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L'HABITAT RURAL DANS LE VAR A L'EPOQUE ROMAINE: Données archéologiques récentes Les fouilles menées ces dernières années sur plusieurs habitats antiques du Var ont permis, grace à l'étude complète des gisements, de recueillir de précieux renseignements sur l'histoire de chaque site. Il serait prétentieux d'affirmer que l'heure de la synthèse est venue; mais des observations convergentes nous -autorisent à présenter ici. dans ses grandes lignes, les principales étapes qui marquent l'évolution de l'habitat rural dans le Var entre la fin de l'Age du Fer et le début du Moyen Age. Une progression générale de la recherche archéologique provençale nous y incite: aux deux extrémités de la période considérée, d'autres études , sur les habitats protohistoriques comme sur les sites du Haut Moyen Age, ont permis de préciser cenains points, ou plutôt, en réalité, de nuancer des affirmations trop entières; plusieurs cimetières ruraux ont pu être explorés récemment, qui fournissent des renseignements non n<,gligeables sur des implantations humaines dont ils sont, parfois, le seul t<'moignage dans une contrée; enfin les prospections, men<'es de façon systématique pour l'inventaire arch<'olo- gique des communes ou rdevant d'un domaine plus spécialis<' comme cdui des oppida ou des huileries gallo-romaines, apportent des informations ponctuelles que, certes, seule la fouille permettrait de compléter et d'interpréter. mais qui peuvent étayer souvent des conclusions dont la principale faiblesse r<'side, sans cda, dans le nombre restreint de sites complètement fouillés. Malgré cette difficult<', il nous a paru utile de présenter aujourd'hui ce bilan qui . exposant, - comme SQuvent dans ce cas - plus de probl"mes qu'il n'en r<'sout, devrait susciter, nous l'esp<'rons, de nouvelles recherches. faseÎculr 141. 198j

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L'HABITAT RURAL DANS LE VAR A L'EPOQUE ROMAINE:

Données archéologiques récentes

Les fouilles menées ces dernières années sur plusieurs habitats antiques du Var ont permis, grace à l'étude complète des gisements, de recueillir de précieux renseignements sur l'histoire de chaque site. Il serait prétentieux d'affirmer que l'heure de la synthèse est venue; mais des observations convergentes nous -autorisent à présenter ici. dans ses grandes lignes, les principales étapes qui marquent l'évolution de l'habitat rural dans le Var entre la fin de l'Age du Fer et le début du Moyen Age. Une progression générale de la recherche archéologique provençale nous y incite: aux deux extrémités de la période considérée, d'autres études, sur les habitats protohistoriques comme sur les sites du Haut Moyen Age, ont permis de préciser cenains points, ou plutôt, en réalité, de nuancer des affirmations trop entières; plusieurs cimetières ruraux ont pu être explorés récemment, qui fournissent des renseignements non n<,gligeables sur des implantations humaines dont ils sont, parfois, le seul t<'moignage dans une contrée; enfin les prospections, men<'es de façon systématique pour l'inventaire arch<'olo­gique des communes ou rdevant d'un domaine plus spécialis<' comme cdui des oppida ou des huileries gallo-romaines, apportent des informations ponctuelles que, certes, seule la fouille permettrait de compléter et d'interpréter. mais qui peuvent étayer souvent des conclusions dont la principale faiblesse r<'side, sans cda, dans le nombre restreint de sites complètement fouillés. Malgré cette difficult<', il nous a paru utile de présenter aujourd'hui ce bilan qui. exposant, - comme SQuvent dans ce cas - plus de probl"mes qu'il n'en r<'sout, devrait susciter, nous l'esp<'rons, de nouvelles recherches.

Prov~nC't' Historiqu~. faseÎculr 141. 198j

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1 - LA PERIODE PRE-COLONIALE ET LE DEBUT DES VILLAE (JUSQU'AU MIllEU DU 1" SIECLE APRES J.-C)

1) A VANT LA CONQUETE ROMAINE DE 124-125 AVANT J.-c.

L'habitat percho et fortifio est la règle génhale, Apparu dès l'époque chalcolithique en Provence " ce type d'habitat se développe considérable­ment à partir du VI' siècle avant J.-C, Pour le seul département du Var, ce sont plus de 300 oppida de l'Age du Fer que les inventaires récents' ont recensés toutes périodes confondues; mais la règle n'est peut-être pas aussi génhale qu'il paraît ; la facilito avec laquelle les sites perchés peuvent être découverts, essentiellement grâce à la masse d'éboulis que constitue l'effondrement des remparts de pierres sèches aisément repérables d'avion, s'oppose nettement à la difficulté de trouver les habitats de plaines et de coteaux contemporains, dont on ne connaît que quelques rares exemples, d'interprétation délicate: Candumy à Cabasse J, le Thoron au Cannet '. Fontanieu à Bandol S pour le premier Age du Fer, les Paluns à la Cadière d'Azur', Saint-Jean à Gonfaron', Lingousto à Solliès-Toucas' et les Escaravatiers à Puget-sur-Argens "

2) L'INSTALLATION ROMAINE

Les raisons principales de l'intervention romaine dans le Sud de,la Gaule, c'est-à-dire l'importance stratogique de la rone côti",e reliant

1. Le: rtmpan le plus ancien connu en Provence est celui des Lauzières, chalcolithique. domin.tnt les gorges de l'Aiguc Brun à Lournurin(84) : J. COURTIN. 0: Informations», cbns GalJia-Prihisroirt, 2l. 1982. 2. p. H4-Bl. Il faut souligner aussi le rempart. daté de l'âge du bronze ancien, du Camp de Laure au Rove lB}: J. COURTIN, (t Quelques étapes du pruplement de la région de l'Etang de Ikrrc au post-glaciaire Xl. dans Bul/etin Ar(hio/cgiqut d, P""".", 1978, p. 1-~6.

2. A. REYMONOON, Ct Documents anciens et nouveaux sur les enceintes protohistoriques du Var:D, dans Gal/ia, 32, 1974. p. 287-297, cf. CI: Contribution à l'~tude dn tnceintes de pi~ sèche dans le département du Var D. Congrès Prihistorique dt France, XXI' session, sept, 1979, vol. 2, Paris 198~, p. 269-280,

3. Rccherchn ct observations de M. A. Amann. 4. Sondage de A. Amano en 1968. Petite butte sans fortification occup« du VIt si~de

au In siècle av. J.-C. Tombes de l'Antiquité tardive. M. EUZENNAT, «Informations archéologiques D, dans Gallia. 1969. p. 447, et Ch. GOUDINEAU, «Informations archrologiqucs D, dans Gallia, 1973, p. lB.

5. Prospection inédite de J.-M. Théveny. 6. Idem. Quelques tessons de céramique campanienne des IUt_Ut si~de, sur un site de

villa romaine. 7. Travaux du Centre de Documentation Archéologique de Toulon, dans Annalts dt la

Seriili dn sa",,,, Nal.rt/In" d'Arc/Nokgi, dt To.t.n" d. Var, 1981, p. H. Fond d, bol à petite estampille.

8. Prospection inédite de M. Pasqualini . Fond de plat à décor de palmettes, type campanienne A. Site de coteau donnant des traces d'occupation jusqu'à la fin de l'Antiquité

9. Ch. GOUDINEAU, CI: Informations archéologiqun :0 dans Gallia, 1979. fascicule 2, p. l61. Etud, du matéri.! <Uns J. LATOUR, U. habilal d, plai., dt l'Ag, d. Ftr, les Es!4ravatitrJ au Pugtt-slir-ArgtnJ; édité ~r l'auteur, H. avenue du Vallon, le Sinadon, 06HO Roqudort-Ics-Pins.

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Fig. 1 : HaM/ah antérieurs ail milieu du 1" sièdt dt notre m. 1. Les Paluns (La Cadière) 9. Saint-Jean (Gonfaron) 2. Fontanieu (Bandol) 10. Clavier (Le Cannet) ~ . L'Olivette (Le Castellet) Il. Thtron (Le Cannet) 4. Mont-Garou (Sanary) 12. L'Ormeau (Taradeau) J. Saint-Michel (La Garde) B. Le Fort (Taradeau) 6 . Lingousto (Solliès-Toucas) 14. Les Laurons (Les Arcs) 7. Le Grand Loou (La Roquebrussanne) Il. Les Escaravatiers (Puget-sur-Argens) 8. Candumy (Cabasse) 16. Pardigon (Croix-Valmer)

l'Espagne à l'Italie d'une part, le manque de terr .. agricoles d'autre part, semblent trouver r<'ponse immédiate et suffisante dans la cr<ation de la colonie de Narbonne en 118 avant J.-C., implantée au carrefour de la route côtière avec la voie conduisant aux pays atlantiques. L'organisation et l'histoire de la nouvelle province à ses débuts sont encore très mal connues, même dans la région du chef-lieu ; il faut attendre les créations coloniales césariennes et august<ennes de Béziers, Arles, Orange et Fr<jus pour voir Rome affermir solidement sa main-mise sur la Narbonnaise. En Provence, la cr<ation du casttllum d'Aquae Sextiae en 122 n'a laissé, en l'état des connaissances du sous-sol aixois, aucune trace matéridle. Dans l'(volution d'un habitat rural de tradition indigène par la conception et la construction, il est difficile de distinguer après la conquête romaine et au cours de la première moitié du 1" siècle avant J.-C . les changements que l'on peut imputer directement à l'installation romaine et aux soubresauts qu'elle a provoqués de ceux qui sont la conséquence d'événements historiques

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extérieurs comme l'invasion des Ambrons et Teutons. La dévolution officielle de la zone strictement côtière à l'administration de Massalia, alliée de Rome, peut avoir influencé la distribution des lieux habités. En regard de faits historiques relativement nombreux, les observations archéologiques sont tr"s limitées et d'interprétation difficile: l'oppidum du Mont-Garou à Sanary est abandonné vers 100-80 '0, alors que celui de Taradeau Il semble être construit au début du siècle et occupé sporadiquement jusque vers 50 au moins. Contre qui ces nouvelles fortifications? Avec ou sans l'accord des Romains? En plaine, les renseignements restent rares et reposent sur quelques tessons: de nouveau le site de Saint-Jean à Gonfaron , ceux de Clavier au Cannet ", de l'Olivette au Castellet" qui deviendra une importante villa occupée jusqu'au VI' siècle de notre ère, et celui des Escaravatiers à Puget-sur-Argens. Les changements les plus notables surviennent après le milieu du 1" siècle avant J.-C.

J) LE SIECLE DE LA ROMANISATION (lO AVANT J. -c. - lO APRES J.-c.)

Le territoire de l'actuel département du Var dépendait, pour sa majeure partie, des deux colonies romaines fondées en 46 avant J.-c. à Arles et vers 30 à Fréjus. Dans sa partie Nord-Oum s'avançait jusqu'à Brignoles le territoire d'Aix et au Nord , le long du Verdon, celui de Riez, colonies latines n'ayant pas fait l'objet d'une deductio au profit de vétérans.

Cinq fouilles récentes ont permis de faire des observations riches d'enseignements sur les premières constructions qui ont occupé chaque site; deux se trouvent sur le territoire d'Arles (La Roquebrussanne et La Garde) et les trois autres sur celui de Fréjus (Taradeau, Les Arcs et Croix-Valmer).

Ces aménagements primitifs, tous apparus entre 50 et 20 avant notre ère, sont de deux types: soit des constructions en bois ou, au moins. sur fondations de bois, soit des constructions en pierres, sans emploi de mortier de chaux, avec sols de terre battue.

A la Roquebrussanne, le premier état de la villa du Grand Loou (milieu du 1" si"cle avant J.-C . au milieu du 1" si<cle après J.-C.), voit se succéder des installations parfois peu compréhensibles, révélées seulement par des

10. P. ARCEUN, Ch. ARCEUN-PRADELLE, Y. GASCO,. Le v;Uag< protoh;sto­rique du Mont-Garou (Sanary, Var). us premjtres manifest.1.tions de l'impàialisme malYillais sur la côte provençale» dans Documents d'Arrhio/qjt Méridionale, 1982, p jJ-B8.

Il. Le matériel rare et fragmentaire: provenant des fouilles de 1969-76 est difficilement datable avec plus de prtcisions. Ch. GOUDINEAU. « Une enceinte protohistorique : l"oppidum du Fon à Taradeau (Var) », dans Livret - Guidt de J'ex(ur5ion B J, Situ de l'Age du Fer el uz1Jo.,..,.ains dt la rigi .. dt Nict, IX' Cengris dt J'UlSPP, Nk<, 1976, p. 16-32.

12. Sondage de A. Amann. Petit habitat de coteau, proche d'une source. Ch. GOUDINEAU, .Informa';ons archéolog;quts », dans Gallia, 1977, p. 497

13. Prospection de J.-M. Théveny; Ch. GOUDINEAU, «Informations archéolo­giques ». dansGlIllia, 1981. p. '31. Villa occupée du Itr siècle avant J.-C. au VIt siècle: après j-C.

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tranchées, fosses, rigoles, trous de poteau. On y distingue sunout des

tranchées parallèles, de tailles diverses, appanenant cenainement à des

constructions en bois sur poutres semi-enterrres supponant les planchers. Sur le site des Laurons, aux Arcs, des dispositifs comparables et contemporains ont pu otrr observés à l'occasion d'une fouille de sauvetage.

Les ttats anciens des fermes de J'Ormeau révaent, dans la deuxi(me moitié du 1" si(cle avant J.-C. , deux fonds de cabane au sol de terre battue ; c'est après le changement d'ère que SOnt édifiés les murs principaux des deux fermes, en pierres liées à la terre. Les quelques structurrs primitives observées sous les huileries de Saint-Michel à La Garde sont aussi de la deuxième moitié du Itr siècle avant J.-C. : murs de pierres liées à la terre, ou en pisé, sol de terazzo sur hérisson de pierres; la chaux apparaît vers 20 avant J. -C. , dans des réaménagements de cet état ancien. L'opus catmenticium est utilisé à partir de la première moitié du l'~r siècle de notre ère. dans un kat mal conservé qui compone une petite cuve bétonnée. vestige peut-être d'une première huilerie.

A Croix-Valmer, la villa de Pardigon 2, en cours de fouille, a livré des ttats anciens postt'rieurs à 50 avant J. -c. : murs de pierres s(ches, trous de poteau, sols de terre battue sont les traces de ces premiers aménagements . Entre 0 ct 30 de notre ère. une transformation de ces structures utilise les m~mcs techniques de construction .

On constate ainsi , peu après le milieu du 1" si(cle avant J.-C. , en plusieurs points du Var où des recherches précises ont pu être faïus. l'apparition de nouvelles habitations rurales en des lieux jamais occup<s jusqu'alors. Si la relative concordance chronologique de ces conclusions ne relève pas des classifications trop schématiques de la céramologie, principal appui des datations obtenues, on peut proposer de relier ces premières constructions au bouleversement foncier que Rome imposa au monde rural lors de la déduction des colonies de vétérans d'Arles et Fréjus. La diversité des types de construction observés ne reflèterait-elle pas alors les origines diverscs des colons Înstall(s dans les terres loties, ainsi quc. peut-ru-co la survivance de terres non loties (peut-(tre les plus pauvres) Iaisstcs aux anciens possesseurs du sol? La lenteur de l'évolution qui conduit de ces premières constructions frustes à la villa semble en outre témoigner d'un processus sociologique et économique relativement libre. une fois imposée l'organisation des nouvelles structures foncières: ce n'est qu'après un siècle environ - un peu plus tôt sur la côte - délai n<cessairr à la romanisation des habitudes et aussi à l'enrichissement des familles par l'exploitation de la terre conc(d(c, que les descendants des premiers occupants ont commencé à construire ({ à la romaine)) dans les campagnes varoises_

II - LE HAUT EMPIRE (MIUEU DU Iff SIECLE AU III' SIECLE)

Tenter une périodisation de l'évolution de l'habitat ne signifie pas croire que les étapes sont nenement marqu<es dans la chronologie . Les

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limites de périodes ne peuvent être qu'imprécises. Nous croyons déceler des changements profonds après le milieu du [" siècle, mais ils ont du s'étaler sur plusieurs décennies. Ces transformations ne flOpS apparaissent qu'au travers de quelques sites fouillés: c'est au cours de ce demi-siècle que sont construits les <tatS majeurs des villa, ", Extrapoler cette coupure à l'ensemble des sites ruraux non fouillés et notamment aux habitats groupés est bien hasardeux. Rien n'indique que les vici aient connu alors une phase particulièrement active de construction. Nous pensons cependant que les mutations que nous constatons dans les villa, et les fermes sont l'expression d'un phénomène général d'ordre économique.

1) L'HABITAT GROUPE

L'indigence de notre documentation archéologique actuelle ne permet que peu de remarques sur l'habitat rural groupé.

En plaine, aucun vicus n'a fait l'objet de fouilles exploitables. Les

sauvetages effectués à Forum Voconii- Les Blaïs, ne nous renseignent en rien

sur l'habitat IS. Les fouilles du vicus (?) du Logis de Fox-Amphoux qui ont mis au jour une habitation et un temple ne sont pas encore publiées. Quant aux sondages sur le probable vicus de la Pinède au Castellet, ils SOnt pour l'instant trop limités pour confirmer la nature du site et sa chronologie ", Tout au plus peut-on remarquer que les habitats groupés de plaine semblent toujours en relation avec des voies de communication: c'est bien sûr le cas des mansion,s et des mutation,s de la voie Fréjus-Aix et des ports de la côte; cela pourrait l'être également du Logis de Fox-Amphoux et de la Pinède au Castellet, situés à des carrefours de voies secondaires. Hors des axes de communication, les _ terrQirs paraissent partagés entre des domaines plus ou moins vastes exploités depuis des habitats dispersés.

Sur les hauteurs, les habitats groupés ont-ils tous disparu au [" siècle avant J.-c. ? On a vu plus haut que contrairement à une opinion longtemps répandue, les oppida ne furent pas abandonnés après la conquête et même qu'une part d'entre eux furent édifiés au cours du [" siècle avant J,-C. Dans leur grande majorité, ils cessèrent d'être occupés avant le changement d'ère, mais une fréquentation continua jusqu'au lIt siècle sur certains d'entre eux

14. Construction des états majeurs des villat ne signifie pas mise en place du syst~me d'exploitation du sol dont les villat sont l'expression. Nous avons vu en effet que toutes les villat Ont une origine ancienne (p~r siècle avant J.-C.) souvent modeste. La seconde moiti(: du Itr siècle est marquée par l'investissement des profits tirés de la mise en valeur des terres dans de vastes n luxueux bâtiments.

15. R. BOYER. «Récentes d«ouvertes archéologiques aux Blais {Var)-Forum Voronii li, dans Cahiers Liguru dt PrihistQirt tt d'A"hiolcg,ie, 19j9. p. 87-111.

16. J.-M. THEVENY,« Prospections arçhéologiques sur la commune de La Cadière et du Castelln li. dans Annales dt la Sociiti des Sâenm Nllturellu el d'A"héorogie de Toulon et du Var, (scra abrigi A.s.s,N,A,T.V,), 1978. p. 72-94, et «Travaux du Centre d, Documentation Archêologique de Toulon », art, cit., 1983. p. 197

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Fig, 2

Habi/afJ et mal/solin: Habita/s. mausolits el àme/ùrts du Haul-Empire.

~: ti~~::~Sn (~~~~ulien le Montagné)

3. u Logis (Fox-Amphoux) 4, La Trini,' (Callas) 5. Saint-Hermentaire (Draguignan) 6, us Eyssalrnes (Pourrièrn) 7. Roque{c:uil (Pourric:rts) 8. MuscaJX'ù(Tourves) 9, p ", (Ponteves)

10. Asc.v (Correns) 1 L L'Ormeau (Taradeau) 12. Saint-Manin {Tar.adcau} 13. La Clérnensanne (Taradeau) 14, Les Laurons (us Arcs) 15 . Roussivau (Saint-Raphaa) 16, ViU<p<y (Frrjus) 17, T.urell«Nans) 18. La Batarelle lu Frise (La Roquebrus-

sanne) 19, u Grand Loou 1 (La Roqu<brussanne) 20, u Grand Loou 2 (La Roqurorussanne) 2L u s Ch.berts (Garroul,) 22, Les Vignes (Rocb.ron) 23. Plan de Moulières (Saint-AnastasÎC')

Cimttitrts:

JO. La Pierre Blanch< (Seillons) 51 . La Guérinr (Cabassr) 52. Us Escaravatirrs (Pug(1-sur-Argrns)

24, u Th'ron (L< Cann«) 2l, !k.um« (Gonf.ron) 26, Les Maulnes (Signes) 27. us Saurones (Puget-ville) 28. Font de Suve (Puget-ville) 29, L< Mas (Puget-ville) 30, La Foux (Cu<rs) li. Saint-J<an(Cu<rs) 32, La Philipp< (La Crau) 33. Prat de Castd (Collobri~rC's) 34, C.mp d< la Figuiire (Le Cas .. ll .. ) ll, L'Olivrn< (Le Castell«) 36, La Guh.rd< (Le !k.",s«) 37. u s Paluns (La C.dih<) 38, La Pinid< (La Cadiire) 39, u Vignete' (L< Castell«) 40. Sainte-Ternide (Sanary) 41 . us Andrieux (Evenos) 42 . Logis-Deprat (Sanary) 43. Le Prinlri (Toulon) 44, Saint-Michel (La Gard<) 4l , u R<ga nas (La F.rlid<) 46. La ]rannrttr (Hyèrrs) 47, Saint<-Eulalie(Hyires) 48, Pardigon (C.valair<) 49, Pardigon 2 (Croix-Valmer)

l3 , L. Madragu< (Gi<ns) 54. La Counadr (Porqurrollrs)

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comme le Mont Garou à Sanary et Bayonne à Bagnols-en-Forêt 17. D'autres

habitats de hauteur connurent une occupation plus intense. Le village de tailleurs de meules de La Guérarde au Beausset fut habité jusqu'en plein II' siècle et celui de P ... à Pontèves paraît avoir étè édifié vers la fin du Jer siècle après J. -CO Dans ces deux villages de hauteur non fonifiés, les constructions paraissent avoir été frustes: emploi de la chaux limité, petites cellules analogues à des cases d'oppida mais couvenures de tuiles. En l'absence de fouille, il est impossible de déterminer quel était l'urbanisme de ces villages et comment étaient agencées les habitations. Soulignons que dans les deux cas, ces habitats , situés dans des massifs montagneux, ne disposaient que de terroirs pauvres et exigus. La vie traditionnelle a donc surtout persisté sur les vastes plateaux et dans les collines comme le notait déjà A. Roth pour les Bouches-du-Rhône à propos des habitats du Roubès et des Blanquettes ".

2) L'HABITAT DISPERSE

Le phénomène le plus visible, l'accaparement des terroirs par les

grandes exploitations, ne doit pas occulter la persistance d'exploitations plus petites . En fait, il doit y avoir des domaines et des habitats de toutes tailles mais la documentation très partielle que nous avons force au schématisme. Nous croyons déceler d'une part de grandes villa" de l'autre des fermes sensiblement plus modestes; cette approximation ne correspond vraisem­blablement qu'à un stade provisoire de la recherche.

a} L,s villa,

Les grandes villa" nombreuses dans le Var SOnt toujours localisées en plaine ou sur les pentes de collines au contact des plaines et des dépressions. Aucune d'entre elles n'a été signalée. à 'notre connaissance, sur les plateaux (Plan de Canjuers, de Siou Blanc, le Camp) ou dans les massifs montagneux (intérieur des Maures et de l'Estérel), même si un cenain nombre d'habitats ruraux existent (comme celui de Roussivau dans l'Estérel ou du Prat de Castd dans les Maures).

Les villa, fouillées présentent un état maximal d'extension au cours du II' siècle, mais elles ont rarement été édifiées en une seule campagne. Le plus souvent, les premières constructions de technique proprement romaine (murs ~n opus caementicium. sols en opus signinum. plans centrés sur des cours .. . ) remontent à la période flavienne sauf sur la côte où la diffusion de ces techniques paraît plus précoce. Dans la villa maritime de Saint-Cyr, un

17. Pourl, Mont-Garou : P. ARCELIN. Ch. ARCELIN-PRADELLE" Y. GASCO. (t Le villag~ protohistoriqu~ du Mont~Garou », dans DIXumtntJ d'Archéowgie Méridionalt , ~. 1982, p. 127. ~stiment qu'il y a eu abandon complet au Haut~Empifl: . mais la collection J. LA YET contient un c~rtain nombre de tessons de sigillée de la Gaule du Sud qui indiquent une frêquentation partielle de l'anci~n village. Pour Bagnols~en-Forèt: G. DESIRAT. Bag.o/s-,.-Fqril. Le Muy. 1980. p. 84

18. A. ROTH. Aix-en-Provtn't tl son /tm/oirt à J'ipoqUt galw-romaint, mémoire de maîtrise dactylographié. Aix, 1972. p. 144-199.

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premier état serait datable du début du 1" siècle 19 et dans celle de Pardigon 2 à La Croix-Valmer, l'état III qui voit l'apparition de l'opus cmmenticium, fut construit au second quart du 1er siècle. Dans l'arrière-pays, les premiers bâtiments de ce type apparaissent sous les Flaviens: au Grand l.oou (La Roquebrussanne), à Muscapeù (Tourves '0) à La Clemensanne (Taradeau '1) voire à la fin du 1" siècle: à Saint-Michel (La Garde), à Saint-Hermentaire (Draguignan ").

Que peut-on dire des plans? La génèse des villae, leurs évolutions paniculières expliquent qu'il n'y ait pas de plan type. Des constantes se dégagent toutefois. L'emplacement des diverses parties est uniforme: la pars urbana ouvre au Sud, les thermes sont placés au Sud ou au Sud-Ouest, la pars agraria au Nord, exceptionnellement à l'Ouest. Ce schrma est adaptr à la configuration du terrain: Saint-Michel et Muscapeu prrsentent les même dispositions: la pars agraria est implantée sur un replat à mi-pente, les thermes forment un corps de bâtiment au Sud ou au Sud-Ouest, et les appartements, construits sur la dernière terrasse, dominent la plaine. En plaine, les villat du Grand Loou et de Pardigon 2" sont orientées pareillement: pars urbana au Sud, pars agraria au Nord, thermes à l'Ouest. Autre constante. les corps de bâtiments sont placés autour de cours comme dans les villat repérées par photographies aériennes dans le reste de la Provence ". A Villepey", Muscapeù, Saint-Cyr, le Grand Loou, les panies habitables ouvrent sur des cours à po"iques parfois dotées de bassins. Une plus grande diversité semble avoir régné dans la disposition des bâtiments agricoles: à Saint-Michel, l'agencement de l'huilerie, très rationnel, indique un projet global; au Grand l.oou, les installations vinicoles ont étr juxtaposées au fur et à mesure des agrandissements.

Techniques de construction et décors architecturaux varient sdon les

19. Ch. GOUDINEAU, • Informations archéologiques ». dans Gallia, 1975. p. l6}. 20. R. AMBARD. «La villa gallo-romaine de Muscapeù. Tourves . Var », dans

Provence Historiqut, 1915. p. 103-110. 21. Nous ne suivons pas Mlle CI. VARC><:2UEAUX, «ùs thermes gallo-romains de

Taradeau », dans A"naks du Sud-EsI Varois. 111,1978. p. 11-16, dans sa datation haute des thurnes de la villa de la Clemensanne. L'emploi du petit appareil interdit sdon nous de faire remonter la. datation .avant le milieu du (tr siècle ct: nous pensons que l.a cér.amique c.ampanienne trou vie .au COntact des murs faisait paniC' d'un rtmblai.

22. R. BOYER, (t" Un habitat rural gano-romain à Saint-Herment.aire », dans Eludes Rurales, 3. 196I. p. 94. Date les thermes de la vi/la du II~ sÎide mais signale l'abondance des sigillées gauloists, indice qui pourrait faire rtmonter plus haut la datation.

23. Cette vi/la est fouilJét par une équipe de la Direction des Antiquités et du Centre de Documentation Archéologique du Var associ& au Groupement Archéologique de Cavalaire­La Croix-Valmer. Elle est rnenacte par la construction d'une Z.A.C.

24. L. MONGUILAN. (t" La douceur de vivre dans le Midi rhodanien », dans His/();re t/ ArrbioJ.git, nO l8. L" villas galle-ro".,i.", novembre 1981, p. l2-)7.

2l. A. DONNADIEU .• Les fouilles de la villa gallo-romaine de Villepey (villa POOi;). près de Frtjus », dans Bulletin et Mémoires de l'Inslitut tUs fouilles de Provence et des Priai pts. 1926-1928, p. B4.

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matériaux locaux, l'importance du site et son éloignement de la mer. Si la construction en opus caementicÎum est fort r'pandue, elle n'est pas générale: au Grand Loou, un certain nombre de bâtiments annexes (loges de serviteurs, entrepôts agricoles) sont construits en pierres liées à J'argile. Opus catmtnticÎum n'implique pas forc(ment parement en petit appareil. Celui-ci est fr'quent dans les régions où le calcaire et le grès abondent (Grand Loou, La Cl'mensanne, Saint-Michel) mais disparaît dans les zones de roches cristallines plus difficiles à tailler (Pardigon 2) ". Pour la décoration, deux facteurs semblent avoir joué: la proximit' de la côte et la richesse du domaine. Les villat côtières se distinguent par la variété des provenances de marbre: la villa de Saint-Michel par exemple, était décorée de marbre de

Luni, de Chemtou, de Thessalie, de Tenaro, de serpentine de Lacédémone.

Plus loin de la côte, moins opulente aussi, la villa du Grand Loou ne livre que du marore de Luni 17. Les mosaïques sont relativement fréquentes mais en général très simples (Saint-Michel, Pardigon 2, Saint-Cyr). Certaines villat possédaient des pavements en opus sec/ile (Saint-Michel notamment) ; d'autres étaient ornées de sculptures (les Eyssalettes à Pourri ères, Pardigon 2, les Laurons aux Arcs, le Prieuré à Toulon ... ). Les peintur<s murales, beaucoup plus répandues (Saint-Michel, Grand Loou, Saint-Cyr, Villepey, Muscapeù) manquent souvent de qualité: ce ne sont que panneaux de couleurs, fausses moulures, guirlandes de lieurs. Mis à part peut-être dans la vil/a de Saint-Cyr, on ne connaît pas de scène historiée.

b)ùsfirmts Les domaines dépendant de villat n'occupaient pas toute la superficie

des terroirs ; à côtr d'eux subsistaient des exploitations modestes. Nous avons du mal à les appréhender. Deux d'entre elles formant un hameau, ont 'té fouillées au lieu-dit J'Ormeau à Taradeau. Elles partageaient ce terroir avec au moins deux grandes villat: celles de la Clémensanne et celle de Saint-Martin, tr(s voisine. L'origine des deux fermes de l'Ormeau remonte: au 1" siècle siècle avant ].-C. Au cours du début du 1" siècle après J.-C. , on construisit de nouveaux bâtiments qui furent complétés (ferme A) ou remplacés (ferme B) sous les Flaviens. C'est alors que J'on édifia dans chacune des fermes, une huilerie et dans la ferme A, un fouloir à vin. Au nt siècle. ces installations nc: connurent que: quelques transformations sans grande importance. Chacune des fermes devait couvrir 1.000 m'environ li.

26. Sur c<tte question, voir J.-P. BRUN, P. GUIMEUI, G . OBERTI <t G. QUIN, ft ~rques sur tuilts dt' la Côte des Ma.um », dans BlIlkti" ArcbioWgUJllt dt Provence, à paraître.

27. Unl~ étude de la diffusion des nurbres ~st à réaliser. Ell~ permettrait d~ montrer l'tnCte incidence de la distant( à la mu, des coûts de transpon ct d~ mesura la richesse ",brive des vil"".

28. Ces ntimations, fondées sur les prospections d~ surface SOnt approximatives. n'avons pu fouiU~r qu'une panie des fermes.

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Les murs, en général formés de pierres liées à la terre, et les sols de terre ou de galets, attestent la persistance de méthodes de construction héritées de l'Age du Fer. Seuls les pressoirs et les cuves sont bâtis à la chaux. Ces techniques de construction durent être import<'es au même titre que les modèles des pressoirs proches d'exemples italiens.

Le contraste est donc net avec les grandes Vil/Ill, aussi n('t selon nous qu'entre fermes paysannes et « bastides» de la Provence moderne. Tout dans les fermes de l'Ormeau dénote des exploitations traditionnelles de faible étendue: techniques de construction, plan anarchique, huileries à un seul pressoir, type d'élevage .. .

Peut-on rapprocher de cet exemple d'autres sites? En l'absence de fouilles, cela est très hasardeux. Les prospections de surface ne permettent pas de définir avec certitude la nature des sites: absence de fragments de marbre, de mosaïque, faible étendue de vestiges ... ne signifie pas forc<'ment qu'il s'agit d'un petit établissement. La finesse du résultat des prospections dépend du degré de destruction du site et de l'ancienneté de celle-ci. Nranmoins certains sites mieux connus paraissent être du même type que les fermes de l'Ormeau: la Philippe à La Crau ", Roussivau à Saint-Raphaël '., le Défend à Saint-Maximin, les Saurrones à Puget-Ville", Valrose à la Londe, les Olagnais à Saint-Julien le Montagn<', Prat de Castel à Collobrières.

Certaines caract<'ristiques communes se d<'gagent: sites de faible étendue, absence d'opus caemtnticium, emploi tardif de la chaux. souvent limité aux constructions techniques. sols de terre (sauf ceux des pressoirs), absence de décoration luxueuse (pas de marbre, ni de mosaïque, peintures murales rares et monochromes rouges), absence de thermes privés (?).

Comment ces habitats évoluèrent-ils à la fin du il' siècle et au Ill' siècle? Un certain nombre de sites furent abandonnés vers la fin du II' siècle ou au d<'but du Ill' : les villa. du grand Loou et de la Cl<'mensanne, les fermes de l'Ormeau et de Roussivau ; d'autres habitats continuèrent d'être occupés mais connurent des vicissitudes: dans la vi/la de Saint-Michel, la grande production oléicole cessa vers le milieu du Ill' siècle. Dans les deux cas, le Ill' siècle marque une rupture dans les formes dominantes d'exploitation du sol et dans les types de production.

III - L'ANTIQUITE TARDIVE

Notre connaissance de l'habitat rural à partir du Ill' siècle est loin d'être complète faute de fouilles systématiques assez nombreuses sur les sites de

dans ~ilii~ l=;f~;id~:~~,d~ :;:::r:e romaine de la Philippe (La Crau, Var) ».

30. Ch. GOUDINEAU,« Informations archéologiques .. dans Gallia, 1971 , p. 161 et 1977, p. 103.

31. Prospections dt Miss Fiona CAMERON.

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cette période. Cependant, nos fouilles et prospections jointes à quelques découvenes anciennes nous permettent d'esquisser un tableau de l'habitat à cette époque et des causes de son évolution. qui. pour être incomplet, n'est pas sans intérêt. Nos connaissances actuelles du matériel archéologique de ces périodes nous permettent difficilement de dépasser le VI' siècle ".

S'il est courant de trouver sur des sites d'habitat isolé des traces d'occupation postérieure au III' siècle et parfois allant bien au-delà, il est rare que la fouille montre une occupation structurée postérieure au VI' siècle H

Les éléments tardifs sont généralement la traduction de réoccupations temporaires et panielles ou, dans le meilleur des cas, de réaménagements n'ayant aucun rapport avec les structures d'origine dans leur forme et dans

leur fonction. Il en est ainsi des fermes de Taradeau ainsi que des villae de La Garde J4 et des Arcs II où les abandons sont datés de la fin du II' siècle et du IV' siècle. Mais sur chacun de ces sites, les ruines sont toujours fréquentées aux V' - VI' siècles. A Taradeau au v' siècle, des foyers provisoires sont installés sur les éboulis des murs; le puits qui avait dû servir jusque-là est comblé avec des resus d'animaux. Dans deux cas, cependant. la continuation de la villa est attestée aux Nt_VIt siècles: Vinon 36 où une mosaïque est datée de cette période et Cavalaire où dans les structures d'une villa préexistante on aménage de nouveaux thermes 37.

La villa ou la ferme , à laquelle correspond un domaine, est au centre de l'économie rurale. La production commercialisée, apparemment l'huile et le vin pour notre région, est à la base de son existence. La ville est le débouché naturel où l'on vend la production et d'où on la réexpédie vers d'autres marchés. Les pressoirs à olives de La Garde au nombre de six à l'origine. sont réduits à un au III' siècle à la veille de l'abandon des structures. Ceci indique une très forte réduction de la production. A Forum Julii , débouché de la villa des Laurons, abandonnée à la même époque, les fouilles du Clos de la Tour montrent qu'au III' siècle un quartier de la ville se dégrade avant d'être abandonné au IVe siècle 18.

32. P.-A. FEVRIER, «Problèmes de l'habitat du Midi méditerranéen à la fin de l'Antiquité et dans le Haut Moyen Age» dans Jahrbuch des Riimùch·GtrmanÙchen Zentral· m,,,,.m, h!Aim., 1978, p. 208-247.

33. R. BOYER,« Les habitats de plaine en Provence à la fin de l'Antiquité n, dans Ac/ts du 90' Congrt; des Sociétés SavanteJ, Nice, 1965, Paris 1966, p. 201-220.

34. J.-P. BRUN, Recherches sur les buikrits antiqutJ dans k Var, Thèse de Ille cycle, Aix~n-Provt'nct'. 1982. Annexe 1, la vUIa gallo-romaine de Saint-Michel à La Garde. Annext 2. les habitats ruraux gallo-romains de l'Ormeau à Taradeau. Annexe 3. la villa gallo­romaine du Grand Loou à La Roquebrussanne.

35 . Travaux du C.D.A. Toulon . . 1984. le site archéologique des Laurons. A.S.S.N.A.T.V., 1984, t; 36.4, p. 207-209

36. P.-A. FEVRIER. op. rit. , note 32 37. Travaux du C.D.A. Toulon. 1984. It's villae maritimes du domaint' de Pardigon.

A.S.S.N.A.T. V., 1984, t. 36,4, p. 203-207. 38. L. RIVET, Fouille, du Ct.. " la Tour à Fréju, {Var}. L" ru". Thise d, III' cyd,.

Ai. 1980. DaCtylographié.

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Fig. 3 Habitais tl rimtliirtS dt l'ArttiquÎle lardivt . Vi/la,

1. Vinon II. Pardigon (Cavalaire)

Villat délabrétS mais habiléts 7. Saint-Michd (La Gard<) 20.Saint-Pi<J't'«usArcs)

Villat où la prospection a rivélé unt ()(cupalion lardivt dOPlI on ignort la na/urt 9. La Foux (Cum)

16. La Dieapris (Hyms) 18. Saint-Martin (Taradtau)

RiocCllpalion dt rllints 19. L'Ormtau (Taradtau)

Grollts (abris ou habilats)

2. La Loub< (La Roqu<brussann<) 3. u Garou (Sanary) 5. La Baïse (Evenos)

Dépotsmonitairts

2. La Loub< (La Roqu<brussann<) 14. Maravidl< (La Môl<) 21. Les Clarettcs(Lcs Arcs}

Cimttitrts

10. u Grand Loou (La Roqu<brussann<) 7. Saint-Michd (La Gard<)

Il . Notr<-Dam< (La Crau) 17. Saint-Roch (Pignans) 18. Saint-Manin {Taradeau}

La répétitivité de ce schéma, que de nouvelles fouilles devraient confirmer, indiquerait que le lllt siècle est une époque de crise. décisive dans l'évolution de l'habitat.

Au IV' siècle apparaissent des habitats groupés, en plaine ou sur des hauteurs, mais le plus souvent en des lieux difficilement rephables sinon inaccessibles. Saint-Estève dans les Gorges d'Ollioules illustre bien ce type d'habitat 39. Ses maisons individuelles aux murs grossièrement appareillés,

39. J.-P. BRUN. Rtcherchts sur lu vil/ages gallo-romains situés à 1'0llesi de Toulon. Mémoire de maîtrise. Aix-en-Provence 1977. p. 146-283. planches 32 à 132.

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liés au mortier ou non, agencées par rapport à des ruelles et passages donnent au site une allure de village, situé au confluent de la Reppe et du Deste!, dans des gorges profondes; une partie des maisons se trouvait en bordure des cours d'eau sur une faible pente ne présentant pas de défense naturelle, une autre s'accrochait à la pente Ouest d'une crête rocheuse dont l'ascension était rendue plus difficile par l'obstruction de failks formant un passage naturel. Ce type d'habitat est mal connu, car, mis à part quelques sondages à Saint­Est<ve et une ancienne fouille aux M<des de Porquerolles", aucun n'a été dégagé. Nous pouvons, cependant, cit" à titre d'exemples supplémentaires : le Camp Aurélien à Cuers, le Garou à Sanary et la vieille Valette à La Valette, qui réoccupent des emplacements d'oppida; la Vieille Valette deviendra un castrum médiéval. Le cas des Mèdes semble un peu particulier dans cet ensemble car il est le seul à être vraiment fortifié. Les cabanes de pierre sèche, couvertes de tegulae et imbrices s'accrochaient à une crête rocheuse donnant à l'Est sur un à-pic impressionnant. Ailleurs, des falaises moins importantes mais suffisamment hautes pour constituer une défense naturelle étaient interrompues à l'Ouest par un accès à la crête, barré par dtux tronçons de murs créant une entrée en chicane. Tous les accès possibles par des failles étaient obstrués.

Au IV' siècle et peut-être même dès le III' siècle, la fréquentation des grottes semble s'intensifier. En l'absence de fouille ou du moins de publications et devant faire référence à des trouvailles fortuites, l'évaluation de ce phénom<ne et son interprétation sont difficiles. Nous donnerons simplement pour illustrer notre propos les cas de grottes du Verdon, de La Roquebrussanne, du Garou à Sanary et de la Baïse à Evenos" qui ont livré des vases et des monnaies des VC et VIt si(cles. Les mêmes problèmes sont posés par l'interpr':tation de deux dépôts monéraires du III' siècle" et d'un véritable trésor de la même époque " ', si l'on considère que de telles découvertes sont rarement signalées.

Le III' siècle apparaît comme une époque charnière. L'abandon de moyens de production liés à la d':sertion des villa, et les abandons et ruines de quartiers en ville marquent-ils une récession économique? Cette r':cession est-elle liée à des problérnes d'insécurité dont les trois dc:pôts monétaires que nous connaissons et le caractère défensif des habitats groupés du IVe siècle seraient repréS(ntatifs ? Peut-être faut-il le voir ainsi mais d'un autre côté aucune trace de destruction violente n'a été observée dans la région. Doit-on croire que cette insécurité ne se serait jamais matérialisée?

40. A. HESSE, 0: Lr village gallo-romain de Porquerolles », dans Cahitrs Ligurts dt Pribilloirt., d'ArcbioJ.gi., 1961 , 14. p. 90-99.

41. M. EUZENNAT,« Informations archiologiques ». dans Gallia. 1969. p. lI8. 42. Travaux du C.D .A. Toulon, Fouille de sauvetage sur le domaine des Clarettes.

A.S.S.NAT. V., t . \5.4, 1983 , p. 194-195. 43. S. ESTROT,0: utrésorde Maravidle :o,dansTrésoN monétairts V. 1983 , p. 9-11j ,

planches I-XXXVl.

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Les réoccupations de grottes ne sont d'après nous qu'un épiphénomène lié à un renouveau ou un déplacement des activités pastorales et non une preuve supplémentaire de troubles. Les ossements d'animaux jetés..au IVt siècle dans les cuv .. de décantation à La Garde et dans un égout et des cuv .. aux Arcs appuient-ils cette hypothèse en signalant un tournant dans l'activité d .. derniers habitants de ces ~ villa. » ?

De toute façon. même si le sentiment d'insécurité était vérifié, la récession économique n'est pas non plus démontrée. Ce n'est pas le transfert d .. populations rurales vers d'autres typ .. d 'habitat tels que les habitats groupés qui en sera en tout cas le peuve. En effet, il n'est pas rare de trouver sur les sites qui apparaissent au [Vt siècle des traces montrant une production d 'huile ou de vin". ù s pierr .. de pr .. soir qui permettent d 'identifier cette production tardive représentent d'ailleurs un pourcentage important sur l'ensemble de cell .. connu .. pour toute l'antiquité. Sans doute, d'ailleurs, en reste-t-il de nombreuses à découvrir sur ces sites mal explorés? Il ne faut pas, cependant, pour autant, nier les profonds changements qui affectent les struCtures rurales au Ive siècle. Ainsi. si certaines vi/lae continuent à exister. de nombreus .. disparaissent. Leur désertion a-t-dle entraîné la disparition du domaine auqud dl.. étaient lié .. ? Probablement pas. On imagine aisément que les habitants des nouveaux sites, s'ils pouvaient avoir quelques biens dans la campagne proche, n'en continuaient p~ moins d'entretenir. dans d'autres conditions. des domaines peut-être plus vastes qu'avant. appartenant à d'autres propriétaires, l'Eglise par exemple". Seule une véritable étude des vestiges archéologiques tardifs permettra d'aider à rêsoudre ces problrmes ; peut-être même à cette occasion verrons-nous enfin apparaître des éléments concernant la période allant du VII' au X' siècle.

IV - TOMBES ET CIMETIERES

A la suite des observations sur l'habitat rural, il convient d'examiner les données nouvelles concernant les sépultures et provenant de fouilles et de prospections rêcentes en suivant le schêma chronologique adoptê pour les habitats.

1) LA FIN DE L'AGE DE FER ET LE DEBUT DE L'EPOQUE GALLO-ROMAINE

Nous ne connaissons pas de nécropole ou. même, de tombe isolêe, correspondant aux habitats de cette période, qui se situe à la fin d 'un hiatus long de six siècles environ, bien illustré par la nécropole de la Guérine à Cabasse 46 où l'on distingue deux périodes d'utilisation, la premirre

44. J.-P. BRUN. op. rit., not< 34. 45 . R. BROECKER. Ct Saint-Damien et l'implantation victorine daru: la région de La

Cadière », dans ProVt"U Historiqut, 1983. p. 337-358. 46. G . BERARD, CI La n~ropole de la Guerine », dans Rtvut Archiolcgiqllt dt

NarbonnaiJt, 1980, p. 19-6l.

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représentée par un tumulus du VI' siècle avant J.-C., la seconde par une série de tombes allant du 1" au VI' siècle de notre ère, D'autres lumuli sont connus dans le Var, tous de la première partie de l'Age du Fer 47

2) LE HAUT-EMPIRE

La période suivante {milieu du 1" siècle à la fin du Il' ou au début du IIl', apogée du système des villa<, nous fournit la majeure partie des renseignements et des vestiges.

Nous connaissions déjà, pour les habitats groupés, les nécropoles de la Calade " , de la Guérine et des Blaïs ". Les recherches récentes n'ont apporté aucun élément nouveau sur ce type de nécropole.

Aux villae correspondent très souvent des mausolées, dont un certain nombre SOnt connus anciennement dans notre région, et qui Ont été analysés par Y. Burnand ". Citons celui de La Cadière (villa des Belles Pierres), ou de Callas ". D'autres encore, comme celui de Saint-Jean à Cuers, et du Domaine de Gasqui, sont attestés par des incriptions.

Quelques mausolées ont été récemment retrouvés. Sur la commune du Castellet, à Châteauvieux, un mausolée de forme rectangulaire (4,OOx 5,30 ml, en grand appareil, est bâti sur une hauteur dominant une villa relativement luxueuse ".

A Signes, le mausolée du Grand Méaulnes, carré, en grand appareil, est identifié par une inscription de la famille des Aevillii, et des blocs récemment retrouvés. Aucune villa n'a été découverte. mais deux petits habitats gallo-romains dont un possédant une huilerie, sont situés à proximité; les prospections sont en cours SJ.

Le site des Eyssalètes, à Pourrières ", une grande villa détruite au XIXt siècle, comportait une pars urbano luxueuse (on y a retrouvé des statues de marbre et des mosaïques), et une huilerie. Sur la colline la dominant les

47. Outre les tumulus anciennement fouill~s au Plan d'Aups et dans la région de Pourri~res , de nouveaux ont été Mcouverts à "occasion de prospections aériennes à Saim­Maximin. Rians. Tourves et Moissac-Bellevue (prospections de J.-P . Brun. G. Conge:s et L Monguilan).

48. G. BERARD.« La nécropole gallo-romaine de La Calade à Cabasse n. dans Gal/ia, 1961. p. 105-158

49. R. BOYER,« Récente découvene archéologique aux Blaïs-Forum Voconii n, dans Cahiers Ligures de Prihistoire el d'Archéologie, 8. 1979, p. 87-117

W. Y. BURNAND.« DomitÎi Aquenses . Une famille de chevaliers romains de la région d'Ai~-en-Provence. Mausolée et domaine n. dans Revue Archéologique Narbonnaise, supplément ~ , 19n

~J. R. BOYER, P.-A. FEVRIER.« Fouilles à la Trinité à Callas. Var, campagne de 1960 ». dans Gal/fa, 1963. p. 261-275 .

~2 . J.-M . THEVENY. « Prospections archéologiques ». op. cil., nO 16. ~ 3. Recherches de Marc Borréani, Centre de Documentation Archéologique (sera abrégé

C.D.A.) Toulon S4. Prospections récentes de G. Conge:s. J.-P . Brun et M. Pasqualini

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restes d'un petit bâtiment traIisformé ultérieurement en chapelle, correspon­draient peut-être à un mausolée.

A Sainte-Ternide enfin, sur la commune de Sanary, un petit monument réutilisé par une chapdle médiévale, en petit appareil régulier, pourrait correspondre au mausol"e de la villa voisine "-

Dans d'autres cas, ce sont des cimetières qui sont liés à des villae comme celui de Saint-Hermentaire, à Draguignan. Un matériel varié. urnes en pierre. et en verre. incinérations en amphores de Bétique. a été exhumé lors de la construction d'une prison, et daterait des 1" -II' siècles (fouille R. Boyer, 1981).

Un seul autre exemple de tombe peut être sûrement li é à une villa: il s'agit d'une incinération isolée. datée du milieu du II' siècle, trouvée au Nord de la villa du Grand Loou (commune de La Roquebrussanne) en bordure de l'accrs (fouille Cl. Varoqueaux, 1979). Les recherches aux alentours n'ont révaé aucune autre sépulture.

Nous ne reviendrons pas ici sur les trouvailles fortuites anciennes; signalons cependant qu'un cimetière rural relativement important a été observé lors de sa destruction aux Escaravatiers, commune du Puget-sur­Argens " .

Deux petits cimetières en bordure de mer ont hé reconnus: à la Madrague de Giens" dont l'habitat n'est pas localisé, et à Porquerolles, plage de la Courtade (prospections M. Pasqualini et M. Borréani. J.-M. Michd, 1984).

Un troisième cimetière à Seillons-Source-d'Argens, la Pierre Blanche. comportait quatre tombes à incinération en coffrage de tuiles, ainsi que des urnes en velTe, le tout daté des yc~r_III(' siècles 58 . Un contrepoids situé à proximité pourrait signaler une villa, mais les prospections n'ont pas permis de l'assurer.

3) ANTIQUITE TARDIVE

Les recherches concernant la période allant du III' siècle au Haut Moyen Age ont apporté des données nouvelles auxquelles nous nous limiterons. Elles se partagent en deux catégories.

La. première comprend les tombes sûrement ou très probablement liées à une villa. Le cimetière de La Garde", partiellement fouillé, dût être

'l . J.-P. BRUN, « Recherches sur les villages li, op. dl. 56. Sauvetage de D . B~ntchaloff; Ch. GOUDINEAU. « Informations archéolo­

giqu" ». dan, Gallia. 1979. 2. p. l6l. 57. M . BONIFAY, M. PASQUALINI,« La fouille d'une tombe à incinération à la

Madrague de G;en, » . dan, A .S.S.N.A .T. V .• 1978. p. "-'8. '8. Fouille de F. CARRAZE; Ch. GOUDlNEAU. « Informations archéologiques»

dan, Gallia, 1977. p. l03. 59. M . GERARD, «Vestiges d'un établissement gallo-romain à La Garde », dans

A.S.S.N .A .T.V ., 1971. p. 43-69.

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relativement important. Les tombes sous tuiles, datées des III' -IV' siècles, sont à rattacher aux états tardifs de la villa. Un cimetière a été fouillé à La Roquebrussanne, à proximité de la villa du Grand Loou l, mais postérieur à son abandon; et par conséquent probablement lié à la villa du Grand Loou II. Celle-ci, voisine de la première, connaît, d'après les prospections, une occupation du lU siècle avant J.-c. jusqu'au Haut Moyen Age et son .emplacement est marqué de nos jours par une ferme. Dix-huit tombes ont été fouillées; en caissons de tuiles ou cercueils de bois, elles étaient orientées Nord-Sud et Est-Ouest. Le mobilier comprenait deux lampes en fer, et des cruches en cêramique commune déposées aux pieds. Ce cimetière est daté de la fin du III' siècle-début du IV' siècle 60

Dans une seconde catégorie, on peut ranger des cimetières qui ne

peuvent être rattachés à un type précis d'habitat, comme celui de Notre­

Dame à La Crau 61, où dix tombes ont été fouillées. Ces inhumations sous

tuiles en caisson et en bâti ère, en pleine terre, étaient orientées Est-Ouest ;

les offrandes, assez rares, étaient déposées aux pieds. La datation est comparable à celle de La Roquebrussanne. A proximité, sous le hameau de Notre-Dame, se situe un habitat de nature indéterminée, peut-être une villa.

Le cimetière de Saint-Roch à Pignans 61 a livré une trentaine de tombes, toutes orientées Est-Ouest, sauf une, Nord-Sud. Quatre d'entre elles étaient sous tuiles en bâtière. les autres, en pleine terre ou entourées d'un coffrage de pierres. Les offrandes étaient très rares.

Pour conclure cette prêsentation des recherches récentes sur l'habitat et les cimetières ruraux gallo-romains dans le Var, une constatation s'impose: cette recherche, malgré la multiplication des fouilles et prospections, est loin d'être suffisamment documentée", et manque d'une assise statistique. Les fouilles anciennes sont rarement publiées et les découvertes fortuites difficilement interprétables. Pour le Var, cinq fouilles récentes d'habitat sont exploitables actuellement, mais elles présentent chaque fois des phénomènes diffêrents, et cette variétê rend toute généralisation hasardeuse. Nous ressentons aussi l'absence d'études sur les habitats groupés ruraux, de plaine et de hauteur, concernant le Haut-Empire et l'Antiquité tardive, ainsi que

60. Travaux du C.D.A. Toulon. dans A.S.S.N.A.T. V., 1981, p. 43-4l . 61. Travaux du C.D.A. Toulon. dans A.S.S.N.A. T. V., 1980, p. 31 62. M . BONIFAY. M. PASQUAUNI. « Recherches Archéologiques à Pignans ».

1977-78. dansA.S.S.N.A.T.V .. 1978. p. 19-71. 63. La récente synthèse pré~ntét par P. ARCELIN pour les lit _1er siècles avant notrl~

èrt dans la basse vallée du Rhône', envisagée du point de VUe' des rapports sociaux. repose sur des données bien plus abondantes, provenant d'une région beaucoup plus nudiét Ct fouillée que le Var. L'auteur ~mte néanmoins les nombreusts lacunts de la documentation disponible, insuffisante rnCOte sur bien des points. P. ARCELIN. « Evolution des rapports sociaux dans la bassr vallée du Rhônr aux lIt « It' sièclrs avant not« ère »t dans Arcbéowgit tt rapports s«iaux tn Gault, Tablr ronde du C.N.R.S. Besançon, 1982. AnnaJts dt J'Université dt &Jan{Qn, p. 18l-217.

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des études complètes de domaines avec leur mausolée et leur cimetière, ou encore des monographies de terroirs.

Dans l'état actuel de notre documentation, seul l'exemple de Taradeau permettrait d'observer, dans une continuité relative, l'évolution de l'habitat depuis la protohistoire jusqu'à la période contemporaine. Cependant, même dans ce cas, il demeure de sérieuses lacunes: les habitats du début de l'Age du Fer, et de l'Antiquité tardive sont localisés mais non fouillés; les lieux de sépulture correspondant aux habitats ne sont pas connus, hormis une tombe des VI'-VII' siècles à la chapelle Saint-Martin. Le terroir de La Roquebrussanne pourrait aussi se prêter fructueusement à une telle hude.

Jean-Pierre BRUN, Gaëtan CONGES Chérine GERABA, Michel PASQUALINI.