Les marais côtiers du Kamouraska - OBAKIR
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Spartine alterniflore
Spartine étalée
Se rv
Stockage du carbone
Sauvagine Petits gibiers
et algues commestibles et médicinales
La répartition des trois sous-espèces de bruants de Nelson L’espèce
bruant de Nelson a trois aires de nidification en Amérique du Nord.
La sous-espèce de nos régions habite une mince bande de marais salé
ou saumâtre notamment le long des côtes ou des îles du
Saint-Laurent et plus rarement en marais d’eau douce.
Au Québec, le bruant de Nelson est susceptible d’être désigné comme
une es- pèce menacée ou vulnérable, principalement à cause de la
destruction de son habitat par : la récupération des marais à des
fins agricoles; le remblayage pour la construction résidentielle ou
commerciale; la construction d’infrastructures routières et
portuaires; la colonisation rapide de l’habitat par le roseau
commun (Phragmites australis). 3
La biodiversité et les marais salés de l’estuaire du Saint-Laurent
Le terme « biodiversité » regroupe l’ensemble des espèces vivantes
(plantes, animaux, champignons, micro-organismes, etc.), leur
variété génétique, les éco- systèmes et les processus écologiques y
ayant cours.
La conservation de la biodiversité est une préoccupation importante
de l’humanité, car elle : « […] est le fruit d’une évolution sur
des milliards d’années, au gré de processus naturels et, de plus en
plus, sous l’influence des êtres humains; [elle] constitue la toile
de la vie dont nous faisons intégralement partie et dont nous
sommes totalement dépendants; [elle] offre un grand nombre de biens
et services qui soutiennent notre vie […] ; les pro- duits de la
nature sont à la base d’activités aussi diverses que l’agriculture,
les cosmé- tiques, la pharmacie, les pâtes et papiers,
l’horticulture, le bâtiment et le traitement des ordures. » Source
: http://www.un.org/fr/events/biodiversityday
La diminution de la biodiversité par la destruction d’habitats, la
surexploitation des ressources, la pollution et l’introduction
d’espèces exotiques envahissantes fragilise ainsi nos sociétés
contemporaines. Ce phénomène universel se produit également dans
les marais salés de la rive sud du Saint-Laurent depuis la coloni-
sation européenne.
Les marais salés De l’importance et des valeurs de cet écosystème
qui fait la transition entre l’eau libre de l’estuaire du
Saint-Laurent et le milieu terrestre.
Le bruant de Nelson Ambassadeur de la biodiversité des marais salés
du Kamouraska Volatile discret qui niche et se reproduit dans les
marais et les prairies humides de notre région, le bruant de Nelson
illustre à merveille les trois niveaux de la biodiversité et
l’impératif de la conservation des marais salés.
source : Nature sauvage # 40 - été 2018 - Le Bruant de Nelson, un
puzzle pour généticien en mal de casse-tête.
© Je
Le Bas-Saint-Laurent et les Maritimes (subvirgatus)
Sous-espèce (variabilité génétique de l’espèce) Ammodramus nelsoni
subvirgatus Une hypothèse avance que cette sous-espèce est en train
de modifier son horloge biologique afin de protéger son nid des
inondations pé- riodique par les marées; en synchronisant sa nichée
de 26 jours avec le cycle lunaire de 28 jours.
Écosystème Marais salés du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et de
la côte nord- est de l’Amérique du Nord
1 2
Éducation et savoir
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Le marais salé ... Des habitats fauniques particuliers! Où
fourmille une belle diversité biologique! On s’y nourrit, s’y
abrite ou s’y reproduit!
Dans le marais salé, les chaînes alimentaires terrestres et
aquatiques se che- vauchent et s’enrichissent. À la base de la
chaîne alimentaire aquatique par leur production d’oxygène et de
matières organiques, il y a les algues brunes (fucus et
ascophylle). Lorsqu’elles sont fixées sur un substrat solide ou un
caillou au fond de l’eau, dans la vasière, elles offrent un abri de
choix aux poissons et invertébrés transitant entre le marais et
l’estuaire. Lorsqu’elles sont mélangées aux autres dé- bris marins
déposés dans le haut marais, au niveau atteint par une marée haute
(dans la laisse de mer), elles abritent alors des petits organismes
décomposeurs.
De multiples ordres d’insectes, aquatiques et terrestres,
foisonnent dans le ma- rais supérieur tels des coléoptères
(notonectes), des diptères (moustiques), des lépidoptères
(papillons). Des araignées s’y trouvent aussi en très grand nombre
et capturent des insectes, et en même temps, servent de proies aux
oiseaux insectivores et aux autres petits prédateurs
terrestres.
Le marais salé est un lieu d’alevinage par excellence pour
l’éperlan arc-en-ciel, population du sud de
l’estuaire, une espèce vulnérable au Québec. Il y a trois frayères
à éperlan dans la MRC de Kamou- raska, dans les tronçons avals des
rivières Ouelle, Kamouraska et Fouquette. Le marais salé est aussi
un écosystème de croissance et de passage pour
des espèces à statut particulier comme le bar rayé, l’anguille
d’Amérique et l’esturgeon noir.
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Les canaux et les marelles offrent un habitat à plusieurs animaux
des pre- miers maillons de la chaîne alimentaire estuarienne :
larves d’insectes, vers, crustacés comme la crevette grise et les
gammares. Mollusques et jeunes poissons d’espèces fourragères y
grandiront, eux qui serviront de nourriture au grand héron de
passage et au béluga qui vit plus au large, entre autres.
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Dans la zone de battement des marées, il semble ne pas y avoir
d’amphibiens et de reptiles. Si on entend un chant de grenouille ou
de crapaud, il proviendra des terres aux alentours ou de la partie
supérieure du haut-marais, en eau douce.
Le marais est un habitat ou lieu de passage de plusieurs mammifères
: petits ron- geurs, vison, raton laveur, rat musqué, marmotte,
porc-épic, coyote, renard roux, chevreuil et orignal.
Épinoche à 9 épines
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... Un écosystème où séjournent beaucoup d’espèces de poissons, à
diffé- rents stades de développement : éperlan arc-en-ciel,
poulamon atlantique, alose savoureuse, plie lisse et plie rouge,
anguille, hareng, capelan, estur- geon noir, bar rayé, doré jaune,
fondule barré et épinoches.
Les épinoches un maillon important de la chaîne alimentaire.
Il existe huit espèces d’épinoches dans l’hémisphère nord dont cinq
sont pré- sentes au Québec. Ce sont de tout petits poissons qui
séjournent dans les ma- relles et les canaux des marais salés du
Kamouraska, dont l’épinoche à trois épines, vedette dans le marais
saumâtre de la Halte marine de La Pocatière, et l’épinoche à neuf
épines, dominante dans le marais salé de Saint-André. Ces
deux espèces sont très tolérantes aux va- riations de température
et de salinité. Elles se nourrissent de vers, crustacés, insectes
aquatiques et petits poissons. À leur tour, les épinoches feront
partie de l’alimenta- tion de plus gros poissons voyageant par le
marais à marée haute, ou plus au large dans l’estuaire.
Les oiseaux Le marais salé est un écosystème propice à la
nidification de certaines espèces de la sauvagine, comme les
canards noir ou colvert, qui se régaleront de ruppie maritime,
plante aquatique colonisant les mares. Il est un lieu de repos et
d’ali- mentation pour les oiseaux migrateurs comme l’oie des
neiges, la bernache du Canada et les oiseaux de rivages. Il est un
abri, un lieu de nidification ou un garde-manger pour plusieurs
espèces préoccupantes comme le bruant de Nelson, le hibou des
marais et le râle jaune. On y aperçoit aussi le faucon pèlerin, une
espèce vulnérable. La ZICO de Kamouraska, zone impor- tante pour la
conservation des oiseaux, est un échantillon représentatif de la
diversité biologique sur environ 25 km de côte, au centre du
territoire kamouraskois. Plus de 270 espèces d’oiseaux y ont été
observées.
Canard colvert © Alain Parent
Marais salé
Zone intertidale
Piste cyclable
Sentier pédestre
Limite municipale
Zone urbaine
Tourbière exploitée
Zone forestière
Zone agricole
Une plante indigène C’est une plante présente naturellement sur un
territoire donné, dans la zone de répartition de son espèce. Elle
est inté- grée à la biodiversité. Cette plante est originaire de la
région où elle grandit et se reproduit depuis longtemps. Elle a
évolué avec d’autres végétaux, animaux et parasites qui, de
plusieurs façons, orientent sa croissance et sa dispersion dans son
milieu.
Une plante exotique envahissante C’est une plante introduite à
l’extérieur de son aire de répartition naturelle; qui provient en
général d’un autre conti- nent ou d’une région géographique
éloignée. Elle peut être introduite inten- tionnellement ou
accidentellement et peut s’établir dans de nouveaux milieux et se
répandre rapidement, souvent au détriment des espèces de plantes
in- digènes. La plante exotique n’a pas de contrôleurs naturels
dans son nouveau milieu. Son établissement et sa propaga- tion
rapide et envahissante constituent une menace pour la biodiversité,
les ha- bitats, l’environnement, l’économie et la société.Limonie
de Nash © Alain Parent
Trois espèces bien différentes! Les trois espèces de spartines de
nos marais salés sont des plantes vivaces avec de longs rhizomes
ramifiés. Elles ont des caractéristiques biolo- giques différentes
et se dis- tribuent dans le marais selon plusieurs facteurs dont
l’élé- vation, la salinité, le temps d’immersion, la texture des
sédiments (substrat), l’espace disponible pour s’établir,
etc.
Spartine alterniflore - Spartina alterniflora Environ 0,5 m de
hauteur. Tige dressée très droite. Elle colonise densément et
presque à elle seule le bas marais, une zone recouverte deux fois
par jour par les marées. Elle est adaptée à de très longues
immersions dans l’eau salée.
Spartine étalée - Spartina patens Environ 0,35 m de hauteur. Tige
dressée obliquement, le plus souvent étalée, couchée au niveau du
sol. Généralement implantée dans la partie inférieure du haut
marais, où elle sera immergée seulement lors de marées hautes. Elle
n’est pas adaptée à supporter de l’immersion prolongée d’eau
salée.
Spartine pectinée - Spartina pectinata Environ 1,25 m de hauteur.
Tige dressée, élancée et robuste. Cette spartine est une plante
terrestre et se retrouve dans le haut marais, où l’eau salée ne
par- vient qu’exceptionnellement, soit durant de très hautes eaux
ou lors de grosses tempêtes. On peut aussi la retrouver près de
l’eau douce ou sur le sable. So
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1 2 3Marées et marais à spartines Au Kamouraska, les grands
marnages d’automne et de printemps avoisinent six mètres
d’amplitude. Les marées sont semi-diurnes (deux marées hautes et
deux marées basses chaque jour). Vu la faible pente de la côte, une
vaste batture, qui offre une aire d’alimentation exceptionnelle
pour la faune aviaire, se découvre régulièrement sur plusieurs
centaines de mètres sous le niveau des pleines mers moyennes. C’est
au niveau des étages moyen et supérieur de la zone de bat- tement
des marées que se sont développés les marais salés du Kamouraska et
leurs communautés végétales bien particulières.
Les spartines - Famille des graminées – Poacées Les communautés
végétales composant les différents étages du marais, dit ma- rais à
spartines, sont caractéristiques à cet écosystème. Les spartines
alterniflore et étalée sont des plantes herbacées halophytes,
c’est-à-dire qu’elles peuvent survivre dans l’eau salée grâce à une
physiologie particulière de leurs cellules. La diversité végétale,
caractérisée selon trois espèces de spartines, est plus élevée dans
le haut marais. À cet endroit, on rencontre la troisième espèce de
spartine, la spartine pectinée, une plante de milieu humide qui
tolère peu le sel.
mf
EBMI BMM PMM EPMS
Étages submergés à chaque marée haute
Zone de battement des marées (zone intertidale)
Adapté de Gagnon, M. (1998)
http://publications.gc.ca/collections/collection_2016/eccc/En40-216-47-1998-fra.pdf
Haut maraisBas marais
Marais à Spartine alterniflore avec marelles
Marais à Spartine étalée avec mares
Herbaçaie salée
G. à Spartine étalée G. à Arroche hastée G. à Salicorne d’Europe G.
à Carex paléacé
G. à Spartine pectinée G. à Calamagrostis
G. à Spartine alterniflore G. à Salicorne d’Europe
G. : Groupement mf : Possible présence d’une microfalaise EBMI :
Extrême basse mer inférieure BMM : Basse mer moyenne PMM : Pleine
mer moyenne EPMS : Extrême pleine mer supérieure
Limonie de Nash Troscart maritime Plantain maritime Ruppie maritime
Glauce maritime Scirpe maritime Fétuque rouge Orge agréable Plantes
compagnes à abondance variable
Verge d’or toujours verte Hiérochloé odorante Renouée faux liseron
Joncs Chiendent Élyme des sables Potentille ansérine Alpiste
roseau
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Limonie de Nash Ruppie maritime Plantes compagnes à abondance
variable
La côte du Kamouraska se situe dans le secteur de transition de
salinité de l’estuaire moyen. Le taux moyen de salinité varie entre
environ 12 et 22 par 1000 d’ouest en est. L’anse Sainte-Anne abrite
les marais salés à spartines les plus en amont de la rive sud de
l’estuaire.
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Le roseau commun (le phragmite) Envahisseur principal du ma- rais
salé, le roseau commun menace l’écosystème et la biodiversité, car
il modifie les habitats à tous les niveaux du haut marais,
notamment les groupes à spartine étalée, lieu de repos et
d’alimentation des canards, mais aussi le marais supérieur que
fréquentent de nombreuses autres espèces. Ses denses colonies
modifient également l’hydrologie (ma- relles, mares et canaux),
perturbant l’habitat des poissons juvéniles dans la par- tie
supérieure de la zone de spartine alterniflore. Autrement, il
obstrue la vue, banalise le milieu et présente même un risque
d’incendie à cause de son abon- dante biomasse qui tarde à se
décomposer et qui assèche le marais.
Aménagement et restauration des marais salés Attaqués sur plusieurs
fronts (PEE, érosion, endiguement), les marais du Kamou- raska n’en
sont pas moins cruciaux et susceptibles d’être restaurés,
puisqu’ils possèdent en eux-mêmes un fort potentiel de
régénération.
Différentes options Mise en eau de marais endigué Création de
brèches dans une digue Recul d’une digue Mise en eau et aménagement
de seuils dans les canaux de drainage Recharge en sédiments de
marais en érosion avec du matériel de dragage Création d’un bassin
de sédimentation Aménagement d’épis pour promouvoir la
sédimentation Réduction de la pente et végétalisation des talus
d’érosion Plantation d’arbres et arbustes, indigènes et adaptés,
dans le haut marais Création ou creusage des mares Plantation de
spartines Éradication du phragmite et rétablissement de la flore
indigène Ensemencement d’espèces indigènes
Dynamique côtière Les marais du Kamouraska, établis à partir de
dépôt de sédiments fins, sont per- pétuellement en mouvement. Les
limites inférieures du haut marais changent selon les événements
marégraphiques et météorologiques, s’érodant par en- droit,
accumulant des sédiments ailleurs, sous l’effet des courants et des
vagues. Dans une même anse ou baie, par exemple, érosion et
sédimentation peuvent être observées en même temps. Une phase
d’érosion de plusieurs années peut succéder à une période prolongée
de sédimentation, et vice-versa. Les plantes, surtout la spartine
alterniflore, exercent un rôle crucial sur le mouvement de la côte,
en retenant les sédiments. Les glaces jouent aussi un rôle; figées,
elles protègent le marais notamment au cœur de l’hiver. En débâcle,
elles peuvent rainurer ou arracher le sol. Des îlots de spartine
alterniflore sont communément délogés et transportés par les glaces
flottantes.
La présence historique des aboiteaux La partie supérieure des
marais du Kamouraska est beaucoup artificialisée. Le passage d’une
route, l’agriculture ou une digue en limitent l’étendue. Les marais
ont une relation de longue date avec les aboiteaux. Au Kamouraska,
un premier aboiteau est construit à La Pocatière vers 1860. Sur
près de 28 km, les aboiteaux
contiennent les eaux des ma- rées les plus hautes; toutefois, ce
qui est problématique pour l’écosystème du marais, c’est qu’ils ont
permis de drainer de vastes espaces où le haut ma- rais régnait
autrefois. Au moins trois phases de construction d’aboiteaux ont eu
lieu (deu- xième moitié du 19e siècle; entre 1938 et 1941; de 1977
à 1988).
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Les travaux dans un marais sont complexes. On doit toujours prendre
en compte la faible capacité portante du sol, la fragilité de
l’écosystème, la présence de marées et de PEE, la période de
reproduction des espèces, etc.
© M anon O
Drainage Ruissellement urbain et agricole Développement urbain et
agricole
Empiètement (une infrastructure comme une digue ou une route
enrochée l’empêche d’évoluer naturellement)
Invasion par les plantes exotiques envahissantes (PEE) Pollution et
déchets Déversement d’hydrocarbures
Changement climatique et hausse du niveau marin anticipée
Utilisation inadéquate de pesticides divers
Augmentation de la présence humaine Circulation des VHR
Contraintes et menaces sur l’écosystème des marais côtiers
Vents, vagues, surcotes de tempete, eaux froides, glaces
flottantes, marnages importants, submersions regulières,
concentrations elevees en sel, sols satures… Voilà quelques-unes
des rudes conditions physico-chimiques d’existence dans les marais
sales du Kamouraska. Les organismes vivants adaptes à ce milieu
humide font partie d’un ecosystème aussi exceptionnel que fragile.
Exceptionnel, par les services ecologiques, economiques et sociaux
qu’il procure et par son importance pour la faune et la flore à
l’echelle continentale. Fragile, face à l’envahissement par les
espèces exotiques comme le roseau commun. Et vulnerable, car ampute
par des infrastructures anthropiques perturbant sa dynamique
d’evolution naturelle.
Réalisation OBAKIR 2018 Financement de la Fondation de la faune du
Québec Cartographie du Comité ZIP du Sud-de-l’Estuaire
Harmonisation du contenu avec la Halte marine de La Pocatière