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OBSERVATOIRE DES MUTATIONS POLITIQUES DANS LE MONDE ARABE LES ÉTATS-UNIS ET LES SOULÈVEMENTS ARABES (JANVIER 2009-JANVIER 2013) PAR AMINE AIT‐CHAALAL Directeur du Centre d’études des crises et conflits internationaux (CECRI) et professeur à l’Université catholique de Louvain (UCL) novembre 2014

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OBSERVATOIRE DES MUTATIONS POLITIQUESDANS LE MONDE ARABE

LES ÉTATS-UNIS ET LES SOULÈVEMENTS ARABES(JANVIER 2009-JANVIER 2013)

PAR AMINE AIT‐CHAALAL Directeur du Centre d’études des crises et conflits internationaux (CECRI)

et professeur à l’Université catholique de Louvain (UCL)

novembre 2014

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LES ÉTATS‐UNIS ET LES SOULÈVEMENTS ARABES (JANVIER 2009‐JANVIER 2013)/Par Amine Ait‐Chaalal –novembre 2014 

1 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

 

LES ÉTATS‐UNIS ET LES SOULÈVEMENTS ARABES 

(JANVIER 2009‐JANVIER 2013) 

 Par Amine Ait‐Chaalal/ Directeur du Centre d’études des  crises  et  conflits  internationaux 

(CECRI) et professeur à l’Université catholique de Louvain (UCL) 

   

Depuis  le mois de décembre 2010, avec  les premières manifestations en Tunisie,  la plupart 

des pays arabes connaissent des situations de transformations politiques, de changements 

de  régimes,  de  bouleversements,  voire  d’affrontements  armés,  que  bien  peu  d’analystes 

avaient envisagés ou anticipés. Au niveau symbolique,  le processus débute  le 17 décembre 

2010 lorsqu’un jeune marchand ambulant, Mohamed Bouazizi, s’immole par le feu devant le 

siège du gouvernorat de Sidi Bouzid (centre de la Tunisie) pour exprimer son désespoir face 

aux  abus  dont  il  est  victime  de  la  part  des  représentants  des  forces  de  l’ordre  et  pour 

protester contre  la dégradation de son statut socio‐économique. Ce geste marque  le point 

de  départ  d’un  vaste mouvement  dont  les  effets  et  les  conséquences  se  font  ressentir 

jusqu’à aujourd’hui, d’une façon ou d’une autre, à travers tous  les pays arabes. Dans  le cas 

tunisien, la protestation populaire mène, le 14 janvier 2011, à la fuite vers l’Arabie saoudite 

de Zine El Abidine ben Ali, qui dirigeait le pays depuis plus de 23 ans. 

 

Peu après, en Egypte, à partir du 25  janvier 2011, d’importantes manifestations  contre  le 

régime Moubarak ont lieu, en particulier sur la Place Tahrir au centre du Caire. Le 11 février 

2011, après avoir occupé  le pouvoir pendant près de 30 ans, Hosni Moubarak démissionne 

et se rend avec sa famille à Sham El Sheikh. A partir de la mi‐février 2011 et jusqu’en octobre 

2011, la Libye est en proie à de violents affrontements entre les troupes et affidés soutenant 

le régime Kadhafi et des opposants au régime réunis dans le cadre d’un Conseil national de 

transition. Le mouvement s’étend par la suite à la plupart des pays arabes, sous des formes 

et des modalités variées, avec des réactions différentes selon  les pouvoirs en place et une 

violence plus ou moins féroce des forces de répression des régimes. De la Syrie au Bahreïn, 

du Yémen au Maroc, et parfois sous des formes moins visibles dans  les autres pays arabes, 

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2 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

tout  l’environnement régional arabe est atteint par cette  lame de fond de protestation, de 

revendication et de mobilisation1.  

 

Ces  évolutions  interpellèrent  la  plupart  des  analystes  qui  estimaient  avant  2011  que  les 

régimes  arabes  étaient  solidement  arrimés  au  pouvoir,  notamment  par  le  biais  de  la 

répression, de  la peur, de  l’intimidation et de  la corruption. Cette analyse était  largement 

partagée  par  de  nombreux  partenaires  officiels  internationaux  de  ces  régimes  comme  le 

montrent les attitudes (au mieux) ambiguës de plusieurs responsables politiques européens 

au début de ces processus. 

  

Dans  ce  contexte,  les  diplomaties  européennes  et  américaine  ont  été  confrontées  à  la 

nécessité  de  faire  face  à  ces  évolutions  majeures,  généralement  imprévisibles,  souvent 

rapides,  quelquefois  très  violentes.  La  diplomatie  du  Président  Obama,  tout  en  tenant 

compte des nombreux  intérêts américains dans  la région, a été dans  l’obligation de réagir, 

puis d’agir, vis‐à‐vis de ces évolutions spectaculaires et complexes. C’est pourquoi, malgré le 

fait  que  de  nombreuses  informations  restent  encore  à  ce  jour  hors  de  portée,  il  s’avère 

pertinent d’analyser  les positions officielles américaines vis‐à‐vis de ces r‐évolutions durant 

le premier mandat du Président Barack Obama (du 20 janvier 2009 au 20 janvier 2013). 

 

Pour  comprendre  la  politique  et  les  positions  de  l’administration  Obama  face  à  ces 

situations, trois dimensions préalables doivent être prises en considération : 

‐  les  intérêts américains dans  la région du Moyen‐Orient depuis  la fin de  la Seconde guerre 

mondiale; 

‐  l’héritage moyen‐oriental  des  huit  années  d’administration G.W.  Bush  et  des  politiques 

inspirées par les idéologues néo‐conservateurs; 

‐ les premières étapes de la politique moyen‐orientale du Président Obama antérieures aux 

événements  dans  les  pays  arabes,  c’est‐à‐dire  depuis  son  investiture  en  janvier  2009 

jusqu’au mois de décembre 2010. 

1 Parmi  les  très nombreuses publications  journalistiques  et  scientifiques qui  se  sont multipliées depuis  le début de  ces événements, cf. Council on Foreign Relations (CFR) de New York, éditeur de la revue Foreign Affairs, qui publie en mai 2011 un volumineux dossier intitulé The New Arab Revolt: What Happened, What It Means, and What Comes Next. Cf. également les  nombreuses  contributions  scientifiques  figurant  sur  le  site web  du  réseau  d’instituts  de  recherches  et  de  centres universitaires euro‐méditerranéens Euro‐Mediterranean Study Commission  (EuroMeSCo):   http://www.euromesco.net et sur  les  sites web des membres de  ce  réseau,  comme, par  exemple,  l’Institut  européen de  la Méditerranée  (IEMed) de Barcelone : www.iemed.org   

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3 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

 

La combinaison de ces trois dimensions permet de mieux saisir  les tenants et aboutissants 

des  politiques mises  en œuvre  par  l’administration  Obama  à  partir  de  décembre  2010, 

notamment  les  limites  et  contraintes  dans  lesquelles  les  dirigeants  américains  devaient 

envisager  leurs  actions  dans  la  région  du  Maghreb  et  du  Moyen‐Orient.  A  cet  égard, 

l’approche américaine au sujet de la question israélo‐palestinienne reste une dimension très 

importante à prendre en considération.     

 

 

LES INTÉRÊTS GÉOPOLITIQUES AMÉRICAINS AU MOYEN‐ORIENT 

 

Quelle  que  soit  la  volonté  d’un  nouveau  Président  et  de  son  administration,  quelles  que 

soient  les  nouvelles  orientations  proclamées  ou  souhaitées,  que  l’administration  nouvelle 

soit démocrate ou républicaine, que l’accent soit mis (ou pas) sur la politique extérieure, que 

le Président soit expérimenté en relations  internationales ou pas,  il n’est pas envisageable 

que puissent se produire des changements radicaux ou une rupture nette dans  les grandes 

orientations de la politique étrangère américaine avec l’arrivée d’un nouveau Président à la 

Maison‐Blanche. En effet, dans  la perspective de  la cohérence sur  le  long terme de  l’action 

extérieure américaine et dans le respect de la sauvegarde des intérêts nationaux américains, 

il  existe  une  continuité  des  principes  et  des  orientations  de  la  politique  américaine  au 

Moyen‐Orient  depuis  les  lendemains  de  la  Seconde  guerre mondiale  puis  de  la  fin  de  la 

guerre  froide.  Les  intérêts  américains  dans  la  région  se  sont  constitués,  structurés  et 

solidifiés de manière cumulative, accumulative et sédimentaire au  fil du  temps.  Ils entrent 

en interaction avec des considérations de politique intérieure américaine et font également 

(ré)agir  et  intervenir  plusieurs  acteurs  de  la  scène  politique  américaine  autres  que  ceux 

relevant  de  l’Exécutif  (Congrès,  lobbies,  think  tanks,  médias).  Dès  lors,  une  nouvelle 

administration  ne  peut  rediriger  de  manière  drastique  ces  orientations  et  modifier 

substantiellement la mise en œuvre de la politique étrangère américaine. La seule approche 

réellement envisageable est celle d’une réorientation graduelle et incrémentale. Ce constat 

s’applique avec particulièrement d’acuité dans le cas du Moyen‐Orient. 

 

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4 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

Dans  ce  contexte,  les  principaux  intérêts  nationaux  américains  dans  la  région  moyen‐

orientale2  (conçue  au  sens  large  c’est‐à‐dire  « Middle  East  and  North  Africa »/  MENA) 

peuvent être identifiés depuis la fin de la Seconde guerre mondiale de la manière suivante : 

1. la stabilité et la sécurité des approvisionnements en hydrocarbures; 

2. le maintien de la position géopolitique dominante des Etats‐Unis dans la région que ce soit 

dans le contexte de la rivalité avec l’Union soviétique durant la guerre froide puis dans celui  

de la domination américaine sur la scène internationale après la fin de la guerre froide; 

3.  le maintien et  la défense de régimes favorables, voire d’alliés structurels, dans  la région, 

d’où un intérêt pour la stabilité régionale, très souvent au détriment d’autres considérations 

comme la promotion de régimes démocratiques; 

4. la pérennité de l’alliance stratégique entre les Etats‐Unis et Israël; 

5.  depuis  l’administration  Bush‐Cheney  et  la  tragédie  du  11  septembre  2011:  la  « guerre 

globale contre le terrorisme ».  

 

 

 

 

 

2 Cf. George & Douglas Ball, The Passionate Attachment, Norton, New York, 1992; Andrew & Leslie Cockburn, Dangerous Liaison, Harper Collins, New York, 1991; Warren Bass, Support Any Friend. Kennedy’s Middle East and  the Making of  the U.S.‐Israel Alliance, Oxford University Press, Oxford & New York, 2003; Georges Corm, Le Proche‐Orient éclaté 1956‐2007, Folio‐Gallimard, Paris, 2007; Charles Enderlin, Paix ou guerres. Les secrets des négociations israélo‐arabes 1917‐1977, Stock, Paris, 1997; Charles Enderlin, Le rêve brisé. Histoire de  l’échec du processus de paix au Proche‐Orient 1995‐2002, Fayard, Paris, 2002; Louise Fawcett (ed.), International Relations of the Middle East, Oxford UP, Oxford, 2005; Norman Finkelstein, Image  and  Reality  of  the  Israel‐Palestine  Conflict, Verso,  Londres & New  York,  2003;  Lloyd Gardner,  The  Long  Road  to Baghdad. A History of U.S. Foreign Policy  from  the 1970s  to  the Present, New Press, New York, 2008; Fred Halliday, The Middle East in International Relations. Power, Politics and Ideology, Cambridge UP, Cambridge, 2005; David Hirst, The Gun and  the  Olive  Branch,  Faber  and  Faber,  Londres,  2003;  Chalmers  Johnson,  Blowback.  The  Costs  and  Consequences  of American Empire, Owl, New York, 2001; Bichara Khader,  Le monde arabe expliqué à  l’Europe,  L’Harmattan, Paris, 2009; Rashid Khalidi, L’Empire aveuglé. Les Etats‐Unis et le Moyen‐Orient, Actes Sud, Arles, 2004; Clifford Kiracofe, Dark Crusade. Christian Zionism and U.S. Foreign Policy, I.B. Tauris, New York, 2009; Henry Laurens, Le Grand Jeu. Orient arabe et rivalités internationales,  Armand  Colin,  Paris,  1991;  Camille Mansour,  Beyond  Alliance :  Israel  in  U.S.  Foreign  Policy,  Columbia University Press, New York, 1994; Arno Mayer, De leurs socs, ils ont forgé des glaives. Histoire critique d’Israël, Fayard, Paris, 2009; Benny Morris, Righteous Victims. A History of the Zionist‐Arab Conflict 1881‐2001, Vintage, New York, 2001;   Kevin Phillips, American Theocracy, Penguin, New York, 2007; William B. Quandt, Peace Process. American Diplomacy and  the Arab‐Israeli Conflict since 1967, The Brookings  Institution/ University of California Press, Washington, DC/ Berkeley, 2005; David Rothkopf, Running the World. The Inside Story of the National Security Council and the Architects of American Power, Public Affairs, New York, 2005; Edward Said, The Politics of Dispossession, Vintage, New York, 1994; Edward Said, Peace and its Discontents, Vintage, New York, 1996; Edward Said, The End of the Peace Process, Vintage, New York, 2001; Arthur M. Schlesinger, War and the American Presidency, Norton, New York, 2005; Tom Segev, 1967. Israel, the War and the Year that Transormed the Middle East, Abacus, Londres, 2008; Avi Shlaim, Le Mur de fer.  Israël et  le monde arabe, Buchet‐Chastel, Paris, 2007; Janice Terry, U.S. Foreign Policy in the Middle East, Pluto, Londres, 2005; Mark Tessler, A History of the Israeli‐Palestinian  Conflict,  Indiana University  Press,  Bloomington &  Indianapolis,  1994;  Patrick  Tyler,  A World  of  Trouble.  The White House and the Middle East – from the Cold War to the War on Terror, Farrar, Strauss & Giroux, New York, 2009. 

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5 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

LE LOURD HÉRITAGE DE L’ADMINISTRATION G.W. BUSH 

 

Une autre dimension essentielle afin de comprendre le cadre dans lequel se déploie l’action 

du Président Obama est celle de l’héritage que lui a laissé l’administration précédente après 

huit années d’exercice du pouvoir (de janvier 2001 à janvier 2009). La tâche n’est pas aisée 

pour  le nouveau Président car,  lorsqu’il s’installe à  la Maison‐Blanche  le 20  janvier 2009,  la 

situation  des  relations  des  Etats‐Unis  avec  les  populations  arabes  est  catastrophique.  Le 

bilan  des  huit  années  de  l’administration  Bush‐Cheney  est  déplorable:  des  aventures 

belliqueuses,  désastreuses  et meurtrières  en  Afghanistan  et  en  Irak;  une  guerre  en  Irak 

lancée  sur  la  base  d’allégations  mensongères  et  qui  provoque  le  déchirement 

communautaire  du  pays;  l’utilisation  extensive  de  la  torture  notamment,  mais  pas 

uniquement, dans le bagne de Guantanamo ainsi que dans les prisons afghane de Bagram et 

irakienne d’Abou Ghraïb; le recours à une panoplie de méthodes illégales et extra‐judiciaires 

(prisons  secrètes, vols clandestins) pour  l’interrogatoire brutal de prétendus  suspects; une 

rhétorique néo‐conservatrice perçue comme très hostile vis‐à‐vis des populations arabes et 

musulmanes. A ces données,  il  faut ajouter  la perception par  les populations arabes d’une 

politique perçue comme particulièrement partiale et univoque de l’équipe Bush‐Cheney par 

rapport à la question israélo‐palestinienne, faite d’un soutien, analysé comme inconditionnel 

et sans recul, des politiques des gouvernements israéliens, que ce soit celui d’Ariel Sharon ou 

d’Ehud Olmert. Durant  cette  période,  se  déroulent  ainsi,  avec  le  soutien  (plus  ou moins) 

implicite, voire explicite, de  l’administration Bush,  les guerres du Liban de  juillet‐août 2006 

et de Gaza de décembre 2008‐janvier 2009, cette dernière se terminant juste quelques jours 

avant  l’investiture  du  Président  Obama.  Le  processus  de  paix  israélo‐palestinien  est  en 

ruines à la fin du mandat de G.W. Bush.  

 

Le passif était donc particulièrement lourd. Les populations arabes, du Maghreb au Machrek, 

étaient  convaincues  de  la  partialité,  de  l’unilatéralisme  et  de  l’injustice  de  la  position 

officielle  américaine  du  fait  du  caractère  hostile  des  politiques  mises  en  œuvre  par 

l’administration Bush‐Cheney qui, en particulier suite à  la  tragédie du 11 septembre 2001, 

ont  largement  contribué  à  creuser  le  fossé  entre  les  populations  arabes  et  les  autorités 

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6 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

américaines3. Le symbole de cette défiance des populations arabes est mis en lumière par le 

lancer de chaussures du journaliste irakien Montadher Al Zaidi contre G.W. Bush lors d’une 

conférence de presse à Bagdad le 14 décembre 2008, un mois avant la fin de son mandat. Ce 

geste  sera pour de nombreux  individus dans  les pays  arabes  l’expression de  l’indignation 

face aux politiques de l’équipe Bush.  

 

Cela  dit,  malgré  ce  contexte  politique  très  défavorable,  il  importe  de  souligner  que, 

concernant  la  question  centrale  que  constitue  le  dossier  israélo‐palestinien  pour  les 

populations  arabes,  quelques  signes  d’une  évolution  vers  d’autres  analyses  (hors  de  la 

sphère officielle) commencent à se manifester aux Etats‐Unis durant  la même période. Ces 

évolutions  sont  d’ailleurs  probablement  en  partie  la  résultante  des  excès  et  dérives  de 

l’administration  Bush‐Cheney,  dans  la  mesure  où  ils  sont  apparus  comme  des  contre‐

exemples  de  ce  qu’il  ne  fallait  plus  faire.  Six  évolutions  significatives  peuvent  être 

mentionnées 4: 

 

1. L’ancien Président américain Jimmy Carter (janvier 1977‐janvier 1981), promoteur de 

la  paix  entre  Egyptiens  et  Israéliens,  publie  en  2006  un  ouvrage  sur  la  question 

israélo‐palestinienne  intitulé  Palestine :  Peace  not  Appartheid5,  qui  remet 

3  Cf.  Benjamin  Barber,  L’empire  de  la  peur.  Terrorisme,  guerre,  démocratie,  Fayard,  Paris,  2003;  Robert  Byrd,  Losing America. Confronting a Reckless and Arrogant Presidency, Norton, New York, 2004 ; Graydon Carter, Ce que nous avons perdu.  Comment  l’administration  Bush  a  blessé  l’Amérique  et  le monde, Grasset,  Paris,  2004 ;  John W. Dean,  Bush.  Le dossier accablant, Presses de la Renaissance, Paris, 2004; Charles Ferguson, No End in Sight. Iraq’s descent to chaos, Public Affairs, New York, 2008; Peter Galbraith, The End of Iraq. How American Incompetence Created a War without End, Pocket, Londres, 2006; Pierre Hasner & Justin Vaïsse, Washington et le monde. Dilemmes d’une superpuissance, CERI/ Autrement, Paris, 2003; Nubar Hovsepian (ed.), The War on Lebanon. A Reader, Olive Branch, Northampton (MA), 2008; Loch Johnson, Seven Sins of American Foreign Policy, Pearson Longman, New York, 2007; Lewis Lapham, Le djihad américain, Saint‐Simon, Paris, 2002; Gideon  Levy, The Punishment of Gaza, Verso,  Londres & New York, 2010;   Henry  Laurens,  L’Orient arabe à l’heure américaine. De  la guerre du Golfe à  la guerre d’Irak, Hachette‐Pluriel, Paris, 2005; David Miller (éd.), Tell Me Lies. Propaganda and Media Distorsion in the Attack on Iraq, Pluto, Londres, Londres, 2004; Thomas Ricks, Fiasco. The American Military Adventure in Iraq, Penguin, Londres, 2007; Scott Ritter, Guerre à l’Irak. Ce que l’équipe Bush ne dit pas, Serpent à plumes, Paris, 2002; Nancy Soderberg, The Superpower Myth. The Use and Misuse of American Might, Wiley, Hoboken, 2005;  Clive  Stafford  Smith,  Bad Men. Guantanamo  Bay  and  the  Secret  Prisons, Weidenfeld & Nicolson,  Londres,  2007; Joseph Stiglitz et Linda Bilmes, The Three Trillion War. The True Cost of the  Iraqi Conflict, Allen Lane, Londres, 2008; Ron Suskind,  The  One  Percent  Doctrine,  Simon  &  Schuster,  New  York,  2007;  Emmanuel  Todd,  Après  l’empire.  Essai  sur  la décomposition  du  système  américain,  Gallimard,  Paris,  2002;  Bob Woodward, Mensonges  d’Etat,  Denoël,  Paris,  2007 ; Marcin  Zaborowski, Bush’s  Legacy and America Next  Foreign  Policy, Chaillot  Paper n°111,  European Union  Institute  for Security Studies, Paris, 2008. 4 Pour des indications plus détaillées, cf. notamment Amine Ait‐Chaalal, Bichara Khader et Claude Roosens, Proche‐Orient : entre espoirs de paix et réalités de guerre, GRIP, Bruxelles, 2010, pp. 295‐302.  5 Simon & Schuster, New York, 2006. Version française: Palestine. La paix, pas l’apartheid , L’Archipel, Paris, 2007. 

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7 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

notamment en cause le caractère systématique de l’alignement officiel américain sur 

les positions gouvernementales israéliennes6; 

 

2. En 2006  les éminents professeurs de relations  internationales John Mearsheimer et 

Stephen Walt  (respectivement enseignant à  l’Université de Chicago et Doyen de  la 

John F. Kennedy School of Governement de  l’Université Harvard) publient un article 

très dense sur le thème « The Israel Lobby and U.S. Foreign Policy »7. Cet article, qui 

analyse et remet en cause le bien‐fondé de la politique américaine au Moyen‐Orient, 

suscite  un  vaste  débat  scientifique  et  politique  aux  Etats‐Unis.  Il  est  suivi  par  la 

publication  par  les  deux  auteurs  d’un  volumineux  ouvrage  sous  le même  titre  en 

20078, qui devient un best‐seller aux Etats‐Unis et qui est publié dans une quinzaine 

de langues9, suscitant à nouveau un débat vigoureux10; 

 

3. En  décembre  2006,  l’Irak  Study  Group  (aussi  connu  sous  le  nom  de  Commission 

Baker‐Hamilton, du nom de ses co‐présidents James Baker et Lee Hamilton11) publie 

son rapport,  largement axé sur  la situation  irakienne12. Cela dit, dans  le cadre d’une 

approche  qui  se  veut  globale  de  la  situation  au Moyen‐Orient,  le  rapport  traite 

également de la politique américaine dans cette région et notamment de la question 

israléo‐palestinienne  avec  la perspective de  la nécessité de  réévaluer  les positions 

officielles américaines; 

 

4. En 2007, apparaît sur la scène washingtonienne un lobby en faveur de la paix nommé 

« J Street » 13 et qui a pour objectif de faire contre‐poids au lobby jusqu’à présent le 

plus disert sur  la question, en  l’occurrence  l’American‐Israel Public Action Committe 

(AIPAC); 

6 Il publie par la suite We Can Have Peace in the Holy Land. A Plan that Will Work, Simon & Schuster, New York, 2009. 7  Une  version  résumée  est  publiée  par  la  London  Review  of  Books  sous  le  titre  « The  Israel  Lobby » : www.lrb.co.uk/v28/n06/mear01_.html . Une version plus détaillée (80 pages dont 40 de notes) est publiée sur le site web de la John F. Kennedy School of Governement de Harvard.    8 Farrar, Strauss & Giroux, New York, 2007. 9 Version française : Le lobby pro‐israélien et la politique étrangère américaine, La Découverte, Paris, 2007. 10 Cf notamment Dan Fleschler, Transforming America’s Israel Lobby, Potomac, Washington, D.C., 2009. 11 James Baker a notamment été, de 1989 à 1992, Secrétaire d’Etat du Président républicain G. H. Bush, et de 1985 à 1988, Secrétaire au Trésor du Président  républicain R. Reagan.  Lee Hamilton,  représentant démocrate de 1965 à 1999, a été, entre autres, Président de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants de 1993 à 1995. 12 http://www.usip.org/isg/iraq_study_group_report/report/1206/index.html 13 www.jstreet.org 

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8 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

 

5. Durant  les  guerres du  Liban  (juillet‐août 2006) et de Gaza  (décembre 2008‐janvier 

2009), quelques  critiques des politiques  israéliennes et de  l’alignement officiel des 

autorités américaines  sur celles‐ci apparaissent dans la presse américaine; 

 

6. Dans  le  cadre  d’un  ouvrage  d’entretiens  publié  en  septembre  2008,  peu  avant 

l’élection  présidentielle  de  novembre,  sous  le  titre  America  and  the  World. 

Conversations  on  the  Future  of  American  Foreign  Policy14,  deux  éminents 

représentants  de  l’establishment  américain  de  la  politique  étrangère,  Zbigniew 

Brzezinski  et  Brent  Scowcroft15,  formulent  des  critiques  sévères  des  politiques 

menées  par  l’administration  Bush‐Cheney  finissante,  notamment  concernant  la 

question israélo‐palestinienne.       

 

La dynamique convergente de ces évolutions était celle de  la nécessité pour  les Etats‐Unis 

d’évoluer et de progresser vers une gestion rénovée et plus équilibrée des dossiers moyen‐

orientaux  après  les  années  de  régression  de  l’administration  sortante.  Dans  ce  cadre, 

l’élection à la Présidence du sénateur Barack Obama le 4 novembre 2008 paraît annoncer la 

possibilité d’une nouvelle orientation. En effet, le nouveau Président est jeune, intellectuel, 

ouvert sur la diversité du monde du fait de ses origines, de son parcours personnel et de ses 

réflexions sur  la politique américaine,  illustrées dans son  livre autobiographique Dreams of 

my  Father16 puis dans  son ouvrage pré‐électoral The Audacity of Hope17.  Son programme 

électoral Blueprint  for Change démontre aussi une évaluation  lucide des maux, dérives et 

avanies de  la politique étrangère américaine, en particulier au Moyen‐Orient. De plus, son 

opposition au lancement d’une guerre en Irak, dès octobre 2002, à un moment où cela était 

très courageux et audacieux par rapport à  la propagande de  l’administration Bush‐Cheney, 

donnait au Président Obama un atout supplémentaire vis‐à‐vis des populations arabes, qui 

accueillirent globalement de manière favorable son élection. 

 

14 Basic Books, New York, 2008. Version  française: L’Amérique  face au monde. Quelle politique étrangère pour  les Etats‐Unis, Pearsons, Paris, 2008.  15 Zbigniew Brzezinski a, notamment, été National Security Advisor du Président démocrate Jimmy Carter (de 1977 à 1981). Brent Scowcroft a, entre autres, occupé  les mêmes  fonctions auprès des Présidents  républicains Gérald Ford  (de 1975 à 1977) et G. H. Bush (1989‐1993).  16 Version française: Les rêves de mon père, Presses de la Cité, Paris, 2008. 17 Version française: L’audace d’espérer, Presses de la Cité, Paris, 2007. 

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9 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

LE PRÉSIDENT OBAMA ET LES PAYS ARABES AVANT LES RÉVOLUTIONS  : UN 

NOUVEAU DÉPART ? 

 

Le Président Obama est  très conscient des enjeux et de  la nécessité de  lancer de manière 

ferme et résolue une nouvelle dynamique vis‐à‐vis des populations arabes et musulmanes, 

surtout au vu de la situation très dégradée dont il hérite de l’administration précédente. Dès 

son discours inaugural du 20 janvier 200918, certains aspects internationaux sont clairement 

identifiés :  

 

To  the Muslim world, we  seek  a new way  forward, based on mutual  interest  and mutual 

respect. To those leaders around the globe who seek to sow conflict, or blame their society's 

ills on the West, know that your people will judge you on what you can build, not what you 

destroy. To  those who  cling  to  power  through  corruption  and  deceit  and  the  silencing  of 

dissent, know that you are on the wrong side of history, but that we will extend a hand if you 

are willing to unclench your fist. To the people of poor nations, we pledge to work alongside 

you  to make your  farms  flourish and  let  clean waters  flow;  to nourish  starved bodies and 

feed hungry minds.   

 

Néanmoins,  le discours  le plus  significatif, en vue de donner « un nouveau départ »19 aux 

relations avec les peuples arabes et musulmans, est celui prononcé, quelques mois après son 

investiture,  par  le  Président  Obama  le  4  juin  2009  à  l’Université  du  Caire20.  Le  passage 

consacré à la promotion de la démocratie est à cet égard fort intéressant, en particulier si il 

est mis en perspective  (et en  rétrospective) avec  les événements ultérieurs dans  les pays 

arabes : 

 

I know there has been controversy about the promotion of democracy  in recent years, and 

much of this controversy  is connected to the war  in  Irak.  So  let me be clear: No system of 

government can or should be imposed upon one nation by any other.  

That does not  lessen my commitment, however, to governments that reflect the will of the 

people. Each nation gives life to this principle in its own way, grounded in the traditions of its 

18 www.whitehouse.gov/blog/inaugural‐address/ 19 Titre officiel du discours tel qu’il est diffusé par les services de communication de la Maison‐Blanche : « A New 

Beginning ». 20 http://www.whitehouse.gov/the‐press‐office/remarks‐president‐cairo‐university‐6‐04‐09 

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10 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

own people. America does not presume to know what is best for everyone, just as we would 

not presume to pick the outcome of a peaceful election. But  I do have an unyielding belief 

that all people yearn for certain things: the ability to speak your mind and have a say in how 

you  are  governed;  confidence  in  the  rule  of  law  and  the  equal  administration  of  justice; 

government that is transparent and doesn't steal from the people; the freedom to live as you 

choose.  These are not  just American  ideas; they are human rights. And that  is why we will 

support them everywhere.   

Now,  there  is no  straight  line  to  realize  this promise. But  this much  is  clear: Governments 

that protect these rights are ultimately more stable, successful and secure. Suppressing ideas 

never succeeds in making them go away. America respects the right of all peaceful and law‐

abiding  voices  to be heard  around  the world, even  if we disagree with  them. And we will 

welcome all elected, peaceful governments ‐ provided they govern with respect for all their 

people.  

This last point is important because there are some who advocate for democracy only when 

they're out of power; once in power, they are ruthless in suppressing the rights of others. So 

no matter where  it  takes hold, government of  the people and by  the people  sets a  single 

standard for all who would hold power: You must maintain your power through consent, not 

coercion; you must respect the rights of minorities, and participate with a spirit of tolerance 

and compromise; you must place the interests of your people and the legitimate workings of 

the  political  process  above  your  party. Without  these  ingredients,  elections  alone  do  not 

make true democracy. 

 

Ce discours est significatif par  la fermeté de son affirmation démocratique dans une région 

qui l’est fort peu. A cet égard, il n’est pas étonnant que les dirigeants arabes, et notamment 

Hosni Moubarak, qui n’est pas présent dans  la salle, aient souhaité  ignorer  la teneur de ce 

passage sur la promotion de la démocratie. Cela dit, il n’en reste pas moins que ces paroles 

ont  été  prononcées,  et  après  la  rhétorique  négative  et  les  actions  contre‐productives  de 

l’administration Bush‐Cheney, elles représentaient un acquis. Dans ce contexte, au‐delà des 

efforts mis en œuvre par l’administration Obama pour relancer le processus de négociations 

entre  Israéliens  et  Palestiniens  dès  son  installation  à  la  Maison  Blanche,  il  importe  de 

souligner les efforts des diplomates américains désignés par l’administration Obama en vue 

d’établir des relations rénovées et plus apaisées avec les pays arabes et musulmans.   

 

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11 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

Après avoir exposé quelques éléments du  contexte général,  comment  situer  les  réactions 

américaines par rapport aux r‐évolutions dans  les pays arabes? Par  le discours du Caire de 

juin 2009,  l’administration Obama avait, en partie, anticipé  le  fait que  la situation dans  les 

pays arabes ne pouvait plus demeurer en l’état. Pour la nouvelle administration, l’enjeu et la 

nécessité  étaient  d’abord  de  tourner  la  page  de  la  période  catastrophique  de 

l’administration Bush‐Cheney et d’en réparer  les dégâts mais aussi de (se)  lancer dans une 

nouvelle perspective politique. A cet égard, un mémorandum  titré “Political Reform  in  the 

Middle East and North Africa” en date du 12 août 2010, envoyé par le Président Obama au 

Vice‐Président  Joe Biden,  à  la  Secrétaire d’Etat Hillary Clinton,  au  Secrétaire  à  la Défense 

Robert Gates et à quelques autres hauts responsables de  la politique étrangère explicitent 

bien certains enjeux. Le journaliste du New Yorker Ryan Lizza, qui a pu prendre connaissance 

de ce mémorandum, en fait la synthèse suivante : 

 

On August 12, 2010, Obama  sent a  five‐page memorandum  called “Political Reform  in  the 

Middle East and North Africa”  to Vice‐President  Joseph Biden, Clinton, Gates, Donilon,  the 

Chairman  of  the  Joint  Chiefs  of  Staff,  and  the  other  senior members  of  his  foreign‐policy 

team. Though the Iranian regime had effectively crushed the Green Revolution, the country 

was still experiencing sporadic protests. Egypt would face crucial parliamentary elections  in 

November. The memo began with a stark conclusion about  trends  in  the  region. “Progress 

toward political reform and openness in the Middle East and North Africa  lags behind other 

regions and has,  in some cases, stalled,” the President wrote. He noted that even the more 

liberal countries were cracking down on public gatherings, the press, and political opposition 

groups. But something was stirring. There was “evidence of growing citizen discontent with 

the  region’s  regimes,” he wrote.  It was  likely  that “if present  trends continue,” allies  there 

would “opt for repression rather than reform to manage domestic dissent.” Obama’s analysis 

showed a desire  to balance  interests and  ideals. The goals of  reform and democracy were 

couched  in  the  language  of  U.S.  interests  rather  than  the  sharp  moral  language  that 

statesmen  often  use  in  public.  “Increased  repression  could  threaten  the  political  and 

economic stability of some of our allies,  leave us with fewer capable, credible partners who 

can support our regional priorities, and further alienate citizens in the region,” Obama wrote. 

“Moreover, our  regional and  international credibility will be undermined  if we are  seen or 

perceived  to  be  backing  repressive  regimes  and  ignoring  the  rights  and  aspirations  of 

citizens.”  Obama  instructed  his  staff  to  come  up  with  “tailored,”  “country  by  country” 

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12 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

strategies  on  political  reform.  He  told  his  advisers  to  challenge  the  traditional  idea  that 

stability in the Middle East always served U.S. interests. Obama wanted to weigh the risks of 

both “continued  support  for  increasingly unpopular and  repressive  regimes” and a “strong 

push by the United States for reform.” He also wrote that “the advent of political succession 

in a number of countries offers a potential opening for political reform in the region.” If the 

United States managed the coming transitions “poorly,” it “could have negative implications 

for U.S. interests, including for our standing among Arab publics.”21 

 

Néanmoins  il  n’était  pas  envisageable  que  la  nouvelle  administration  puisse  réaliser  un 

scénario de  rupture  radicale  avec  le passé.  En  effet,  le  changement de perspective  et de 

philosophie ne pouvait s’incarner que dans la continuité avec les principes et les orientations 

de  la  politique  étrangère  américaine  dans  la  région  définis  depuis  les  lendemains  de  la 

Seconde guerre mondiale et la fin de la guerre froide. Ce volontarisme modéré (ou tempéré) 

s’incarne  par  les  efforts  du  Président Obama  et  de  son  administration  pour  relancer,  au 

début de son mandat,  le processus de négociations entre  Israéliens et Palestiniens. Malgré 

des actions significatives et des discours fermes ‐ réaffirmant en particulier la nécessité de la 

cessation de  la colonisation de peuplement  israéliennes en Cisjordanie ‐ et un engagement 

réel de l’administration durant les deux premières années du mandat, ces efforts ne portent 

pas les fruits escomptés. Les sérieuses difficultés liées à la grave crise économique, sociale et 

financière aux Etats‐Unis, la perte de la majorité démocrate à la Chambre des Représentants 

aux  élections  de  mi‐mandat  de  novembre  2010  et  leurs  effets  subséquents  ont  incité 

l’équipe Obama,  notamment  dans  la  perspective  des  élections  présidentielles  de  2012,  à 

s’investir de manière moins intensive sur ce dossier complexe.     

 

Vis‐à‐vis  des  pays  arabes  en  général,  avec  l’arrivée  du  Président  Obama,  la  position 

américaine  est  donc  faite  d’une  volonté  d’évoluer  vers  de  nouvelles  dynamiques, 

notamment  en  ce  qui  concerne  la  promotion  de  la  démocratie,  tout  en  préservant  les 

intérêts  américains  dans  la  région,  s’incarnant  dans  une  forme  de  stabilité  de  régimes 

souvent dictatoriaux et corrompus. Ces derniers, pour leur part, utilisaient, de manière assez 

systématique,  la  menace  des  mouvements  islamistes  comme  épouvantails  dans  leurs 

relations avec les Etats‐Unis et afin de refuser toute incitation au changement démocratique 

21 Ryan Lizza, « The Consequentialist. How the Arab Spring Remade Obama’s Foreign Policy », The New Yorker, May 2, 2011, www.newyorker.com/reporting/2011/05/02/110502fa_fact_lizza 

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13 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

et  à  l’ouverture  du  champ  politique.  Cette  équation  complexe  amène  l’administration 

Obama, qui, dès son arrivée, est confrontée à de nombreux défis internes et internationaux, 

à faire preuve de réalisme et de pragmatisme (certains ajoutent de cynisme) combinés à une 

part d’idéalisme et de volonté d’encourager  l’émancipation démocratique des populations 

arabes  face  à  des  régimes  autoritaires.  Avec  cependant  la  réserve  que  l’administration 

Obama estimait que toute action trop flagrante ou tout soutien trop évident des Etats‐Unis 

vis‐à‐vis des mouvements populaires dans les pays arabes pourrait se révéler préjudiciable à 

la  légitimité de  ceux‐ci du  fait du  lourd passif  légué par  l’administration Bush‐Cheney. En 

effet,  les  circonstances  de  l’échec  de  l’aventure  belliqueuse  irakienne  ont  largement 

discrédité et déstabilisé  la  légitimité et  la crédibilité des actions et motivations américaines 

dans  la  région.  De  plus  le  risque  de  l’arrivée  de  régimes,  qui  seraient  défavorables  aux 

intérêts américains, ne pouvait pas être vu favorablement par l’administration Obama. 

 

 

LES  PREMIÈRES  RÉACTIONS  OFFICIELLES  AMÉRICAINES  FACE  AUX                     

R‐ÉVOLUTIONS ARABES 

 

Dans  ce  contexte  comment  analyser  les  réactions  des  autorités  américaines  face  aux 

premiers bouleversements dans les pays arabes, à savoir les événements de Tunisie à partir 

de  décembre  2010 et  d’Egypte  à  partir  de  janvier  2011?  Comme  toutes  les  chancelleries 

diplomatiques et  l’immense majorité des analystes,  l’administration Obama a été  surprise 

par  l’ampleur,  l’intensité et  la rapidité du mouvement  ‐en Tunisie à partir du 17 décembre 

2010 et en Egypte à partir du 25  janvier 2011‐. Cela dit, même  si  les premières  réactions 

officielles  américaines  ont  paru  initialement  empreintes  de  grande  prudence  et  de  forte 

circonspection, restant visiblement très soucieuses de ménager leurs alliés historiques dans 

la  région  (dont  les  régimes  tunisien et égyptien  faisaient partie),  les autorités américaines 

étaient  lucides  sur  la  nature  des  régimes  Ben  Ali  et Moubarak.  Les  câbles  émanant  des 

diplomates  américains  en  poste  en  Tunisie  et  en  Egypte,  révélés  par  le  site Wikileaks22, 

fournissent des éclairages incisifs et sans concessions ‐ parfois même de manière caustique 

et sarcastique ‐ sur la nature dictatoriale et les méthodes prédatrices des régimes Ben Ali et 

22 Qui étaient d’ailleurs assez largement diffusés à Tunis et au Caire par différents canaux, notamment les réseaux sociaux. 

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14 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

Moubarak,  ainsi  que  de  leurs  affidés  et  clients.  La  diplomatie  américaine  était  donc  très 

consciente de ceux avec  lesquels elle  traitait et de  leurs méthodes, se distinguant ainsi de 

l’aveuglement et/ou de la complaisance de certaines diplomaties européennes23. Cependant 

les régimes Ben Ali et Moubarak étaient aussi  identifiée à Washington comme des régimes 

pro‐américains,  luttant contre  le  terrorisme et s’intégrant donc, depuis  longtemps, dans  la 

stratégie  américaine  dans  la  région.  Avec  la  caractéristique  additionnelle  dans  le  cas  de 

l’Egypte que le régime jouait, depuis les accords de paix avec Israël de 1979, un rôle central 

dans cette stratégie américaine24. 

 

En Tunisie, à partir du moment où la situation de protestation populaire prend une ampleur 

considérable  sur  l’ensemble  du  territoire  tunisien  (fin  décembre  2010)  et  atteint  Tunis 

(début  janvier  2011),  les  autorités  américaines  se  trouvent  confrontées  à  une  situation 

délicate. Le régime Ben Ali, en place depuis plus de 23 ans, semblait solidement accroché au 

pouvoir  et  avoir  les  moyens  de  répression  pour  s’y  maintenir.  Mais  les  protestations 

populaires sont de plus en plus puissantes et déterminées. De plus, Ben Ali prononce deux 

discours  qui  n’apaisent  aucunement  la  situation  mais  qui,  au  contraire,  provoquent  de 

nouvelles protestations dans tous  les milieux de  la société tunisienne, qui se coalisent dans 

le  rejet du  régime, de  ses méthodes et de  sa  corruption. D’où  le dilemme politique pour 

Washington: soit  intervenir de manière visible avec  le risque de disqualifier  le mouvement 

de protestation en  le faisant apparaître comme dirigé voire téléguidé de  l’étranger (avec  la 

circonstance aggravante du discrédit américain dans la région). De plus le régime encore en 

place  pouvait  alors  être  tenté  de  brandir  la  carte  du  nationalisme  contre  l’ingérence 

étrangère. Soit rester sur une position attentiste et être alors accusé de ne pas avoir agi en 

faveur  de  la  promotion  de  la  démocratie  et  se  mettre  ainsi  en  contradiction  avec  les 

23 L’illustration la plus frappante en étant, entre fin décembre 2010 et début janvier 2011, les attitudes et les propos de la Ministre  française des Affaires étrangères, Michèle Alliot‐Marie concernant  les événements sanglants de Tunisie. Elle est obligée de démissionner fin février 2011. 24 Cf notamment  les Congressional Research Service (CRS) Reports for Congress sous  la plume de  l’analyste Alexis Arieff : Tunisia: Recent Developments and Policy  Issues  (18/1/2011) et Political Transition  in Tunisia  (2/2, 4/3, 15/4, 27/6, 20/9, 16/11/2011, 18/6/2012). Cf également Jeremy Bowen, The Arab Uprisings. The People Want the Fall of the Regime, Simon & Schuster, Londres, 2012; Maria do Ceu de Pinho Ferreira Pinto, « Mapping the Obama’s Administration Response to the Arab Spring », Revista Brasileira de Politica Internacional, Ano 55, n°2, 2012, pp. 109‐130; George Friedman, « Obama and the  Arab  Spring »,  Geopolitical Weekly  /  Stratfor, May  24,  2011,  www.stratfor.com/weekly/20110523‐obam‐and‐arab‐spring; Bichara Khader, « La Tunisie : est‐ce  l’hirondelle qui annonce  le printemps arabe ? », La collection Cepess, Cepess/ CPCP, Bruxelles,  février 2011; Mansouria Mokhefi, « Washington  face aux  révolutions arabes », Politique étrangère, n°3, 2011, pp. 631‐643. 

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principes affichés et proclamés par  l’administration Obama depuis son arrivée, notamment 

dans le discours du Caire de juin 2009.        

 

L’administration Obama était donc consciente de la nature du régime avec lequel elle traitait 

et de la contradiction entre les méthodes de plus en plus brutales et sanglantes de ce régime 

avec  les  principes  énoncés  par  le  Président  américain  au  Caire  en  2009.  La  rapidité  des 

événements,  leur  imprévisibilité,  la division à  l’intérieur du régime Ben Ali sur  les options à 

envisager  pour  faire  face  à  l’ampleur  de  la  protestation  populaire,  les  hésitations  des 

diplomaties européennes, le potentiel de diffusion de la protestation à d’autres pays arabes 

intégrés dans la stratégie régionale américaine: Washington est confronté à la nécessité, sur 

une  brève  période  de  quatre  semaines,  de  faire  face  à  une  équation  aux  inconnues 

multiples, variables et évolutives. Sur  la base des  informations actuellement publiées,  il est 

pertinent de souligner que la diplomatie américaine est apparue en mesure d’accompagner 

le mouvement de protestation populaire tout en ne donnant pas  l’impression, au début au 

moins,  de  « lâcher »  brutalement  le  régime  en  place,  ce  qui  aurait  pu  avoir  un  impact 

défavorable sur les relations avec les dirigeants arabes alliés à Washington dans la région. La 

combinaison  de  réalisme,  de  prudence,  de  pragmatisme  et  d’idéalisme,  décrite 

précédemment  pour  ce  qui  est  de  la  réorientation  de  la  politique  étrangère  américaine 

depuis  l’arrivée  du  Président  Obama,  paraît  avoir  été  appliquée  pour  la  gestion  des 

événements de Tunisie. 

 

C’est dans ce contexte que, dans un premier temps, une certaine prudence semble prévaloir 

dans  les  réactions  américaines. Mais,  à  partir  du moment  où  le  régime  Ben  Ali  recourt 

systématiquement à  la violence et met en œuvre des actions de censure dans  l’utilisation 

d’Internet et des  réseaux sociaux  (instruments significatifs de mobilisation populaire et de 

diffusion d’informations sur les exactions du régime), le Département d’Etat intervient pour 

exprimer sa désapprobation face à ces mesures attentatoires aux  libertés. Ainsi  le 7 janvier 

2011 il diffuse un communiqué à ce sujet25 où il est notamment indiqué : 

 

We  are  concerned  about  demonstrations  that  have  occurred  over  the  past  few weeks  in 

Tunisia, which we understand to be the result of social and economic unrest. We encourage 

25 http://www.state.gov/r/pa/prs/ps/2011/01/154139.htm 

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all parties to show restraint as citizens exercise their right of public assembly. We have also 

conveyed our views directly to the Tunisian government. 

 

Plus  significatives  encore  sont  les  actions  diplomatiques,  plus  ou  moins  discrètes,  de 

Washington. En effet, au vu de la dégradation de la situation sur le terrain, de l’extension de 

la protestation  populaire et de l’augmentation du nombre de victimes civiles tombées sous 

les balles des services de répression du régime Ben Ali, les autorités américaines haussent le 

ton. De plus elles agissent par le biais des canaux diplomatiques classiques pour convaincre 

leurs  contacts  au  sein  du  pouvoir  de  la  nécessité  d’éviter  une  dégradation  dramatique 

pouvant mener à un bain de sang. 

 

Il apparaît qu’à partir du début du mois de  janvier 2011  les autorités américaines ont  fait 

l’analyse que le régime Ben Ali était probablement condamné. Malgré le caractère imprévu 

de  ces évolutions,  la diplomatie  américaine paraît  avoir été en mesure de  s’adapter  avec 

pragmatisme à ces bouleversements. Les influences américaines se sont manifestées par au 

moins  deux  canaux  afin  d’obtenir  une  issue  ordonnée  à  la  situation:  par  le  biais  de  la 

diplomatie américaine et de l’Armée américaine. Dans ce dernier cas, cette action s’intègre 

dans  le fait que  la Tunisie est une alliée historique des Etats‐Unis dans  la région et que  les 

relations militaires entre les deux pays sont intenses depuis plusieurs décennies26. La nature 

exacte  des  contacts  et  des  échanges  entre  les militaires  américains  et  leurs  homologues 

tunisiens reste encore à établir avec précision.  

 

Dans  ce  contexte,  le discours prononcé  le  jeudi  13  janvier  2011  à Doha par  la  Secrétaire 

d’Etat  Hillary  Clinton27  est  significatif  quant  à  la  position  américaine  à  ce  moment  du 

parcours  de  la  Tunisie  en  révolution  et  aussi  vis‐à‐vis  des  situations  prévalant  dans  

l’intégralité des pays arabes : 

 

It  is time to see civil society not as a threat, but as a partner. And  it  is time for the elites  in 

every society to invest in the futures of their own countries. 

26  De  nombreux  officiers  tunisiens  ont  effectué  une  partie  de  leur  formation  dans  le  cadre  de  structures  militaires 

américaines d’enseignement (c’est notamment le cas de Z. Ben Ali).  27 www.state.gov/secretary/rm/2011/01/154595.htm 

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Those who cling to the status quo may be able to hold back the full impact of their countries’ 

problems  for a  little while, but not  forever.  If  leaders don’t offer a positive vision and give 

young people meaningful ways to contribute, others will fill the vacuum. Extremist elements, 

terrorist  groups,  and  others who would  prey  on  desperation  and  poverty  are  already  out 

there, appealing for allegiance and competing for influence. So this is a critical moment, and 

this is a test of leadership for all of us. 

I am here to pledge my country’s support for those who step up to solve the problems that 

we and you face. We want to build stronger partnerships with societies that are on the path 

to  long‐term stability and progress  ‐ business, government and civil society, as represented 

on this panel, must work together, as in our new regional initiative called Partners for a New 

Beginning. We know that what happens in this region will have implications far beyond. 

 

Le vendredi 14 janvier 2011 est devenu une date historique. Le peuple tunisien, mobilisé et 

résolu, parvient ce jour‐là à obtenir la fuite du dictateur honni et détesté, en particulier à la 

suite d’une manifestation massive de plusieurs dizaines de milliers de personnes rue Habib 

Bourguiba  devant  le  symbole  abhorré  du  régime  oppressif,  le  ministère  de  l’Intérieur. 

L’ampleur et  la force de cette manifestation démontrent que  la peur a  largement disparue 

dans  les  têtes, que  le  régime est aux abois, malgré de multiples manœuvres dilatoires de 

dernière minute, notamment un discours pathétique de Ben Ali la veille au soir. 

 

Le Président Obama commente avec des mots choisis28 les événements à Tunis29 : 

 

I condemn and deplore the use of violence against citizens peacefully voicing their opinion in 

Tunisia,  and  I  applaud  the  courage  and  dignity  of  the  Tunisian  people.  The United  States 

stands  with  the  entire  international  community  in  bearing  witness  to  this  brave  and 

determined  struggle  for  the  universal  rights  that  we  must  all  uphold,  and  we  will  long 

remember the  images of the Tunisian people seeking to make  their voices heard.  I urge all 

parties to maintain calm and avoid violence, and call on the Tunisian government to respect 

human rights, and to hold free and fair elections in the near future that reflect the true will 

and aspirations of the Tunisian people. 

 

28 A contrario les réactions timorées ou distanciées de plusieurs capitales européennes sont remarquées par de nombreux 

observateurs tunisiens. 29 http://www.whitehouse.gov/the‐press‐office/2011/01/14/statement‐president‐events‐tunisia 

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As  I have  said before, each nation gives  life  to  the principle of democracy  in  its own way, 

grounded  in the traditions of  its own people, and those countries that respect the universal 

rights of  their people are  stronger and more  successful  than  those  that do not.  I have no 

doubt that Tunisia's future will be brighter if it is guided by the voices of the Tunisian people. 

 

Dans les semaines qui suivent, un nombre significatif d’importants responsables américains, 

y compris la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton en mars 2011, se rendent à Tunis pour appuyer 

le processus démocratique et rencontrer les nouvelles autorités tunisiennes de transition. 

 

Un scénario relativement similaire se met en place en Egypte à partir du 25 janvier 2011 et 

des  premières  manifestations  au  Caire30.  Dès  cette  date,  le  Département  d’Etat  prend 

position, prudemment, sur ces premiers événements31 : 

 

We  are  monitoring  the  situation  in  Egypt  closely.  The  United  States  supports  the 

fundamental  right  of  expression  and  assembly  for  all  people.  All  parties  should  exercise 

restraint,  and we  call  on  the  Egyptian  authorities  to  handle  these  protests  peacefully. As 

Secretary Clinton said in Doha, people across the Middle East – like people everywhere – are 

seeking a chance to contribute and to have a role in the decisions that will shape their lives. 

We want to see reform occur, in Egypt and elsewhere, to create greater political, social, and 

economic opportunity consistent with people’s aspirations. The United States is a partner of 

Egypt and the Egyptian people in this process, which we believe should unfold in a peaceful 

atmosphere. We  have  raised  with  governments  in  the  region  the  need  for  reforms  and 

greater openness and participation in order to respond to their people’s aspirations – and we 

will continue to do so.  

 

La dégradation de la situation sur le terrain incite les autorités américaines à hausser le ton 

et à faire part de leur réprobation face à la répression mise en œuvre par le régime égyptien. 

Preuve de  l’importance de  l’Egypte dans  la  stratégie américaine, dès  le 28  janvier 2011  le 

Président Obama32 déclare : 

30 Cf  les Congressional Research Service  (CRS)  for Congress par  l’analyste  Jeremy Sharp sous  le  titre : Egypt  in Transition (4/5,  17/6,  18/11/2011).  Cf  également  Bichara  Khader,  « L’Egypte :  la  deuxième  révolution »,  La  collection  Cepess, Cepess/CPCP, Bruxelles, février 2011; Robert Solé, Le pharaon renversé, Les Arènes, Paris, 2011.  31 http://www.state.gov/r/pa/prs/ps/2011/01/155307.htm La Maison‐Blanche prend également position le même jour : cf. http://www.whitehouse.gov/the‐press‐office/2011/01/25/statement‐press‐secretary‐egypt 32 http://www.whitehouse.gov/the‐press‐office/2011/01/28/remarks‐president‐situation‐egypt 

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LES ÉTATS‐UNIS ET LES SOULÈVEMENTS ARABES (JANVIER 2009‐JANVIER 2013)/Par Amine Ait‐Chaalal –novembre 2014 

19 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

The  people  of  Egypt  have  rights  that  are  universal. That  includes  the  right  to  peaceful 

assembly and association,  the  right  to  free  speech, and  the ability  to determine  their own 

destiny. These are human rights. And the United States will stand up for them everywhere. 

I  also  call  upon  the  Egyptian  government  to  reverse  the  actions  that  they’ve  taken  to 

interfere with access to the Internet, to cell phone service and to social networks that do so 

much to connect people in the 21st century. At the same time, those protesting in the streets 

have a responsibility to express themselves peacefully. Violence and destruction will not lead 

to the reforms that they seek.   

Now,  going  forward,  this  moment  of  volatility  has  to  be  turned  into  a  moment  of 

promise.   The United  States  has  a  close  partnership with  Egypt  and we've  cooperated  on 

many issues, including working together to advance a more peaceful region.  But we've also 

been clear that there must be reform ‐ political, social, and economic reforms that meet the 

aspirations of the Egyptian people.  

In  the  absence  of  these  reforms,  grievances  have  built  up  over  time. When  President 

Mubarak addressed the Egyptian people tonight, he pledged a better democracy and greater 

economic  opportunity.   I  just  spoke  to  him  after  his  speech  and  I  told  him  he  has  a 

responsibility to give meaning to those words, to take concrete steps and actions that deliver 

on that promise.  

 

Il devient rapidement perceptible que  les autorités américaines, sans doute édifiées par  les 

évolutions  de  la  situation  peu  de  temps  auparavant  en  Tunisie,  prennent  conscience  de 

l’ampleur de  la protestation populaire à travers  l’Egypte et du  fait que  les  jours du régime 

Moubarak sont comptés. A cela s’ajoutent de nombreuses considérations  telles que  le  fait 

que l’Egypte est un des pivots de leur stratégie au Moyen‐Orient, que l’armée égyptienne se 

fournit  largement  en matériels militaires  américains  et  que  l’Egypte  bénéficie  d’une  aide 

officielle  importante  (militaire  et  civile)  de  la  part  des  Etats‐Unis.  Dès  lors,  la  politique 

américaine a comme objectif d’assurer une transition ordonnée du pouvoir afin d’éviter un 

bain de sang.33      

33 Cf notamment les analyses effectuées par Jeremy Sharp dans Egypt : The January 25 Revolution and Implications for U.S. 

Foreign Policy, Congressional Research Service (CRS) Report for Congress (11/2/2011), ainsi que par le même auteur Egypt : Background and U.S. Relations (6/12/2012). 

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LES ÉTATS‐UNIS ET LES SOULÈVEMENTS ARABES (JANVIER 2009‐JANVIER 2013)/Par Amine Ait‐Chaalal –novembre 2014 

20 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

C’est  dans  ce  sens  que  le  Président  Obama  prend  à  nouveau  la  parole  au  sujet  des 

événements  d’Egypte  le  1er  février  201134 et  met  clairement  la  pression  sur  le  régime 

Moubarak : 

 

We’ve borne witness to the beginning of a new chapter in the history of a great country, and 

a  long‐time partner of  the United States. And my administration has been  in close contact 

with our Egyptian counterparts and a broad range of the Egyptian people, as well as others 

across the region and across the globe. And throughout this period, we’ve stood for a set of 

core principles.  

First,  we  oppose  violence. And  I  want  to  commend  the  Egyptian  military  for  the 

professionalism and patriotism that it has shown thus far in allowing peaceful protests while 

protecting  the  Egyptian people. We’ve  seen  tanks  covered with banners,  and  soldiers  and 

protesters embracing  in  the  streets. And  going  forward,  I urge  the military  to  continue  its 

efforts to help ensure that this time of change is peaceful.  

Second, we stand for universal values, including the rights of the Egyptian people to freedom 

of assembly, freedom of speech, and the freedom to access  information. Once more, we’ve 

seen  the  incredible potential  for  technology  to empower  citizens and  the dignity of  those 

who stand up for a better future. And going forward, the United States will continue to stand 

up for democracy and the universal rights that all human beings deserve, in Egypt and around 

the world.  

Third, we have spoken out on behalf of the need for change. After his speech tonight, I spoke 

directly to President Mubarak. He recognizes that the status quo is not sustainable and that a 

change must take place. Indeed, all of us who are privileged to serve in positions of political 

power do so at the will of our people. Through thousands of years, Egypt has known many 

moments of transformation. The voices of the Egyptian people tell us that this is one of those 

moments; this is one of those times.  

Now,  it  is not the role of any other country to determine Egypt’s  leaders. Only the Egyptian 

people can do that.  What is clear ‐ and what I indicated tonight to President Mubarak ‐ is my 

belief that an orderly transition must be meaningful,  it must be peaceful, and  it must begin 

now.  Furthermore,  the  process  must  include  a  broad  spectrum  of  Egyptian  voices  and 

opposition parties.  It should lead to elections that are free and fair. And it should result in a 

government that’s not only grounded  in democratic principles, but  is also responsive to the 

aspirations of the Egyptian people. 

34 http://www.whitehouse.gov/the‐press‐office/2011/02/01/remarks‐president‐situation‐egypt 

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21 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

La poursuite des manifestations et des violences incite l’administration américaine à durcir le 

ton face au régime Moubarak et à envoyer des émissaires sur place afin d’inciter celui‐ci à 

quitter  le pouvoir.  Les  contacts  s’intensifient  avec  l’armée  égyptienne dans  cette période 

particulièrement  délicate.  Au  fil  des  jours,  il  apparaît  de  plus  en  plus  évident  que  les 

autorités    américaines  ne  soutiennent  plus  Hosni  Moubarak  et  qu’elles  souhaitent  son 

départ  car  elles  l’estiment  inévitable,  notamment  pour  la  préservation  des  intérêts 

stratégiques américains dans  la région. L’allié d’hier s’est  transformé en quelques  jours en 

un élément problématique de déstabilisation.   

 

Dès lors, le Président Obama salue la démission de Hosni Moubarak le 11 février 2011 dans 

des  termes  indiquant  que  l’armée  devient  le  nouvel  interlocuteur  politique  des  autorités 

américaines, au moins pour la période de transition35 : 

 

There  are  very  few moments  in  our  lives where we  have  the  privilege  to witness  history 

taking place. This  is one of  those moments. This  is one of  those  times. The people of Egypt 

have spoken, their voices have been heard, and Egypt will never be the same.  

By  stepping  down,  President  Mubarak  responded  to  the  Egyptian  people’s  hunger  for 

change.  But  this  is not the end of Egypt’s transition. It’s a beginning. I’m sure there will be 

difficult days ahead, and many questions  remain unanswered. But  I am  confident  that  the 

people of Egypt can find the answers, and do so peacefully, constructively, and in the spirit of 

unity  that has defined  these  last  few weeks. For Egyptians have made  it clear  that nothing 

less than genuine democracy will carry the day.  

The military has served patriotically and responsibly as a caretaker to the state, and will now 

have  to ensure a  transition  that  is credible  in  the eyes of  the Egyptian people. That means 

protecting the rights of Egypt’s citizens,  lifting the emergency  law, revising the constitution 

and other laws to make this change irreversible, and laying out a clear path to elections that 

are fair and free.  Above all, this transition must bring all of Egypt’s voices to the table. For 

the  spirit of peaceful protest  and perseverance  that  the  Egyptian people have  shown  can 

serve as a powerful wind at the back of this change.  

 

L’installation  à  la  tête  du  pouvoir  du  Conseil  Supérieur  des  Forces  Armées,  dirigé  par  le 

Maréchal Mohamed Husein  Tantaoui, est perçue  comme une phase de  transition pour  la 

35 http://www.whitehouse.gov/the‐press‐office/2011/02/11/remarks‐president‐egypt 

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22 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

mise en œuvre d’élections pluralistes et  l’établissement d’un pouvoir civil et  légitime. Il est 

donc accueilli favorablement, d’autant plus que les dirigeants militaires égyptiens sont bien 

connus à Washington du fait de  la coopération militaire  intense entre  les deux pays depuis 

1979 et de par l’intégration de l’Egypte dans la dynamique géopolitique régionale des Etats‐

Unis.    

 

Apparaît au sein des autorités américaines, une compréhension lucide de l’enjeu majeur que 

constitue  la  nécessité  de  la  réussite  des  expériences  tunisienne  et  égyptienne  pour 

l’ensemble des pays arabes. Comme en écho et en prolongement à son discours du Caire du 

4  juin  2009,  le  Président  Obama  prononce  un  discours  sur  la  situation  dans  la  région 

« Middle East and North Africa »/ MENA (pour reprendre  la terminologie américaine)  le 19 

mai  2011  au  Département  d’Etat.  Ce  discours  est  préparé  par  une  intense  campagne 

diplomatique  et  médiatique  qui  souligne  l’importance  que  souhaite  lui  donner 

l’administration  Obama.  Une  nouvelle  politique  américaine  pour  la  région  MENA  est 

annoncée,  soulignant  le  soutien  aux  aspirations  démocratiques  des  peuples.  Ces  deux 

discours (4 juin 2009 et 19 mai 2011) feront que les historiens parleront peut‐être un jour de 

« Doctrine  Obama »  pour  le  Moyen‐Orient.  De  plus  un  important  accompagnement 

économique, commercial et financier est annoncé en faveur de la Tunisie et de l’Egypte afin 

de  permettre  une  transition  politique  réussie  dans  ces  deux  pays.  Pour  souligner 

l’importance et la centralité de son propos, le Président Obama prononce ce discours devant 

une dense assistance réunie au Département d’Etat36 : 

 

For six months, we have witnessed an extraordinary change taking place  in the Middle East 

and North Africa.  Square by square, town by town, country by country, the people have risen 

up  to  demand  their  basic  human  rights.   Two  leaders  have  stepped  aside.   More  may 

follow.  And though these countries may be a great distance from our shores, we know that 

our own  future  is bound  to  this  region by  the  forces of economics and security, by history 

and by faith. (…) 

So  it was  in  Tunisia,  as  that  vendor’s  act  of  desperation  tapped  into  the  frustration  felt 

throughout the country. Hundreds of protesters took to the streets, then thousands. And  in 

the  face of batons and  sometimes bullets,  they  refused  to go home  ‐ day after day, week 

36 http://www.whitehouse.gov/the‐press‐office/2011/05/19/remarks‐president‐middle‐east‐and‐north‐africa  

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23 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

after week  ‐ until a dictator of more  than  two decades  finally  left power. The story of  this 

revolution, and the ones  that  followed, should not have come as a surprise. The nations of 

the Middle East and North Africa won their  independence  long ago, but  in too many places 

their people did not.  In too many countries, power has been concentrated in the hands of a 

few.  In too many countries, a citizen like that young vendor had nowhere to turn ‐ no honest 

judiciary to hear his case; no independent media to give him voice; no credible political party 

to represent his views; no free and fair election where he could choose his  leader. And this 

lack of self‐determination  ‐ the chance to make your  life what you will  ‐ has applied to the 

region’s economy as well.  (…) 

And  that’s why,  two  years  ago  in Cairo,  I began  to broaden our  engagement based upon 

mutual  interests and mutual  respect. I believed  then  ‐ and  I believe now  ‐  that we have a 

stake not  just  in  the  stability of nations, but  in  the  self‐determination of  individuals.   The 

status quo  is not  sustainable. Societies held  together by  fear and  repression may offer  the 

illusion of  stability  for  a  time,  but  they  are built  upon  fault  lines  that will  eventually  tear 

asunder. So we face a historic opportunity. We have the chance to show that America values 

the dignity of  the street vendor  in Tunisia more  than  the  raw power of  the dictator. There 

must be no doubt  that  the United States of America welcomes change  that advances  self‐

determination  and  opportunity. Yes,  there will  be  perils  that  accompany  this moment  of 

promise. But after decades of accepting the world as it is in the region, we have a chance to 

pursue  the world  as  it  should be. Of  course,  as we do, we must proceed with  a  sense of 

humility.   It’s not America  that put people  into  the  streets of Tunis or Cairo  ‐–  it was  the 

people  themselves who  launched  these movements,  and  it’s  the  people  themselves  that 

must ultimately determine their outcome. (…) 

 

La  politique  étrangère  américaine  vis‐à‐vis  de  ces  deux  pays  est  d’accompagner  le 

mouvement  en  vue  de  permettre  une  transition  politique  ordonnée,  dans  le  respect  des 

aspirations  et  des  revendications  des  peuples  tunisien  et  égyptien.  Cela  se  traduit 

notamment dans les réactions suite aux élections législatives dans les deux pays. 

Ainsi,  suite  aux  législatives  tunisiennes  d’octobre  2011,  le  Président  Obama  publie  le 

communiqué37suivant: 

 

Today, less than a year after they inspired the world, the Tunisian people took an important 

step  forward.  I  congratulate  the millions  of  Tunisians  who  voted  in  the  first  democratic 

37 http://blogs.state.gov/index.php/site/entry/obama_tunisia_elections 

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24 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

elections to take place in the country that changed the course of history and began the Arab 

Spring. Just as so many Tunisian citizens protested peacefully in streets and squares to claim 

their  rights,  today  they  stood  in  lines  and  cast  their  votes  to determine  their own  future. 

Now,  Tunisia  begins  the  hard  work  of  forming  an  interim  government,  drafting  a  new 

Constitution, and  charting a democratic  course  that meets  the aspirations of all Tunisians. 

The United States reaffirms  its commitment  to  the Tunisian people as  they move  toward a 

democratic  future that offers dignity,  justice,  freedom of expression, and greater economic 

opportunity for all. 

 

Dans  le  cas  de  l’Egypte  les  évolutions  depuis  la  fin  de  l’année  2011  laissent  cependant 

apparaître  une  crispation  dans  les  relations  entre  Washington  et  Le  Caire  du  fait  des 

décisions mises en œuvre par  le Conseil Supérieur des Forces Armées  (CSFA) dirigé par  le 

Maréchal Tantaoui et de  la difficulté de  la mise en œuvre du processus de démocratisation 

du  régime.  Les élections  législatives égyptiennes38 et  l’arrivée d’une majorité  islamiste  au 

Parlement égyptien est prise en  considération  comme une nouvelle donne politique,  tout 

comme l’élection à la Présidence de la République en juin 2012, du candidat de la mouvance 

des  Frères  Musulmans, Mohamed  Morsi.  Les  autorités  américaines  paraissent  devoir 

déployer une dynamique d’adaptation progressive à des situations évolutives, notamment la 

mise à  l’écart du Maréchal Tantaoui par  le nouveau Président et  la désignation du Général 

Abd Al Fatah Al Sissi comme Ministre de la défense et Président du CSFA.   

 

Cela  dit,  la  politique  américaine  se  trouve  confrontée  à  des  évolutions  parfois  bien  plus 

préoccupantes et brutales que dans les cas tunisien et égyptien. Ainsi la Libye est en proie, à 

partir du 15 février 2011 et jusqu’au mois d’octobre 2011, à de violents affrontements entre, 

d’une part,  les militaires et  les mercenaires du régime Kadhafi, et, d’autre part,  les troupes 

du  « Conseil  national  de  transition »,  qui  a  son  siège  dans  la  ville  de  Benghazi.  Un 

mouvement de révolte populaire contre le Président Mohamed Ali Saleh du Yémen prend de 

l’ampleur à partir de janvier 2011. La situation devient particulièrement instable au Bahreïn 

qui voit des affrontements parfois violents entre une partie de la population à majorité chiite 

et  le  pouvoir  en  place  sunnite39.    En  outre  la  Syrie,  où  peu  d’analystes  avaient  prévu  la 

possibilité  d’un mouvement  populaire  contre  le  régime,  voit  se  développer,  à  partir  des 

38 Elles se déroulent en trois étapes de novembre 2011 à janvier 2012. 39 Le Bahrein est le seul pays arabe, avec l’Iraq, où la majorité de la population est de confession chiite.  

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25 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

premières  manifestations  populaires  le  15  mars  2011,  une  répression  particulièrement 

sanglante du  régime de Bachar Al Assad  contre  ses opposants puis  le développement de 

combats de grande ampleur avec  la participation de groupes paramilitaires aux affiliations 

diverses.  

 

Dans ce contexte de grande instabilité régionale et d’imprévisibilité significative, la politique 

américaine paraît  être  le  fruit  d’un  dosage  complexe,  et parfois  ambigu,  de  realpolitik  et 

d’idéalisme40. De plus,  il apparaît que  l’administration Obama, après  le bourbier désastreux 

de la guerre en Irak légué par son prédécesseur et son désengagement armé progressif de ce 

pays  (processus  qui  se  termine  dans  une  grande  discrétion  dans  la  nuit  du  18  décembre 

2011) et confrontée à  la  très complexe situation du conflit afghan41, ne souhaite plus être 

directement impliquée dans des dossiers de cette région, en particulier au niveau militaire42. 

D’où  la posture de  réserve et de prudence adoptée dans  le dossier  libyen durant  l’année 

2011.  Les Etats‐Unis  soutiennent, en particulier par  le biais de  l’Organisation du Traité de 

l’Atlantique Nord (OTAN) les initiatives, y compris militaires, de la Ligue Arabe, de l’ONU, de 

la France et du Royaume‐Uni, mais ne  souhaitent pas apparaître en première  ligne  sur ce 

dossier43.    

 

La gestion du dossier syrien paraît obéir à la même volonté de grande circonspection, malgré 

la très sérieuse détérioration de la situation sur  le terrain, le bilan humain particulièrement 

sanglant, le nombre croissant de réfugiés dans les pays voisins, et le risque de déstabilisation 

régionale.  Les blocages  au Conseil  de  sécurité des Nations Unies, notamment du  fait des 

positions russes et chinoises, semblent  limiter  la capacité d’action de Washington et de ses 

partenaires européens. Cependant,  il  apparaît également que  la politique  américaine  soit 

très prudente quant à la possibilité de fournir des armes à certains groupes luttant contre le 

régime de Bachar Al Assad. A cet égard, des  informations concordantes font au demeurant 

apparaître des divergences  sérieuses au niveau des plus hauts échelons du gouvernement 

américain durant  le premier mandat,  le Président Obama  s’étant opposé en 2012 à  cette 

40 Cf. Thomas Carothers, Democracy Policy under Obama. Revitalization or Retreat?, Carnegie Endowment for International Peace, Washington, D.C., 2012. 41 Avec un retrait théoriquement prévu pour 2014. 42 Cf Christopher Blanchard  (ed.), Change  in  the Middle East:  Implications  for U.S. Policy, Congressional Research Service (CRS) Report for Congress (7/3/2012). 43 Cf. notamment Christopher Blanchard, Libya : Transition and U.S. Policy, Congressional Research Service (CRS) Report for Congress (18/10/2012). 

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26 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe 

possibilité de mettre à disposition des armes à certains groupes anti‐Assad, contre  les avis 

conjugués de la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton, du Secrétaire à la Défense Leon Panetta et 

du Directeur de la CIA David Petraeus44. L’ancienne Secrétaire d’Etat a d’ailleurs accordé en 

août 2014 à The Atlantic une interview particulièrement critique de la politique syrienne du 

Président Obama45.      

 

D’autres évolutions dans la région, en particulier les situations au Yémen et au Bahreïn, sont 

également gérées avec grande circonspection, et même, dans ces deux cas, quasiment sous‐

traitées aux alliés des Etats‐Unis dans la région, notamment l’Arabie saoudite et le Conseil de 

coopération du Golfe (CCG) : après de multiples péripéties le dirigeant yéménite Ali Abdallah 

Saleh quitte finalement le pouvoir en février 2012. Quant au Bahreïn, la révolte populaire y 

est réprimée par  le biais d’une  intervention militaire des troupes du CCG en mars 2011, ce 

qui n’empêche pas les troubles de se poursuivre durant les mois suivants.  

 

 

LA GESTION DU DOSSIER ISRAÉLO‐PALESTINIEN 

 

En outre, la volonté du Président Obama, dès son arrivée au pouvoir, a été de recrédibiliser 

la  position  américaine dans  la  région. Dans  ce  contexte,  il  avait  une perception  claire  du 

caractère  central  des  problématiques  israélo‐palestinienne  et  israélo‐arabes  à  cet  égard. 

D’où sa volonté de lancer, dans la première phase de son premier mandat, une politique qui 

se veut volontariste quant à  la  relance du processus de paix  israélo‐palestinien. Après son 

investiture,  les  premiers  appels  téléphoniques  internationaux  du  Président Obama  sont  à 

l’intention des dirigeants du Proche‐Orient. L’une de ses premières décisions internationales, 

est, le 22 janvier 2009, la désignation de l’ancien Sénateur Georges Mitchell comme envoyé 

spécial dans  la  région. Celui‐ci  était notamment  réputé pour  avoir  largement  contribué  à 

l’accord  de  paix  en  Irlande  du  Nord  de  1998.  De  plus,  il  a  présidé  une  commission 

44  Cf :  http://www.thenation.com/blog/172774/obama‐opposed‐syria‐war‐plan‐clinton‐petraeus‐panetta‐gen‐dempsey#axzz2fMlDX8Es  Tous ces protagonistes ont été remplacés dans le cadre des changements liés au second mandat du Président Obama : les actuels (octobre 2014) Secrétaire d’Etat, à la Défense et Directeur de la CIA sont respectivement John Kerry, Chuck Hagel et John Brennan. 45 http://www.theatlantic.com/international/archive/2014/08/hillary‐clinton‐failure‐to‐help‐syrian‐rebels‐led‐to‐the‐rise‐

of‐isis/375832/  

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internationale sur les événements ayant mené au déclenchement de la seconde Intifada, qui 

a publié en 2001 un document connu sous le nom de « Rapport Mitchell ». Il possédait donc 

une expertise et une crédibilité élevées.  

 

Par  ailleurs,  la  nomination  rapide,  durant  la  période  de  transition  entre  l’élection  en 

novembre 2008 et  l’investiture en  janvier 2009, de  la Sénatrice Hillary Clinton au poste de 

Secrétaire d’Etat, marque l’arrivée d’une personnalité forte et expérimentée à ce poste. Elle 

indique  aussi  le  retour au Département d’Etat d’un  certain nombre de « clintoniens » qui 

connaissent  la  complexité  du    dossier  israélo‐palestinien  et  paraissent  décidés  à  le  faire 

aboutir  favorablement.  En  outre,  le  Vice‐Président  Joe  Biden  est  un  expert  reconnu  des 

questions  internationales,  cette  caractéristique  constituant  d’ailleurs  une  des  raisons  qui 

avait amené le futur Président Obama à le prendre comme colistier sur le ticket démocrate. 

 

Les premiers discours du Président Obama sur le sujet appellent en termes très fermes à la 

relance  du  processus  de  paix  entre  Israéliens  et  Palestiniens  et  à  la  cessation  de  la 

colonisation israélienne dans les territoires palestiniens. Le discours du Caire de juin 2009 est 

particulièrement explicite à cet égard, tout comme les discours devant l’Assemblée générale 

des Nations Unies de  septembre 2009 et de  septembre 2010. Mais  la  fin de  l’année 2010 

marque une inflexion substantielle de la position officielle américaine, notamment en raison 

d’évolutions  internes  aux  Etats‐Unis.  En  effet,  les  élections  de  mi‐mandat  (« mid‐term 

elections ») du 2 novembre 2010 font perdre aux démocrates  la majorité à  la Chambre des 

Représentants et diminuent notablement leur majorité au Sénat. Le Président Obama et son 

administration enregistrent donc une déconvenue sur le front intérieur qui les obligent à se 

recentrer sur  le traitement des problématiques  internes, voire à délaisser certains dossiers 

internationaux  et  à  accorder  une  priorité moindre  à  la  question  israélo‐palestinienne.  La 

perspective d’une difficile  réélection en novembre 2012 devient un élément majeur dans 

l’analyse du Président et de  son  administration.   D’autant plus que, malgré près de deux 

années  d’efforts  intenses  du  Président,  du  Vice‐président,  de  la  Secrétaire  d’Etat  et  de 

l’Envoyé spécial G. Mitchell46,  la relance du processus de paix n’a pas progressé du fait des 

nombreux blocages sur le terrain, notamment le refus du gouvernement du Premier ministre 

Benjamin  Netanyahou  et  de  son Ministre  des  Affaires  étrangères  Avigdor  Lieberman  de 

46 Celui‐ci démissionne de ses fonctions en mai 2011. 

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mettre  fin  à  la  colonisation. Au niveau  chronologique,  il est opportun de noter que  cette 

réorientation  de  la  politique  proche‐orientale  de  l’administration  Obama  précède  de 

quelques semaines le début des évolutions spectaculaires que connaissent les pays arabes à 

partir du début de l’année 2011. 

 

Dans  son  discours  devant  au Département  d’Etat  du  19 mai  201147,  le  Président Obama 

tente de reprendre l’initiative sur le dossier israélo‐palestinien, en mentionnant notamment 

la référence aux frontières de 1967 : 

 

So while the core issues of the conflict must be negotiated, the basis of those negotiations is 

clear:  a viable Palestine, a secure Israel.  The United States believes that negotiations should 

result  in two states, with permanent Palestinian borders with Israel, Jordan, and Egypt, and 

permanent  Israeli  borders with  Palestine.  We  believe  the  borders  of  Israel  and  Palestine 

should  be  based  on  the  1967  lines  with  mutually  agreed  swaps,  so  that  secure  and 

recognized borders are established  for both  states.  The Palestinian people must have  the 

right  to  govern  themselves,  and  reach  their  full  potential,  in  a  sovereign  and  contiguous 

state.  

 

Mais cette initiative est contre‐carrée de manière virulente par le Premier ministre israélien 

Netanyahou quelques jours plus tard dans un discours devant le Congrès le 24 mai 2011. Dès 

lors,  l’attitude officielle américaine  revient à partir de 2011 à des positions beaucoup plus 

conservatrices, et même paradoxales dans  la mesure où elles sont contradictoires avec ce 

qui avait été affirmé avec  force  lors des deux premières années du mandat. Ces positions 

nouvelles  se  cristallisent  notamment  lors  des  demandes  officielles  de  la  Palestine  pour 

acquérir  le  statut  d’Etat  membre  de  l’ONU  et  de  l’UNESCO.  Les  autorités  américaines 

s’opposent  à  la  démarche  palestinienne  de  septembre  2011  devant  l’ONU.  Elles  votent 

contre  l’adhésion  à  l’UNESCO  en  octobre  2011  et  se  retirent  de  l’organisation  lorsque  la 

Palestine y est admise par un scrutin largement majoritaire, avec le vote de nombreux pays 

européens.  L’administration  américaine  émet  un  vote  négatif  en  novembre  2012  lors  du 

scrutin  qui  mène  à  l’admission  de  la  Palestine  comme  Etat  observateur  à  l’Assemblée 

générale de l’ONU.  

47 http://www.whitehouse.gov/the‐press‐office/2011/05/19/remarks‐president‐middle‐east‐and‐north‐africa 

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Dans ce contexte, le crédit que le Président Obama avait patiemment tenté de restaurer au 

profit de  la politique américaine dans  la  région  s’est  trouvé à nouveau  très déstabilisé. La 

poursuite  de  la  guerre  en  Afghanistan  contribue  également  à  cet  affaiblissement  de  la 

crédibilité  américaine  dans  la  région.  C’est  dans  ce  cadre,  en  plus  de  toutes  les 

manipulations et  instrumentalisations coutumières en ce genre de circonstances, qu’il  faut 

décoder  une  partie  des  réactions  très  violentes  dans  des  nombreux  pays  arabes  et 

musulmans suite à la diffusion sur le web en septembre 2012 d’un brulot islamophobe, issu 

d’une  initiative privée, provenant d’individus encore mal  identifiés mais associés aux Etats‐

Unis malgré  les  efforts  vigoureux  de  la  diplomatie  américaine  pour  s’en  distancier  sans 

aucune  ambiguïté.  L’évènement  le  plus  dramatique  est  la  mort  violente  à  Benghazi  de 

l’Ambassadeur  américain  Christopher  Stevens  et  de  trois  de  ses  accompagnateurs  le  11 

septembre 2012.  

 

Ainsi, durant les années 2011 et 2012, les aléas de la politique américaine, l’affaiblissement 

du Président Obama sur des dossiers de politique intérieure (notamment l’Obamacare) et la 

baisse de sa cote de popularité ainsi que  la nécessité de se consacrer à  la campagne de sa 

réélection ont  contribué, parmi d’autres éléments, à un essoufflement  certain, voire à un 

effritement significatif de la position américaine dans la région.                

 

**** 

 

Le Président Obama a été réélu  le 6 novembre 2012.  Il a été  investi en  janvier 2013 et  il a 

devant  lui un nouveau, second et dernier mandat.  Il est entouré d’une nouvelle équipe de 

politique étrangère48.  Il est plus expérimenté et plus au  fait des  complexités,  subtilités et 

difficultés de la région moyen‐orientale. Il a dû faire face durant la deuxième moitié de son 

premier mandat à des bouleversements considérables dans de nombreux pays arabes. Ceux‐

ci  sont  appelés  à  se  poursuivre  pendant  de  nombreuses  années.  Le  mélange  de 

pragmatisme, de réalisme, d’idéalisme, de prudence et de volontarisme qui a caractérisé  le 

premier mandat devrait continuer à prévaloir. Cependant, se contenter de gérer de manière 

conservatrice les situations n’est pas une option très audacieuse face à une région au milieu 

48 Le Secrétaire d’Etat John Kerry, le Secrétaire à la Défense Chuck Hagel, la National Security Advisor Susan Rice. 

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de  changements  historiques majeurs.  De  plus,  les  autorités  américaines  plaident  pour  la 

promotion et la consolidation de la démocratie à travers le monde. Cette position avait été 

largement  décrédibilisée  par  les  méthodes  brutales  et  contraires  à  la  dignité  humaine 

employées  par  l’administration  Bush.  Le  Président  Obama  a  essayé  d’y  remédier,  sans 

toujours y parvenir et sans renoncer à certains outils d’une  légalité parfois discutable selon 

certains juristes. 

 

Dans ce contexte, quels ont été  les objectifs de  l’administration Obama au Moyen‐Orient ? 

Au moins cinq dynamiques peuvent être identifiées : 

 

1) le maintien et le renforcement, autant que faire se peut, des intérêts américains dans 

la région, notamment par le biais de régimes favorables (ou du moins n’affichant pas 

d’hostilité flagrante) aux Etats‐Unis et à leur politique ; 

2) l’accompagnement  (voire  le  soutien  discret)  aux  mouvements  politiques  dans  la 

région  dans  la  mesure  où  cela  ne  paraît  pas  en  contradiction  avec  les  intérêts 

américains ; 

3) la  volonté  de  ne  pas  antagoniser  les  partis  issus  de  la  mouvance  islamiste,  afin 

d’éviter  la  répétition du contre‐exemple  iranien de 1979 qui constitue à ce  jour un 

grave échec américain dans la région ; 

4) du  fait  des  contre‐exemples  irakien  et  afghan,  la  volonté  d’éviter  toute  nouvelle 

aventure militaire impliquant une implication militaire directe des Etats‐Unis dans la 

région, et même une certaine réticence à s’impliquer politiquement de manière trop 

flagrante dans la région ; 

5) du fait de la centralité de cette question pour la stabilité régionale et mondiale ainsi 

que pour la crédibilité des Etats‐Unis dans la région, la tentative (une dernière fois ?) 

de relancer le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens.       

6)  

Ces  cinq  objectifs  constituent  encore  aujourd’hui  les  principaux  axes  de  la  politique 

américaine dans  la  région. Mais  ils ne  constituent que quelques‐unes des  variables d’une 

équation bien plus  large et bien plus complexe. Cette dernière comprend, entre autres,    la 

question iranienne, les évolutions en Irak, la gestion du désengagement en Afghanistan ainsi 

que les graves incertitudes liées à la tragédie syrienne et leurs impacts (im)prévisibles sur ses 

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pays voisins mais aussi en dehors de  la région du Moyen‐Orient. De sa capacité à gérer de 

manière  cohérente  et  déterminée  ces  multiples  composantes  parfois  très  aléatoires, 

l’administration Obama pourra, à l’issue de son second mandat, présenter à un bilan, plus ou 

moins convaincant, de son action dans cette région si complexe…  

   

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 LES ÉTATS‐UNIS ET LES SOULÈVEMENTS ARABES (JANVIER 2009‐JANVIER 2013) 

 Par Amine Ait‐Chaalal/ Directeur du Centre d’études des  crises  et  conflits  internationaux (CECRI) et professeur à l’Université catholique de Louvain (UCL)    OBSERVATOIRE DES MUTATIONS POLITIQUES DANS LE MONDE ARABE  Dirigé par Béligh Nabli, directeur de recherche à l’IRIS  nabli@iris‐france.org    

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