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Les arts vivants au Moyen Âge Reg’ARTS croisés : Coup de théâtre au Château de Tiffauges 1 Musique et chant 1 La musique Les instruments de musique, bien que très présents dans les spectacles et les fêtes du Moyen Âge, servent surtout d’accompagnement. Dès le haut Moyen Âge, les jongleurs dansent avec des instruments de musique notamment des cymbales. Plus tard, on retrouve des sonnailles, petites cloches que les danseurs de moresque portent aux jambes ou aux bras. A partir du XIIe siècle, la cornemuse apparaît dans les représentation pour faire danser un autre jongleur ou un groupe de personnes. Au XIIIe siècle, l’ensemble tabor-flute (tambour et flûte) se propage, introduisant la percussion dans la musique à danser et donnant le nom de « taboureur » aux musiciens. Les fêtes qui rythment la vie de l’homme médiéval s’animent des différents arts vivants qui se développent au cours des XIIIe, XIVe et XVe siècles et s’imbriquent les uns aux autres. Ainsi, la danse, le théâtre, les jongleries qui distraient le public, s’entremêlent avec la musique et le chant, pour se compléter et s’accompagner. Un ensemble tabor-flute accompagnant une fresque paysanne Plaeyerwater (détail), Pieter Balten, vers 1540-1598, Theater Institut, Amsterdam La musique se développe à partir du XIIIe siècle. Le Tractatus de musica, de Jérôme de Moravie indique les instruments de musique qui servaient à accompagner les danses, principalement le luth et la vièle à archet. Cette dernière est également utilisée pour chanter ou conter. Cornemuse Restitution d’après un claveau (XIIIe siècle) de l’église de Vouvant Abbaye de Nieul-sur-l’Autise Vièle à archet Restitution d’après un modillon (XIIe siècle) de l’église de Maillezais Abbaye de Nieul-sur-l’Autise

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Les arts vivants au Moyen Âge

Reg’ARTS croisés : Coup de théâtre au Château de Tiffauges

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Musique et chant

1 La musique

Les instruments de musique, bien que très présents dans les spectacles et les fêtes du Moyen Âge, servent surtout d’accompagnement .

Dès le haut Moyen Âge, les jongleurs dansent avec des instruments de musique notamment des cymbales. Plus tard, on retrouve des sonnailles , petites cloches que les danseurs de moresque portent aux jambes ou aux bras.

A partir du XIIe siècle, la cornemuse apparaît dans les représentation pour faire danser un autre jongleur ou un groupe de personnes.

Au XIIIe siècle, l’ensemble tabor-flute (tambour et flûte) se propage, introduisant la percussion dans la musique à danser et donnant le nom de « taboureur » aux musiciens.

Les fêtes qui rythment la vie de l’homme médiéval s’animent des différents arts vivants qui se développent au cours des XIIIe, XIVe et XVe siècles et s’imbriquent les uns aux autres. Ainsi, la danse, le théâtre, les jongleries qui distraient le public, s’entremêlent avec la musique et le chant, pour se compléter et s’accompagner.

Un ensemble tabor-flute accompagnant une fresque paysannePlaeyerwater (détail), Pieter Balten,

vers 1540-1598, Theater Institut, Amsterdam

La musique se développe à partir du XIIIe siècle. Le Tractatus de musica, de Jérôme de Moravie indique les instruments de musique qui servaient à accompagner les danses , principalement le luth et la vièle à archet . Cette dernière est également utilisée pour chanter ou conter.

CornemuseRestitution d’après un claveau (XIIIe siècle)

de l’église de VouvantAbbaye de Nieul-sur-l’Autise

Vièle à archetRestitution d’après un modillon (XIIe siècle)

de l’église de MaillezaisAbbaye de Nieul-sur-l’Autise

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On attribue généralement au moine bénédictin Guido d’Arezzo, la paternité du nom des notes, défini au XIe siècle à partir de la première syllabe d’un chant que les moines adressaient à Saint Jean : Ut queant laxis

Resonare fibrisMira gestorumFamuli tuorum

Le Do remplaça le Ut peu aisé à chanter Solve pollutiset le Si plus tardif, provient des initiales Labii reatumde Sancte Iohannes. Sancte Iohannes

2 Le chant

Durant tout le Moyen Âge, le chant accompagne la liturgie chrétienne , l’Eglise lui accordant une place importante dans ses rites. Le plain-chant (que l’on associe plus tard au chant grégorien) est en effet une musique vocale pouvant servir l’interprétation des textes religieux lors des offices.

Le chant a également été utilisé comme accompagnement de la danse. De nombreux textes font allusion à des chansons à danser . L’utilisation d’un « chante-avant » qui entonne un chant repris ensuite par les danseurs est d’ailleurs mentionné dans le roman de Jean Renart, Guillaume de Dole.

La harpe , le psaltérion , le luth ou la cithare peuvent aussi être utilisés.Les ressources iconographiques présentent souvent un groupe de danseurs accompagnés par un ou deux musiciens.

Vers 1300, Jean de Grouchy dans son traité De musica, divise le domaine musical en trois catégories : musique d'église , musique savante , et musique populaire dans laquelle il évoque les formes musicales susceptibles d’être dansées, dont le ductia (composition musicale sans parole) et l’estampie *estampie *.

Un ensemble harpe et luth accompagnant une ronde nobleFaits et dits mémorables, Valère Maxime,

XVe siècle, Paris, BNF

HarpeRestitution d’après un modillon

(XIIe siècle) de l’église de Maillezais

Abbaye de Nieul-sur-l’Autise

Origine de la notation musicaleSource inconnue

L’historiographie distingue généralement deux types de théâtre médiéval : le théâtre religieux , parfois appelé « sérieux » et le théâtre profane , souvent qualifié de « comique », mais l’homme médiéval développe un théâtre différent, à la croisée de ces deux genres.

1 Origines et évolutions

Les hommes aiment conter et raconter des histoires. Dès l’Antiquité, les grecs organisent des concours de théâtre, de poésie et de chant en parallèle des jeux olympiques.

Deux genres théâtraux émergent sous cette même période : la comédie, qui tend à dénoncer les travers de la société par les caricatures de personnages ; et la tragédie, utilisée pour mettre en garde contre les excès des passions humaines.Aristote, maître d’Alexandre le Grand et élève de Platon, définira ces deux genres dans ses Poétiques (v.335-323 av.J.-C.).

La tradition théâtrale française de la Renaissance et des siècles suivants s’inspire bien des deux genres dramatiques, mais les hommes du Moyen Âge, qui ne connaissent pas vraiment les écrits de la Grèce et de la Rome antiques, vont développer un théâtre différent.

2 Emergence d’un théâtre médiéval

Un théâtre né dans les églises

L’Eglise utilise à partir du Xe siècle , le drame liturgique . Né de l’office religieux, il s’agit d’une illustration vivante de scènes bibliques et de la liturgie, afin d’étendre son influence auprès des populations illettrées. Créé pour être joué en latin par des hommes voués à la vie religieuse, ce théâtre intègre pourtant rire, dérision, bouffonnerie, tout en exaltant les valeurs chrétiennes. Ainsi, différentes tonalités se mêlent en faveur des deux genres que sont le théâtre religieux et le théâtre profane , qui souvent se côtoient au sein d’une même représentation.

A partir de la seconde moitié du XIIe siècle , émerge un théâtre écrit et joué en langue dite « vulgaire », c’est-à-dire en français . Ainsi, le Jeu d’Adam (anonyme, v.1165), écrit en 943 vers, constitue le premier drame connu en langue française.

La cité médiévale du XIIIe siècle, est un espace de commerce et d’échanges important, mais aussi de circulation de savoirs et un centre religieux. Les jours de foires et de fêtes, la population se concentre dans les villes et assiste aux représentations des jongleurs, qui content, narrent et relaient les légendes sur les places de marchés. Cette même population constituant une masse àéduquer religieusement, le théâtre religieux va alors sortir sur la place publique .

Les arts vivants au Moyen Âge

Le théâtre

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Un théâtre sur la place publique

Du XIIIe au XIVe siècles, des pièces appelées miracles , louant la vie des saints ou leurs interventions salvatrices, rencontrent un vif succès auprès de la population. Le Miracle de Théophile, composé vers 1260 par le poète Rutebeuf et mettant en scène une Vierge Marie combattant le diable, est sans doute le plus connu. Ce genre cède ensuite sa place à celui des mystères (voir « L’art du théâtre religieux : les mystères médiévaux »).

A la fin du XIIe siècle , un théâtre parallèle au théâtre religieux se développe. Des pièces plus longues, appelées « jeu », constituées d’un milliers de vers (contre une centaine auparavant), dont Le Jeu de Saint Nicolas de Jean Bodel ou encore Courtois d’Arras (anonyme) représentent les premiers exemples connus.

Plaeyerwater (détail), Pieter Balten, vers 1540-1598, Theater Instituut, Amsterdam

Ces créations se développent à Arras, notamment autour de la « ConfrConfr éérie *rie * des Jongleurs et Bourgeois d’Arras », sorte d’académie encourageant la création artistique. Elles marquent un point intermédiaire entre le théâtre religieux et le théâtre profane , et annoncent des œuvres dénuées de toutes références aux valeurs chrétiennes.

Ainsi, le Jeu de la feuillée écrite en 1276 par Adam de La Halle, un trouvtrouv èère *re * arrageois, constitue la première pièce française de théâtre profane qui nous soit parvenue.

3 Le Théâtre profane

Mise en scène de la population et critique de la so ciété

La cité médiévale accueille des populations diverses : marchands, artisans, nobles, paysans, marginaux, jongleurs, saltimbanques et clercs se côtoient. Dans ces pièces, les villes où elles sont jouées prennent souvent toute leur dimension, tant par le fait qu’elles servent de décor , que par l’implication active de leurs habitants , souvent acteurs de leur propre rôle ou bien mis en scène par les comédiens.

Ainsi, le personnage du « vilain » (paysan), à cause d’un mode de vie jugé simple, voire rustre, fait souvent l’objet de moquerie par la noblesse et d’escroquerie par la bourgeoisie citadine, mais peut aussi représenter la candeur pastorale, préservée des travers de la ville (Jeu de Robin et Marion). Le personnage du bourgeois de la ville et ses préoccupations pécuniaires, sont eux aussi parfois moqués (Jeu de la Feuillée), tout comme le moine vendeur de reliques, le médecin charlatan, le noble chevalier courtois, les compagnons de taverne, ou encore la femme infidèle.

Tous sont montrés de manière satirique, parfois à l’aune d’un autre personnage : le fou ou « dervé », symbole d’un contre-pouvoir pourvu d’une marotte, faux sceptre surmonté d’une tête burlesque.

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Théâtre du rire

Ainsi, dans le théâtre médiéval, la folie est souvent utilisée comme le révélateur des travers de la société médiévale , s’illustrant dans des scènes carnavalesques et grotesques , ou tournant en dérision les codes des autres personnages (l’amour courtois dans le Jeu de Robin et Marion, par exemple).

Le jeu de scène passe également par une exagération des mouvements , des mimiques et des caricatures de personnages, comme celui du « badin » (naïf), récurrent et souvent représenté par un « vilain ».

Enfin, les farces *farces * , les sotties *sotties * , les sermons joyeux, sont les pièces profanes qui marquent la fin du Moyen Âge et annoncent la comédie moliéresque.

Théâtre d’images

L’origine grecque du mot « théâtre » (regarder, contempler), fait écho aux représentations médiévales exacerbant le visuel. En effet, l’homme médiéval « apprécie vivement les tableaux vivants »1 et assiste régulièrement dans la rue aux représentations spectaculaires des jongleurs.

Alors que les costumes et les accessoires sont en général contemporains , certains effets visuels peuvent être utilisés : pyrotechnie, reconstitution de scènes bibliques (vols des anges, ouverture de la gueule de l’enfer, ascension du Christ), engendrant parfois des accidents (crucifixion, diable sur les charbons ardents, …). Les décors peuvent allier des symboles allégoriques (toile de tissus rouge fendue en deux pour symboliser le passage de Moïse dans la Mer rouge) au réalisme (représentation d’une taverne).

1: citation de Jean VERDON, Les Loisirs au Moyen Age

Jeu de Robin et Marion, Adam de la Halle, folio 1, Bibliothèque Méjanes

Théâtre musical

La principale difficulté pour appréhender la mise en scène du théâtre médiéval tient à l’oralité des créations et de leur transmission. La mise en écrit, parfois tardive, ne concerne qu’une partie des pièces jouées entre les XIIe et XVe siècles, et semble occulter l’ambiance de jeu, au profit d’un formatage textuel.

Ainsi, on peut penser que la tradition orale a pu induire la versificationdes textes afin de permettre leur mémorisation . Mais la question se pose quant à la musicalité des paroles , aux modes et rythmes de prononciations , à la performance de jeu ou encore aux improvisations liées à la présence de certains personnages (diable, fou). Parfois, des didascalies agrémentent certains manuscrits, permettant d’éclairer sur la mise en scène du texte.

De plus, les jeux théâtraux du XIIIe siècle mettent en scène les divertissements chantés et dansés , pratiqués dans les milieux populaires et bourgeois. Le Jeu de Robin et Marion , une pastourelle *pastourelle *en octosyllabes écrite par Adam de la Halle, était accompagné de musique et est parfois mentionné comme le premier opéra lyrique, entièrement chanté , exécuté avec décors et costumes.

Les arts vivants au Moyen Âge

Qu’elle soit religieuse, seigneuriale ou populaire, la danse est présente dans le quotidien de l’homme médiéval.Contrairement à la musique qui fut intégrée assez tôt dans la liturgie, l’Eglise tenta de s’opposer régulièrement à la pratique de la danse dans les lieux de culte, cherchant ainsi à limiter toute ostentation du corps susceptible de créer des débordements incontrôlés. Ainsi, le Concile de Paris (1212) interdit aux femmes de danser dans les lieux de culte et le Concile de Bâle (1435) réaffirma l’interdiction envers les danses religieuses (chorea et tripudia) pratiquées par les religieux eux-mêmes. Cependant, malgré toutes ces tentatives, l’homme médiéval ne cessa jamais de danser.

1 La danse dans la société médiévale

Bien qu’il existe peu de représentations de danse avant le IXe siècle, les danses médiévales font aujourd’hui l’objet de nombreuses restitutions grâce au croisement des sources iconographiques, des textes littéraires et des manuels rédigés à la fin du Moyen Âge, au moment où la danse devient un art de bien vivre.Ainsi, chez la noblesse, l’art de bien danser est enseigné à l’adolescence et revêt un caractère distingué lorsqu’il s’agit de basse danse *basse danse * , sage danse de cour, plutôt que les danses de pas vifs et sautés tel que le bransle , qui accompagne les fêtes populaires.

2 Les formes de danse

Les dénominations sont nombreuses et les pratiques également.

Danse communautaire

Manifestations collectives de piété lors des fêtes religieuses, les processions étaient organisées selon un ordre rigoureux, pouvant s’apparenter à une forme de chorégraphie, menée par des instruments et des chants. Les danses cérémonielles sont, quant à elles, davantage le fruit d’un héritage païen , où la population danse autour d’arbres (voir enluminure ci-après), de feu, de fontaines, célébrant les cycles de la nature, tout en s’intégrant à des pratiques religieuses.La danse macabre est un genre un peu à part et nous est connue notamment grâce à une représentation sur les murs du cimetière des Innocents à Paris, datée de 1424. D’abord mimes illustrant les sermons sur la mort lors des offices, avant d’être donnée en place publique, la danse macabre est un ballet des couples constitués chacun d’un mort entraînant un vivant, illustrant le même destin qui lie tous les hommes.

Danse en chaîne : la carole

Les danseurs se tiennent par la main ou le petit doigt, et évoluent généralement de gauche àdroite, en ronde (chaîne fermée) ou en tresque (chaîne ouverte).Aussi bien pratiquée par les clercs pour célébrer Pâques, Noël ou la Vierge, elle servait de divertissement aux nobles mais aussi au peuple lors des fêtes religieuses, des calendes de mai, des mariages, mais sa pratique est alors différente.Représentée comme une danse contenue, fermée , où les pieds ne quittent pas le sol à la cour , la carole est montrée plus animée et ouverte , avec une frappe de pied, dans le milieu paysan des bergers par exemple.

La danse

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Danses spectaculaires

A la fin du Moyen Âge, les représentations de bals se multiplient et la danse prend des airs de spectacle où des danseurs avertis, souvent guidés par un fou, évoluent devant les invités.

¤ Le ballo , bal à l’italienne, est la représentation aristocratique de la danse, celle qui fait partie de l’éducation noble et requiert un apprentissage.

¤ La moresque est une danse d’hommes, souvent citée dans les sources, car très appréciée au XVe siècle. Cette danse dont le nom vient du mot Maure en espagnol, se veut l’évocation des combats entre chrétiens et musulmans et peut représenter l’acte de séduction d’une femme. Des puissants offrent ce spectacle à leur cour, ou des villes à leurs habitants lors de fêtes. En costumes, les danseurs effectuent des grands effets de jambes, des frappes de pieds, des mouvements amples des bras et des mains, des figures spectaculaires et miment des actions. La moresque s’est déclinée sous plusieurs formes : moresque aux épées, danse de « sauvages », momeries *momeries * , …

Danseur de moresque, Erasme Grasser, v.1477,

Munich, Stadtmuseum

Acrobatie

Les danses acrobatiques qu’exécutent les jongleurs et les figures spectaculaires qu’ils réalisent, appartiennent au monde du spectacle et du divertissement.

Danse en couple

Née vers le XIVe siècle, la danse en couple provient de la conception courtoise des rapports amoureux. La plus caractéristique est la basse danse *basse danse * , plutôt représentative des danses de cour. En vogue entre le XVe et le milieu du XVIe siècle, elle tire son nom des pas glissés des danseurs, dont les pieds ne doivent pas quitter le sol. Grâce à des sources écrites précises, l’enchaînement des pas est parfaitement connu. Les manuscrits de Marguerite d’Autriche sont les premiers écrits sur les basses danses.

Enluminure des Chroniques d’Angleterre, Jean de Wavrin, XVe siècle, Paris, BNF

Annonce aux bergers, Heures de Charles d’Angoulême, 1482-1485, Paris, BNF

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Le Bal des Ardents est une anecdote restée célèbre dans l’histoire du roi Charles VI qui, àl’issue d’un charivari *charivari * organisé pour des noces (voir : « Fêtes seigneuriales, fêtes

populaires »), participe à une danse de sauvages, enchaîné aux cinq autres danseurs. Il manque d’être brulé vif comme quatre de ses comparses, lorsque son frère le Duc d’Orléans, approche une torche pour voir qui se cache derrière ces costumes et ces masques faits de lin et d’étoupe, qui très vite s’embrasent.

3 Les traités de danse : de l’art de bien danser

Au XVe siècle, la danse n’est plus uniquement l’affaire des jongleurs. Apparaît alors la profession de « maître à danser », qui apprend à danser aux nobles, règle les chorégraphies, ordonne les bals, mais ne se donne plus en spectacle.

Les premiers manuels , ou traités, portant sur la danse en tant que chorégraphie et où l’on parle de la danse comme un art , émergent vers le XVe siècle.Les premiers traités connus sont italiens et datent du XVe siècle. Ils indiquent les règles fondamentales de la danse :

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En France, les écrits sont un peu plus tardifs : L’art et instruction de bien dancer de Michel Toulouze, date de la fin du XVe siècle, et l’Orchésographie de Thoinot Arbeau (Jehan Tabourot, chanoine de la cathédrale de Langres) décrit méthodiquement les caractéristiques des pas et les tablatures des différentes danses pratiquées au XVIe siècle.

- misura : le sens musical du rythme ; - memoria : faculté de se souvenir des pas ; - maniera : le comportement agréable du corps ; - aere : dextérité et légèreté ; - diversità di cose : faculté d’introduire des variantes et d’improviser ; - compartimento di terreno : bon jugement de l’espace nécessaire aux danseurs.

Orchésographie, Thoinot Arbeau(couverture ci-contre et extrait ci-dessous)

1 Une société de fêtes

Qu’elles aient lieu dans les églises, à la cour d’un seigneur, dans les rues d’une ville ou dans les villages, les fêtes médiévales sont nombreuses et trouvent leurs sources dans différents contextes : - les célébrations religieuses : fêtes des saints, pèlerinage ;- les dates du calendrier : fêtes de Pâques, fêtes calendales du mois de mai, fêtes de l’Ascension, fêtes calendales d’hiver, fêtes folles du clergé du mois de janvier, et enfin les fêtes de Carnaval et des brandons ; - le cycle de la vie : naissance, mariage ;- les évènements politiques : arrivée d’un personnage important dans une ville, un tournoi, une victoire militaire…

Les arts vivants au Moyen Âge

Fêtes seigneuriales et fêtes populaires

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2 Célébration d’un ordre inversé

Calquées sur la fête des Innocents (28 janvier) et la fête de l’âne (1er janvier), les fêtes des fous sont des moments où le clergé fait relâche et s’adonne à des amusements débridés, des danses , des chants parfois dans l’enceinte des églises, avant de défiler publiquement. Les petits clercs élisent parmi eux l’évêque des fous , inversant la hiérarchie des ordres ecclésiastiques. Ces folles parenthèses prendront fin à l’issue du Moyen Âge avec la Contre-Réforme.

Le Carnaval est le moment de l’année où l’on danse le plus. Cette fête, liée au calendrier liturgique, est un moment d’importance pour l’homme médiéval. Défilés, rondes, farandoles, danses multiples et débridées célèbrent le monde à l’envers , suspendant les règles de la vie normale. La population se masque et danse dans la rue ou lors de bals, en faisant le plus de bruit possible.

Fous (détail) , Carnaval de Nuremberg, v.1449, Source inconnue

Le mot carnaval apparaît sous cette forme en français au XVIe siècle, pour exprimer le sens de « fête donnée pendant la période du carême ». Il vient de l'italien carnevale ou carnevalo. Il a pour origine carnelevare, un mot latin formé de carne « viande » et levare « enlever ». Il signifie donc littéralement « entrée en carême ».

3 Le divertissement offert

Des spectacles sont souvent offerts à la population des villes pour célébrer les heureux évènements de hauts personnages, comme à Gérone en 1389, où neuf jongleurs vont animer la ville pendant trois jours pour célébrer la naissance du prince.

Les divertissements de cour et plus particulièrement la danse, se déroulent souvent dans un cadre champêtre . Au début du XVe siècle, les personnes fortunées organisent chez elles des soirées oùl’on danse . On recrute des musiciens et les domestiques dansent avec les invités.

Charivari des noces de Fauvel (détail),Roman de Fauvel, Gervais du Bus, v.1320, Paris, BNF

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4 Les évènements du quotidien

Les mariages sont aussi des occasions de fêtes et de danses , tant à la cour que dans les milieux populaires comme l’illustre la scène de fête finale du Jeu de Robin et Marion, célébrant les noces des deux pastoureaux.

A l’occasion d’un remariage ou lorsqu’un couple jugé mal assorti se marie, les invités ou la population organisent une fête burlesque appelée charivari , où le bruit, les cris, les déguisements, les gesticulations et le désordre sont les principaux mots d’ordre.

Au village , il est fréquent que l’on danse dans la rue , en période de fête. Lorsqu’une nouvelle aire était aménagée, on dansait pour l’aplanir.

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Les artistes du Moyen Âge

1 Jongleur : comédien, musicien ou danseur ?

Le jugleor , « celui qui faisait profession de divertir les gens », est le plus souvent considéré comme un marginal, en dehors de la société médiévale.

Mal aimés de l’Eglise, les jongleurs symbolisaient le vice et leurs acrobaties étaient qualifiées d’« infâmes sauts et infâmes gestes » (« turpes saltus, turpes gestus »). On retrouve ainsi des jongleurs sculptés sur les éléments architecturaux de lieux de culte, afin d’illustrer la condamnation de l’Eglise. A l’inverse, la dimension récréative de la jonglerie pouvait être mise au service du culte religieux, comme en témoigne certaines sources (chapiteaux sculptés de l’abbaye de Cluny, tropairetropaire ** d’Auch).

Artistes pluridisciplinaires , des représentations illustrent les différentes spécialités des jongleurs et jongleresses du Moyen Âge : danseuse aux cymbales, jongleur de balles et de couteaux, musicien dansant avec ses instruments, montreur d’animaux, funambule ou « danseur de corde », jongleur aux assiettes, conteur de fabliau *fabliau * , acrobate réalisant le pont après s’être mis en équilibre sur les mains… Le jongleur se caractérise par ses figures spectaculaires et l’aspect « désordonné » de ses mouvements, alors que le « geste mesuré » est considéré comme le signe de la maîtrise des passions par le clergé.

Sur la place du marché, les jours de foire , les jongleurs se produisent, contant, mimant et chantant des légendes populaires, des histoires de chevaliers et de saints, des chansons de geste comme la Chanson de Roland.A partir du XIVe siècle , les jongleurs se spécialisent, se sédentarisent et reçoivent un salaire en échange de leurs prestations, obtenant ainsi un statut social plus stable et reconnu.

Sculpture, église de Bourges, XIIe siècle, Lyon, Musée des Beaux-Artsdétail du jongleur à la balle

L’expression « payer en monnaie de singe », provient de l’habitude laissée par les jongleurs montreurs de singe qui pouvaient s’acquitter des péages appliqués à l’entrée des villes, en faisant un numéro.

A la fin du Moyen Âge, les fous sont généralement représentés avec un capuchon (ou coqueluchon) muni d’oreilles d’ânes garnies de grelots, un long vêtement vert et jaune, couleurs de la folie, avec des pans découpés en pointe, pour représenter l’instabilité. Dans sa ceinture, une épée en bois et une baquette munie d’une vessie de porc remplie de pois secs pour symboliser la tête vide du fou. Et dans sa main, une marotte, sorte de sceptre surmonté d’une figure grotesque, à l’imitation des rois, pour symboliser un contre-pouvoir.

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2 Célébrités médiévales ?

Parmi les trouvtrouv èères*res* dont les œuvres nous sont parvenues, Adam de la Halle , dit « le Bossu » est sans doute le plus connu de la fin du XIIIe siècle . Né vers 1235-1237, sa vie est assez bien documentée, même si plusieurs points de sa biographie restent obscurs ou controversés. Il était clerc, et se présentait comme « maître ès arts ». Il a sans doute fait ses études à Paris. Son père Henri de la Halle était employé à l’échevinage d’Arras.

Lié à la puissante ConfrConfr éérie * rie * des jongleurs et bourgeois d’Arras, qui regroupe hommes d’affaires et hommes de droit, Adam de la Halle écrit pour elle le Jeu de la feuillée en 1276. Vers 1280, il entre à la cour du seigneur d’Arras, Robert II , comte d’Artois, neveu de Saint Louis. Le comte est en effet connu pour s’être entouré de musiciens et jongleurs. Adam suit Robert II d’Artois en Italie, et rejoint la cour de Charles d’Anjou, pour lequel il écrit la Chanson du roi de Sicile. Entre 1283 et 1285, il compose le célèbre Jeu de Robin et Marion .

Au Moyen Âge, on ne peut pas vraiment parler de « comédien » ou d’« acteur », car on ne voit que très rarement la même troupe jouer de façon régulière sur une scène fixe dans une ville, avant le XVe siècle. Les personnages des jeux de théâtre sont le plus souvent la population locale ou des inconnus payés par les princes ou les villes et regroupés en associations, des artisans, des bourgeois, des écoliers, des confrères, des clercs de justice, des chanteurs de geste…

Cependant, au XIVe siècle, des mystères (voir « L’art du théâtre religieux ») et des farces*farces* sont joués à la cour des princes, à l’Hôtel d’Orléans, à l’Hôtel de Nesle, au Louvre, des registres de comptes attestant la rétribution de ces acteurs appelés joueurs de farce.

On ne peut évoquer les joueurs de farces de la fin du Moyen Âge sans citer le légendaire auteur et acteur Triboulet, ou plus exactement les Triboulet, qui ont fait couler beaucoup d’encre. Triboulet fut le nom ou le sobriquet d’un acteur, mais surtout le nom des fous de René d’Anjou, de Louis XI, de Louis XII et de François Ier.

Des acteurs laïcs s’organisent en « Puys*Puys* » ou « ConfrConfr ééries*ries* ». La musique devient l’affaire des ménétriers ou mméénestrels *nestrels * et la danse celle des maître à danser.Le jongleur est un artiste exclusivement médiéval , qui disparait après avoir donné naissance àplusieurs catégories d’artistes.

Jongleur Source inconnue

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BLONDEL DE NESLE : sans doute un seigneur du nord de la France. Il écrivit 24 chansons courtoises entre 1175 et 1210.

CONON DE BETHUNE : Actif entre 1180 et 1220. Grand seigneur du nord de la France. Il est nomméRégent de l'Empire de Constantinople à l'issu de la IVe Croisade.

ETIENNE DE MEAUX : Trouvère du XIIIe siècle dont il nous reste deux chansons.

GACE BRULE : Chevalier champenois de la deuxième partie du XIIe siècle. Il nous reste de lui près d'une centaine de chansons.

GILLEBERT de BERNEVILLE : Deuxième partie du XIIIe siècle. Actif à Arras et à la Cour de Brabant.

GUIOT DE DIJON : Trouvère bourguignon de la première moitié du XIIIe siècle dont il reste six chansons.

JEAN BODEL : Trouvère actif à Arras entre 1180 et 1210. Il nous reste de son abondante production cinq pastourelles.

MONIOT DE PARIS : Fin du XIIIe siècle. Ancien moine. Actif à Paris.

PERRIN D'ANGINCOURT : Milieu du XIIIe siècle. Actif à Arras et à la Cour de Brabant. Il en reste une trentaine de chansons.

RICHART DE SEMILLI : Début du XIIIe siècle. Sans doute un clerc résidant à Paris.

THIBAUT DE CHAMPAGNE (1201 – 1253) : Grand seigneur qui joue un rôle de premier plan dans son époque. Il nous en reste plus de 70 chansons.

Quelques trouvtrouvèères*res* des XIIe et XIIIe siècles

Matfre Ermengaud, Bréviaire d’Amour, XIVe siècle, Madrid, Bibliothèque royale de l’Escurialdétail des jongleurs

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Glossaire

Les arts vivants au Moyen Âge

Reg'ARTS croisés : Coup de théâtre au château de Tiffauges

Basse-danse : En vogue chez la noblesse au XVe siècle, la basse danse est considérée comme la première danse chorégraphiée de l’histoire de la danse. Habituellement exécutée par des couples ou suites de couples, « il s’agit d’une danse plutôt lente, exigeant un maintien noble et gracieux, des manières contenues. Le terme même de «basse-danse » (ou danse « plate ») signifie que les pieds des danseurs ne devaient pas quitter le sol », même lorsque les musiques imposaient une accélération des mouvements successifs. (Martin JULLIAN, Les formes de danses, in Histoire et images médiévales, N°16)

Confrérie, Puy : Académie ou société de comédiens laïcs pouvant participer aussi aux jeux religieux.

Estampie : Musique plutôt populaire apparue à la fin du XIIIe siècle. Dans les pastourelles, des musiciens jouent des estampies pour faire danser les bergers.

Fabliau : Ce petit récit en vers dont les textes commencent à être consignés par écrit à partir du XIIe siècle, était joué et chanté par les jongleurs.

Farce : Cette courte pièce à rire apparait au XVe siècle sous forme de saynètes. Il s’agit au début, d’intermèdes dans les représentations sacrées de la fin du Moyen Âge : les mystères. Elles avaient pour vocation originelle, de « farcir » ces moments de pause, c’est-à-dire de les combler, avant de devenir un genre très vivant à la fin du Moyen Âge.De nombreuses farces nous sont parvenues, qui poseront les jalons la comédie française de Molière . (c.f.: annexe « La Farce du Cuvier »). Les ressorts comiques de la farce sont la tromperie, où le personnage qui trompe finit souvent par être trompé à son tour ; le comique de geste (de nombreuses « bastonnades ») et le comique de mot (souvent illustré par des grossièretés). L’une des farces les plus célèbres qui nous soit parvenue serait la « Farce de maître Pathelin » (anonyme).

Ménestrel ou ménétrier : Titre donné aux jongleurs musiciens, et plus particulièrement à ceux au service d’un maître, vivant dans les cours. A partir du XIVe siècle , « la science de ménestrandie », s’exerce sous une licence et sous la protection des autorités. (Statuts des ménétriers de Paris du 24 avril 1407, signés par le roi Charles VI).

Momeries : Danses issues de la moresque (voir : « La danse ») et présentées dans les « entremets », spectacles exécutés lors des banquets.

Pastourelle : Poème où les phases narratives alternent avec des dialogues, des parties chantées (refrain) et dansées. La pastourelle illustre les tentatives de séduction, parfois vaines, d’un chevalier envers une jeune bergère, en prenant le contre-pied de la fin’amor (amour courtois) narrée par les troubadours.

Sottie : Pièce courte (de 300 à 600 vers), elle tient son nom de celui qui l’interprète : le « sot ». Utilisant le registre des fêtes des fous (fêtes où le renversement de la hiérarchie cléricale engendre des divertissements dans l’Eglise), elles deviennent ensuite des fêtes populaires, symboles de contestation sociale. Le ressort dramatique repose sur la déstructuration du langage et des gesticulations grotesques. La sottie illustre souvent des scandales politiques et de la société, dénonçant les responsables de ce qui ne va pas dans le royaume. Souvent sous le coup de la censure royale, c’est un genre qui ne perdure pas.

Trope : Pièce de vers composée sur des vocalises liturgiques (répétition de voyelles ou de syllabe lors de chants rituels, caractéristiques du chant grégorien). Au départ moyen mnémotechnique, la trope consiste à placer des paroles sur de longues vocalises. Le tropaire, est un recueil de tropes (Tropaire de Saint-Gall, vers 975).

Trouvère : Homologues septentrionaux des troubadours (poètes de la langue d’oc), les trouvères émergent au début du XIIIe siècle, notamment sous l’égide des académies bourgeoises des villes du nord comme Arras, et développent un registre poétique différent, alliant le lyrisme à la satire.

Articles et ouvrages

Danses médiévales. Histoire et images médiévales, n°16, octobre-novembre 2007.

La musique des pierres, un instrumentarium roman dans l’abbaye de Nieul-sur-l’Autise. sous la direction de Richard Levesque, Conseil général de la Vendée

Marie BOUHAÏK-GIRONES. Comment faire l’histoire de l’acteur au Moyen Âge ?, Médiévales, n°59 : Théâtres du Moyen Âge, p.107-125, CAIRN, automne 2010

A. GUESNON. Statuts et règlements de la Confrérie des Jongleurs et Bourgeois d’Arras aux XIIe, XIIIe et XIVe siècles. Typographie et lithographie de A.Courtin, Arras, 1860.

Catherine INGRASSIA. La danse médiévale, Histoire de la danse au Moyen-Age, volume 1, le lOcal, Beauchamps, avril 2009.

Catherine INGRASSIA. La danse médiévale, Histoire de la danse au Moyen-Age, la fête, volume 2, le lOcal, Beauchamps, juin 2010.

Martine JULLIAN. Danses en textes et en images. Histoire et images médiévales, N°16, octobre-novembre 2007.

Taku KUROIWA ; Xavier LEROUX ; Darwin SMITH. De l’oral à l’oral : réflexions sur la transmission écrite des textes dramatiques au Moyen Âge. Médiévales, n°59 : Théâtres du Moyen Âge, p.17-39, CAIRN, automne 2010

Gérard LE VOT. Vocabulaire de la musique médiévale. Editions Minerve, 2001.

Bernard RIBEMONT. Le théâtre français du Moyen Âge au XVIe siècle. Editions Ellipses, collection « thèmes et études », Paris, 2003.

Jean-Claude ROC. Les ceintures de force dans la sculpture romane. Histoire et images médiévales, N°28, octobre-novembre 2009.

Jean VERDON. Les loisirs au Moyen Âge, Editions Tallandier, Saint-Estève, 1996.

Jean VERDON. Rire au Moyen Âge, Editions Perrin, 2001.

Sites Internet

Bernadette JACQUET ; Stéphane QUÉANT. Danser au temps des Chevaliers : dossier pédagogique. Perceval productions : http://www.productions-perceval.com/pdf/Dossier%20Danse.pdf

Arts du spectacle vivant au Moyen Âge. CRDP d’Alsace : http://www.crdp-strasbourg.fr/histarts/1185/arts-du-spectacle-au-moyen-age

Le Théâtre médiéval. Dramaction : http://www.dramaction.qc.ca/fr/ressources/histoire-du-theatre/le-theatre-medieval

Contacts

Conseil général de la VendéeEcole Départementale des Arts et du Patrimoine

40 rue Maréchal Foch - 85923 La Roche sur Yon Cedex 9Tél : 02 51 34 47 00 - Fax : 02 51 34 49 92

Mél : [email protected] Internet : http://edap.vendee.fr 2

Bibliographie

Les arts vivants au Moyen Âge

Reg'ARTS croisés : Coup de théâtre au château de Tiffauges

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La Farce du Cuvier

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Anne. Écrivez, pour votre gouverne 1, Que toujours vous m’obéirez, Et jamais ne discuterez, Quand vous aurez signé ces clauses 2, Les travaux que je vous impose. […] Jacquinot, prudent. Je ne voudrais pas m’engagerÀ des besognes impossibles ... […]Jacquette. Écrivez, mon gendre !Anne. Écrivez qu’il faudra descendre De votre couche 3 pour allerAllumer le feu, dégelerL’auge à côté de la margelle...Jacquinot, frissonnant. Aïe ! Il fait frisquet quand il gèle !Anne, impérieuse. Écrivez...Jacquinot, excédé. Un peu de repos ! J’en suis à peine aux premiers motsEt vous criez dans mes oreilles !Jacquette. La nuit, si l’enfant se réveille,Il vous faudra le caresserEt vous lever pour le bercer, […]Jacquinot, navré. J’aurai donc ici tous les maux !(Conciliant.) Bien. Je bercerai le marmot... […] Anne, sévère. Mettez, ou vous serez frotté !Jacquinot, apaisé, tournant la page. Ce sera pour l’autre côté...Jacquette. […] Il vous faudra faire le pain,Brasser la pâte en le pétrin 4,Surveiller la cuisson des miches 5,Consoler l’enfant qui pleurniche...Anne. Bluter 6, filer, tisser, fourbir 7...Jacquette. Aller, venir, trotter, courir...Anne. Ravauder toutes vos vêtures 8...Jacquette. Préparer notre nourriture...Anne. Peiner autant que le Malin...Jacquette. Mener la mouture au moulin... […]Jacquinot, accablé. C’est insensé !Anne, lui montrant une trique. Sous menace d’être rossé 9... […]Jacquinot. Çà ! Je n’ai pas le temps d’écrire !Jacquette. Cirer.Anne. Pétrir

Auteur anonyme, XVe sièclescène 3, traduit de l’ancien français par H. Farémont, Librairie Théâtrale

DEUX FEMMES BIEN AUTORITAIRES

Pour aller plus loin …

La Farce du Cuvier, représentation par la compagnie Connaissance des classiques, Paris, 1978, Agence Bernand

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Reg'ARTS croisés : Coup de théâtre au château de Tiffauges

Jacquette. Laver.Anne. Et cuire.Jacquinot. Laver quoi ?Jacquette. Les pots et les plats,Les louches et les coutelas,Les casseroles, les terrines,Les chaudrons, les brocs, les bassines...Jacquinot, éperdu. Attendez ! Ne vous hâtez pas !Mais vous voulez donc mon trépas !Les pots, les plats...Anne. Les écuelles...Jacquinot, désemparé. Eh ! Par la sembleu10 ! Ma cervelleNe pourra point tout retenir !Anne. Nigaud ! Pour vous en souvenir,Vous n’aurez plus, de temps à autre,Comme on relit ses patenôtres 11

Qu’à jeter un œil sur ces mots…Jacquette, dictant. Rincer les langes des marmots...Jacquinot, indigné. Des marmots ? Ah ! Non ! Je réclame !C’est plutôt un métier de femme ! […]Anne, menaçante. Je vais vous battre comme plâtre !Jacquinot, effrayé. Holà ! Si vous voulez me battre,Je l’accepte ! N’en parlons plus !Anne, triomphante. Il ne reste, pour le surplus,Que le ménage à mettre en ordreVous m’aiderez en outre à tordreLe linge sortant du cuvier 12.Jacquette, renchérissant. Et puis à nettoyer l’évier. Écrivez.Jacquinot, passif. C’est fait. […]Sur la terre, il n’est pas, je crois,De manant plus piteux que moi ! […]Sous les travaux qu’on me prodigue,Je vais m’épuiser de fatigue !(Implorant.) Soulagez un peu Jacquinot !Jacquette, inflexible. Non point ! […]Voilà le rôle consignéQue vous devez remplir. Signez.(Jacquinot appose son paraphe au bas du manuscrit.) Jacquinot, résigné, capitulant 13. Voilà c’est fait.

1 cela sera votre règle

2 condition d’un pacte

3 lit

4 récipient pour mélanger la pâte à pain

5 pain rond et gros

6 tamiser

7 faire briller

8 ravauder une vêture (vieux) : raccommoder un vêtement

9 rosser : battre, ici avec la trique

10 juron (« par le sang de dieu ! »)

11 prières comme le Pater Noster (Notre Père)

12 ancienne cuve pour faire la lessive

13 capituler : accepter sa défaite

3

La Farce du Cuvier

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Scène 4

Anne. Vous allez m’aider à plierTout le linge de ce cuvier. Prenez le bout de cette pièceDe drap qu’avec délicatesse Je sors humide du baquet1 ;Et puis tordons– la sans arrêt... Tendez, tournez, et tirez fort.Jacquinot. Voyez : je fais tous mes efforts ; Je ne boude pas à l’ouvrageEt tends le linge avec courage... Je tords, je tire...Anne. Vertuchou ! Vous avez lâché votre boutEt m’avez fait choir2 en la cuve !Jacquinot. Dans l’onde3 qui sort de l’étuve !Anne. Hâtez-vous ! Je vais me noyer !Retirez-moi de cette tonne4 !Jacquinot (va posément chercher le rôlet.)

J’ai beau chercher ; cela m’étonne Que vous n’ayez prévu ce cas...Vous repêcher ? Je ne vois pasCet ordre-ci sur ma consigne...Anne. Que vous êtes d’humeur maligne5 ! Baillez-moi6 la main, Jacquinot !Jacquinot. J’ai beau consulter mot à mot Ce billet plein de prévoyance : Que doit faire, en la circonstance, Un mari devenu valet ?Je ne vois rien sur mon rôlet.Anne. Terminez cette facétie7 !Mon ami, sauvez-moi la vie ! Hélas ! La mort va m’enlever.Jacquinot. « Bluter, pétrir, cuire, laver...[…] Anne. C’est la mort la plus redoutée,Car je vais être ébouillantée !Au secours ! Jacquot, c’est la fin !Jacquinot. « Mener la mouture au moulin... »Anne. J’ai de l’eau jusqu’aux aisselles !

Auteur anonyme, XVe sièclescène 4 et 5, traduit de l’ancien français par H. Farémont, Librairie Théâtrale

CELA N’EST PAS DANS MON ROLET

Pour aller plus loin …

La Farce du Cuvier, représentation par la compagnie Connaissance des classiques, Paris, 1978, Agence Bernand

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Reg'ARTS croisés : Coup de théâtre au château de Tiffauges

Jacquinot. « Et récurer les écuelles... »J’ai tout parcouru, j’ai tout vu... Ce cas-là n’était pas prévu...Anne. Au secours, ma chère Jacquette !Jacquinot. « Et tenir la cuisine nette… »Anne. Allez me chercher le curé ; Que mon salut soit assuré !Jacquinot. « Et nettoyer les casseroles… »Non ; cela n’est pas dans mon rôle...Anne. Et pourquoi n’est-ce point écrit ?Jacquinot. Parce qu’on ne me l’a pas dit ! Puisque vous m’avez fait promettreD’exécuter l’ordre à la lettre, J’obéis au commandementQue vous-même et votre maman M’avez fait signer tout à l’heure !Anne. Vous souhaitez donc que je meure !Jacquinot. Je me plie à tous vos décrets ; Sauvez-vous comme vous pourrez ;Moi, je respecte ma consigne. […]

Scène 5 (Jacquette survient au bruit.) Anne. Au secours ! À l’aide, ma mère ! […] Jacquette. (cherche en vain à tirer sa fille) Jacquot, un peu de complaisance8 ! Sauvez ma fille, s’il vous plaît !Jacquinot. Cela n’est pas dans mon rôlet ! Et c’est en vain que je contrôle : Repêcher n’est pas dans mon rôle !Anne. Ah ! Jacquinot, je vous le jure ! Si de cette triste postureVous me tirez en cet instant, D’un cœur contrit et repentantJe vous servirai sans contrainte Et sans proférer une plainte !Jacquinot. Vous me promettez de ne plus Me réveiller à l’angélus9 ?Vous m’assurez que sans tapage10

Vous ferez tout votre ménage, Sans jamais rien me commander Qui ne soit juste et bien fondé ?[…]Anne. Je le jureEt promets de ne plus mentir !Jacquinot. Alors, je veux bien vous sortirDe ce baquet plein de lessive Où le diable vous tint captivePour vous éprouver un tantet11

... Et je déchire mon rôlet.

Les deux époux finissent par se réconcilier et Jacquinot se félicite d’être maître en sa maison.

1 récipient, généralement en bois 2 tomber3 terme recherché pour eau 4 (ici) tonneau5 rusé, mesquin6 bailler : ancien mot pour donner 7 plaisanterie bouffonne8 désir d'être agréable. 9 prière à Marie récitée le matin. La cloche des églises sonnait pour y inviter.10 bruit désordonné. 11 (vieux) un peu.

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Jeu de Robin et Marion

Adam de la Halle (XIVe siècle)

Pistes pédagogiques pour une étude de l’œuvre :

● Fiche pratique « des œuvres aux maîtres », Inspection académique du Pas-de-Calais :

http://www5.ac-lille.fr/~ienarras4/IMG/pdf/FicheNo01_Robin_Marion_.pdf

● Fiche pratique « l’œuvre musicale du mois », Inspection académique de la Manche :

http://www.ac-caen.fr/ia50/circo/actionculturelle/artsduson/oeuvres_mois/0109.pdf

● Numérisation des 132 enluminures et 11 folios du manuscrit conservé à la Bibliothèque Méjanes :

http://toisondor.byu.edu/dscriptorium/aix166/indexfr.html

● Numérisation de l’ouvrage « Li gieus de Robin et Marion - Adam de la Halle par Olivier Bettens » :

http://fr.scribd.com/doc/13423111/Li-gieus-de-Robin-et-Marion-Adam-de-la-Halle-par-Olivier-Bettens