la faisabilitédu projet. Selon Alain Gest, prési-dent de Voies navigables de France(VNF), ses conclusions devraientêtre connues « début 2013 ».

«

Seules quatre lignes à grande vitesse sont actuellement financées.

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Les villes moyennes auront-ellesencore du poids face à la métropolisation en marche ? Christian Pierret : Les villes moyennessont l’antidote au schéma de l’hor-reur territoriale ! Il est inconce -vable de vou loir réduire la Franceà quelques très grandes métro -poles. S’il n’y avait pas de villesmoyennes, cette métropolisation,que nous ju geons complémentaireà notre développement, serait unecatastrophe.L’aménagement du territoire estune notion qu’il faut rétablir. Sansvilles moyennes il ne peut pas

y avoir ce maillage et cet équilibredes territoires. Car derrière les villes moyennes, il y a ces bourgset villa ges et tout un tissu de PMEet PMI très vivantes. Il faut unevéritable décentralisation qui fasseconfiance aux acteurs locaux. Nousne sommes pas opposés aux gran -des métropoles, mais il faut jouerla carte de la complémentarité.Les rapports entre l’État et les collectivités territoriales doiventêtre fondés sur des relations deconfiance renouvelées. L’État doitdemeurer le garant des principes de solidarité nationale, d’égalité

des citoyens. En même temps qu’ilse recentre sur ses missions réga -liennes, il doit aussi intervenir au nom de l’équité territoriale, làoù les moyens locaux ne le per -mettent pas.

Êtes-vous favorable cependantà la mutualisation des moyensen période de rigueur budgétairepour permettre un développementharmonieux des territoires ?S’agissant du nouvel acte de ladécentralisation annoncé, le prési-dent de la République proposeraaux Régions, aux départements et aux communautés de signerensemble des contrats organisantla couverture en services publics,qui tiendront compte des finance-ments de l’État et qui reposerontsur une mutualisation des moyens.Celui-ci s’est engagé à mettre enplace, par la loi, une enceinte deconcertation permanente entre l’État et les collectivités territoriales,le Haut Conseil des territoires.En matière d’aménagement du ter-ritoire, nous avons noté la propo-sition du nouveau président de laRépublique de donner aux villesmoyennes les moyens de devenirdes territoires de référence, inno-vants et attractifs par une réparti-tion équitable des aides à la créa-tion (ou à la mise à niveau) desinfrastructures ainsi que des sou-tiens aux entreprises.Dans leur diversité, nos territoiresdevront reprendre l’initiative etmettre en place des organisationsadaptées pour faire émerger lesprojets et accompagner la crois-

sance et l’emploi, dans le cadre deleurs compétences. La mutuali -sation des moyens est devenue une nécessité. Le financement decertains services et équipementscollectifs nécessitera de plus en

plus de renforcer cette mutuali -sation entre les villes moyenneset leurs intercommunalités.

Vous êtes favorable à ce HautConseil des territoires que vousvenez d’évoquer. N’est-ce pasune structure de plus et de trop ?Il faut aujourd’hui ce Haut Conseilafin que nous ayons le droit à laparole, face aux Régions et auréseau des grandes villes.

Vous continuez de préconiser la mise en place d’une péréquationrénovée et la redéfinition desrelations financières entre l’Étatet les collectivités locales ?Les villes moyennes sont des mo -dèles de bonne gestion. Noussommes fiers d’avoir une gestionefficace en ayant l’œil rivé autableau des dépenses. Aujourd’huiles marges de manœuvre des villesmoyennes se trouvent amoindriespar la réforme de la fiscalité locale,qui accroît leur dépendance à l’égard de l’État. Il est urgent derevoir le système de répartition desdotations aux collectivités terri -toriales pour que soient prises encompte, à travers une péréquationrénovée, les charges de centralitédes villes moyennes, qui sont lespôles d’équilibre du territoire.Cette péréquation doit être trans-

formée pour que la péréquationhorizontale soit encore plus effi-cace. Il faut tenir compte de la co -tisation que nous fournissons etd’un autre critère qui est celui durevenu par habitant dans les villes

que nous représentons. Il faut allerplus loin dans la réforme pour allervers le principe d’autonomie fiscaledu bloc communal, sans tendre la sébile à l’État ! Il faut ainsi per -mettre une stabilité financière desconcours financiers de l’État.

Que pensez-vous des déclarationsde René Dosière sur les dépensesexcessives de certainescollectivités ?Il a raison de pourfendre les dé pen -ses inutiles. Dans certaines inter-communalités on crée des super-mairies et c’est grotesque ! De mêmeles dépenses d’études confiées à descabinets privés sont assez inutilesdans la foultitude d’études réaliséesen France. Beaucoup sont inutiles.Cela correspond à des gâchis decrédits dans une période où lesfinancements sont plus difficiles.Mais, dans l’ensemble, nous géronsmieux que l’État.

Dans l’ensemble, votre discoursest très pro-BPI ?Il faut que cette banque soit cellede la croissance nouvelle et nonpas la banque du rapiéçage d’untissu économique malade. Ce doitêtre la banque de l’offensiveéconomique.

Propos recueillispar Joël Genard

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La décentralisation est au cœur des rendez-vous de cette rentrée. La concertation engagée àl’initiative du Sénat sur l’acte III de la décentralisation va connaître une étape importante avec latenue, les 4 et 5 octobre, des états généraux de la démocratie territoriale. La Fédération des villesmoyennes (FVM) veut apporter sa contribution à cette réflexion. Elle organisait la semaine dernièreun débat sur le rôle et la place des villes moyennes dans la réorganisation territoriale. Explicationsde Christian Pierret, ancien ministre, maire de Saint-Dié-des-Vosges, président de la FVM.

DébatXA

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NANT

Les villes moyennes biendécidées à se faire entendre

Acte III de la décentralisation

«LA MUTUALISATION DES MOYENS ESTDEVENUE UNE NÉCESSITÉ. IL FAUT AUSSI

QUE LA PÉRÉQUATION SOIT TRANSFORMÉEET RÉNOVÉE »

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Ce triptyque scénarisé parDidier Convard et Éric Adam,et dessiné par Éric Liberge,

est le fruit d’un partenariat signé en2010 entre Glénat et l’établissement.Le premier volet paraît aujourd’huiavec un tirage de 20 000 exemplaires.Chaque volume est autonome. Il nes’agit pas de bande dessinée patrimo-niale mais d’une intrigue à suspenseteintée de science-fiction qui prendle palais pour décor.L’histoire commence dans la courfastueuse du roi de France, où mari-vaudages et intrigues amoureusesfleurissent dans les alcôves et lesallées du parc. Mais, petit à petit,d’étranges anomalies et anachro-nismes apparaissent. Les habitantsdu château semblent en être prison-niers et de mystérieux serviteurs,« les Roberts », tous identiques, surveillent discrètement les faits et gestes de chacun. Deux jeunesamants, Nicolas de Barberon et Ma -haut de Rosny, débutent alors unequête périlleuse qui les confron teraà une incroyable vérité…En plein essor dans l’édition d’art,les partenariats entre éditeurs etinstitutions publiques touchentdepuis peu le monde de la BD.

Glénat a déjà noué un partenariatavec les éditions du Patrimoine,donnant lieu récemment à la publi -cation de trois albums : Le Complotde Ferney-Voltaire, de Pierre Makyoet Frédéric Richaud (scénario) etDidier Pagot (dessin), Les Amants deCarcassonne, de Laurent-FrédéricBollée et Luca Mali san, Panthéon,le tombeau des dieux endormis, sur un scénario d’Éric Adam et DidierConvard et des dessins d’Han Neck Han.En novembre paraîtra aussi Les Fantômes du Louvre, promenade en 22 portraits d’Enki Bilal, coéditionentre Futuropolis et le musée du Louvre. Ce travail du célèbre auteurde BD sera présenté dans une exposi -tion exceptionnelle, du 19 décembre2012 au 18 mars 2013. P.-H.D.

NUMÉRO 451, MERCREDI 3 OCTOBRE 2012 L’HÉMICYCLE 11

Il s’agit d’une démarche complexe,qui prend du temps mais la villea toujours rebondi après les événe-

ments difficiles qu’elle a traversés »,indique Michel Vialay. La construc-tion de la collégiale Notre-Dame deMantes-la-Jolie, classée monumenthistorique en 1840, débuta en 1140.Son aspect général présente demultiples ressemblances avec lacathédrale Notre-Dame de Paris.Cette annonce a été faite à l’occa-sion du lancement d’un timbre àl’effigie de la ville, une initiative du

Rotary club de Mantes qui « rappellel’histoire de Mantes-la-Jolie et de cebâtiment qui a toujours résisté depuisle XIIe siècle », notamment aux bom-bardements durant la DeuxièmeGuerre mondiale. Ce timbre, où lacollégiale apparaît sur un fond bleu,sera distribué jusqu’en juin 2013.Selon Serge Ancelot, maire d’Auf-freville-Brasseuil (Yvelines) et mem-bre du Rotary, « 8 000 timbres »ont déjà été vendus « uniquementpar le bouche-à-oreille ». « De monpoint de vue, la collégiale de Mantes

est l’un des plus beaux bâtiments queje connaisse », estime Serge Ancelot.Les recettes de la vente de ce timbre– la planche de 30 timbres étant auprix de 35 euros – seront reverséesà deux associations : Valeur etCulture de la Vallée de la Seine,pour participer à la restauration deNotre-Dame de Mantes-la-Jolie, etl’Association des parents et amisdes enfants inadaptés, qui œuvrepour améliorer le quotidien deshandicapés.

Pierre-Henry Drange

Culture

La bande dessinée et la science-fiction font leur entréechez le Roi-Soleil avec Le Crépuscule du Roy, premierdes trois albums coédités par le Château de Versailles et les éditions Glénat. L’histoire se déroule au cœurde l’illustre palais aux millions de visiteurs.

Le château de Versailles,héros d’une BD de science-fiction

«

Le Crépuscule du RoyDidier Convard

et Éric Adam(scénario),

Éric Liberge (dessin).Coédition

Glénat/Châteaude Versailles

48 p. – 13,90 €.

Mantes-la-Jolie souhaite inscrire sacollégiale au patrimoine de l’UnescoLe maire UMP de Mantes-la-Jolie (Yvelines), Michel Vialay, va demanderl’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco de la collégiale de la ville,bâtie à la même époque que la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Mantes-la-Jolie.Des timbres à l’effigie

de la ville vendus au profitde la restauration de Notre-Dame de Mantes-la-Jolie etl’Association des parents et

amis des enfants inadaptés.PHOTO MANUEL COHEN/AFP

DR

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Page 12: l'Hémicycle - #451

Pratiques

Les associations sportives nepeuvent bénéficier de l’aidede l’État qu’à condition

d’avoir été agréées. Pour obtenir cetagrément, il faut se reporter auxarticles L. 121-1, L. 121-4 et R. 121-1à R. 121-6 du code du sport. Selonces dispositions, une associationsportive doit avoir pour objet lapratique d’une ou plusieurs acti -vités physiques ou sportives et doitêtre affiliée à une fédération spor -tive agréée. Une association qui nementionne pas la pratique sportivedans son objet social peut obtenirl’agrément sans condition d’affi -liation si elle participe au déve -loppement et à la promotion dusport. Une fois cette étape de l’agré -ment effectuée, les collectivités ter-ritoriales peuvent apporter leurconcours financier sous forme desubventions, lorsque l’activité asso -

ciative présente un « intérêt local ».Ces associations doivent aussiréaliser un but d’intérêt pu blic aubénéfice direct des admi nistrés dela collectivité (CE, 31 mai 2000,Ville de Dunkerque).

Les subventions auxassociations sportivesprofessionnelles et aux clubs amateursEnviron 50 000 associations spor -tives perçoivent, en France, près deneuf milliards d’euros des orga -nismes publics (État, collectivitésterritoriales…). Sur les 200 clubsprofessionnels français, les subven -tions globales seraient d’environ200 millions d’euros. La subventionétant une libéralité relevant del’appréciation souveraine de la col-lectivité, l’attribution et le renou-vellement n’ont pas de caractère

automatique. Il en résulte certainesobligations comme rendre comptede l’emploi des fonds versés et sesoumettre au contrôle éventuel desdélégués de la collectivité locale.Hormis le cautionnement, la ga -ran tie d’emprunts ou les prêts, lescollectivités versent donc des sub-ventions pour « l’accomplissementde missions d’intérêt général ».Comme l’explique un haut fonc-tionnaire du ministère des Sports,la « notion d’intérêt général est à la ti -tude variable selon la taille des collec -tivités ». En dernier ressort, ce sontles pouvoirs publics qui décident dela sélectivité des dossiers au regarddu crédit accordé à l’association et de sa représentativité générale par rapport à la population. Lessubven tions permettent à la foisde fi nancer les clubs sportifs pro-fessionnels et les clubs de sportamateurs. Mais les collectivitésdoivent sans cesse vérifier que lessommes sont attribuées suivantleurs buts propres, par exemple lefinancement d’un club amateur etnon le reversement de la subven-tion, par le biais de ce club, pouraider un club professionnel.Selon l’article R. 113-2 du code dusport, les subventions peuventprendre en charge toutes lesdépenses de fonctionnement etd’investissement. La circulaire du29 janvier 2002 précise que ces sub -ventions ne peuvent avoir pourobjet de « prendre en charge les ré mu -nérations éventuellement versées auxjeunes sportifs du centre ». La délibé -ration attribuant la subvention àune association sportive ou à unesociété sportive précise la saisonau titre de laquelle cette subventionest accordée (article R. 113-4 ducode du sport). Dans certains cas,

une convention sera conclue entrela collectivité et l’association béné-ficiaire, si la subvention attribuéeexcède un certain montant – fixéà 23 000 euros par décret.Les clubs sportifs professionnels,comme le PSG ou l’OM, sont tou-jours très appréciés de leurs com-

munes qui les subventionnent carils contribuent au rayonnement dela ville. Cela étant, la Ville de Parisa décidé en 2011 et 2012 de dimi -nuer son soutien – 1 million d’eurosau lieu d’1,5 million – au club defootball de ligue 1 compte tenu de son rachat par les Qataris…

Les fichesthématiquesde l’Hémicyclepar Richard Kitaeff,Professeur à Sciences-Po Paris

L’association sportive :un enjeu local

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La demande de l’association,même sans formalisme excessif,doit être appuyée par des pièces etdocuments dont le but est notam-ment de faire apprécier l’ampleurde l’intérêt local par la collecti vitédonatrice. Il faut noter les élé-ments suivants :�un dossier unique de subventionexiste. Il est valable pour les mi -nistères et les services déconcentrésde l’État comme les préfectures, lesdirections départementales, etc.Les collectivités territoriales peu-vent refuser ce formulaire et pro-poser leur propre document.� le dossier doit être sincère, toutesles activités doivent être mention-nées ainsi que les comptes générauxde l’association comme ceux affé -rents à la subvention.� c’est l’organe délibérant de lacollectivité qui statue sur la de -mande formulée par une associa-tion. Le retour des sommes verséespourra être envisagé en cas deretrait des subventions (décisiond’octroi entachée d’illégalité) ou

de non-respect des conditions d’octroi de la subvention.� lorsque la subvention est liée àune dépense précise, l’associationdevra produire un compte rendufinancier qui certifie la conformitédes dépenses effectuées à l’objetde la subvention. Ce compte rendudevra être déposé auprès de l’au-torité administrative ayant verséla subvention (dans les six moissuivant la fin de l’exercice d’attri-bution).� les sites Internet de chaque col-lectivité proposent des « espacessport » ou « subvention sportive »qui déterminent les formalités àsuivre pour obtenir une subven-tion.� le Centre national pour ledéveloppement du sport (CNDS),créé en 2006, a pour mission decontribuer à la politique de dé -veloppement de la pratique dusport par le plus grand nombre. Ildistribue près de 50 000 subven-tions simultanément aux actionsdes collectivités.

Comment les élus peuventaider les associationssportives ?

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Il existe plus de 170 000 clubs sportifs en France qui regroupent 16 millions de licenciés.La plupart ont le statut d’association (loi de 1901) et bénéficient de subventions publiques.Des conventions doivent cependant être signées entre la collectivité et le club bénéficiaireet faire l’objet d’une délibération.

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Si l’informatique de bureaumarque toujours le pas, l’éco-nomie mobile concentre les

appétits des multinationales dusecteur qui investissent des mil-liards d’euros. Ils font aussi travail-ler leurs meilleurs ingénieurs pourcréer des produits tels que lessmartphones, ces téléphones intel-ligents, ou les tablettes dont leursclients raffolent. La situation estdevenue toutefois paradoxale.

Si l’immense majorité des termi-naux sont fabriqués en Asie, no -tamment en Chine, ils ne repré-sentent qu’une partie du chiffred’affaires du secteur. Les logicielsqui équipent ces outils sont euxconçus par des ingénieurs améri-cains et européens. Sur ce secteur,les États-Unis ont un leadershipincontestable. Les trois principauxsystèmes d’exploitation mobilessont tous commercialisés par desmultinationales américaines : An -droid de Google, IOS pour Apple,Windows Phone chez Microsoft. Et cela satisfait Greg Walden, pré-sident du sous-comité aux com-mu nications et à la technologieen charge des questions de réseaumobile au Congrès.Dans un monde mobile, tout vatrès vite. Il y aura bientôt une« app » – ces petits logiciels pro-fessionnels ou de loisirs utilisés surles smartphones ou les tablettes –capable de tout faire. Ces logicielssont créés par un réseau de start-upqui, aux États-Unis notamment,ont du mal à recruter des collabo-rateurs de haut niveau. De même,l’existence d’un réseau mobile àtrès haut débit, seul capable d’ab-sorber les milliards de téléchar -gements de ces « apps » puis de lesconnecter à l’Internet mobile, estcruciale pour cette économie dont

les décideurs américains ont biencompris l’importance. Cela faitl’objet de toutes les attentions ; àtel point que, dernièrement, lesmembres du Congrès ont reçu etécouté avec un très grand intérêt un groupe de professionnels dusecteur. Ils ont évoqué plusieurssujets capitaux, dont la nécessitéd’une meilleure intégration desuniversités au tissu des start-up.L’accès à des fréquences de télé-

communication est pour le mo -ment bloqué par le gouvernementaméricain et ne permet pas de dé -velopper le réseau mobile. Certainsélus s’en sont émus, voire mêmeinquiétés dans un pays aussi enpointe sur toutes ces technologies.Enfin, la nécessaire formation desprofessionnels aux marchés exté-rieurs, Europe et Chine en tête, aaussi fait l’objet de discussions.Si l’économie mobile européenneest florissante, son industrie l’estnettement moins. Nokia, autrefoisleader mondial de la téléphoniemobile, se bat pour sa survie. Il arenoncé à développer les logicielscapables de faire fonctionner sessmartphones et s’est allié avecMicrosoft, lui-même en positionde challenger. Les autres construc-teurs européens sont distancés parApple et Samsung, les deux géantsdu secteur. Seul espoir : miser surun tissu de start-up créatives etréactives. Le pari n’est pas gagné carcertaines de ces sociétés ont connuil y a quelques mois de graves dif-ficultés les contraignant au dépôtde bilan.Les pays européens ont-ils biencompris l’importance de ne pasprendre du retard ? S’en donnent-ilsles moyens ? Les normes des ré -seaux 4G adoptées en Europe sontrejetées par Apple qui mise sur

une technologie lui ouvrant lesmarchés américains et asiatiques.Inutile de se voiler la face, l’Europeest en train de rater le virage del’économie mobile. Cela auraitpour conséquence une perte im -portante de devises.Il est encore temps de réagir. L’in-dustrie informatique européenneest performante et créative. Lesstart-up y naissent en permanence.Les informaticiens sont très quali-fiés. Mais les législateurs européensdoivent apprendre à devenir euxaussi très réactifs : moderniser lecode du travail, favoriser un réseaude business angels au niveau de cequi existe en Amérique du Nord.Il faut aussi rapprocher l’ensei-gnement supérieur et l’industrie

et favoriser la coopération entreles laboratoires de recherche et lesentreprises. Toute cette démarchepasse aussi par une refonte de lafiscalité liée à l’innovation touten ayant une connaissance fine de cette économie mouvante etnaissante. Le retour dans la courdes grands est à ce prix.

Manuel Singeot

L’Europe à l’écartde l’Internet mobileAlors que l’Amérique du Nord mise sur le boom de l’Internet mobileet le développement d’une nouvelle génération d’entreprises de logicielspour dynamiser l’économie et créer des emplois, l’Europe se cherchesur ce marché stratégique.

Le chiffre

210 000emplois créés aux États-Unispar le poids d’Apple dans l’appeconomy. (Source Analysis Group.)

Greg Walden, président du sous-comité aux communications età la technologie en charge des questions de réseau mobile au Congrès.

«L’EUROPE EST EN TRAINDE RATER LE VIRAGE DE

L’ÉCONOMIE MOBILE. IL ESTENCORE TEMPS DE RÉAGIR »

MAN

DEL

NGAN

/AFP

LES TPE-PMEINFORMATIQUESFRANÇAISES TOUCHÉESPAR LA CRISE� Près des deux tiers des TPEet PME françaises du secteurinformatique ont constaté unestabilité ou une baisse de leurchiffre d’affaires durant le premiersemestre 2012. 41 % d’entre ellessont touchées par une baisse, qui dépasse les 10 % de perte de revenus pour 24 %.Conséquence : 70 % des entreprisesn’embaucheront pas d’ici la fin de l’année. Les recrutementsprioritaires concernent lesdéveloppeurs, mais la part des CDDdevrait atteindre 44 %.

LA BARRETTE MÉMOIRESE MET AU MOBILE� Pour la première fois depuisl’avènement du micro-ordinateurdans la première moitié des années 1980, moins de 50 % desventes des fournisseurs sont alléesvers les PC traditionnels au secondsemestre 2012. Si ces ordinateurssont encore le premier débouchépour ces produits, leur part demarché devrait encore se contracterde 6 % d’ici la fin 2013. La fortecroissance des ventes desmartphones et de tablettesexplique cette évolution.

LES FRANÇAIS ACCROSAUX SMARTPHONES� Le cabinet Deloitte a dévoilé une large étude du marché françaisdes télécommunications quimontre l’engouement des Françaispour les smartphones. Cesterminaux mobiles représententdéjà 41 % du parc et 26 % despersonnes interrogées dans le cadrede cette étude déclarent leurintention d’en acquérir un dansl’année qui vient. Plus surprenant,25 % des détenteurs desmartphones en possèdent déjàdeux. Samsung, Nokia (en baisse)et Apple sont les trois marquespréférées des Français.

FORTE CROISSANCEDU MARCHÉ DESÉCRANS LCD� Le secteur des écrans LCD depetite et moyenne tailles connaîtactuellement une forte croissanceéconomique en raison del’explosion des ventes de tablettesnumériques. D’après le cabinet IHS,près de 127 millions d’unités serontvendues en 2012, ce qui représenteautant de dalles LCD fabriquéeset intégrées. Deux constructeursdominent le secteur avec 74 % departs de marché : LG Display etSamsung Display. Ces deuxentreprises sont sud-coréennes.

En bref

2.0

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La droite est bien décidée àdécortiquer le projet de loi definances présenté vendredi

dernier en conseil des ministrespour démontrer la difficulté dugouvernement à résoudre les pro -blèmes du pays. Nocivité du textepour les entreprises, hausses gé -néralisées d’impôts, reniement despromesses de campagne, les élus de l’opposition se relaient pourdénoncer toutes les mesuresprévues.Sur Twitter, Jean-François Mancelattaque bille en tête l’ensemble du projet :

« C’est un budget de combat !un budget de combat contreles Français avec plus d’impôts,plus de chômage, moins de pouvoird’achat. »> Jean-François Mancel,

député de l’Oise (@JFMancel)

Un constat repris par Lionnel Luca,membre éminent de la Droite populaire :

« Fumisterie sémantique : le budget de “combat” d’Ayraultn’est qu’un leurre qui masquel’austérité et la plus grave récessionprogrammée. »> Lionnel Luca 2012, député

des Alpes-Maritimes (@lionnelluca2012)

Éric Woerth et Olivier Carré mettenten avant la fiscalité, le premierdénonçant une hausse d’impôtsgénéralisée pendant que le secondironise sur le retour d’un bouclierfiscal déguisé :

« Fin de hausses d’impôts en 2014.bonne idée il n’y aura plus de laineà tondre sur le mouton ! »> Éric Woerth, député de l’Oise

(@WoerthEric)

« Par un subtil jeu de bonneteau,les 75 % deviennent 63 %, limitésdans le temps aux revenus de 2012 et 2013, et avec un jolieffet rétroactif. »> Olivier Carré, député du Loiret

(@olivier_carre)

Valérie Pécresse se paie même leluxe de reprendre Libération pourattaquer le Premier ministre :

« Calcul de #libedesintox13 millions de foyers vont voir leurimpôt sur le revenu augmenter en 2013. Réponse de JM Ayrault ? »> Valérie Pécresse, députée des Yvelines

(@vpecresse)

Bruno Le Maire, ancien ministrede l’Agriculture, se soucie du sortréservé au monde paysan :

« Je dénonce en #Commissiondes finances le hold-up de 210 millions sur les salariésagricoles pour financer les réductions de dépenses. »> Bruno Le Maire, député de l’Eure

(@Bruno_LeMaire)

Yves Jégo, ancien secrétaire d’État,et Laure de la Raudière, spécialistede l’économie numérique à l’UMP,se désolent du sort fait aux entre-prises dans le projet de loi :

« Les hausses d’impôts sur lesentreprises (13 milliards en 2013)représentent l’équivalent d’unehausse de +30 % de l’impôtsur les sociétés. »> Yves Jégo, député de Seine-et-Marne

(@yvesjego)

« #PLF2013 La fiscalisation desplus-values de capital comme des revenus va tarir complètementl’investissement dans les PMEinnovantes :-(( »> Laure de La Raudière,

députée d’Eure-et-Loir (@lauredlr)

Enfin, François Sauvadet pointe dudoigt le reniement d’une promessede campagne de François Hollande.

« 6 000 fonctionnaires de plus en 2013 : Encore une promesse qui passe à la trappe ! »> François Sauvadet, député

de Côte-d’Or (@sauvadet)

À gauche, le ton est à la fois à ladéfense de la cohérence du projetet à la dénonciation de l’héritagelaissé par la droite. Arnaud Leroy etPascal Terrasse sont à l’offensive :

« Honteux de voir la droite fairedes commentaires sur le budget.Tout ceci n’est pas arrivé en 5 mois.Amnésiques et mauvaise foi.#budget2013 »> Arnaud Leroy, député des Français

établis hors de France (@ar_leroy)

« La droite en laissant filer lesdéficits a inventé “un impôt sur lesnaissances”. Les générations futures

ne doivent plus être responsables ! »> Pascal Terrasse, député de l’Ardèche

(@pterrasse)

Mais si la droite épluche le textepour le critiquer, les élus de gaucheen expliquent le bien-fondé, pointpar point.

« #directan #plf2013 Avec le PLFce sont 25 des 60 propositionsde FH qui sont mises en place.Promesses tenues. »> Christophe Castaner, député des

Alpes-de-Haute-Provence (@CCastaner)

« Les PME paieront moinsd’impôts en 2013 dès lors qu’elleschoisissent d’affecter leursbénéfices à l’investissement,la recherche et l’innovation. »> Sylviane Bulteau, députée de Vendée

(www.sylvianebulteau.fr)

« Le budget de la Défense contribueà l’effort et conserve les capacitésd’intervention de la France. »> Sandrine Mazetier, députée de Paris

(@S_Mazetier)

« C’est un budget mobilisé pourl’emploi. Par des mesures d’urgence,à travers 2 000 CDI au Pôle emploipour l’accompagnement

des demandeurs d’emploi. »> Guillaume Bachelay,

député de Seine-Maritime(www.guillaumebachelay.fr)

« Concernant l’impôt sur le revenu,grâce aux propositions du gouver ne -ment, 7,4 millions de foyers en paie -ront moins en 2013 que ce qu’avaitprévu la précédente majorité. »> Laurent Grandguillaume,

député de Côte-d’Or(http://www.facebook.com/pages/Laurent-GRANDGUILLAUME/175988732360)

Le ministre des Outre-mer, VictorinLurel, vient renforcer cette explica -tion de texte en montrant l’intérêtdu projet pour la France non-métro -politaine :

« Le #budget 2013 est le “premierbudget du changement dans les#outremer”. À 2,01 milliardsd’euros, il progresse de 5 %en crédits de paiement. »> Victorin Lurel, ministre des Outre-mer

(@VictorinLurel)

Cependant, même au sein du PS ap paraissent parfois de légers flotte -ments. Ainsi Richard Yung s’inter-roge sur les conséquences du projetde loi de finances sur les re présen-tations diplomatiques du pays :

« Le budget prévoit une “adaptation”du réseau consulaire (on sait quecela veut dire des suppressions depostes et de consulats). Il estnécessaire de demander d’abord auMAE ce qu’il prévoit en la matière. »> Richard Yung, sénateur des Français

établis hors de France (www.richardyung.fr)

Si les propos tenus sur les réseauxsociaux préfigurent le ton des débatsà l’Assemblée nationale et au Sénat,le gouvernement doit se préparer à défendre bec et ongles ce budgetface à une opposition qui, d’ores et déjà, fourbit ses arguments. La ba -taille est désormais lancée devantl’opinion qui sera prise à témoinquotidiennement. Sur la Toile, cesera minute par minute.

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Loi de finances : la mèrede toutes les bataillesLes parlementaires de la majorité et de l’opposition se retrouvent sur un sujetcommun pour rassembler leur camp et en découdre : le projet de loi de finances.

Politicsonline

14 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 451, MERCREDI 3 OCTOBRE 2012

Chaquesemaine,le tourdes blogsdes éluspar Manuel Singeot

Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac en pleine séance d'explication du projet de loi de finances 2013.

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NUMÉRO 451, MERCREDI 3 OCTOBRE 2012 L’HÉMICYCLE 15

L’admiroir

Hubert Védrine n’est pashomme à se livrer. Il y achez lui trop de pudeur et

ce sentiment qu’on ne parle pas desoi. Ces réserves vaincues, l’ancienministre des Affaires étrangères dugouvernement Jospin se reconnaîtdes influences multiples qui s’incar -nent à travers quelques figures de sa jeunesse. Son père bien sûr, JeanVédrine, qui fut l’ami puis le colla-borateur de François Mitterranddans les années d’après-guerre. L’an-cien commissaire national aux pri-sonniers de guerre, Maurice Pinot,serviteur de Vichy en 1940 avant defaire basculer son organisation dansla Résistance trois ans plus tard,entraînant Mitterrand dans l’aven-ture. Si la figure du futur Présidentsocialiste émerge à l’évidence dansce portrait de groupe, c’est d’abordreliée à ces deux hommes que furentson père et Maurice Pinot qui, dansles années 1970, prit sous son ailele jeune étudiant de Sciences-Poencore hésitant entre l’Éna et lejournalisme au Monde…

Son panthéon personnelPar penchant naturel et familial,Hubert Védrine aurait incliné vers ce qu’on appelle « la deuxièmegauche ». Il se reconnaissait dansMendès (à travers l’amitié de sonpère pour Jean Lacouture, dont ildévora chaque biographie) ou dansla lecture de Témoignage Chrétiende Georges Montaron. Il était saisipar les écrits de Malraux et reven-dique ses passions pour Balzac etProust. « Si rien ne m’a jamais tout à fait surpris, je le dois à cet héritagelittéraire », dit-il avec esprit. Il ajoute à son panthéon personnel le ju riste Louis Fougère, auteurno tamment d’une Constitution de l’Afghanistan.D’abord donc, la figure de JeanVédrine. Ancien prisonnier deguerre, il fera trois ans de stalag enPologne avant d’être rapatrié enFrance, gravement malade. C’est ausein du commissariat au reclasse-ment des prisonniers qu’il rencon-trera Mitterrand, dont il rejoindra

le cabinet entre 1947 et 1952. Mani-festant peu de goût pour la viepolitique façon IVe République,Védrine père s’engagera avec Mau-rice Pinot dans ce qu’on appelle-rait aujourd’hui un « micro thinktank », baptisé Centre d’études et de documentation : « Leur but étaitde travailler sur des causes d’intérêtgénéral », explique son fils. Ils jettentleur dévolu sur un sujet sensible : ladécolonisation. « Mon père est parti

au Maroc où il n’était jamais allé. Àson retour, il a dit à Pinot : “Il faut l’in-dépendance”. » Ils tisseront des liensétroits avec les nationalistes maro-cains, les feront connaître aux res-ponsables politiques français pourleur montrer qu’ils ne sont en riendes communistes enragés.Une fidélité unira Jean Védrine et lesouverain du Maroc. « Deux hommesont permis l’indépendance du Maroc,dira Mohammed V. François Mauriac

publiquement et Jean Védrine secrète-ment. » Enfant, Hubert Védrine ferades voyages mémorables au Maroc,se retrouvant à 9 ans à la table del’émir. Il nouera ensuite des liens qui lui seront précieux lorsqu’il agira au cœur du pouvoir, à l’Élyséepuis au Quai d’Orsay. « Par cetteexpérience, confie aujourd’hui le spécialiste des relations internatio-nales, je n’ai plus jamais envisagé unsujet sous l’angle uniquement franco-occidental. J’ai été préparé à l’idéequ’un autre regard sur les autres étaittoujours possible. »

Le groupe de Bois-ColombesSa vision de l’Histoire, de la guerreà la décolonisation, Jean Védrine lafit partager plus tard à son jeune fils,dont le prénom Hubert souligneson respect pour Hubert Lyautey,visionnaire d’un Maroc destiné às’émanciper. « Nous vivions à Bois-Colombes, raconte l’ancien secrétairegénéral de l’Élysée. Mon père recevaitmes amis. Avec son immense géniepédagogique, il nous parlait d’égal àégal. Nous formions le “groupe de Bois-Colombes”. » Autour du chef de tribuse presseront des personnalités en devenir comme Philippe Camus(il deviendra président d’EADS),Patrick Rabain (il dirigera L’Oréal),ou encore la future Marie-ClaudeChar, alors assistante de JeanVédrine. « Mon père était d’originemodeste. Par son parcours, il m’a donnéle sentiment que la question sociale ne se posait pas, que la société étaitfluide : si on voulait, on pouvait. Ilnous insufflait sa conviction qu’onétait enfermé dans rien, que tout étaitpossible. »La rencontre avec Mitterrand appa-raît dès lors comme une solution de continuité avec l’enseignementde Jean Védrine. Les deux hommesnourrissent l’un pour l’autre unegrande amitié née de la captivité, etconfortée au sein du commissariataux prisonniers qui rassemblera plus de deux millions de personnes :le premier socle politique du futurcandidat socialiste. Pendant laguerre, les petits mots de Jean

Védrine à Mitterrand se terminentinvariablement par « que Dieu tegarde ». Si l’affection les unit, c’estHubert qui rétablira le lien politiqueque son père n’a pas voulu cultiveravec Mitterrand.

Une clé de compréhensionJean Védrine lui a pourtant donnéune clé de compréhension du per-sonnage : c’est autour de lui, est-ilconvaincu, que s’organisera la viepolitique après de Gaulle. Jeuneénarque, Hubert prend l’initiative de solliciter un entretien au fonda -teur du PS. Nous sommes en 1973.« Il y avait quelque chose en lui de dia-bolique. Pas par ses ombres, mais parsa personnalité dévorante. » Celui quipréside aujourd’hui l’Institut Fran-çois-Mitterrand est alors fasciné parl’homme qui sait tout de sa familleet l’introduit dans les groupes d’ex-perts créés par l’homme à la rose envue de conquérir le pouvoir.L’année suivante, Maurice Pinot luidonne une autre clé sur Mitter-rand : « Un jour il sera élu, lui dit-il.Il sera le maître de l’Union de la gauchemais celle-ci ne sera pas détournée deson but stratégique car les commu-nistes partiront. Il faut en passer parlà sinon rien ne pourra débloquer lepays. » Cette vision de Mitterrandsera un viatique essentiel dans sacompréhension du futur Président.De lui, Hubert Védrine conservedeux traits essentiels : « D’abord l’in -tensité. Il faisait de chaque instant unmoment qui nous projetait au-dessusde nous-mêmes. Rien n’était anodin.Même un café pris avec lui semblaits’inscrire dans un vaste mouvementhistorique ! » L’autre legs marquant,c’est « cette liberté sauvage, presquelibertaire, de Mitterrand, qui pouvaitaller jusqu’à braver l’opinion ». Unefaçon de confirmer l’enseignementde Jean Védrine et que son filsHubert résume ainsi : savoir qu’onn’est jamais enfermé. Attelé à larédaction d’un rapport sur l’Otanet la défense européenne à lademande de François Hollande,l’homme a appris à préserver saprécieuse liberté.

Par Éric Fottorino

Hubert Védrine, la liberté aunom du père et de MitterrandHubert Védrine appartient au cénacle de personnalités politiques capables de manier avec talentle verbe géostratégique. L’ancien secrétaire général de l’Élysée sous Mitterrand et ministre des Affaires étrangères du gouvernement Jospin revendique ses passions pour Balzac et Proust.En politique, François Mitterrand le fascina, tout comme son père.

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