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Les conférences du musée Guimet. Le théatre et la condition des acteurs au japonSource: T'oung Pao, Second Series, Vol. 1, No. 1 (1900), pp. 63-66Published by: BRILLStable URL: http://www.jstor.org/stable/4525437 .
Accessed: 23/09/2013 05:19
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VARIETES.
LES CONFERENCES DU MUSEE GUIMET.
LE THEATRE ET LA CONDITION DES ACTEURS AU JAPON.
Le musee Guimet n'est pas seulement une porte ouverte sur la pensee reli- gieuse et sur I'art de l'Extreme-Orient. II est egaleinent devenu, grace ih l'ac- tivite toujours en eveil de celui qui le fonda, une petite Sorbonne oiu les mal-
tres les plus qualifies, dans des conf6- rences qui se renouvellent cliaque di-
manche, emettent sur les questions d'art
antique, d'art oriental, d'histoire asiati- que, des apergus aussi varies quie per-
sonnels. Dans ces conferences, ou des profes-
seurs a la Faculte des lettres et h 1'Ecole du Louvre alternent avec les orienta- listes, les voyageurs de marque et les
conservateurs du Musee, on nous a na-
guere entretenus de la Core'e, des colo- nies de l'ancienne Egypte, de la con- dition des femmes dans l'Inde. M. Des-
hayes, dans une derniere causerie, vient
de nous renseigner, avec images I l'ap-
pui, sur' i'histoire du theatre au Japon,
sur la vie privee des acteurs, sur l'edu-
cation qu'ils regoivent, stlr l'envers aussi
de la scene et sur les trucs qui cou-
t amment s'y emnploient. Nous avons
glane dans cette conf6rence et recuejili, parrni les details inedits qu'elle conte- niait, ceux que nous avons juge's le plus capables de piquer la curiosite de nios lecteurs.
Dans ce pays, oiu les fagons de voir et de penser sont si diff6rentes des notres, le theatre a revetu des formes non moins caracteristiques et qui sont I'antithbese des notres. Ses oiigines ont
ete surtout litteraires: il a menti a ses origines.
Quand il prit definitivement forme, au dix-septierme siecle, il etait devenu pour les hautes classes un regal qui obligeait les auteurs a une certaine recherche. I1 tournait, dans les derDnieres annees du siecle, a un art dejtraffin6, lorsqu'une ordonnance shogounale, pour eviter sans doute entre les spectateurs toute querelle a main armee, leur in- terdit d'entrer avec leur sabre au then.- tre. Considerant que l'obligation de se defaire de leurs armes portait atteinte h leur honneur, les Samourals aimerent mieux se priver de leur plaisir favori
que de dechoir. Et, des lors, devenu
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populaire, le theatre changea d'accent. II prit le ton, non plus des classes
cultivees, nmais de lafoule. Continuant, comme par le passe, de mettre en relief les giands exemples connus de loyaute, de fidelite, de justice ou de piete filiale, il cessa de les exprimer sous la forme
toujouirs mesuree d'autrefois: il en enfla
demesurement le caractere, il en poussa
jusqu'a la dernence les traits. Les heros
qu'il avait exaltes firent place a des
caricatures grossieres de heros, et d'in- formes parodies se substituerent, dans
l'expression des sentiments les plus no-
bles, aux peintures etudiees et vraies de la periode anterieure.
On ne connut desormais qu'une forme de theatre, le drame, et quel diame! A la foule, avide d'emotions violentes, on servit la pature qu'elle aimait, des
conspirations, des duels, des bandits, des scenes de carnage, d'atroces ven- dettas, des suicides par honneur et des suicides d'amour, toute la lyre. Et comme les auteurs, de gene'ation en
g6neration, rencherissaient les uns sur les autres, on en vint, h la fin du siecle
dernier, a ne plus admettie quoi que ce fuit d'humain sllr' la scene. La pein- ture de la vie devint une charge epi- leptique de la vie. La mise en scene
elle-mArne se compliqua et se perfec- tionna dans le meme sens. On n'avait
employe jusqu'alors, pour sirnuler le sang qui coulait des blessures, que des
papiers ou des laines de couleur; on se servit des lors d'un liquide enfernie dans des sacs de papier. Du sac, dechire d'un coup de sabre, le liquide giclait, la foule etait ravie.
Pour la iavir encore davantago, on
multiplia, on reproduisit au naturel les
genres les plus horribles de torture.
Un des plus goute's fut la crucifixion. Les spasmes de la victim-rae pendue, la tete en bas, mettaient le bon public
en delire. 11 ne deplaisait pas non plus c ce public de voir couper des bras ou
arracher des yeux sllr la scene.
Les acteurs s'essayaient en meme temps, par tous les artifices possibles, i attirer stir eux l'attention. Quand le premier role faisait son ent-ee, un com- parse, dans la coulisse, frappait le sol avec des morceaux de bois tailles en forme de pieds pouIr accentuer la mar-
che de J'acteur, et l'acteur, une fois
nmle a l'action, remplagait les gestes
naturels par iine mimique d'autant plus
expressive quie son role etait plus im-
portant. Pour donner aux contractions
du visage un accent que la nature ne
pouvait donner a elle seule, l'artiste
prit des lors I'liabituLde des plus hideux
maquillages. II se balafra les joues et le front de vert et de r ouge. Ainsi
defigure, it convulsa ses yeux, it tordit
ses traits en grimaces laborieusement
etudi6es, preparees avee un soin minu-
tieux. On conte que Yamanaka Heikouro,
composant chez lui un role de demon,
s'etait fait une tete si affreuse que sa
femme, rentrant 'a l'improviste, le prit pour un demon ve6itable et mourutde
frayeur.
Mais l'acteur n'eut vraimenttousses
moyens que le jour oiu il joignit a ces menues gentillesses la pratique de l'acr o- batie et la connaissance approfondiede la lutte. Jusque-l'a il ne s'etait entiaine qu'a l'escrime pour les combats au sabre: precurseur desormais de Marseille jeune,
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VA RIETES. 65
defiant par avance Charlemont, rivali-
sant avec les Hanlon-Lee, il s'iinitia aux
myst'eres du chausson, cultiva la savate et la boxe, erigea la main plate en systeme, fit dui saut perilleux un usage constant. 11 ne lui manquait plus, pour
atteindre 'a la perfection ideale, que le prestige de l'equitation. II parvint h force d'etude a se l'offrir.
Son cheval ne fut point, par malheuir, un vrai cheval. Tous les animaux sans
doute, sont appeles a figurer, au Japon,
sur' la scene. Le lion et l'ours, le bceuf et le renard, la grenouille, le tigre et le blaireau jouent leur role, comme le
cheval, dans les draines melanges de
feerie qu'on y donne, mais ce ne sont que des 'a peu pres d'animaux. Lesouci de l'imitation litt6rale n'est alle, pouIr
ces fieres cadets de l'homme, qu'a de
vagues ressemblances fournies par des carcasses de bois, recouvertes en etoffe ou en peau et danslesquelleslesjeunes sujets de la troupe s'introduisent. II n'en faut qu'un pour la grenouille et le blaireau; les grands quadr upedes, comme le cheval ou le tigre, en veu- lent deux.
On ne se contenta pas de la repre- sentation de l'animal. Dans la liste, que nous a enum6re'e M. Deshayes, des types consacre's au theatre, les etres fantastiquies abondent. Les plus nombireux sont les spectres: il en est
de tout aspect et de toute forme. Les
plus originaux sont le chien A forme
humaine et l'homme possede par le
renard. On a menie tiouve le moyen de donnei- au public une idee de l'hme maontant au ciel. Elle est figuree par une
boule qui s'eleve lentement vers le toit.
Passons h la condition des acteurs.
Recrutes darns la lie du peuple, ils etaient jadis mepiises.
On les tenait a part, on surveillait
etroitement leur conduite, on leur de- fendait mtme de se promener ' visage decouvert. II leur fallait, avant de sor-
til, se coiffer d'une maniere de casque ou le visage s'emboftait comme la tete, et que perpaient a la hauteurdesyeux deux trious ronds. Peu h peu leur situa- tion s'ameliora; on les laissa jouir de plus de liberte; leur consideration en rnAme temps s'augmenta. Ils constituent encore aujourd'hui une caste ferm6e, composee d'un certain nombre de fa- milies oiu l'on se traiusmet religieuse- ment, d'age en hge, quelques secrets, fort precieux sans doute, de metier. Chaque famille a ses armoiries distinc- tives.
I1 n'y a, au Japon, que des acteurs, point d'actrices, ou du moins, si l'actrice existe, elle ne joue que sui' des scenes speciales, et fort rares. Dans les trou-
pes ordinaires, les roles de femmes sont tenus par des hommes, et les acteurs qui jouent ces s(ortes de roles occupent dans leur corporation le premrlier rang, Ils jouissent meme de privileges appr&e- cies. On les piepare, des I'age le plus tendre, a leur emploi futur en les ele- vant au milieu d'un cercle de femmes dont on leun fait prendre le costume, qu'ils garderont plus tard, merne dans
la vie privee. Les acteurs sont fort bien payes.
Itchikawa Dandjour o IX", le pltis celebre des acteurs de ce tein,ps-ci, gagne en- viron 5,000 yens, (le yen vaut de '2 fr. 60 a 3 firancs), polll' une seie de represen-
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tations qui ne dure pas plus de deux i trois semaines. Les acteurs de second
et de troisieme ordre touchent des som- mes assurement inferieures, mais tres respectables encore, et leurs emoluments, a tous, sont notablement augmentes
par les cadeaux qu'ils ont l'habitude de recevoir des nombreux amateurs de
theatre. De tout temps, en effet, l'en-
thousiame qu'ils ont excite s'est traduit
par des dons en argent. De tout temps
aussi, les grands dessinateurs ont trouve un serieux benefice 'a reproduire en
estampes leurs traits. Meme la mort de certains artistes a
ete pour le Japon tout entier un deuil
public, et l'Anglais Mitfot'd a conte
qu'en 1833, loisque Bando Shouka et
Seigawa Roko, qui tenaient des roles de femmes, disparurent, ce fut une consternation dans Yeddo. (Si, dit-il, on avait demande, pour les rappeler a la vie, un million de yens, rien n'e'ut ete plus aise que de les trouver)). II en serait de mieme auijourd'hui pour Dandjouro IXe, Kikougoro, Foukouske ou Sadandji. Ce sont des demi-dieux dont le pouvoir n'a rien d'ephemere, dont la r eligion ne comptera jamais d'incredules. Tout un peuple de de'vots sera suspendu, tant qu'ils vivront, 'a leurs levres.
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