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1 ISAM-ESCRIBE KARIM Le contre-blocus de la bande de Gaza : une histoire des tunnels. 2015-2016 Université Paris IV Sorbonne. SOUS LA DIRECTION D’OLIVIER FORCADE.

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ISAM-ESCRIBE KARIM

Le contre-blocus de la bande de Gaza : une histoire des

tunnels.

2015-2016

Université Paris IV Sorbonne.

SOUS LA DIRECTION D’OLIVIER FORCADE.

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2

Remerciements.

Ce travail aurait été impossible sans l’aide et la confiance de M Forcade. Merci pour ce

magnifique sujet.

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3

À ma grand-mère et à Ludovica.

Au peuple de Palestine et de Gaza.

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4

« Oui, l’homme a la vie dure ! Un être qui s’habitue à tout. Voilà, je pense, la meilleure définition qu’on puisse donner de l’homme. »

Souvenirs de la maison des morts (1860-1862)

Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevsk

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5

Sommaire.

Introduction…………………………………………………………………………………P6

1. Les tunnels : outils au service du Hamas………………………………………...…… P13

1.1 Les tunnels avant le Hamas………………………………………………………...

1.2 Les tunnels après l’arrivée du Hamas……………………………………………...

1.3 Une activité critiquée…………………………………………………… …. …….

2. Les tunnels : d’une réponse au blocus au bouleversement des structures sociales…p30

2.1 Coopérative, avantages et désavantages …………………………………………..

2.2 Première expérience hors du « de-development »………………………………...

2.3 Les tunnels : acteurs d’une nouvelle transformation des élites……………………

3. Les tunnels : acteurs des relations régionales………………………………………....P51

3.1 Les tunnels, outils d’influence régionale……………………………………………

3.2 L’insurrection du Sinaï et les tunnels……………………………………………….

Conclusion……………………………………………………………………………….…P61

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6

Introduction.

La bande de Gaza s’étire sur quelque 55 kilomètres et couvre 363 kilomètres carrés. La

délimitation de ce territoire est, au sud, héritée du tracé du mandat britannique sur la Palestine

en 1922 ; au nord et à l’est, elle est imposée par la ligne de démarcation fixée par l’armistice

entre Israël et l’Egypte le 24 février 1949. Le plan de partage du 29 novembre 1947 adopté à

l’O.N.U prolongeait cette bande jusqu’aux approches d’Ashdod au nord et au-delà d’El-Awja,

dans le Néguev, au sud-est, faisant d’elle l’une des trois portions de l’Etat arabe de Palestine

envisagé. D’avril à décembre 1948, au cours de la première guerre israélo-arabe, quelque

200000 palestiniens se sont réfugiés dans ce petit territoire resté sous contrôle arabe, soit 26

pour cent du total de la masse des réfugiés d’alors. Cette encoignure-refuge, où les

palestiniens se sont ajoutés aux quelque 80000 natifs de la région de Gaza, fut placée

provisoirement sous administration égyptienne par la Ligue des Etat arabes en juillet 1948 ; le

gouvernement israélien se déclarait disposé à l’annexer aux fins de résoudre ainsi le sort des

réfugiés. A l’inverse, c’est à Gaza qu’est proclamé, à la fin de 1948, un « gouvernement de

toute la Palestine » par Amin Al Husayni, avec l’appui de la ligue arabe et contre le ralliement

au roi de Jordanie. Cette intransigeance fermente aisément dans l’esprit d’une population de

réfugiés qui s’instruit dans les écoles de l’UNRWA (United Nations Relief and Work

Agency) et dans les universités égyptiennes. A partir de 1953, elle voit son salut dans Nasser.

Pourtant l’opposition de ce dernier au pacte de Bagdad, l’évacuation définitive des troupes

anglaises de la zone du canal de Suez et la formation de fedayin de Gaza au service du

commandement égyptien provoquent des raids israéliens très violents sur Gaza et Khan Yunis

en février et août 1955. Le 5 juin 1956, l’agglomération de Gaza est bombardée, et à partir du

1er novembre 1956 jusqu’en mars 1957 tout le territoire est occupé, ainsi que la majeure partie

du Sinaï par les troupes israéliennes. C’est alors, en décembre 1956, à Gaza occupé et au

moment où Nasser clame victoire, que Yasser Arafat forme le noyau de ce q ui deviendra le

Fatah en 1959. Aussi est-ce avec enthousiasme que les gens de Gaza accueillent la déclaration

anti nassérienne de Kassem d’Irak selon laquelle il existe une « entité palestinienne »

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autonome constituée par Gaza et la Cisjordanie. Nasser dote alors Gaza d’une Constitution et

d’un gouverneur nommé par lui afin de limiter cette tentation autonomiste. Ce gouverneur est

remplacé le 5 juin 1967 par un commandant militaire israélien de la zone de Gaza-Nord Sinaï,

à la suite de l’offensive israélienne. La résistance palestinienne y est particulièrement vivace

jusqu’en 1971, année au cours de laquelle une opération militaire générale démantèle le

« réseau terroriste » du territoire de Gaza et « pacifie » les camps et les quartiers en les

perçant de larges travées et en déplaçant dans le Sinaï des familles entières. Après avoir été

épuré, le personnel municipal est reconstitué cette même année par le commandement

militaire. A la municipalité de Gaza même, le maire est déposé et le conseil municipal

supprimé purement et simplement jusqu’en 1973. Des installations de colonisations et de

peuplement juifs ont été implantées dans la zone de Gaza depuis 1967. Un Front national uni,

d’inspiration communiste, a contribué à former, en relation avec le Fatah et le F.P.L.P, le

front national des territoires occupés, qui a fait admettre par les Conseils nationaux

palestiniens de 1974 et de 1977 la revendication d’un Etat palestinien limité aux territoires de

Gaza et de Cisjordanie, aux côtés de l’Etat israélien qui aurait évacué ces deux territoires.1

La bande de Gaza a été, à partir de 1987, le théâtre du soulèvement palestinien dit de la

première intifada. La bande de Gaza et l’enclave de Jéricho en Cisjordanie sont les premiers

territoires palestiniens occupés par Israël à être passés sous le régime de l’autonomie limitée,

en mai 1994, en vertu de l’accord d’Oslo. A l’exception des colonies juives, la police et

l’administration palestiniennes de Yasser Arafat ont remplacé l’armée israélienne dans les

zones autonomes. Les débuts de l’Autorité Palestinienne sont difficiles et il faut attendre les

accords de Wye Plantation en octobre 1998 pour voir de timides avancées, notamment

l’ouverture de l’aéroport de Gaza. Le déclenchement de la seconde intifada, en septembre

2000, entraine un regain de violence entre Israël et les territoires, tandis que la situation

intérieur de Gaza se dégrade, la société palestinienne réclamant un assainissement des

instances politiques et une démocratisation du régime, soutenue en cela par l’Union

européenne, les Etats-Unis et Israël qui cherchent à marginaliser Yasser Arafat au profit de

son numéro deux, Mahmoud Abbas2. En janvier 2005, celui-ci remplace Yasser Arafat, mort

en novembre 2004. Ariel Sharon, le premier ministre israélien, pour sortir de l’impasse, a

décidé en 2004 le retrait unilatéral de Gaza des 5000 à 8000 colons, qui est achevé en aout

2005, mais les israéliens restent maîtres du contrôle des frontières terrestres, aérienne et

maritimes, ainsi que des flux de biens et de services. Le déclin économique se poursuit donc

1 http://www.universalis.fr/encyclopedie/bande-de-gaza/ 2 FILIU Jean-Pierre, Histoire de Gaza, Fayard, Paris, 2012, p 247

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dans cette enclave surpeuplée avec 1,7 millions d’habitants soit une densité de plus de

4000hab/km2. Le taux de chômage en 2005 dépasse les 40 pour cent à cause de

l’impossibilité pour les travailleurs détachés de Gaza de partir travailler en Israël. La victoire

du Hamas aux élections municipales de 2005 puis législatives de 2006 contraint Mahmoud

Abbas à cohabiter avec un gouvernement formé par le mouvement islamiste. Mais les

divergences entre le Fatah et le Hamas ne tardent pas à prendre le dessus. Les violences entre

les miliciens des deux camps redoublent entre janvier 2006 et juin 2007, date à laquelle le

Hamas prend le contrôle armé de la bande de Gaza, tandis que le Fatah du président

Mahmoud Abbas déploie ses forces en Cisjordanie.

Les membres du Hamas se lancent alors dans une féroce épuration, pourchassant, molestant et

exécutant les militants du Fatah. Pour fuir, un territoire bouclé à la fois par les islamistes et

Israël, beaucoup se tournent vers les tunnels rejoignant l’Egypte. Durant quelques semaines,

les souterrains courant sous le couloir Philadelphie, le couloir longeant la frontière entre Gaza

et l’Egypte, prennent ainsi soudain une place tout à fait inattendue dans un conflit qui oppose

maintenant des palestiniens entre eux. La contrebande et le trafic d’armes laissent place, pour

un temps et moyennant quelque 20 dollars par tête, à l’exfiltration des militants du Fatah, une

trentaine de minutes de reptation dans des boyaux surchauffés et poussiéreux leur permettant

d’échapper au Hamas.

Mais en décidant de renforcer le blocus de la bande de Gaza, dans le but notamment de

couper le mouvement islamiste de son soutien populaire, Israël va ramener le business des

tunnels et la contrebande au premier rang des préoccupations de gazaouis confrontés à un

risque de pénurie généralisée. Le creusement de tunnels sous le couloir Philadelphie va

atteindre une ampleur à peine imaginable, l’économie souterraine au sens propre prenant le

contrôle progressif du territoire, surtout dans la région de Rafah et permettant au Hamas de se

maintenir au pouvoir. Avant de nous intéresser au creusement et aux caractéristiques des

tunnels de Rafah, le lecteur doit prendre en note que ce mémoire ne s’intéresse qu’aux tunnels

de Rafah, c’est-à-dire en lien avec la frontière égyptienne. A Gaza, il existe d’autres tunnels le

long de sa frontière avec Israël. En effet, à partir du déclenchement de la seconde intifada,

certains gazaouis se sont également mis à creuser des souterrains sous les clôtures de sécurité

marquant les frontière nord et est de Gaza pour mener des opérations suicides en Israël, en

infiltrant sur le territoire hébreu des kamikazes chargés de perpétrer des attentats-suicide. Les

combattants du Hamas ont également percé des tunnels sous cette clôture dans le cadre

d’opérations-surprise à caractère plus militaire, visant à tuer ou enlever des soldats israéliens.

Faire l’histoire de ces tunnels revient donc à faire une l’histoire militaire, d’étudier des

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notions de stratégie militaire, comme les conflits asymétriques ce qui n’est pas le centre de

mon sujet. En ce qui concerne les creusements et les caractéristiques des tunnels de Rafah,

pour creuser les sous-sols sableux et friable de la bande de Gaza, les Palestiniens utilisent des

outils de tous les jours, essentiellement de simples truelles ainsi que des perceuses électrique

employées comme perforatrices 3 ; une main d’œuvre nombreuse et disponible,

particulièrement débrouillarde du fait des pénuries en tout genre auxquelles elle est habituée,

fait le reste. Les habitants de Rafah sont ainsi devenus, en quelques années et sous la pression

des évènements, expert en travaux souterrains. Les tunnels sont généralement creusés depuis

la bande de Gaza vers l’Egypte. Le premier travail qu’effectuent les mineurs des sables est

d’établir ce qu’ils appellent « l’œil du tunnel », un puits d’accès s’enfonçant dans le sous-sol

jusqu’à la profondeur requise pour faire démarrer le boyau qui est alors creusé à l’horizontale4

A partir de la prise du pouvoir par le Hamas, les tunnels de contrebande se multipliant et leur

réalisation étant encouragée par les nouvelles autorités, les gazaouis se sont mis à creuser des

puits plus près de la frontière, à découvert dans les zones ravagées par l’armée israélienne

quelques années plus tôt. Pour les protéger des intempéries et échapper aux caméras des

drones qui patrouillent dans le ciel de Rafah, ils en abritent les ouvertures sous des tentes de

fortune recouvertes de bâches en plastique bleues ou blanches qui fleurissent tout au long du

couloir Philadelphie. Parallèlement, les Palestiniens creusent leurs tunnels de plus en plus

profondément afin qu’ils soient plus difficiles à détecter et plus résistants aux

bombardements. Alors que les profondeurs évoquées en 2003 étaient généralement comprises

entre 12 et 17 mètres, celles mentionnées fin 2008 sont plutôt de l’ordre de 25 ou 30 mètres

Pour éviter qu’elles ne s’effondrent, les gazaouis pratiquent le boisage des parois de ces puits

s’enfonçant dans le sable au fur et à mesure du creusement, certains puits de grand diamètre

pouvant même être appareillés à l’aide d’éléments préfabriqués en béton scellés entre eux au

mortier. Selon les objectifs et les moyens des entrepreneurs en travaux souterrains, les

tunnels, longs de plusieurs centaines de mètres -jusqu’à 1,5 km pour certains- présentent des

sections variés, du simple boyau presque informe dans lequel il faut ramper jusqu’au tunnel

entièrement boisé, large de 0,8 mètre et haut de 1,70 mètre, en passant par toutes les

configurations possibles. Ils sont plus ou moins spacieux, plus ou moins soignés et plus ou

moins pérennes. A l’aide de tarières, on fore également tous les 100 à 150 mètres des trous ou

des puits d’aération afin de faciliter la ventilation de ces longs couloirs. Le creusement de ces

3 http://www.lefigaro.fr/international/2009/01/10/01003-20090110ARTFIG00206-dans- le-secret-des-tunnels-de-gaza-.php 4 TRIOLET Jérôme et Laurent « La guerre souterraine : sous terre, on se bat aussi » Perrin

2011, p 337.

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ouvrages génère des quantités considérables de déblais qu’il faut bien sûr évacuer au fur et à

mesure de l’avancée des travaux. Le sable est transporté dans des sceaux, des fûts en plastique

découpés dans leur partie supérieur et équipés de poignées en cordage, ou conditionné dans

des sacs à farine, avant d’être remonté en surface au moyen de poulies et de treuils. Ces

dispositifs de levage sont actionnés par des moteurs thermiques ou électriques, parfois par de

simples perceuses. Une fois ce sable en surface, les Palestiniens ne l’entreposent pas à

proximité de l’entrée du tunnel, sans doute pour ne pas donner d’indications sur l’ampleur de

l’ouvrage souterrain qu’ils sont en train de réaliser aux téléopérateurs des drones israéliens

qui les espionnent en permanence. Ils préfèrent stocker ces déblais dans des bâtiments

proches, ou les évacuer loin de la route. Une fois la frontière franchie, les mineurs poursuivent

le creusement jusqu’à une rampe de sortie aménagée par les partenaires égyptiens5. Sous la

direction des propriétaires qui se coordonnent par téléphone de part et d’autre de la frontière,

et à raison de 6 à 12 mètres creusés quotidiennement par des équipes d’une dizaine

d’hommes se relayant jour et nuit. Les gazaouis ont ainsi creusé des milliers de couloirs

souterrains leur permettant de survivre en se jouant du blocus imposé en surface par leurs

voisins.

Cependant le pari de ce mémoire est de prouver que l’étude des tunnels ne doit pas ce limiter

à une étude des techniques de construction. En effet, le but de ce mémoire est de répondre à

un certain nombre de question qui tendent à montrer l’importance des tunnels, en tant

qu’éléments de rupture dans l’histoire propre de l’enclave mais aussi dans son rapport avec la

domination israélienne. Mon travail va donc tenter de répondre à un certain nombre

d’interrogation. Quelle est l’histoire des tunnels ? Comment se créent les tunnels ? Qui sont

les acteurs de cette économie souterraine ? Comment les tunnels ont permis au Hamas de

passer d’un mouvement clandestin à un acteur ayant les attributs d’un Etat ? Est- il devenu un

Etat ? Pourquoi les tunnels sont- ils un élément de rupture politique ? Comment les tunnels

ont- ils sauvé les gazaouis du désastre humanitaire ? Pourquoi l’économie des tunnels est-elle

une rupture majeure du processus de domination économique israélienne ? Comment les

tunnels ont-ils permis un remplacement des élites à Gaza ? Les tunnels ont- ils joué un rôle

régional ? Les tunnels ont-ils été utilisés par le Hamas pour gagner en influence sur la scène

diplomatique ?

5 TRIOLET Jérôme et Laurent « La guerre souterraine : sous terre, on se bat aussi » Perrin 2011, p 337.

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Pour pouvoir répondre à ces questions, nous avons divisé notre travail en trois grandes parties,

représentatives selon l’auteur des différentes fonctions des tunnels. Sa première fonction est

politique. Les tunnels ont entrainé une rupture politique majeure permettant au mouvement

politique du Hamas d’asseoir sa domination sur l’enclave palestinienne. Grâce aux tunnels

Gaza a mis fin à près de vingt années de domination du Fatah. L’histoire ne nous dira jamais

si le Hamas aurait réussi sans les tunnels, mais une étude des fais montre que la réussite du

Hamas a tenu dans sa capacité à prendre en main, a rationaliser et a administrer ce système

souterrain. Evidemment cette réussite a entrainé certaines critiques, voir certaines tentative de

déstabilisation que nous étudierons. La deuxième fonction est économique. Souhaitant

dépasser l’analyse des avantages et des désavantages, cette partie montre, à travers une

perspective historique, la rupture brutale que représentent les tunnels. Conceptualisant la

domination économique d’Israël sur la bande de Gaza par le concept du « de-development »,

cette partie montre que les tunnels fut la première expérience de sortie du « de-development ».

Pour cela une précision chronologique s’impose puisque la plus grande partie du temps, nous

parlerons de la période dite de « l’économie des tunnels » entre 2007 et 2013. Cette période

est la plus cruciale, puisque l’économie des tunnels est au plus fort, les tunnels prennent une

dimension différente. En effet, ce système crée sa propre autonomie, ses propres réseaux, sa

propre richesse. Il est puissant, permets d’amasser des fortunes et créer même de la

croissance. Son existence est unique dans l’histoire de la Palestine et sa rareté doit être mise

en avant. Les tunnels ont entrainé des bouleversements sociaux à travers l’apparition d’une

nouvelle élite économique. Le mémoire retrace l’histoire de ces élites pour permettre aux

lecteurs de mesurer la force politico-sociale de l’économie souterraine. Enfin nous tenterons

de comprendre le rôle qu’ont pu jouer les tunnels dans les différentes problématiques

régionales, que ce soit sur des questions liées aux enjeux diplomatiques du Hamas ou sur des

questions sécuritaires vis-à-vis de l’insurrection du Sinaï. Elément qui doit toujours rester à

l’esprit lorsque nous étudions les tunnels.

Les sources sur le blocus de Gaza sont paradoxales. Le conflit israélo-palestinien est traité sur

tous les supports : les analyses historiques, retraçant les grandes étapes et les solutions

possibles, des photographies, des livres, des poèmes, des films…Ainsi le cadre général est

très documenté, mais Gaza l’est beaucoup moins avec une seule œuvre d’historien6. En ce qui

concerne le blocus et sa dureté, il existe des témoignages de journalistes, d’écrivains,

d’humanitaire mais ces ouvrages se concentrent très souvent sur les périodes de guerres

6 FILIU Jean-Pierre, Histoire de Gaza, Fayard, Paris, 2012, p 436.

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comme si Gaza ne devenait intéressante qu’en période de massacre. Les sources sur les

tunnels sont quant à elles inexistantes ou presque. Il en existe quelque unes, toutes écrites par

des économistes. Ces derniers ont été intéressés par les tunnels comme phénomène

économique limitant leur étude à des considérations liées à la quest ion du développement, de

la croissance. Mon travail, en plus de considérer les tunnels comme un phénomène politique

autant qu’économique, tente de replacer les tunnels dans une histoire, celle de la bande de

Gaza. Ce n’est qu’à travers cette remise en perspective historique que l’on peut apprécier la

singularité de la période des tunnels, moment de rupture majeur dans l’histoire de la bande de

Gaza.

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1. Les Tunnels : outils au service du Hamas

1.1 Les tunnels avant le Hamas 1.1.1 L’émergence des tunnels entre 1979 et 1994.

Pendant des millénaires, Rafah était la première escale pour tous les marchands traversant

l’Afrique en direction de l’Asie. Rafah était une, unie, indivisible, regroupant en son sein des

tribus, des clans en grande partie d’origine bédouine. Ces populations se mélangeaient, se

mariaient, se faisaient parfois la guerre mais un lien existait entre elles. Ce lien a résisté à la

création d’Israël en 1948, à l’occupation égyptienne puis à celle israélienne en 19677.

Les accords de Camp David, en 1979, marque la fin de la guerre entre l’Egypte et Israël8,

L’Etat hébreu rétrocède le Sinaï à son ennemie d’hier mais souhaite la construction d’une

frontière. Celle-ci est tracée entre les deux pays et divise la ville de Rafah en deux. Les

soldats détruisent des maisons, des vergers et construisent une barrière 9, séparant un monde

unifié depuis des siècles. L’armée israélienne établit tout un dispositif de surveillance le long

du « couloir de Philadelphie », ainsi qu’est désignée la zone de patrouille immédiatement

frontalière de l’Egypte.

A peine la frontière tracée et la barrière construite en 1981, les bédouins ont commencé à

construire des tunnels le long de la ligne de séparation, grande de 14 kilomètres. Ces tunnels

creusaient, en grande partie au milieu, où la terre est plus molle, commençaient dans les sous-

sols des maisons jusqu'à une profondeur d’une quinzaine de mètres puis en direction du sud

pendant une dizaine de kilomètres avant de ressortir du côté égyptien, soit dans une maison,

dans un jardin ou dans un poulailler10. Les tunnels, à ce moment là, ne jouaient aucun rôle, et

7 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunel Phenomenon : the Unintended Dynamics of Israel’s siege » Journal of Palestine Studies, Vol 41, 2011, p 2 8 http://www.lesclesdumoyenorient.com/Conference-de-Camp-David.html 9 PORTEOUS Tom, « The divided people of Rafah » Middle East International, 1988, p.9 10 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunel Phenomenon : the Unintended Dynamics of Israel’s

siege » Journal of Palestine Studies, Vol 41, 2011, p 2

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se comptaient sur les doigts d’une main, ils permettaient, en grande partie, aux familles de se

réunir le temps d’un repas. Très rapidement et bien avant la fin des années 1990, les tunnels

changent de nature, ils ne sont plus vraiment des tunnels familiaux mais un lieu de trafic, que

ce soient des armes, de l’or ou de la drogue11.

1.1.1 Le début du succès entre 1994 et 2007.

Destinés à rester marginaux, les tunnels vont connaître un succès de plus en plus important à

partir des accords d’Oslo et de l’installation de l’Autorité palestinienne à Gaza en 1994. Les

israéliens vont petit à petit encerclés la bande de Gaza. La fermeture de plus en plus fréquente

des Postes-Frontières, les restrictions de circulation des hommes, des biens et des capitaux et

la construction de barrières tout autour de la bande vont pousser les gazaouis à chercher des

alternatives. En effet, le contexte politique est particulièrement violent au cours de ces années

avec le début de l’intifada Al-Aqsa en 2000 où la destruction des barrières séparant Israël de

la bande de Gaza font partie des premières demandes des manifestants 12. En guise de réponse,

les israéliens augmentent la hauteur et rendent les barrières encore plus infranchissables. La

fermeture fréquente des terminaux par Israël puis la destruction du port maritime de Gaza et

de l'aéroport en 2001, couplée à la militarisation de l'Intifada, ont intensifié une recherche de

débouchés en très grande partie vers le Sud. D'où l'extension et la modernisation des tunnels,

qui, pour la première fois ont servi de soupape de sécurité pour les grossistes pour atténuer les

pénuries créées artificiellement par la fermeture des terminaux.

Pour répondre aux besoins en armes et pour trouver des financements pour leurs opérations

durant l’intifada, les divers factions politiques palestiniennes ont crée et fait fonctionner des

tunnels plus long et plus profond. Les financiers ont cherché à coopérer et à travailler avec les

clans le long de la frontière, ce qui fut chose facile. Sami abu Samhadana, membre important

de l’autorité palestinienne à Rafah., chargé de la sécurité intérieur, lui-même issue d’une

famille de bédouins de la région, a surveillé la majeure partie de l'expansion13. Cette fusion

entre sécurité et intérêt économique, entre activité militante et entreprenar iat privé, allait

11 Ibid 12 La « réussite » de la seconde intifada s’explique par l’alliance des classes populaires et de

la petite bourgeoisie, en perte de vitesse depuis l’instauration des barrières, restreignant drastiquement les échanges et donc les profits. 13 BUCAILLE Laetitia, Gaza : la violence de la paix, Presses de Sciences Po, 1998, p77 à

79.

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devenir une caractéristique du développement futur. Les stratégies militaires israéliennes

visant à vaincre la deuxième Intifada passaient déjà par l’élimination des tunnels. Pour mettre

en œuvre son plan unilatéral de retrait de Gaza en 2005, Israël a rasé, en mai 2004 près de

quinze cents maisons palestiniennes le long du corridor Philadelphie entre Rafah et la

frontière. L’armée a renforcé cette frontière en construisant un mur de sept mètre de haut. Les

maisons détruites étaient souvent un lieu de passage de tunnels 14. Le document d’Human

Right Watch, paru en 2004 est extrêmement intéressant car il met en évidence le faible

nombre de tunnels trouvés et détruits par l’armée lors du passage à Rafah. Et même si il est

vrai et indéniable que le corridor Philadelphie fut déjà un lieu de trafic et de contrebande,

paradoxalement, à cette époque, le corridor est beaucoup moins fréquenté que le reste de la

frontière entre l’Egypte et le Néguev. Les trafiquants probablement préfèrent les israéliens,

plus riches, et le désert, plus simple pour se cacher15. Il s’agit de mettre en valeur un point

important, que ce soit dans les années 80, 90 et au début des années 2000, la contrebande

entre l’Egypte et Gaza existe mais est d’une importance limitée et incomparable à celui du

Néguev. En ce qui concerne les armes, celle-ci sont moins importées vers Gaza par les

tunnels16 que par la mafia israélienne.

Quant à l’Egypte, le régime de Moubarak a largement acquiescé à la construction du mur, en

espérant qu'il permettrait de protéger son pays d'un débordement de l'Intifada ou d’attentats

suicides qui menaçaient ses lucratives stations touristiques le long de la côte de la péninsule

du Sinaï, sur la mer Rouge. En outre, il craint que le retrait israélien oblige l’Egypte à devoir

prendre la responsabilité de 1,7 million d'habitants de Gaza, en déconnectant le territoire de la

Cisjordanie, et mettant ainsi fin aux aspirations arabes d’un Etat palestinien intégral. En

Janvier 2006, quatre mois après qu'Israël ait achevé son retrait de Gaza, le Hamas a remporté

les élections législatives palestiniennes. Israël a répondu en serrant systématiquement ses

frontières. Le 12 Mars 2006, alors que le Hamas était en pleine négociation avec l’Autorité

palestinienne pour former un gouvernement d'union, Israël a fermé le Poste- frontière d’Erez

aux travailleurs gazaouis mettant 70 pour cent de la population active de Gaza au chômage.

En Juin 2006, lorsque le soldat israélien Gilad Shalit a été capturé par des militant s

palestiniens (et escamoté par tunnel), Israël a fermé le terminal de Karni, passage primaire de

14 HUMAN RIGHT WATCH, Razing Rafah : Mass Home demolitions in the Gaza Strip, octobre 2004. 15 HUMAN RIGHT WATCH, Razing Rafah : Mass Home demolitions in the Gaza Strip, octobre 2004 p 48-49. 16 SABRY Mohannad, Egypt’s linchpin, Gaza’s Lifeline, Israel’s nightmare, The American

University in Cairo Press, 2015, p62.

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Gaza pour les marchandises (déjà fermé pour la moitié des six mois précédents). Israël a

également empêché l'utilisation du terminal de Rafah pour la circulation des hommes et

sévèrement restreint l'accès à la mission de surveillance européenne, chargée de surveiller la

frontière et le corridor Philadelphie 17 . Le fermeté d'Israël vis à vis des restrictions aux

échanges, couplée à la nécessité d'atténuer la menace de frappes aériennes israéliennes

punitives ciblant la zone de tunnel, ont rapidement incité les Palestiniens à développer des

tunnels plus profonds et plus longs couvrant la largeur de la zone et donc moins vulnérable

au sabotage. Le réseau de tunnels a continué de croître, et l'infrastructure améliorée. Même

ainsi, les tunnels étaient mal préparés pour la hausse du trafic généré par le blocus imposé à

Gaza par Israël et l'Egypte quand, en Juin 2007, le Hamas a pris le contrôle de la bande,

démantelé les forces du Fatah, et chassé ses dirigeants.

1.2 Les tunnels après l’arrivée du Hamas 1.2.1 La recherche d’une porte de sortie, l’option égyptienne.

La prise de contrôle de la bande de Gaza par le mouvement de la résistance islamique en juin

2007 marque un véritable tournant. De tunnels liés aux activités de contrebande, on passe à

une véritable économie des tunnels.

Le siège de la bande de Gaza qui a commencé des années auparavant, s’accélère. L’Egypte

ferme le terminal de Rafah, Israël désigne Gaza comme « une entité hostile ». Des roquettes

visent le sud d’Israël en novembre 2007. En janvier 2008, le blocus de la bande de Gaza

devient total. L’Etat hébreu interdit quasiment tous les produits selon la logique du « double-

usage », c’est-à-dire lorsqu’ils peuvent être utilisés à des fins civiles ou militaires. Pour

rappel, le blocus est particulièrement brutal, à part le blé, la farine, le riz, le sucre, l’huile

végétale et quelques légumes rien ne passe les terminaux israéliens. Le nombre de camions

entrant dans Gaza est tombé de 12,000 par mois en 2005 à 7000 en 2006. Après la prise de

contrôle de la bande par le Hamas, le nombre de camions passe à 20 par jours alors que les

besoins des habitants de Gaza sont de 1000 camions par jours18. Le manque d’essence devient

le symbole du blocus, les gazaouis abandonnent les voitures et achètent des ânes.

Face au blocus israélien maritime et terrestre, et la fermeture du terminal Egyptien de Rafah,

la crise humanitaire pointe son nez et menace déjà l’autorité du Hamas.

17 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunel Phenomenon : the Unintended Dynamics of Israel’s

siege » Journal of Palestine Studies, Vol 41, 2011, P 4. 18 GAL Yitzhak, “The Gates of Gaza and the Economic Power of Hamas”, Middle East Economy, Moshe Dayan Center for Middle Easter and African Affairs, Tel Aviv University, 3

juin 2011.

Page 17: Le_contre-blocus_de_la_bande_de_Gaza-_un (1)

17

Les membres de la résistance islamique comprennent rapidement que l’Egypte reste le point

faible face à « l’ogre » israélien. Pour tenter de mettre la pression sur le régime militaire du

Caire, les forces du Hamas cassent, en janvier 2008, le mur de séparation à Rafah, permettant

à des milliers de Palestiniens de passer et de se réapprovisionner dans le Sinaï19. Après onze

jours d’efforts, les égyptiens réussissent à faire rentrer les palestiniens chez eux, à Gaza.

Cependant, la réaction et la main de Moubarak se durcissent, un contingent de l’armée

régulière s’installe en vue d’améliorer la surveillance de la frontière et surtout un nouveau

mur plus grand est construit. La réaction égyptienne s’explique assez aisément. D’une part, le

blocus de Gaza à reçu l’approbation de la communauté internationale et notamment des Etats-

Unis d’Amérique. Ces derniers ont acheté la paix entre Le Caire et Tel-Aviv lors des accords

de Camps David. Le prix ? 2,1 milliards de dollars d’aide annuelle, donc 1,3 milliard d’aide

militaire et 800 millions d’aide civile 20 . L’Egypte est passé d’une économie de type

planificatrice à l’époque de Nasser à une économie capitaliste, privée à l’époque de Sadate.

Dans les deux cas, le pays n’a que peu réussi en matière de lutte contre le chômage, la

population reste majoritairement pauvre et peu éduquée 21 . On peut donc comprendre

aisément, à la vue d’ailleurs du déficit actuel de l’Etat central que les aides données par les

Etats-Unis sont devenues indispensables dans un pays asphyxié économiquement. Cette

raison n’est évidemment pas la seule, elle n’est pas l’alpha et l’oméga de la politique

étrangère égyptienne, mais elle reste importante et surtout permet d’expliquer la position du

Caire vis-à-vis de Gaza pendant les trois présidences, celle de Moubarak, de Morsi et de

Sissi22. D’autres raisons viennent s’ajouter, notamment la crainte de Moubarak puis de Sissi,

d’une alliance entre le Hamas et les frères musulmans égyptiens. En effet, les deux

mouvements se revendiquent de la même filiation politique celle de Hassan Al banna23.

Face à un blocus imposé de toute part et à l’échec de l’option égyptienne, le Hamas va donc

se tourner vers les tunnels mais à la différence du Fatah, les islamistes vont entreprendre une

rationalisation complète du système.

19 http://www.ladepeche.fr/article/2008/01/25/429158-destruction-nouveau-pan-mur-frontalier-entre-gaza-egypte.html 20 AYAD Christophe, Géopolitique de l’Egypte, Complexe, Paris, 2002, p 26. 21 Ibid 22 Nous nous intéresserons d’une manière plus fouillée à la relation Egypte-Gaza lors du chapitre sur le Sinaï. 23 HROUB Khaled, Le Hamas, Demopolis, Paris, 1994, p 176.

Page 18: Le_contre-blocus_de_la_bande_de_Gaza-_un (1)

18

1.2.2 Les attributs d’un Etat.

Ici, nous comprenons le mot de rationalisation selon deux sens. Le premier est l’ensemble de

moyens mis en œuvre dans le cadre d’un régime politique pour assurer une stabilité dans un

pays. Le deuxième sens est le perfectionnement d’une organisation technique en vue de son

meilleur fonctionnement. Nous proposons une hypothèse. Le Hamas a utilisé les tunnels pour

affirmer et stabiliser son pouvoir en s’attribuant les prérogatives d’un Etat, en créant malgré

tout des dissensions entre sa branche politique et militaire.

En 2007, le principal objectif du mouvement islamiste est l’élimination de la faction rivale, le

Fatah. Comble de l’ironie, les leaders du mouvement d’Arafat et notamment Mohammed

Dahlan24, ont du s’enfuir en Egypte par ces mêmes tunnels qu’ils contrôlaient quelques jours

avant. La brigade Izz al-Din al-Qassam, la branche armée du Hamas s’approprie les tunnels

du Fatah et en particulier ceux supervisés par Sami Abu Samhadana, qui a fui l’enclave25. La

victoire de la brigade a donné un pouvoir politique et un prestige très important à Ahmed

Jaabari26. La volonté de la brigade est de se garder les tunnels, d’en faire un lieu uniquement

militaire, cachés des habitants et du gouvernement du Hamas. En effet il faut, avant tout, faire

une distinction entre les tunnels militaires utilisés à des fins de réapprovisionnement ou

d’embuscade en Egypte et les tunnels privés, principale source d’importation de biens ou de

produits de consommation. Après une série d’affrontements violents et des batailles entre la

police et la brigade, le gouvernement et donc le pouvoir civil a repris possession des tunnels

privés et a laissé les tunnels militaires à la brigade27. Peut-être le lecteur sera-t- il choqué d’un

tel « égoïsme », mais il faut bien comprendre que les membres de ces brigades, souvent

recrutés jeunes, ne vivent que pour la lutte contre l’occupant, par conséquent plus ils ont de

moyens mieux c’est. La dimension politique c’est-à-dire la question de la discussion ou des

trêves avec l’ennemi israélien sont des éléments propres au pouvoir civil du Hamas. Ces

questions restent un peu étrangères à la branche militaire, plus habituée à la clandestinité et à

24 Chef de la sécurité de l’Autorité Palestinienne, proche d’Arafat. Laetitia Bucaille a fait une

magnifique biographie dans son ouvrage op.cit 25 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunel Phenomenon : the Unintended Dynamics of Israel’s

siege » Journal of Palestine Studies, Vol 41, 2011, 26 Leader de la brigade Izz al-din al-Qassam, mort en 2012. 27 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunel Phenomenon : the Unintended Dynamics of Israel’s

siege » Journal of Palestine Studies, Vol 41, 2011

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19

la guerre.28. Ismaël Haniyeh, le chef du gouvernement civil, peut donc se réjouir. Il a éliminé

ses principaux concurrents, le Fatah et Jaabari.

Les tunnels ont permis aussi d’éliminer le prestige d’une Autorité Palestinienne basée à

Ramallah. Son premier ministre Salam Fayyad, a stoppé les livraisons de co mbustible

nécessaire au bon fonctionnement de la centrale électrique de Gaza au motif que le Hamas ne

payait pas sa facture d’électricité. La réponse du mouvement de la résistance islamique fut

sans précèdent puisqu’il put faire venir du diesel, en grande quantité et de meilleure qualité

par les tunnels, limitant les pannes à 2 heures par jours alo rs qu’avant elles étaient de 12

heures . Même les rivaux du Hamas reconnaissent à contre cœur cette prouesse29. Ce coup de

force ne doit pas être sous-estimé. La population palestinienne, de Cisjordanie actuellement

et celle de Gaza de 1994 à 2007, vivait dans un système clientéliste où l’Autorité

Palestinienne et ses relais locaux offraient des avantages selon des considérations

politiciennes. Que ce soit sous le Hamas ou le Fatah, l’Etat joue un rôle clé pour trouver un

travail, avoir accès à l’eau ou à l’électricité…La réussite du Hamas tient à sa capacité à avoir

pu remplacer le Fatah….en reprenant son rôle. Dans un paradoxe confiant à l’absurde, le

blocus aide sa cible prioritaire le Hamas et sapent le travail des organisations internationales

qui auraient du être les « bénéficiaires » de cette situation de crise. En effet, ces dernières ne

peuvent acheter des produits passés par les tunnels, considérés comme illégales par les

donneurs de fond occidentaux (Américains et Européens en grande partie)30. Ce système à

donc donner à la résistance islamique la première place en ce qui concerne la reconstruction

de l’enclave31. Alors que les trois quarts des palestiniens de l’enclave dépendaient de l’agence

des nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) pour se loger, se nourrir, les

tunnels ont permis au Hamas de devenir les vrais protecteurs des réfugiés, créant une véritable

dépendance de ces derniers au premier. Dans une tentative pour retrouver leur participation

dans la chaine d’approvisionnement, les organisations humanitaires présentes à Gaza ont

présenté un plan de réouverture des terminaux israéliens sans la participation Hamas et dans

28 Les stratégies du Hamas face aux israéliens, en terme purement politique, sont magnifiquement exposées dans la thèse de Leila Seurat : SEURAT, Laetitia Leila, La

politique étrangère du Hamas 2006-2013 : idéologie, intérêt et processus de décision, Thèse de doctorat d’université, Paris : Institut d’études Politiques, 2014, p.381. 29 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunnel Complex » Middle East Research and Information Project, 2011 30 https://mediterranee.revues.org/6550 31 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunnel Complex » Middle East Research and Information Project, 2011

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20

le même temps ont monté une campagne mettant en évidence les coûts humanitaires d’une

économie de tunnel pointant du doigt le travail des enfants. Nous pouvons, sans faire de

procès à quiconque, se poser la même question que celle du Général Arnaud Sainte-Claire

Deville sur les organisations humanitaires, s’agit- il d’individus agissant selon des principes

moraux et pour le bien commun ou plus prosaïquement pour sauver son emploi 32 ? La

question se pose car sans les tunnels la population de Gaza aurait vécu, dès 2008, une

situation de famine. Malgré tout, au bout d’un an de blocus, le Hamas s’est débarrassé de ses

ennemies politiques et s’est construit une assisse populaire indéniable 33 . Mais il a aussi

construit une forteresse où seul ses alliés peuvent rentrer. En effet, le contrôle des tunnels a

permis de limiter l’entrée d’individus considérés comme indésirables. En premier lieu et

même si les tunnels n’ont que peu avoir, le Hamas considère que la bande de Gaza est un

territoire libéré du joug israélien. En effet à partir de 2007, plus aucun israélien n’est sur place

pas même des journalistes ou des humanitaires. Malgré eux, les israéliens ont rempli une

promesse électorale du Hamas lors des élections de 2006. Les diplomates occidentaux, partis

en 2007, ne peuvent revenir quant à eux qu’avec l’accord d’Ismaël Haniyeh. Les diplomates

autorisés à venir sur le territoire gazaoui ont souvent été des amis idéologiques à l’image du

Cheick Hamid Bin Khalifa Al-Thani, ex-emir du Qatar en juillet 201534. Enfin l’EUBAM, la

mission d’assistance frontalière de l’Union européenne à Rafah suspend ses activités dès le 9

juin 2007. Cette mission mise en place à la suite de l’accord sur l’accès et le mouvement

(AMA) en 2005 avait pour but de prendre la place des israéliens au poste- frontière de Rafah35.

Seulement, l’AMA avait été signé entre Israël et l’Autorité Palestinienne et l’accord était

donc vu, pour reprendre le mot d’Arafat, caduc pour le Hamas. Le départ de ces troupes,

considérées comme pro-israélien par le Hamas, offrait aux palestiniens une vue dégagée en

direction de l’Egypte. Pour terminer, les tunnels ont permis aux dirigeants de contourner les

restrictions du trésor américain sur les transferts financiers à l’étranger 36. Ainsi, dès la fin de

l’année 2007, le Hamas est devenue le leader politique (élimination des rivaux), économique

(contrôle des sources d’approvisionnement et à la tête de la reconstruction de l’enclave) et

ayant une véritable assisse populaire. Il contrôle les entrées et sorties de son enclave et

32 Séminaire sous la direction de M. Forcade du 29 mars 2016. 33 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunel Phenomenon : the Unintended Dynamics of Israel’s

siege » Journal of Palestine Studies, Vol 41, 2011, 34 Https://www.youtube.com/watch?v=b-ZYmg_rIkI 35 http://www.operationspaix.net/25-historique-eubam-rafah.html 36 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunel Phenomenon : the Unintended Dynamics of Israel’s siege » Journal of Palestine Studies, Vol 41, 2011,

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21

dispose d’une armée, d’une police et d’un gouvernement. Les tunnels ont donc permis au

Hamas la conquête d’une (quasi) pleine souveraineté de la bande de gaza, mais aussi de

passer d’un mouvement politique clandestin à un mouvement ayant beaucoup des attributs

d’un Etat. Mais par quels moyens ont-ils réussi ce coup de force ?

1.2.3. Les clés du coffre-fort.

Après la prise de contrôle de la bande de Gaza et l’expulsion des membres de la faction rivale,

le Hamas a mis en place une commission des affaires spécialement chargée des tunnels.

Baptisée jusqu’en septembre 2007, « Tunnels Commission » puis « The Border and Crossing

Authority » (BCA), son siège se trouve à l’intérieur de la municipalité de Rafah37.

La BCA a introduit une licence pour avoir ou pour creuser un tunnel. Au début, la volonté

n’est pas de réguler des excédents (ce qui arrivera plus tard) mais plutôt d’éviter des

constructions sur des zones relevant du domaine sécuritaire, en particulier près de la frontière

israélienne où le Hamas craignait une surveillance. Ainsi les propriétaires de tunnels qui

voulaient en construire de nouveaux devaient fournir des documents, soit le titre de propriété

soit une autorisation du propriétaire qui donnait le droit d’utiliser sa terre. La BCA est

également intervenue pour arbitrer des différends entre les marchands et les exploitants de

tunnels et vérifier qu’aucun individu ne cache des produits pour en faire augmenter les prix.

La commission a aussi diffusé une liste noire de produits. On y trouve des médicaments, des

armes, des véhicules démontés, des drogues 38 . Le Hamas a aussi interdit le passage

d’individus. Les violations sont punies. En 2009-2010, la commission a clos au moins cinq

tunnels pour contrebande de Tramadol, un tranquillisant puissant et très consommé à Gaza et

deux tunnels fermés pour non paiement des taxes.

En septembre 2008, les autorités ont imposé progressivement des taxes sur une activité qui

n’en avait jamais connu. Alors qu’Israël perçoit des droits de douanes sur les produits

commerciaux passant par ses terminaux, le Hamas met en place un système de collecte de

taxes pour générer ses propres revenues. En premier lieu, la municipalité de Rafah met en

place des frais administratifs, avec l’introduction de licence nécessaire pour avoir un tunne l

d’un prix de 10,000 shekel (NIS) soit 2, 850 dollars. A cela s’ajoute un supplément entre 1000

et 3000 NIS pour la connexion au réseau électrique. La commission a également introduit des

37 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunnel Complex » Middle East Research and Information Project, 2011 38 PELHAM Nicolas « The Role of the tunnel Economy in Redeveloping Gaza », Mandy

Turner and Omar Schweiki edition, 2014.

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22

prélèvements sur certains produits, en effet les propriétaires de tunnels ont déclaré que les

fonctionnaires de la BCA recueillent une tonne de ciment par semaine, quelque soit le volume

du trafic. En ce qui concerne l’essence, les taxes sont passées de 14 à 20% entre février 2010

et juin 2011, permettant aux autorités de recueillir près de 100,000 NIS par jours. D’autres

charges existent notamment sur le gaz ou sur le tabac à hauteur de 30 NIS par mètre cube et 3

NIS par parquet de cigarette. Les autorités chargent également le transport de voiture à

hauteur de 10,000 $ par voiture. Bien que les ouvriers des tunnels ne peuvent payer d’impôt

sur le revenu, les autorités de Gaza taxe à hauteur de 14,5 % la valeur ajoutée de toutes les

marchandises. Donc, plus les produits rentrent à l’intérieur de l’enclave, plus le Hamas

s’enrichit39.

Pour aider à l’application des taxes, les ministères de l’intérieur et de l’économie ont déployé

des agents chargés de la surveillance, en les postant dans les intersections clés en direction du

nord de l’enclave. Sous contrôle direct du ministère de l’intérieur, une première brigade est

composée de 300 policiers qui patrouillent tout au long de la frontière égyptienne sur des

motos. Un autre corps de fonctionnaire composée de 200 douaniers contrôle les cargaisons,

les licences et le payement des taxes. Ces douaniers sont sous la supervision du ministre de

l’économie Ala al-Rifati. Avant de sortir, les camionneurs font la queue pour enregistrer leurs

charges devant les portes de la municipalité de Rafah. Chaque camion est alors vérifié : le

poids contrôlé sur une bascule électronique incrustée dans le sable. Les camionneurs

reçoivent une liste imprimée des résultats, puis si tout va bien peuvent quitter la zone en

direction le plus souvent de Gaza city40. En ce qui concerne les moyens de transport autres

que les camions, les inspections sont aléatoires, principalement destinées à vérifier la nature

des marchandises mais aussi les permis et les certificats. Par exemple, les transporteurs de

carburants sont priés de présenter une preuve quant aux pa iements des taxes. Ainsi, nous

pouvons affirmer que la raison principale du succès du Hamas tient à sa rationalisation d’un

système autrefois complètement illicite, grâce à sa conquête fiscale. Ce système aurait permis

au Hamas d’amasser en moyenne près de 300 millions de dollars par an entre 2007 et mi 2013

sur un marché d’environs 700 millions de dollars annuels41. De quoi dans la pratique politique

palestinienne s’achetait des fidélités. Evidemment, ce succès indéniable entraine des réactions

39 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunnel Complex » Middle East Research and Information

Project, 2011 40 Ibid. 41 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunnel Complex » Middle East Research and Information

Project, 2011

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23

et des effets négatifs de la part de des deux voisins égyptien et israéliens mais aussi à

l’intérieur du champ politique de l’enclave palestinienne.

1.3 Une activité risquée.

1.3.1 Des voisins en colère.

Il y’a dès le début des activités de contrebande, des efforts de la part d’Israël et de l’Egypte

pour contrôler puis contrecarrer la circulation des marchandises. Dès le début les acteurs

régionaux ont tout de suite noté la possible menace que représente les tunnels pour la stabilité

régionale42. Dans cette partie nous étudierons la réaction égyptienne puis israélienne.

En ce qui concerne l’Egypte qui récupère le Sinaï en 1982 43 , nous pouvons diviser le

comportement du Caire vis-vis des tunnels grâce à la chronologie. Une date importante est

2004 l’année de l’attentat à l’hôtel Hilton de Taba dans le sud de la péninsule du Sinaï44. Cet

attentat est le premier revendiqué au nom de l’islamisme rad ical sunnite dans la péninsule

depuis celui de Louxor en 1997. Ce mouvement se revendiquant d’Al-Qaida, se nomme

Jamaa al-Tawhid al jihad et son leader est un dentiste originaire de Gaza, mais installé dans

le Sinaï, Khaled Moussaed45. Avant cette date, les militaires égyptiens installés dans le Sinaï,

fermaient les yeux ou pouvaient même participer, plus ou même directement (à travers la

corruption) aux trafics d’armes. L’idée qui sous-tend cette politique consistait à garder un lien

entre les activités politiques d’Arafat en contrôlant en partie son armurerie et d’avoir en même

temps un moyen de pression sur Israël. De plus, l’Egypte gardait son rôle de médiateur du

conflit israélo-palestinien, ce qui lui donnait un poids en matière régionale 46. Nous pouvons

citer les propos du Général Fouad Allam, à la tête de la SSI (State Security Investigation)

dans le Sinaï jusqu’en 1985 : « L’Egypte à toujours été le seul et l’unique médiateur entre les

palestiniens et les israéliens et je crois que la permission accordée aux transports des armes et

aux opérations des tunneliers était une partie de la stratégie des autorités égyptiennes pour

gérer le cas compliqué qu’est Gaza. C’était une manière de maintenir une stabilité et des

42 PELHAM Nicolas « Sinai : The Buffer Erodes » Chatham House, 2012 p18. 43 http://www.aleph99.info/La-restitution-de-la-peninsule-du.html 44 http://www.liberation.fr/planete/2004/10/08/egypte-au-moins-30-morts-dans-un-attentat-anti-israelien_495259 45 http://orientxxi.info/magazine/genealogie-du-djihadisme-au-sinai,0687 46 SABRY Mohannad, Egypt’s linchpin, Gaza’s Lifeline, Israel’s nightmare, The American University in Cairo Press, 2015, p60.

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24

relations avec les deux voisins sans les perdre47. » De toute manière, le trafic d’arme par les

tunnels est resté au stade embryonnaire jusque dans les 2000. A partir de 2004 et l’attentat de

Taba (s’en suivra deux autres en 2005 à Charm el-Cheick48 et à Dahab le 24 avril 200649),

Moubarak remplace son gouverneur du Sinaï Munir Shash, promoteur des droits des

bédouins, historique habitants de la péninsule du Sinaï50, par Habib El-Hadly aussi appelé le

« ministre de la torture 51». En effet, à part s’aliéner les populations locales bédouines par une

politique répressive qui poussera une partie de la population dans les bras des djihadistes, les

effets sur les tunnels peuvent être considérés comme nul. Au contraire, 2004 est aussi l’année

de la mort d’Arafat et de la montée en puissance du Hamas, qui sentant monter l’inévitable

bataille contre le Fatah décide comme ces derniers d’utilisait les tunnels pour s’armer encore

plus lourdement. Les islamistes du Hamas mettent la main sur des tunnels qu’ils développent

et agrandissent le volume du trafic d’arme. Pour Mohannad Sabry, l’échec des égyptiens

s’explique par trois grands facteurs, une demande accrue en armes pour les gazaouis du à la

militarisation de l’intifada al-Aqsa en 2000, les échecs de la répression combiné à une forte

corruption du côté égyptien et à la déliquescence du Fatah notamment dû à la mort d’Arafat.

Le désengagement israélien n’a fait qu’accélérer le trafic. Les contrebandiers du Sinaï qui

n’étaient qu’une poignée jusqu’au début des années 2000, ont réussit dès 2004 à étendre leur

réseau et à échapper totalement à la police égyptienne. 52 Cette situation continuera jusqu’en

2008. En effet, sous la pression des Etats-Unis d’Amérique et d’Israël à la suite de l’opération

plomb-durci, entre fin 2008 et début 2009, l’Egypte intensifie sa lutte contre les activités des

tunnels. Le Caire se lance dans la construction d’une barrière en acier de 25 mètres de

profondeur sous terre le long de sa frontière avec Gaza 53. Seulement l’Egypte connaît très

rapidement des difficultés techniques et logistiques à cause d’un sol pierreux qui empêche le

martèlement des plaques d’acier dans le sol. Au maximum ces plaques d’aciers peuvent aller

à 4 mètres de profondeur, ce qui est insuffisant. De plus les creuseurs utilisent des

chalumeaux pour faire des centaines de trous dans les plaques d’aciers installées ou creusent

47 Ibid. 48 http://news.bbc.co.uk/2/hi/middle_east/4709491.stm 49 http://www.lemonde.fr/afrique/article/2006/04/24/la-station-balneaire-de-dahab-en-egypte-

frappee-par-un-triple-attentat_764993_3212.html 50 PELHAM Nicolas « Sinai : The Buffer Erodes » Chatham House, 2012 p16. 51 http://www.jadaliyya.com/pages/index/759/the-counter-revolution 52 SABRY Mohannad, Egypt’s linchpin, Gaza’s Lifeline, Israel’s nightmare, The American University in Cairo Press, 2015 p 65. 53 ‘GazatunnelsmugglerscuttingthroughEgypt’swall’,Associated Press,22 Juillet 2010.

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25

des tunnels plus profond annulant du même coup un projet de plusieurs millions de dollars54.

Mais les raisons de l’échec tenaient plus à une faible volonté politique qu’à une question

technique. Les fonctionnaires de l’Etat Egyptien dans le nord-Sinaï, trouvaient avantageux

pour des raisons financières que ce trafic puisse continuer. Les années Moubarak sont donc

marquées par un laxisme important et lorsque la pression des américains ou des israéliens

devenaient trop forte, les agents publics égyptiens se limitaient à détruire les tunnels les plus

visibles, qui étaient souvent les moins importants55. Incapable de combattre le trafic ou de

renverser le Hamas, le régime en fin de vie de Moubarak a accepté le fait accompli et à établi

un modus operandi entre les autorités du Hamas et le ministère de l’intérieur du Caire. Cet

accord consistait à envoyer une liste des individus quittant Gaza en échange les égyptiens

laissaient passer des produits à des prix réduits.

Le 25 janvier 2011, la présidence de Moubarak s’écroule, c’est le début de l’insurrection.

Dans le nord-Sinaï, c’est-à-dire la région proche de la frontière palestinienne, composé de

trois grandes villes du Sinaï : El-Arish, Sheikh Zuwayyed et Rafah côté Egyptien, le régime

s’écroule et ses représentants chassés ou assassinés en pleine rue. Durant 5 jours, entre le 25

et le 30 janvier, de nombreux massacres ensanglantèrent la région.

L’armée égyptienne mettra près de 18 jours pour « reconquérir » le nord-Sinaï56. Mais le Sinaï

n’est plus une région pacifiée, touristique mais bien une zone de guerre encore aujourd’hui où

les embuscades sont permanentes. Cette situation divise la société bédouine entre un camp qui

appuie les forces gouvernementales et un autre proche de la rébellion dominée par un groupe

islamiste Ansar Bait al-Maqdis, devenue en novembre 2014, Wilayat Sinai57. Il s’agit d’un

moment clé car les autorités égyptiennes perçoivent les tunnels d’une autre manière. Vu

comme un moyen de moyen de pression et de stabilité (ou d’enrichissement), la situation

d’insurrection dans le nord-Sinaï à partir de 2011, pousse les égyptiens à percevoir les tunnels

comme une menace majeure à la sécurité nationale. Pire, les autorités du Caire vont

considérés que les tunnels sont la cause majeure de l’islamisation du Sinaï. Le Général Fouad

Allam déclare en 2013 : « On a jamais rencontré d’islamistes dans le Sinaï jusqu’à ce que les

54 PELHAM Nicolas « Sinai : The Buffer Erodes » Chatham House, 2012 p18. 55 PELHAM Nicolas « Sinai : The Buffer Erodes » Chatham House, 2012 p18

56 SABRY Mohannad, Egypt’s linchpin, Gaza’s Lifeline, Israel’s nightmare, The American University in Cairo Press, 2015 p 18 57 http://www.nytimes.com/2014/11/11/world/middleeast/egyptian-militant-group-pledges-

loyalty-to- isis.html?_r=3

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26

tunnels apparaissent (…) l’attentat de Taba en 2004 a été un avertissement clair (…). Il n’y a

jamais eu d’histoire d’islamisme radicaux dans le Sinaï (..) les islamistes sont arrivés par les

tunnels et une fois arrivés, il y‘a très peu de chance de les retrouver »58.

Le 28 juin 2012, le premier président issu de la mouvance des frères musulmans est élu. Il

s’agit de Mohamed Morsi. Le 5 aout 2012 a lieu la plus grande attaque terroriste sur le sol du

Sinaï, depuis la rétrocession de la péninsule en 1982. C’est l’attaque du poste-frontière de

Rafah, faisant 16 victimes, tous soldats égyptiens 59 . Les assaillants sont pour la plupart

originaire de la bande de Gaza, ils auraient eu des complicités avec les islamistes du Sinaï.

Cet événement va profondément choquer le pays. La présidence de Mohamed Morsi sera une

succession d’échec en matière de sécurité. Incapable d’éradiquer l’islamisme radical ou les

tunnels, il va devoir supporter tout au long de sa présidence des accusations graves. Portées

par des médias proches du pouvoir militaire, ces accusateurs lui reproche de faire le jeu du

Hamas ou de vouloir donner le Sinaï aux palestiniens 60 . Finalement le 3 juillet 2013, le

ministre de la défense Al-Sissi réalise un coup d’état militaire et prend le pouvoir. Depuis la

destitution de Morsi, les attentats sont quotidiens en Egypte. Le pouvoir est directement visé

et menacé par Wilayat Sinaï. Le 24 avril 2014, vieille de la journée de la journée de

célébration de la libération du Sinaï, l’armée avait affirmé que « la péninsule du Sinaï était

totalement sous contrôle ». Cependant tout au long de l’année 2014 et 2015, des attentats

visent régulièrement l’armée. Durant la présidence de Morsi, des attentats visant l’armée avait

été de la même fréquence et sa démission avait été alors réclamée : il était accusée, comme

nous l’avons vu, d’être incapable de combattre le terrorisme. Abdel Fattah Al-Sissi l’a dit et

répété : il ne fait aucune distinction entre les frères musulmans, le Hamas et l’organisation de

l’Etat islamique. Cet amalgame l’a conduit à isoler encore davantage les habitants du Sinaï et

de la bande de Gaza. Une zone tampon a été créée au niveau de la ville de Rafah côté

égyptien, isolant totalement cette enclave de 360 km2 encerclée de toutes parts. Des milliers

de familles égyptiennes ont été expulsées de leur domicile puis détruites. Des civils ont été

tués61.

58 SABRY Mohannad, Egypt’s linchpin, Gaza’s Lifeline, Israel’s nightmare, The American University in Cairo Press, 2015 p 107. 59 http://www.lefigaro.fr/international/2012/08/05/01003-20120805ARTFIG00252-un-commando-penetre-en- israel-depuis- l-egypte.php 60 SABRY Mohannad, Egypt’s linchpin, Gaza’s Lifeline, Israel’s nightmare, The American University in Cairo Press, 2015 p 156-157. 61 https://www.hrw.org/report/2015/09/22/look-another-homeland/forced-evictions-egypts-

rafah

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27

En ce qui concerne les tunnels, Sissi creuse un canal le long de la bande de Gaza avec la

volonté d’y faire couler l’eau salée de la méditerranée. Cette eau détruit les plantations et

l’agriculture 62 . Nous pouvons considérer que dès la mi-2013, l’économie des tunnels est

morte. Pour paraphraser un journaliste franco- israélien : « Nombreux sont les israéliens qui

en ont rêvé, le Caire la fait. »63

Le régime israélien, quant à lui, n’a pas toujours vu les tunnels de manière négative. Au

contraire, certains analystes israéliens trouvaient que les tunnels permettaient à Tel-Aviv de se

débarrasser de Gaza et d’offrir l’enclave à la responsabilité égyptienne. La surpopulation de

Gaza aurait obligé les palestiniens à quitter l’enclave pour aller vivre dans le nord-Sinaï64. La

réaction égyptienne a mis fin à cette hypothèse dès 2007. Pour Israël, l’économie des tunnels

a permis d’accélérer sa politique de désengagement de Gaza, lancé en 2005 et ainsi de se

séparer économiquement, logistiquement puis espérait- il politiquement du reste de la

Palestine. Néanmoins, les intérêts israéliens dans le maintien de l’économie des tunnels n’ont

pas empêché l’Etat hébreu de recourir à des actions militaires pour maximiser leur influence

sur la bande de Gaza et de garder le Hamas sur la défensive. Au lendemain de 2007 et la prise

en main de l’enclave par le Hamas, Israël a attaqué les tunnels de Gaza en utilisant des drones

et des avions de chasse en réponse aux tirs de roquettes, quelque soit la faction responsable

des attaques (Djihad Islamique, Hamas, Armée de l’Is lam...). Selon le quotidien israélien

Yedioth Ahronoth65, un tiers des 48 attaques israéliennes sur la bande de Gaza, durant l’année

2010, visaient des tunnels. Les attaques ont détruits du convoi alimentaire, cassé des lignes

d’alimentation mais aussi blessé ou tué des ouvriers des tunnels66.

Plus menaçante pour l’économie des tunnels fut le relâchement partiel du blocus sous la

pression internationale après l’assaut violent de Tsahal contre la flottille turque en mai 2010.

La petite bourgeoisie gazaouie déchue de sa position depuis le blocus et qui avait construit sa

fortune grâce à ses partenaires économiques israéliens s’est hâtée de rétablir en 2010 ses liens

et ses relations avec les anciens partenaires commerciaux israéliens. Les israéliens retirent de

62 http://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/l-egypte-a- inonde-les-tunnels-de-gaza-a- la-demande-d-israel-assure-un-ministre-israelien_1761319.html 63 http://orientxxi.info/dossiers/l-egypte-deux-ans-de-pouvoir-du-marechal-sissi,0957 64 voir « l’option égyptienne ». 65 H. Greenberg, ‘IDF intensifies ‘terror tunnel’ attacks in Gaza’, Yedioth Achronoth, 1 July 2010.

66 PELHAM Nicolas « The Role of the tunnel Economy in Redeveloping Gaza », Mandy Turner and Omar Schweiki edition, 2014.

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28

la liste noire certains produits comme l’aluminium, le verre, les insecticides, les

shampoings… cette relative ouverture a conduit à une réduction des commandes par les

tunnels. Un important grossiste alimentaire de Gaza a indiqué que de 2007 à 2010 il

importait 95% de ses produits par les tunnels. Dès la fin de 2010, 85% de ses importations

provenaient des terminaux israéliens. Un autre grossiste, explique que les stocks arrivant des

tunnels avaient chutés de 70 à 50% entre 2007 et fin 2010 67. Entre 2011 et 2013, la politique

israélienne consistait à attaquer encore et encore les tunnels jusqu’à la prise de pouvoir du

Sissi en Egypte.

1.3.2 Des critiques en interne.

La conquête fiscale et les efforts du Hamas visant à réglementer les tunnels ne se sont pas

réalisés sans contestation, surtout dans un secteur dominé par l’illicite et où la notion d’impôt

n’existait pas. Les familles et les clans bédouins sont historiquement réticents envers toutes

formes de dominations et notamment étatiques. A la fin du moi de novembre 2007, des

affrontement armés ont éclatés entre les forces gouvernementales du Hamas et des membres

de la famille Al-Sha’ir de Rafah après que la destruction de leurs tunnels par les premiers68.

Cela dit, la véritable limite n’est pas celle-ci. Les tunnels ont surtout terni la réputation du

Hamas. Les critiques pointent du doigt un manque de transparence, des erreurs de gestion et

une corruption très importante. Pour un économiste de Gaza, « le Hamas est devenu une

entreprise »69. Les autorités du Hamas ont été largement critiquées sur le fonctionnement

opaque de l’administration chargée de la délivrance des licences. En effet, les membres de

cette administration auraient délivré des licences à des prix réduits en échange d’une

nomination dans les conseils d’administration des coopératives des tunnels, dont nous

expliquerions plus tard le fonctionnement. Le Hamas a aussi joué un rôle important dans un

scandale en 2007-2008. Avec des tunnels coûtant entre 80,000 et 200,000$, des mosquées et

des réseaux caritatifs, proche du Hamas, ont offert en échange d’une participation financière

importante des taux élevés de retour. Ce système, promouvant un plan de type pyramide de

Ponzi70 s’est écroulé lors de l’opération plomb-durci en 2008-2009. En effet, les investisseurs

se sont tous retournés pour récupérer la mise initiale, détruisant d’un coup tout l’édifice.

67 PELHAM Nicolas « The Role of the tunnel Economy in Redeveloping Gaza », Mandy

Turner and Omar Schweiki edition, 2014. 68 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunel Phenomenon : the Unintended Dynamics of Israel’s siege » Journal of Palestine Studies, Vol 41, 2011, 69 Ibid. 70 http://www.sec.gov/answers/ponzi.htm

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29

Bernard Madoff a exactement utilisé le même système. Face à la polémique, le Hamas a

refusé puis remboursé aux alentours de 15% la somme investie71. Cet événement a détérioré

considérablement la crédibilité du mouvement. Par la suite, les islamistes salafistes

(mouvement à droite du Hamas) et opposants laïques ont accusé sans discontinuer le Hamas

d’être un mouvement corrompu. Certains é léments de la branche armée du Hamas ont acquis

une réputation de profiteurs à l’image de Mohammed Dahlan et sa force de sécurité

préventive. Plusieurs responsables de premier plan comme le bédouin et porte-parole du

Hamas Fawzi Barhum a été accusé de protéger les intérêts de sa seule famille, impliquée dans

l’économie des tunnels. Nicolas Pelham a recueilli un témoignage saisissant d’un salafiste de

Gaza : « Avant le Hamas était axé sur le religieux, leurs membres connaissaient par cœur le

Coran. Maintenant ils sont plus intéressés par l’argent et la fraude. Avant le Hamas parla it du

paradis, mais maintenant ses membres pensent aux achats de maisons, de terrains ou de

voitures ». Ce salafiste va plus loin car il considère que l’argent a perverti la société et son

chef les Imams « Après les prières du soir on étudiait, maintenant l’Iman explique les moyens

de s’enrichir, de faire de l’argent »72. Cette citation met en avant la radicalisation d’une partie

des habitants de Gaza vers l’islam de l’Etat Islamique. Les tunnels ne sont sûrement pas la

cause principale mais peuvent y jouer un rôle. Ainsi lorsque des leaders politiques islamistes

roulent en grosse berline, il n’est pas inimaginable de penser que cela puisse créer un fossé.

Le Hamas est aussi accusé de manquer de transparence quant à son utilisation des revenues

des tunnels. Alors que les responsables du Hamas expliquent que sur les 300 millions de

dollars, la moitié vont dans le budget annuel, certains hommes d’affaires ont calculé des

recettes plus importantes, ce qui soulèvent des questions quant aux destinations et

destinataires de ces fonds, notamment aux vues des lacunes et des retards des paiements des

salaires des agents de la fonction publique73.

Enfin le Hamas s’est attiré les foudres, et nous l’avons vu, des organisations internationales à

cause de l’utilisation des enfants. Les nombreuses vidéos disponibles des tunnels et de leurs

constructions ne permettent pas de voir des enfants dans les tunnels. Mais l’auteur Nicolas

71 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunel Phenomenon : the Unintended Dynamics of Israel’s

siege » Journal of Palestine Studies, Vol 41, 2011 72 Ibid 73 PELHAM Nicolas « The Role of the tunnel Economy in Redeveloping Gaza », Mandy

Turner and Omar Schweiki edition, 2014

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30

Pelham, qui a voyagé et a vu les tunnels en décembre 2011 compare dans son article les

enfants de Gaza aux enfants à l’époque victorienne dans les mines de charbon74.

Tout compte fait, les tunnels ont donné une image positive et négative du mouvement de la

résistance islamique (Hamas). Alors que ces détracteurs louent, même à contrecœur, son

succès dans la réduction de la strangulation israélienne et donc de diminuer la souffrance du

peuple gazaoui, certains ont perçu et dénoncé un mouvement miné par la corruption. Pendant

les pénuries de carburant en 2012, de nombreuses rumeurs circulaient que les familles des

membres du Hamas ne connurent jamais de pénurie d’électricité et que les stations d’essence

ont continué à fonctionner à l’usage exclusif du Hamas75. Vrai ou pas, ils se sont nourri d’une

rumeur tenace, celle d’un Hamas enrichie par le blocus. Pour finir, les tunnels ont été à double

tranchant pour le mouvement d’Haniyeh, loué d’une part et critiqué de l’autre.

2. Les tunnels : d’une réponse au blocus au bouleversement des structures sociales.

2.1 Coopérative, avantages et désavantages des tunnels. 2.1.1 La mise en place des coopératives.

Comme nous l’avons vu les événements se sont accélérés très rapidement entre l’année 2006

et 2007 pour l’enclave palestinienne. La mise en place du blocus suite à la prise de pouvoir

par le Hamas en juin 2007 et la fin de l’option égyptienne ont poussé les gazaouis vers le sud

et à réactiver les tunnels de contrebande. Les israéliens ont mis en place un blocus

particulièrement violent et asphyxiant pour une enclave dépendante économiquement de

l’Etat hébreu. Pour résumer les conséquences du blocus et dont les premiers symptômes se

sont faits sentir dès les premières semaines, les premières restrictions visaient la libre

circulation des personnes. Parmi ces individus, certains avaient un traitement médical,

d’autres étaient étudiants mais la grande majorité travaillait en Israël. Le chômage est en 2015

74 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunel Phenomenon : the Unintended Dynamics of Israel’s siege » Journal of Palestine Studies, Vol 41, 2011 75 Ibid.

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31

le plus élevé au monde avec 44 pour cent. De plus, l’entrave à l’entrée des matériaux

empêchait tout construction ou toute reconstruction. Environ 800,000 camions de matériaux

de construction sont indispensables pour construire des maisons, des écoles ou des structures

sanitaires. Le taux d’entrée de matériaux de construction n’est que de 0,2 pour cent76. On

assiste à l’effondrement économique de Gaza. L’interdiction d’exporter ou d’importer des

produits nécessaires aux industries a provoqué en 2015 la faillite de 72% des usines à Gaza.

Les pertes de PIB depuis l’imposition du blocus sont est imées à plus de 50 pour cent. Le

blocus a entrainé aussi, une destruction de l’agriculture et des moyens de subsistance comme

la pêche. Enfin il faut noter l’effondrement de l’infrastructure d’eau et d’assainissement 77. Ce

bref résumé de la situation de l’enclave en 2015 a pour but de mettre en évidence les réalités,

le développement des tunnels avait pour but de s’en prévenir. Hélas malgré des début

encourageants, les tunnels n’ont pas réussi à sauver la bande de Gaza d’un désastre annoncé.

Privé de ressources et des routes traditionnelles de commerce, le Hamas s’est donc tourné

vers le développement des tunnels. Ces derniers sont devenus le seul moyen pour les

entrepreneurs de Gaza d’acheminer puis de vendre les produits nécessaire à la subsistance. La

demande a donc été très forte dès le début. Au soir de l’opération plomb-durci en décembre

2008, le nombre de tunnels est passé de quelques douzaines à la mi-2007 à près de 500.

Concentrés sur 8 kilomètres des 14 kilomètres du corridor Philadelphie. Les tunnels se

trouvent en grande partie entre Tel-Zagreb à l’ouest et le point de passage de Rafah à l’est, où

l’argile est plus souple. Les tunnels sont souvent creusés les uns des autres, parfois les uns sur

les autres. L’économie des tunnels était estimée à 30 millions de dollars par an à la moitié des

années 90 puis à près de 40 millions de dollars par moi à la fin de l’année 2008. Cependant, à

ce moment là on est loin des 2 milliard d’échange annuel entre la bande de Gaza et Tel-Aviv.

Pour répondre à la demande, les contrebandiers qui étaient jusque là spécialisés dans la

contrebande d’armes, ont du se diversifié en important du riz, des pâtes ou des produits

alimentaires de base. Quand Israël a coupé l’approvisionnement en carburant, les

contrebandiers ont commencé à faire passer de l’essence égyptienne dans des bouteilles en

plastique. Mais les prix étaient tellement gonflés et l’essence de mauvaise qualité, qu’il a

fallut l’intervention du Hamas pour arrêter cette escroquerie. Ce dernier a mis en place un

oléoduc78. En quelques mois, les tunnels avaient remplacé les terminaux israéliens comme

76 OXFAM, les reconstructions cruciales à Gaza pourraient prendre un siècle, février 2015. 77 http://www.ism-france.org/analyses/Le-Blocus-de-Gaza-en-Chiffres-Deni-et-Privation-continuelsRapport-du-14-juin-2015-article-19619 78 PELHAM Nicolas « The Role of the tunnel Economy in Redeveloping Gaza », Mandy

Turner and Omar Schweiki edition, 2014

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32

route commerciale principale. Même si le Hamas, en tant qu’acteur administratif joue un rôle

important dans le succès des tunnels, la plus grosse part vient du secteur privé. Les

investisseurs privés, y compris des membres du Hamas, ont soulevé des capitaux qu’ils ont

mis en commun avec des familles égyptiennes installés de l’autre côté de la frontière. En ce

qui concerne les acteurs égyptiens, on peut les diviser en trois catégories : les égyptiens

d’origine palestinienne, les bédouins du Sina ï propriétaire de terre à Rafah et les égyptiens qui

habitent à Rafah79. Après un accord verbal entre les gazaouis et les égyptiens, les avocats

rédigent des contrats pour créer juridiquement une coopérative et pour permettre le début de

l’exploitation des tunnels commerciaux. Les contrats détaillent le nombre de partenaires

(généralement de quatre à quinze), la valeur des parts respectives et le mécanisme de

distribution des bénéfices. Un partenariat typique englobait une partie de la société gazaouie.

On y trouvait, par exemple, un douanier de Rafah, un agent de sécurité dans l’ancienne

administration de l’autorité palestinienne, un travailleur agricole, un d iplômé universitaire, un

employé d’une organisation non-gouvernemental et des creuseurs. Nicolas Pelham, nous

donne l’exemple de Abu Ahmas, qui gagna it entre 30 et 70 NIS par jour comme chauffeur de

taxi. Il a investi les bijoux de sa femme, d’une valeur de 20,000 dollars et s’est associé avec

neuf autres partenaires80. Généralement les investisseurs pouvaient récupérer la mise initiale

assez rapidement. En effet, en 2007, un investissement de 100,000 dollars permettait de

construite un tunnel long de 300 mètres et avec une capacité journalière de 40 tonnes. La

même somme investie en 2010 permettait de construire un tunnel quatre fois plus grand et

quatre fois plus large. En 2011, les tunnels pouvaient atteindre jusqu’à 1,5 kilomètres de long,

une hauteur de 1,5 mètres et avaient une capacité journalière de 170,000 tonnes. Entièrement

opérationnelle, un tunnel engrangeait des bénéfices en un mois. Evidemment les bénéfices

devaient être divisés avec les fournisseurs égyptiens. Pour être plus précis, nous pouvons

ajouter que les propriétaires des tunnels sont souvent des jeunes entre 25 et 40 ans, motivés

par des bénéfices rapides et la plupart sont souvent politiquement des sympathisants du

Hamas, même si on peut douter légitimement de leur sincérité. Bien que les tunnels jouent un

rôle important dans la baisse du chômage, les gazaouis les appellent les « tunnels de la mort »

en raison du nombre important de morts, notamment chez les creuseurs. Malgré les risques

79 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunel Phenomenon : the Unintended Dynamics of Israel’s siege » Journal of Palestine Studies, Vol 41, 2011

80 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunel Phenomenon : the Unintended Dynamics of Israel’s siege » Journal of Palestine Studies, Vol 41, 2011

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33

associés au travail dans les tunnels, ce travail a continué en raison de la nécessité et le

pourcentage élevé du chômage. De nombreux travailleurs disent qu’ils se sentaient comme

dans une tombe à l’intérieur du tunnel, où la mort pouvait arriver à tout moment.

2.1.2. Les avantages des tunnels : une réponse partielle à la crise humanitaire.

L’économie des tunnels a comme principal avantage d’avoir été une réponse partielle aux

problèmes humanitaires. Ils sont permis un réapprovisionnement d’un certain nombre de

produits indispensables. Nous avons déjà cité l’essence, mais les produits les plus importés

étaient les détergents, la nourriture, le riz , les pâtes, les générateurs, les bicyclettes, les pièces

de rechange pour les voitures, des outils de plomberie, des chaussures, des habits pour bébé,

du ciment, des produits pharmaceutiques, des cigarettes, des bombonnes de gaz, mais aussi

des animaux comme les veaux ou les moutons 81 . Ainsi à la fin de l’année 2010, les

contrebandiers affirment que 68 pour cent des produits présent à Gaza proviennent des

tunnels. Ce chiffre augmente à 90 pour cent en ce qui concerne les matériaux de construction

et l’essence. 70 pour cent en ce qui concerne les habits, 60 pour cent pour la nourriture et 17

pour cent pour les médicaments.

Les tunnels ont aussi un impact macroéconomique très important. Dans une économie

marquée par un chômage massif suite à l’impossibilité des travailleurs d’aller en Israël, le

bombardement des entreprises et l’impossibilité d’exporter, les tunnels sont devenus le

premier employeur privé et le premier employeur des plus jeunes. Lorsqu’un tunnel

fonctionnait pleinement, il faisait travailler entre 20 et 30 personnes. On estimait que près de

25,000 personnes travaillaient directement ou indirectement grâce aux tunnels. Il y’ avait les

propriétaires, les creuseurs, les transporteurs et les vendeurs. Au delà de ces individus, il faut

imaginer que ce système permettait aux familles de ces individus de vivre, soit près de

150,000 personnes. Le chômage a baissé de 50 à 20 pour cent dans la ville de Rafah, la

principale bénéficiaire des tunnels, entre juin 2007 et décembre 2008. Pendant un temps, les

ouvriers des tunnels était les mieux payés de tout Gaza. En 2008, le salaire moyen d’un

ouvrier des tunnels était de 75$, près de 5 fois supérieur au salaire moyen82.

Les tunnels de Gaza se sont donc révélés être devenus le vér itable poumon économique de

l’enclave face aux restrictions et au blocus. Elle a permis d’aider Gaza à se reconstruire après

l’opération plomb-durci. Selon les nations-unis, les opérations de reconstruction nécessitaient

81 http://home.birzeit.edu/cds/new-cds/sites/default/files/sites/default/files/publications/tunnels.pdf 82 PELHAM Nicolas « The Role of the tunnel Economy in Redeveloping Gaza », Mandy

Turner and Omar Schweiki edition, 2014

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34

l’entrée sur l’enclave palestinienne de près d’1 million de camions. Le refus israélien combiné

à l’interdiction pour les ONG d’utiliser les tunnels n’aurait pas permis cette reconstruction.

Les tunnels, à ce moment là, ont joué un rôle fondamental. Le travail, l’intelligence dans la

construction de nouveaux tunnels ont permis aux gazaouis de reconstruire une partie de

l’enclave en moins de 2 ans. Les tunnels sont devenus plus grands, plus large, plus profond et

moins détectable. Sans les tunnels, l’enclave ne se serait jamais reconstruite en si peu de

temps.

Les tunnels ont été une réponse contre l’interdiction de sortir de la bande de Gaza. Que ce soit

les israéliens, les égyptiens et l’autorité palestinienne (refus de délivrer des passeports), tous

ont refusé aux gazaouis d’aller se soigner, travailler, d’aller voir des amis ou même voyager à

l’extérieur. Alors les habitants de l’enclave ont crée des agences de voyage qui offraient des

séjours sur la riviera du sud Sinaï avec évidemment un passage dans les tunnels aller-retour

compris. Le Hamas avait même des tunnels VIP avec les tapis rouges.

Entre 2007 et 2013, les tunnels ont permis à gaza de se développer, ou tout du moins de tenter

de relancer une économie. Même si les tunnels ont surtout servi à l’importation, il est

important de préciser que des exportations eurent lieu, notamment à la période de la chute de

Moubarak. Evidemment, les égyptiens avaient comme politique de surtaxer les produits de la

bande de Gaza. L’expérience fut peu concluante mais elle a le mérite d’avoir été tenté. En

2011, les exportations ont surtout servi à relancer un secteur agraire et de manufacture en

grande difficulté. On y exportait en grande partie des pommes ou des habits. Parfois les

gazaouis venaient venir des produits égyptiens en petite quantité qu’ils copiaient pour pouvoir

relancer leurs propres industries, notamment textiles.

En grande partie, cette expérience d’une économie des tunnels a surtout évité à une crise

humanitaire de devenir un désastre humanitaire. Elle a permis à 1, 7 millions de personnes de

ne pas mourir de faim ou de froid et honnêtement c’est quelque chose de très remarquable.

2.1.3. Les désavantages des tunnels : un développement impossible.

Nous adoptons dans ce chapitre une position critique qui a pour but de juger un système

économique entre 2007 et 2013. Trois ans sont passés depuis la fin de l’économie des tunnels.

L’historien peut en tirer des conclusions. Le but est de tenter de montrer les limites d’un

système en terme de développement sur le long terme. Face à la situation dramatique de

l’enclave en 2007, nous reconnaissons le rôle salvateur des tunnels et n’adoptons pas ici, une

position morale quant au bien fondé de son utilisation.

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35

Les désavantages des tunnels en terme économique sont nombreux. Elle a transformé la bande

de Gaza en un énorme marché de consommateur. En effet, les exportations sont tellement

faibles, qu’elle n’a pas permis de créer un cercle vertueux permettant un développement

massif. Les économistes ont conceptualisé la bande de Gaza durant la période des tunnels,

comme une économie souffrant de la maladie hollandaise. L’économie palestinienne et celle

de Gaza en particulier ont toujours souffert de problèmes économiques et sociaux. Au cours

des vingt dernières années, la Palestine a été affecté par cette maladie hollandaise.

L’économie de la Hollande et les hollandais furent touchés par un état de paresse à la suite de

la découverte dans les années 1960 de grands gisements de gaz et de pétroles en mer du

nord 83 . Cette découverte a entrainé un augmentation de la consommation notamment de

produits de luxe et après l’épuisement des ressources, la hollande a connu une augmentation

de la pauvreté et du chômage. Ce concept met donc en relation un boum économique puis un

repli, une désindustrialisation et l’augmentation du chômage 84 . Dans le cas hollandais, ce

phénomène est suscité par l’accroissement des recettes d’exportation, qui a provoqué

l’appréciation de la devise. Le résultat est que dans les autres secteurs, les exportations

deviennent moins favorables que les importations.

Evidemment, la Palestine ne possède pas de ressource naturelle comme le Pays-Bas ou le

Qatar, ainsi la maladie hollandaise s’applique dans une forme différente. Durant la période

2009-2013, la maladie a émergé à Gaza en raison du monopole par un petit groupe des

tunnels. Ces propriétaires avaient un contrôle sur les prix et sur les entrées de la plupart des

besoins de base. Ce phénomène a entrainé une accumulation importante de richesse dans les

mains de quelques individus. Malheureusement, cet argent a été investi dans des projets non

productifs comme l’immobilier, la consommation, la construction de villa ou d’hôtel de luxe.

De plus cet investissement parfois un peu absurde, comme la construction d’un hôtel de luxe à

Gaza 85 , ne s’est pas toujours fait au sein de l’enclave mais aussi beaucoup en dehors,

notamment dans le nord-Sinaï. Cet argent non investi a entrainé, comme en Hollande une

83 CORDEN W. Max et NEARY Peter J, Booming Sector and De-Industrialisation in a small

Open Economy, The Economic Journal Vol.92, No. 368 ( Dec, 1982), p 825-848.

84 http://www.lactualite.com/lactualite-affaires/la-maladie-hollandaise-cest-quoi/ 85 Une visite de cet hôtel en 2011: https://www.youtube.com/watch?v=2J5JVyz1A-k

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36

augmentation du chômage et de la pauvreté86. Ainsi d’une manière assez paradoxale, les

tunnels ont affaibli l’économie nationale, car ils ont conduit a une baisse de la production

dans le secteur de l’agriculture et de l’industrie à cause de ce manque d’investissement dans

ces secteurs.

D’ailleurs les clients des tunnels ne sont pas les seuls à voir la situation économique se

retourner. Dès la mi-2010, les propriétaires des tunnels sont devenus les victimes de leurs

propres tunnels. Après la guerre de 2008-2009, les tunnels se sont améliorés en terme

d’infrastructure. Leur capacité de transport a été multipliée, parfois par trois. Après deux

années de croissance extraordinaire, les grossistes avaient largement réapprovisionné leurs

stocks et retourné très souvent leurs commandes. Ce phénomène couplé avec une demande

plus faible à entrainé une importante chute des prix. Cette baisse des prix a entrainé des

changements chez les propriétaires de tunnels, beaucoup ont fait faillite et d’autres ont du tout

simplement limogé. Ainsi en février 2010, le nombre de tunnels serait passé de 1,200 à 20087.

Les tunnels ont entrainé d’autres désavantages, puisqu’ils ont réduit la pression sur Israël. Le

succès des tunnels n’a pas permis la réouverture des terminaux ou la fin du b locus. Les

tunnels ont permis à Israël, de se débarrasser doucement mais surement de la bande de Gaza

au détriment de l’Egypte. L’Etat hébreu n’a pas voulu prendre ses responsabilité en tant que

pays occupant et à au contraire a fait le maximum pour se décharger de sa responsabilité, ce

qui a entrainé une séparation importante entre Gaza et la Cisjordanie. Le phénomène des

tunnels est devenue un facteur permanent de friction entre l’Egypte et la bande de Gaza. De

plus, les tunnels ont accéléré l’isolement de la bande de Gaza vis-à-vis du monde extérieur, et

ceci à la lumière du silence de la communauté internationale et des pays du monde arabe.

Enfin, les tunnels ont été un véritable cimetière pour les jeunes ouvriers. Les chiffres sont peu

connus mais certaines sources affirment que de 2007 à mai 2013, les morts se comptent au

nombre de 232, en grande partie à cause des mesures de sécurité inexistantes et du peu

d’expérience des équipes de secours88.

86 http://home.birzeit.edu/cds/new-cds/sites/default/files/sites/default/files/publications/tunnels.pdf 87 PELHAM Nicolas « The Role of the tunnel Economy in Redeveloping Gaza », Mandy Turner and Omar Schweiki edition, 2014 88 http://home.birzeit.edu/cds/new-

cds/sites/default/files/sites/default/files/publications/tunnels.pdf

Page 37: Le_contre-blocus_de_la_bande_de_Gaza-_un (1)

37

2.2. Première expérience de Gaza hors du « de-development »

2.2.1 Le concept du « de-development ».

Le concept du « de-development » a été formulé pour l’économiste américaine Sara Roy dans

un premier article de 198789 puis étayé dans un livre en 199590. L’universitaire définit le « de-

development » comme un processus qui sape et affaiblit la possibilité pour une économie de

grandir et de s’étendre en l’empêchant d’accéder et d’utiliser ses ressources essentielles pour

promouvoir une croissance interne au delà d’un niveau critique, lui-même jugée par Israël. A

Gaza, la politique de « de-development » transforme la bande de Gaza en auxiliaire de l’Etat

hébreu.

Evidemment, les gouvernements israéliens considèrent que cette interaction des économie s

palestiniennes et israéliennes a été bénéfique au peuple palestinien et gazaouie.

L’accroissement du revenu par habitant, l’arrivée de la télévision ou de la radio, la disparition

de certaines maladies ou le haut niveau de scolarisation sont souvent cités comme exemples.

L’argumentaire de Sara Roy affirme le contraire. Les critiques font valoir que l’interaction est

plutôt une intégration forcée de la structure économique de la bande de Gaza en Israël, et que

les résultats indiquent que cela nuit à Gaza et bénéficie à Tel-Aviv. En effet, les résultats

montrent la régression du secteur clé de l’économie de la bande de Gaza l’agriculture mais

aussi l’industrie. La dépendance a produit une croissance, mais celle-ci est désarticulée et

surtout orientée selon les besoins d’Israël.

Pour s’en convaincre, il faut revenir en arrière. En 1948, l’économie de la bande de Gaza était

sur le point de s’écrouler. La déclaration de l’Etat d’Israël, la première guerre arabe ont

poussé des milliers de palestiniens vers la bande de Gaza. Le secteur agricole n’a pas pu

absorber cet afflux massif. On parle d’une arrivée de 200,000 réfugiés installés dans huit

camps, pour une population totale de 80,000. En effet, il n’y a que 14 pour cent des gazaouis

qui peuvent vivre de la terre et 20 à 25 pour cent de ces terres sont concentrées dans les mains

89 ROY Sara, « The Gaza Strip : A case of Economic De-Development », Journal of Palestine Studies, 17 (1), 1987, p56-88. 90 ROY Sara, The Gaza Strip : The political Economy of De-development, Institute for

Palestine Studies, Washington DC, 1995, p 372

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38

d’un petit nombre de famille. L’agriculture, entre 1948 et 1967, est la première activité

économique. Le secteur industriel existe mais est véritablement à un stade embryonnaire.

Quelques jours avant l’occupation israélienne en 1967, les infrastructures économiques de la

bande de gaza sont rudimentaires, et en l’absence d’un marché intérieur et d’une main

d’œuvre qualifiée, l’économie stagne.

L’occupation israélienne de la bande de Gaza pousse l’économie de l’enclave en contact

direct avec l’économie de Tel Aviv. Cette rencontre va représenter une autre dislocation

majeure. Petite, mal organisée et largement agricole, l’économie de Gaza possède peu de

moyen pour résister aux effets d’une économie très industrialisée et technologiquement

avancée comme celle d’Israël. En 1967, le produit intérieur brut de la bande de Gaza et de la

Cisjordanie réunie (PIB) c’est-à-dire la production annuelle de richesse correspond à 2,6 pour

cent de celui d’Israël. Dans les première année de l’occupation c’est-à-dire entre 1968 et

1973, l’économie de Gaza atteint un niveau de croissance extrêmement haut, en raison des

revenus générés par l’arrivée de l’économie israélienne. Après 1973, ce taux de croissance

descend à cause du début de la récession d’Israël. Les salaires des ouvriers gazaouis

travaillant en Israël, sont responsables et contribuent directement à l’augmentation de la

croissance du PIB de l’enclave. Cette contribution n’était que de 2 pour cent en 1967, elle est

de 31 pour cent en 1973, 44 pour cent en 1984 et enfin de 70 pour cent en 2007. Ces faits

éclairent d’une part la véritable base de l’économie de la bande de Gaza (les salaires des

travailleurs détachés), et surtout prouvent la véracité de la dépendance économique de

l’enclave à Israël. Les salariés de la bande de Gaza détachés en Israël a fortement augmenté

au fil des années. Entre 1970 et 1985, les détachés en Israël sont passés de 10 pour cent à 45

pour cent, c’est-à-dire une augmentation de l’ordre de 600 pour cent. D’ailleurs ces chiffres

sont surement sous-estimés car beaucoup de gazaouis travaillent en Israël de manière illégale,

sans parler du travail des enfants.

L’économie d’Israël a profité des avantages de la situation économique désastreuse de la

Palestine et de la bande de Gaza. La possibilité d’avoir un accès illimité à une main d’œuvre

pas qualifiée ou peu qualifiée a offert à Israël une réserve de travailleurs importante qu’il

pouvait soit utiliser ou marginaliser sans risque pour sa propre économie. En période de

prospérité, l’accès à cette main d’œuvre permettait de stabiliser les effets sur les salaires et

notamment vers la hausse et en cas de récession, elle était facilement jetable.

Cette dépendance des palestiniens à l’économie israélienne rendait la Palestine complètement

vulnérable et démunis en termes économiques, sociales et politiques face aux exigences de s

israéliens. Au delà de cette dépendance économique transformée en dépendance politique, le

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39

« de-development » entrainait des effets et des changements perceptibles dans de nombreux

secteurs de l’économie de la bande de Gaza.

En premier lieu, le secteur agricole. Entre 1948 et 1967, comme nous l’avons vu l’agriculture

était la principale source de revenus de l’économie de l’enclave. Elle contribuait à plus d’un

tiers du PIB, entre 33 et 40 pour cent de l’emploi et 90 pour cent de toutes les exportations.

Entre 1967 et 1970 la part du secteur agricole dans le PIB de Gaza était de 8,8 pour cent et

entre 1979 et 1981 ce taux est descendu à 0,9 pour cent à cause de l’afflux des travailleurs

gazaouis détachés en Israël. Même chose pour les travailleurs du secteur avait un taux de 32

pour cent en 1970 pour arriver à moins de 18 pour cent en 1985. On retrouve une chute tout

aussi importante quant aux terres utilisées. Il y’ avait de terres utilisées en 1968, près de

360500m2, en 1985 ce chiffre tombe à 100000m2. Israël a aussi décidé de réaliser un certain

nombre de restriction, notamment en ce qui concerne les exportations. Les agriculteurs de

Gaza ont interdiction d’exporter la plupart des fruits et des légumes sur le marché israélien,

pour des raisons de compétitivité. Seuls certains produits, comme les framboises, les

aubergines et les courgettes sont autorisées à entrer sur le marché israélien, car elles ne sont

pas compétitives avec les produits israéliens. De l’autre côté, les producteurs israéliens ont un

accès illimité au marché de la bande de Gaza. Les prix des fruits et légumes israéliens sont

extrêmes compétitifs et rendent la vente de produits de l’enclave difficiles. Cette structure

commerciale unilatérale a effectivement transformé la bande de Gaza en un dépotoir pour les

produits israéliens et a crée une situation dans laquelle Gaza et la Cisjordanie sont les

deuxièmes importateurs de produits israéliens (derrière les USA) alors que le marché

palestinien, incapable de rivaliser, continue à avoir les plus hauts coûts de production et le

marché le plus faible. Les restrictions touchent aussi le secteur de l’eau. En 2010, à Gaza, la

consommation d’eau avoisine 100 à 120 millions de mètres cube par an. Sur ce total, 80 pour

cent de l’eau sert à l’irrigation et les 20 pour cent restant à la consommation. En Israël, les

chiffres sont différents puisque 57 pour cent de la consommation de l’eau sert à l’agriculture,

6 pour cent à l’industrie et 37 pour cent pour les usages domestiques 91 . A Gaza, les

agriculteurs dépendent en grande partie des réservoirs d’eau situés à l’intérieur de l’enclave,

mais où les puits sont très mal gérés, les réservoirs de plus en plus vides, et l’eau de mauvaise

qualités à cause de son contact avec la mer méditerranéenne salée. Ils dépendent aussi des

réserves du Néguev orientale mais où le sol est poreux et aride Par conséquent l’eau de plus

en plus salée a détruit une partie des terres agricoles de la bande de Gaza. Malgré cette

situation catastrophique, la société d’eau publique israélienne, Mekorot, a choisit de continuer

91 https://www.youtube.com/watch?v=TraIaxdFSBw

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40

de restreindre l’accès à l’eau de l’enclave. Ainsi les agriculteurs de la bande sont limités à 800

mètres cube d’eau. Cette politique de restriction accélère la déclin du secteur agraire de Gaza,

alors qu’il s’agissait de sa principale force économique.

Cette dépendance à entrainé de nombreux désavantages dans d’autres secteurs comme

l’industrie, puisque la composition du secteur industriel (manufacture) est restée largement

inchangée depuis 1967, c’est-à-dire quasi inexistante et sous-développée. Une faible

expansion a eu lieu, mais celle-ci était horizontale et basée sur un processus de production

préexistant. Il n’y a donc pas eu d’innovations et la principale collaboration entre les

industries israéliennes et gazouies reposait sur des contrats de type sous-traitance, ne

permettant pas aux industries palestiniennes de se développer. L’utilisation d’une main

d’œuvre pauvre et peu qualifiée ou des contrats de sous-traitance ont été les seuls formes de

partenariat à l’avantage exclusif de l’Etat hébreu. Ce système a fait baisser le chômage mais

n’a crée aucun changement structurel du tissu industriel de la bande de Gaza.

Pour conclure, nous pouvons affirmer que le manque de développement économique à

l’intérieur de la bande de Gaza vient en grande partie de la politique israélienne, que Sara Roy

nomme le « de-development ». Cette politique a restreint la capacité de l’économie de Gaza

de se structurer pour permettre le développement d’une économie forte et soutenue dans le

temps. Pour être totalement clair et précis, cette situation économique dramatique vient aussi

d’un faible niveau d’investissement gouvernemental dans l’infrastructure social et

économique à l’intérieur de la bande de Gaza. Mais aussi de lois fiscales discriminatoires à

l’encontre des producteurs palestiniens qui dans le même temps affaiblit ces acteurs

économiques majeures lors des négociations commerciales. On peut aussi citer un manque

d’incitation financière, l’inexistence de structure comme les banques ou les assurances

permettant aux producteurs palestiniens de prendre des risques et donc de se développer. Ces

structures existent en Israël mais la loi leur interdit de prêter ou d’assurer les palestiniens…

Ces exemples avaient pour objectif de montrer la situation catastrophique de la bande de Gaza

depuis la mise en place de cette politique de « de-development ». L’intérêt des tunnels a été

de sortir la bande de Gaza de cette politique notamment entre 2007 et 2013.

2.2.2 Sortie du « de-development ».

Evidemment, nous n’affirmons pas que le système de « l’économie des tunnels » entre 2007

et 2013 est, dans la forme qu’il a pris, un projet économiquement tenable. Les désavantages,

cités plus en haut, confirment l’impossibilité d’un développement de l’enclave sur ce modèle.

Seulement nous affirmons que ce système utilisé par la bande de Gaza durant sept ans, a été

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41

une véritable rupture historique par rapport à la longue histoire politico-économique

conflictuelle des deux peuples. Ainsi, ce système doit être étudiés en tant que modè le

autonome, particulier et en rupture complète avec le « de-development » qui a duré près de 50

ans Selon l’auteur, son intérêt réside principalement là.

Ce chapitre insiste donc sur le fait que le concept inventé par Sara Roy nécessite d’être révisé

durant la période des tunnels. Malgré de nombreux symptômes typique du « de-

development » et qui ont continué entre 2007 et 2013, comme la politique israélienne de

séparation de la bande de Gaza et de la Cisjordanie la perpétuation d’un système qui oblige

les gazaouis à dépendre des israéliens ou le déséquilibre dans les relations économiques entre

les économies palestiniennes et israéliennes, Gaza a acquis de nombreux outils qui lui a

permis de s’autonomiser économiquement et à l’échelle de l’histoires des deux peuples, il

s’agit d’une première historique. Avant de détailler ces outils, il faut ajouter que le blocus à

relâcher les chaines que le protocole de Paris92 avait mise à l’économie de Gaza, et que les

israéliens ont permis au Hamas de tenir une de leurs promesses électorales de 2006.

Le premier des ces outils est le contrôle de ces propres revenues. En effet, nous avons vu que

la Hamas avait graduellement imposé des taxes sur une activité économique qui n’en avait

jamais connu. Alors qu’Israël à toujours taxé les produits importés à l’intérieur de la bande de

Gaza, le Hamas a crée sa propre structure pour générer ses propres revenues,

indépendamment de la volonté du gouvernement israélien. Dans un cadre plus global, celui du

conflit israélo-palestinien, le blocage des taxes qu’Israël se charge de collecter au nom de

l’Autorité Palestinienne en Cisjordanie a toujours fait partie de la politique de Tel-Aviv. Le

but de ce blocage était évidemment politique et avait pour but de faire céder les dirigeants de

la Palestine sur un certain nombre de point93. Cette politique de blocage s’est mise en place

des l’arrivée d’Arafat à Gaza en 1994 et dès les prémisses de l’Autorité Palestinienne. Le

Hamas, grâce à ce système, a donc été capable de mener une politique véritablement

indépendante de la contingence israélienne. Ce système a aussi des effets néga tifs importants,

puisqu’elle a détourné des millions de dollars des caisses de l’Autorité Palestinienne et du

même coup divisé la Palestine et affaiblit sa position sur la scène internationale. Elle a

effectivement détourné le Hamas et l’Autorité Palestinienne, et donc la bande de Gaza de la

92 Partie économique des accords d’Oslo. 93 http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/palestine-abbas-menace-

israel-qui-ne-verse-pas-l- integralite-des-taxes-gelees_1668444.html

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42

Cisjordanie. Ce n’est pas un hasard, si le mouvement de la résistance islamique, fort des ces

millions, a refusé les gouvernements d’union nationale pendant des années pour finalement

l’accepter en 2014. En effet, en 2014, les grandes années des tunnels sont finies et le s caisses

du mouvement ne sont plus aussi remplies. Le Hamas, à ce moment là a besoin de l’aide

financière de Ramallah pour payer ses propres fonctionnaires. La division entre la bande de

Gaza et la Cisjordanie est très préjudiciable car elle détruit le ciment social et l’identité

nationale palestinienne. De plus, et ce peu importe l’opinion que l’on peut avoir de l’Autorité

Palestinienne, elle représente le peuple des Palestiniens aux yeux du monde. Elle a l’appuie

des occidentaux, de l’ONU et des américains et ces puissances ne parlent qu’à elle. Le Hamas

est encore considéré comme un mouvement terroriste par ces mêmes puissances et

organisations94.Le deuxième outil reste un contrôle d’une partie de ces frontières. La frontière

avec Israël reste dans les mains du dernier, mais celle de Rafah est libre. Là aussi, le Hamas a

tous les attributs de l’Etat. Pour n’importe quel individu voulant rentrer à Gaza, certaines

étapes sont nécessaires comme une première demande afin d’obtenir un laissez-passer, puis

un visa. Sur tout la chaine, le Hamas reste l’interlocuteur principal et c’est lui qui choisit ceux

qui peuvent rentrer sur le territoire de la bande de Gaza. En effet, pour cimenter son contrôle,

le Hamas a imposé des contrôles aux frontières notamment à partir de 2011 où le passage était

plus simple car l’Egypte avait relâché un peu la pression. En octobre 2011, le ministère de

l’intérieur de Gaza a mis en place un système d’immigration informatisé, imposant aux

étrangers d’avoir un parrain afin d’obtenir un visa d’entrée. Ce système informatique a

bénéficié d’une base de donnée située à Gaza City et une beaucoup plus importante à Beit

Hanoun, point de passage vers Israël. Le Hamas l’a utilisée et mise à jour95. Le trafic illégal

d’individu existe mais les patrouilles et les douanes font très attention le long du corridor

Philadelphie. Mais ce n’est pas impossible de rentrer illégalement 96 . La fin du « de-

development » se remarque aussi avec une victoire importante, Gaza a gagne le contrôle sur

ses propres lignes d’alimentation et a crée une passerelle indépendante et forte avec le monde

islamique. Elle s’est allégée du carcan israélien pour se tourner vers de nouveaux partenaires,

notamment musulmans. Alors que les produits présents sur les marchés de Gaza étaient très

souvent israéliens, les gazaouis ont découvert des produits égyptiens et turques. Pour citer un

responsable du Fatah à Gaza : » Si Gaza parvient à couper le cordon avec Israël et établit des

94 http://www.state.gov/j/ct/rls/other/des/123085.htm 95 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunnel Complex » Middle East Research and Information Project, 2011 96 L’artiste britannique Banksy a réussit : https://www.youtube.com/watch?v=kgzyOAqwHjI

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43

relations avec d’autres marchés, alors c’est une bonne nouvelle 97 ». Ces outils, et ce malgré le

blocus israélien, ont permis à Gaza durant la période des tunnels entre 2007 et 2013, de

générer sa propre croissance, d’être les acteurs de leur propre destin commun et individuel,

d’avoir grâce à leur intelligence, leur organisation créer ce que la banque mondiale a désigné

en 2011 comme « une croissance exceptionnelle98 ».

On dit souvent que le but de l’histoire est de connaître son passé, pour comprendre son

présent. Certains avec malice aiment ajouter que l’histoire sert aussi à anticiper le futur.

Le chapitre sur le « de-development » avait pour but de montrer la fracture importante que

représentait l’économie des tunnels entre 2007 et 2013 avec l’histoire classique de la

domination israélienne sur la Palestine. Une domination politique qui s’exprime aussi en

termes économiques. L’économie des tunnels a donc représenté une première expérience de

liberté pour les habitants de l’enclave. Une liberté paradoxale, rempli de drames et de larmes,

mais il s’agit aussi d’une toute première expérience où le gouvernement israélien n’est plus

l’unique substrat dans la vie des gazaouis. Cet élément, simple certes, ne doit pas être sous-

estimé, car il est unique dans l’histoire de la Palestine. Par ces mots, l’auteur souhaite mettre

en avant l’idée que cette expérience, aujourd’hui révolue, restera dans les mémoires

collectives des gazaouis et peut dans un avenir proche ou lointain être à la base d’un

mouvement politique qui mettra en avant la priorité de l’indépendance économique avant la

recherche de l’indépendance politique et ainsi confirmer la citation d’Albert Camus, « la

liberté n’est rien d’autre qu’une chance de devenir meilleur ».

2.3 Les tunnels : acteurs d’une nouvelle transformation des élites

2.3.1 Les élites locales traditionnelles déchues.

Ces élites sont composés des grandes familles de Gaza. Elles portent les patronymes de

Sourani, de Chawa, d’Abou Medain, de Yasgi, d’Agha, ou de Rayis…99. Grands propriétaires

terriens ayant étendu leurs activités au commerce et à la petite industrie, elles occupaient une

position dominante dans le domaine politique et économique. Elles ont maintenu, pendant

97 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunnel Complex » Middle East Research and Information

Project, 2011 98http://siteresources.worldbank.org/INTWESTBANKGAZA/Resources/WorldBankAHLCReportSep2011.pdf 99 BUCAILLE Laetitia, Gaza : la violence de la paix, Presses de Sciences Po, 1998, p154.

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44

une partie de l’occupation israélienne, un ordre social fondé sur le paternalisme et le

clientélisme, avant de s’écrouler. Etudier leur histoire revient à s’intéresser à un monde

ancien, terminé.

Ces familles ont survécu à tous les évènements que la terre de Gaza a connu. L’occupation

ottomane, anglaise, la création de l’Etat hébreu et une partie de l’occupation israélienne. Le

premier véritable choc pour eux fut l’arrivée massive des réfugiés. Ces propriétaires terriens

ont tout de suite remarqué le risque politique de cette arrivée. Elle pouvait menacer leur

pouvoir. Alors les élites ont fourni des emplois de saisonniers dans les plantations d’agrumes

et des petites maisons louées à de très bas prix, alors que ceux qui ne vivaient pas dans les

camps de réfugiés (les gazaouis d’origine) ne bénéficiaient pas de loyer avantageux. Ainsi,

tout en affichant un nationalisme fervent, ces élites ont profité de la situation des réfugiés.

Face à la perte de leur soutien traditionne lle, les autochtones qui ne supportaient pas l’arrivée

des réfugiés, les élites ont en quelque sorte changée de base électorale pour maintenir leur

pouvoir et leur assise sur la bande de Gaza100. Mais ce système a permis aux élites de durer

jusqu’à l’arrivée des israéliens à Gaza en 1967. Leur stratégie était avant tout, d’éviter les

troubles sociaux ou les éruptions de violence. L’idée était de pouvoir continuer à

commercialiser leurs agrumes et de l’exporter à l’étranger tout en trouvant un modus vivendi

avec l’occupant. Les efforts diplomatiques devaient permettre pendant ce temps là de mettre

fin à l’occupation. Le représentant de cette élite fut Rashad Al Shawwa, il était partisan de la

stratégie précitée. D’ailleurs ce n’est pas un hasard si il accepte le poste de maire en

septembre 1973101. D’une part Sharon vient de massacrer le mouvement de résistance de la

bande de Gaza en été 1971, la résistance est loin d’avoir disparu certes, mais elle est bel et

bien vaincu. De l’autre côté, il a toujours été favorable à « l’option jordanienne », c’est-à-dire

à une option dans laquelle la Cisjordanie et probablement Gaza serait réunies dans une

confédération politique et économique à la Jordanie 102 . Cette idée était partagée par une

grande partie des anciennes puissances mandataires, les Etats-Unis et Israël. Ainsi, les élites, à

partir du début des années 1970 ont été perçues comme des traitres, des antipatriotes et face à

la montée en puissance de Yasser Arafat et du nationalisme palestinien ont petit à petit

perdues de leur prestige et de leur pouvoir. Le pouvoir des élites s’érode pour d’autres

raisons. Au milieu des années 1970, une grande partie des gazaouis sont des travailleurs

détachés en Israël. Ce travail permet aux habitants de l’enclave de trouver d’autres sources de

100 LESCH Ann, « Prelude to the uprising in the Gaza Strip », Journal Of Palestine Studies, 15 (1), automne 90, p 6. 101 FILIU Jean-Pierre, Histoire de Gaza, Fayard, Paris, 2012, p 163. 102 http://www.ism-france.org/analyses/Deconstruire-l-option-jordanienne-article-7273

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revenues que le travail dans les champs des propriétaires terriens. De plus, la production

d’agrumes et l’agriculture en général décline à cause des restrictions mises en place sur les

exportations par le gouvernement israélien. Les israéliens ont aussi mis en place des

restrictions sur les plantations pour éviter la concurrence entre produits palestiniens et

israéliens mais aussi des restrictions, comme nous l’avons vu, sur l’eau. Les exportations

d’agrumes ont décliné à l’étranger à cause de la fermeture des marchés européens à la suite de

l’occupation israélienne, qui paradoxalement à surtout désavantagée les producteurs de

l’enclave palestinienne. Autre raison du déclin, la fermeture du marché iranien suite à la

révolution islamique de 1979 et la mise en place de l’embargo contre l’Iran. Ce déclin

économique s’est accompagné d’importants changements sociaux durant les années 1980. La

bande de Gaza a vu l’émergence d’une nouvelle classe moyenne. Elle a vu le jour grâce aux

écoles de l’UNRWA qui est l’acronyme anglais, de l’office de secours et de travaux des

Nations unies pour les réfugiés de Palestine et du Proche-Orient, mais aussi grâce à

l’ouverture en 1978 de l’université islamique de Gaza. Ces groupes d’individus regroupés

dans des syndicats d’avocats, d’ingénieurs ou de médecins ont une position vis-à-vis de

l’occupation israélienne beaucoup plus intransigeante que les élites traditionnelles. En effet,

l’occupation entraine un abaissement des possibilités de carrière et une grande partie des

classes moyennes ont le sentiment de stagner financièrement et professionnellement. Cette

situation pousse les classes moyennes vers des mouvances plus radicales comme celle

d’Arafat mais surtout vers un débouché politique nouveau la mouvance islamiste, qui

commence à naitre dans ces années103.

La mort de Rashad Al-Shawwa en septembre 1988 marque la fin de ce monde. Ironie de

l’histoire, son enterrement va provoquer d’immenses manifestations anti- israéliennes de cette

jeunesse qu’il n’a jamais réussi à contrôler et contre l’occupation, contre qui il a toujours évité

l’affrontement.

Un affaiblissement économique, l’apparition de nouveaux acteurs économiques puis de

nouveaux acteurs politique ont eu raison des élites locales. Mais comme la nature a horreur du

vide, elles vont être remplacés par l’entourage du chef de l’Autorité Palestine Yasser Arafat.

2.3.2 Les rentes de la sous-traitance.

Le début de la mise en place progressive de l’Autorité Palestinienne commence avec le

document intitulé « déclaration de principes sur les arrangements intermédiaires

103 LESCH Ann, « Prelude to the uprising in the Gaza Strip », Journal Of Palestine Studies,

15 (1), automne 90, p 12.

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46

d’autogouvernement » qui pose les bases d’une entité politique palestinienne dans la bande de

Gaza et en Cisjordanie, à l’exception de Jérusalem, occupées par Israël depuis la guerre des

Six jours de 1967. Il est signé le 13 septembre 1993, dans le cadre du processus d’Oslo et des

négociations sur le concept d’autonomie accordé aux Palestiniens. L’idée d’octroyer aux

territoires occupés le statut d’autonomie avait déjà fait l’objet de tractations lors des accords

de Camp David de 1978 mais n’avait finalement pas abouti. L’Autorité se constitue en deux

temps. En mai 1994 d’abord, les troupes israéliennes quittent Gaza et Jéricho, laissant ces

deux zones autonomes. Le pouvoir est transféré à l’Organisation de libération de la Palestine

(OLP) qui quitte Tunis pour s’installer à Gaza le 1er juillet 1994, dans la joie générale. Les

accords d’Oslo II ou accords de Taba de 1995, doivent ensuite mieux définir les modalités de

l’autonomie. La C isjordanie est alors divisée en trois zones. Une première zone A, où sont

concentrées les principales villes et représentant 3 pour cent de la Cisjordanie et 20 pour cent

de la population, est administrée directement par l’Autorité. Une zone B, regroupant les

principaux villages, soit 27 pour cent est placée sous contrôle de l’Autorité et des israéliens.

Les 70 pour cent de la Cisjordanie restante devront faire l’objet de négociations ultérieures104.

En ce qui concerne la bande de Gaza, Israël assigne à l’Autorité Palestinienne la gérance

partielle de sa sûreté. En amont, les appareils militaro-policiers palestiniens sont chargés

d’éradiquer la violence islamiste visant l’Etat hébreu. On est, pour rappel, à l’époque des

attentats-suicides du Hamas dans toutes les grandes villes israéliennes 105 . Attentats qui

commencent en 1993 et se termine en 2004. En aval, l’armée israélienne, assistée d’un service

de renseignement palestinien, assure la surveillance de la frontière qui enclôt les territoires

autonomes. Le verrouillage des zones autonomes et occupées, consécutif aux attentats du

Hamas et du Jihad islamique, altère les flux économiques et plonge les zones soumises au

blocus dans le marasme. La gestion des règles sécuritaires procure à un petit groupe de

militaires palestiniens, liés aux pôles de décision israéliens, les moyens de s’enrichir et de

consolider leur pouvoir. La fonction d’intermédiaire qu’ils jouent entre l’extérieur et

l’intérieur leur permet de tirer de larges bénéfices, qu’ils réinjectent dans des circuits

alimentant leur propre force. Paradoxalement, l’étanchéité de la frontière procure une rente au

pouvoir palestinien, totalement démuni de source de richesse ; et l’action terroriste du Hamas

consolide la puissance du régime dont le système d’accaparement des profits commerciaux est

raffermi par la permanence des mesures sécuritaires israéliennes. La mainmise de quelques

104 http://www.lesclesdumoyenorient.com/Autorite-palestinienne.html 105 http://tsahal.fr/re- information/gaza-sous-le-joug-du-hamas/listes-des-attentats-perpetues-

par-les-brigades-izz-ad-din-al-qassam-contre- israel/

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47

responsables de la hiérarchie militaire sur les échanges commerciaux entraine l’éviction des

élites marchandes traditionnelle, vu plus en haut. Leur marginalisation correspond à la volonté

conjointe des hommes arrivés avec Arafat et de chefs de la sécurité d’écarter la grande

bourgeoisie traditionnelle des sphères économiques et politique et de s’appuyer sur les classes

populaires. Un petit nombre de Chebab de l’intifada est ainsi brusquement propulsé parmi les

circuits de distribution les plus lucratifs. Leur ascension fulgurante et inattendue assure aux

dirigeants une loyauté sans faille de la part de leurs protégés106.

Les conditions politiques et sécuritaires draconiennes, imposées par les israéliens aux

territoires autonomes, favorisent l’intervention de la Sécurité préventive, dont la marge de

manœuvre découle des liens de confiance noués avec les militaires israéliens. A Gaza, le chef

de la Sécurité préventive, Mohamed Dahlan, devient le nouveau représentant de cette élite

politico-économique comme le fut durant la période précédente, Rashad Al Shawwa. Dahlan

organise les modalités pratiques des restrictions commerciales, le rationnement des échanges,

de manière à en tirer le maximum de profit. Ainsi, la contrainte israélienne devient

l’instrument de domination de ce groupe. Chargée d’assurer une tâche dans le processus de

protection de la sécurité de l’Etat hébreu, en l’occurrence l’inspection des marchandises et des

hommes d’un côté de la frontière entre Israël et la bande de Gaza, la Sécurité préventive a

développé un contrôle massif sur le transit des importations et des exportations. L’asphyxie

territoriale réduit de manière drastique les opportunités économiques des entrepreneurs

palestiniens. Cette situation de rareté permet aux quelques opérateurs qui profitent de

conditions d’exception d’en retirer un avantage comparatif considérable.

La parcimonie avec laquelle est régulé le commerce fournit aux décideurs palestiniens de

multiples opportunités d’exercer des pressions diverses sur les hommes d’affaires qui

nécessitent leur intervention. L’Autorité peut faciliter ou empêcher les déplacements à

l’extérieur des territoires autonomes, rendre plus ou moins aisé l’accès aux moyens de

transport des marchandises, bloquer ou accélérer le passage des biens par Karni. Les

limitations imposées par le système israélien permettent au pouvoir palestinien de dominer

l’ensemble du dispositif commercial. C’est dans ce filet, que se constituent des fortunes

privées d’hommes qui sont toujours proche du Fatah. Laetitia Bucaille, dans son ouvrage,

narre l’histoire d’un de ces hommes107. Le passage est éloquent et mérite d’être cité en entier.

106 BUCAILLE Laetitia, Gaza : la violence de la paix, Presses de Sciences Po, 1998, p125. 107 BUCAILLE Laetitia, Gaza : la violence de la paix, Presses de Sciences Po, 1998 p130.

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48

« Nader est l’image type du cheb108de l’intifada, qui a conquis en une vitesse record une place

au soleil. Issu d’une famille nombreuses et d’origine réfugiée, établie à Cheick Redouane,

engagée dans les rang du Fatah, Nader et ses frères sont considérés dans le quartier comme

des fauteurs de trouble. Ils animèrent de nombreuses batailles rangées contre les islamistes de

leur voisinage pendant la première intifada, en 1987. Nader avait 20 ans au début du

soulèvement et il s’engagea rapidement dans un groupe de choc qui réprimait « les ennemis

de la nation », tel que les délinquants ou les drogués. Il devint chef de bande. En 1989, il fut

arrêté et condamné à trois ans d’emprisonnement bien qu’il n’eût avoué aucun délit. A sa

libération, il rejoignit les Faucons, la branche armée du mouvement d’Arafat et se chargea

notamment de châtier les collaborateurs. A l’arrivée des dirigeants de l’Autonomie, il est

incorporé dans les forces de l’Autorité, au sein des patrouilles mixtes palestino- israéliennes.

Ce travail ne lui convient guère. Nader n’est sans doute pas près à se plier à une discipline

militaire (…) A l’été 1996, lorsque nous le rencontrons, Nader accumule les profits. Il est, à la

tête d’un trafic de voitures volées en provenance de l’Etat hébreu. Le procédé implique la

complicité des israéliens qui acheminent les véhicules dans la bande de Gaza. Les bandits font

pénétrer les automobiles en empruntant la route des colonies. A proximité des camps

retranchés des israéliens dans la bande de Gaza, ils transmettent clandestinement leur butin à

leur compères palestiniens. Puis Nader se charge d’écouler la production dans la bande de

Gaza. « Avant le bouclage, déclare-t-il, je gagnais 2000 dollars par jour ». L’ancien activiste

est peu scrupuleux, mais il est suffisamment astucieux pour connaître les limites de l’illégalité

à ne pas dépasser. Son commerce est toléré par le pouvoir. Ses relations lui permettent

d’ailleurs de régulariser les véhicules. Nader a aussi installé un café à la plage où il organisait

parfois des fêtes, arrosées d’alcool pour ceux qui montrent patte blanche, amis ou policiers

( …) Très satisfait des performance de l’Autonomie, même si les israéliens ne l’autorisent

toujours pas à sortir de la bande de Gaza, il affiche un soutien sans faille au pouvoir. Il se

prononce pour un traitement « dur » avec les islamistes « qui gênent l’Autorité et nuisent à la

population ». Au début de l’année 1997, Nader devient un membre de l’entreprise al-bahar,

chargée de conquérir des parts de marché et d’écouler les produits des monopoles. L’ancien

trafiquant devient le patron d’un restaurant-dancing, premier lieu public où l’alcool est servi

ouvertement. A 30 ans, Nader serait devenu le seul importateur autorisé de vins et de

liqueurs »109.

108 Singulier de chebab. 109 BUCAILLE Laetitia, Gaza : la violence de la paix, Presses de Sciences Po, 1998 p150-

151-152.

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49

La victoire du Hamas aux élections de 2006 puis le coup de force de juin 2007 marque la fin

du monde de Nader. La fuite par les tunnels de Mohamed Dahlan laisse vide un espace où

d’autres acteurs vont venir jouer ce rôle.

2.3.3 Les nouvelles élites au temps des tunnels.

« 800 millionnaires et 1,600 quasi-millionnaires contrôlent les tunnels aux dépens des intérêts

nationaux égyptiens et palestiniens » avait fulminé le président de l’Autorité palestinienne,

Mahmoud Abbas dans le journal économique britannique The Economist en août 2012110.

Même si cette citation vient d’un ennemi politique du Hamas, les sources concordent, il y

aurait bien entre 800 et 1000 millionnaires à Gaza 111. Dans une économie marquée par le

chômage de masse à la suite de la fermeture des terminaux israéliens, des bombardements des

industries et de l’interdiction d’exporter, les tunnels sont devenues très rapidement le

principal employeur privé. L’industrie des tunnels attire des ouvriers qui étaient des

travailleurs détachés en Israël avant la mise en place du blocus. Pendant un temps, les

ouvriers des tunnels avaient le meilleur salaire de l’enclave : en 2008, le salaire moyen

journalier avoisinait les 75 dollars, cinq fois le salaire des ouvriers de Cisjordanie qui

construisent les colonies israéliennes. Les tunnels offraient des possibilités d’enrichissement

pour les jeunes. Ces derniers délaissaient les universités et les écoles pour creuser. Grâce aux

tunnels, Gaza a vu la création de nouveaux hôtels, cafés et restaurants de plage. Ces lieux

appartiennent à cette nouvelle classe de millionnaires, et attirent d’anciens exilés ou même

des visiteurs étrangers, souvent des habitants du Sinaï112. Nicolas Pelham raconte dans son

texte, l’histoire de ces jeunes adultes égyptiens qui vont régulièrement faire la fête à Gaza

avant de rentrer chez eux à Alexandrie. Quand l’auteur demande les raisons de ces allers

retours, l’un d’entre eux répond « parce que les filles sont plus jolies à Gaza qu’à

Alexandrie »113. Le succès est tel, que les hommes d’affaires de Cisjordanie se pla ignent de

voir les nouveaux modèles de voitures arrivés à Gaza avant Ramallah, ce qui est peu courant.

Cependant, ces richesses marquent d’énormes disparités de distribution. En terme

géographique, la prospérité à Gaza était, historiquement, plutôt au nord, notamment à Gaza

City mais surtout à Beit Hanoun, Erez et Karni. Pour Karni et Erez, on y a construit deux

110 https://fr.express.live/2014/04/02/1-700-millionnaires-du-hamas-vivent-a-gaza-exp-

204113/ 111 http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2013/01/gaza-tunnel-millionaires.html# 112 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunel Phenomenon : the Unintended Dynamics of Israel’s siege » Journal of Palestine Studies, Vol 41, 2011 113 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunnel Complex » Middle East Research and Information

Project, 2011

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50

grandes zones industrielles. A la suite des accords d’Oslo et dans un environnement

intellectuel très proche de la fin de l’histoire de Francis Fukuyama114, l’idée de ces deux zones

industrielles était de permettre un rapprochement économiquement qui aurait entrainé un

rapprochement politique. Les deux villes avaient été choisies du fait de leur situation

géographique, à la frontière israélienne. Dans ces meilleures années, au début des années

2000, Karni et Erez ont permis la création 8000 et 20000 emplois directs et 12,000 et 30,200

emplois indirects.115. Signe de la fin d’une époque Erez et Karni seront détruites par l’armée

israélienne en 2004 et 2005. En tout état de cause, les villes du nord ont profité des tentatives

de libéralisation des échanges alors que le sud, que ce soit Rafah ou Khan Yunis,

connaissaient un chômage avoisinant les 50 pour cent avant la prise de pouvoir du Hamas116.

A l’image du changement géographique, les routes commerciales ont évolué. La route qui

allait du port d’Ashdod à Gaza a quasiment disparu au profit de celle avec l’Egypte, relancée

après une pause d’une quarantaine d’année. L’élite mercantile traditionnelle, qui avait

développé des liens avec les fournisseurs européens et surtout israéliens ont vu leur statut et

leur influence disparaître au profit d’une nouvelle génération de commerçants qui ont

réactualisé de vieilles routes commerciales informelles allant du sud jusqu’au nord-Sinaï.

Leurs sources d’approvisionnement ont également changé avec l’arrivée de fournisseurs

égyptiens, turques et même chinois. Tandis que l’élite commerciale d’hier parlait plusieurs

langues étrangères grâce à leur éducation et leur voyage, la nouvelle bourgeoisie du sud était

moins instruite mais avait l’avantage d’avoir des connexions avec les clans bédouins

transfrontaliers et le soutien des dirigeants islamistes de la bande de Gaza. Ainsi, les tunnels

sont devenus le facteur clé de la mobilité sociale et de l’enrichissement de groupes auparavant

marginalisés par le reste de l’enclave. Peut-être par rancune, les contrebandiers de Rafah

n’ont laissé aucune chance aux élites traditionnelles. Ils ont profité de leurs connexions pour

diversifier au maximum les produits et prendre des parts de marché aux marchands

traditionnelles. Ils ont développé un réseau sur toute l’Egypte pour accroitre leur puissance,

ils ont même crée un système de vente privé. Les consommateurs choisissaient dans un

catalogue et les contrebandiers ramenaient les produits dans des délais record. Ils ont aussi

114 FUKUYAM Francis, « La fin de l’histoire et le dernier homme » Champs Flammarion,

1992 p 452 115 BOUILLON E. Markus, « The Peace Business : money and power in the Palestine-Israel

Conflict, I.B. Tauris, 2004, p233. 116 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunel Phenomenon : the Unintended Dynamics of Israel’s siege » Journal of Palestine Studies, Vol 41, 2011

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51

inondé le marché de Gaza pour faire baisser les prix et entrainer des faillites chez les

grossistes. Les pertes chez certains grossistes allaient jusqu'à 70 pour cent117

Les autres grands bénéficiaires sont évidemment les bédouins du nord-Sinaï, en particulier

trois grandes tribus. Les Sawarak, les Ramailat et les Tarabin. Les bénéfices des tunnels ont

été utilisés non seulement pour ériger des demeures imposantes en plein désert du Sinaï, mais

aussi pour armer des comités de défense de la cause bédouine. Comme nous le verrons plus

tard, les tunnels sont aussi un acteur important dans les relations régionales. Les familles et

les clans séparés pendant des années par la frontière se sont resocialiser. Le signe de ce

renouveau sont les énormes sommes investies par des hommes d’affaires palestiniens dans

des parcs immobiliers sur la côte méditerranéenne du Sinaï, à EL-Arish118, provoquant une

flambée des prix des terrains. Les allégations abondent que les gazaouis cherchent à exporter

non seulement leurs revenus, mais aussi leurs arsenaux aux milices djihadistes dans le nord-

Sinaï119. Cette situation n’a fait qu’exaspérer le gouvernement de Sissi qui accuse les tunnels,

le Hamas et l’enclave de Gaza d’être directement responsable de l’insurrection du Sinaï, et du

développement de Wilayat Sinaï, la branche égyptienne de l’Etat Islamique dans la péninsule.

En effet, la dimension des tunnels ne se limite pas à la politique ou à l’éco nomique, elle

traverse aussi les relations regionales.

3. Les tunnels, acteurs des relations régionales.

3.1 Les tunnels, outils d’influence régionale. 3.1.1 Le Hamas ou la recherche d’une influence.

En 2006, le Hamas vient de gagner les élections de Janvier. Le mouvement de la résistance

islamique n’avait aucun projet sur le long-terme, et était dans une logique de survie face à son

ennemie, Mohamed Dahlan et le Fatah. Le départ du premier et de ses 350 hommes vers la

ville de El-Arish dans le nord-Sinaï par les tunnels à la suite du coup d’état du Hamas en 2007

pousse ces derniers à se questionner sur cette zone. En effet, le nord-Sinaï est perçu comme

un refuge sûr, et la présence de groupes islamistes égyptiens bien établis permet de

117 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunel Phenomenon : the Unintended Dynamics of Israel’s

siege » Journal of Palestine Studies, Vol 41, 2011 118 http://www.revue21.fr/tous_les_numeros/le-roi-des-contrebandiers/ 119 PELHAM Nicolas « Gaza’s tunel Phenomenon : the Unintended Dynamics of Israel’s siege » Journal of Palestine Studies, Vol 41, 2011

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52

contrebalancer la politique du Caire contre le Hamas. Les liens importants que le Hamas à

avec les Frères Musulmans en Egypte offre au mouvement de Gaza des réseaux

indispensables de soutien.

Le développement des liens commerciaux possible par les tunnels entre le Hamas et le Sinaï

s’inscrit tout autant par amitié idéologique, liens familiaux qu’intérêts économiques. Les

dirigeants du Hamas ont toujours prêché la nécessite pour la Palestine de se séparer

économiquement d’Israël. Ainsi Rafah a toute de suite apparu comme la passerelle

indispensable pour établir des liens économiques, politiques et culturels avec le monde

islamique. En outre, une grosse partie de la population a des liens familiaux avec le Sinaï.

Jusqu’à un tiers de la population de Gaza a des racines bédouines, et les gazaouis bédouins

ont souvent une bonne place dans l’organigramme du Hamas. Les rapports entre Gaza et le

Sinaï n’est donc pas la création de nouveaux réseaux mais bien une réactualisation de liens

familiaux120. Les bédouins du nord-Sinaï étaient attirés autant par les importants bénéfices des

tunnels que par la réunification de clan et le Hamas a donc trouvé un réservoir massif de

supporter du côté égyptien. Pour reprendre une citation d’un ouvrier des tunnels du côté

égyptien « Nous sommes palestiniens et nous travaillons pour le bien de la Palestine ».121

Ce système des tunnels, comme nous l’avons vu a sur le plan économique très bien marché et

dès 2010, le Sinaï a remplacé Israël comme premier partenaire économique. La dépendance

économique des habitants du Sinaï aux tunnels, qui dès 2009 devient le pilier de l’économie

du nord de la péninsule, va permettre au mouvement de la résistance islamique d’étendre son

influence sur le Sinaï. La désintégration de l’appareil étatique égyptien dans le Sinaï à

l’occasion de la chute de Moubarak en 2011, l’augmentation de la force militaire du Hamas,

l’achat de terres par des palestiniens dans le Sinaï, vont offrir au Hamas une influence très

importante. A la différence des déclarations des militaires égyptiens122, ce soft power restera

la marque de l’influence du Hamas. Jamais le mouvement islamiste ne tentera de coup de

force militaire sur la région. En réalité son objectif politique est tout autre. Grâce aux tunnels

et à son influence les leaders du Hamas veulent se repositionner comme les gardiens de la

stabilité régionale. Le Hamas va tenter d’établir de nouvelle relation commerciale mais aussi

politique avec les autorités du Caire. Gaza va offrir son aide à l’armée égyptienne pour mater

des révoltes bédouines le long de la frontière israélienne. Le Hamas va aussi utiliser son

influence chez les clans et les tribus bédouines pour apaiser les tensions, surtout le Hamas va

120 PELHAM Nicolas « Sinai : The Buffer Erodes » Chatham House, 2012p 10. 121 Ibid. 122 Nous étudierons les accusations égyptiennes plus loin dans le chapitre.

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53

refuser d’alimenter ses troubles et va lui-même fermer pendant quelques jours sa frontière

avec le Sinaï, pour éviter les accusations d’ingérence 123. Ainsi alors qu’Israël parle d’une

alliance entre les islamistes du Sinaï et du Hamas, ces derniers grâce aux tunnels et à leur

influence dans la région vont surtout essayer d’en tirer des bénéfices. En premier lieu, le

Hamas veut remplacer l’Autorité Palestinienne en tant que leader et représentant du peuple de

Palestine, mais aussi de devenir l’allié principal de l’Egypte dans la région. Le mouvement

de Gaza a même fait des propositions de partenariat et de coopération économique avec

l’Egypte pour inverser des années de détérioration économiques causée par la guerre et le

blocus. En échange d’une formalisation des relations entre les deux ent ités, le Hamas aurait

fermé les tunnels. Cette influence avait donc pour but de se présenter comme indispensable à

l’Etat égyptien pour en tirer des avantages politico-économique et un nouveau statut sur la

scène régionale et internationale124.

Le retour de Sissi au pouvoir marque la fin de cette stratégie. Le nouveau président égyptien

entame dès sont arrivée une répression féroce en assimilant les islamistes du Sinaï et le

Hamas. Il reprend donc l’argumentaire israélien. Il détruit l’énorme majorité des tunnels dès

la mi-2013, détruisant du même coup les clés de l’influence du Hamas. Ce dernier retourne

dans son enclave, isolé et marginalisé. Malgré ce constat d’échec, durant les années fastes des

tunnels entre 2007 et 2013, le Hamas va entretenir des réseaux anciens et en créer des

nouveaux. A travers l’exemple des trafics d’armes, nous pouvons avoir un aperçu de cette

capacité d’expansion du Hamas sur une grande partie de l’Afrique.

3.1.2 L’extension des réseaux du Hamas : l’exemple du trafic d’armes.

Les tunnels ont été les débouchés d’armes arrivant de plusieurs directions. Jusqu’au 25 janvier

2011 et la chute du régime de Moubarak, la grande majorité des armes disponibles à Gaza

passait par le frontière du Soudan. Depuis 1989, ce pays est dirigé par un ancien diplômé de

l’académie militaire du Caire, Omar Hassan al-Bashir. Depuis son accession au pouvoir, ce

dernier est un soutien de tous les mouvements islamistes. Les militants des frères musulmans,

123 BRY Mohannad, Egypt’s linchpin, Gaza’s Lifeline, Israel’s nightmare, The American University in Cairo Press, 2015 124 PELHAM Nicolas « Sinai : The Buffer Erodes » Chatham House, 2012 p 12

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54

du Hamas ou même d’Al-Qaida ont toujours pu trouver un refuge au Soudan. La période

soudanaise d’Oussama Ben Laden en est un exemple.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer l’emprunt de la route soudanaise par les trafiquants de la

péninsule et de Gaza. Il y’a la faiblesse du gouvernement central du Soudan, incapable de

maitriser et d’appréhender les réseaux de contrebande et criminelle. Cette incapacité

s’explique par la corruption de beaucoup d’agents publics mais aussi par des années de

militantisme politique qui a transformé la frontière soudano-égyptienne en véritable

supermarché des armes125. Selon les officiels égyptiens, ces raisons n’expliquent pas tout. La

principale raison réside dans la coopération entre la république du Soudan et la république

islamique d’Iran. Dans un rapport publié en 2009, par le Washington Institute For Near East

Policy (WINEP) 126, un think thank américain très proche des israéliens127, les deux auteurs

notent que les iraniens opèrent librement avec la connaissance voir la coopération du régime

du Soudan. Les armes entrent à travers les ports du Soudan et les contrebandiers vont

jusqu’aux bateaux pour charger les armes. L’Iran finance en grande partie les transports

d’armes et cela coûte des millions. Le WINEP ajoute que les armes passent aussi par des

routes qui traversent le Yémen, l’Erythrée et l’Ethiopie avant d’aller directement à Gaza.

D’autres armes passent directement par la méditerranée, jetés dans des boites qui sont

repêchées par les pêcheurs gazaouis. Mais ce système est moins utilisé à cause des navires

israéliens.

A partir de 2011 et la chute de Moubarak, la Libye est devenue la nouvelle route des armes et

a remplacé la vieille route du Soudan. La chute de Mouammar Kadhafi et la désintégration de

son armée ont fait de la Libye le premier exportateur d’arme. Des millions de dollars d’armes

sont tombés dans les mains de groupes rebelles qui pour financer leur rébellion ont vendu des

armes au plus offrant. La réussite de la route libyenne repose sur les carences de sa frontière

avec l’Egypte. Le village bédouin d’Egypte de Sollum proche de la côte méditerranéenne à

l’est de la frontière avec la Lybie et à environ 145 km de Tobrouk est devenue le point de

passage des armes de petit calibre. L’oasis Al-Jaghboub est une localité libyenne située dans

le désert de Libye oriental, en Cyrénaïque, à 290 km au nord de Tobrouk. Malgré son

rattachement à la Libye, le sentiment qui prédomine est plus un attachement à l’Egypte qu’à

la Libye. Cette oasis connu pour être un lieu de passage de drogue et devenu spécialiste du

125 SABRY Mohannad, Egypt’s linchpin, Gaza’s Lifeline, Israel’s nightmare, The American

University in Cairo Press, 2015 p74. 126 http://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/view/hamas-arms-smuggling-egypts-challenge 127 http://mondediplo.com/2003/07/06beinin

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55

transport d’armes lourdes, de gros calibre, de canon antiaérien, de lance roquette ou de missile

anti-aérien128. Ces armes allaient en direction de la ville d’Ismailiya et de Suez, les deux

portes d’entrée de la péninsule du Sinaï. A partir du désert, la présence des militaires

égyptiens se limite aux zones de conflits ou aux lieux de batailles, les tribus qui se chargent

du transport ne font qu’éviter ces deux zones pour arriver aux tunnels de Gaza.

Le Hamas et le Djihad Islamique, les deux grands acheteurs d’armes ont été les premiers à

arriver à Tobrouk en Libye à la suite de la chute de Kadhafi pour nouer des contacts. La

révolution libyenne a été une opportunité incroyable pour les mouvements armés de Gaza

d’étendre leurs connexions et leurs réseaux. Ils sont aussi pu remplacé une route plus

complexe, celle du Soudan surtout que la position qu’a prit le Hamas contre le régime de

Bachar el-Assad a entamer la degré de coopération et d’aide entre le régime de Téhéran,

soutien fidèle de la république arabe de Syrie et le mouvement de l’enclave palestinienne.

Cette route avait aussi l’avantage d’être moins onéreuse, et le Hamas ne traitait qu’avec des

tribus dont il partageait, comme nous l’avons vu, des liens tribaux et familiaux. Pour la petite

histoire, le réseau libyen est devenu, à partir de 2011 tellement important que le marché

principal de la ville de Rafah, le marché de masoura a été rebaptisé par les habitants de Gaza,

le marché de Misrata. Sur ce marché que ce soit les armes ou les voitures, tous ces produits

avaient comme origine la Libye de Mouammar Kadhafi129.

Si ce système a perduré jusqu’en 2013, l’évanouissement de l’autorité de l’Egypte suite à la

chute de Moubarak et l’incapacité de Morsi à la rétablir sont les principales causes de la

réussite du Hamas. Lorsque Sissi arrive au pouvoir en 2013, il se retrouve à la tête d’un pays

où sa frontière orientale est en pleine insurrection, celle-ci est menée par des groupes

islamistes. Pour le maréchal égyptien et jusqu’à aujourd’hui, le responsable de cette situation

a un nom : le Hamas. Il arme et finance les mouvements islamistes, grâce aux tunnels. Sissi va

donc combattre l’insurrection et étendre sa guerre contre le terrorisme à Gaza.

3.2. L’insurrection du Sinaï et les tunnels. 3.2.1 Les origines de l’insurrection.

Le Sinaï est une presqu’île de 61000 kilomètres carrés, situés en Egypte, à l’extrémité

septentrionale de la mer Rouge. De forme triangulaire, limité au nord par la mer

Méditerranée, à l’ouest par le canal et le golfe de Suez et à l’est par le golfe d’Akaba, le Sinaï

128 SABRY Mohannad, Egypt’s linchpin, Gaza’s Lifeline, Israel’s nightmare, The American University in Cairo Press, 2015 p 79. 129 ibid

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56

comporte trois parties. La pointe méridionale est constituée de blocs cristallins faillés formant

le massif du Sinaï qui culmine au mont Sainte-Catherine d’une hauteur de 2641mètres. Le

centre est formé de plateaux sédimentaires arides, accidentés de quelques escarpements. Au

nord, le Sinai est une plaine sableuse accidentée de quelques modestes bombements, qui se

termine par une côte plate et lagunaire. D’un point de vue plus politique, le nord-Sinaï dont

nous avons tant parlé et nous reparlerons, n’est lui constitué que d’une zone qui comprend la

ville de EL Arish, de Sheikh Zuweid et de Rafah. Le désert du Sinaï constitue un glacis

protecteur pour l’Egypte, aussi fut- il occupé très tôt par les pharaons qui y trouvaient

d’intéressantes richesses minières comme le cuivre. Mais le Sinaï est surtout célèbre par

l’errance des tribus juives pendant l’exode. Le Sinaï fut aussi un centre important du

monachisme : le couvent fortifié de Sainte-Catherine en reste le témoin le plus prestigieux.

Occupé en 1956 par les israéliens qui l’évacuèrent rapidement sous la pression conjuguée des

américains et des soviétiques, le Sinaï fut a nouveau totalement occupé par les israéliens à la

suite de la guerre de 1967. Les Egyptiens sont parvenus en octobre 1973 à reprendre le pied à

l’est du canal de Suez où leur 3e armée restera bloquée par les troupes israéliennes. Après un

accord de cessez- le-feu et l’échange de prisonniers, un accords israélo-égyptien de

dégagement a été signé, le 18 janvier 1974, au kilomètre 101, prévoyant notamment le retrait

des troupes israéliennes à une trentaine de kilomètres à l’est du canal de Suez, sur la ligne des

cols de Mitla et de Ghiddi. Le traité de paix entre Israël et l’Egypte a permis l’évacuation

totale par Israël du Sinaï, qui est revenu à l’Egypte en 1982.

Près de 400,000 habitants y vivent divisés en plusieurs tribus plus ou moins grandes. Les 20

tribus comprennent entre 500 et 25,000 hommes même si l’immigration des égyptiens du

delta Nil tend à faire baisser le ratio des bédouins. Lorsque le Sinaï redevient égyptien en

1982, une règle interdit de militariser la région. Les autorités du Caire décident donc de

développer le tourisme dans la zone sud du Sinaï. Malheureusement les bédouins vont être

discriminés sur le plan économique. Les zones touristiques vont avoir l’obligation de refuser

de prendre les bédouins comme employés. La police et l’armée refusent systématiquement

l’entrée des bédouins dans ces corporations. Cette situation va créer un mur entre les deux

communautés. Dans son travail sur les représentations géopolitiques de la péninsule du

Sinaï130, le chercheur Ivan Sand s’est intéressé aux discours des hommes politiques égyptiens

lorsqu’ils parlent de la péninsule. Deux éléments sont à noter, la péninsule n’est vu que sous

130 SAND Ivan, les représentations géopolitiques du Sinai », Mémoire de master en géopolitique, sous la direction de Philippe Boulanger, Université Paris 8 Institut Français de

Géopolitique, 2014, p135.

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57

l’œil militaire, elle fait partie du prestige de l’Egypte mais il s’agit d’un territoire conquis dont

la seule utilité est de participer à la grandeur retrouvée du peuple Egyptien. Parler du Sinaï

pour les égyptiens c’est parlé de politique étrangère. Les habitants historiques du Sinaï, les

bédouins sont un peuple différent du peuple égyptien. Les militaires parlent d’eux-mêmes

comme « les Egyptiens » et les autres comme « les bédouins ». Cette discrimination ethnique

s’explique par l’image qu’ont les égyptiens des bédouins. Celle d’un peuple qui a largement

collaboré avec les israéliens lors de l’occupation. Les travaux les plus récents montre les

limites de cette hypothèse. Au contraire, les bédouins rassemblés dans des confréries soufis

ont toujours été du côté égyptien et ont fait acte de bravoure 131 . La pauvreté, le manque

d’opportunité économique, le manque d’infrastructures publiques vont petit à petit pousser

une partie des habitants à se révolter.

Le choix d’une partie des bédouins d’exprimer leur mécontentement en se tournant vers

l’islamisme radical est extrêmement complexe à expliquer, en grande partie à cause de la

pratique historique de l’islam chez les bédouins, un mélange de tradition préislamique et de

soufisme. Le littéralisme religieux n’est apparu qu’au cours des années 1990 dans la péninsule

du Sinaï, à travers la propagation de juridiction islamiste (shari’a) qui a petit à petit remplacé

les juridictions de l’Etat et les juridictions traditionnelles bédouines (‘urf), jugées par les

bédouins comme trop corrompues 132 . Si le Sinaï est devenu un lieu de pratique de la loi

islamique cela s’explique par l’immigration massive de milliers de membre des frères

musulmans qui ont trouvé refuge dans le Sinaï. Le monde arabe a aussi épuisé tout au long

du XXe siècle toutes les idéologies de rupture, le nationalisme arabe, le socialisme, le

baathisme et tant d’autres. Le radicalisme islamique est finalement la dernière idéologie à ne

pas avoir à expliquer des échecs de gouvernance ou tout simplement à ne pas avoir encore

échouer. Pour résumer, nous pouvons dire que les explications de cette insurrection dont nous

avons déjà vu les détails plus en haut sont à chercher en premier lieu dans la manière dont

l’Egypte à traiter le Sinaï depuis 1982. Incapable de se remettre en question Sissi va

s’enfermer dans un discours accusant le Hamas d’être responsable de la situation dans le Sinaï

en plus d’être un allié de Wilayat Sinaï, provoquant une rupture entre les deux acteurs et la

fin des tunnels. En effet, l’Egypte du maréchal Sissi étend la « guerre contre le terrorisme » à

Gaza.

131 SABRY Mohannad, Egypt’s linchpin, Gaza’s Lifeline, Israel’s nightmare, The American University in Cairo Press, 2015 132 REVKIN Mara, Triadic legal pluralism in North Sinai : a case study of state, shari’a and

‘urf courts in conflict and cooperation, Journal of Islamic and Near Eastern 13 (1), 2014.

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58

3.2.2 L’extension égyptienne de « la guerre contre le terrorisme » à Gaza et la fin des tunnels.

Depuis la chute de Mohamed Morsi, les dirigeants du Hamas s’attachent à démentir toute

ingérence dans les affaires intérieures de l’Egypte. Dès le mois de juillet, les déclarations des

dirigeants du mouvement réaffirment le principe de non- ingérence et le droit de l’Egypte à

tout mettre en œuvre pour protéger ses intérêts nationaux. Le Hamas a même envoyé une

lettre à la nouvelle administration égyptienne dans l’espoir que Le Caire change d’altitude à

son égard. Pourtant, les dirigeants du Hamas avaient déclaré officiellement que le

renversement du président Morsi constituait un « coup d’Etat » militaire133.

Face à ces propos contradictoires, le général Abdel Fattah al-Sissi choisit de porter un coup

sévère au mouvement islamiste palestinien134. Il commence par faire détruire les tunnels de

contrebande, ce qui met le Hamas au bord de la faillite avec une perte estimée à plus de 230

millions de dollars dès juillet 2013. Parallèlement, Le Caire se rapproche des concurrents

politiques du Hamas dans la bande de Gaz en parrainant de nouvelles tentatives de putsch. Le

Fatah y voit en effet une nouvelle opportunité pour se renforcer depuis l’Egypte et soutien la

mobilisation populaire du mouvement de rébellion contre le Hamas prévue à Gaza pour le 11

novembre 2013, date anniversaire de la mort de Yasser Arafat. D’après le porte-parole du

mouvement qui a nié toute implication des services de renseignement égyptiens ou de

l’Autorité de Ramallah, la mobilisation a finalement été annulée pour éviter un bain de sang.

Pour le Hamas en revanche, l’absence de manifestation ce jours-là prouve bien que le

mouvement jouit toujours d’une importante popularité à Gaza. Par ailleurs, le maréchal Sissi

n’exclut pas une intervention militaire limitée dans la bande de Gaza ou l’évolution de la

situation interne sur ce territoire menacerait la sécurité de l’Egypte. En asphyxiant plus d’un

million huit cent mille habitants, les militaires s’attendent à ce que l’ensemble des Gazaouis

se retourne contre ses dirigeants. Cette stratégie rappelle celle des années 2007-2008 lorsque,

à la suite de la victoire électorale du Hamas, les membres du Quartet et Israël avaient imposé

un blocus dans l’espoir que l’étouffement économique mène à l’effondrement politique135.

La nouvelle administration égyptienne accuse, comme nous l’avons vu, le Hamas de

collaborer avec Wilayat Sinaï. Alors que l’un des objectifs de Mohamed Morsi avait été de

convaincre les Etats-Unis de retirer le Hamas de leur liste des organisations terroristes, c’est

133 http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2015/07/israel-gaza-hamas-is-sinai-smuggling-

weapons-blockade-egypt.html 134 Jaraba Mahmoud « Hamas in the Post-Morsi Period » Carnegie Endowment, Aout 2013. 135 SEURAT, Laetitia Leila, La politique étrangère du Hamas 2006-2013 : idéologie, intérêt et processus de décision, Thèse de doctorat d’université, Paris : Institut d’études Politiques, 2014, p.381.

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59

désormais la Confrérie elle-même qui a été désignée comme telle par le nouveau

gouvernement égyptien. Identifié aux Frères puisqu’appartenant à la même famille

idéologique, le Hamas subit la même assimilation. Cette thèse est également défendue par

plusieurs dirigeants du Fatah, comme Yasser Abd al-Rabbo 136qui reproche au Hamas de

soutenir les djihadistes dans le Sinaï. Le président Mahmoud Abbas aurait même fourni à

l’Egypte un certain nombre de documents prouvant la culpabilité du Hamas. S’il est difficile

de vérifier la véracité de ces accusations, on peut néanmoins souligner que la « guerre »

déclarée contre le Hamas permet à l’armée égyptienne de réinscrire sa lutte contre les Frères

dans une perspective régionale afin de lui donner davantage de crédibilité. En mettant en

avant la « collaboration » entre la confrérie égyptienne et le Hamas, il tente ainsi de brandir

l’épouvantail de la menace terroriste.

La dégradation des relations entre l’Egypte et le Hamas explique certains ressorts de

l’opération militaire israélienne « Bordure protectrice » à l’été 2014. L’animosité du maréchal

Sissi envers le Hamas a sans aucun doute compliqué la médiation, avec pour conséquence une

guerre plus longue et plus coûteuse en vies humaines. Sa proposition de cessez- le –feu du 15

juillet a en effet été coordonnée avec Israël sans consultation préalable du Hamas qui a alors

tenté en vain d’introduire de nouveaux médiateurs comme la Turquie ou le Qatar. Toutefois,

au-delà du changement de régime, la politique étrangère de l’Egypte à l’égard de Gaza reste

relativement constante : Le Caire cherche à éviter que qu’Israël ne lui délègue à nouveau la

gestion de ce territoire comme c’était le cas entre 1948 et 1967. Le ministère égyptien des

affaires étrangères rappelle régulièrement qu’au regard du droit international, Gaza est

un « territoire occupé », ce qui implique que la responsabilité en incombe à la puissance

occupante. Morsi partageait la même préoccupation, comme en témoigne la fermeture du

passage de Rafah au moment de l’opération « Pilliers de défense ». Si l’on s’en tient

uniquement aux termes de la proposition de cessez- le-feu du 15 juillet 2014, on remarque

d’ailleurs que celle-ci est similaire aux propositions précédentes, la seule différence avec celle

de novembre 2012 étant l’absence d’un délai de 24 heures accordé au Hamas avant son entrée

en vigueur137.

Cette guerre ouverte contre le Hamas commence, à partir de la fin de 2014, à revêtir un aspect

plus nuancé. La réconciliation du Qatar et de l’Egypte mené sous l’égide de l’Arabie Saoudite

préfigure, peut-être un dégel des relations entre Le Caire et le Hamas. Ismaël Haniyeh salue

136 http://www.france-palestine.org/L-Egypte-etend- la-guerre-contre- le 137 SEURAT, Laetitia Leila, La politique étrangère du Hamas 2006-2013 : idéologie, intérêt et processus de décision, Thèse de doctorat d’université, Paris : Institut d’études Politiques,

2014, p.381.

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60

d’ailleurs cette réconciliation et déclare qu’elle n’empêchera pas Doha de rester solidaire de la

cause palestinienne. Au contraire, les sources proches du Hamas l’interprètent comme

susceptible de générer des retombées positives sur le mouvement, insistant sur son

pragmatisme, son extraordinaire capacité à s’adapter aux nouvelles conjonctures 138 . Cette

hypothèse semble se confirmer lorsque l’Egypte revient sur l’inscription du Hamas sur la liste

des organisations terroristes. Cependant, aujourd’hui le point de passage de Rafah reste fermé

une très grande partie du temps et les tunnels sous la pression égyptienne ne peuvent être

reconstruits, plongeant la population dans un désarroi sans précèdent.

138 Ibid.

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61

Conclusion.

A travers ces trois chapitres, nous avons vu les trois grandes dimensions des tunnels. Les

tunnels ont été les moyens d’une première rupture, politique. Gaza a été dominé pendant près

de vingt ans, de 1994 à 2007 par le parti au pouvoir le Fatah. Une fois chassé, le Hamas se

retrouve dans une situation délicate. L’enfermement total de l’enclave, la pression

internationale, le début de la crise humanitaire ont poussé les dirigeants du mouvement

islamique vers le sud et ont réactivé de vieilles routes de contrebande. Grâce aux soutiens

locaux et aux bédouins du Sinaï, ces petits tunnels sont devenus une véritable industrie,

capable d’être le poumon économique d’une population de 1,7 millions d’habitants. Ce succès

économique a permis au Hamas d’acquérir une légitimité et un soutien populaire indéniable.

Au fur et à mesure, le Hamas est passé d’un mouvement politique clandestin, habitué à être

chassé, traqué à un véritable Etat. Cette transformation réussie, elle le doit avant tout à sa

conquête fiscale. La mise en place de l’administration fiscale est indéniablement la clé de ce

succès. Grâce à cet argent, le mouvement s’est acheté des fidélités, mais à aussi contribuer à

faire fonctionner une grande partie des infrastructures, comme les centrales électriques ou

l’eau. Ils ont même refait la route principale de Gaza, la route Saladin. Evidemment cette

activité a entrainé des critiques. Des critiques prononcées par les voisins du Hamas que ce soit

l’Egypte ou Israël. En ce qui concerne le Hamas, la position israélienne a toujours été la

même : Le Hamas est un groupe terroriste qu’il faut détruire. Alors que pendant quelques

années, les tunnels ont avantagé les israéliens notamment en les aidant lors du désengagement

de 2005 de la bande de Gaza, dès que le Hamas a pris possession des tunnels, Israël a tous fait

pour les détruire. Cependant, il faut savoir nuancer ces propos puisque les tunnels sont une

extension de Gaza vers l’Egypte et participe du même coup à une stratégie israélienne visant à

décharger sa responsabilité de l’enclave sur l’Egypte, chose que le Caire a toujours refusé.

Cette raison est une des principales visant à expliquer le comportement non collaboratif des

autorités égyptiennes vis-à-vis de Gaza. La position vis-à-vis des tunnels dépend quant à elle

du degré d’autorité du leader du Caire, relativement souple avec Morsi particulièrement strict

sous Sissi. Enfin les tunnels et leur succès ont été parmi les principales critiques des salafistes

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62

gazaouis contre le Hamas. Les premiers accusant les seconds d’être passé de mouvement

politique religieux à une entreprise commerciale.

La deuxième rupture est économique. La domination économique israélienne commence en

1967. Elle a transformé l’économie de la bande de Gaza en auxiliaire des intérêts israéliens.

Surtout le « de-development » empêche la Palestine de se doter d’une économie forte et

indépendante capable de soutenir un mouvement politique palestinien indépendant puisque les

citoyens sont pied et poings liés à Israël. La rupture qu’à représenter l’économie des tunnels

est indéniable, puisque pour la première fois la Palestine a réussit à sortir de la prison

israélienne et s’est tournée vers d’autres partenaires. Evidemment, les économistes affirment

que le modèle des tunnels en tant que tel ne peut tenir et ne peut être un outil de

développement sur le long terme, mais la rupture est significative et mérite d’être pointée.

Enfin les tunnels ont joué un rôle important dans l’histoire de Gaza, puisqu’ils ont été le

moteur de la transformation des élites. On peut donc affirmer que les tunnels ont permis une

révolution copernicienne de la bande de Gaza, modifiant le rapport de domination que

détenait les israéliens, modifiant le personnel politique et les élites économique.

Cependant, en ce qui concerne les relations régionales, l’échec est important. Les tunnels ont

permis grâce aux réseaux et aux connexions mais aussi à son poids économique de donner au

Hamas un véritable levier d’influence sur toute la zone de la péninsule du Sinaï. Ce qui est

déjà absolument incroyable pour une enclave soumise à un blocus. Les liens obscurs entre la

branche armée du Hamas et Wilayat Sinaï, l’intransigeance de Sissi et d’Israël vont entamer

cette réussite et mettre le Hamas sur la défensive, l’obligeant à se retrancher sur son enclave.

A partir de la mi-2013, les tunnels sont redevenus ce qu’ils étaient avant, faibles et en nombre

limités. Cette situation plonge la population dans une situation encore inconnue où la brutalité

du blocus se voit tous les jours. Pour reprendre les chiffres de 2016, les maisons d’au moins

100 000 personnes ont été détruites ou gravement endommagées (17 200 foyers). Ce chiffre

est près de 270% plus élevé que le chiffre enregistré pendant l’opération israélienne « Plomb

durci » en 2008/2009. 238 000 personnes ont trouvé refuge dans 82 écoles de l’UNRWA, 36

000 dans des bâtiments gouvernementaux (notamment des écoles), d’autres sont hébergés

chez des parents, familles d’accueil, dans des salles communautaires, des entrepôts, des

mosquées, des bureaux et des organisations communautaires locales ou vivent dans la rue.

Les Nations unies estiment que 17 200 familles (soit environ 103 200 personnes) dont les

maisons ont été totalement détruites ou fortement endommagées ont besoin de kits de biens

non alimentaires d’urgence. Pour rappel, la première utilisation des tunnels était la

reconstruction de l’enclave. En ce qui concerne la question de la sécurité alimentaire On

Page 63: Le_contre-blocus_de_la_bande_de_Gaza-_un (1)

63

estime que 100 000 personnes dont les maisons ont été détruites ou gravement endommagées

ont besoin d’une aide alimentaire. Cependant, c’est toute la population de Gaza qui a été

touchée par la fin des tunnels et la quasi-totalité a besoin de nourriture et d’autres aides sur le

long terme. Les pénuries d’électricité limitent la capacité de stockage des produits frais tant

pour les magasins que pour les ménages. Le prix de certains produits alimentaires a augmenté,

y compris ceux des fruits frais, des légumes et des œufs, en raison des dommages occasionnés

aux fermes et aux terres agricoles. L’eau de la méditerranée que Sissi a utilisé pour noyer les

tunnels a détruit assez fortement les terres agricoles aux alentours de Rafah. Plus de 4000

animaux doivent être alimentés pour prévenir la perte des moyens de subsistance. Le cessez-

le feu a permis une distribution plus sûre et plus efficace de colis alimentaires en 2014.

L’UNRWA et la FAO fournissent une aide régulière à plus d’un million de personnes, à

laquelle s’ajoutent des distributions exceptionnelles par ces institutions et le Ministère des

Affaires sociales. Les ONG locales et internationales distribuent aussi des vivres, notamment

dans les écoles. La population de Gaza est redevenue complètement dépendante des aides

internationales. Pour l’eau, au moins 180 000 personnes ont un accès restreint à l’eau. Le

manque d’électricité et de carburant restreignent aussi l’approvisionnement en eau. L’ONU et

d’autres organismes sont inquiets des risques de maladies liés au manque d’accès à l’eau. De

graves pénuries de médicaments et de fournitures médicales entravent la prestation de santé,

en particulier ceux liés aux situations d’urgence, les opérations et les unités de soins intensifs.

Les 29 hôpitaux de travail fonctionnent grâce à des générateurs de secours qui ont besoin de

carburant. 15 hôpitaux et 16 centres de santé endommagés nécessitent reconstruction. Le

manque de chirurgiens spécialisés limite l’appui médical aux blessés. Les cliniques publiques

dans les zones où se trouvent les personnes déplacées ont du mal à répondre à la demande.

Des milliers de personnes vivent dans des lieux surpeuplés (écoles, des abris de fortune).

Enfin au moins 373 000 enfants ont besoin de conseils et de soutien psychosocial. Des

milliers de restes explosifs de guerre se trouvent dans les zones bâties, ce qui pose un risque

important pour les enfants, les agriculteurs, les travailleurs humanitaires et les personnes

déplacées internes qui retournent chez eux139. La situation est telle que certains analystes se

posent maintenant la question sur la possibilité que le Hamas puisse perdre Gaza dans un

futur proche140

139 http://ccfd-terresolidaire.org/infos/paix-et-conflits/point-sur- la-situation-4735 140 http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2016/03/fatah-threats-retake-gaza-hamas-by-

force.html#

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64

Glossaire.

Abdel Fattah al-Sissi : Nommé ministre de la Défense après la révocation du maréchal

Tantawi en 2012, il est nommé vice-Premier ministre l’année suivante, après avoir soutenu le

coup d’Etat militaire du 3 juillet 2013 contre le président Mohamed Morsi. Il se démet de ses

fonctions gouvernementales le 26 mars 2014 pour se présenter à l’élection présidentielle du

28 mai suivant, qu’il remporte avec 96,1 % des suffrages, bien que l’issue de ce scrutin soit

contestée.

Accords D’Oslo : Série d’accords dans le cadre du processus de paix israélo-palestinien,

initié au début des années 1990. La déclaration de principes est signée le 13 septembre 1993,

à Washington, par Yitzhak Rabin et Yasser Arafat, en présence du président Bill Clinton. Ces

accords établissent une Autorité Palestinienne au pouvoirs limités et un découpage de

territoires palestiniens en trois zones (A, B et C) avec différents niveaux de contrôle israélien

et le principe d’un transfert progressif aux Palestiniens. Les grandes questions (frontières,

statut de Jérusalem, colonies, réfugiés) sont volontairement remises à plus tard. Le processus

échoue à créer un Etat palestinien indépendant.

Ahmed Jaabari : ll a été le chef de des brigades Izz Al Din al Qassam, branché armée du

mouvement politico-religieux palestinien du Hamas. Ahmed est devenu commandant et chef

exécutif de la branche armée en 2003. Il a été tué le 14 novembre 2012 lors d’une frappe

aérienne, au début de l’opération militaire israélienne « Pillier de défense ».

Autorité Palestinienne : L’Autorité nationale palestinienne voit le jour le 4 mai 1994, à la

suite des accords d’Oslo, pour administrer de manière autonome les habitants palestiniens de

Cisjordanie et de la bande de Gaza. Elle a un président et une assemblée élus au suffrages

universel ainsi qu’une police (mais pas d’armée). Son contrôle s’étend sur 18% du territoire

(zones A) pour les questions civiles et de sécurité et sur 23% pour les questions civiles

uniquement (zones B). Depuis que le Hamas s’est emparé de la bande de Gaza, l’Autorité

palestinienne par Mahmoud Abbas, se limite à la seule Cisjordanie.

Brigades Al-Qods : Branche armée du Djihad islamique.

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65

Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa : Milices armées issues du Fatah, jouissant d’une large

autonomie. Nées avec le déclenchement de la seconde intifada, en 2000, elles paniquent les

attentats-suicides et les tirs de roquettes sur Israël depuis la bande de Gaza et figurent sur la

liste noire des organisations terroristes de l’Union Européenne et des Etats-Unis.

Brigades Izze Al Din Al-Qassam : Branche armée du Hamas. Elles tirent leur nom du

Cheick Ezzedine Al-Qassam, précurseur de la lutte nationale palestinienne dans la Palestine

dans la Palestine mandataire britannique des années 1930. Composés de 5000 à 10000

hommes, bien entrainés et bien équipés, les Brigades Qassam sont considérées comme une

petite armée. Théoriquement voués à la lutte contre Israël, ces combattants sont souvent

utilisés par le Hamas dans la répression intérieure.

Erez (Passage de) : Principal point de passage entre Israël et la bande de Gaza. L’accès au

terminal est réservé aux personnes munies d’un permis israélien. Le passage est fermé pour

les Palestiniens depuis le 12 juin 2007, à l’exception d’un nombre limité de négociants, de cas

humanitaires et de patients médicaux.

Fatah : Parti historique de Yasser Arafat fondé en 1959. Le mouvement prend de

l’importance après la guerre des Six jours de 1967 et l’occupation par Israël de la Cisjordanie,

de Gaza et de Jérusalem-Est. Le Fatah installe ses quartiers à Beyrouth avant d’en être chassé

en 1982 par les israéliens pour trouver refuge à Tunis. Revenu dans les territoires palestiniens

avec les accords d’Oslo en 1994, il est la composante dominante de l’Organisation de

libération de la Palestine (OLP) et de l’Autorité palestinienne. Le chef actuel du Fatah est le

président palestinien, Mahmoud Abbas.

Force exécutive : Force de police créée par le Hamas lors de son arrivée au pouvoir à Gaza

en 2006 pour contrebalancer les forces de sécurité palestiniennes jugées trop liées au Fatah.

Composée de 15000 hommes, elle est chargée des tâches de police dans la bande de Gaza.

Front populaire de libération de la Palestine : Mouvement nationaliste et marxiste crée en

1967 par Georges Habaches, projetant l’édification d’une Palestine égalitaire entre Juifs et

Arabes mais intégrée dans la nation arabe. Le FPLP appartient à l’OLP, mais a refusé les

accords d’Oslo. Dans les années 1960 et 1970, le FPLP a participé à plusieurs détournements

d’avion. Il est placé sur la liste des organisations terroristes des Etats-Unis et de l’Union

Européenne.

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66

Gaza-ville : Ville la plus peuplée de la bande de Gaza avec 520000 habitants ? Sa fondation

est estimée aux envions de 1500 avant J.C. Elle est mentionnée dans la bible comme le lieu de

la capture de Samson par les Philistins et de sa mort. La position géographique de Gaza sur la

route côtière entre l’Egypte et le Levant en fait un pôle stratégique et un important centre

commercial, maintes fois convoité e t assiégé. En 1994, Yasser Arafat s’installe à Gaza

comme président de l’Autorité palestinienne. La ville connaît une période de prospérité avec

la construction de tours et d’hôtels luxueux sur le front de mer, jusqu’au déclenchement de la

seconde intifada, en septembre 2000.

Gilad Shalit : Soldat israélien capturé le 25 juin 2006 par des groupes armés palestiniens

lors de l’attaque d’un poste militaire près du terminal de Kerem Shalom, à la frontière de la

bande de Gaza, via un tunnel. L’attaque a été revendiquée conjointement par le Hamas, les

Comités de résistance populaire et l’Armée de l’Islam, un groupe crée fin 2005. Le Hamas

demande la libération d’un millier de prisonniers palestiniens, en échange du soldat maintenu

en détention secrète. Le soldat est libéré en octobre 2011.

Hamas : « Zèle » en arabe. Acronyme de « Harakat Al-Mouqawama Al-Islamiya ».

Mouvement de la résistance islamique. Fondé en décembre 1987 à Gaza par le Checik

Ahmed Yassine, il s’inspire de l’idéologie des Frères musulmans pour le retour à un islam

strict mais dans le cadre de la cause palestinienne. Le Hamas a construit sa popularité sur un

réseau d’œuvres caritatives qui portent assistance aux Palestiniens les plus pauvres. En 1994,

il déclenche la première d’une série d’attentats-suicides sur des civils israéliens, en

représailles au massacre de Palestiniens à Hébron. Opposé aux accords d’Oslo, il n’appartient

pas à l’OLP et ne reconnaît pas l’existence d’Israël. Le Hamas s’est attaché à faire dérailler le

processus de paix par de nombreuses attaques et attentats. Le mécontentement populaire à

l’égard de la corruption du Fatah et du blocage du processus de paix lui permet de remporter

les élections législatives de 2006. Affaibli en Cisjordanie, il contrôle fermement la bande de

Gaza et s’est graduellement rapproché de l’Iran qui lui apporte notamment un soutien

financier.

Hassan Al banna : Fondateur des Frères Musulmans, Hassan Al banna n’est pas un ouléma,

mais un simple instituteur très affecté par la domination anglaise sur son pays et les influences

jugées corruptrices de l’Occident matérialiste. Sa prise de conscience de la nécessité d’une

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67

renaissance islamique en Egypte s’inscrit dans la postérité intellectuelle des réformistes

musulmans, pour qui le principal remède au déclin des sociétés arabes réside dans un retour

au modèle des pieux ancêtres.

Hosni Moubarak : Vice-président de la République arabe d’Egypte au moment de

l’assassinat d’Anouar el Sadate, il lui succède le 14 octobre 1981, après la tenue d’une

élection. Hosni Moubarak reste au pouvoir jusqu’à sa démission contrainte, le 11 février

2011, conséquence de la révolution égyptienne.

Intifada : Insurrection palestinienne « soulèvement » en arabe. La première intifada dite

« révolte des pierres », en référence à l’arme des jeunes palestiniens contre les soldats

israéliens, a éclaté en décembre 1987 et s’est achevée avec les accords d’Oslo en 1993. Une

seconde intifada, également appelée « Intifada Al-Aqsa », a éclaté le 28 septembre 2000 après

l’échec des pourparlers de paix et la visite d’Ariel Sharon, alors chef du Likoud, sur

l’esplanade des mosquées. Ce second soulèvement est dominé par des groupes armés

palestiniens ayant recours aux attentats-suicides et des opérations militaires israéliennes très

violente.

Ismaël Haniyeh : Ancien Premier ministre (Hamas) du gouvernement d’union nationale avec

le Fatah, du 21 février 2006 au 14 juin 2007, et actuel chef du gouvernement Hamas dans la

bande de Gaza.

Jabaliya : Principal camp de réfugiés palestinien, situé à l’extrémité nord de la bande de

Gaza, près de la frontière avec Israël. Place forte du Hamas. Sa population de plus de 100000

habitants pour une superficie de seulement 1,4 Km2 en fait l’un des endroits les plus

densément peuplés du monde. C’est là que la première intifada a éclaté.

Jihad Islamique : Plus petit que le Hamas mais encore très actif, le Jihad islamique a été

fondé en Egypte à la fin des années 1970 par des étudiants palestiniens dissidents du

mouvement des Frères Musulmans qu’ils trouvaient trop modéré et pas suffisamment

concerné par la cause palestinienne. Le groupe mène une guerre sainte contre « l’Etat

sioniste », et souhaite fonder une république islamique à l’image de celle de l’Iran.

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68

Karni : Principal point de passage pour les marchandises. Le terminal est fermé depuis le 15

juin 2007. Il a fait l’objet de plusieurs attaques par des militants palestiniens.

Kerem Shalom : Point de passage des marchandises. Il est actuellement l’unique point

d’entrée permettant d’acheminer des marchandises et de l’aide humanitaire d’Israël à Gaza.

Les palettes de marchandises sont déposées et récupérées sans aucun contact entre israéliens

et palestiniens.

L’Association des Frères musulmans : Il s’agit d’un mouvement né à Ismaïlia en Egypte en

1928. Les Frères musulmans entendent instaurer le règne de la Loi de Dieu (Shari’a). Leur

mot d’ordre fondamental : « le Coran est notre Constitution », implique le recours aux rares

notions politiques contenues dans le Livre. Ainsi le pouvoir exécutif sera-t-il confié à un

calife émanant de la communauté (umma) qui devra prendre conseil (shura) auprès d’un

certaine nombre de ‘ulama et de notables. En matière économique, les Frères prônent

l’interdiction de l’usure et le remplacement de l’impôt sur le revenu par l’aumône légale

(zakaf). Le puritanisme qu’ils revendiquent rejette la mixité, l’alcool et les jeux de hasard. Les

frères attachent du reste plus d’importance à la réforme morale de la société qu’à l’élaboration

d’un véritable programme politique, comme si la seule vertu des hommes garantissait le

fonctionnement harmonieux de la communauté.

Le couloir Philadelphie : Il s’agit d’un couloir longeant la frontière entre Gaza et l’Egypte.

Il commence au niveau de la mer méditerrané et arrive jusqu’au Poste de Kerem Shalom.

C’est dans ce couloir que se trouve la majorité des tunnels, notamment au milieu, sur 8

kilomètres.

Le Protocole De Paris : En avril 1994, l’OLP et le gouvernement israélien signèrent un

protocole sur les relations économiques, dit « Protocole de Paris ». Le Protocole de Paris créa

une semi-union douanière entre Israël et les territoires occupés palestiniens. Par cet accord, il

revenait à Israël de définir un régime douanier externe commun ainsi que d’autres éléments de

la politique commerciale, alors que l’Autorité Palestinienne (AP) se voyait octroyer une

autonomie limitée dans la mise en œuvre de ces politiques. L’AP se voyait permise d’imposer

son propre tarif et ses normes pour une quantité limitée de marchandises, consistant

majoritairement en biens de consommation échangés avec la Jordanie et l’Egypte, ainsi que

d’autres pays, arabes et musulmans ou autres. La quantité de ces biens fut fixée en fonction

Page 69: Le_contre-blocus_de_la_bande_de_Gaza-_un (1)

69

des besoins domestiques des Palestiniens, afin d’éviter leur déversement en Israël. Pour un

dernier groupe de biens, majoritairement des machines et des produits semi- finis, l’ANP

devait pouvoir fixer ses propres droits de douane, sans qu’aucune limite ne soit imposée sur

les quantités importées ou celles qui pourraient être réexportée vers Israël.

Les accords de Camps David : Dans le cadre du conflit israélo-arabe et dans celui de la

recherche de la paix, alors que les Etats-Unis et l’Union soviétique sont en train d’organiser

une conférence à Genève, le président égyptien Anouar el-Sadate, pressé de parvenir à une

paix rapide avec Israël pour des raisons de politique intérieure, décide d’agir. Le 19 novembre

1977, il reconnaît l’Etat d’Israël dans une allocution prononcée à la Knesset (Parlement

israélien) et demande en échange le retrait israélien des territoires conquis en 1967 ainsi que

la reconnaissance des droits des Palestiniens, c’est-à-dire de leurs droits fondamentaux,

notamment le droit à l’autodétermination et la mise en place d’un Etat indépendant.

Mohamed Dahlan : Né à Gaza en 1961 dans le camp de réfugiés de Khan Younis. Il devient

chef du mouvement de jeunesse du Fatah (Ash Shabiba), qu’il contribue à mettre sur pied en

1981. Il est emprisonné 11 fois par les Israéliens entre 1981 et 1986, pour son appartenance au

mouvement. Il apprend l’hébreu pendant son incarcération et, une fois libéré, termine ses

études de gestion à l’Université islamique de Gaza. Il est aussi impliqué dans les négociations

secrètes qui menèrent aux Accords d'Oslo en 1993 et à la création de l’Autorité palestinienne.

Dahlan revient à Gaza avec Yasser Arafat en 1994, où il obtient le poste de chef des Forces

de Sécurité Préventive de la Bande de Gaza. Homme clé du régime d’Arafat en 1994 et 2007,

il perd le contrôle de l’enclave en juin 2007 et doit s’enfuir en Egypte. Homme intrigant,

intelligent et ambitieux, il est adulé ou détesté. Certains l’accusent de travailler plus pour les

intérêts américains que pour la Palestine. Il connaît à l’heure actuelle des difficultés politiques

mais son nom est souvent cité pour prendre la tête de Gaza si le Hamas en perd le contrôle.

Mohamed Morsi : Président du Parti Liberté et Justice, formation politique issue des Frères

Musulmans, il représente les couleurs du parti islamiste à l’élection présidentielle qui suit la

révolution de janvier 2011, il l’emporte, au second tour, sur l’ancien Premier ministre Ahmed

Chafik avec 51,73 pour cent des voix, et devient ainsi le premier président élu

démocratiquement en Egypte et le premier civil à occuper ce poste. Il est investi cinquième

président de la République arabe d’Egypte le 30 juin 2012. Mohamed Morsi est renversé par

un coup d’Etat organisé par l’armée, le 3 juillet à la suite d’un vaste mouvement populaire

protestataire.

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70

Nakba : « Catastrophe » en arabe. Journée annuelle de commémoration de la création de

l’Etat d’Israël, le 15 mai 1948, et de l’expulsion massive des Palestiniens lors de la guerre qui

a suivi. Au total, plus de 700000 personnes ont dû quitter leurs terres. Quelque cinq cent

villages palestiniens ont été détruits.

No man’s Land : Zone militaire interdite le long des 55 kilomètres de frontière avec Israël

(du côté palestinien). Fixée initialement à 50 mètres par les accords d’Oslo, cette zone tampon

a été étendue par l’armée israélienne à 150 mètres après le retrait israélien de 2005, puis à 300

mètres en mai 2009. Dans les faits, elle peut aller jusqu’à un kilomètre et absorbe, selon les

Nations unies, 30% des terres cultivables.

OCHA : bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies

OLP : Fondée en 1964, l’organisation de libération de la Palestine regroupe plusieurs

organisations palestiniennes dont la plus influente est le Fatah. Considérée par Israël comme

une organisation terroriste jusqu’aux accords d’Oslo, l’OLP est reconnue internationalement

comme l’unique représentant légitime des Palestiniens et dispose d’un siège à l’ONU en tant

qu’observateur. Depuis 1988, son objectif est de créer un Etat palestinien en Cisjordanie, dans

la bande de Gaza et à Jérusalem-Est.

Opération Plomb Durci : Nom de code de la vaste offensive israélienne menée du 27

décembre 2008 au 18 janvier 2009 dans la bande de Gaza, en réplique aux tirs de roquettes

des groupes armés palestiniens. L’expression fait référence à un poème traditionnel de la fête

de Hanoukka, la fête juive des Lumières. L’offensive a fait 1415 morts palestiniens et 5 570

blessés, ainsi que 13 morts israéliens dont 9 soldats.

Rafah (terminal de) : Poste frontière entre l’Egypte et la bande de Gaza, fermé depuis le 10

juin 2007. L’Egypte ouvre parfois le passage de manière exceptionnelle, pendant quelques

jours, pour un nombre limité de personnes.

Roquette Qassam : Roquette artisanale composée d’un tube d’acier rempli d’explosifs,

développée par la branche militaire du Hamas « Izz Al din al-qassam ».

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71

Salafisme : Mouvement fondamentaliste sunnite qui prône un retour à l’islam des origines,

celui des « pieux prédécesseurs » appelé « Salaf » ou « ancêtre » en arabe. Les salafistes

rejettent toute interprétation postérieure à la révélation de Mahomet et refusent toute influence

occidentale, en particulier la démocratie et la laïcité, qu’ils accusent de corrompre la foi

musulmane.

Salam Fayyad : Ancien du Fond monétaire international, il a été le premier ministre

palestinien entre 2007 et 2013.

Shekel : Monnaie israélienne (1 shekel vaut environ 0,2 euro). C’est également la devise

utilisée à Gaza et en Cisjordanie.

Tsahal : Acronyme de « Tsava Haganah l’Israël » force de défense d’Israel,désignant l’armée

israélienne depuis 1948.

UNRWA : Agence de secours et de travaux des Nations-Unies pour les réfugiés de

Palestine dans le Proche-Orient. Fondée en 1949 pour porter assistance aux réfugiés

palestiniens, elle est aujourd’hui la plus grande agence des Nations unies avec un personnel

de plus de 25000 membres. Son mandat devait être temporaire, mais elle demeure le principal

dispensateur d’éducation, de santé, d’aide et de services sociaux dans la bande de Gaza.

L’UNRWA est responsable des camps de réfugiés, dirige 221 écoles et fournit de l’aide

alimentaire à 80% des Gazaouis.

Wilayat Sinai : Créé en 2011, dans le désert reliant l'Egypte à Israël, à l'origine pour s'en

prendre à l'Etat hébreu, ce groupe a prêté allégeance à L’Etat Islamique en Irak et au

Levant en novembre 2014. Jusque là appelé Ansar Bayt al Maqdis (les partisans de

Jérusalem), il est alors devenu Wilayat Sinai, « la province du Sinaï » Ces opérations de

déstabilisation menées contre l'armée, devenues de plus en plus fréquentes depuis la chute du

président islamiste Mohamed Morsi à l'été 2013, constituent l'essentiel des faits d'armes du

groupe terroriste, qui les a poursuivi sur le même mode après avoir rejoint le giron de Daesh.

Des attaques légères sont en effet recensées chaque semaine, tandis que des opérations mieux

préparées et plus meurtrières interviennent environ tous les trois mois. Un de ces leaders est

Shadi Al Manei. Bédouin du nord-Sinaï, il fut trafiquant avant de se convertir en prison. Les

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72

accusations d’alliance entre le Hamas et Wilayat reposent en grande partie sur des vidéos

montrant Shadi Al Manei se faire soigner à l’hôpital de Gaza. L’auteur n’a pu voir ni des

vidéos ni même des images.

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73

Carte de la bande de Gaza.

http://www.geographie-sociale.org/carte- 1

Page 74: Le_contre-blocus_de_la_bande_de_Gaza-_un (1)

74

Vue satellite du sud de la bande de Gaza et du corridor Philadelphie.

www.defense-update.com/analysis/images/r 1

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75

Schéma d’un tunnel type de Rafah.

arirusila.files.wordpress.com

Zone de patrouille égyptienne à la frontière entre Gaza et Rafah.

Mohamed El Sherbey Al-Jazeera

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76

Mur de séparation de Rafah : les tunnels passent en dessous.

Paolo Pellegrin

Page 77: Le_contre-blocus_de_la_bande_de_Gaza-_un (1)

77

L’entrée des tunnels 1

Paolo Pellegrin

L’entrée des tunnels 2

Paolo Pellegrin

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78

A l’intérieur des tunnels 1.

Paolo Pellegrin

A l’intérieur des tunnels 2.

Paolo Pellegrin 1

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79

A l’intérieur des tunnels 3

Paolo Pellegrin

A l’intérieur des tunnels 4

Paolo Pellegrin

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80

A l’intérieur des tunnels 5

Paolo Pellegrin

A l’intérieur des tunnels 6

Paolo Pellegrin

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81

A l’intérieur des tunnels 7

Paolo Pellegrin

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82

Sortie des tunnels 1

Paolo Pellegrin

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83

Sortie des tunnels 2.

Paolo Pellegrin

Sortie des tunnels 3

Paolo Pellegrin

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84

Sortie des tunnels 4

Paolo Pellegrin

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85

Sortie des tunnels 5

Paolo Pellegrin

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86

Chargement en direction de Gaza-city

Paolo Pellegrin

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87

Construction 1

Paolo Pellegrin

Construction 2

Paolo Pellegrin

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88

Construction 3

Paolo Pellegrin

Les tunnels sous les fameuses bâches blanches

Reuters

Page 89: Le_contre-blocus_de_la_bande_de_Gaza-_un (1)

89

Entrée d’un tunnel dans une maison à Rafah

IDF

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90

Carte de la péninsule du Sinaï

carte libre de droit.

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91

Les tribus du Sinaï : on note l’important contingent de Tarabin de part et d’autre de la frontière entre l’Egypte et Gaza.

Egypt’s Sinai Question

Crisis Group Middle East/North Africa Report N°61, 30 January 2007 Page 28

APPENDIX C

SINAI BEDOUIN TRIBES153

153 This map, which is printed by kind permission of Saqi Books, is from Bedouin Poetry: From Sinai and the Negev, by Clinton

Bailey, © Saqi 1991 and 2002. It shows the approximate distribution of Bedouin tribes and is not exhaustive. Two tribes do not

appear: the Malalha group is located in the center of North Sinai, in north of Tayaha territory; the Dbur tribe is located south west of

Al-Nakhl locality. Crisis Group is grateful for review by Rudolf De Jong, author of A Grammar of the Bedouin Dialects of the

Northern Sinai Littoral: Bridging the Linguistic Gap Between the Eastern and Western Arab World (Brill, 2000), Crisis Group

interviews, June 2006 and January 2007.

Page 92: Le_contre-blocus_de_la_bande_de_Gaza-_un (1)

92

Location des attaques du 1er juillet 2015 de Wilayat Sinaï, le long du nord-Sinaï entre El

Arish, Sheikh Zweid et Rafah. Ce long chemin est le cœur de l’insurrection du Sinaï.

understandingwar.org

Page 93: Le_contre-blocus_de_la_bande_de_Gaza-_un (1)

93

Attaques de Wilayat Sinaï, janvier 2015, même zone de combat : le nord-Sinaï.

Isisstudies

Le Maréchal Al-Sissi.

Reuters

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94

Ismaël Haniyeh.

Nouvel observateur.

Logo du groupe Wilayat Sinaï

Reuters

Page 95: Le_contre-blocus_de_la_bande_de_Gaza-_un (1)

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FILM DOCUMENTAIRE.

Rue Abou Jamil réalisé par Alexis Monchovet et Stéphane Marchetti

Page 101: Le_contre-blocus_de_la_bande_de_Gaza-_un (1)

101

Table des matières.

1. Les Tunnels : outils au service du Hamas…………………………………...

1.1 Les Tunnels avant le Hamas………………………………………………

1.1.1 L’émergence des tunnels entre 1979 et 1994………………………………………………….

1.1.2 Le début du succès entre 1994 et 2007……………………………………………………….

1.2 Les tunnels après l’arrivée du Hamas……………………………………..

1.2.1 La recherche d’une porte de sortie, l’option égyptienne………………………………………

1.2.2 Les attributs d’un Etat…………………………………………………………………………

1.2.3 Les clés du coffre-fort…………………………………………………………………………

1.3 Une activité risquée……………………………………………………….

1.3.1 Des voisins en colère………………………………………………………………………….

1.3.2 Des critiques en interne……………………………………………………………………….

2. Les tunnels : d’une réponse au blocus au bouleversement des structures

sociales……………………………………………………………………………

2.1 Coopérative, avantages et désavantages……………………………………

2.1.1 La mise en place des coopératives………………………………………………………………

2.1.2 Les avantages des tunnels : une réponse partielle à la crise humanitaire……………………….

2.1.3 Les désavantages des tunnels : un développement impossible………………………………….

2.2 Première expérience de Gaza hors du « de-development »………………...

2.2.1 Le concept du « de-development »……………………………………………………………...

2.2.2. Sortie du « de-development »…………………………………………………………………..

2.3 Les tunnels : acteurs d’une nouvelle transformation des élites…………….

2.3.1 Les élites locales traditionnelles déchues……………………………………………………….

2.3.2 Les rentes de la sous-traitance…………………………………………………………………..

2.3.3 Les nouvelles élites au temps des tunnels……………………………………………………….

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3. Les tunnels : acteurs des relations régionales……………………………….

3.1 Les tunnels, outils d’influence régionale………………………………….

3.1.1 Le Hamas ou la recherche d’une influence……………………………………………………

3.1.2 L’extension des réseaux du Hamas : l’exemple du trafic d’armes……………………………

3.2 L’insurrection du Sinaï et les tunnels……………………………………..

3.2.1 Les origines de l’insurrection………………………………………………………………….

3.2.2 L’extension égyptienne de la « guerre contre le terrorisme » à Gaza et la fin des tunnels……

Conclusion………………………………………………………………………

Glossaire…………………………………………………………………………

Annexes…………………………………………………………………………

Bibliographie……………………………………………………………………