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A. van de Vyver Les étapes du développement philosophique du Haut Moyen- Âge In: Revue belge de philologie et d'histoire. Tome 8 fasc. 2, 1929. pp. 425-452. Citer ce document / Cite this document : van de Vyver A. Les étapes du développement philosophique du Haut Moyen-Âge. In: Revue belge de philologie et d'histoire. Tome 8 fasc. 2, 1929. pp. 425-452. doi : 10.3406/rbph.1929.6607 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1929_num_8_2_6607

Les Étapes du développement philosophique du haut Moyen-Âge

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Les Étapes du développement philosophique du haut Moyen-Âge.

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  • A. van de Vyver

    Les tapes du dveloppement philosophique du Haut Moyen-geIn: Revue belge de philologie et d'histoire. Tome 8 fasc. 2, 1929. pp. 425-452.

    Citer ce document / Cite this document :

    van de Vyver A. Les tapes du dveloppement philosophique du Haut Moyen-ge. In: Revue belge de philologie et d'histoire.Tome 8 fasc. 2, 1929. pp. 425-452.

    doi : 10.3406/rbph.1929.6607

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1929_num_8_2_6607

  • LES TAPES

    DU DVELOPPEMENT PHILOSOPHIQUE

    DU HAUT MOYEN-AGE

    Pour l'historien les tendances philosophiques de chaque poque en refltent l'esprit et l'volution au mme titre que la littrature, l'art, la politique ou le rgime conomique. Les xne, xnie, xive sicles sont caractriss par leurs philosophies, tout comme les systmes du xvnie ou du xixe sicle sont minemment reprsentatifs de leur temps. Certes, pour le Haut Moyen-Age ces caractristiques sont moins accentues. La faible vitalit de cette priode la rendait, plus encore que les sicles postrieurs, passive et rceptive dans l'utilisation des sources, dont elle a successivement dispos. Ce caractre fondamental affecte d'ailleurs toutes les branches de l'activit intellectuelle du Haut Moyen-Age (x). C'est prcisment cette caractristique que je m'arrterai dans cette tude.

    Ce demi-millnaire (du vne sicle au dbut du xne), au rgime domanial ferm, quasi sans commerce et circulation restreinte, dut se contenter des uvres qui avaient survcu au grand naufrage du Monde romain. Il n'tait pas assez en contact avec les pays byzantins ou arabes, dpositaires de la tradition antique, pour se donner des traductions nouvelles. (2) Par contre,

    (x) Voir P. Mandonnet, Siger de Brabant, t. I, Louvain, 1911, p. 1 ss. (2) Les traductions, faites sur le grec, de l'abb Hilduin, de S'- Denis, de

    Jean Scot ou d'Anastase le Bibliothcaire constituent des exceptions. Cependant, ds la fin du xe sicle on connaissait l'abaque et les chiffres arabes dans la Marche d'Espagne et on y traduisait des traits surl'astro- labe. Au xie s, les extraits de la traduction que Boce donna des EU'

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    le sicle suivant (1120/1250) mit en latin la seconde partie et la plus importante de YOrganon, (*), la plupart des traits du Stagyrite (2) et un nombre immense d'autres uvres, en double ou triple traduction ou rvision, faites sur le grec ou sur l'arabe. Comme toujours, le rapprochement intellectuel ne devait se faire sur une grande chelle que bien des annes aprs que les relations conomiques eurent t rtablies. Il est, d'autre part, fort comprhensible que le dveloppement des tudes de logique durant la premire moiti du Moyen- Age ait provoqu vers 1120/40 la traduction de la partie de YOrganon qu'on ne possdait plus en latin, quatre-vingts ans avant que l'on et commenc traduire d'autres crits d'Aristote.

    Mais on a nglig de constater que les uvres latines hrites par le Haut Moyen-Age, ne furent non plus que lentement remises en circulation selon ses aptitudes progressives les comprendre. En recherchant dans un travail sur Boce, que j'espre publier bientt, l'influence que durant cette priode le Dernier des Romains exera dans le domaine de la logique, j'ai t amen prciser les tapes que l'tude de cette discipline a parcourues durant ces cinq sicles d'assoupissement et tudier son rveil en fonction des sources qui successivement

    ments d'Euclide, furent complts sur le texte arabe. Je m'occuperai ailleurs de ces corpus d'astronomie et de gomtrie du Haut Moyen- Age. Enfin, les plus anciennes traductions de l'cole de Salerne remontent au troisime quart du xie sicle.

    (!) Cf. 13. Geyer, dans Philosophisches Jahrbuch, 1917, p. 27 et suiv. M. Ch. H. Haskins, Studies in the History of m dieval Science (Harvard historical S 'tidies, t. XXVIII [1924, 2" d., 1927), p. 223-241, revendique tort cette traduction pour Boce. (Cf. mon compte rendu dans la Revue, 1928, p. 1657-8). Sa trs importante tude apporte, et surtout aux notes 1,2 et 9, la dernire bibiographie du sujet, qui est cite aussi par M. De Wulf, Hist, de la Ph. mdiv., 5e d., t. I, Louvain, 1924, p. 66, et dans Ueberweg, Grundriss d. Gesch. d. Ph., t. II (1928), d. B. Geyer. p. 145-147 et 687-688.

    (2) Voir surtout M. Grabmann, Forschungen b. d. lat. Aristoteles Uebersetzungen d. XIII. Jahrh., dans les Beitrge . Geschichte der Ph. d. Mitt.de Cl. Baemker, t XV 11,5-6 (1916), et Sitzungsber. d. bayer. Akad., 1928, fasc. 5. On trouvera un rsum des rsultats de ces recherches chez. M. De Wulf, /. /., , 223, et dans Ueberweg, /. /., p. 343-350.

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    ont ouvert l'accs de la trad ition antique Je publie ici dans leur grandes lignes les rsultats de ces recherches, remettant brve chance de les exposer en dtail.

    Le caractre technique de la dialectique permet de limiter avec prcision le champ de nos investigations. Les autres branches philosophiques puisaient alors des sources plus disparates et moins- spcif ies ; elles subissaient l'influence des doctrines thologiques et se prtaient davantage aux spculations personnelles, qui sont l'oppos de la rceptivit et chappent une commune mesure Bien qu'elle ft la science prfre du Haut Moyen-Age qui l'identifiait pour ainsi dire avec la philosophie, la logique n'tait pourtant tudie que dans les milieux les plus avancs en raison de son caractre profane. Dans son domaine on peut le mieux poursuivre le dveloppement progressif de la vie intellectuelle des premiers sicles du Moyen-Age.

    Boce et les auteurs de logique romains. Cette priode de transition, dit-on couramment, eut comme grand initiateur dans cette branche, comme matre unique, Boce. Cependant, je me propose de mettre en lumire dans ces pages trop courtes, que, si elle a laiss se perdre trs tt la traduction et les commentaires que le patrice avait entrepris des Anal., Top. et Rf. soph. (*), elle ne leur a non plus trouv un succdan dans ses monographies qu' partir" de la fin du xe sicle ; que mme sa traduction et ses commentaires de la premire partie de Y Organon ont t longtemps ngligs pour des traits de moindre importance.

    C'est l'instar des commentateurs contemporains d'Athnes et d'Alexandrie, Ammonius, Simplicius, Olympiodore, Jean Philopon, mais en utilisant leurs ans,Porphyre surtout (2) et subsidiairement Jamblique, Thmistius et Syrianus, que Boce commenta l 'Organon, comme il exposa, d'aprs les manuels grecs

    (*) L'ampleur du trait en sept livres que Tullius Marcellus de Carthage consacra l'tude des syllogismes et qui est cit seulement par Cass^odore, est sans doute une des raisons pour lesquelles cette uvre n'apas t conserve.

    (9) Voir J. Bdez, Boce et Porphyre, Revue belge de philologie et d'histoire, 1923, p, 180-201,

    H B,->, et H, -as,

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    en usage, la matire duguadriyium.il se proposait d'en faire autant pour les principaux traits d'Aristote et de Platon, et de montrer,suivant le programme no-platonicien,leur concordance sur les doctrines essentielles. Cependant, il remontait une pente dans l'enseignement de la logique chez les Romains qui ne s'taient intresss cette discipline que pour autant qu'elle servait la rhtorique, ngligeant le ct thorique de la science de la dmonstration. Aussi, dans le satyricon de Martianus Capella qui au ive sicle traitait la dialectique dan. le cadre stocien de l'initiateur latin Varron, comme dans les encyclopdies de Cassiodore au vie sicle et d'Isidore de Seville au viie, les Analytiques ne sont reprsents que par l'numration des figures des syllogismes catgoriques, emprunte au du Ps.-Apule (x).

    Bien que par un archasme la mode, Cassiodore, le contemporain pun de Boce, cite de prfrence Marius Victorinus, il utilise nanmoins les traductions de Boce, plutt que celles de son prcurseur, pour le canevas que dans ses Institutiones il prsente des trois premiers traits de VOrganon. Composant cette encyclopdie vers 560, au fond de la Calabre, aprs l'effondrement du rgime italo-goth et l'affreuse guerre gothique qui plongea l'Italie dans l'obscurit mdivale, il ignorait dj ou en tout cas ne possdait pas, la majeure partie de l'uvre de Boce sur la logique. Pour le moins, il tait priv des commentaires de notre auteur sur les Catgories, sur la seconde partie de Organon et les Top.de Cicron,ainsi que de ses monographies (2), tout comme son De inst musica et mme l'encyclopdie de Martianus Capella lui faisaient dfaut. Pourtant, vers la fin du vie sicle, un interpolateur complta la maigre compilation de l'ex-ministre de Thodoric (groupe de mss. du Wirceb., s. vin ex.), en insrant dans le chapitre consacr la dialectique, la

    (!) B. Fischer, De Augustini... de dialectica. Diss. Bonn, 1912, Cf. Mart Cap., d. C. Dick (Teubner, 1925), p. xxv, n. 1.

    (2) A moins qu'on ne veuille revendiquer pour Cassiodore la seconde, rdaction de ses Inst., sauf les parties interpoles. L'ex-ministre semble donc avoir utilis une d. spare del traduction de Organon par Boce. Ci. inf. p. 432,

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    majeure partie des livres I, II et IV du De topicis differentiis de Boce. De plus, il mentionne d'une faon bien plus complte et correcte les commentaires de Boce sur la premire partie de VOrganon, signale mme ceux sur les Top. d'Aristote et de Cicron, ainsi que le De hypotheticis syllogismis et introduit dans son remaniement un passage du De nuptiis de Martianus Capella. Enfin, une composition De dialecticis locis, qui fait suite cette rdaction interpole des Inst., se compose de passages du De top. diff. de Boce et cite une autre de ses monographies, le De diuisione (*). C'est la dernire fois qu'avant la fin du xe sicle nous trouvons mentionnes presque toutes les uvres de logique du Dernier des Romains .

    Isidore. Car, quoi qu'en dise Prantl (2), dont nous nous proposons dans cette tude de rectifier et de prciser les analyses pour cette priode (3), Isidore de Seville ne semble avoir connu des uvres de Boce que le De inst. arithmelica (4). Pour la partie qui nous intresse dans ses Etymologies (composes vers 630), il s'est born, comme on sait, transcrire littralement la compilation de l'ancien ministre de Thodoric, mais d'aprs la rdaction authentique (groupe de mss. du Bamberg., s. vm) (5). Seulement, il la complte l'aide de deux sources qui n'ont pas encore t releves : le De nuptiis

    (1) Cassiod, Inst. (Patrol, lat., t. LXX), 1175 D 12-1190 G 4 ; 1196 A. 15-1202 C 12 = Boeth., De top. diff. (Patrol, lat., t. LXIV), 1173 D 5- 1196 A 15 ; 1208 G 1-1216 G 10, en ngligeant quelques passages de Boce. Cassiod., 1192 C 6-1196 A 15 : d'une source incormue. Voir les collations du Bamb. et Wirceb. par Laubmann, Wrzburger Studien, Mnchener Sitzber., 1878, t. Il, surtout p. 85 et 95. M. Th. Stettner a bien voulu mettre ma disposition sa collation complte des ces deux mss. Cf. P. Lehmann, Cassiodor- Studien, Philologus, t. 71 (1912), p. 290 et suiv.

    (2) Gesch. d. Logik im Abendlande, t. II (1 d., 1861), p. 11 et suiv. (3) Comme cell s, souvent remarquables dans leur apprciation gnrale,

    de Fr. Overbeck, Vorgesch. u Jugend der mittelalt. Scholastik (posthume). Bale, 1917.

    (*) Par exemple Etym., Ill, v, 4-5 : Boeth., De insi. arithm., p. 21, 24 ; 22, 2-7 ; 25, 5, 9-14, 27-29, d. Friedlin.

    (6) P. Lehmann, /. /., t. 72(1913), p. 504; Bacherler, Berliner philologische Wochenschrift, 1922, p. 1217 ; Th. Stettner, PhUologus, t. 82 (1926), , 241.

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    de Mart. Capella et les Categoriae decem (x) du Ps. -Augustin (ivfe-ve sicle) (2). C'est l un tmoignage de la vogue de ce bizarre satyricon qu'on peut ajouter sa rdition en 531 par le professeur de rhtorique de la ville de Rome, Securus Memor Felix ; la mention du mythographe Fab. Plancia- des Fulgentius (serm. antiq. 45) ; l'usage qu'en fit l'interpo- lateur des Inst. de Cassiodore ; au renvoi de Grgoire de Tours, X, 31 (a. 594) : si te... Martianus nqster septem discipli- nis erudiit. Il ne faut point demander, si les uvres de Boce apparaissent chez d'autres auteurs durant cette premire priode, la plus obscure du Moyen-Age (vne-viiie sicles), alors que l'tude de la dialectique tait inexistante, ou du moins qu'on ne s'y intressait que dans l'encyclopdie d'Isidore. Car, mme celles de Mart. Capella et de Cassiodore ne connurent alors qu'une diffusion extrmement restreinte.

    Alcuin. Si dans son De dialectica, le matre anglo-saxon ignore encore le De nuptiis, outre les Etym. d'Isidore, il utilise cependant les Institutiones de Cassiodore, mais dans la seconde rdaction, qu'il contribua, sans doute, mettre en vogue. Il fait aussi quelques maigres emprunts aux commentaires de Boce sur Ylsagoge, davantage ceux sur le De interpr., aux Topiques (3) et la Rhet. de Cicron (avec les commentaires de Marius Victorinus), l'Ars rhetorica de Julius Victor et aux

    (1) Par exemple : Etym, II, xxvi, 2-3 ; 7 = De nupt., 355-6 ; 376. ib., 8, 1. 4 (d. Lindsay)-9 = Cat. X (Patrol, lat., t. XXXII), c. xiv (col. 1436) ; ib., 10, 1. 11-13, 1. 28, cf. Cat. X, c. v-vi, col. 1423 ; ib., 11, 1. 18 et suiv., usage du terme usia propre aux Cat. X ; ib., 13, 1. 1-4 = Cal. X, c. vin, 1. 12 et suiv.- Le chapitre xxxi : De oppositis, que les Etym. ajoutent' Cassiod., est un amalgame de passages du De nupt., par exemple 384, 387, et des Cat. X., par exemple col. 1437, milieu du chapitre, jusque col. 1438, 1. 8. Manitius, Gesch. d. lat. Lit. d. Mitt., t. I (1911), p. 57, cite un emprunt littral d De numeris d'Isidore au De nupt.

    (2) Cf. G. Schepss, Bltter f. d. bayer. Gymnas., t. XXVIII (1892), p. 595.

    (3) Sur un codex en papyrus des In Cic. Top. de Boce, dont en 841-6 Servat Loup mentionne l'acquisition rcente par l'coltre Amaury, de Saint-Martin de Tours, voir l'd. Levillain, t. I, Paris, 1927, p. 214 ; cf. p. 110. Pour Sdulius Scottus, cf. inf. p. 440, n, 1.

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    Jnst. de Quintillien (*). Il rsume largement et d'une faon disproportionne avec les autres chapitres, les Categoriae X qu'il avait offerts Charlemagne, avec une pice en vers,conime un trait d'Augustin, sans doute rcemment dcouvert et qui, en effet, ne s'est jamais trouv parmi les uvres du Grand docteur. Cette ddicace nous fournit un exemple frappant de la mise en circulation d'un trait. Mais c'est d'aprs les extraits du De topicis differentiis de Boce, insrs dans la seconde rdaction des Institutiones de Cassiodore et non point d'aprs le trait mme de Boce, qui tait hors d'usage avant la fin du xe sicle, tout comme ses autres monographies qu'Alcuin composa le chap, xii : De argumentis, qu'il ajouta ceux repris aux encyclopdies de Cassiodore et d'Isidore et qu'il lui donna ce titre se rapportant peu aux matires traites (2). Sous le nom de Thmistius, les mmes extraits du De top. diff. insrs aux Inst. furent d'ailleurs copis sparment, par exemple dans les Paris. 16668 (Lorsch) et 13957 (Corbie), s. ix ; Aurelian. 263 (Fleury), s. x.

    Si le De dialectica est considr avec raison comme le plus mdiocre trait d'Alcum, c'est que son poque ne possdait, encore qu'une connaissance bien rudimentaire de la logique Par le nombre et l'importance de ses sources le premier usage des commentaires de Boce au Moyen- Age , on doit continuer reconnatre au matre du Palais le rle d'initiateur, en logique plus encore que dans d'autres domaines. Bde n'avait accord aucune attention cette discipline (8) et Aelbert, le matre d'Alcuin l'cole d' York, ne l'avait pas enseigne son lve, qu'il avait pourtant initi nombre de sciences (*). Sur ce point, d'ailleurs, les disciples d'Alcuin n'ont point continu l'impulsion donne par le Matre. Son successeur l'abbaye de Saint-Martin de Tours, Fridugise (f en 834), y

    (1) Cf. P. Lehmann, l.L, Philologus, t. LXX1V (1917), p. 362 et suiv. (2) Alc-, Patrol, lat., t. CI, 964 C 13-966 A 7 = De top. diff., dan& Inst.

    (Patrol, lat, t. LXX), 1176 A 2-1177 2. (3) Cf. Patrol, lat., t. XCI, 301 D et 706. (4) Alcuin., De ss, Euboric. eccl. (Monum. Germ, hist., Poet. lat., t. ), .

    1433-1448.

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    laissa dchoir les tudes (l). Dans son De institutione clericorum (819), III, 20, Rhaban Maur ne reconnat l'efficacit de la dialectique que pour rfuter les hitiques. Dans la ddicace de son De Trin. Charlemagne, Alcuin avait pourtant vant la valeur de cette science pour l'interprtation du dogme. Sur ce point il s'inspire des opuscules thologiques de Boce, dont ailleurs il cite un passage avec loge (2). Du reste, nous pouvons juger de l'tat peu avanc de l'tude de la logique dans la partie orientale de l'Empire durant la premire moiti du ixe sicle, par les nombreux inventaires et manuscrits que nous possdons de deux de ses principaux centres, les abbayes de Reiche- nau et de Saint-Gall, dont les matres tudirent l'cole de Fulde(3).

    Les bibliothques de Reichenau et de Saint-Gall au IXe sicle. Parmi les 420 mss. que l'abbaye de Reichenau possdait en 821-822 (4), ne se distingue vraiment, pour notre branche, qu'une copie des trois traits de la Logica vtus. J'estime, que c'est encore au vie sicle qu'ils furent extraits des commentaires de Boce. Ils furent catalogus parmi les uvres de Bde, parce qu'ils taient dj relis son De ratione temporum, ainsi qu'au De metris de Mallius Theodorus et la grammaire de Pompe (ms. CLXXII, s. ix in.). Semblablement, les opuscules thologiques de Boce taient encore enfouis parmi des symboles de foi et des traits de dogmatique (ms. XVIII, s. ix in., copi sur un ms. de Tours). Ils ne sont mme pas renseigns dans le double inventaire que nous possdons de ce ms. D'autre part, la section de ce catalogue intitule De opusculis Boetii ne comporte qu'un recueil de traits des arts libraux, qui ne prsente de Boce que son De instit. ariihmetica (dont on poss-

    (!) Cf. A. Endres, dans les Beitrge, t. XVII, 2-3 (1915), p. 5. (2) Patrol, lat., t. CI, 12 CD, 76 BC. (3) Sur les catalogues de sa bibliothque, cf. P. Lehmann, Sitzungsber-

    d. bayer. Akad., 1925, fasc. 3, et Aus Fuldas Geisteleben, Festschr... hrsg. . J. Theele, 1928, p. 9-39.

    (4) A. Holder, Die Reichenauer Hss., t. I-III, 1-2 (K. Preisendanz), Karlsruhe, 1906-1918. Bibliotekskat., t. I (d. P. Lehmann), 1918, p. 222-66. Cf. D/e Kultur der Abtei R,, d. Beyerle, 2 vol,, Munich 1925

    '

  • DVELOPPEMENT PHILOSOPHIQUE DU HAUT MOYEN AGE 433

    dait encore un autre exemplaire) et peut-tre sa gomtrie remanie, suivis entre autres du De rhet. et dia!. d'Alcuin. Ce n'est qu' la fin de son norme activit que le bibliothcaire Rgimbert se procura (838-842) une copie des Inst.1 de Cassio- dore 0).

    Mme le fonds si important des mss. de Reichenau que nous avons conservs, ne prsente aucune trace des commentaires de Boce. C'est qu'au xe sicle le niveau intellectuel de cette abbaye baissa. Par contre, celle fonde par saint Gall, le disciple de Colomban, en 614 moins d'un sicle aprs la mort de Boce , connut un essor intellectuel qui se prolongea jusqu'au cours du xie sicle. Cependant, son catalogue du milieu du ixe sicle (2) ne renseigne parmi ses trente mss. anglo-saxons qu'une copie du De inst. arithmetica, la seule uvre de Boce utilise par Isidore et qui tait bien reprsente Reichenau. Sinon, cet inventaire si riche en uvres patristiques et traits de grammaire, ne mentionne mme pas la Dial. d'Alcuin, ni les Inst. de Cassiodore. Les trois copies du De dial. (ms. 270, 273 [avec le De rhet. d'Alcuin, peut-tre postrieurement copi p. 57, la suite d'une anthologie de potes chrtiens (3)] et 64 [De rhet. et dial, et Apul, . .]) et celle des Inst.1 (ms. 855) sont sans doute de la seconde moiti du ixe sicle, tout comme les Cat. X avec gloses (ms. 274), pour autant que ces mss. ne sont pas d'origine trangre. L'abb sculier Grimald (841-872), qui avait t chapelain de Louis le Pieux, ne laissa l'abbaye, parmi les ouvrages qui peuvent nous intresser, qu'un De consolatione

    (*) Le dernier inventaire qu'on rapporte notre abbaye, mais qui est de la cathdrale de Constance, comme M. le Bibliothcaire et Prof. K. Preisendanz s'apprte le prouver, et qui date de la seconde moiti du ixe sicle, pourrait marquer dj un progrs, si les Categoriarum Aristotelis uol. 1 dsignaient Vin Cat. de Boce et non point les Cat. X du Ps.- Augustin. Aristotelis uol. I de VII liberalibus artibus vise vraisemblablement les Inst. de Cassiodore.

    (2) P. Lehmann, /./., p.71 ss. H. Brauer, Die Buecherei v. S. Gallen, Halle, 1926.

    (3) P. Lehmann, l. /., p. 81, 8.

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    de Boce, depuis peu de temps devenu trs en vogue (*), et un De dial, et rhet. d'Alcuin. C'est d'aprs ce trait que, probablement en 854, Ermanrik d'Ellwangen donna de la logique un aperu des plus squelettiques dans la lettre qu' Saint-Gall il ddia notre abb comme un monument d'honneur, rsumant la science des coles. Il avait tudi Fulde sous Rhaban Maur et Reichenau auprs du talentueux pote Wahlafrid Stra- bon, qui lui-mme avait eu Grimald comme matre. Aussi, la lettre de notre auteur, qui mourut en 874 comme vque de Passau, fait-elle grand talage de culture classique (2), mais elle tmoigne d'autant plus combien la tradition du professeur de Charlemagne s'atrophia dans le schmatisme des rsums encyclopdiques, se bornant aux dfinitions et aux rgles des syllogismes (3) : Item Logyca dividitur in dialecti- cam et rethoricam :... Dividitur etiam dialectica in ijsagogas, in calhegorias, in topycas, in periermenias, in diffinitiones : isagoge sunt introductiones et sunt species earum V ; cathegoriae sunt predicamenta quae in X verbis constant ; topyca sunt loca seu sedes argumentorum et sunt numero XVI, periermeniae sunt interpretations specierum orationis et sunt numero VII ; diffi. nitiones sunt circumposiiiones sensuum et sunt numero XV.

    Le successeur de Grimald, l'abb Hartmut, avait fait excuter (avant 883), outre deux nouvelles copies des Elym. d'Isidore (4) et deux exemplaires du De cons, de Boce

    (}) Premire utilisation certaine, mais importante, par Walahfrid Stra- bon, De imagine Tetrici, compos vers 835 la cour de Louis le Pieux, Aix-la-Chapelle, o vcut galement Servat Loup (aprs 836), qui par la suite passa la cour de Charles le Chauve et analysa les mtres de De cons., utilis vers 855-859 par Sedulius Scottus Lige dans son De rector 'ibus chr., adress Lothaire II.

    (2) Cf. Manitius, Gesch. d. lat.d. Mitt., t. I (1911), p. 499. (3) Monumenta Germaniae hist., Auct. antiq., t. V, p. 541, 28. (4) C'taient la cinquime et sixime, que nous sachions, qu'on ait

    possdes Saint-Gall. M. Ch. H. Haskins, The Renaissance of the twelfth Century, Cambridge, U. S. ., 1927, p. 81, rapporte, que vers 850 cinquante- quatre copies compltes des Etym. avaient pass les Pyrnes et qu'on peut y ajouter plus de cent mss. d'extraits. Cf. Beeson, Isidor-Studien, dans Quellen u. Unters, . lat. Philol. d. Mitt, de L. Traube, t. IV, 2 (1913).

  • DVELOPPEMENT PHILOSOPHIQUE DU HAUT MOYEN AGE 435

    (mss. 844-845), une copie du De nuptiis de Martianus Capella. Cette encyclopdie, en effet, me semble avoir t lance par Jean Scot (x), tout comme Alcuin avait vulgaris les Cat. X et peut-tre aussi la seconde rdaction des Inst. de Cassiodore.

    Jean Scot et son cole. Avec le philosophe qui vint peu avant 847 la cour de Charles le Chauve, le philosophie mdivale fit souche nouvelle. Par sa connaissance des thologiens grecs, Jean Scot se trouve videmment en marge du dveloppement philosophique du Haut Moyen- Age. D'autre part, l'examen des sources du De divisione naturae est peine bauch. Cependant, cette uvre ne cite qu'une fois (II, 29) le De inter- pretatione, mais, comme Alcuin, elle fait un usage frquent des Cat. X du Ps.- Augustin et elle utilise certainement le II In Isag. de Boce (2). Nanmoins, il est reconnu que le professeur de l'cole du Palais exera une plus grande influence par ses gloses sur le De nuptiis, le De cons. ph. et les opuscules thologiques de Boce. Il fut le premier, me semble-t-il (3), leur appui

    s Cf. P. Duhkm, Le Systme du Monde, t. Ill (Paris, 1915), p. 46 et 61-62. Les Hisperica famina ne semblent pas s'tre inspirs de Mart. Capella (er. Schanz, Gesch. d. rm.Lit., t.IV, 2 (1920), p. 170),Virgile der Salzbourg non plus (cf. H. van der Lindkn, Bull. Acad. Roy. de Belg., 1914, p. 183-4).

    (2) Auquel, p. 143, 14, plutt qu' Vin Cat. de Boce, col. 160-161, est emprunt, par exemple, le passage cit par Prantl, t. II1, p. 28 , n. 113. Prantl, n. 45, identifie mal une citation, I, 61 (nglige par Draeseke), que J. Scot fait de Boce et qui se rapporte au De inst. arithm., p. 7, 26 et suiv.,que le philosophe mentionne plusieurs reprises, par exemple : Patrol, lat., t. CXXII, 498 BC, 655 AB, 769 C. C'est aussi le seul trait de Boce utilis par Isidore et Rhaban Maur. (Cf. Manitius, t. I, p. 298). Il tait beaucoup plus rpandu que le De inst. mus. ou les commentaires.

    (3) Contrairement l'avis de Traube et de Manitus (cf . ses additions dans le t. II [1923], p. 803), nous ne possdons un expos de Dunchad sur le De nupt., ni dans le Paris. 12960, ni dans le Brit. Mus. Reg. 15 A 33, s. ix, dont le fol. 3 est du xe s. (G. F. Warner a. Gilson, Cat. of... King's Coll., t. II [1921]). Cf. Esposito, dans Didaskaleion, t. III (1914), p. 173- 181. Manitius, Berl. philol. Wochenschrift, 1925, p. 543, estime que tous nos mss. du De nupt, sont du xe s. Mais le Cantabrig. Corp. Chr. Coll. 153 (avec gloses bretonnes) n'est point du vnie s., comme le voulait H. Zimmer (cf. M. Roger, L'enseignement des Lettres classiques d'Ausone Alcuin, Paris, 1905, p. 246, n. 10 ; 254, n. 1), mais du ixe. Sur le rle

  • 436 A. VAN DE VYVEft

    quer cette mthode d'expos, qui jusque-l n'avait t en usage que dans l'interprtation de l'criture et des auteurs classiques. Surtout son expos des opuscules thologiques, qui date de la fin de son enseignement (entre 867 et 891) (*), attira l'attention sur cette application pratique de la philosophie aux matires dogmatiques, seul objet d'intrt gnral cette poque. Aussi, ces traits, trs rpandus nous avons vu que le De Trinitate est dj cit et mis contribution par Alcuin ,ont exerc la plus grande influence en tant que mthode exemplaire d'investigation et de controverse. Ils dvelopprent le got pour la dialectique elle-mme, tel point qu'on a pu dire (2), que le tableau de l'histoire de la logique du Haut Moyen- Age trac par Prantl est en grande partie prim, dj pour ne pas avoir tenu compte de cet lment.

    Heiric d'Auxerre (841-876) recueillit la tradition du philosophe du Palais et glosa les Cal. X, peut-tre aussi les Principia dialec- ticae d'Augustin. La partie conserve de ce trait n'intresse la logique que par la dfinition qu'il en donne et sur laquelle il s'ouvre. Le nom de l'auteur et cette phrase furent cause de la vogue de cette uvre incomplte. Lorsque Odon de Cluny, enseignant peut-tre dj lui-mme Saint-Martin de Tours, alla suivre Paris les cours de Remi d'Auxerre pour se perfectionner dans la dialectique et la musique, il n'entendit exposer que les Cat. X, et particulirement l'encyclopdie de Capella (3). L'lve de Heiric qui vcut vers 841-908 et avait rorganis les tudes Reims, resta cependant longtemps le grand vulgarisateur de l'enseignement de Jean Scot, dont il plagia les gloses sur le De nupt., si bien que sur les Opusc.

    des Irlandais, le jugement d'Esposno, p. 181, n. 1, concorde avec celui de L. Traube, Vorlesungen, t. II (1911), p. 172. Cependant, le corpus anglo-saxon d'astronomie et de comput, s. vm, (p. ex. Paris, n. a. 1615), dont je m'occuperai ailleurs, fait quelqu'usage du De nuptiis. Cf. inf., p. 440, n. 1.

    (x) D'aprs E. K. Rand, Joh. Scotius, Quellen u. Unters, de Traube, t. I, 2 (1906), p. 18 et suiv.

    (2) E. K. Rand, Jahrbcher f. cl. Philol., Supplementband, t. XXVI (1901), p. 408, n. 1.

    (3) Vita Odonis, I, 3 et 19 (Patrol, t. CXXXIII, col. 45b, 52a).

  • DVELOPPEMENT PHILOSOPHIQUE DU HAUT MOYEN AGE 437

    theol. et le De cons. Les plus anciennes gloses que nous possdions sur un trait de YOrganon sont celles de Icpa (nom corrompu). Elles ne constituent que des extraits des commentaires de Boce sur VIsag., et sont postrieures Remi (x). Sur le mme trait, qui de tous ceux de YOrganon fut le plus tt et le plus en vogue, on trouve d'autre gloses qui n'ont pas encore t remarques, dans le Cantabrig. Corp. Chr. Coll. 206, s. x.

    Recueils de traits lmentaires des IXe et Xe sicles. Surtout lors qu'elles sont marginales et interlinaires, ces gloses figurent souvent dans des recueils de text-books de logique, qui sont des tmoins de premire valeur pour la connaissance des sources, dont le Moyen- Age disposait pour l'tude de cette discipline fondamentale pour cette priode partir du xie sicle. Jusqu'ici on a nglig d'tudier ces corpus. Il est vrai, que l'examen des recueils du ixe et du xe sicle est souvent une tche dlicate, parce qu'ils ne forment pas toujours des mss. de composition homogne. Ce sont alors des ensemble de traits copis sur des cahiers de grandeur diffrente, o alternent des critures d'cole peu soignes et dont les dernires pages, parfois restes en blanc, ont t couvertes postrieurement de notes traitant les matires les plus htroclites. Aussi, je n'analyserai ici que quelques corpus vraiment typiques. Ceux des premiers sicles du Moyen- Age se distinguent particulirement par leur manque de spcialisation des matires et la prsence d'extraits des Etym. d'Isidore. Ainsi, dans le recueil runi peut-tre par Paul Diacre (2), le Paris. 7530 (Mont Cassin), a. 779-797, les chapitres consacrs par vque 'de Seville la dialectique (II, 22-31) prennent place, fol. 266, parmi des traits et des extraits de grammaire et de chronologie. Plus le manuscrit sort d'un milieu cultiv ou est rcent, plus les traits de logique s'isolent de ceux des autres arts libraux, dont les text-books furent semblablement codifis ; plus surtout, ces traits sont importants et tendent vers une disposition logique. Mais ce

    (x) D'aprs Cl. Baeumker et B. Sartorius v. Waltershausen, d. des gloses de Icpa, dans Beitr. z. Gesch. d. Pli. d. MM., t. XXIV, 1 (1924), p. 17 et suiv.

    (2) Cf. P. Lejay, Rev. de Philologie, t. XVIII (1894), p. 52.

  • 438 A. VAN DE VYVER

    n'est vraiment qu' partir de la fin du ixe sicle que nous trouvons de vritables corpus de logique. En voici quelques exemples C) :

    Paris. 12949 (Corb., Sangerm., provenant de l'cole de Heiric et de Remi d'Auxerre), s. ix ex. et in.

    I, fol. 1-11 : Arist. De interpr. ; 12-21 : August. Princ. dial., glos (par Heiric?) ; 21-23 ; 24-38 : Cat. X avec les gloses de Heiric ; 38-44 : varia, entre autres une lettre de Servat Loup et des fragments de comput avec une table dresse en 896 par le frre de Jean Scot.

    II, fol. 45 ; 45 v-52 bis v :Isag. avec les gloses de Icpa ; 53-70 : Boeth. Opusc, I-V ; 71-72 v : Isid. Etym., II, xxvii-xxviii, 22 [De periermeniis] ; 72 v-80 : Apul. . . ; 80 v-t-81 : Boeth., I In . . f (2).

    Petropol. F. v. Class, . 7 (Corb., Sangerm.), s. ix ex. : fol. 24 : f Isag. ; 23 (ms. mal reli) : Cat. ; 34 ; Cat. ; 10 v : August. Princ. dial. [s in. : f Prisg. Inst, gramm. f].

    Berolin. Phill. 1780 (Floriac), s. x, fol. 1 : August. Princ. dial.; 6 v : Cat. X glos; 19. v : Alcuin. Rhet. et Dial; 45 : Cassiod., Inst.1, II, c. 1-2, De gramm. et rhet. f

    *Aurelian. 263 (Floriac.), s. x ; [I, s. xi p. 1-36 : Alcuin, D ial. f ].

    (*) Je regrette de ne pouvoir remercier ici nommment les Conservateurs de ces mss. pour les renseignements, souvent nombreux, qu'ils m'ont obligeamment fournis. Cependant, M. le Dr E. Bhren, de Koenigsberg, m'a galement donn quelques dtails sur les mss. de Munich et sur celui d'Erlangen. Je marque d'un astrisque (*) les copies que j'ai examines moi-mme. Un chiffre romain (I) distingue les diffrentes parties de ms. qui, primitivement, ont pu subsister sparment. Je mets entre crochets [ J celles qui prsentent une origine tout fait diffrente. Un tiret ( ) spare les traits qui dbutent sur un nouveau cahier et une croix (f ) est place avant ou aprs les traits, suivant qu'ils sont incomplets du dbut ou de la fin. Les folios dont le contenu n'est pas indiqu, ne prsentent que des matires anodines, comme celles qui sont souvent inscrites la fin des quaternions. Dans cet article succinct, je ne saurais prciser davantage.

    (2) M. Grabmann, Gesch. de schol. Methode, t. I, Freib.-i. ., 1909, p. 190, . 1, a attir aussi l'attention sur quelques autres Sangerm., mais leur composition est moins homogne et leur contenu plus vari.

  • DEVELOPPEMENT PHILOSOPHIQUE DU HAUT MOYEN AGE 439

    II, p.37-74 : f Cat. X glos ; 74412 Extraits de passages du De top. diff. de Boce insrs dans la seconde rdaction des Inst. de Cassiod. ; 113-139 : Mart. Capella, Dial. (De nupt. 1. IIII) ; 140-144 : August. Princ. dial. f.

    [Ill, s. xii, p. 145 : f Ps.-Alcuin, De div. officiis f]. Paris. 7730 (Floriac.) : I, s. x, fol. 1-15 : Fortunat. Rhet. ; 15 v-19 v : August.

    Princ. dial. ; 19 v-26 v : Isag. ; 26 v-36 : Cat, X ; 36-39 v : Apul. . . [39 v : FI. Rebius, Vita Donati].

    II, s. ix, fol. 40-48 v : Boeth. Opusc, I-III, V Q) ; 48 v-54 v : Candidi et Mar. Vict. De generatione verbi div. ; etc.

    Cantabrig., Corp. Chr. Coll. 206, s. : I, fol. 1-23 : Mart. Cap. Dial (De nupt. 1. IIII). II, fol. 24-39 : Cat. X f ; 40-48 : f Apul. . . ; 49-61 :

    Isag., suivi de gloses, fol. 61-71 ; 72 : Boeth. Opusc, gloss ; 101 : Alcuin. Dial. ; 120-131 ; August. Princ. dial.

    Bamberg. Phil. 1 (J. H., IV, 16), s. x : , fol. 1-24 : Alcuin. De dial. ; 24-35 ; Isag. II, fol. 36-46 : Apul. . . ; 46-51 : Ism. Etym., II, xxix-

    xxxi (De divisione definitionum, De topicis, De oppositis). *Paris. 6288, s. x, fol. 1-3 v : Isid. Etym., II, xxii-xxvi

    [Introd., De Isag., De Cal] ; 3 v-18 : Cat. X ; 18-69 : Boeth. / In . . ; 70- 108 : II In Isag. ; 109-112 : Isid. Etym., II, xxviii, 23-xxxi [De syll. hypoth.,De divisione dfinit, De topicis, De oppositis], 112 v-126 : Alcuin. Dial. ; 126 v-127 v : Isid. Etym., II, xxvii-xxvin, 22 [De perier menus ,De syll. cat.] ; 127 vo-134 : Apul. . . ; 134-148 : Mart. Cap. Dial. (De nupt 1. IIII); 148-156: Isag.

    La divulgation tardive du commentaire de Boce sur les Catgories constitue un cas typique de la rsurgence irrgulire des diffrentes sources de la logique. De cet expos nous possdons encore un manuscrit du ixe sicle, le Monac. 6374, le plus ancien reprsentant de la seconde classe de manucrits (a). J'ai

    (*) D'aprs M. Rand, le principal reprsentant de la premire classe de mes.

    (a) Kappelmacher, Wiener Stadien, 1911, p. 337,

  • 44 . Van o vyvk

    aussi dj eu l'occasion de citer YAugiensis CLXXII,s. ix in. qui prsente dans l'ordre les trois premiers traits de VOrganon, ainsi que le Petropol., s. xi ex., originaire de Corbie, le corpus le plus spcialis des premiers sicles du Moyen-Age. Cependant, concurrenc par les at. X, - uvre suffisamment dveloppe, mais point au-dessus de l'intelligence de l'poque et rpandue par Alcuin,- ce commentaire de Boce et ce trait du Stagyrite occuprent jusqu' la fin du xe sicle une place trs l'cart par rapport aux autres traits de la Logica vtus et leurs commentaires par Boce. Jean Scot, par exemple, ne connat que le trait mis au compte d' Augustin. Mais il ne fait non plus que fort peu usage, il est vrai, de VIsag. ou du De interpr. (x). Ces traits et leurs commentaires ne commencrent se rpandre qu' partir du xe sicle.

    Notker le Lippu. En effet, mesure que le mouvement philosophique .'approfondit, on ngligea les traits de moindre importance pour les exposs du patrice. On a prtendu que la science de l'coltre le plus rudit que possda l'abbaye de Saint-Gall et dont les travaux sont antrieurs 998-1017, mais qui mourrut en 1022, fut prcisment celle que Remi d'Auxerre (f en 908) avait rpandue un sicle plus tt (2). Notker, il est vrai, donna une traduction juxtalinaire alleman-

    (x) B. Haukau, Hist, de la philosophie scolastique, '. 1(1872), p. 96, suivi par M. De Wulf, l. /., n 33, I, 10, est donc trop exclusif. J'ai dj signal la mention du catalogue de la seconde moiti du ixe sicle de la bibliothque de Reichenau ou plutt de Constance, [Bibliothekskat, t. (1918), d. P. Lehmann, p. 266, 4] : Categoriarum Aristotelis volumen I, qui peut- tre dsigne Vin Cat. Le Bern. 363, s. ix ex. (d. H. Hagen) donne quelques extraits de ce commentaire sous le titre Clodianus, De statibus (d. Halm, Rhet. lat. min., p. 590). Ont-ils t faits au vie s. ? Cependant ce ms. provient du milieu de Sdulius Scottus, qui vint Lige vers 848. Semblable ment, il renvoya Porphyre et Boc, dans la marge de ses deux mss. grecs-latins des Evangiles et des Ep. de S. Paul (Cf. Traube, Abhandl. d. bayer. Akad. d. Wiss., t. XIX, 2 (1892), p. 346 ss.) ; mais bien plus frquents dans les trois mss. sont les renvois Mart. Capella, et particulirement sa Dialectica (Ci. M. Esposito, dans Hermathena, t. XVI [Dublin, 1910), p. 71).

    (8) Ehrismann, Gesch. d. dt. Lit. bis zum Ausgange d. Mitt., t. I (Munich 1918), p. 415 Manitius, t. II, p. 697-8,

  • bEVLOPPMENT pklLOSOPttU D tAUf MOYEN AG 441

    de des uvres que parmi d'autres le vulgarisateur de l'enseignement de Jean Scot et de Heiric d'Auxerre, avait munies de gloses que notre coltre utilisa. Pour notre branche nous pouvons citer ses traductions du De cons, et des opuscules thologiques de Boce, ainsi que son adaptation du De nuptiis qui dbute par ces mots : Remi nous enseigne... . Cependant, il traduisit galement, les Catgories qui n'taient pas encore rpandus l'poque de Remi, tout comme le De inter- pretatione qui ne l'tait pas beaucoup plus. En outre, pour l'expos sommaire qu'il mle sa traduction, il utilisa les commentaires de Boce, auxquels on ne s'appliquait encore que fort peu un sicle plus tt. Nous trouvons chez Notker la premire tentative de reconstituer l'ordre et le contenu de tous les traits de VOrganon ; mais il interprte avec une originalit pleine d'ignorance les indications qu' ce sujet il emprunte aux commentaires de Boce. Notre coltre composa diffrents traits de logique ; cependant, il ignorait encore les monographies du Dernier des Romains. Il emprunta au commentaire de Boce sur les Top. de Cicron les textes qui ont quelque analogie avec le De top. diff., et la thorie des syllogismes hypothtiques qu'il donne secundum Boetium (x) provient du mme commentaire. Enfin, le ms. 830 de Saint-Gall qui prsente une copie de ces traits spcialiss, a t excut sous le disciple et successeur de Notker, Ekkehart IV, qui la pourvit de gloses.

    Gerbert. Avant la fin du xe sicle, les monographies de Boce ne sont d'ailleurs cites par aucun auteur, ni dans aucun ancien catalogue de bibliothque et nous ne possdons aucun ms. antrieur cette date. J'ai montr que l'usage que l'on fit de la doctrine du De top. diff. provient des extraits insrs aux Inst. de Cassiodore. Gerbert, l'illustre mathmaticien et futur pape Silvestre II, que les contemporains appellent le restaurateur des tudes , l'auteur le plus savant

    (x) Die Schriften Notkers, d. P. Piper, t. 1 (1883, 2e d. 1895), p. 605. Cf. A. Naaber, Die Quellen . Notkers Boethius de cons. ph. Inaug.-Diss, Leipzig., 1911, p. 55-63,

  • 442 . Van bfe vyver

    aprs Boce * et dont l'ardeur se procurer des ouvrages remarquables ne s'arrtait devant aucune science de son temps, ni aucun genre littraire de l'antiquit (x), est le premier que nous sachions, qui ait enseign Reims, entre 972 et 991, tous les traits de la Logica vtus d'aprs les commentaires de Boce, ainsi que sa Dialectica (c'est--dire ses monographies). Son lve Richer lui en fait d'ailleurs un titre de gloire et va jusqu' numrer, comme une chose trs remarquable, ces divers traits suivant l'ordre dans lequel Gerbert les expliquait (2) : D ia lect icam ergo o r dine lib r or um er c ur- r ens, dilucidis sententiarum verbis enodavit. In primis enim r h y r ii y s a g g a s, id est introductiones, s ecun- dum Victorini rhetoris translationem [=Boeth., I In Isag.J, inde etiam eiusdem s ecundum M anlium [Boe- thium] explanavit, Cathegoriarum, id est praedicamen- torum librum Aristotelis consequenter enucleans ; e r i e r - me nias vero, id est de interpretatione librum cuius laboris sit aptissime monstravit ; inde etiam to i c a, id est argumen- torum sedes, a Tullio de graeco in latinum translata et a M an- lio co su l e sex commentariorum libris di l u ci da t a suis auditoribus intimavit, necnon et quattuor de topicis differentiis libros, de sillo g is mis cathegori- cis duos, de ypotheticis tres, diffinitionum- que librum unum, divionum aeque unum utiliter legit et expressif. Si en 996-998 Richer ne mentionne pas les Cat. X, ni aucun de ces traits ou extraits de moindre importance, mais qui taient trs rpandus dans les recueils dont nous avons analys la composition, c'est sans doute que pour cette double

    (1) Francon de Lige, De quadratara circuit (an. 1036-56), d. Winterberg, Zeitschr. f. Math. u. Physik, t. XXVII (1882), Abh. z. Gesch. d. Math., p. 143 ; studiorum reparator Gerbertus ; Annales Virdunenses, Mon, Germ, hist, SS., t. IV, p. 8 : multa studia velerum philosophorum renovavit, post Boetium apud Latinos insignis habitus. Gerbert, Lettres, d. J. Havet, ep. 130, ou d. N. Bubnov, Gerb. op. math. Berlin, 1899, p. 103, 9.

    (2) Hist. L IV, Mon. Germ, hist, SS., t. Ill, p. 617 (cf. cependant c. 45).

  • DEVELOPPEMENT PHILOSOPHIQUE DU HAUT MOYEN AGE 443

    raison ils ne valaient pas la peine de les citer. Notker, par contre, y avait frquemment recours et en particulier pour l'tude des syllogismes catgoriques, il tait rduit au De nuptiis. Certes, il dpassa la science de Remi d'Auxerre, mais il n'atteignit point celle que Gerbert avait rpandue Reims quelques annes auparavant. C'est un exemple frappant de la supriorit que les coles cathdrales possdaient cette poque sur les centres monastiques les plus dvelopps et mme sur une grande abbaye d'Empire comme Saint-Gall qui tait alors son apoge et tait bien situe prs de la route de Rhin.

    Les corpus des monographies de Boce. Notre tradition des monographies de Boce forme un ensemble que le vir clarissimus et spectabilis Martius Novatus Renatus runit Constantinople entre 522 et 526. Vraisemblablement il y accompagna son ami le pape Jean Ier (x) auquel, tant encore diacre, Boce avait ddi la plupart de ses opuscules thologiques lors de la mission auprs de l'empereur Justin que le roi ostrogoth avait impose au pontife, alors que le patrice tait dj excut (2). L'anonyme qui corrigea notre archtype d'aprs le codex de Renatus, nous apprend que ce ms. avait t copi par le calligraphe Theodorus, l'lve de Priscien, qui peu de temps aprs transcrivit la Grammaire de son matre. Priscien lui-mme, comme on sait, avait t en relations avec Symmaque, l'ducateur et le beau-pre de Boce, lorsque le chef du Snat tait venu Constantinople. Il lui avait adress cette occasion quelques-uns de ses ouvrages avec une ddicace des plus logieuses. Renatus ne semble avoir rvis que le De topicis differentiis. Il le plaa en tte de cet ensemble, sans doute comme le dernier ouvrage de Boce, qui devait intresser

    (*) Cf. le dbut de la lettre de Jean diacre au snateur Senarius, Patrol, lat, t LXV, col. 399.

    (8) Dans cette esquisse il ne saurait tre question de fournir la preuve de chacune de ces allgations ; je la Yemets pour mon tude sur la Vie, l'uvre et la Tradition de Boce. Ces rapprochements apportent une preuve historique de l'authenticit des opuscules thologiques.

    P, B, Ph, et H, 29,

  • 444 . VN DE VYVft

    davantage en raison de ses attaches avec la rhtorique (*). Notre tradition, d'ailleurs, se prsente sous une forme dj contamine. Aprs le De diuisione, qui vient en deuxime lieu, on trouve quatre courts extraits aux titre baroques. Trois d'entre eux sont tirs peu prs des mmes passages du De topicis differentiis, mais plus ou moins remanis, que ceux qui ont t insrs aux Instit. de Cassiodore. Comme cette interpolation, ils datent vraisemblablement du vie sicle. En outre, la seconde rdaction que Boce avait entreprise du premier livre de son tude sur les syllogismes catgoriques (2), que les ditions appellent Introductio ad categoricos syllogismos, a t intitule Antepredicamenta. J'y reconnais la traduction barbare de , dnomination par laquelle dans sa prface Boce caractrise ce genre de compositions. Par contre, dans les manuscrits le De categoiicis syllogismis, qui fait suite au remaniement de son premier livre, porte trs exactement le titre Introductio in categoricos syllogismos. C'tait aussi celui du trait de Porphyre que Boce mit en latin (3). Contrairement aux ditions (4), le De hypotheticis syllogismis est divis en trois livres. Enfin, cet ensemble est prcd d'une table du contenu et dans le Floriacensis il se termine par la suscription du reviseur anonyme que j'ai cit plus haut.

    Les manuscrits conservs tmoignent qu'aux dernires annes du xe sicle et au dbut du xie sicle les monographies taient assez rpandues (Mont-Cassin, Fleury, Frisingue, Char-

    (x) Ce trait a t souvent copi la suite du De inventione de Cicron, la plupart du temps accompagn de la Rhtorique Herennius.

    (2) Je dois M. le Prof. J. Bidez cette explication du caractre bizarre de ce trait.

    (3) J. Bidez, Boce et Porphyre, I.I., p. 198. (4) Je signalerai que l'dition vulgate des uvres compltes de Boce,

    Ble, 1546, ap. Henrichum Petrum (rdition corrige en 1570), reproduit pour les matires de logique le texte de l'dition de Martianus Rota, Boethi Dialectica, Venetiis ap. Juntas, 1543, sauf en ce qui concerne la traduction de la Logica nova, qu'elle fut la premire des ditions des uvres de Boce mettre son compte dans le texte remani de la traduction en usage chez tous les scolastiques, qui avait dj t attribu Boce dans les ditions de l'Organon latin, et d'abord par H, Estienne en 1503,

  • bEVELOPPEMENT PHILOSOPHIQUE DU HAUT MOYEN AGE 445

    tres, Saint-Amand, Cluny, Saint-Emmeram de Ratisbonne, Saint-Gall). Dans ces anciennes copies, elles figurent parmi d'autres uvres de logique la plupart du temps des commentaires de Boce, plutt que des traits de moindre importance, en vogue durant l'poque prcdente , mais qui ne sont pas encore disposes dans l'ordre logique ou didactique ; parfois elles apparaissent isolment. Dans la liste qui suit, je reprsente par un tiret( ) l'ensemble des monographies :

    *Floriac. [Aurelian. 267 et Paris, n. a. 1611], s. xi in.

    Gasin. 191, s. x-xi. Paris, n. a. 1478 (Clu-

    niac), s. xi in. Monac. 6370 (Frising.), s.

    x-xi. Monac. 6371 (Frising.), s.

    x-xi. Monac. 6372 (Frising.), a.

    992-1005. *Valentian.4O6 (S^-Amand),

    s. xi. Monac. 14272 (

    s. x-xi.

    Sangall. 830 (Ekkehart IV) S. XI.

    Sangall.Vadianus 313, s. x. Gamut. 74 (Chapitre), s.

    ex.

    Bern. 300 (Sorbonna), s. xi ex.

    Boeth. II In Isag. ; ; Cic. Top., Somnium Scipio- nis ; Isag.

    f ;[lib. 77US De cat. syll.]. Boeth. De cons. ; f.

    -f

    -f-

    -t

    [Boeth. In Cic.Top., s. xn] ; Ps.-Apul. 77. . ;

    [Boeth. De inst. mus.] ; Cic. De inv. ; Boeth. In Cic. Top. ; j ; Mar. Victorin. De definitionibus ; [varia music, arithm., etc.].

    Boeth. II In 77. . ; Cic. Top. ; Ps. -boeth. geometr. ; .

    Rhet. ad Herennium ; f . f ; Ps. -Apul. 77. . ;

    Mar. Vict. De dfinit. ; Cat. X; [s.xirf- fj.

    f ; Ps.-Apul. 77. . ; Cat ; Mar. Vict. De dfinit

  • 446 . VAN O VYVfi

    Paris 12959, s. xi. ; [Geoffroy de Vendme, Super Psalmos, s. xn].

    *Paris. 6400 G, s. xii. . *Brux. 5439-43 [2939 Cat.] Boeth. In Cat. ; .

    (Gemblac), s. xii. Carolop. [Charleville] 187 Arist. Cat. ; August.

    (ab. de Signy [Ardennes]), s. Princ. dial. ; Boeth. Opusc. xii ex. sacra ; f-

    Gassel Fuld. philol. 4, 3, Cic. De invent. ; f. s. xi-xii. *Leid. B. P. L. 84, s. xi. ; Alc. De dial.

    Les corpus complets de la Logica vetus des XIe et XIIe sicles. On en vint bientt faire prcder ces tudes spcialises qui constituaient un succdan de la seconde partie de YOrganon, des traits de la Logica vetus. Toujours les premiers, les manuscrits de Chartres, justifiant ainsi la renomme de cette brillante cole (x) qui continuait la tradition de Gerbert et ne fut clipse par l'enseignement Paris qu' partir de la seconde moiti du xne sicle, si l'on excepte Ablard, nous prsentent dans le *Carnut. 100, s. xi, le type achev et prcoce de corpus runissant les traits fondamentaux de logique, mais dans un ordre didactique encore imparfait : Isag. ; Cat. ; Cat. ; ViCT. De dfinit. ; Cic. Top. ; De interpr. ; Ps.-Apul. . . ; Boeth. De top. diff., extraits, Antepredicamenta, De div. ; Gerbert, De ratione uti ; Boeth. Introd. in cat. syll., De hyp. syll. Ce ms., en effet, accorde encore une place peu convenable au De dfinit, et aux Cic. Top., et dplace le De div., en mme temps qu'il introduit parmi les monographies de Boce le trait du matre de Fulbert de Chartres. On aura remarqu dans la liste que je viens de dresser, son prdcesseur du xe sicle, qui fut des premiers joindre le De definitionibus de Marius Victorinus mais qui allait sous le nom de Boce cet ensemble et aux text-books lmentaires en usage cette poque. C'est aussi YHeptateuchon de Thierry de Chartres

    i1) Cf. A. Clerval, Les coles de Chartres au Moyen-Age, Paris, 1895.

  • DVELOPPEMENT PHILOSOPHIQUE DU HAUT MOYEH AGE 447

    (Carnut. 497-8), runissant les principaux manuels des sept arts libraux, qui le premier, vers 1140, prsenta la traduction de la Logica nova (sauf les II Anal.), mais disposa les traits dans un ordre aussi strictement logique que profondment modifi. Il accorde la premire place la Logique d'Aristote : Isag. ; Arist. Cat., De interpr., Anal. I, Top., Soph. Elench. ; Boeth. Introd. ad cat. syll., De cat. syll ; Ps.-Apul. 77. . Boeth. De hyp. syll. ; Cig. Top. ; Boeth. De top. diff. , De div. ; Mar. Vict. De dfinit.

    Entre ces trois corpus-types de la fin du xe,du xie, et du xiie sicle, mais de composition savante, se place la masse des manuscrits aux innovations plus tardives et aux caractristiques moins accentues. On y distingue, par exemple, comment le De dfinit., qui d'abord fut seulement rapproch des monographies parmi les autres traits qui les accompagnent souvent (Monac. 14272, *Bern. 300, *Carnut. 74, *Carnut. 100 [cf. sup.], Hafniens. Thott 166 (167-8) [d'origine franaise], s. x[xi?], Vindob. 2269, s. xm), occupa par la suite la place qui logiquement lui revient aprs le De div. (*Leid., s. xi ; *Brux., s. xii [cf. sup.] ; Monac. 14819 (Emm.), s. xii ; Vatic, lat. 8591, s. xi ; Laurent. S. Marci 166, s. xn-xiii ; *Pam.64OO E, s. xm ; comme dans YHeptateuchon). Dans le *Floriac. que j'ai plac en tte de ma liste de mss.des monographies , le trait de Victorin a mme t insr aprs coup au mme, endroit. Il y est suivi d'extraits d'une compilation sur les syllogismes que j'ai retrouve au complet dans d'autres mss. de Fleury. C'est sans doute l'auteur de celle-ci, qui complta de cette faon ce ms. qui a le mieux conserv les notes de collation de Renatus, mais crites de seconde main. Ainsi, des centres importants adaptaient leurs recueils aux traditions locales (cf. le trait de Gerbert dans le Carnut. 100). D'autre part, les manuscrits de la seconde moiti du xie et du xiie sicle qui la plupart du temps ne possdent dj plus la table du contenu, ni les notes de collation de Renatus, ni les titulatures exactes de Boce dans les titres des traits,se dbarrassrent des quatre extraits barbares du De top. diff. (*Leid., s. xi ; *Bern., s. xi ex. ; Erlang. 579 [d'origine franaise], s. xn-xiii), puis

  • A, VAN DE VYVER

    aussi des Anteprdicamenta (VJntrod. ad cat. syll. des ditions), la seconde rdaction du premier livre du De categ. syllog., qui n'en paraissait former qu'un doublet (*Paris, 12959, s. ix ; Vatic. Ottob. 1406 (Casin.), s. xi ex. ; *Turon. 676, s. xn ex. ; Marcian. Venet. lat. 273, s. xm ; *Paris. 6400 E, s. xm ; *Paris. Arsenal, 811 (de provenance italienne), s. xm, [De div. aprs Cat.] ; Vat. Rossian. 537, s. xn in. (Italie du Nord) ; *Aurelian. 265 (Floriac), s. xm ; Vindob. 2488, s. xm [ces quatre derniers manuscrits sont incomplets]). Comme les matres de Fleury avaient rajeuni le Floriac. en y introduisant le De dfinit., ils adaptrent aussi aux progrs des tudes, sa copie, le Vatic, lat. 8591, s. xi. Ce ms. n'est autre que le codex romain dcrit par le card. Mai (*), mais qui depuis avait t recherch en vain. Runissant la Logica vtus aux monographies, il nglige les traits lmentaires que le Carnut. 100 avait encore conservs (Cat. X, Ps. Apul. . .) (2). De plus, il a refoul les extraits (I et II) et les Anteprdicamenta (ceux-ci seuls dans le Laurent. S. Marci, s. xn-xiii), comme du dchet, la suite des monographies. Il a mme pouss plus loin l'ordre didactique, en dplaant le De div. et De dfinit, aprs le De hyp syll., le De top. diff. continuant faire suite aux Top. de Cic- ron, rangs aprs les traits du Stagyrite. Les traits taient donc disposs de cette faon : Isag., Cat., De inter pr. ; Cic. Top. ; Boeth. De top. diff., De cat. syll., De hyp. syll, De div. ; Mar. Victor., De dfinit. ; (extraits I-II, Anteprdicamenta). Cette disposition, que Gerbert avait dj adopte (3), se retrouve dans tous les mss. plus rcents que je viens de citer la suite du Paris. 12959, s. xi, qui ne prsente pas encore la Logica vtus en avant de la Dialectica Boethii. Seulement, le Turon. possde l'ancien agencement des monographies et les mss, italiens (Vat. Ottob., Marc. Ven., Paris. Arsenal) ignorent le De dfinit (4).

    (1) Class. Auct, t. Ill (1831), p. 317 = Patrol, lat, t. LXIV, col. 1217-8. (2) Cf. sup. p. 446. (3) Voir plus haut, p. 442, le texte de Richer. (4) Cf. ma notice Un Travail de Philologie lat. mdivale, dans cette

    Revue, 1928, p. 1762.

  • DVELOPPEMENT PHILOSOPHIQUE DU HAUT MOYEN AGE 449

    Des corpus runissent mme les commentaires de Boce aux traits de la Logica velus et aux monographies. Ils comprennent ainsi cet ensemble de text-books que Gerbert exposait dj. Je ne citerai en exemple que les trois *Paris., s. xi in , 11129 : / In Isag., Isag., II In Isag., In Cat, Cat. X ; 11127, I (fol. 1-63) : In . ., De interpr., Apul. . ., varia (sur fin de quaternion) ; 11128 : // In . ; [ms. des Cic. Top. et Boeth. In Cic. Top. perdu?] ; 11127, II (fol. 64 et suiv.) : les monographies et varia.

    On peut parfois saisir sur le vif la confection de ces corpus de logique, comme dans le manuscrit 'Avranches 229 (Mont Saint-Michel), s. x-xi (*), o Yincipit, seul ^conserv : Marii Victorini de XV spetiebus deffinitionum, est rest attach Vexplicit du / In Isag. de Boce. Le trait de Victorin avait t attir, sans doute, la suite de ce commentaire par les considrations que Boce y dveloppe, p. 19, 19 ss., sur l'importance que prsentent les prdicables pour tablir les dfinitions. Le copiste aura nglig ce trait pour runir les trois commentaires lmentaires de Boce sur la Logica vtus.

    Cet ensemble de la Logica vtus et des monographies fut ainsi expos et comment, et non plus, comme aux sicles prcdents, simplement glos dans les termes des commentaires de Boce. Un groupe de ces exposs de la premire moiti du xiie sicle, qui refltent fortement la querelle des Universaux, est conserv dans un manuscrit de Fleury, Y*Aurelian. 266, s. xn. II prsente entre autres le De generibus et speciebus, attribu Joscelin, v. de Soissons de 1125 1151. Ce trait figure encore dans le Paris. 13368 (Saint-Germain 1310), s. xin, entre les exposs du Ps.-Rhaban sur Ylsag. et le De interpr., qui supposent les commentaires d'Ablard, et les Petites gloses , par lesquelles le philosophe de Palet dbuta dans l'interprtation de ces text-books classiques (2). On en a dj rapproch

    (*) Signal par S. Brandt, Philologue, t. LXII (1903), p. 623 ; cf. son d. des In Isag. de Boce dans le Corpus de Vienne, t. XLVIII (1906), p. XLII.

    (2) B. Geyer, dans Ueberweg, t. II (1928), p, 145-146, 209, 211-213 180, 215-216.

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    les exposs du Monac. 14779 (Frising.) et du Sangall. 833, s. xiii [ ?] i1). La Dialectica d'Ablard n'est d'ailleurs qu'une pareille laboration, mais la plus acheve de son triple cycle d'exposs. L'auteur s'y montre bien plus original que Boce dans l'adaptation latine de ses sources grecques. Seulement, pour des raisons qui lui sont propres, Ablard dveloppe la thorie des topiques (suivant Cicron et le De top. diff.) entre l'tude des syllogismes catgoriques et hypothtiques ; mais comme Gerbert, les manuscrits runissant la Logica vtus et les monographies, de mme que toutes les logiques postrieures, il tudie le De div. et le De def. la fin de cet ensemble.

    Les corpus de Organon latin des XIIIe et XIVe sicles. A partir du xme sicle, la Dialectique de Boce ne fut plus que rarement copie. Dans les corpus de logique, les Analytiques, Topiques et Rfut. sophist., traduits au sicle prcdent, avaient pris - la place de ces traits de Boce sur les syllogismes qui les avaient si longtemps remplacs (2). Seuls le De dwisione, trs apprci au Moyen-Age (3), et le De topicis differentiis, dont nous avons constat la vqgue dans des extraits ds avant sa rapparition, auxquels vint se joindre le Liber sex principio- rum de Gilbert de la Porre, qui tudie les Postprdicaments, furent insrs entre (la traduction de Boce de) la logique ancienne et la nouvelle. L'ordre des traits tait donc le suivant : Isag., Cat., De interpr., Lib. 6 princ, De div., De top. diff., Top., Soph, elench., Anal. I et II. Dans le second groupe, plus rcent ce qu'il semble, de ces corpus de YOrganon latin, trs nombreux au xine et au xive sicle (4), les Anal, occupent la place qui leur revient, avant les Top. D'autre part, la logica modernorum se

    (!) Brandt, d. In Isag., p. lxvi et suiv. (2) Cependant, comme l'Heptateuchon, V Antonianus [Padua], Scaff.

    XXII, 553, s.xrv',et le Brit. Mus. Burn. 275, s.xiv (1118 pp., ayant appartenu Grg. XI, puis offert par l'antipape Clment VII au duc Jean de Berry) runissent les monographies VOrganon latin.

    (3) Cf. Jo. Saresberiensis, Metal., Ill, 9 (Patrol, lat., t. CXCIX, col. 72). (4) M. Haskins, o. c, sup. p. 426, . 1, p. 282, . 27, assure, que malgr

    les affirmations contraires des catalogues,nous ne possdons aucune copie plus ancienne, sauf celle de l'Heptateuchon.

  • DVELOPPEMENT PHILOSOPHIQUE DU HAUT MOYEN AGE 451

    fraya bientt un chemin et l'on tudia la thorie des syllogismes dans de nouveaux manuels, telles les Summulae logicales de Petrus Hispanus. En outre, ds le dbut du xme sicle, on put se porter vers la Mtaphysique et les autres traits d'Aristote, qui venaient d'tre mis en latin. Les anciennes copis de la Dialectique de Boce taient, d'ailleurs, nombreuses.

    Comme nagure la Logica vtus et la Dialectica Boethii, cet ensemble de VOrganon mdival fut videmment comment dans les coles (x). C'est ainsi qu'Albert le Grand paraphrasa galement, outre les traits du Stagyrite, le Lib. sex princ. et le De divisione. Il semble que ce commentaire du trait de Boce fut la dernire uvre philosophique du grand initiateur (?) Mme lors de la Renaissance, ces corpus du xme sicle furent intgralement reproduits par les premires ditions de YOr- ganon latin.

    Conclusion. D'aprs la rsurgence successive des sources de l'tude de la logique qui conditionnent le dveloppement philosophique du Haut Moyen- Age, on peut y reconnatre des tapes plus nombreuses que Prantl n'a cru. Ces diffrentes phases ne sont pas toutes aussi bien tranches, il est vrai, que celles qui s'ouvrent avec l'introduction de la seconde partie de YOrganon (3) ou des autres traits d'Aristote. Mme en ngligeant les nuances, on pourra cependant distinguer :

    I. viie et vme sicles. Priode alogique. Rgne des Etym. d'Isidore, qui utilise Cassiodore,Mart. Capella, les Cat.X.

    II. ixe et xe sicles. Outre les encyclopdies d'Isidore,

    (x) Sur la technique de cet expos chez Nie. de Paris (xine sicle), le collgue de Jean de Garlande, voir l'tude de M. Grabmann, dans les Beitrge, Supplementband II (1923), p. 119-130, rimpr. dans son recueil, Mittelalterl. Geistesleben, Munich, 1926, p. 222-248.

    (2) d. P. de Lo, Bonn, 1913 ; cf. Philos. Jahrbuch, 1914, p. 223 (cf. p. 437-440). Cf. Denifle et Chtelain, Chartul. Univ. Paris, t. I (1889), p. 228 et 278.

    (8) Quoique Ablard semble en avoir eu quelque connaissance, Cf. B. Gever, dans Phlos. Jahrbuch, 917, p. 27 et suiv.

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    de Cassiodore et de Martianus Capella, premire utilisation par Alcuin (fin du vine sicle) et Jean Scot (deuxime moiti du ixe s.) de VIsag., du De interpret., et des Cic. Top., avec les commentaires de Boce. Depuis la fin du ixe s., des recueils amorphes de traits lmentaires, objets de gloses, d'abord l'cole de Jean Scot : Alcuin. De dial. ; Boce, opuscules thologiques : August. Princ. dial. ; Cat. ; Ps.-Apul. 77. . Les commentaires de Boce se rpandent au dbut du xe sicle. Ses monographies et Y In Cat. hors d'usage.

    III. xie sicle et surtout premire moiti du xiie. Usage prdominant des commentaires et des monographies de Boce depuis Gerbert (fin du xe sicle). Corpus des traits de la Logica vtus suivie de la Dialectica Boethii. Exposs de ces uvres, par exemple, par Ablard.

    IV. Seconde moiti du xne sicle. Usage de la Logica nova. Corpus de VOrganon latin et annexes, conservs partir du xiiie sicle. Recul des monographies de Boce sur les syllogismes.

    V. Aux toutes premires annes du xnie sicle, peut-tre la fin du xne, se rpandent les traductions de la Mtaphysique et des principaux traits d'Aristote bientt sembla- blement codifis en des ensembles stables et d'uvres noplatoniciennes. Influence des commentateurs arabes et Logica modernorum (Petrus Hispanus).

    Gand. .. van de Vyver.

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